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BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE,
ANCIENNE ET MODERNE
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DE L'IMPRIMERIE D'EVERAT,
RUE DU CADRAN, N°. l6.
BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE,
ANCIENNE ET MODERNE,
ou
HISTOIRE, PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE, DE LA VIE PUBLIQUE ET PRIVEE DE
TOUS LES HOMMES QUI SE SONT FAIT REMARQUER PAR LEURS ECRITS ,
LEURS ACTIONS, LEURS TALENTS, LEURS VERTUS ET LEURS CRIMES.
OUVRAGE ENTIÈREMENT NEUF,
RÉDIGÉ PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES ET DE SAVANTS.
Oa doit des égards aux vivants ; on ne doit aux morts
que la vérité. ÇVoi,i:. , première Lettre sur OEdipe.)
TOME CINQUANTE-UNIÈME.
A PARIS,
CHEZ L.-G. MICHAUD, LIBRAIRE -ÉDITEUR,
PLACE DES VICTOIRES , N°. 3.
1828. '
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SIGNATURES DES AUTEURS
DU CINQUAINTE-UNIÈME VOLUME.
MM.
MM.
A.
De Barante.
L — s E.
Lasalle.
A-D— R.
Amar-Ddrivier.
L-T-L.
De Lally-Tolekdal.
A.R— T.
Abel-Rémusat.
L-T.
Lécdt.
A— s.
AUCDIS.
M-D j.
MiCHAUD jeune.
A— T.
H. AUDIFFRET.
M— LE.
Mentellb.
B-C-B.
Badiche.
M— ON.
Marron.
B-r.
De Beauchamp.
M— s— i^.
De Maussion.
B— ss.
Boissonade.
P-OT.
Parisot.
C-K.
Clavier.
P-RT.
Philbert.
C-S-A.
CoRRÉA DE Serra.
p— s.
Périès.
D-C-T.
De Chazet.
Q.Q.
Quatremèrb de Quincy
D—És.
Després.
R-C-D.
RiCHERAND.
D_G.
Depping.
R—'D—ic.
Renauldin.
D. G— o.
De Gérando.
S.D.S— T
. SiLVESTRE DE SacY.
D— R— R.
DCROZOIR.
S-R.
Stapfer.
E~s.
Eyriès.
St-t.
Stassart.
F. P— T.
Fabieit Pillet.
S-v-s.
De Seveliwges.
G— CE.
Gence.
T— D.
Tabaraud.
G-Y.
Glet.
U— I.
USTÉRI.
H-ON.
HÉRISSON.
V, C-N.
Victor Cousin.
H— Q_N.
Hennequin.
V-G-R.
ViGtIER.
Kl-h.
Klaproth.
V— N.
VlLLEMAIK.
L.
Lefebvre-Cauchï.
W~s.
Weiss.
L-KE.
Letronnk.
z.
Anonyme .
BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE.
w
Wi
INGIIESCOMBE. P^oy. Wins-
HECOMB.
WINGKELMANN ( Jean), théo-
logien protestant , ne eu i55i , à
Homberg dans la liesse, d'une famille
patricienne, iit ses études à Marpourg,
et visita les académies de Heidelbcrg,
de Tubingue, de Strasbourg et de
Bâle , où il reçut , en 1 58 1 , le
grade de docteur. Nommé chape-
lain de la cour de Cassel , il ré-
signa cet emploi en lôcji , pour
se livrer à l'enseignement, et fut
pourvu d'une chaire vacante à l'a-
cadémie de Marpourg. Lors de la
création de l'université de Giessen
(1607) , il y passa, sur Tin vitation
du Landgrave , avec le titre de pre-
mier professeur de théologie. Il rem-
plit plusieurs fois les fonctions de
recteur de cette académie naissante,
et contribua beaucoup à fixer son
rang parmi les premières écoles théo-
logiques de l'Allemagne. Celle de
Marpourg étant presque abandonnée,
on voulut essayer de lui rendre son
ancien éclat ; et en i623 Winckel-
'mann fut invité à venir y reprendre
sa chaire. Malgré son grand âge, il
consentit à se déplacer ; mais il ne
tarda pas à retourner à Giessen ,
où il mourut le 3 avril 1626.
Il avait été marié quatre fois ,
et avait eu dix-huit enfants ) mais
une seule de ses filles lui survé-
cut. Outre des Oraisons funè-
bres, des Thèses, et un grand
nombre d'écrits polémiques eu latin
et en allemand, on a de lui des Com-
mentaires sur les douze petits pro-
phètes ; sur les Évangiles de saint
Marc et de saint Luc ; sur l'Apoca-
lypse de saint Jean , et enfin , sur les
Epîtres de saint Pierre , de saint
Jacques et quelques-unes de saint
Paul. Ces Commentaires ont été in-
sérés dans le Thésaurus ei^angeli-
cus et apostolicus de Hunnius, pu-
blié par Feustking. On trouvera
la liste des autres ouvrages de Winc-
kelmann dans le Theatrum de Fre-
her, 427-28 ] et son portrait , plan-
che XI. W — s.
WINGKELMANN (Jean- Juste),
historien, fils du précédent, était né
le 20 août 1620 à Giessen. Après
avoir fait ses études à l'académie de
cette ville , et pris ses degrés en droit ,
il s*appliqua sans relâche à la recher^
che des documents historiques , et
parcourut l'Allemagne, pour extraire
des bibliothèques les matériaux dont
il se proposait de faire usage. Honoré
des titres de conseiller et d'historio*
■1 WIN
graphe des landgraves de liesse , il
obtint l'cntrcedc leurs nrcliives, et
la communication d'une foule de piè-
ces importantes • mais préoccupe de
l'esprit de système, qui était si com-
mun à cette époque, et d'ailleurs dé-
pourvu de toute critique, il ne sut pas
en tirer le parti convenable. Aussi ses
ouvrages , quoique remplis d'érudi-
tion , sont-ils relégués dans la pous-
sière des blbliotlièques , et consultés
seulement de quelques savants. Cet
liistorien mourut en 1697. ^^^ ^^^^
de lui : I. Hortiis et arhor philoso-
phiœ sivears per propriam indaga-
tioncniy et ex rébus ruralibus aliquid
discendi; accessit consiliiim de or-
dine studioriim rectè instituendi ^
etc. , Darmstadt, 1662 , in-i 2. L'au-
teur y renvoie, p. 121 , à deux ou-
vrages qu'il avait publiés précédem-
ment : Relationes ex Pamasso de
arte reminiscentiœ , Marpourg^
1648, Proteus y Oldenbourg. II.
De principibus Hassiœ et eorum
gejiealogid , Giessen , i663 , in-
8^. m. Arhoretum genealogicum
heroum europœorum , ostendens
qiioinodo omnes ferè europœi prin-
cipes ex iinicd OÏdenhurgicdfamilid^
et guident à Dieterico Fortunato
dejluant y Oldenbourg, 1664, in-
fol. Cet ouvrage est précédé d'une
dissertation sur l'importance et l'u-
tilité des études généalogiques, IV.
Cœsarologia y sive quartœ monar-
chiœ descriptio à Jul. Cœsare ad
împerium risque Leopoldi , etc. ,
Leipzig, 1666 , in-80, 5 ibid., 1728,
in-12, ljg. C'est un abrégé de l'his-
toire de l'empire d'Allemagne. On
lui reproche d'être trop succinct.
Quoique le titre soit latin, l'ouvrage
est écrit en allemand. V, Notitia
historico-poUtica veterum Saxo-
iVesphalum,finitimarumque regio -
num , IV libris ahsoluta , Olden-
WIN
bourg , 1667 , in-4°. , ouvrage rare et
recherché, s'il faut en croire lesbiblio-
graphes allemands. VI. Belation (en
allcm. ) des événements dont le
comté d' Oldenbourg a été le théâ-
tre depuis i6o3 jusqu à 1667 , ib. ,
1671 , in-fol. VII. Histoire (en al-
lemand) des principautés de Bruns-
wick et de Lunebourg , ibid. ,1677,
in - folio. VIII. Slemmata ducum
hrunswicensium , ib. , 1688 , in-fol.
Ce titre latin cache encore un ouvrage
allemand. IX. Solida declaratio
originis ThuringorumÇen allemand),
Brème, 1694^ in-S». Winckelmann
trouve que les habitants de la ïhu-
ringe descendent des Doriens, qui
s'étant établis dans la Basse-Allema-
prnc y fondèrent Dordrecht , et don-
nerent leur nom atout le pays voism.
X. Description des principautés de
Hessc et de Hersfeld ^ ibid. , 1697,
in-fol. (allem.). La mort de Fauteur
ayant suspendu l'impression , lors-
qu'on voulut la reprendre il fut ira-
possible de trouver la suite de soi
manuscrit. Le libraire , après avoi
attendu long - temps , publia l'ou-
vrage dans l'état qu'il avait été laiS'
se, et reproduisit les cinq premièreî
parties avec un nouveau frontispice
1 7 1 1 . Comme la sixième partie avail
été annoncée, de ce qu'elle ne voyai
pas le jour on tira la conclusioi
qu'elle avait été supprimée par ordr*
du landgrave de Hesse ; et cette opi
nion , adoptée par Lenglet-Dufrcsnoj
( Méthode d'étudier V histoire ^ pre-
mière édit. ) , fut confirmée par le té
moignage de Vogt(<7fl5f . libr. rarior.)
et des autres bibliographes allemands
Cependant cette sixième partie ayan
été déterrée par Bernhard , archi-
viste de Hanau , il la fit imprimer
sans aucun empêchement, à CasseL
1754, in-fol. On trouve une bonm
analyse de cet ouvrage dans les Act(
WIN
eruditor. lipsiens. , année 1758 ,
3()6-7 I. Maigre les fables qui le dé-
parent, et de trop fréquentes digres-
sions , il est curieux par les recher-
ches , et mérite encore d'être lu.
W— s.
WINCKELMANN(i) (Jean ou
Jean-Joachim), un des plus illustres
antiquaires des temps modernes, était
le fils unique d'un pauvre cordon-
nier de Steindall, ville de la vieille
Marche de Brandebourg. 11 naquit
dans cette ville le 9 décembre 17 17,
et non , comme l'ont écrit ses pre-
miers historiens, au commencement
de janvier 1 7 1 8. 11 reçut au baptême
les prénoms de Jean-Joachim ; mais
dans la suite ces noms , résonnant
peu harmonieusement à son oreille
délicate , lui déplurent au point qu'il
omit le dernier dans les titres de
tous ses ouvrages , et qu'il aurait
S eut-être pris le même parti à l'égard
u premier , si la forme plus douce
ou plus sonore qu'il a dans la langue
italienne ( Giovanni ) ne l'en eût dé-
tourné. Cette circonstance, en elle-
même si frivole , nous semble digne
d'être mentionnée , comme une des
preuves de l'extrême susceptibilité de
Winckelmann sur le beau , en quel-
que genre et sous quelque forme que
s'offrissent à lui les objets destinés à
produire l'impression de beauté. Ce-
pendant cette susceptibilité ne se dé-
veloppa que graduellement et avec
l'âge. Si dès le berceau il eût manié
le burin , la palette , et qu'entou-
ré d'artistes il eût à -la -fois con-
templé de beaux ouvrages et enten-
du des conversations instructives
sur les arts , il n'eût sans doute
(1) Ou écrit commun «'ment Winkchnanii ,
probablement d'après l'orlbograplifi aJlomandc ,
qui substitue A à ck et : à iz. Mais TVïnckel-
mann signait toujours avec les deux lettres , «Jt
aftectait d'écrire ainsi son nom, où d'autres s'obs-
naient dès-lors à ue point admettre le c.
WIN 3
pas tardé à montrer à quoi la na-
ture l'avait destiné, et à s'écrier
comme le Corrége : Son pittor an-
ch'io. Mais il devait se passer bien
des années avant que les circons-
tances le révélassent soit aux au-
tres, soit à lui-même. Dans sa jeu-
nesse , il ne se distingua sensiblement
de ses camarades que par sa mé-
moire , sa persévérance et un amour
du travail qui l'attirait également
vers toutes les branches de l'instruc-
tion. Telle était dès-lors l'aptitude du
jeune étudiant que son père, malgré
son extrême pauvreté , s'imposa en-
core des privations et des sacrifices
déplus d'un genre, pour subvenir
aux dépenses que nécessitait l'éduca-
tion primaire de son fils , espérant
qu'il pourrait un jour le voir par-
venir à une place de diacre ou de
pasteur dans l'Eglise. Malheureuse-
ment ces sacrifices, qui ne pouvaient
avoir qu'un temps , cessèrent plus
lot que tous deux ne l'avaient re-
douté. Le père , accablé d'ans et
d'infirmités , se trouva obligé de dis-
continuer ses travaux , pour entrer
dans un hôpital où il devait passer le
reste de ses jours ; et Winckelmann,
abandonné à lui-même , serait bien-
tôt entré en apprentissage dans un
atelier, s^il n'eût pas trouvé des se-
cours dans la bienveillance du recteur
du collège de Steindall. Toppert, c'é-
tait le nom de ce respectable vieil-
lard, avait été charmé des disposi-
tions précoces autant que du zèle d'un
élève qu'il regardait comme un pro-
dige, et auqueliln'avait guèreà rej)ro-
clier que le peu d'attention que celui-
ci apportait aux leçons de théologie.
Il adoucit considérablement en sa fa-
veur la sévérité des conditions pécu-
niaires, et lui accorda une des places
de choristes , ce qui , joint au prix des
leçons de lecture que le jeune Winc-
I..
4 WIN
kcljiiaim donnait à des camarades
bcaucoii]) plus jeunes , le mit en e'ta*^
de participer au bienfait d'une ins-
truction plus relevée. Par la suite
Toppert devint aveugle , et dcs-lors
sa maison fut ouverte au disciple
favori qui fut le secrétaire , le
lecteur et le guide en mcnie temps
que le commensal de son bienfaiteur.
II est inutile d'ajouter que , si dans
cette nouvelle situation il se comporta
à l'égard du vieillard avec une ten-
dresse vraiment fdiale, il eut l'avan-
tage, déjà précieux à ses yeux, de
puiser sans cesse soit dans l'entretien,
soit dans la bibliothèque du recteur
de quoi meubler de plus en plus son
beureusc me'moire et développer son
intelligence. La bibliothèque du col-
lege^ administrée antérieurement par
Toppert, se trouva naturellement
confiée à ses soins. Il usa amplement
du privilège qu'il avait de l'explo-
rer dans tous les sens^ et en peu
de temps les auteurs classiqiics de
Rome et de la Grèce lui devinrent
familiers. Il est à remarquer cepen-
dant que dès cette première époque il
n'affectionna que les véritables mo-
dèles. Dèmosthènes lui plut par sa
simplicité concise , énergique et sé-
vère ; Cicéron , par l'art exquis
avec lequel s'arrondissent les con-
tours harmonieux de ses phrases
toujours élégantes et moelleusement
cadencées. Mais c'est principale-
ment aux deux patriarches de la
littérature grecq'ie, au plus ancien
des poètes et au plus ancien des
prosateurs, qu'il voua un culte poussé
plus tard jusqu'à l'idolâtrie. Les for-
mes si belles et si pures de cette lan-
gue ionienne , premier dialecte cul-
tivé par des hommes de génie ,
et du mètre héroïque qui fut le
langage des Homérides , et que Ton
croit sentir encore en lisant la pro-
WÏN
se homérique d'Hérodote , étaient
pour lui les symboles de la beauté
à laquelle aspiiait son intelligence y
et qu'il ne put contempler que trente
ans plus tard dans les chefs-d'œuvre
enfantés par la main des artistes
grecs. Une preuve que cette tendance
à la contemplation des merveilles de
l'art existait déjà en lui^ c'est qu'il
entraînait souvent ses jeunes cama-
rades dans le voisinage de Steindall ,
pour y fouiller dans les sablonnières ,
et que quand il avait trouvé quelque
urne ou quelque lampe dont les for-
mes décelaient l'origine vraiment
hellénique ou romaine, il rappor-
tait en triomphe , et appendait
avec vénération dans la bibliothè-
que , les fragments souvent muti-
lés qu'il venait d'arracher à la M
terre. On a vu et probablement on f
voit encore à la bibliothèque de
Seehausen deux urnes antiques , tro- ^
phées d'une de ces excursions. Il est
même certain que dès le temps de
son séjour chez Toppert il puisa
dans un recueil alors en vogue
( V Académie de la noblesse ) des
notions sur la vie , les talents et
le caractère des principaux peintres j
ce qui suppose nécessairement quel-
que goût pour les arts du dessin
ainsi que quelque connaissance de
l'art lui-même. Quoi qu'il en soit, à
l'étude des langues anciennes qu'il
préférait hautement à sa langue ma-
ternelle , alors étrangère à cette ri-
chesse et à cette flexibilité dont elle
fut quelque temps après dotée par
d'habiles écrivains , et par Winckel-
mann lui-même , notre jeune étu-
diant joignait celle de la philo-
sophie, des antiquités, de la géo-
graphie, et principalement de l'his-
toire ancienne. Arrivé à l'âge de
seize ans ( 1733 ), il obtint de son
protecleui" Sa permi
d'aller à
WIN
Berlin commencer ce que l'on ap-
pelle en Allemagne les cours acadé-
miques. 11 paraît néanmoins que ce
n'elait point sa première absence, et
qu'antérieurement à ce voyage il
avait été à l'école de Saltzvvedel ,
dans la régence de Magdebourg. Mais
Tunique document oii il soit question
de cette circonstance est une let-
tre du 23 juin 175^ , où il n'nidique
point avec assez de précision à quelle
époque elle se rapporte. Recomman-
dé au recteur du gymnase de Kolln ,
et encouragé par quelques personnes
qui prirent intérêt a lui , il revint à
son ancien rôle d'instituteur en sous-
ordre. Bientôt le recteur d'un autre
collège ( Baakcn ) lui conlia la sur-
veillance de ses enfants, et en re-
vanche lui oiï'rit cliez lui le loge-
ment et la table. Ainsi, disciple et
maître tour-à-tour, Winckclmann se
mit à même d'économiser de petites
sommes qu'il envoyait à son père ,
toujours conilné dans l'hospice de
Steindall par ses infirmités. Au bout
d'un an , ïoppert le rappela dans sa
ville natale , et lui lit donner la pla-
ce de chef des choristes. Le soir,
Winckclmann se joignait à ceux des
pauvres écoliers que l'on voit en Al-
lemagne chanter dans les rues des can-
tiques et des motets j et de cette ma-
nière il parvenait à grossir les minces
tributs que tous les mois sa piété li-
liale allait remettre à son père. Qua-
tre ans se passèrent encore ainsi.
Toujours éloigné de l'oisiveté, sans
s'astreindre à aucune méthode et
sans suivre un plan d'études que
personne d'ailleurs n'aurait été ca-
pable de tracer pour une tête si
singulièrement et si richement or-
ganisée , Winckclmann avait pas-
sé en revue, bien superficiellement, il
est vrai , presque toutes les scien-
ces humaines. Les bibliothèques
WIN 5
de Steindall n'avaient plus rien à
lui apprendre ; il était urgent qu'il
sortît de cette ville pour se rendre à
un des foyers de lumière de l'Alle-
magne. D'ailleurs , l'instant appro-
chait où il lui faudrait choisir un état
et se plier à un genre de vie. Lui-
même voyait arriver ce moment
avec effroi. Quelle était alors sa pen-
sée secrète, son but , son espérance?
C'est ce que rien ne peut nous faire
deviner. On voit seulement que l'idée
seule du ministère évangélique l'é-
pouvantait. Déterminé cependant à
ne vivre que pour la science, dé-
daigneux des honneurs et peu dési-
reux des richesses qu'il ne chercha
pas même quand il lui eut été facile
d'en acquérir, comment la vie d'un
ministre du cul te pouvait-elle lui ins-
pirer tant de terreur? Il faut s apposer
qu'instinctivement il prévoyait que
l'Allemagne n'était point son élé-
ment , qu'il ne devait point s'enchaî-
ner à cette contrée par des liens de
fer ! Une inquiétude vague , mais
constante et irrésistible , le portait
sans cesse vers un autre but , d'au-
tres sciences , d'autres contrées ; ou ,
ainsi qu'il l'exprime lui-même avec
une éloquente naïveté , c'était « com-
» me une démangeaison incertaine
)) dont ou ne peut attraper l'endroit
» quand on se gratte. » Ces oscilla-
tions d'un génie qui est une énigme
pour lui-même, se manifestèrent
encore bien plus pendant les deux
ans qu'il passa dans l'université de
Halle. Nous ne reviendrons point ici
sur les détails pénibles et presque
toujours les mêmes de sa pauvreté
et sur les moyens par lesquels il se
soutenait. Mais il est intéressant de
voir comment il travaillait. Les cours
publics , objet principal des pèleri-
nages académiques, cessèrent bien-
tôt d'attirer son attention. Parmi les
C) WiN
liommfs cuiments dont se glorifiait
ruiiivcrsite , aucun ne sentait , ne
pensait , ne disait ce qui eût captive
Winckelraann , ce qui eût fécondé
son imagination, éclairé son génie,
formulé ses pensées encore confuses
et informes. Personne non plus ne se
douta que le nouvel élève fut un
liomme supérieur à ses condisciples.
Beaucoup de mémoire et de persévé-
rance , partant beaucoup d'érudi-
tion, ne sont point des qualités rares
chez nos voisins d'outre Rhin. Igno-
ré et mécounu , Winckelmann vi-
sitait assidûment les bibliothèques ,
€t, ainsi que pendant les dernières an-
nées de son séjour à Steindall, abor-
dait successivement les sciences les
plus éloignées, les plus disparates.
Homère même et Hérodote, malgré
les grâces de leur harmonie ravis-
sante , malgré la magie d'un style
enchanteur et le charme qui respire
dans chacune de leurs périodes , ces-
saient de suffire aux besoins d'un es-
prit qui rêvait un autre beau. Alors,
il passait des fictions riantes de la
poésie aux problèmes les plus ar-
dus des mathématiques et de la haute
géométrie' approfondissait les don-
nées de l'histoire, et par elle arrivait
à la jurisprudence féodale , à la poli-
tique , au droit civil j passait quel-
quefois des semaines entières le scal-
pel à la main ou sur les énormes in-
folio des commentateurs d'Hippo-
crate* jetait même un coup-d'œil sur
les Manuels théologiques destinés
à former le ministre luthérien; et
enfin revenait au tableau plus doux
des soupirs d'Andromaque et des
larmes de Crésus. On l'a souvent
entendu dans la suite parler d'un
Commentaire qu'il avait rédigé à
cette époque sur l'historien d'Hali-
carnasse, mais que probablement il
perdit dans un de ses déplacements.
WIN
Le goût des voyages le tourmenta
aussi; et chez lui ce n'était point ,
ainsi que chez tant d'autres, une
vaine curiosité ou le désir de voir du
pays. Beaucoup plus jeune, il avait
très-sérieusement songé à se rendre
en Egypte pour y admirer ce qui
reste de la grandeur des Pharaons et
des fi!s de Lagus, pour examiner
les Pyramides , les obélisques et
les sphinx. Plus tard,, nous le ver-
rons entreprendre à pied le voya-
ge de Paris. Pour aller à Rome,
que ne fit-il pas? Il abjura avant
d'y paraître pour la première fois :
il fut assassiné en s'y rendant avec
une célérité imprudente pour la se-
conde. Et quel était alors le plus ar-
dent de ses vœux ? la vue d'Olympie.
Arracher un firman à l'insouciance
de la Porte , fouiller le Stade et l'Al-
tis, soustraire à la dégradation et à
l'oubli les restes enfouis des statues
de Phidias et de Lysippe^ tel était le
but d'un homme qui ne respirait que
pour l'art. Ne nous étonnons donc
pas que peu après son arrivée à Hal-
le, il ait, avec quelques camarades,
été visiter la superbe galerie de Dres-
de , lors du mariage de la princesse
de Saxe avec le roi des Deux-Siciles.
Il est inutile de réfuter l'hypothèse de
ceux qui prétendent qu'ilnese rendaità
Dresde que pour chercher un emploi.
Cette conjecture ne s'appuie sur au-
cun document ; et d'ailleurs comment
Winckelmann eût-il espéré obtenir à
Dresde, où personne n'avait entendu
parler de lui, ce que dans la suite il
sollicita vainement, et à Halle et à Gôt-
tingue , où Ton connaissait son érudi-
tion. Fatigué du régime trop frugal
qu'il suivait à l'université (il n'existait
qu'aux dépens de ses compatriotes
plus riches qui se cotisaient en sa fa-
veur , et ne vivait le plus ordinairement
que de pain et d'eau ), il fit deman-
I
WJN
dcr par quelques amis , entre autres
par l'illustre Gessner de Gottinguc ,
une place convenable à ses moyens.
Nous ignorons à quel poste il préten-
dait. On peut présumer que son am-
bition n'envisageait point un but très-
c'ievé. Néanmoins il est sûr que les sol-
licitations de ses protecteurs ne furent
point couronnées de succès , et qu'a-
près un séjour de deux ans à l'univer-
sité de Halle , Winckelmann se trouva
heureux d'entrer en qualité de jn'é-
cepteur chez un bailli du pays d'Hal-
Ijerstadt. Sa patience et sa modéra-
tion , inaltérables avec les enfants ,
et généralement avec quiconque était
exempt de prétentions ridicules , le
rendaient assez propre à s'acquitter
d'un emploi qu'on sait n'être ordi-
nairement qu'un esclavage déguisé;
mais il n'était pas là dans sa sphère :
il lui eût fallu au moins un docte en-
tretien , de bons livres , ou , à défaut
de l'un et de l'autre , la liberté de la
solitude. Les devoirs de sa place ,
d'une part, de l'autre les convenan-
ces de la société , rendaient à-peu-
près impossible l'accomplissement
de ce souhait modeste. Aussi à pei-
ne les économies de quelques mois
l 'eurent-elles mis en fonds, que la
manie des voyages se réveillant en
lui s'empara de nouveau de toutes
ses pensées , et qu'il se mit en route
à pied pour la capitale de la France.
Heureusement il sentit bientôt la fo-
lie ou la témérité de son entreprise.
Outre l'exiguité des ressources avec
lesquelles il s'éloignait de sa patrie,
l'ignorance complète des principes de
la langue française devait bientôt l'ar-
rêter; etde plus la guerre vint à éclater
au moment même où il se dirigeait
vers les frontières. Il fut donc obligé
de revenir après avoir poussé jus-
qu'à Gelnhausen, près de Francfort-
sur-le-jMciu , et il se rendit de non-
WIN 7
veau à Halle, où Ton ne tarda pas à
lui trouver une place semblable à
celle qu'il venait de quitter. C'est
encore en qualité de précepteur que
nous le voyons entrer auprès des en-
fants de M. Stollmann , capitaine de
cavalerie, en garnison à Oslerbourg, ^
et de là chez le grand-bailli Lam-
precht, à Hcimersleben. Chez ce der-
nier il fît la connaissance d'un nom-
mé Boysen de Seehauseu , qui , com-
me tous les hommes capables d'ap-
précier dignement le mérite , fut
frappé de sa vaste érudition; aussi
quelques mois après , quittant pour
un poste plus considérable le co-rec-
torat delà ville qu'il habitait, Boysen
offrit au savant helléniste de le faire
agréer pour son successeur. Winckel-
mann accepta, et fut accepté. Avant
d'aller plus loin , il est bon de savoir
qu'un co-recteur n'est guère plus
qu'un maître d'école, et touche au
moins aussi souvent à l'Abécédaire
qu'au Cornélius-Népos ou aux Fa-
l)les de Phèdre. Qui ne croirait d'a-
près cela que les habitants de Sce-
hausen auraient été pénétrés de re-
connaissance pour Boysen, qui cer-
tes avait bien phis songé aux avanta-
ges de la ville qu'à ceux de Winc-
kelmann , en lui assurant sa succes-
sion? On lui reprocha au contraire
d'avoir songé bien plus aux intérêts
de son ami qu'à ceux de la ville. Se
Ion les uns, le nouveau professeur
était trop peu communicatif et trop
sérieux : selon les autres , ses expli-
cations ne convenaient point à son
auditoire : tous auraient voulu qu'il
prêchât; et, ce qui était plus grave
que les reproches et les réflexions des
bourgeois de Seehausen , les écoliers
diminuaient. Il n'est pas impossible
que pendant les premiers temps de
son professorat , Winckelmann , en-
core sans expérience de l'enseigne-
8 WIN
ment public, et surtout d'un en-
seignement si décidément élémentai-
re, se soit trouve autant au-dessous
qu'il était réellement au-dessus des
fonctions minutieuses auxquelles le
sort l'avait condamne'. Mais cette
espèce d'infériorité ne dut être que
de quelques instants ; et, effective-
ment , nous voyons que , dans les
dernières années de son séjour à
Seehausen, on avouait qu'il s'ac-
quittait de ses devoirs en conscien-
ce j qu'il faisait preuve de patience
ainsi que d'exacte justice dans le gou-
vernement de sa classe; qu'enlin,
chose raréfies enfants comprenaient,
apprenaient quelque chose avec lui.
On aurait pu ajouter à ces louanges,
qu'il ne cessait jamais de travailler. Il
est vrai que la plupart de ces travaux
n'avaient qu'un rapport indirect avec
les études primaires en vogue dans
l'école de Seehausen. Couvrir de no-
tes marginales un Sophocle , un
Euripide , un Juvénaî , était un luxe
d'érudition bien superflu pour le
magister qui faisait épelerles Fables
d'Ésope^ et dont les élèves les plus
habiles écrivaient avec orgueil sous
sa dictée un thème sur les règles
du que retranché. Il est même per-
mis de s'étonner qu'au milieu d'oc-
cupations aussi insipides , Winckel-
mann ait pu ne point perdre à jamais
cette imagination ardente, rapide,
créatrice, que lui avait départie la
nature , et qui était si peu en
harmonie avec sa tâche journalière.
Remarquons de plus que les soins de
sa classe l'occupaient douze heures
par jour. Mais son infatigable per- ,
sévérance savait encore trouver du
temps. A peine libre de tout souci
scolastique , il reprenait ses lectures
favorites , méditait , écrivait , faisait
des extraits. A minuit, il s'endor-
mait sur une chaise. Réveillé à qua-
WIN
tre heures , il rallumait sa lampe et
se remettait au travail jusqu'à six
heures , instant auquel il retournait
près de ses disciples. Décidé quelque-
fois à abréger encore le temps de
son sommeil , il ne fermait les yeux
qu'après s'être attaché au pied une
sonnette dont le moindre mouvement
l'éveillait. Au surplus , c'est là que
ses idées commencèrent à se régula-
riser et à prendre une forme particu-
lière. Il élimina du système de ses
études futures le droit , les mathéma-
tiques et la médecine , pour se livrer
exclusivement à la littérature et aux
arts. Il se prononça de même contre
la philosophie , et principalement
contre les discussions aussi subtiles
qu'arides de la métaphysique , alors
l'objet d'un engouement universel
depuis que Wolf avait fondé sa théo-
rie. Néanmoins Platon ne fut point
enveloppé dans cet arrêt de pros-
cription • et ce fut au contraire à
cette époque qu'il commença à se
nourrir de la lecture de ses dialo-
gues et à le mettre au nombre de ses
auteurs favoris. Mais l'harmonieux
fondateur de l'académie n'a de méta-
physique que les sujets qu'il traite :
son style si brillant, si riche , si mé-
lodieux , tout pittoresque et tout poé-
tique , aurait de quoi plaire à l'ama- ^
teur du beau , lors même que le beau ■
ne serait pas le fond de toutes ses m
pensées et de tous ses tableaux. Que
sera-ce^ si l'on songe que cette idée ^
respire dans tous ses écrits, et qu'il ■
semble n'avoir été inspiré que par
elle? Mais si Winckelmann négligea
l'ontologie et toute la partie des scien-
ces qui a avec elle une étroite parenté,
en revanche il étudia l'histoire moder-
ne que jusque-là il n'avait considérée
que superficiellement : il apprit aussi
les langues française , anglaise et ita-
lienne , qui lui furent d'une grande
WIN
utilité^ et dont la première lui procura
le plaisir de lire Voltaire , un des
écrivains qu'il goûtait le plus , quoi-
que généralement il n'aimât pas
sa manière d'apprécier les grandes
choses et de juger le beau. Cepen-
dant ces études solitaires ne pouvaient
produire de résultats ni pour son bien-
être , ni pour sa gloire ^ tant qu'il
resterait enfoui dans la poussière de
son co- rectorat: d'autre part, il
voyait des hommes bien plus jeunes
et bien moins habiles que lui le de-
vancer dans la carnère : son peu
d'habitude et d'usage du monde, l'in-
souciauce qu'il mettait à se produire
et à flatter ceux qui auraient pu de-
venir ses protecteurs , ne lui laissaient
même pas l'espérance de réussir par
l'intermédiaire de ses concitoyens
adoplifs. Déterminé à les quitter à
quelque pris que ce fût, il résolut de se
choisir un Mécène. Le comte de Bu-
nau, auteur d'une histoire estimée de
l'empire d'Allemagne, histoire qui
venait d'être publiée , et dont l'appa-
rition faisait grand bruit dans le
monde littéraire , lui sembla être
l'homme qu'il cherchait. Il lui
adressa , du fond de sa retraite ,
une missive respectueuse, où après
lui avoir montré avec combien
de zèle il s'était abîmé dans l'étude
des belles-lettres , et s'être plaint de
l'ingratitude d'un siècle tout méta-
physique , insensible aux beautés de
la littérature, il le priait de le placer
dans un coin de sa bibliothèque pour
copier les anecdotes ou pièces inédi-
tes qui devaient figurer dans un sup-
plément , comme preuves de l'his-
toire de l'empire. Le comte sut
démêler dans la lettre , en assez
mauvais français , que lui envoyait
Winckelmann , un homme digne de
sa protection et de son amitié. Il lui
répondit aussitôt et lui proposa la
WIN 9
place de bibliothécaire-adjoint dans
sa terre de Nothcnitz où il faisait
ordinairement sa résidence , et où il
avait en effet une bibliothèque ma-
gnifique , qui dans la suite fut incor-
porée k celle de Dresde, et contribua
à rendre celle-ci une des plus célèbres
de l'Europe. Winckelmann se rendit
aussitôt à la terre de son nouveau
patron , et s'installa , avec la joie la
plus vive^ au milieu des trésors lit-
téraires que contenait le château.
Jusqu'à cette époque , il avait été
indécis sur la carrière à laquelle dé-
linilivement il se vouerait, et avait
reculé devant les ordres sans les
repousser pour jamais. Tout chan-
gea de face^ dès qu'il fut entré dans
l'opulente maison qu'il regardait com-
me le sanctuaire des arts : aEuscbie (2)
et les Muses, s'écriait-il dans son trans-
port , se sont disputé la victoire ;
enfin les dernières l'emportent ! » On
juge bien que, près du comte de Bu-
nau , Winckelmann ne fut point tel-
lement occupé qu'il n'eût le temps
de se livrer au travail pour lui-
même. Parmi beaucoup d'ouvrages
précieux qu'il compulsait avec son
ardeur ordinaire^ d'immenses et ma-
gnifiques collections de gravures dont
quelques-unes représentaient des bas-
reliefs, des statues et des monuments
d'architecture antiques ^ attirèrent
surtout son attention. De la con-
templation de celles-ci , il passait à
l'observation des ouvrages antiques
et modernes de Dresde. Il sentit alors
tout le mérite de Pausanias , dont la
description de la Grèce , si précieuse
pour le géographe, est bien autre-
ment intéressante pour l'antiquaire;
et il l'apprit en quelque sorte par
cœur à force de le relire. En même
(3) C'est-à-dire la religionjl'élat ecclésiastique.
EÙfféêeta en grec signifie la piété.
10 WIN
temps il se liait avec les hommes
distingues qui fréquentaient ou qui
visitaient la maison du comte , et
s'entretenait avec des artistes verse's
dans la pratique de leur art. Parmi
ces derniers il eut surtout à se louer
des talents comme de la complai-
sance d'OEser qui, pendant près d'un
an , lui servit de Cicérone et de Men-
tor. Hagedorn , Lippert et le célèbre
Hcyne se lièrent aussi avec lui j et les
discussions qu'ils eurent ensemble^
sur les classiques et les principes du
beau , ne tardèrent pas à faire écla-
ter l'enthousiasme j usqu'alors cache'
et le goût auparavant incertain de
Winckelmann. Dès ce moment il con-
çut, il posa, peut-être sans le savoir,
les principes deV Histoire de l'uért.
Enfin , en I •] 54 , le nonce du pape à
Dresde, M. Archiuto, étant allé visiter
la bibliothèque de ISothenitz , eut oc-
casion de voir et d'entendre Winc-
kelmann. C'est alors que frappé de
l'immensité et de la variété de ses
connaissances sur les arts , de la
justesse de ses jugements , de la
délicatesse de son goût, et de la
vérité de son admiration pour l'an-
tiquité ; a Vous devriez, dit-il, al-
ler à Rome. » Cette phrase , dont
sans doute celui même qui la pro-
nonçait ignorait l'importance, décida
le destin de notre antiquaire : c'é-
tait le mot de l'énigme. Dès-lors ,
ainsi qu'Archiraède de son problè-
me , Winckelmann put dire de
son talent, de sa vocation : Je Vai
trouvé! Dès-lors aussi l'Italie de-
vint le but exphcite et clair de
tous ses désirs. 11 obséda le nonce ,
qui d'ailleurs lui avait déjà fait en-
trevoir la perspective d'être biblio-
thécaire du Vatican. Mais le rusé
Italien, voyant combien le protégé
du comte de Bunau desirait jiartir,
traînait en longueur ; alléguait tantôt
WIN
un prétexte, tantôt un autre, se re-
tranchait derrière des promesses va-
gues , lui disant qu'il ne manquerait
de rien , qu'on lui trouverait de l'em-
ploi, etc. , etc. Cependant Winckel-
mann avait quitté la terre de Nothe-
nilz , et pensait sérieusement à pren-
dre un parti. Alors Archinto lui dé-
clare qu'il ne peut se présenter devant
Sa Sainteté sans avoir renoncé au
protestantisme- Il l'envoie ensuite
tout désolé au P. Rauch , confesseur
du roi de Pologne^ et, peu de jj ours
après, l'abjuration a lieu , sans bruit,
au palais du nonce. Il serait diffi-
cile de justifier ici l'excessive do-
cilité du catéchumène* car personne
ne supposera que sa conversion ait eu
pour cause ou une forte conviction de
l'insuffisance du protestantisme pour
être sauvé, ou une piété exaltée. Si
quelqu'un était tenté de le croire ,
qu'il lise la lettre écrite par notre au-
teur au comte, peu après cet événe-
ment , et principalement cette phrase
qui la termine : a Je me jette en es-
prit aux pieds de votre excellence,
n'osant m'y offrir en personne. J'es-
père que ce cœur plein d'humanité,
qui daignait tolérer mes nombreux
défauts, portera de moi un jugement
charitable. Où est l'homme dont les
actions sont toujours sensées? Les
Dieux , dit Homère , ne distribuent à
l'homme qu'une dose de raison pour
chaque jour » Il nous semble que
ce ton et ces citations homériques
n'ont rien qui caractérise un néophy-
te bien ardent. Néanmoins nous ne
nous rangerons point du parti de
ceux qui dans le temps l'accusèrent
d'hypocrisie , et encore moins lui im-
puterons-nous un honteux amour du
lucre. D'abord , et en thèse générale ,
l'abjuration d'un protestant ne res-
semble nullement à celle d'un catho-
lique, puisque la profession de foi du
WIN
premier, selon ses coreligionnaires
eux-mêmes, n'est point nécessaire au
salut. Ensuite nous sommes bien con-
vaincus que Winckelmann, dont la
seule passion vive était le désir de
voir l'antique, se laissa facilement
éblouir par des argumentations dont
le fond se réduisait à ceci : « Voulez-
vous voir FApollon du Belvédère, la
Venus de Médicis, les Faunes, les
Muses, Silène, etc.? abjurez. » Loin
de balancer à obéir, il eût obéi de
même à tout autre qui lui eût fait,
au même prix^ une proposition ana-
logue^ et , si lors du projet qu'il mé-
dita pendant les dernières anne'es de
sa vie , il n'eût fallu , pour obtenir
du grand - seigneur l'autorisation de
faire des fouilles sur les rives de l'Al-
pbe'e et dans l'Hippodrome d'OJym-
pie, que la soumission de Winckel-
mann à la loi du propliète , il nous
semble certain que , sans calcul et
sans se rendre compte à lui-même
de son motif, il eût coifïc sa tê-
te du turban des Orientaux. Ne
voyons donc ici que de la faibles-
se. Winckelmann avait peut - être
la monomanie encore plus que l'a-
mour de l'art, ou du moins l'amour
de l'art était devenu chez lui une
monomanie. Les dernières scènes
de sa vie nous en convaincront.
Le comte de Bunau, loin de lui
faire des reproches , se borna à
publier combien il était afflige de le
perdre , et à le féliciter sur la carriè-
re qui s'ouvrait devant lui. Un an
entier se passa encore avant que
notre prosélyte partît pour Rome.
Deux causes concoururent à ce dé-
lai. D'abord il voulait , avant de
quitter l'Allemagne , savoir à fond
tout ce qu'il était possible d'apprendre
en cette contrée , soit relativement à
la théorie, soit relativement à la pra-
tique. Les conversations d'OEser , au-
WIN II
près duquel il demeura presque pen-
dant tout ce temps , lui furent pour
cela d'un grand secours. Ensuite il
tenait à satisfaire le nonce, qui, en
partant pour Vienne, lui avait con-
seillé de composer quelque ouvrage
capable de donner au public une idée
de ses talents , et de l'annoncer à
Rome. L'avis était sensé ; et Winc-
kelmann , en s'y conformant , publia
ses Béjlexions sur Vimitalion des
ombrages grecs dans la sculpture et
dans la peinture y Bresàc et Leipzig,
1756, in - 4*>. Ce début lui valut
de nombreux applaudissements^ et
dès-lors son nom fut recommandé à
la renommée. Bientôt même, comme
l'ouvrage n'avait été tiré qu'à un
très- petit nombre d'exemplaires, et
que beaucoup de lecteurs voulaient
se le procurer , il en donna une se-
conde édition, mais avec des aug-
mentations considérables, pour ré-
pondre à une critique qui avait paru
presque sur-le-champ , et sous ce ti-
tre : Éclaircissements des Béjlexions
sur Vimitation des ouvrages grecs
dans la peinture et dans la sculp-
ture y et réponse à la lettre critique
de ces Réflexions y Dresde et Leip-
zig, 1756, in -4^. Nous donnerons
plus tard des détails sur cette der-
nière composition, que pour l'ins-
tant il nous suffit de mentionner,
comme le premier pas de Winckel-
mann dans une route nouvelle. Il par-
tit ensuite pour Rome, où il eut l'at-
tention de ne point arriver en même
temps que le nonce, de peur de paraî-
tre son prosélyte, et pour ne point
avoir l'air de mendier hypocritement,
sous ses auspices, les bonnes grâces du
pape et des cardinaux. Plein de con-
fiance dans les promesses qu'on lui
avait faites , dc'pourvu de toute espè-
ce d'ambition, à moins qu'on ne
donne ce nom au désir qu'il avait de
11
se créer une re'piitation , ou plutôt de
faire revivre celle des artistes an-
ciens , et se contentant pour vivre du
plus strict ne'cessaire , il ne demanda
rien aux nombreux amis que ses let-
tres de recommandation et son me'-
rite lui procurèrent en peu de temps.
Présente à Benoît XTV, au commen-
cement de 1756 , il ne sollicita de la
munilicence du ponlife que la com-
munication des manuscrits grecs du
Vatican. Sa seule ressource était une
pension de cent écus que lui faisait
le P. Raucli , ami sincère de son
catéchumène ; mais cette modique
somme , jointe à l'avantage qu'il
avait d'être logé gratis au palais de
la chancellerie , lui suffisait à Ro-
me. Ainsi établi dans celte ancienne
et splendide spoliatrice du monde,
il passa un an entier à visiter les
monuments de tous les genres , les
sculptures échappées à la faux du
temps, les bas -reliefs, les pierres
gravées, les médailles, les vases et
ustensiles rassemblés à grands frais
dans les collections du Vatican ou
des particuliers. Il lit aussi connais-
sance avec plusieurs artistes célèbres
et avec les amateurs les plus distin-
gués de la capitale de l'Italie. A la
tête des premiers il faut placer l'il-
lustre Mengs , avec lequel il contracta
une étroite amitié , et dont les leçons
contribuèrent quelquefois à éclairer
son goût encore timide et peu exercé.
Parmi les seconds, nous distingue-
rons le spirituel cardinal Passionei ,
qui eut bientôt apprécié le rare ta-
lent de Winckelmann , et qui mit à sa
disposition tonte sa bibliothèque , et
un autre cardinal non moins cher
aux amis des arts , Alexandre Alba-
ni , dont nous aurons souvent à par-
ler dans la suite de cet article. Au
milieu de ce cercle d'amis et des
modèles que Rome prodiguait à ses
regards , le modeste Winckelmann
menait la vie la plus délicieuse
à sou gré. « C'est ici , s'écriait-il ,
que je devais naître et que je de-
vrais mourir! » Abonné^ selon l'u-
sage, pour voir certaines statues, il
allait tous les jours visiter l'Apollon
ou le Laocoon. Il passait quelque-
fois des heures entières abîmé devant
un bras ou une tête antique. Sans
cesse il ajoutait à ses idées et rec-
tifiait ses premières conceptions.
« J'éprouve enfin, dit-il dans une
de ses lettres , que lorsqu'on ne parle
des antiquités que d'après les livres
et sans les avoir contemplées , ou ne
fait que tâtonner : j'ai déjà remar-
qué plusieurs fautes que j'ai commi-
ses 'y » et ailleurs ( Traité du senti-
ment du beau ) , après avoir expli-
qué les caractères de l'art et les va-
riétés du beau : a Mais on ne saurait
donner une clarté palpable à des
choses fondées sur le sentiment , et
c'est ici qu'il faut dire : Allez et
voyez ! » Il songea aussi dès cette
année à la rédaction d'un traité qui
aurait été intitulé : Vu goût des ar-
tistes grecs , et c'est dans le but
d'amasser les matériaux de cet ou-
vrage qu'il visitait perpétuellement
les débris de l'antiquité. Cependant
ce morceau ne prit jamais une forme
décidée, et ses idées s^élendant insen-
siblement à ce sujet, il finit par le
fondre dans son Histoire de VArt.
En 1 7 58, il fit deux voyages , l'un à
Naples où il fut accueilli avec la
plus grande ailabilité par le comte
de Firmian , ministre impérial , l'au-
tre à Florence, où l'appelait depuis
long-temps le savant baron de Stosch.
Cet illustre antiquaire était depuis
long-temps en correspondance avec
Winckelmann , et lui réitérait l'in-
vitation de passer quelques mois à
sa maison de Florence. Il venait de
WIN
mourir quand Winckelmann se ren-
dit à ses instances, autant pour par-
courir la Toscane et prendre con-
naissance par ses yeux des monu-
ments étrusques que pour voir Flo-
rence. Cependant outre les magnifi-
ques musées que cette ville renferme,
la galerie seule du comte pouvait
fixer ratlention d'un antiquaire. Un
seul atlas était estime u 4,000 fr. On
y voyait un superbe caîjinet de ca-
mées, et un autre de pierres gravées.
Winckelmann fut chargé d'en faire
le Catalogue que nous verrons figu-
rer plus bas au nombre de ses ou-
vrages les plus importants. Revenu
à Rome à la fin de l'année 1758 ,
Winckelmann cessa de toucher sa
pension que jusque-là lui avait en-
voyée le P. Rauch , et consentit à
entrer au service du cardinal Albani,
en qualité de bibliothécaire et d'ins-
pecteur des antiques. En ahénant
ainsi son indépendance , Winckel-
mann ne s'assujétissait pas bien for-
tement. Tout son travail consistait à
se rendre les après-midi à la magni-
fique villa que le cardinal venait de
bâtir dans le voisinage de Kome. Là
il méditait , lisait ou causait à son gré
avec son patron , n'étant que d(> temps
à autre dans l'obligation de donner
aux curieux des explications que pres-
que toujours l'éminence se faisait un
plaisir de communiquer de sa bou-
che. Du reste , il pouvait s'absen-
ter lorsque la fièvre des voyages le
reprenait. C'est ainsi qu'il fit encore
deux excursions à Naples , l'une
dans le carnaval de l'année 1762
avec le comte de Bruhl , l'autre deux,
ans après. Le but de ces deux pèle-
rinages était la vue des ruines d'Her-
culanum , de Stabies et de Pompeia,
ruines dont il donna quelque temps
après son retour la description dans
deux lettres, où, tout en expliquant à
WIN i3
sa manière certains monuments , et
en s'enthousiasmant sur l'importance
des découvertes, il s'exprimait assez
cavalièrement sur plusieurs employés
et plusieurs antiquaires. Ces saillies^
qui presque toujours portaient sur
un point vulnérable , et que dans son
admiration naïve du beau et de Tan-
tique il laissait échapper sans en
apercevoir les conséquences, irritè-
rent contre lui plusieurs amours-pro-
pres , et lui attirèrent des haines qui
heureusement ne nuisirent ni à sa
position dans le monde , ni à sa ré-
putation. En 1763 , il fut nommé
président des antiquités à Rome , et
ensuite bibliothécaire ( scrittore ) du
Vatican; mais il ne garda ce dernier
emploi que peu de temps , et finit par
le résilier tacitement en ne parais-
sant plus à la bibliothèque. Plusieurs
académies italiennes, et la société
dos antiquaires de Londres l'admi-
rent au nombre de leurs membres.
Enfin une foule d'étrangers de dis-
tinction, en arrivant à Rome, avaient
recours à lui pour qu'il les dirigeât
dans leurs visites et leur interprétât
les beautés de l'art qu'il avait si pro-
fondément étudiées et qu'il devait
si énergiquement décrire. II eût été
difficile de trouver un Cicérone ou
plus habile ou plus éloquent. La
complaisance de Winckelmann était
inépuisable, comme son érudition,
toutes les fois qu'il avait à conduire
de véritables amateurs. Mais lors-
qu'il apercevait dans ses nobles au-
diteurs l'ennui, les symptômes de
l'insouciance ou de l'insensibilité
en présence des beautés les phjs
hautes de l'art, il disait sècbement
adieu à des spectateurs moins hom-
mes , s'écriait-il , que ces marbres et
ces bronzes qui respirent sous leurs
yeux. Parmi les premiers , il se plut
surtout à vanter deux plénipoteu-
WIN
tiaircs anglais, VV. Ilamiltoii et lord
Storinont , le prince d'Aiihalt-Dessau
avec lequel il vécut presque sur le
pied de la familiarité , et le prince
Achille de Brunswick dont il resta
Tarai jusqu'à sa mort. Cependant la
composition de ses ouvrages l'occu-
pait presque continuellement , puis-
que, outre V Histoire de VArt ,
et les diverses publications dont
il a e'té question jusqu'ici , c'est
dans l'intervalle de 1760 à 1767
qu'il mit au jour tout ce qui figure
dans la collection complète de ses
OEuvres. Plus heureux dans cette si-
tuation qu'il n'avait jamais aspire' à
le devenir , on conçoit qu'il devait
rester insensible aux propositions
que lui firent plus d'une fois les di-
verses cours d'Allemagne. Vienne,
Berlin, Municli , Dresde, Bruns-
wick, Hanovre, essayèrent de l'atti-
rer ; mais les offres de tous les prin-
ces le trouvèrent inflexible dans sa
de'termination de passer à Rome le
reste de ses jours. Quelques historiens
assurent pourtant qu'il prêta l'oreil-
le aux propositions du roi de Prusse,
mais que par le conseil du colonel
Quintus Icilius ( V. Guischardt ) ,
il demanda le double de ce qui lui
avait ëte offert par le personnage
charge' de négocier cette affaire
( 2000 e'cus ). Frédéric trouva les
pre'tentions de l'antiquaire exorbi-
tantes, et ne re'pondit que par ces
mots : (c Mille e'cus ! c'est bien assez
» pour un Allemand. » Selon une au-
tre version , Frédéric aurait de pri-
me-abord offert de quinze cents à
deux mille écus ; mais Winckclmann
aurait lie'site' , et la négociation traî-
nant en longueur aurait fini par être
complètement oubliée. Si l'autre récit
est plus piquant et plus conforme aux
dédains affectes de l'ami de Voltaire
pour la prétendue pesanteur gcrmaui-
WIN
que , le dernier nous semble plus en
harmonie avec le caractère de notre
auteur, toujours de ])lus en plus atta-
che àritalie,etincapablc de la quitter
sans arrière-pensée ou sans espoir de
retour. Tout ce que les sollicitations
de ses anciens amis et des nobles
protecteurs que ses talents lui avaient
créés dans sa terre natale purent lui
arracher, se réduisit ^à la promesse
d'une tournée en Allemagne. Encore
son but principal était-il de détermi-
ner une souscription pour la fouille
d'Olympie. Telle était la forme sous
laquelle son imagination fertile en
projets lui offrait enfin le voyage en
Grèce. «Si le cardinal Sloppani était
pape, disait-il , ma cliimère serait
accomplie. » Mais cette chimère
n'était alors rien moins qu'irréalisa-
ble. Obtenir un firman de la Porte
était facile à une époque où il n'exis-
tait entre les cours allemandes et le
sérail que des relations amicales. Les
frais de fouilles et de transport n'é-
taient point au-dessus des moyens de
quelques patrons généreux, et de-
vaient d'ailleurs être pleinement com-
pensés par les résultats de recher-
ches habilement dirigées. Plein de
ces idées , W^inckelm ann se prépara
à partir • mais auparavant il voulut
visiter encore une fois les rues sou-
terraines d'Hcrculanum et le Musée
de Portici. Accueilli avec le respect et
les prévenances dus à sa réputation
il eut cependant à se plaindre des
entraves que lui imposait la bizarre
jalousie des antiquaires des Deux-Si-
ciles, entraves qui déjà gênantes lors
de ses deux premiers voyages devin-
rent insupportables pendant ce der-
nier. Il ne pouvait ni prendre note de
ce qu'il voyait ni même s'arrêter de-
vant les morceaux les plus dignes
d'admiration. Les cliefs du Musée re-
doutaient qu'il n'écrivît, qu'il ne dé-
WIN
créditât leurs explications. « N'iin-
» porte, dit-il , j'écrirai. » Et il au-
rait écrit en effet, sans la mort pré-
maturée qui vint interrompre ses
travaux. Enfin, l'instant fixe pour
son départ arriva. Winckelmann
quitta Rome, qu'il ne devait plus re-
voir, le 10 avril 17^^^, et s'avança
par les Alpesdans les gorgesdiiïyrol ,
accompagné du sculpteur romain Ca-
vaceppi. Mais à mesure qu'ils s'éloi-
gnaient de la capitale de l'Italie ,
Winckelmann cédait à une sombre
tristesse j et quand ils eurent perdu
de vue les dernières limites de l'état
de Venise , il resta abîmé dans une
profonde mélancolie. Les toits en
pointe, les chaumières environnées
comme d'une couronne de neige , le
ciel brumeux et noir des Alpes Ty-
roliennes, tout serrait son cœur qui
dans d'autres temps n'eût point
été insensible au grandiose d'un spec-
tacle, sans doute bien différent de
celui que présentent la campagne de
Rome et les horizons de la Terre de
Labour. Accablé par une espèce de
nostalgie, car Rome était devenu sa
patrie , aux réflexions esthétiques du
sculpteur, aux appels faits à son cou-
rage , aux citations de Catulle , il ne
répondait que par le sourire du dé-
couragement ou par ces mots : Tor-
niamo a Roma. Les honneurs qu'il
reçut à Munich et à Vienne , partout
où il fut présenté , et même à la cour
impériale, ne purent triompher de
cette disposition, qui bientôt dégéné-
ra si évidemment en maladie , qu'on
cessa de l'importuner pour qu'il con-
tinuât son voyage, a Je ne puis pen-
ser sans attendrissement , clit Cava-
ceppi dans le Journal qu^il a tenu
de son voyage , aux paroles affec-
tueuses de son altesse le prince de
Kaunilz, pour dissuader Winckel-
mann de retourner en Italie.... Lors-
WIN
i5
que nous remarquâmes qu'il persistait
dans sa résolution, et qu'il m'ait les
jeux d'un mort , nous ne voulûmes
point le tourmenter davantage. » D'a-
près son premier plan , il avait dû sui-
vre Cavaceppi à Dresde , à Berlin ,
à Hanovre : il fut décidé qu'il res-
terait une quinzaine de jours à Vien-
ne , et qu'ensuite il repartirait pour
l'Italie. Tiré de peine par cet arran-
gement, il commença à renaître, et
se livra avec toute l'énergie de son
caractère à ses travaux accoutumés-
Eglises, bibhothèques , cabinets, ga-
leries, il visita, il observa tout en
critique curieux et éclairé. Il s'atta-
cha aussi à mettre un ordre nouveau
dans les parties de son Histoire de
VArt,Ql à diriger la rédaction d'une
traduction française que Toussaint
devait en faire sous ses yeux. Cette
double occupation l'absorba bientôt
tout entier. Il n'av^^it plus d'autre
pensée, après le voyage en Élide, que
la seconde édition et la version de
l'ouvrage qu'il regardait avec rai-
son comme son plus beau titre
aux yeux de la postérité. Telles
étaient ses dispositions lorsqu'il
partit de Vienne , comblé d'hon-
neurs et de présents , et se remit en
route pour l'Italie. Il avait plusieurs
fois changé d'idée relativement à
sou itinéraire, et enfin s'était fixe à
celle de gagner Venise par la Car-
niole. On ignore quel motif l'engagea
encore à modifier ce plan, et à pren-
dre par Trieste, pour se rendre par
mer à Ancône. A peu de distance de
îa première de ces villes , il fut ac-
costé par un scélérat, déjà repris de
j ustice et condamné aux fers par les
tribunaux de Vienne , qui eurent en-
suite l'imprudence de commuer sa
peine en un simple bannissement. Ce
misérable , nommé François Archan-
geli , ne tarda point à connaître le
ï6
WIN
iaibîede Winckelmann, dont la con-
fiance allait au point de raconter sa
vie, ses voyages, ses desseins , sans
faire même l'ombre d'une question à
son compagnon j et il s'insinua faci-
lement dans sa confiance, tant en
affectant un grand amour pour les
arts , qu'en lui offrant ses services
pour la recherche et la location d'un
navire. Winckelmann lui flt voir les
médailles dont l'avaient gratifié les
cours de Munich et de Schônbrunn.
La vue de l'or enflamma la cupidité
de l'Italien, qui, quelques jours a près^
se rendant à l'hôtellerie oii l'illustre
antiquaire attendait le vaisseau qui
devait lui faire passer l'Adriatique ,
vint prendre congé de lui dans les
termes les plus affectueux, puis lepria
comme par réminiscence de lui mon-
trer encore une fois ses médailles
pour mieux se les imprimer dans la
mémoire. W^inckelmann, alors occu-
pé à lire Homère et à rédiger quelques
documents pour la réimpression de
l'Histoire de l'Art, abandonne le livre,
court à sa malle , et se met à genoux
pour l'ouvrir. Aussitôt Archangeli
lui jette au cou un nœud coulant et
s'efforce de l'étrangler. Le danger
donne des forces à Winckelmann ,
qui d'une main saisit et tient ferme
la corde passée à son cou, tandis
que de l'autre il cherche a repousser
le meurtrier. Mais la partie était
trop inégale. Archangeli, muni d'un
grand couteau, le renverse et le per-
ce de cinq coups dans le bas-ventre.
Il l'eût achevé sur la place sans l'ar-
rivée d'un enfant avec lequel Winc-
kelmann avait coutume de jouer
dans Tauberge , et qui vint en ce mo-
ment frapper à la porte. L'assassin,
effrayé, prit la fuite sur-le champ. Les
médailles, qui devaient être le prix
de son crime , restèrent là • mais les
blessures de Winckelmann étaient
WIN
mortelles : sept heures après, il avait
cessé d'exister (8 juin 1768). Sa
présence d'esprit se soutint jusqu'à
ses derniers moments : il pardonna à
son meurtrier ( 3 j, reçutles sacrements
et dicta ses dernières volontés. Le
cardinal Alexandre Albani , son ami
et son protecteur , héritait de tout
ce qu'il laissait , à l'exception de
trois cent cinquante sequins qu'il
léguait à son graveur Mogali , et de
cent autres qui devaient être remis à
l'abbé Pirami. Ainsi périt , à peine
âgé de cinquante ans et dans la ma-
turité même de son talent , un des
hommes les plus distingués de l'Alle-
magne , et à coup sûr celui dont les
inspirations ont fait naître l'école
{3) François Archangeli , né à Pistoic d'une fa-
mille obscure , demeura quelque temps à Vienne,
dans une m.iison riche; mais ayant été' soupçonné
de vol domestique il fut traduit devant les tri-
bunaux et condamné aux travaux forcés
pour qua-
tre ans, et ensuite à un bannissement perpétuel
des domaines de l'empire d'Autriche. Trois ans
se passèrent ainsi : et à cette époque il trouva
des amis qui intercédèrent pour lui ; ou lui fit
grâce d'un an de détintion ; mais en l'avertissant
d'observer sur-le-champ et de ne point rompre
son ban. Archangeli se retira à Venise avec sa
femme ou sa concubine Eve Rachel. En août.^
1767 , il se rendit à Trieste malgré son serment^
avec l'intention de s'y établir ; mais n'ayant point
obtenu la place que probablement il y espérait,
ou craignant que le gouvernement ne vînt à ap-
prendre sa présence dans cette ville, il revint à
Venise, où ses idées chanj^èrent encore. Au mois
de mai 1768 il retourna à Trieste où il prit un lo-
gement dans une auberge. Nous avons vu comment
il fit connaissance avec Winckelmann, et par quelle
catastrophe se termina ce déplorable incident.
Pendant le trouble et le désordre occasionnés par
ce malheur, il eut le temps de quitter Trieste; il
réussit même à mettre toute la largeur du territoi-
re vénitien entre lui et les témoins de son crime, et
parvint à Piraue, comptants'embarquer sur le pre-
mier vaisseau qui metîrait à la voile , n'importe
pour quel port. Mais des exprès avaient été dépê-
chés de tous côtés , et surtout vers les cote-s , avec
son signalement. Enviromié partout de dangers, il
crut plus sûr de renti-er dans l'intérieur des ter-
res , et il se dirigeait vers Labiana quand un tam-
bour , qui le prenait pour un déserteur, le fit ar-
rêter. Ou eut bientôt reconnu que l'on commettait
une erreur à son égard ; mais l'impossibilité où il
était de donner des renseignements sur sa conduite
journalière et l'hésitation qu'il montrait à répondre
lurent cause qu'on le retint. Bientôt H avoua son
crime , et fut envoyé, sous bonne garde et chargé
de fers, à Trieste , où il fut presque immédiate-
ment jugé et mis à mort le 20 juin , en présence
d'une foule innombrable qui s'était réunie pour
assister à son exécation.
WIN
es tii clique moderne , et popularisé
ridée du beau. C'est cette idée qui a
présidé à la conception de tous ses
ouvrages : c'est elle qui en a tracé la
forme , dessiné les détails , arrêté
les idées et les préceptes. Depuis
le pins vaste et le plus volumi-
neux de ses traités jusqu'au plus
mince de ses opuscules , tout se
lie , se fond et se coordonne dans
une même idée de la beauté , la
beauté telle que l'a créée la nature,
telle que l'a vue l'imagination grec-
que. Aussi ])eut-on dire que tous les
écrits de Winckelmann , malgré la
diversité de leurs cadres, ne sont
que les ])arties d'un même tout , ou
du moins que V Histoire de l'Art est
son texte ^ tandis que ses autres ou-
vrages sont le commentaire et les
pièces justificatives. En elfct , c'est
dans le premier qu'il faut voir les
idées fondamentales de tout son sys-
tème. Aussi est-ce celui que nous al-
lons analyser avant les autres, et avec
le pins de détails. Mais pour bien con-
cevoir quelle révolution ses principes
opérèrent dans le goût , il est néces-
saire de se reporter à l'état des arts
et des lettres à cette époque. Person-
ne n'ignore combien la peinture , la
gravure , l'architecture mime et la
statuaire déchurent pendant le dix-
huitième siècle. Mais ce que l'on n'a
pas assez examiné , c'est la cause de
cette rapide décadence. Cette cause
n'est autre que l'influence d'une lit-
térature de jour en jour plus fri-
vole et plus mesquine. Les écrivains
contemporains de Louis XIY étaient
encore remarquables par la vérité ,
la grandeur , et n'avaient point com-
plètement rompu avec la nature ,
quoique trop souvent Racine la vît
de rOEil-de-Bœuf , et Corneille dans
les antichambres de l'Escurial. Mal-
heureusement ces défauts mêmes fu-
WIN 17
rent ce qui charma davantage. Rien
de plus héroïque que les phrases sono-
res de César , de plus délicieux que
les plaintes de Xipharès : les Ro-
mains chez FLoriis parlent bien au-
trement que chez Tacite : on ne se
doutait pas dfs beautés de Britan-
nicus. Or l'esprit humain a des ac-
cès de servilisme, tout comme il a
quelquefois la frénésie de l'indépertr
dance. Ces accès ont lieu , soit lors-
que des beautés réelles plaisent à une
classe de la société, soit lorsque les
défauts des artistes sont en har-
monie avec les mœurs et la phy-
sionomie d'un siècle. Ces deux cir-
constances se trouvèrent réunies sous
le règne fastueux , mais en quelque
sorte théâtral, de Louis XIV. Aussi
fut-il décrété, dans le siècle suivant,
que l'on marcherait sur les pas de
Corneille, de Racine et des autres
grands hommes du grand siècle. C'é-
tait le vrai moyen de s'écarter de la
nature; car qui ignore qu'aux fautes
légères d'une première copie , un co-
piste ne manque jamais d'ajouter
les siennes, et qu'ainsi, après qtiel-
ques transcriptions de transcrip-
tions, l'original est tout-à-fait mécon-
naissable '} c'est aussi ce qui arriva :
tragédie , comédie , éloquence , phi-
losophie , histoire , tout prit les pro-
portions de l'épigramme et le ton du
Bouquet à Cloris. D'ailleurs la gran-
deur d'apparat avait fait place à une
légèreté et à une petitesse de vues mille
fois plus éloignées de la vraie gran-
deur; et au palais de Louis XI Vs'était
substitué le boudoir de Pompadour.
Là et en lieux analogues, il fut bien
décidé que Platon , Descartes et Leib-
nitz étaient des rêve-creux qui de-
vaient faire place à Condillac; qu'Ho-
mère était commun , prolixe , fasti-
dieux; que les figures de Raphaël
et de Polyclète étaient sans grâce.
i8 WJN
D*aiitre part , les défenseurs fort peu
nombreux de l'antiquilc' étaient fort
peu sj^intucls , et surtout n'avaient
aucune influence. Us défendaient fort
gaucliemeut leurs protèges sur qui
leurs gais adversaires faisaient pleu-
voir le sarcasme. Il y a plus : at-
teints eux - mêmes et à leur insu
de la contagion générale , ils les tra-
vestissaient de leur mieux , donnant
autant que possible de l'esprit à
Homère , de la civilité à Thucy-
dide, et delà décence à Aristophane.
Quant à ceux qui s'occiipaient d'an-
tiquités proprement dites , ils décri-
vaient minutieusement une pierre, un
vase, une figure , n'essayant pas mê-
me de mettre sous forme de lois les
principes qui les décidaient à quali-
îier d'antique la pièce qu'ils exami-
naient , et ne songeant ni à recon-
naître les âges , les costumes , la
patrie de ce qu'ils s'imaginaient ad-
mirer. Un tel système , si l'on peut
appeler système l'absence de tout or-
dre , de toute méthode, de toute
prévision , en un mot, de toute loi ,
prêtait merveilleusement au ridicule;
et l'on sent combien un cercle d'é-
légants, aussi irrévocablement brouil-
lés avec la nature que consommés
dans l'art du persiflage , devait lan-
cer de brocards sur \m antiquaire
dépourvai d'éloquence, de scnsilDilité,
d'entliousiasme , incapable de péné-
trer au-delà de la croûte extérieure
d'un monument , et de s'élever à la
conception de l'idéal ^ et débitant
l'expression de son admiration com-
me un acte de foi. Cependant une
révolution commençait , du moins
dans quelques esprits et en Italie ,
lorsque Wiuckelmann languissait
dans des postes inférieurs. Les nom-
breux monuments de tout genre
tirés des villes ensevelies sous les
laves vomies les premières par le
WIN
1
Vésuve j habituaient 1(
cratère du
yeux à des formes nouvelles, car elle
e'taient gracieuses et simjdes; et The
bitudc ne pouvait à la longue mai
quer de faire naître l'admiratioi
Quelques bons esprits commençaiei
à trouver cette simplicité' si pure , i
une de l'antique préférable à la mu
tipHcilé d'ornements et à la rechei
che des Ottocentisti. Mais c'est
Winckelmann qu'il était réservé (
rendre universelle celte manière c
voir. S'il n'eût, comme ses devai
ciers ou ses amis , qu'énuméré , d(
crit, classé de vieux bronzes et d<
marbres brisés^ il eût peut-être influé
tardivement et sur quelques intelli-
gences ; mais son admiration n'eût
point été contagieuse. Heureusement,
il prit une autre marche : l'enthou-
siasme sublime et calme de Platon
présida à ses descriptions : ses ac-
cents furent ceux d'un poète et d'un
prêtre des Muses : on dirait que son
style rayonne des feux du soleil
de la Grèce : semblable à Rous-
seau dans son allocution aux mères
qui refusaient d'allaiter leurs enfan
au lieu de prouver froidement ,
ordonna d'admirer. Grâce à ce
ivresse , à ce ton d 'inspiré , la mode
même et l'élégante frivolité du beau
monde ne purent arrêter ou désap-
prouver ce succès. Qu'y avait-il de
pédantesque ou de scolastique dans
la proclamation majestueuse , élo-
quente , des principes immuables du
beau ? dans le tableau de la Grèce
peu avant Phidias ? dans la descrip-
tion de l'/VpolIon? Néanmoins, il ne
convenait pas à un homme aussi
consciencieux, et aussi profondément
pénétré des principes qu'il professait,
de ne remporter la victoire que par
surprise ou par suite d'un frivole
engouement. H aspirait à convaincr.e
autant qu'à vaincre, et voulait
I
WIN
les lecteurs , captive's d'abord par le
charme du style , l'originalité' des
idées et la grâce des tableaux, re-
trouvassent ses preuves au besoin^ et
ne pussent redevenir incrédules. Pour
parvenir à ce but, il fallait deux cho-
ses : i^. remonter au pourquoi de la
beauté , et en indiquer clairement
l'origine et les variétés ; 'i^. compa-
rer ensemble ces mêmes variétés et
leur contraste ; car rien n'aide mieux
à distinguer nettement un objet que
la vue de ce qui en diiï'ère. De là l'ap-
préciation des genres , des styles , des
écoles, suivant les temps et les lieux.
En un mot , de là l'histoire. On voit
combien d'objets divers sont fondus
dans l'ouvrage de Winckclmann :
l'esthétique générale , antérieure à
l'art, dont elle régit les procédés et
la marche; l'histoire des réalisations
essayées successivement par des gé-
nérations d'architectes, de peintres,
de sculpteurs ) enfin la critique des
œuvres fruits de leurs efforts ; criti-
que qui n'est autre chose que l'ap-
plication de l'esthétique aux réalités
produites. Notre illustre historien
tâtonna long-temps lui-même avant
de bien saisir son idée , et de s'éle-
ver , soit à la contemplation pure de
ridéai, soit à la personnalisation com-
plète de l'art; et sa Correspondance
fait foi de l'incertitude qui régnait
encore dans ses idées. JNous avons
remarqué ci-dessus que le traité qu'il
avait projeté sur le goût des artistes
grecs fut fondu ensuite dans l'Histoi-
re de l'art. On doit voir dans ce fait
une preuve de plus du progrès de ses
pensées sur le même sujet, et l'a-
grandissement toujours de plus en
plus marqué de son plan primitif.
L'ouvrage entier se compose de six
livres. Le premier est plus spéciale-
ment consacré aux idées générales et
comme à une récapitulation antici-
WIN 19
pée. Les cinq qui suivent nous dé-
roulent l'histoire de l'art chez les
principales nations de l'antiquité ,
savoir : d'abord les Phéniciens, les
Égyptiens et les Perses ; ensuite les
Etrusques , puis les Grecs , et enfin
les Romains , dont la chute entraîna
celle de la civilisation et des beaux-
arts. Suivons à présent Winckel-
mann dans quelques détails princi-
paux. L'essence de l'art {von dent
iresentliclien dcrKunst) ,tel est le
titre et l'objet du premier livre. L'au-
teur commence par chercher l'ori-
gine de l'art. Pris dans son acception
la plus générale, il naît d'un besoin.
Les arts du dessin eux - mêmes ont
celte origine. On s'est imaginé avoir
besoin du portrait d'une personne
aimée , et voilà la peinture ; de la re-
présentation matérielle d'une divini-
té, et voilà le début du sculpteur.
Quant aux phases de leur existence,
ils en ont trois, comme toutes les in-
ventions bumaines : le nécessaire, le
beau , le superflu ; en d'autres termes,
l'origine , l'instant du plus grand
éclat et la décadence. Mais l'art a des
formes diverses. Laquelle doit - on
regarder comme la plus ancienne?
C'est à la sculpture que Winckel-
mann donne la priorité clironologi-
que, quoique peut-être il n'en ait pas
été de même chez tous les peuples, et
qu'il soit plus facile d'arrêter avec
un charbon les contours d'une sil-
houette que de dégrossir un bloc
de pierre avec l'acier et l'airain.
II est vrai que les premières sta-
tues ne furent guère que des mas-
ses écarries. Telle est du moins la sup-
position de Winckelmann. Il trace
ensuite le tableau des progrès de la
sculpture naissante, montre succes-
sivement les artistes détaillant la con-
formation des figures, faisant paraî-
tre la tête, puis l'indication du sexe,
20 WIN
puis les jambes, dctacliant les bras ,
et enfin rendant les actions des per-
sonnages, et discute, chemin faisant,
plusieurs probicincs sur la patrie de
la mythologie grecque , sur l'origine
de l'art en Grèce , etc. De là il passe ,
dans un second chapitre, à rcnumc-
ration des matières que l'art peut fa-
çonner. Beaucoup d'heureuses et in-
téressantes obsei'vatious rendent ce
morceau digne d'une lecture attenti-
ve. Mais c'est principalement dans
un troisième et dernier paragraphe
que Winckelaiann développe à la
fois un savoir et une justesse d'esprit
admirables. L'influence des climats
sur le langage, la façon de penser et
le ])]i}sique de l'homme, tels sont
les sujets qu'il embrasse. On est éton-
né de le voir, étranger aux idées na-
guère émises par Montesquieu avec
mi applaudissement général sur les
climats méridionaux , attribuer à
ceux-ci , non - seulement l'imagina-
tion , mais encore la beauté _, le
cour;ige, la force et le don des
belh s langues. Le second livre com-
prend, de même que le précédent,
trois sections, dont deux sont con-
sacrées aux Égypiiens. Dans la pre-
mière de celles-ci, il faut remarquer
l'arlicle où il passe en revue les cau-
ses qui, à l'entendre, ont subitement
arrêté l'essor de l'art dans son origine.
Ces causes sont , selon Winckelmann,
et physiques et morales. Les unes
peuvent se réduire à la configuration
médiocrement avantageuse et à la
couleur basanée de leur corps. Les
autres sont nombreuses et com-
prennent leur caractère et leurs
opinions, les lois, les coutiunes et
la religion , le peu de considéra-
tion dont jouissaient des artistes tirés
de la dernière classe du peuple^ et
par suite le manque de science de
ces artistes , voués au mépris et pres-
WIN
<
que toujours à la pauvreté. La se-
conde section , où il traite de la par-
tie mécanique de l'art en Egypte, est
aussi curieuse que peu connue, et mé-
rite une lecture attentive. Mais il n'en
est pas de même du passage où il
s'étend sur les divinités égyptiennes
et les momies. Sur l'un et l'autre de
ces objets, la grande expédition
d'Egypte et des recherclies encore
plus modernes nous ont fourni dix.
fois plus de documents que l'on
en avait rassemblé dans les siècles
antérieurs. La troisième section est
très-courte : il n'y est question que
des Phéniciens , des Juifs et des Per-
ses , tous peuples dont il ne nous res-
te aucun monument , et dont le se-
cond même tirait ses artistes de l'é-
tranger. Il en vient ensuite aux
Étrusques , dont il s'occupe pendant
tout le cours du troisième livre j
et, après une série de considéra-
tions particulières sur la situation po-
litique des habitants , sur leur carac-
tère et sur les révolutions dont leur
pays fut le théâtre , il aborde la
question de leurs progrès dans l'art,
et passe en revue les diverses repré-
sentations qu'ils nous ont laissées des
dieux , des héros et des personnages
inférieurs. Les statues de marbre et
de bronze, les bas-reliefs, les pierres
gravées , les figurines , les iigures ci-
selées en bronze, les animaux, les
peintures trouvées dans les tombeaux
étrusques , et les urnes peintes , sont
successivement les objets de ses ré-
flexions. Arrivent les distinctions
entre les trois styles des artistes-
étrusques. Des notices extrêmement
intéressantes sur les produits de l'art
chez les Volsques , les Samnites, les
Campaniens , et dans l'île de Sardai-
gne , terminent ce livre. Le suivant
est consacré aux Grecs ; et peut être
est-ce la plus belle portion de tout le
WIN
traite. C'est au moins celle qu'il a
travaillée avec le plus de soin et de
lenteur , celle dans laquelle il s'aban-
donne avec le plus d'effusion à son
enthousiasme et à son amour de la
Leaute. Le premier chapitre contient
des observations générales sur les
circonstances et les causes de la su-
périorité des Grecs sur tant d'autres
nations dans les arts du dessin. Rien
de plus suave , de plus harmonieux ,
de plus homérique , en un mot , que
la description de ce climat enchan-
teur, de ce ciel éternellement pur,
de ces plaines éternellement vertes
où naquirent , oij moururent les
Agésandres et les Apelles. Rien
de plus noble que le tableau de
la constitution politique de ces peu-
plades qui passèrent si rapidement
de l'état sauvage à toute la .pom-
pe de la civilisation , et qui bri-
sèrent sur les péninsules sinueuses
de leurs rivages la puissance colos-
sale des Achéménides. Ijibres , ri-
clies , maîtres des îles les plus flo-
rissantes de la mer Egée , portés par
des barques agiles sur les rives opu-
lentes de la Cyrénaïque et de l'Orient,
polissant de plus en plus la langue
si souple et si mélodieuse de leurs
ancêtres , enfin placés dès leur nais-
sance sous l'azur du plus beau ciel ,
au sein des plus belles contrées dé
l'hémisphère civilisé , les Grecs bien-
tôt à l'abri des premiers besoins phy-
siques par la fécondité de leur sol ne
pouvaient manquer de connaître et
de réaliser la Beauté. D'autres cau-
ses favorisaient encore cette ten-
dance. La vigueur,l'agilité, l'adresse,
qui valaient des prix à l'adolescence
dans les combats d'Olympio et de
l'Isthme , de Delphes et de Némée ,
perfectionnaient, surtout dans l'hom-
me, la beauté naturelle chez une des
plus admirables variétés de la race
WIN ai
caucasienne. Une idolâtrie de bon
goût, variée, joyeuse, brillante,
iille de l'imagination qu'elle fertili-
sait et élcctrisait à son tour , four-
nissait^ et des souvenirs à la mé-
moire, et des inspirations au génie.
Enfin les entrailles de la terre étaient
aussi fertiles en beaux marbres ,
que sa superficie en vins, et en
fruits délicieux. Delà à l'examen des
diverses formes que revêt la beauté
la transition est naturelle ; mais d'a-
bord Winrkelmann traite de la beauté
des ensembles. C'est dans ce chapi-
tre où il examine successivement le
caractère des divinités tant inférieu-
res que supérieures , c'est là , dis-je,
que le philologue doit chercher l'in-
terprétation véritable de presque tou-
tes les épithètes physiques données aux
dieux et aux héros par les poètes de
rionie et de Tancicnne Grèce. L'ex-
pression , les proportions et la com-
position lui fournissent encore un clia-
pitrc non moins riche eu aperçus et en
descriptions sublimes. Il descend en-
suite aux beautés de détail , et y dé-
veloppe dans cette partie la même
finesse de tact et la même sagacité
que dans le chapitre second. Jus-
qu'ici cependant il n'a été question
que du nu. Il donne enfin un para-
graphe aux figures drapées. Parmi
les morceaux qui suivent il faut dis-
tinguer principaleniient celui où dessi-
nant à grands traits l'histoire de
l'art en Grèce , il y compte quatre
époques et quatre styles dilTcrents.
D'après les formules en quelque
sorte générales par lesquelles il dé-
bute dans l'introduction de son pre-
mier livre , on s'attendrait à n'en
trouver que trois. Mais on s'aper-
çoit bientôt que les deux époques qui
tiennent le milieu ne sont autres que
les sous-divisions de celle qui dans
cette introductionest indiquée comme
WIN
la seconde. Quant à la subdivision
en ellc-mcme, non-seulement elle est
admissible, mais encore c'est nne des
plus heureuses découvertes de Winc-
kelmann , que la se'paration de deux
genres réellement distincts maigre'
leurs points de ressemblance et leur
commune perfection. Ainsi l'e'poque
lapins brillantedu plus beau siècledes
arts se scinde en deux parties , et se
caractérise ])ar deux styles , le haut
qui, avec plus de grandiose et de su-
blimite , a quelque chose de sévère
et comme d'anguleux , le beau où tout
est harmonieusement fondu , où les
teintes se' dégradent par un affaiblis-
sement insensible, où les formes on-
duleuses et effacées ne sont que com-
me une ligne sans brisures , enfin où
le grand est plus accessible, et le su-
blime plus rapproché de la terre.
Winckeimann cherche à rendre cette
différence sensible par des comparai-
sons empruntées à la littérature, et
met ainsi en regard Démosthènes et
Cicéron, Homère et Virgile. Peut-
être Eschyle et Sophocle présente-
raient plus d'analogie. Chez le pre-
mier les héros ont huit pieds de haut j
chez le second ils sont les plus
grands d'entre nous. Il pouvait aussi ,
en restant plus près des idées physi-
ques^ signaler ces deux caractères
dans la beauté del'liomme et celle de
îa femme. La même distinction se
trouve plus bas , enveloppée sous
une autre formule , lorsqu'il fait
apparaître sur deux plans différents
deux Grâces qui ont chacune leur
domaine, leur empire à part. L'une
se présente avec les traits de la Vé-
nus céleste , l'autre avec ceux de la
Vénus vulgaire, et telle que la con-
naissent les yeux mortels. Fille de
l'harmonie, la première est éter-
nelle, permanente et immuable com-
me les lois de la nature : fille
WIN
du temps , la seconde est sujett
à s'altérer, à périr. Complaisant^
sans bassesse , celle-ci cherche à,
plaire; celle-là se suffit à elle-même,
et ne fait point d'avances. Les Grecs
l'auraient comparée au mode dé-
signé dans la théorie musicale des
anciens par la dénomination de
mode dorien, tandis qu'ils auraient
assimilé sa compagne à la lyre
ionienne. Homère connut la pre
mière. C'est elle que chante Pindare;
c'est à elle que sacrifièrent les artis-
tes du haut style. Elle opéra avec
Phidias lorsqu'il conçut Jupiter Olym-
pien ; elle traça l'arc imposant des
sourcils du maître des dieux; elle
couronna la tête de Junon Argiva ,
déessenourrie par les Heures. Elle sou-
riait innocemment et furtivement dans
la Sosandra de Calamis. Secondé
par cette même Grâce , l'auteur de
Niobé osa s'élancer dans la région
des idées incorporelles : il sut trou
ver le secret de combiner l'anxiété
de la mort avec la plus haute beauté
il sut produire des formes célestes
qui, loin d'exciter les désirs des sens
ne font naître qu'une contemplation
profonde de la beauté souveraine t
C'est partout avec le même entraîne-
ment et la même sensibilité qu'il ap-
précie les beautés échappées aux ci-
seaux de Pise et d' Athènes , aux pin-
ceaux de Sicyone et de Corinthe. Les
intentions les plus secrètes , les plus
fugitives de l'artiste , sont saisies et
rendues avec un tact exquis. Les che-
veux de Cérès ne sont point relevés
comme ceux des autres déesses : la
mère de Proserpine a toujours devant
les yeux la prairie d'Enna, et sa
fille entraînée sur le char ravis-
seur. Nulle veine ne serpente dans les
muscles de l'Hercule du Belvédère;
ce corps robuste est calme comme
celui de l'enfant qui repose dans le
WIN
berceau ; la sérénité' siège sur sa phy-
sionomie • sa tête se dirige en haut:
c'est Hercule recevant d'Héhë la cou-
pe de l'immortalité, Hercule purifie
par le feu du Mont-OEta de tout ce
qu'il eut de mortel. Le gladiateur
Borghèse n'a d'autres beautés que
celles de l'âge fait , sans aucun sup-
plément d'imagination : l'Apollon et
l'Hercule sont comme la poésie qui
Ta au-delà des limites du vrai ^ le
gladiateur est comme l'histoire qui
expose nettement la vérité , mais
avec le plus beau choix des pensées
et des expressions. Nous pourrions
multiplier à l'infini ces exemples
de la finesse et du goût de Winc-
kelmann ; mais ceux - ci suiiisent
pour donner une idée de sa manière.
Après avoir passé en revue les diver-
ses parties de l'art , l'auteur en vient
enfin à tracer vraiment l'histoire de
ses progrès et de sa décadence en
Grèce : mais auparavant il s'appe-
santit sur ce que l'on nomme l'École
romaine , et démontre que cette
école n'est autre qu'une variété de
celle des Grecs. Les maîtres du mon-
de ne daignaient que détruire ; quant
aux arts qui assurent et qui embellis-
sent la vie y ils les laissaient aux
esclaves , aux peuples conquis : ils
trouvaient bien plus grand de payer
le génie que d'en avoir, et plus com-
mode de parer leurs palais de cent
chefs-d'œuvre volés aux alliés , que
d'en créer laborieusement un ou deux
en toute leur vie. Aussi n'eurent- ils
jamais ni peintre , ni sculpteur* et
les architectes romains furent-ils eux-
mêmes très-rares. Tel est à-peu-près
le contenu de V Histoire de V Art : on
voit que c'est en quelque sorte L'En-
cyclopédie des arts du dessin dans
l'antiquité. On voit aussi combien il
s'y trouve d'idées neuves mises en
avant ^ d'exphcations plausibles don-
WIN s3
nées et protiTees, de faux fugements
rectifiés. Ce n'est pas que Winckel-
mann ne se trompe quelquefois ; mais
ses erreurs ont peu d'importance , et
le fond de l'ouvrage est resté classi-
que. Il y a plus : saisis du même en-
thousiasme, des mêmes sentiments
que l'auteur , beaucoup de littéra-
teurs et même d'hommes du monde
commencèrent à chercher plutôt des
beautés que des fautes dans l'antique,
et à diriger leurs recherches suivant
la méthode et l'esprit de Winckel-
mann. De là bientôt le goût des inves-
tigations impartiales et sévères, l'idée
d'un type immuable, éternel, idéal
pour les créations littéraires , comme
pour les produits des beaux-arts ,
moins de présomption et de rapi-
dité à proclamer absurde toute une
génération d'hommes de génie , en-
fin l'amour des études solides et cons-
ciencieuses. C'est ainsi que la phi-
losophie ancienne, si long -temps
dédaignée , a été approfondie avec
le même soin que les théories des mo-
dernes , et que réhabilitant enfin les
noms si ridiculement ridiculisés au-
trefois de Thaïes , d'Empédocle , de
Pythagore et de Proclus , nous nous
sommes kvés nous - mêmes de la
tache honteuse d'ignorance que les
étrangers reprochaient avec raison
à notre légèreté : c'est ainsi que les
règles du Beau, généralisées et portées
d'abstractions en abstractions à la
forme la plus haute , ont formé l'Es-
thétique , science qui peut-être serait
encore à naître sans Winckelmann.
En un mot, Winckelmann créa un
grand mouvement , et quoique au-
jourd'hui il soit possible d'aller plus
loin et d'être plus complet , soit dans
l'exposé des doctrines , soit dans la
relation des faits , on ne fera que
marcher sur ses traces et à la lumière
du fanal allumé par ses mains. Aussi
WIN
V Histoire de l'Art a -t-elleetë bientôt
traduite et imprimer cil langues étran-
gères. 11 ne peut entrer dans notre
plan de parler ici de toutes ces ver-
sions. Nous nous bornerons à nom-
mer en français celles de Sellius et
Robinet, Paris, Vaillant , et Amster-
dam ,Hare\velt, 1-^66,2 vol. in-S''.^
d'Huber, Leipzig, 1781 , 3 vol. in-
4". ; de Jansen , Paris , Gide , 1 798-
i8o3 , 3 vol. in-4^.j et en italien
celles de Milan , 1 779 , 2 vol. in-4". ?
anonyme, et de Borne, 1 783-1 784,
3 vol. in-4^. , par l'abbé Car!o Fea.
Cette dernière ainsi que celle d'Hu-
ber sont trèsestimëes. On doit aussi
tenir compte à Jansen du travail
qu'a dû lui coûter la sienne. Mais les
deux autres , surtout la première ,
celle qui parut chez Vaillant et Ha-
rewelt, ne sont que de misérables
rapsodies. Outre la platitude et la
barbarie du style , elles fourmillent
de contre-sens et de bévues. Aussi
Winckelraann se plaignit - il avec
amertume de cette profanation ,
qui fut une des douleurs de sa
vie j et songea-t-il faire exécuter
sous ses yeux une autre version,
pour laquelle il fit clioix du mora-
liste Toussaint. Au reste, cette pre-
mière traduction était anonyme , et
les coupables , quoique bien connus ,
ne se nommèrent pas. Quant à l'ou-
vrage même , nous remarquerons
ses deux éditions principales, savoir :
celle de Dresde, 1764, 2 vol. in-4^.,
que l'auteur lui-même ne tarda point
à déclarer imparfaite , et qu'il s'oc-
cupait de refondre quand la mort
Tempêclia de termijier son entrepri-
se, et celle de Vienne, 1776 , grand
in-4**. Celle-ci fut rectifiée d'après
les papiers laissés par l'auteur. Mais
les éditeurs remplirent du reste leur
devoir avec négligence , ne s'occu-
pant ni de coordonner le travail, ni
WIN
de suppléer les lacimes. Ce n'est que
dans l'édition complète de 1809(7''^.
ci-dessous ) que Ton a fait disparaî-
tre quelques-unes de ces taches, qui ce-
pendant n'ont point étéelïacées entiè-
rement , et qui resteront ponr déposer
par leur existence de la fin tragique de
Winckelmann , qui ne les eût point
laissé exister. Il nous reste à parler de
ses autres ouvrages qui tous sont de
nature à exciter vivement l'intérêt :
I. Bé flexions sur l'imitation des
ouvrages grecs dans la peinture et
la sculpture , Dresde et Leipzig ,,
1756, in-4°.; seconde édition consi-
dérablement augmentée , ibid. , même
année et racrae format , mais sous le
titre à^ Eclaircissements des Ré-
flexions sur limitation des ouvra-
ges grecs dans la peinture et dans
la sculpture ; et Ptcponse à la lettre
critique sur ces réflexions , et plus
tard à Frédérickstadt, Hageumiiller^
1758, in-4'^- Les additions de celte
seconde édition consistent surtout
en notes et en citations fort peu
utiles au fond de l'ouvrage , mais
qui ajoutent aux assertions de l'au-
teur le cachet de rauthenticité. L'es-
sai de Winckelmann avait été très-
bien reçu dès sa première appari-
tion, et lui avait même valu des
applaudissements , lorsqu'un anony-
me ïui reprocha d'avoir omis ses
autorités, et sembla par-là douter
de son savoir. L 'ex-maître d'école
de Seehausen ne balança point à lui
répondre ; et il le fit avec un luxe
d'érudition dont son antagoniste dut
être content , si toutefois il ne vit pas
que la docilité du grand homme était
un persiflage. Au reste ces deux ou-
vrages, quoique connus et remarqua-
bles j puisqu'ils sont le début de l'au-
teur dans la carrière littéraire , n'ont
point été complètement traduits en
français j mais on en trouve des ex-
WIN
traits assez amples dans le Journal
étranger y janvier i -^Sl). Ces extraits
ont pour auteur un M. Wachtler ,
depuis atlaclië au service du prince
de Kaunitz. II. Description des pier-
res grai'ees du Jeu baron deSlosch^
etc., Florence, 17^30, in-4"'? en
français ; publie depuis en allemand
avec des gravures , d'après les des-
sins de J.-Ad. Scliwickhart , Nurem-
berg , 1775, in-4'^. Cet ouvrage^
complément nécessaire de V Histoire
deVArt , et un de ceux cpie l'auteur
cite le plus souvent , n'est point sus-
ceptible d'analyse. li nous siiHira de
dire que la classification en est par-
faite , et les descriptions fort exactes.
Wiuckelmann s'aida en plusieurs en-
droits des conseils et des himières
du cardinal Alexandre Albani, au-
quel il crut devoir dédier l'ouvrage.
Les exemplaires de ce recueil sont
aujourd'liui très-rares dans le com-
meice. lïl. Bemarques sur V archi-
tecture des anciens , etc., Leipzig,
1761 , grand in^*^.; traduit en fran-
çais , par Jansen , Paris , 1788 , in-
8". Ajirès un avertissement dans le-
quel il explique comment, sans avoir
pratiqué l'architecture, un antiquaire
peut juger des œuvres qu'elle pro-
duit , et décrit les ruines de l'ancien-
ne PosidoniumouPa\stum, il divise
ce qu'il a résolu de dire en deux cha-
pitres. Le jiremier , consacré à faire
connaître l'essence de l'art, nous ap-
prend quels matériaux employaient
les anciens , et de quels procé-
dés ils fjiisaient usage dans leurs
constructions. Les ornements sont
l'objet de la seconde section. « Un
édifice sans décoration , dit-il , est
comme la santé dans l'indigence. La
variété est le principe de la décora-
tion, et la monotonie serait désa-
gréable dans les œuvres de l'archi-
tecture, comme dans tous les autres
WIN
25
produits des beaux-arts. Mais il faut
qu'une sage économie préside à la
distribution des ornements , en mo-
dère la quantité, et en adapte soi-
gneusement la physionomie au but
général ou particulier de l'édilice.
Cette rare sagesse a été l'apanage
des plus habiles architectes de l'an-
tiquité : elle n'a été donnée qu'à peu
de modernes, et Michel- Ange lui-
même mérite le reproche d'avoir
frayé la voie aux corrupteurs du
goût, en laissant envahir trop de
place aux décorations. » IV. Lettre
au comte de Bruhl , sur les an-
tiquités d'Herculanum , Dresde ,
1762, in-4'^. Cet opuscule reinar-
quable sous plus d'un rapport, prin-
cipalement par la hardiesse avec la-
quelle il substituait ses idées aux ex-
plications des antiquaires napolitains,
et par la franchise avec laquelle il
s'exprimait sur le compte d'un ca-
pitaine espagnol qui présidait aux
fouilles d'Herculanum, et qui dans
le fait traitait les reliques les plus
précieuses de l'antiquité en véritable
descendant des Vandales, causa à,
W^inckelmann un des plus vifs désa-
gréments qu'il eîit éprouvés de sa
vie. Il s'égayait, dans un passage,
aux dépens des antiquaires qui ont
assez peu de goût pour confondre le
moderne avec l'antique } et à cette
occasion il nommait le célèbre com-
te de Caylus , qui naguère avait ache-
té comme antique une peinture d'un
artiste très-moderne, nommé Guer-
ra. Malheureusement ,Winckelmann
était lui-même dc'.ns un cas analogue,
et son livre en contenait la preuve
irréfragable. Trompé par la ruse
d'un peintre qui se disait son ami,
et qui , irrité en secret contre lui ,
avait imité , à s'y méprendre, la ma-
nière antique dans plusieurs tableaux
qui furent montrés avec grand mys-
a6 WIN
tèrc à Winckclmami , il en insera niie
description magnifique dans sa lettre
au comte de Brulil ^ et peu après dans
sa première édition de V Histoire de
VArt. Cette erreur n'eut pas cte plus
tôt consignée publiquement et de ma-
nière à ne s'en pouvoir dédire, que
Casanova , c'était le nom du peintre,
se vanta hautement de sa superche-
rie et de la facilite avec laquelle il
avait dupe un homme qui s'était ima-
gine' connaître si bien l'antique. Le
trait passait les bornes de la plaisan-
terie ; et Winckelmann , outré de dé-
pit , exhala des plaintes amères con-
tre le mystificateur. Pour comble
d'infortune , pendant que l'aventure
occupait les oisifs de Rome , l'ouvra-
ge se traduisait à Paris, sous les
yeux du comte de Caylus , qui sans
doute était au fait de la malice de
Casanova , et qui n'était pas fâché
de prendre cette petite revanche de
la critique railleuse du bibliothécaire
de la Villa Albani. Celui-ci écrivit à
Paris , et conjura , au nom de tout ce
quHly a de -plus sacré , son ami
Wille , de s'opposer à la publication
de sa Lettre. Elle parut néanmoins
quelques jours après, sous le titre de
Lettre de M. Vahbé TFinckelmami,
sur les découvertes d'Herculanum,
à M. le comte de Bruhl , Paris,
1764, in-4*^. La traduction est d'Hu-
ber. Au reste , l'erreur de Winc-
kelmann pourra paraître moins sur-
prenante , si l'on songe que, toujours
plein de confiance dans ceux qu'il
croyait ses amis , il s'en rapportait
aveuglément à ce qu'ils lui disaient,
et que, d'autre part , Casanova, doué
d'un talent véritable pour la peintu-
re , élève de Mengs , et habitué à en-
tendre Winckelmann raisonner sur
les signes caracteïistiques de l'anti-
quité d'un tableau , mit dans son ou-
vrage tout ce qui pouvait tromper et
WIN
séduire Thabile antiquaire. C'était
Winckelmann lui-même qui y par sa
conversation, avait fourni à son enne-
mi l'arme dont il le frappait. Aussi
cette aiiaire fit-elle moins de tort à
sa réputation que de bien à celle de
Casanova. V. De la capacité de
sentir le beau dans les ouvrages de
Vart, Dresde, 1763, in-4°., petit
traité dédié à Fréd.-Rod. de Beig,
gentilhomme livonien. Cet opuscule
semble, plus encore que ses autres
ouvrages , rédigé sous la dictée de
l'enthousiasme. Il divise l'aptitude
de l'ame à être impressionnée par le
Beau en deux parties, le sentiment
et l'instruction. C'est la difficulté de
réunir ces deux avantages qui rend
si rares les véritables admirateurs
de la Beauté. Parmi les idées sail-
lantes qu'offre le premier paragra-
phe , on remarque surtout celles-ci :
que, toutes choses égales d'ailleurs,
dans un beau corps habite toujours
une belle arae;et que le sentiment du
beau se développe plutôt chez celui
qui possède la beauté, que chez celui
qui en est privé. Il faudrait admet-
tre dans ce cas que la plus grande
beauté accompagne toujours la meil-
leure organisation cérébrale, ce que
ni la physiologie ni l'expérience
n'ont encore démontré. En revan-
che, il n'y a qu'à louer dans ses
autres observations. Tout ce qu'il
ajoute sur la corrélation du sens ex-
térieur et du sens intérieur _, sur le
coloris et sur quelques peintres qui
ont traité moins heureusement cette
partie de l'art, est d'une justesse
parfaite. Il en est de même de pres-
que tout le second paragraphe , oii il
indique de quelle manière l'amant
de l'art pourra en peu de temps ac-
quérir de l'instruction et du savoir.
Nous n'en exceptons que la notice par
laquelle il termine ses leçons , et
WIN
dans laquelle il passe en revue , en
accompagnant toujours sa nomencla-
ture de reflexions critiques, les prin-
cipaux monuments qu'on voit en
France, en Espagne, en Allemagne
et en Angleterre. Comme de toutes
les collections dont il parle il n'a-
vait examine par ses yeux que celles
de Dresde et de Berlin , cette nomen-
clature en tout ce qui ne touche pas
ces deux villes est souvent insuffi-
sante , et généralement il faut se de-
fier de ses jugements. VI. Seconde
lettre ( Nachrichten ) sur les nou-
velles découvertes d'Herculanum ,
à M. Henri Fuessli de Zurich ,
Dresde, 1764? in-4°' Ce morceau,
dans lequel il s'explique avec un peu
plus de re'serve que précédemment
sur les connaisseurs napolitains, ex-
cita pourtant encore Lien des mur-
mures à Naples. Il est divise en
trois parties , qtic l'auteur dis-
cute avec sa sagacité' ordinaire, les
c'difîces ;, les figures et les ustensiles.
Parmi les secondes, il fit remar-
quer surtout une magnifique bac-
chante, qu'on voit le genou appuyé
sur une outre , et pourtant dans
l'attitude et avec la physionomie
d'une danseuse. Cette espèce de dan-
se se désignait dans sa langue my-
thologique par le mot d'à(7/.o)aâ^£tv.
Cette lettre , ainsi que la précédente,
et quelques autres à l'abbé Bianconi,
ont été données en français par Jan-
sen, sous le titre de Recueil de let-
tres sur les découvertes faites à
Herculanum y à Pompéiiy a Sta-
hia , etc. , Paris , i 784 , in-40. yn.
Remarques sur l'Histoire de VArt^
Dresde, 1767, in-4**. Cette espèce
de supplément ou de correctif à
l'Histoire de l'Art était le brouillon
des changements qu'il se proposait
de faire dans une seconde édition qui,
comme nous l'avons vu ci-dessus,
WIN 27
ne put avoir lieu de son vivant. VIII.
Allégorie pour les artistes ( Ver-
su ch einer Allégorie , hesonders fur
dieKunst), Dresde, 1766, in-4°.
Cette composition , dans laquelle
Winckelmann a répandu assez d'i-
dées originales et ingénieuses pour
faire la fortune de quatre ouvrages
du même genre , se recommande de
plus par l'excellence de la méthode
et la constance avec laquelle il reste
fidèle au plan tracé au commence-
ment de l'ouvrage. Il est essentiel de
remarquer ici que par allégorie
Winckelmann entend tout ce qui
peut être caractérisé et peint par des
signes et des images , ce qui étend
singulièrement le sens du mot, et le
rend synonyme à'Iconologie. Au res-
te, nous ne nous arrêterons pas aux
détails de cet ouvrage. On en trou-
vera une analyse excellente dans la
Vie de Winckelmann, par Huber
{F. ci-dessus ), p. eu et suiv. Nous
ne pouvons cependant nous empê-
cher de citer comme un modèle de
grâce et de délicatesse l'image qu'il
propose pour symboliser la paix ci-
mentée par un mariage entre deux
puissances belligérantes. C'est celle
que présentent les vers si gracieux de
Pétrone (4) :
Dans le casque duTriaire,
Deux colombes font leur nid ;
Ou voit qu'au dieu de la guerre
Vénus encore sourit.
IX. Monumenti antichi inediti sjjie-
gatiedillustratida Gioi^ajini Winc-
kelmann, Rome, 1767, 2 vol. in-
fol. , avec 208 planches. Cette vaste
collection, par laquelle Winckel-
mann termina la série des publica-
tions faites par lui-même, mit le
sceau à sa réputation , et le plaça,
parmi les savants , encore plus haut
(4) MUiiis in galeâ nidumjhcvre colurnbce :
Apparet Marti quUm sil arnica Venus.
28
WIN
que l'Histoire de l'Art ne l'avait pla-
ce' parmi les grands écrivains et les
hommes qui impriment leur génie à
tout un siècle. C'est là qu'il étale par
milliers les vases, les bas-reliefs de
marbre, les pierres gravées, les ou-
vrages d'ivoire et d'argile, les bron-
zes, et que par une classification ri-
goureuse , une argumentation lucide
et une se'rie d'hypothèses ou de faits
qui , lorsqu'ils restent au-dessous de
la certitude , atteignent toujours la
plus haute probabihtë^ il établit les
principes des différentes manières ,
des nations et des âges. Sur eha'cun
des objets précieux qu'il fait passer
sous ses yeux , il accumule les re-
cberches les plus exactes, et y joint
une explication détaillée du sujet, en
en tirant toutes les preuves relatives
à la connaissance de l'antiquité. Les
principes qui motivent ses jugements
sont tous puisés dans son Histoire de
l'Art , dont il eut pour but de donner
ici , dans la partie historique et didac-
tique du recueil, un extrait raisonne'
à l'usage des Italiens qui ne pou-
vaient le lire dans la langue origina-
le, et qui n'en possédaient pas encore
une traduction. Aussi eut-il en Italie
un succès d'enthousiasme. Les exem-
plaires italiens sont fort rares en
France. On se procure plus facile-
ment la traduction de Fantin Deso-
doards , intitulée : Monuments mé-
dita de l'antiquité , expliqués par
Winckelmann , gravés par David
et Madeni. Sihire ^ avec des expli-
cations françaises , etc. , Paris ,
i8ig, 3 vol. in-4''. , fig. au bistre.
Il en a paru une version allemande
{Alte Denhniahler der Kunst , etc. ),
par G. S. Brunn, Berlin, Schônne ,
1780, i7f)'2 ,1 vol. ( en 5 livraisons )
grand in-fol., fig. ; 1^. édit., Berlin ,
1804^ 2 vol. in-fol., fig. X. Lettres
à M. Bianconi , sur les découvertes
WIN
d'IIerculanum , etc. , posthumes.
Ces lettres, la plupart fort courtes,
sont au nombre de seize , et traitent,
les trois premières , des manuscrits
transportés au Musée royal de Por-
tici ; la quatrième, des maisons des
anciens , particulièrement de celles
d'Herculanum ; les deux suivantes ,
des tableaux et peintures à fresque
trouvés dans cette ville souterraine;
la septième, des statues de bronze j
la huitième , des statues de marbre •
la neuvième, des autres antiquités
les plus importantes d'Herculanum y
la dixième, de quelques antiques de
Pompéii , de Stabia , de Pœstum et de
Caserte ; la onzième, du Musée royal
de Capo di Monte ^ à Naples, et de
la bibliothèque de Saint-Jean Carbo-
nara ; enfin, les cinq dernières, de
plusieurs morceaux antiques trouvés
à Rome et dans les environs. Nous
avons indiqué ci -dessus (n^. v) la
traduction française de cette corres-
pondance, qui fut publiée pour la
première fois en italien , dans le troi-
sième volume de la traduction de
V Histoire de VArt, par Fea. XI.
Lettres à ses amis ,, publiées par
Dassdorff", Dresde, 1777 , 1780, 2
vol. in 8^. Xlï. Lettres a ses amis
en Suisse , Zurich, 1778, in- 8».
XIII. Lettres à un de ses amis in-
times ( le baron de Muzell-Stosch ),.
dei756à 1768, Berlin, 1781,2
vol. C'est principalement dans ces
trois intéressantes collections qu'il
est agréable d'étudier Winckelmann^
soit pour suivre les oscillations et
les progrès de ses idées , soit pour
apprécier son caractère. Dans ces
conversations intimes et tendres d^ln
des hommes les plus sensibles aux
charmes de l'amitié^ on voit tous
les traits de son ame se réfléchir
comme dans un miroir. Doux et
humble de cœur , étranger à toute
WIN
intrigue et à toute ambition , sincère
jusqu'à la naïveté; il faut le voir
avouer spontanément comment de
belles dames lui firent la charité sur
le pont de Fuldc ; il faut Tentcndre se
féliciter de son bonheur, quand il tou-
- che annuellement cent soixante écus
romains ( « Cette place, qui est con-
sidérable , rapporte cent soixante
sciidis par an ; ainsi vous voyez que
j'ai de quoi vivre le reste de mes
jours, » Lettre à FniTîke y 1-^63 );
il faut le suivre au haut de sa petite
chambre située au quatrième étage,
et où il goûte plus de plaisir qu'un
pape, quand il voit. la campagne de
Rome , les orangers en fleurs et la
mer. « On me gâte , dit-il , mais le bon
Dieu me devait cela I J'ai trop pâli
dans ma jeunesse : jamais je n'oublie-
rai mon métier de maître d'école I »
C'est avec la même franchise qu'il
rend justice à son mérite, qu'il s'eV
crie : « Je m'imagine toujours que
je verrai mieux ou plus qu'un autre I...
Je suis malheureusement un de ceux
que les Grecs nomment ô-^tuy.O-lç.
Je suis venu trop tard dans le monde
et en Italie. » Qu'on ne s'imagine pas
non plus que les railleries, souvent
excessiAement piquantes , qui s'é-
chappaient de sa bouche ;, fussent lan-
cées dans l'intention d'humilier ou
de nuire. S'il tourne le dos à un gen-
tilhomme qui le prie d'être son con-
ducteur à Rome , et qui croit que
l'Histoire de l'Art est écrite en latin ;
s'il bafoue le peintre romain qui,
dans la soixante - dixième année de
son âge, vient de voir pour la pre-
mière fois la Villa Borghèse et le
tombeau de Cécilia Métclla , quoique,
grand chasseur, il ait parcouru tous
les environs de Rome; si, quand la-
dy Orford, après l'avoir accueilli
avec transport , et l'avoir supplié de
la conduire en Grèce , se dégoûte
wm 29
toul-à-coup des beaux-arts , et affec-
te de ne j^oint le connaître , il lui par-
donne , vu la mort du beau castrat
Bclli , pour lequel elle a versé plus
de larmes qu'elle n'en versera de sa
vie; il ne faut voir dans ces épigram-
mes ou ce déaain que l'indignation
d'un artiste à l'aspect de l'art outra-
gé et du crime de lèse-antiquité. C'est
aussi dans ces correspondances naï-
ves que son style toujours moelleux
et flexible devient véritablement en-
chanteur. Modèle dans tous les genres
de gracieux, il reproduisait dans
l'Histoire de l'Art la sublimité paisi-
ble et grave de Platon, haranguant ses
disciples sur le promontoire de Su-
nium. Dans ses opuscules , on croit
reconnaître les grâces de ce Xéno-
phon qualilié par ses contemporains
d'yJbeille attique : mais dans ses let-
tres, c'est la bonhomie patriarcale
du vieil Hérodote ; et l'on s'attend à
chaque moment que, faute de bien
connaître ou de se bien rappeler
sa syntaxe , il va , à l'exemple
de l'historien asiatique , accoupler
un singulier avec un pluriel, ou lais-
ser une phrase à moitié chemin.
La correspondance de Winckelmann
n'a point été traduite dans son en-
tier ; mais Jansen nous a donné ses
Lettres familières^ etc., Amsterdam
■(Paris), 1781 , 2 vol. in - 8*^. Quel-
ques autres écrits de peu d'impor-
tance ont été recueillis dans le pre-
mier volume de l'édition complète
des OEuvres de Winckelmann , par
Fernow, etc., Dresde, 181H-1820,
9 tomes en 8 volum. , avec 5 cah.
de planches, il est malheureux que
les éditeurs de celte belle collection
n'aient pu y joindre les manuscrits
laissés par î'auleur à plusieurs de ses
amis. On sait qu'il avait achevé un
Traite' sur l'état des arts et des
sciences en Italie , un Discours mr
3o WIN
les avantages de l'élocution verba-
le pour traiter l'histoire moderne
iinii' er selle f un Extrait de Junius
sur la peinture des anciens , et des
Remarques sur les orateurs grecs.
Il est à craindre aujourd'hui que ces
trésors ne soient enfouis pour tou-
jours. Dix ans après la mort de
Winckelmann , son Eloge fut pro-
pose pour sujet de prix par la so-
ciété des antiquités de Hesse-Cassel ;
et la médaille fut adjugée au célèbre
Heyne de Gottingue , qui peu après
iit imprimer son ouvrage, Leipzig^
1778. C'est un des morceaux les plus
précieux pour l'histoire de Winc-
kelmann. On peut aussi consulter
avec fruit la Notice biographique et
littéraire sur J.-J. TVinckelmann ,
parGurlitt, Magdebourg, 1797 (en
allera.), un vol. in-4"'? la Fie de
l'auteur placée à la tcte de l'édition de
Fernow, et V article PFijickelmann de
la Biographie allemande d'Hirsching
(édit. d'Ernesti, Leip/ig , 181 5 )j
qui malheureusement ne contient que
des détails biographiques. On sera
plus satisfait sous le rapport littérai-
re en lisant le Discours de Charles
Morgenstern , Leipzig, i8o4 , in-4°. :
TVinckelmann et son siècle^ par
Gœthe,Tubingue^ i8o5, gr.in-8°.,
et un très-beau morceau de M"^^. de
Staël, dans son ouvrage : De V Al-
lemagne. L'article anglais de Chaî-
mers {Gen. Biograp. Dictionary ,
XXXI \ , 1 9^3 ) n'est intéressant que par
une longue notice surArchangeli. Bo-
setti ( Dominique ) , docle littérateur
de Trieste , a publié les huit derniers
jours de Winckelmann , Supplément
à la biographie^ extrait des actes
originaux de la procédure instruite
contre son assassin , avec une préface
de Bœttigcr et un fac siniile de
l'écriture de Winckelmann , Dresde,
i8i8, in- 8°. On a trois portraits
WIN
<
de W^inckelmann. Le premier, gra
vé par Folin, d'après un dessin que
ce même Casanova , dont il sup-
porta si im])atiemment l'artifice ,
fit eu médaillon, dans le goût anti-
que, se trouve placé à la tête du S'',
volume de la Nouvelle Bibliothèque
des belles -lettres et beaux -arts de
Leipzig. Le second est l'ouvrage de
la célèbre Angélica KaulFmann. En-
fin un troisième a été gravé an burin,
à Leipzig , sur un portrait apparte-
nant au comte de Muzell-Stosch, et
peint par Maron. C'est à ce dernier
que l'on accorde la préférence. En
effet, il représente avec une fidélité'
parfaite la tête de Winckelmann ,
son front bas , son nez pointu , ses
petits yeux noirs, vifs et enfoncés,
sa bouche dont les lèvres minces
avaient trop d'élévation _, mais an-
nonçaient les observations éminem-
ment délicates dont elles devaient
être l'organe. L'ensemble expressif
et fin de toute sa physionomie plaît
davantage à mesure que les yeux s'y
attaclicnt , quoique le regard ait
quelque chose de défiant et d'interro-
gateur. Mais cette défiance n'est que
cqlle d'un artiste , et ce regard sem-
ble dire : Avez-vous une ame? Etes-
voiis digne que l'on vous dévoile
Laocoon et Agésandre ? est-ce la pei-
ne de vous décrire Apollon? P-ot.
WINGKELRIED ( Arnold de ) ,
surnommé le Décius des Suisses y
était un simple paysan du canton
d'Underwald , qui par son dévoue-
ment détermina la victoire de Sem-
pach , en 1 38(3. Une guerre furieuse
s'était rallumée entre les seigneurs et
les nobles d'une part, et les bour-
geois des villes et les paysans libres
de l'autre. Le duc d'Autriche Léo-
pold s'était mis à la tête de la no-
blesse j il ne parlait que d'écraser
l'insolente confédération des Suisses,
I
WIN
el (le leur faire expier leur rébellion
pard.es supplices. Cent soixante-sept
S rinces ou seigneurs de l'HclYctie et
e la Souabe envoyèrent aux can-
tons, dans l'espace de quelques se-
maines , des dé/is et des déclara-
tions de guerre pleines d'outrages et
de menaces. Ceux-ci , quoique ré-
duits , par le refus des secours de
Berne , aux forces de sept cantons ,
se préparèrent courageusement au
combat. Le 9 juillet i38G, Léo-
pold avait réuni ses forces sous les
murs de Scmpach ( ville à quelques
lieues de Lucerne). C'était une ar-
mée de plus de quatre mille hommes
d'élite , couverts des armures les
plus brillantes. Les confédérés occu-
paient une hauteur défendue par un
bois. Ils n'étaient que quatorze cents
combattants, tous à pied , et la plu-
part mal armés ^ mais ils portaient
les mêmes épées et les mêmes halle-
bardes avec lesquelles ils avaient
vaincu à Morgarten. Ils formèrent
mi ordre do bataille serré , ayant la
forme d'un coin. Ce fut dans cet or-
dre qu'après avoir imploré à genoux,
suivant leur usage , la protection
divine y ils marchèrent à l'ennemi.
Les cavaliers de Léopold avaient mis
pied à terre par ses ordres. Ils for-
maient une phalange serrée et héris-
sée de longues piques. Les Suisses
firent de grands elïbrtSjpour enfoncer
cetle phalange. Mais ses boucliers et
ses piques semblables à un mur de
fer leur opposaient une barrière im-
péjiélrabîe. Déjà leur chef dangereu-
sement blessé laissait échap])er la
bannière de ses mains , lorsqu'on vit
Arnold de Winckelried , homme
grand et fort autant qu'intrépide^
s'élancer hors des raugs , criant à
ses compagnons d'armes : Jyez soin
de ma femme et de mes enfants.
Je vais vous owrir un passade. Au
WIN 3i
même instant il court à l'ennemi ,
saisit autant de fers de piques que
ses bras nerveux en peuvent conte-
nir, et les appuyant sur sa large
poitrine , il les entraîne avec lui eu
tombant. Par cette action héroïque y
il assure la victoire à ses compatrio-
tes y qui , passant en foule sur son
corps , se jettent dans Touverture
qu'il leur a faite. Leurs files étroites
et serrées y pénètrent avec une force
irrésistible. Les premiers rangs des
ennemis fatigués et embarrassés de
leurs armures sont renversés par ces
hommes intrépides ,• la confusion ,
l'épouvante s'emparent de leur trou-
pe. Les Suisses en profitent pour faire
un horrible carnage. Léopold lui-
même , désespéré eu voyant la dé-
faite des siens, cherche et trouva
la mort, et les confédérés restent
victorieux sur le champ de ba-
taille. Un service perpétuel fut fondé
par eux , et se célèbre encore aujour-
d'hui chaque année, pour le repos
des âmes de tous ceux qui périrent
danscette journée glorieuse, et prin-
cipalement de Winckelried. ( His-
toire des Suisses , par Mallet , vol.
i«^i'., chap. 12.) U — I.
WINCKLER (Théophile-Fré-
déric) , archéologue, naquit eu
l'y 71 à Strasbourg, et y fit ses
études avec succès, sous la direc-
tion de Schweighœuser et d'Oberlin.
Atteint par la loi de la réquisition ,
ses caiparadcs le nommèrent leur
capitaine. A la prise du fort Vaubau ,
il fut fait prisonnier de guerre avec
son bataillon et conduit en Hongrie.
Il parvint^ malgré la sévérité de ses
gardiens y à se procurer quelques li-
vres _, avec le secours desquels il ap-
prit le hongrois et le grec moderne.
Ces premières connaissances lui faci-
litèrent les moyens de faire des ob-
servations intéressantes sur les pays
3'i
WIN
WIN
qu'il traversait. L'échange des pri-
sonniers de guerre ayant eu lieu,
Winckicr revint h Slrasl)ourg , et
accompagna bientôt après, à Paris ,
deux jeunes gens dont on lui avait
confie l'éducation. Il suivit, ainsi que
ses élèves, le cours d'archéologie que
ÎVlillin venait d'ouvrir, et s'y distin-
gua par son assiduité'. Mil! in , ayant
apprécie les talents de Winckler,
luj proposa de l'associer à ses tra-
vaux. Trois ans après , une place
d'employé du cabinet des médailles
étant venue à vaquer , Winckler y
fut nommé. L'exactitude qu'il ap-
porta dans l'exercice de ses fonc-
tions , sa douceur, sa complaisance,
lui méritèrent l'estime de tous les sa-
vants. Possédant les langues ancien-
nes et modernes , versé dans l'his-
toire littéraire et la bibliographie, il
s'appliquait avec ardeur à l'histoire
des arts, à la numismatique, à la
paléographie^ etc. Des ouvrages im-
portants ne pouvaient manquer d'ê-
tre le fruit de ses recherches ; mais
ime apoplexie foudroyante l'enleva
le 20 fév. 1807 , à l'âge de trente-six
ans. Millin , dans lequel il avait trou-
vé toute la tendresse d'un père ,
prononça sur sa tombe un dis-
cours touchant qui est inséré dans
le Magas. encj'clop. de cette année.
Winckler a fourni plusieurs articles
à ce journal, entre autres : une No-
tice sur les Grecs modernes y sur
leur langue et sur quelques ouvra-
ges écrits dans cet idiome ( ann.
I7()9, VI, 289); et une excellente
Notice sur le vénérable /.-/. Oberlin,
son maître et son ami ( ann. 1807 ,
II ^ 7*2-140 ). C'est son dernier écrit.
On lui doit la traduction du Voyage
à la Chine par J.-C. Huttner, Pa-
ris, 1799, in- 18; celle du Voyage
en Suède , de Lenz^ et celle de Y Es-
sai sur l'histoire des femmes de Ja-
ccbs. Il est l'éditeur du Répertoire
du Vaudei'ille ou Recueil des meil-
leures pièces en vaudevilles , léna
et Paris, 1800 , 2 part. , in-S*^. , en-
richi d'un discours préliminaire et
de notes historiques et grammatica-
les. W— s.
WINDECK(ÉBEiiHARD),néà
Maïence , vint de très-bonne heure à
la cour de l'empereur Sigismond, qui
l'employa, pendant quarante ans,
dans les missions les plus importan-
tes. 11 écrivit en allemand la Vie de
ce prince; et il continua l'histoire
d'Allemagne jusqu'à l'an \[\[\i. On
loue sa franchise et son exactitude.
Mencken , dans ses Script, rer. ger-
man. , tome i , a publié le travail de
Windeck , sous ce titre : Eberhardi
Windeckii historia vitœ imperato-
ris Sigismundi vernacula, ex vetus-
tissinio et ferè coœt^o exemplario
bibliothecœ dncalis Saxo Gothanœ,
nuncprimcun édita, cum codice ma-
nuscripto recentiori diligenter col-
lata , revisa et adjustam annorum.
sericju redacta. G — y.
WINDELFETS. Foy. Widen-
FELDT.
WINDER (Henri), théologien
anglais^ de Idi classe des dissenters y
naquit, en 1698 , à Hutton - John,
dans la paroisse de Graystock en
Cumbcrland. Il fut, à l'âge de vingt- ~
deux ans, élu pasteur d'une congré-
gation à Tunicy en Lancashire , et
en 17 18 fut transféré, au même
titre , à Castîe-Hey à Liverpool.
Il dirigea cette société jusqu'à sa
mort, arrivée le 9 août 17 52. On lui
doit un ouvr<ige estimé, ayant pour
titre : Histoire critique et chronolo-
gique de l'origine , des progrès, du
déclin et de la renaissance de la
science , principalement religieuse ^
en deux périodes : celle de la tradi-
tion depuis Adam jusqu'à Moïse, et
WIN
celle de récriture depuis Moïse jus-
qu'au Christ. La seconde édition de
cet ouvrage fut publiée en 1759, 1
volumes in-f^^.j elle est précédée de
mémoires sur la vie de l'auteur,
par George Benson. L.
WINDHAM , gentilhomme an-
glais , né à Norfolk vers le com-
mencement du seizième siècle, fut
un des premiers commerçants €t
navigateurs de sa nation. En i55i ,
il fit voile pour Maroc sur un
vaisseau qui lui a])partcnait , et
n'ayant pour objet, du moins osten-
sible , dans ce premier voyage , que
de reconduire dans leur patrie deux
princes maures qui se trouvaient en
Angleterre. On sait qu'à cette époque
les Portugais s'arrogeaient le droit
exclusif du commerce d'Afrique; ce-
pendant Windham y fit encore deux
voyages furtivement : alors il fit part
de ses projets à plusieurs ])ersonnes
riches qui , les ayant goûtés, réunirent
des fonds considérables , et armèrent
trois vaisseaux dont Windham eut
le commandement. ïl mit à la voile
le i<^i'. mai i55îi deKing'sroad près
de Bristol. Le temps fut si favo-
rable, qu'en quinze jours il arriva
sur les côtes de Barbarie , au port
de Zafia. Les marchandises furent
portées par terre jusqu'à Maroc.
Windham passa ensuite dans un au-
tre port , où il se défit du reste de sa
cargaison. Peu après le vice-roi vint
le visiter avec beaucoup de politesse.
Étant passé de là aux Canaries, et
son vaisseau, qui faisait une voie
d'eau, l'ayant forcé d'y relâcher,
les Espagnols témoignèrent beaucoup
de mécontentement à la vue des ca-
ravelles qui faisaient partie de son es-
cadre. Cependant il les avait ache-
tées des Portugais; mais s'imaginait
qu'elles avaient été enlevées à des
armateurs de leur nation, les Espa-
LI.
WIN
33
gnols tombèrent sur les Anglais qui
se défendirent courageusement. Ils
firent même le gouverneur prison-
nier. Toutefois l'affaire s'éclaircit;
les Espagnols convinrent de leur
tort, et rendirent quelques Anglais
qu'ils échangèrent contre leur gou-
verneur. 11 était temps que ceux-ci se
retirassent, car il arrivait dans le
même lieu des vaisseaux portugais ,
par lesquels ils eussent été maltraités,
cette nation ne voyant pas sans une
extrême jalousie que les Anglais
commençaient à s'emparer du com-
merce de Barbarie. Sur la fin
d'octobre Windham arriva à Lon-
dres et s'y fit dédommager par les
marchands espagnols de la perte
qu'il avait essuyée aux Canaries.
L'année suivante , l'amour des voya-
ges le remit en mer ; il pouvait
se flatter d'un grand succès s'il
n'eût pas nui lui-même à son entre-
prise par la hauteur et la violence
de son caractère. Il s'était lié d'ami-
tié avec Antoine Anez Pintéado , Por-
tugais disgracié , mais homme d'un
grand mérite et d'une expérience
consommée dans la marine et le com-
merce delà Guinée. Ils devaient par-
tager entre eux l'autorité, ou plutôt,
réunissant leurs vues et leurs lumiè-
res , ils devaient n'avoir qu'un même
intérêt; qu'un même esprit; mais à
peine eurent-ils dépassé Madère _,
que Windham , se livrant à toute la
dureté et à l'arrogance de son carac-
tère, traita indignement Pintéado ,
et se sépara de lui , ce dont il se trou-
va bientôt fort mal , car il fit de très-
mauvaises affaires et mourut sur la
côte de Guinée , dans la misère , et
abandonné de tout le monde. M-le.
WINDHAM (Joseph), ajuste et
antiquaire anglais, né en 1789 à
Twickenham , fit ses études à l'école
d'Éton et au collège du Christ à Cam-
3
34 WIN
bridge , auquel il fut agrège. Conduit
surtout par son penchant pour Tar-
chitectnrc et la recherche des anti-
quités, il voyagea ensuite en Fiance,
en Italie et en Suisse. Un goût dé-
licat dans les arts du dessin se joi-
gnait chez lui à une érudition pro-
fonde et varice. Pendant son séjour
à Rome , il observa et mesura avec
une grande exactitude les restes que
cette ville offre encore de l'architec-
ture ancienne ^ et particulièrement
des bains ; mais peu jaloux de secréer
un nom , il donna les plans de ces
objets à M. Ch. Cameron, arcliitec-
te, qui les fit graver, et les plaça
dans son grand ouvrage sur les Bains
des Romains ( 17*^2, in -fol.). Une
grande partie du texte de ce livre fut
due également à Joseph Windham ,
qui , devenu membre de la société
des Vilettanti , rédigea aussi le tex-
te presque entier du second volume
des Antimites ioniennes ^ publiées
par cette compagnie savante. Le se-
cond volume de l'ouvrage de Stuart
sur Athènes a de même profité de
ses communications libérales. Mal-
gré sa modestie, son mérite ne put
rester toujours ignoré. La société
royale de Londres l'appela dans son
sein , ainsi que celle des antiquaires,
où il fut , pendant trois années ,
membre du conseil , et dont il refusa
la vice-présidence. Le seul écrit qui
porte son nom est inséré dans !e si-
xième volume de l'Archéologie : Ob-
sen^adons sur un passage de l'His-
toire naturelle de Pline , relatif au
temple de Diane à Ephèse , avec
deux planches. L'auteur mourut en
janvier 181 1. L.
WINDHAM (William) , minis-
tre d'état anglais, descendait d'une
ancienne famille du comté de Nor-
folk , et naquit à Londres le 3 mai
17JO. Il fit des études brillantes
WIN
à l'université d'Oxford , et voya
gea sur le continent. J/amour des
sciences et le désir d'explorer le
globe le portèrent à s'embar-
quer, en 1773, pour une expédi
tion destinée à chercher un passag
vers le pôle nord; mais il souffrit
tellement du mal de mer , qu'il revin
en Angleterre , où pendant la gueriM
d'Amérique il manifesta , jeune en-i
core, la plus vive indignation contr
les ministres qui venaient de la pro
voqiier. Devenu ainsi orateur popu
laire et whig déterminé, il entra ei
1782 au parlement, où il siégea
dans le parti de l'opposition , à coÙ
de Charles Fox. En 1 784 , Burke le
choisit pour le seconder dans sa mo
tion relative aux représentations à
faire au roi sur l'état de la nation,;
11 se montra encore fort opposq
au ministre Pitt , en 1789, dam
l'affaire de la régence , où il si
prononça pour que l'on accorda
des pouvoirs illimités au princi
de Galles. En 1791 , lors de la me
siiitel igence qui se manifesta avec h
Russie, il contribua par son éloquen
ce au maintien de la paix en conju
rant les desseins du ministère. I
s'éleva ensuite contre le bill de h
loterie et contre la traite des noirs
Mais le spectacle de la révolutio
française le fit ensuite changer tota
lement d'opinion , et il déserta le,
bancs de l'opposition, avec Burke
pour venir «rossir les rangs du part
minis tériel devenu lepartinat!ona!pa
la défection d'une foule de whigs qu
redoutaient l'infinence des principe
démocratiques. A la fin de 1792 , ï
s'opposa, ainsi que Burke, à lapropo
sition d'une réforme parlementaire \
en déclarant que « quelque étrang<
» que dût paraître sa conduite y lei
» circonstances étaient telles , qu'i
» voterait désormais avec ceux do»
WIN
» il avait précédemment reprouve
» les opérations , et contre ceux dont
» les opinions avaient ëtë jusqu'alors
» en liarmonie avec les siennes. » A
la séance du 2 février suivant , il
répliqua avec beaucoup d'éloquence ,
à l'occasion de la mort de Louis
XVI, au discours de Fox, son an-
cien ami, qui, improuva ut la guerre,
demandait qu'on ouvrît des négocia-
tions, il démontra que la France n'é-
tait pas dans un e'tat qui permît
de négocier avec elle. Fox , à la
séance du iS, ayant tenté un der-
nier effort pour faire adopter ses
propositions, Wiiidham lui répon-
dit de nouveau , avec un plein succès.
Dans toute cette session, il seconda
avec beaucoup d'énergie, de concert
avec Burke , le système du principal
ministre Pitt , et lorsque le roi ou-
vrit la session de 1791 , il déploya
tous ses moyens oratoires , pour re-
pousser les vues et les doctrines des
membres de l'opposition , qui se dé-
claraient les champions de la révolu-
tion française. Le 21 janvier, il dé-
truisit l'effet qu'avait pu produire le
discours long et Ueuri dans lequel
Slieridan , passant en revue , avec
beaucoup de sévérité, les opérations
de la dernière campagne , avait con-
clu par demander qu'on saisît la
première occasion de faire la paix ,
et avait fait allusion , en parlant des
entraves que les Français mettaient
au commerce, à ces paroles pro-
férées jadis par Windham lui-mêine :
« Périsse notre commerce , pourvu
» que nous conservions noire consti-
» tution ! » Windham , justifiant la
guerre , contesta le principe si sou-
vent allégué qu'une nation n'avait
pas le droit de se mêler du gouver-
nement d'une autre nation. « Qui
» osera nier , ajouta-t-il , que les
» Français n'aient tenté eux-mêmes,
WIN
35
» les premiers, de se mêler du gou-
n vcrnement des autres peuples ; et
» que deviendrait l'cquililjre de l'Eu-
» rope, si l'on n'avait pas le droit
» de se contrôler mutuellement?» A
la séance du 10 mars, où fut traitée
l'atfairede Muiret Palmer, condam-
nés à la déportation , pour délits ré-
volutionnaires , la discussion ayant
roulé principalement sur les formes
observées dans ce procès-, Windham
dit qu'il ne s'agissait pas d'examiner
si la loi était juste et politique, mais
si les sentences rendues étaient léga-
les. Il se plaignit qu'au lieu d'abor-
der franchement la question, Shcri-
dan ne se fût arrêté qu'à faire des
rapprochements avec d'anciennes
opinions de quelques membres de
la chambre, qui n'avaient aucun
rapport à la discussion actuelle ; car
quelles que pussent avoir été jadis
les idées de ces honorables person-
nages (i) relativement à la réforme
parlementaire, une plus longue ex-
périence et l'exemple terrible d'un
peuple voisin les avaient suflisam-
ment avertis que ces idées étaient
erronées. Dans l'importante discus-
sion qui eut lieu le 28 , au sujet
des levées de volontaires par sous-
cription , il défendit cette mesure mi-
nistérielle, et selon l'expression de
l'époque, employée à son égard, il
terrassa Fox avec la massue démos-
thénique. Ne craignant pas d'abor-
der la question au fond , et de plai-
der la cause de la prérogative royale
qu'il regardait comme le palladnim
de |a liberté et de la constitution, il
trouva très -déplacé (\[\t certaines
gens réclamassent le privilège d'être
les seuls gardiens , les seuls amis
de la constitution , et cita , à ce
sujet, le mot d'un Espagnol qui di-
(i) Le duc de Portland et M. Pitt.
3r>
WIN
sait : Défende z-inoi de mes amis ,
je me charge de meseimcmis. a Les
Jacobins , en France , ajouta-t-i! ,ont
ainsi commence par s'appeler les
amis de la constitution , et ils l'ont si
tcndrernetit aimée , qu'ils l'ont détrui-
te. » Windham avoua qu'en 1782
il était du nombre de ceux qui s'é-
taient opposés aux souscriptions vo-
lontaires : « Si c'est une erreur, dit-il ,
j'en conviens sans lionte , mais je
croyais alors la guerre d'Amérique
injuste , au lieu que la guerre ac-
tuelle me paraît fondée sur l'équité.
Je ne me suis point écarté de mes prin-
cipes • si quelques-uns de mes amis
d'alors me reprochent de m'être éloi-
gné d'eux , je leur dirai avec plus
de raison que ce sont eux qui
se sont éloignés de moi. . . » Le i3
mai , il fut nommé membre du co-
mité secret , chargé d'examiner les
papiers relatifs aux manœuvres sédi-
tieuses récemment découvertes. Pitt
ayant proposé un h\\\ pour la suspen-
sion de l'acte d'/ïrtZ>e«5corpï/5^ de gra-
vesdébats s'engagtrent;Windbam ré-
pondit à Sberidan qui attaquaitle bill
proposé comme contraire à la constitu-
tion. Il établit d'abord que l'état des
choses était alarmant, qu'on n'avait
que le choix entre deux alternatives
également fâcheuses , et que !a crise
qui agitait le monde prenait sa source
dans des circonstances qu'il était
tout aussi impossible de prévoir que
de prévenir. « 11 restera à décider,
)) dit-il , si l'on est ou si l'on n'est
» pas convaincu que le danger est
» parvenu à un tel point qu'il soit
w nécessaire de fortifier le pouvoir
» du gouvernement. Au lieu de s'atta-
» cher à cet objet , les membres du
» côté opposé ont cru faire de beaux
» raisonnements en attaquant le mi-
» nislre , et en l'accusant d'avoir
» abaiidoiiné ses anciens principes
WJN
» sur la réforme parlementaire. Cer-
» tes je n'aurai pas ici la prétention
» de défendre un personnage qui se
» défendra lui-même beaucoup mieux
» que je ne le ferais ; mais je ne puis
» m'empécher de faire observer que
» ce système de réforme qu'il a sou-
» tenu était absolument différent de
» celui qui est agité aujourd'hui
» par les divers clubs dont la con-
» duite a enfin attiré l'attention du
» parlement. Mais en admettant que
» ces Messieurs aient raison dans cet
» argument, voyons un peu ce qu'il
» prouve et où il nous mène. Eh bien î
» le pis-aller sera de convenir que le
» ministre a approuvé y à tort , il y
» a douze ans , une mesure que l'ex-
» périence et sa raison l'ont déter-
» miné à abandonner ensuite. Voilà
» à quoi se réduit ce grand moyen
» d'attaque I C'est par la même logi-
» que que l'on m'a accusé aussi, ^
» moi ,à^incojisis tance. •» Passant à]
la question de la réforme parlemen-
taire: «C'est, ditWindham,unmot!
» très-beau, très- bien sonnant et bieu;
» fait pour cacher d'autres desseins.
» Mais je le demande ici, y a-t-il|
)) quelqu'un dans la chambre qui]
» croie que si jamais le moindre]
» pouvoir venait à tomber dans lesi
)> mains d'une espèce d'hommes pa-
» reille, ils n'adopteraient pas à Fins-
» tant la même marche qui a conduit'
» la France à la destruction de l'or-l
)) dre , de la religion , de la proprié-
» té et du gouvernement ? Voilà
» certainement où ils finiraient par
» nous mener. J'enappelleàla cons-
» cience de tous les membres pré-
» sents, n'est-il pas temps de pren-
» die les mesures nécessaires pour!
» réprimer l'audace de ces clubs qui
» excitent des émeutes et des insur-
» rections dans diverses parties du'
» royaume ? lia sûreté publique
WIN
» exige qu'à quelque prix que ce soit
» on sacrifie tout à l'extinctiou des
» principes jacobins ; et je ne dis pas
» seulement la surctc de TAngleterre,
w je dis la suretc de toute l'Europe,
:> celle même de l'Amérique , en un
v> mot , celle de tous les pays oii il
» y a quelque chose à détruire et
» quelque chose à piller. Maintenant
» je laisse au bon sens de la chambre
» à décider si elle ne juge pas plus
» dangereux de conliuuer à laisser
» égarer les idées du peuple, en per-
» mettant qu'on lui présente conti-
» nuellemcnt l'appât du pillage et de
î> la confusion , que de prendre nne
)) mesure forte , qui par une suppres-
» sion momentane'e de l'acte d'/m-
y> béas corpus doublera la vigueur et
î) la st.'ibilité de notre heureuse cons-
» titution , en la préservant de la
» crise actuelle. » Ce discours pro-
nonce avec chaleur et conviction
fit nne si grande impression sur la
chambre , que Fox crut devoir y re-
pondre par le développement de tou-
te son éloquence. Mais dans ce grand
débat, la majorité finit par assurer
la victoire à MM. Pitt, Dundas et
Windham. Au mois de juillet sui-
vant Pitt ouvrit l'entrée du minislcrc
au duc de Porlland , afin de fortifier
sou administration, et Windham
y entra comme membre du con-
seil prive , ayant le département
de la guerre. Dès qu'on le vit minis-
tre on l'accusa de n'avoir déserté le
parti stérile de l'opposition que pour
les émohimejits productifs de la cour.
Aux réélections qui eurent lieu vers
cette époque , il se mit sur les rangs
comme candidat de la ville de Nor-
wich; il avait pour concurrent un
avocat de Londres nommé Minguay ,
et son élection fut très-disputée par
les efforts du parti qui lui était op-
posé, parti trcs-uombrcux dans cette
WIN 37
ville manufacturière; toutefois une
majorité de douze cent trente-six
voix contre sept cent sept assura son
triomphe. Il ne montra pas moins
d'énergie dans le conseil. Convaincu
de l'importance du parti royaliste de
la Vendée et de la Bretagne qu'on
avait trop négligé , il fut d'avis que
c'était surfout en France qu'il fallait
combattre la révolution, et il appuya
fortement un Mémoire que le comte
de Puisaye présenta à cette époque
au ministère anglais , pour lui faire
adopter le plan d'une expédition en
Bretagne; et il eu t même plusieurs con-
férences avec ce chef des royalistes
français, en présence de ses collègues.
Dans de telles dispositions il se trouva
naturellement porté à combattre la
motion qui fut renouvelée au parle-
ment, pour que le ministère intercédât
auprès de l'Autriche , afin d'obte-
nir la délivrance de M. de Lafayette
et de ses compagnons de captivi-
té. Condamnant ouvertement l'in-
térêt qu'on avait tenté d'inspirer
pour le captif d'Olmutz , il pronon-
ça la sentence «« qu'il ne faut jamais
» pardonner à ceux qui commencent
» les révolutions. » Le ministère
craignant, au printemps de 1793,
la lassitude et le découragement des
royalistes bretons et vendéens, dont
il entretenait les illusions et l'espé-
rance , se décida enfin sur l'avis de
Windham à ordonner l'armement
projeté sur les cotes de France. Ce
ministre, approuvant les dispositions
prébminaires de M. de Puisaye, lui
remit deux lettres adressées aux dif-
férents chefs de la Bretagne et de la
Vendée : rien n'y était omis pour les
disposer à faire un effort au moment
où l'expédition se présenterait en
vue des cotes. Ou sait par quel con-
cours de circonstances imprévues
cette expédition échoua {Fo)'. SobI'
38
WIN
BRFUiL ). Après la catastrophe
Quiheron, Windbam eut la franchi-
se de s'accuser lui-mcme au parle-
ment d'avoir provoque cette mal-
heureuse entreprise, déclarant que
M. Pitt s'y était oppose. Pitt prit la
parole, et dit qu'il ne s'agissait pas
de savoir quelle avait été dans le
conseil l'opinion de chaqu'e ministre^
que tous devaient également répon-
dre de ce qui y avait été' décide'.
Windham continua de favoriser le
parti royaliste , et après la première
pacification de la Bretagne et de la
Vendée, il fit accorder à M. de Pui-
saye et à quelques-uns de ses compa-
gnons d'armes un établissement dans
le Canada. Au mois de iuin 1797 ,
lors du conseil tenu , au sujet des
conférences de Lille avec le Direc-
toire de France , il se déclara haute-
ment contre la paix, et fut de tous
les ministres celui qui parut vouloir
le plus franchement le retour de la
royauté eu France , et la ruine de
tout autre gouvernement. Ce fut sur-
tout à l'époque de la seconde coali-
tion , en 1 799 , qu'il sembla poursui-
vre ce système avec le plus de téna-
cité. Le 27 octobre, il témoigna à la
chambre des communes son étonne-
ment de ce qu'on approuvait la me-
sure de convertir la milice en trou-
pes de ligne, quand d'un autre cote
on s'opposait à l'emploi de ces for-
ces; il prétendit que l'Angleterre ne
devait pas se borner à la défense de
ses rivages et aux intérêts de son
pays ; et il demanda encore à cette
occasion que Ton mît à profit les
dispositions d'une partie rie la na-
tion française pour le rétablissement
de la royauté, qu'il regardait désor-
mais comme assurée et comme la
chose la plus avantageuse pour les
intérêts de la Grande-Bretagne et
pour l'exécution parfaite de ses
WIN
projets. Déjà , en efi'et , soixante"
mille royalistes étaient en armes
dans les quatorze départements de
l'Ouest par l'impulsion du cabinet
anglais. Mais tout-à-coup la perte de
la bataille de Zurich, la honteuse is-
sue de l'expédition de Iloilande, et
le retour de Buona parte d'Egypte,
en changeant la face des affaires,
firent évanouir les projets de contrc-
révoiulion dont Windham était le
principal mobi'e. Le 27 juin 1800,
il parla pour qu'on tolérât en An-
gleterre le papisme et les débris de
l'Eglise gallicane, reprochant à ses
adversaires de craindre quatre à
cinq mille prêtres français pliis
que les progrès des républicains qui
menaçaient de conquérir le monde
entier à l'athéisme. LeiSnovembre,
il combattit la motion de M. Jones,
demandant la remise à la chambre
d'une copie de la lettre de l'amiral
Keilh au général Klébcr, en disant
que « si l'on faisait un crime aux
» ministres d'avoir donné des ins-
» tructions qui eussent fait rompre
» la convention d'EI Arich,en Egyp-
» te, il faudrait abandomier toutes
» les conquêtes pour ne pas arrêter
» les négociations » ( F. Kléber ).
Il essaya aussi , le i"". décembre, de
justifier l'Autriche, accusée d'aban-
donner les intérêts de l'Angleterre,
s'attachant à repousser le reproche
que Sheridan faisait aux ministres
de n'avoir jamais voulu sincèrement
la paix. Il s'éleva de nouveau , le 3
févi^ier 1801, contre les proposi-
tions de paix avec la France , et as-
sura que tant qu'il ntf se serait pas
opéré un changement total dans la
politique du gouvernement français ,
une pareille proposition serait déri-
soire. Cependant le besoin d'une paix
dont toutes les autres puissances
donnaient l'exemple se faisant de
WIN
plus en ])lus sentir, le cliangcment
de ministcie devint iiievilabie , et le
roi George accepta , le 5 février , la
démission de Windliam , de Pitt et
de leurs colK gués. La retraite de tels
hommes , à luie époque si critique ,
fixa vivement l'attention du parle-
ment, et il y fut question d'une en-
quête sur la conduite des ministres.
Windliam défendit, avec toutes les
ressources de son talent et toute la
chaleur de l'intérêt personnel , le bill
d'oubli ( bill of indemnité ) proposé
en faveur des hommes publics qui ,
dans ces temps d'orages, auraient pu
commettre des erreurs dans l'arres-
tation ou la détention de personnes
suspectes. Mais les approches de la
pacification avec la France semblè-
rent le raiïérmir encore dans son op-
position ; et on le vit repousser très-
vivement les assertions de M. Tier-
uey au sujet des concessions à faire
à la France pour avoir la paix, en
disant que son agrandissement ex-
cessif devait au contraire engager
l'Euro j)e entière à se liguer contre
elle. Depuis cette époque il ne laissa
échapper aucune occasion de déve-
lopper les mêmes principes, et il
sonna constamment l'alarme sur les
projets ambitieux et les envahisse-
ments successifs de Buonaparte. Le 3o
octobre 1H02, il s'éleva avec beau-
coup de force contre les préliminai-
res de la paix qui venaient d'être
conclus; et, loin de se réjouir de cet
événement, il représenta l'Angleterre
comme couverte d'un crêpe funèbre.
Il chercha ensuite à prouver que les
arrangements relatifs à l'île de Mal-
te n'étaient, dans la réalité, qu'une
cession déguisée de cette île à la
France; puis, remontant aux premiè-
res causes de la guerre , il dit qu'on
avait manqué le but en poursuivant
la conquête des colonies j il rappela
WIN
39
les expéditions de Toulon et de Qui-
beron , s'applaudit de les avoir ap-
prouvées , et vanta la fermeté de son
ami M. Pitt, qui avait réclamé sa
part de la responsabilité. 11 termina
ce discouis très-éloquent par un ef-
frayant tableau du triomphe des
jirincipes révolutionnaires; et, un
peu plus tard, il accusa de nouveau
les ministres d'incapacité, répétant
que les vues de la France étaient
d'enchaîner la Grande-Bretagne, et
de la réduire à l'état d'impuissance
dont elle avait frappé le continent.
11 les attaqua surtout avec la derniè-
re violence, lorsqu'ils proposèrent
la prorogation du parlement à une
époque où , selon lui, l'ambition dé-
mesurée de Buonaparte avait place
l'Angleterre dans un danger sans
exemple; et à la rentrée du parle-
ment il se livra aux provocations
de guerre les |)Ius vives. En \ 8o3 ,
il continua d'être le chef de la nou-
velle oj)j)osition , qui se composait
du parti Grenville; et, la guerre s'é-
tant rallumée, ses prédictions sem-
blèrent s'accomplir et ses principes
triompher. Le 6 juin , il combattit
le plan des ministres pour Torgani-
sation de l'armée, et termina ainsi
son discours : « Le traité d'Amiens
î) a détruit toute notre influence sui
» le continent, il a fait pour nous
» une côte de fer de toute la côte
» d'Europe, et il n'y a plus de port ,
» de havre où nous puissions mettre
» à l'abri une chaloupe. On me dira
» que le continent déteste la France;
» mais que lui importe qu'on la
» haïsse pourvu qu'on la craigne?
» Ne va-t-on pas médire encore que
» ^*e veux me battre pour les Bour-
» bons, pour les royalistes, pour la
» monarchie? On ne m'a jamais bien
» compris... On ne cesse de parler de
)) l'immense pouvoir delà république
4o
WIN
4
» française; lie confondons pas lepoii-
y> voir et la durée. Personne de nous
» ne peut nier que nous souliaitons
)) tous la fin de ce pouvoir. Je suis
» du nombre de ceux qui ne traitent
» point avec mépris l'idée d'une in-
» vasion. Nous avons atl'aire à un
» ennemi qui ne fait rien à demi. Je
î) m'en suis entretenu avec dcshom-
» mes capables de bien juger, et
)) qui connaissent la guerre : ceux-
» là ne parlent pas lëgcrement d'une
» invasion. Mais d'un autre côté
» soyons convaincus de la force et
■» des ressources que nous,, offre no-
î) tre pays , et de la confiance qu'il
» faut placer dans sa vigueur, si
» nous sommes bien dirigés. ...»
Windham provoqua ainsi la disso-
lution du ministère Addington, et
Pilt reprit en i8o4 les rênes du
liouvoir , mais ne comprit que très-
peu de ses anciens collègues dans
la nouvelle administration j Win-
dham s'en trouva exclu. Soit qu'il
en eût du ressentiment, soit qu'il dé-
sapprouvât les opérations de Pitt,
il les attaqua souvent avec amertu-
me. A la mort de ce grand Lomme ,
arrivée en janvier 1806, il témoi-
gna son étonnemcnt qu'après les évé-
nements désastreux qui avaient mar-
qué les six derniers mois de son mi-
nistère, on voulût accorder h sa mé-
moire des honneurs publics , et il ré-
clama surtout contre la qualification
à^ excellent homme d'état y ([n^n lui
avait donnée. Toutefois il appuya la
proposition de mettre ses dettes à la
charge de l'état. L'administration
ayant alors été totalement changée ,
Windham reprit le porte-feuille de
la guerre dans le nouveau ministère
formé par lord Grenville et Fox.
Une des premières mesures propo-
sées ])ar les nouveaux ministres fut
mi changement dans le système mi-
WIN
litaire. Le 3 avril, Windham prc'*
sentason plan à la chambredes com-
munes. Comme c'était un point doiLti
la décision intéressait le crédit dur
dernier ministère , l'opposition réu- 1
nit toutes ses forces pour le combat-
tre; mais il passa dans les deux
chambres après des débats très-vifs ,
et trois autres bills complétèrent le
nouveau système. La mort de Fox
ayant encore une fois opéré la désor-
ganisation du ministère, Windham
quitta ses fonctions et redevint sim-j
pie membre du parlement , où il sel
plaça de nouveau sur les bancs de
l'opposition. Lors de la rentrée des
chambres, en 1808, il se plaignit
avec amertume de la conduite du
gouvernement à l'égard du Dane-
mark et du Portugal , et il parla aus-
si avec beaucoup d'éloquence, le ^4
février 1809 , contre les résultats de
l'expédition de la Corogne , qu'il at-
tribua à l'impéritie des ministres.
S'il prit moins de part aux discus-
sions intéressantes de la fin de cette
session et du commencement de celle
de 1810, l'état de sa santé en fut la
seulecause.il mourut le 4 juin 18 10,
des suites d'une opération chirurgi-
cale , qui avait d'abord semblé être
couronnée d'un plein succès. Tous
les partis s'accordèrent alors à ren-
dre hommage à son désintéressement ,
à son courage et surtout à son mé-
pris pour les petits artifices de la
politique. On convint généralement
que c'était un homme d'état d'un
grand talent et d'une sagacité pro-
fonde. Comme orateur , il était doué
d'une grande facilité d'expression ,
excellait dans l'argumentation , et
maniant avec une rare habileté le
sarcasme s'était placé, sous ce der-
nier rapport , à côté des athlètes les
plus redoutables de la chambre. On
assui'e qu'il jugeait sévèrement ses
I
WIN
compatriotes, on du moins les clas-
ses infcricures, qu'il regardait comme
inévitablement condamnées à une
brutalité' sauvage, et qu'il exprimait
cette opinion avec l'originalité et la
vigueur qui le caractérisaient comme
homme d'état et comme moraliste.
Th. Amyot a publie, en 1812, les
Discours de W, JVindham au par-
lement, précédés d'une notice sur
sa vie, 3 vol. in-8^. B — r.
WINDIIEIM (Chrétien-Ernest
de), professeur de philosophie et
de langues orientales à l'université
d'Erlangen , était né , le 29 octobre
1722 , à Wernigerode , d'une famille
noble. En 1^47 ? sur la proposition
de Moshcim , son maître , il fut nom-
mé professeur de philosophie à Got-
tingue, et fut appelé plus tard à Er-
langen. Il mourut, le 5 novembre
1766, à Tinmemroda dans la prin-
cipauté dcBlankenbourg. L'universi-
té d'Erlangen publia un Programme
oi!i ses écrits sont indiqués. Les plus
remarquables sont :\.I)^ Paulo Pen-
tium apostoîo , contra Thom. Mor-
gajuinij Halle, 174^, in - 8*^. IL
Preuve philosophique de la réalité
des miracles (alleni.) , Helmsta^dt,
1746. III. De la dernière fm que
Dieu s'est proposée en créant cet
univers (ail.), ibid. IV. Ohser-
i^ationes theologico - historicœ ad
Benedicti XIV pontificis maximi
nuperam ad episcopum jfugusta-
numepistolam, quibus, cùm de aliis
rébus y tùni deSanctis Ecclesiœ ro-
vianœ , rituque canonizandi , dis-
seritur , Helmstœdt , 1747. V. Bi-
hliothèque philosophique de Gottin-
gue (ail.), Gottingue et Erlangen,
1748 à 1707, 9 volum. in-8<^. VI.
Examen argumentorum Platonis
pr& immortalitate animœ humanœ^
Gottingue, 1749. VIL Becherches
historiques sur la vie et le gower-
WIN
4
nementde David (ail.), Gottingue,
1749, in-8«. VIII. Âd orationis
aditus de usu scholarum contra
Hobbesium , Erlangen , 1750. IX.
Examen du Traité publié par Mid-
leton sur les miracles de V Eglise
chrétienne après la mort des apô-
tres ( ail. ) , Erlangen , 1 75o , in-4*'.
X. Fragmenta historiœ philpsophi-
cce, siwe Commentarii philosopho-
rum vitas et dogmata illustrantes y
Erlangen, 1753 , in - 8"^. XI. Des-
cription de V Orient , de l'Egypte ,
des îles de l'Archipel , de V Asie ,
de la Thrace , de la Grèce et de
quelques parties de l'Europe , par
Pococke , tradiàt de l'anglais en
allemand, Erlangen, 1755. Xlï.
Antiquités chronologiques des plus
anciennes monarchies , depuis le
commencement du monde , pendant
5ooo ans , par Jackson, traduit de
l'anglais en ail., Erlangen, 1756,
in-40. XII L Dd subsidiis et dijficul-
tatibus in addiscendis antiquitati-
hus christianis , ibid. XIV. Métho-
de pour démontrer à fond la vérité,
la dii^inité de la religion chrétien-
ne , et pour la défendre contre les
impies et les déistes , à V usage des
leçons académiques (ail.). On peut
consulter , sur la vie de ce savant :
Memoria viri dàm viveret genero-
siss. atque ampliss. CE. de TVind-
heim , Erlangen, 1766, in-fol. G-y.
WINDTN'G. r. ViNDiNG.
WINDISCH ( Charles -GoTLiEB
de), né à Presbourg le 28 janvier
1725, fut nommé en 1789 pre-
mier magistrat de cette ville , et
y mourut le 3i mars 1793, après
avoir publié divers ouvrages pré-
cieux pour l'histoire et la littérature
de la Hongrie ; ils sont tous écrits en
allemand. I. \JAmi de la vertu,
feuille hebdomadaire, Presbourg,
1767 à 1769^ 3 vol. in-80. IL
42 WIN
Fcuillchehilomadaire.fwar les scien-
ces et les avis, Prcsbourg, 1771 à
1773 . 3 vol. 111-8". III. Description
politique , géographique et histori-
que du royaume de Hongrie , Pies-
Loiirg, i77'-i, in-8". lY. Histoire
abrégée de la Hongrie , depuis les
temps les plus éloignés jusqu'à nos
jours , Presbourg , 1778, in - 8». ,
réimprimée en 1784. V. Géogra-
phie du royaume de Hongrie , Pits-
boiirg, 1780, 5 vol. in-80. , lëim-
priuice en 1790. VI. Magasin de
Hongrie , contenant des recherches
pour l'histoire , la géographie ,
l'histoire naturelle et la littérature
de ce royaume , Presboiirp; , 1781
à f 788 , 4 vol. in- 8^. VU. Nouveau
Magasin de Hongrie , Vienne ,
i79'i,in-8«. G— Y.
WINDUS (Jean ), voyageur an-
glais, accompap,na, en 1720 , Charles
iStewart , chef d'escadre , cliargé ])ar
le roi de la Grande-Bretagne d'aller
traiter de la paix avec l'enijiereur
de Maroc. On partit d'Angleterre le
24 sept., et l'on mouilla le 20 oct.
dans la baie de Gibraltar. Stevvait
ayant annoncé sa mission au gouver-
neur de Tetouan, celui-ci lui envoya
deux plénipotentiaires avec lesquels
les préliminaires furent arrêtés. Alors
Stewart fit voile avec son escadre
pour Tetouan , où le traité fut signé
le 17 janvier 1721. Quand cet acte
eut été ratilié par George I^i., Ste-
wart revint à Tetouan, où il débar-
qua le 6 mai ; ensuite il partit pour
Mçqûinez où était l'empereur , et il
obtint, le 6 juillet, la première au-
dience du farouche Mouîey Ismaël ,
alors âgé de quatre-vingts ans. La
négociation semblait près de se ter-
miner au gré de l'ambassadeur, lors-
que des obstacles cachés l'entravè-
rent. Slewart ayant suivi le conseil
<pie lui donnèrent un Juif, favori de
VV^IN
'empereur , et un de ses plénipotetH
tiaires , d'écrire une lettre à une des
reines, en reçut une réponse amicale;
et le lendemain, iZ juillet , Mouley
Ismaël , en lui accordant sa seconde
audience, lui dit qu'il ratifiait le trai-
té et donnait la liberté à tous les
Anglais captifs. Slewart partit avec
eux le 27 , et jouit de la satisfaction
d'en ramener deux cent quatre-vingt-
seize en Angleterre. A Londres , ilsl
furent conduits processionnellement
à l'église cathédrale de Saint-Paul
pour rendre G;ràces à Dieu de leuï
délivrance. W^indus publia, en an-
glais, la relation de l'ambassade; elle
est iiititulée : Ajourney to Mequine:
etc. Forage à Mequine z , résidence
de l'empereur actuel de Fez et de
Maroc, Londres, 1725, in-8<^. ,
figures. Les notices de Windus sur-
la géographie du pays et sur lé
mœurs des Marocains sont fort eu
rieuses. Il avoue qu'il a profité de
manuscrits que lui confia Corbière
envoyé précédemment à Mouley Is
maëi. En parlant des caravanes q«
vont en Guinée, Windus dit que 1(
lieux avec lesquels elles commercer
sont Tombattou , le Niger ou 1
rivière Noire , et une autre que 1(
Marocains appellent le Nil ; ils n
content que le Niger va se jeté
dans la mer au sud de la Guinée. Q
pense aujourd'hui qu'effectivement ï
Niger ou Dialiba a son embouchur
dans le golfe de Guinée j mais l'oi
attend encore les récits desvoyageui
anglais qui doivent confirmer ou d(
truire cette hvpothèse. E — i
WINÉFRIDE ou WÉNÉFRip]
(i) ( Sainte), naquit, vers le milie»'
(i) Ce nom , en anglo-saxon , signifie donnett
ou gagneuse Je la paix; et en breton, beau
f^e ; dans le manuscrit de la bibliothèque Cotl
uienne.la sainte est appelée Candïda Vf- enefreà
D'autres manuscrits l'apppllent Guetrfiede
Guemvrea,
du st'plicmc siècle, dans la ])artie
septentrionale du pays de Galles.
Son père, Thewilh , un dos prin-
cij^aux seigneurs de cette contrée,
ayant nccueilli un saint religieux ap-
pelé Beiaion ou Benow , et lui
ayant cède un terrain pour bâtir une
église, lepria d'instruire sa fille dans
les principes de la religion chrétien -
ne. Quand Bcunon instruisait îe peu-
ple, Winèfiide se mettait à ses pieds,
pour écouter avec plus d'attention la
parole de Dieu; et elle en paraissait
singulièrement touchée. Ayant, avec
la permission de ses parents , formé
la résolution de se consacrer entière-
meiit à Dieu . elle reçut le voile des
mains de saint Beunon ; et elle alla
vivre, avec quelques autres vierges,
dans un petit monastère que son père
avait fait bâtir près de la ville deve-
nue depuis si célèbre sous le nom de
Holvwell. Saint Beunon étant retour-
né "flans un autre monastère qu'il
avait bâti à Clunnork , y mourut peu
après (a). Sainte Winefride qu-lta
alors Holywell pour se retirer chez
les religieiîses de Gutberin dans le
Deubiglishire , où elle eut pour direc-
teur le saint abbc Élérius (3) , qui
dans le même lieu gouvernait encore
mi autre monastère. L'abbesse Théo-
nie étant morte , Wiucfride fut choi-
sie pour lui succéder. Cette sainte a
le titre de martyre dans tous les ca-
(2) Sou nom, réièbre dans le treizième siJcle ,
se lit dans le martyrologe anglais. F.eland, dans
son ninérairc, dit que Guilhain, un des princes de
NorthAVrtIes, avait donné le terrain sur lequel
Ueuuon fonda à Cluunoc-Wnuç un monastère de
religieux blancs.
(S"! K< Élérius, dit Léland, dans son Itinéraire, a
été de tous temps en vénération cbe/ les Gallois.
Ori croit qu'il avait fait ses études sur les bords de
l'Elivi , où est aujourd'hui la ville de St.-Asaph. 11
bâlil dan.s la v.tllée de Cluide deux monastères
qui furent (rès-fréquentés , l'un pour les hommes,
1 autre pour les femmes- Dans celui-ci était la très-
noble vierge Guenwrède, qui avait été élevée par
Beunon, et à laquelle Caradoc , furieux, fit couper
la tèle. »
VvlN 43
lendriers ; et les divers monuments
qui la concernent sont d'accord sur
le genre de sa mort. On y lit que
Caïadoc ou Cradoc , fils d'Alain ,
prince du pays, avait conçu pour
elle une passion violente, et que, ne
pouvant la satisfaire , il coupa la icte
à la sainte, qui, pour conserver sa
pureté, allait se réfugier dans l'é-
glise que saint Beunon avait fait bâ-
tir à Holywell. Robert de Shrews-
bury et d'autres ailleurs ajoutent
que la terre engloutit Caradocà l'en-
droit même où il avait commis son
crime; que du lieu où la tête de Wi-
néfride tomba sortit une fontaine mi-
raculeuse, que l'on va \ isiter encore
aujourd'hui ; que le fond de cette
fontaine est semé de pierres et de
morceaux de marbre avec des veines
rouges ; que sur ses bords croît une
mousse qui répand une odeur très-
agréable; que Winéfride , ressuscitée
par les prièies de saint Beunon, por-
ta depuis , au cou , un cercle rouge ,
qui é'ait la marque de son martyre^
et qu'elle survécut encore long-temps
à saint Beunon. Cette dernière partie
du récit ayant donné lieu à des dis-
cussions savantes, avant d'examiner
les faits nous rap])orterons une ob-
servation que sans doute on trouvera
judicieuse. Des auteurs modernes ont
aussi avancé que saint Denis , évêqùe
de Paris , et d'autres martyrs étaient
ressuscites ou avaient survécu à leur
propre mort, et qu'ils avaient porté
leur tête dans les mains ;sur quoi Mu-
ra toii (4) fait la remarque suivante:
« Les peintres, pour exprimer le gen-
re de mort que les martyrs avaient
souffert, les représentaient avec des
cercles rouges autour du cou, ou te-
nant leur tête dans les mains , com-
(.')) Prœf. inspicil. Ra\eniiatis Jiisl. , tom. I«'. ,
r-'"t. ■}., p. 527.
44
WIN
me pour rofTrir à Dieu en sacrifice.
Le peuple aura pris à la lettre ce
qui n'était qu'une invention religieu-
se, produite par l'imagination des
peintres , et il aura bâti sur cela des
histoires que des écrivains crédules
auront adoptées sans examen. Ces
miracles sont certainement possibles
à la toute-puissance divine : qui ose-
rait dire le contraire? Mais ici il s'a-
git , non de possibilité , mais de faits ;
et pour les admettre , il faut des preu-
ves capables de convaincre l'homme
qui sait rétléchir. » Sans prendre au-
cun parti sur la mort de Caradoc et
sur la résurrection de sainte Winé-
fridc , nous ne ferons que citer quel-
ques faits bien certains : c'est que
dans les temps les plus reculés , le
pèlerinage de ïlolywell était extrê-
mement fréquenté, et qu'on y accou-
rait de toutes parts. L'eau de la fon-
taiue appelée Sainte- TVinéfride est
si abondante , elle sort si régulière-
ment , qu'après qu'on a vidé le bas-
sin, lequel contient au moins deux
cent quarante tonneaux , il est rempli
en moins de deux minutes. Le doc-
teur Linden , qui a demeuré long-
temps sur les lieux, parlant de cette
fontaine (5) , dit : « La mousse, de
couleur verte , est d'une odeur agréa-
ble ; elle s'applique avec succès sur
les plaies ulcérées. C'est l'eau qui
communique à la mousse cette odeur
et celte vertu. D'après l'expérience
de plusieurs siècles, la lèpre , la fai-
blesse de nerfs et d'autres maladies
dangereuses , opiniâtres , y ont trou-
vé leur guérison. » I! existe à la bi-
bliothèque Coltonienne une Vie ma-
nuscrite de sainte Winéfride , écrite
peu après la conquête de l'Angleterre
par les Normands , qui y sont appe-
'Si
I
WIN
lés Français. Il y est dit que le corpi
de la sainte reposait encore à Guth
rin. Robert, prieur de Shrewsburyi
donna , en 1 1 4o ,une nouvelle Vie dl
sainte Winéfride (6) , remarquablj
en ce qu'il y est parlé de la trans^
lation de ses reliques en 1 1 38. Ce
auteur ne rapporte que ce qu'il avai
trouvé dans les mémoires tirés d(
monastères duNorth-Wales. Une ai
tre Vie de la sainte , qui était venue
la célèbre abbaye de Ramsay , et qui
Ware a eue entre
que quelques autres Vies manuscri^,
tes , ont été écrites sur d'anciens m^
moires , et en partie copiées sur R(
bert , dont le manuscrit , intitulé
F estivale y appartient à la riche bi-
bliothèque de Palgravedans le comté
de Suffolk. A ces autorités ou ajoute
le témoignage et les monuments de
toutes les églises du North - Wales ,
avant la conquête des Normands, où
la vie de sainte Winéfride est unai
mement attestée. Léland ('j) a inse
dans son Itinéraire une Vie de saii
Winéfride. Selon l'ancien panégyi
que manuscrit dont nous avons pî
lé, cette sainte mourut le ii ju|
Alford et Cressy placent sa m(
vers la fin du septième siècle.
1 1 38 , ses reliques , transférées de
Gutherin à Shrewsbury , furent dé-
posées dans l'église de l'abbaye des
Bénédictins , que Roger , comte de
Montgomery , fit bâtir en i o83. Ces
peut-être à cause de cette translatior
que la fêle delà sainte a été renvoyée
au 3 novembre. G — y.
WINESALF. r. Galfrid.
WINGAÏE ( Edmund ) , mathé
maticicn . né dans le comté d'Yorl
en 1593, fit ses études classiques .
(,ï) On chaljheaL ï'7^'(iLcrs ,
lialhs j Londres, 1748.
(G) Celle Vic, traduite du latin en angl
paru à Londres, en iG3ii et en 1717..
and nalural Jiot {■jMLiue/arr of Great nrUain, 0\{ord, i'
1744, lom. 5e,
n
WIN
Oxford, et vint étudier la jurispru-
dence à Grays'inn , à Londres ; mais il
cultiva plus assidiiment les mathéma-
tiques. Etant en France en i6'24, il
y publia la ngle de proportion, in-
Tente'c par Gunter , et donna des le-
çons de langue anglaise a. la princesse
Henriette - Marie (depuis femme de
Charles I^^^'.) et à ses dames d'hon-
neur. Après son retour en Angle-
terre , il parut au barreau , et
fut élu juge suppléant. Lorsque la
guerre civile eut éclate , il se déclara
pour la cause populaire _, accepta
l'emploi de juge de paix, représenta
le comte de Bedford au parlement ,
et devint un des aiîidés de Cromwell.
Il mourut en i056. Le docteur Hut-
ton le regarde comme l'auteur an-
glais qui a écrit avec le plus de clarté'
sur l'aritLme'tique. On cite de lui, en-
tre autres ouvrages : I. V Usage de la
règle de proportion en arithmétique
et en géométrie^ ainsi que V usage
des logarithmes des nombres, avec
ceux des sinus et tangentes ( en
français), Paris, i623 , in- 12; et
(en anglais) Londres, 1626, i645
et i658. Dès 1620 on avait impri-
me à Lyon la Description et cons-
truction des logarithmes , par le
baron Napier ou Neper. Ainsi Win-
gate ne fut pas , comme il le préten-
dait, le premier qui eût introduit les
logarithmes en Frauce ( V. Brtggs
et Guînïer). il De l'arithmétique
naturelle et artificielle , ou V Arith-
métique rendue facile , Londres ,
i63o , in-S"*., souvent réimprime'. La
meilleure édition est deDodson. III.
Tables des logarithmes des sinus
et tangentes de tous les degrés, etc.,
ai'ec leur usage et leur application,
ibid. , 1 633 , iu-S». IV. Construction
et usage des logarithmes , avec la
résolution des triangles, etc. V.
Ludus mathematicus , ou Explica-
WIN 45
tion de la description ,' de la cons-
truction et de l'usage de la règle
numérique de proportion, ib._, i654,
in - 8'\ VI. \j Arpenteur de terre ,
etc., in-8^. VII. Plusieurs ouvrages
de jurisprudence , oubliés mainte-
nant , tels que : Abrégé de tous les
statuts en vigueur depuis la grande
charte jusqu'en 1641 , i655, in 8^.5
réimprimé plusieurs fois, et continue'
jusqu'à 168^. Z.
WINGHEN (Joseph Van), sur-
nommé le Vieux , peintre , naquit à
Bruxelles en i544) ^ se rendit fort
jeime en Italie , pour se livrer à la
peinture. A peine était-il arrivé à
Rome , qu'un des princes de l'É-
glise le prit sous sa protection , le
reçut chez lui , et pendant quatre
années le mit à portée d'étudier
avec fruit les chefs-d'œuvre que cette
ville renferme. Les talents de Win-
ghen lui acquirent une réputation:
qui le devança dans sa patrie ,
et lorsqu'il fut de retour à Bruxel-
les , après une absence de plu-
sieurs années , le duc de Parrhe ,
gouverneur des Pays-Bas, charme'
de la beauté de ses ouvrages, le prit
à son service et lui accorda le titre
de son premier peintre. Parmi les
ouvrages qui prouvent que cette fa-
veur était méritée , on cite la Cène ,
qu'il fit pour le maître-autel des frè-
res de la Charité. Le fond d'archi-
tecture avait été peint par Paul de
Vries. Le désir de voyager ne put
retenir Van Winghen au service du
duc de Parme , qui lui permit de le
quitter , et qui accorda sa place à
Otto Venins. En i584 , il était éta-
bli à Francfort -sur -le- Mein , 011
il peignit un tableau allégorique
qui fut généralement admiré. 11 y
avait représenté l' Allemagne sous la
figure d'une femme nue et au déses-
poir , enchaînée à un rocher , et que
WIN
[e Temps vent délivrer , après avoir
)ousse' la Tyrannie , qui , sous la
Igiire d'un liomrae arme' , foule aux
pieds la Religion et ses attributs.
Quoique ce peintre fût actif et assidu
au travail , le nombre de ses ta-
bleaux est aujourd'hui peu considé-
rable , la plupart de ceux qu'il avait
peints ayant etë détruits ou disperse's
par la guerre. Plusieurs de ses com-
positions owt ete' exeVutoes en tapis-
series , un plus grand nombre encore
ont été gravées. C'est ainsi qu'elles
sont connues. Parmi ses tableaux
encore existants, on cite Apelles et
Gampaspe, Samson pris par les Phi-
listins dans les bras de Dalila; la
Justice prenant l'Innocence sous sa
prol( ction , Andromède , etc. Van
Winghen mourut à Francfort , en
i6o3. — Jéréinie Van Winghen y
le jeune , lils du précédent , né
à Bruxelles , en 1 5-^8 , fut d'a-
bord sou élève , puis celui de Fran-
çois Badens , à Amsterdam , et se
lit de bonne hture une réputation
comme coloriste. Il voulut ensuite
visiter l'Italie ; il parcourut donc
les villes les plus célèbres de cette
contrée , et s'arrêta particulièrement
à Rome. Partout oîi il eut des tra-
vaux à exécuter , ils furent univer-
sellement ap[)laudis. Quoique pendant
son séjour en Italie il eût fait de la
])einture historique le principal objet
de ses études, de retour à Francfort,
où il s'établit, il se livra presque ex-
clusivement à faire des portraits ,
genre pour lequel il montra un talent
supérieur. Il les terminait avec le plus
grand soin , et la vie qu'il savait y
répandre ajoutait encore au mérite
de la ressemblance. Cet artiste mou-
rut en 1648. P — s.
WINOG ( Saint ) , premier abbé
de Wormhouth en Flandre , appar-
tenait à une de ces familles breton-
WIN
nés qui passèrent en France pour si
soustraire à la fureur des Anglo-Sa
xons. Il était fils d'un roi de celt<
nation nommé Howel III , et frèr<
des rois Salomun et Judoc. S'étani
associé trois jeunes gcntilshommci
bretons, appelés Quadenoc, Inge-
noc et Madoc,il aborda avec eux sur
les côtes de la province de Bretagne,
et se rendit à Saint-Omer , en visi-
tant les monastères de la France. L
régularité qu'ils remarquèrent dauj
celui de Sithiu, appelé depuis sain
Bertin,les fr.ippa tellement, qu'il!
y prirent l'habit. Bientôt leur abbé!
saint Bertin, les désigna pour alîei
fonder un monastère sur les cotes d<
la mer. Un gentilhomme appelé lie'
rémar leur ayant donné la terre d(
Wotmhoutli, AVinoc y bâtit un hos-
pice près du nouveau monastère doul
il fut nommé abbé. Après avoir pas-
sé sa vie à servir Dieu et à secouril
les pauvres, il mourut le 6 novera^
bre 717- En 920, le comte Bau
douin- le -Chauve ayant fortifié h
château de Berg, pour défendre s(
états contre les incursions des barba
res, les reliques de saint W^inoc fu
rent transférées en un lieu qui de; uii
s'estappelé Berg-Saint-Winoc , c'est
à -dire MoiU-Saint-Winoc. G — Y
W 1 N SEM ou W l^^ SEMI Ui
( Pierre Van ) , histoiien et poète,
tirait son nom d'un village de Frise
berceau de sa famille. Il naquit , ven
i586, à Leuvs'arde, où son pei
exerçait les fonctions de recteur dei
écoles publiques. Ayant achevé se!
humanités , il alla continuer .--es étu-
des à Franeker. Après s'être perfec-
tionné dans la connaissance du grec
et avoir fait ses cours de logique ejj
de physique , il suivit les leçons ai
la faculté de médecine , et par soi
application mérita l'estime de touj
les professeurs. Cependant ayant en-
WIN
frcint le reglcirient qui défendait
d'exiger des nouveaux arrivants le
paiement de leur bienvenue , il fut
exclus , en 1607 , de cette académie
dont plus tard il devait être rec-
teur. 11 fallait que le de'sordre fut
l)icn grand pour prendre une telle
mesure à l'égard d'un élève aussi
distingue. De Franeker, Winsera se
rendit à Leyde, où il fréquenta les
cours de Dan. Hcinsius et de Paul
IMerula pour les belles-lettres , de
Pierre Paiiw^ d'Éver. Vorst et d'Otli-
Hcurnius pour la médecine. Avant de
prendre ses grades , il voulut com-
pléter sou instruction par des voya-
ges dans les principaux états de
l'Europe ; mais, arrivé en Saxe , il se
laissa persuader d'abandonner la mé-
deciiie pour la jurisprudence , et fit
sou cours de droit dans les acadé-
mies; d'Erfurt et d'Ic'na. 11 vi-
sita ensuite plusieurs universités de
Suède et de France, et se lit le-
cevoir docteur, en 1611 , à la fa-
culté de Cacn. De retour à Leu-
warde, après une absence de dix
ans, il fréquenta le barreau* mais
dégoûté liien'ôt de la profession d'a-
vocat , il prit le parti de se retirer
à la campagne, et se livra tout en-
tier à son goût pour la poésie. Les
états de Frise , désirant donner une
dirccfion utile aux talents de Win-
sem , lui conférèrent , le 5 décembre
1616 , la cliarge d'historiographe
de cette province. l'^n iG3G, il fut
nommé professeur d'Iiistoire et d'é-
loquence à l'académie de Franeker;
et trois ans après , en ayant été dési-
gné recteur, il ne négligea rien pour
y rétablir la discipline. Le 3i octo-
bre 1644^ Winsem tomba dans une
léthargie dont tous les secours de l'art
ne purent le tirer , et il mourut le 1 1
nov., à l'âge d'environ cinquante-huit
ans. Martin de Vitringa, un de ses
WIN
47
collègues, prononça son éloge funè-
bre. C'est à Winsem que Ton doit la
publication de l'ouvrage de Popma :
De orcUiie et usu judicioriim ( V.
PoPMA, XXXV, 406). Outre des
Thèses ^ des Harangues académi-
ques et des Oraisons funèbres , on
a de lui : L Le Droit des rois d'Es-
pagne sur les provinces belges ( en
latin et en flamand) , Franeker ,
iG'2i , in-4'^ C'est un Mémoire pour
l'indépendance des Pays Ras. IL
Chronique ou Histoire de la Frise ,
depuis l'an du monde 3635 jusqu'à
l'année iG'2'2 [Chronique of te his-
toriche Geschiednisse f^an Fries-
land y etc.), ib. , i()U2 ,in-fol. ,f]g. ,
cartes et plans. III. Fita , res gestœ
ac mors Mauritiijmncip.Juriaci ,
ibid. , 1625, in-4". IV. Historia-
rum ab excessu Caroli V Cœsar. y
sive rerum suh Philippo If gesta--
runi libriir , Leuwai'de et Franeker,
i()'2C)-33 , in-4". . 2 vol. , nouv. éd.
augmentée de trois livres , ibid. ,
i()4G, in-fol. Cette histoire des Pays-
Bas sous le règne de Philippe est
très-estimée par les protestants. Pa-
quot, rpii semble avoir pris à tache
de la déprécier, convient cependant
qu'elle est assez exacte : « quoique
» l'auteur ail dissimulé presque tout
» ce qui pouvait faire honneur aux
» Espagnols , et qu'il ait maltraité
» de temps en temps les catholiques
» et leur religion» {Yoy. Me'm. litt.
des Pajs-Bas , 11 , 3oo , éd. in-fol.).
N . Amores y Franeker^ 1 63 1, in- 16.
C'est un recueil de poésies élégiaques
dans le genre antique. Il est re-
clicrché des amateurs de la poésie
latine. VI. Panegyricus ad Gus-
tavum II , Suecoram regem ,
Amsterdam , i632 , in-fol. , Ley-
de, 1637, in- 12, poème en vers
héroïques , où Ton trouve de l'élé-
gance et de la grandeur dans les
46 WIN
idées, mais peu d'aisance et de clar-
té. VIL Sirius caniculœ Stella j ciim
notis qiiihusd. , Francker, i638,in-
12. Ce poème est estimé. F. Frcd.
Ecrira m , Parer ga Ostfrisica , et
Vriemoet, Jthm. Belgicœ, Il lui
est échappé quelques erreurs que
Paquot a re'evces dans les Mémoi-
res littéraires déjà cités. W — s.
WINSEM ou WINSEMIUS
(MÉNÉLAs), médecin et botaniste,
irère du précédent , était né , vers
i59i,à Leuwarde (i). Ayantache-
vé ses humanités avec succès , il alla
continuer ses études à Leyde , et se
rendit bientôt fort habile dans l'art
de guérir. Après avoir pratiqué quel-
que temps à Embden , il reçut en
1616 l'invitation de venir professer,
à l'académie de Franeker , la méde-
cine , l'anatomie et la botanique. Il
, remplit cette triple chaire avec un
zèle infatigable, et mourut, le i5
mai 1639, à l'âge de quarante -huit
ans. Son frère lui fit élever , dans l'é-
glise de Saint-Martin , un monument
décoré d'une épitaphe dans laquelle
il l'égale aux premiers médecins de
l'antiquité. Elle est rapportée dans le
Dictionn. d'ÉIoy , iv , 583 , et dans
les Mémoires littéraires des Pays-
Bas, par Paquot, 11, 3oi , éd. in-
fol. A des connaissances médicales
très - étendues , Ménélas joignait le
goût des lettres. On dit qu'il possé-
dait à fond la langue grecque. Outre
r Oraison funèbre d'Adrien Métius
{Fof. cè^nom, XXVIII, 467),
on connaît de lui un Recueil de
Thèses d'anatomie, soutenues sous
sa présidence , et qu'il publia sous ce
litre : Compendium anatomicum
disputationibus triginta proposi-
tum, Francker , iQ'iS , in-4'*. On n'y
trouve, dit M. Portai
rien d'origi-
(i) Ci'est par inadvertance que M.
uaître Ménéîas à Franeker.
Portai fait
WIN
naî. A peine contiennent-elles la
menclaturc des parties j car on n*y''
lit aucune description. Les auteurs
se sont contentés de puiser dans les
anciens, qu'ils n'ont pas toujours
bien entendus. Voy. Hist. de l'ana-
tomie , V , 622. W — s.
WINSEMIUS. F, Wtnshemius.
WINSUECOMB ou WINCHES-
COMB ( Jacques ) , nom juste-
ment fameux dans les chroniques
anglaises, était ^ sous le règne de
Henri VIII, un riche fabricant de
draps dans la ville de Newbury , où
il occupait seul jusqu'à cent métiers.
Lorsqu'en i5i3 le roi Henri eut dé-
claré la guerre à Jacques IV (Stuart),
roi d'Ecosse , Winchescomb eut la
passion de signaler à-ia-fois sa loyau-
té envers son prince , et son amour
pour son pays. Des cent chefs de ses
cent métiers il forma une compa-
gnie de cent hommes d'armes , qu'il
équipa tous à ses frais , s'en établit
le capitaine , l'es conduisit à l'armée
royale , et contribua efficacement à
la victoire sanglante de Flodden-
field _, oii le roi d'Ecosse fut tué ,
après avoir fait inutilement des pro-
diges de valeur. Satisfait de la gloire
d'avoir eu part à un triomphe si
éclatant , le capitaine redevint fabri-
cant , ramena sa petite armée à ses
nombreuses manufactures, et, aussi
bon citoyen qu'il avait été brave sol-
dat y employa une partie de sa for-
tune , toujours croissante, à enrichir
sa ville natale de constructions utiles
et de pieuses fondations. On l'appe-
lait communément Jacques de New-
bury. La reconnaissance des habi-
tants s'est perpétuée jusqu'à ce jour ,
de génération en génération. Tant
que sa maison a subsisté, ils l'ont
montrée à tous ceux qui venaient vi-
siter leur ville, et ils montrent au-
jourd'hui, avec le même sentiment,
WIN
une tour qu'il a fait construire , et
une cil aire artistemeut travaille'e,dont
il a orne' une de leurs principales
églises. L'académicien français , au-
teur des Mémoires sur la vie de
Bolingbroke y nous paraît avoir été'
injuste, lorsqu'après avoir reconnu
que Wincliescomb avaitfait un bien
immense à ses concitoyens, il lui a
reproche' comme wue faiblesse d'a-
voir été aussi le bienfaiteur de l'E-
glise. Le reproche serait mérité si le
donataire , immodéré dans ses dons ,
eût privé ses héritiers légitimes d'une
partie considérable de sa succession ,
pour ajouter à la richesse de moines
opulents ; mais il s'en faut bien que
Jacques Winchescomb ait déshérité
sa famille des biens qu'il avait acquis
par sa noble et patriotique industrie.
Son descendant direct , sous le règne
de Charles II , était le chevalier-
baronnet Henri Winchescomb de
Bucklebury dans le comté de Berks.
La richesse de ce gentilhomme était
.si considérable que sa fille , quoique
cohéritière avec son frère aîné de la
fortune paternelle , fut jugée un parti
excellent et très - desiralole pour le
célèbre lord vicomte de Bolingbroke,
alors Henri Saint- Jean. La dot qu'elle
lui apporta fut une des dernières res-
sources de cet illustre personnage ,
lorsque les incroyables vicissitudes
qui ont rempli sa destinée l'eurent
précipité, du faîte de la puissance et
de la richesse, dans l'abîme de la pros-
cription et de la détresse. L — T — l.
WINSHEMIUS ou de WIND-
SHEIM ( Fitus-Ortelius), phi-
lologue, naquit, en i5oi , dans un
bourg de la Franconie , dont il
prit le nom , suivant l'usage com-
mun des savants de son siècle.
Ayant achevé ses études à l'aca-
démie de Wittemberg , il y reçut le
grade de docteur dans la faculté de
WIN 49
médecine. Mais il fut pourvu, peu
de temps après, de la chaire de lan-
gue grecque , et , renonçant à la prati-
que de l'art médical, il se consacra
tout entier à l'enseignement littéraire.
Winshemius mourut le3 janv. lô^o.
Outre une édition augmentée et corri-
gée de la Syntaxe latine dieMé\3Lïïc\\-
thon , Strasbourg , 1 538 , in-8o. , on
connaît de ce professeur des tra-
ductions latines : i«. de la Seconde
Harangue de Démosthènes contre
Aristogiton , Haguenau , i^'i^, in-
8". j 2°. des Tragédies de Soj)hoclc
(en prose) , Francfort, i546, in-8'>.;
cette version , excessivement médio-
cre, soit pour le style, soit pour la
fidélité ou la netteté de l'interpréta-
tion, a cependant été reproduite,
faute de mieux , Heidelberg , 1 597 ,
in -8»., et avec les notes tant de
Joach. Camerarius que de Henri
Estienne , Genève , 1 6o3 , in- 4^. ; 3*^.
des Idylles de Théocrite (en vers) ,
Francfort, i558,in-8". , très-rare;
l\^. de V Histoire de Thucydide,
Wittemberg, i56g, in-fol.; ibid. ,
1 58o , \n-'6^. Ses autres ouvrages sont
wiit Préface y ou introduction à la lec-
ture d'Homère ; — des Harangues
prononcées à l'académie de Wittem-
berg : De studiis linguœ grœcœ ;
De dialecticd; Declamatio in cjud
recitatur quomodb Guelfus, dux Ba-
s^aricCy liberatus sit periculo in obsi-
dione Winsbergensi y cumfilio ho-
nesto , sed vafro conjugis suœ ; les
Oraisons funèbres de Mélanchthon ,
de Grég. Pontanus et de Sebald.
Numyter. L'édition originale de V O-
r«/5ow/wwèère de Mêla nchth on, Wit-
temberg, i56o, in -40., est placée
parmi les livres rares ( Voy. la Bibl.
de Bauer). Elle a été réimprimée
dans différents recueils ( Voy. le Gâ-
tai, de Bunau ). Les différents opus-
cules de Winshemius q;i'ori vient de
5o WIN
citer se trouvent reunis dans le
tome V des Déclamations de Me'-
lanclilhou. — Winsuemius ( Fi-
tus-OrtcUus ), fils du piëcëdent ,
ne à Witlemberg en iSai , marcha
d'abord sur les traces de son pè-
re , fut reçu docteur en droit , par-
courut l'Italie^ se fitnommer profes-
seur à l'université dePavie ,en i5£l7_,
et trois ans après revint à Wiltem-
berg où il remplit une chaire deju-
risprudence. Dans la suite il fut iait
conseiller aulîque du prince Auguste
de Saxe, rpii l'employa dans plu-
sieurs ambassades. Divers princes
d'Allemagne lui donnèrent aussi le
titre de conseiller , entre autres le
roi de Danemark j et, en 1087, il
devint doyen de la cathédrale de
Hambourg. Il mourut le i3 nov.
1608, laissant des Programinata
et un Discours latin sur Albert de
Saxe y imprimés dans les Déclama-
tions de Méianchthon. Il avait aussi
donné une édition de la traduction
de Thucydide , par son père , avec
scolies. W — s.
WINSLOW (Edouard), gou-
verneur de la colonie de Plymouth
dans l'Amérique du nord, fut un des
premiers Anglais qui s'établirent dans
cette contrée, en lô^o. Doué de beau-
coup de courage et d'activité, il ren-
dit de grands services aux colons dans
leurs rapports avec les Indiens. Nom-
mé agent de la colonie auprès de la
métropole, il revint en Aiigleterre ,
et retourna bientôt à la nouvelle Ply-
mouth , avec le titre de gouverneur.
En i655 , il fut du nombre des com-
missaires que l'on chargea de sur-
veiller une expédition contre les Es-
pagnols dans les Indes occidentales j
mais cette expédition essuya un échec
près de Saint-Domingue, et Winslow
mourut, en passant d'Hispaniola à la
Jamaïque, le 8 mai i655. Il avait
WIN
publié : I. Les bonnes nouvelles de
la Noui^elle- Angleterre , ou rela-
tion des choses remarquables dans
cette plantation , avec une Notice
sur les Indiens. Cet ouvrage a été
imprimé plusieurs fois. II. V Hypo-
crite démasqué y ayant trait à la
communion des Églises réformées
avec les indépendantes. — Winslow
{Josué)y fils du précédent, fut gou-
verneur de Plymouth , depuis iGSj
jusqu'à 1680, époque où il mourut,
après avoir commandé avec honnçur
les forces de cette colonie dans diffé-
rentes expéditions. — W i n s l o
{Jean)^ petit-fils du précédent, étaî
capitaine dans la malheureuse expé
dition de Cuba, en 1740 ; il devin
major -général, fit plusieurs cani
pagnes en cette qualité , notammen
dans les guerres contre la France
et mourut à Hingham , en 1774
à l'âge de soixante-onze ans. Z.
WINSLOW ( Jacques - Béni
gne), analomiste, naquit à Odensé
dans l'île de Funen , en Dane
mark , de Pierre Winslow , paj
teur luthérien , le 1 avril 166c
Destiné par sa naissance à l'état ec
clésiastique , il passa , comme Boei
haave , de l'étude de la théologie
celle de la médecine, dont il apprit
dans sa patrie , les premiers éh
ments sous Borrich. Il se mit ensuit
à voyager (i 697) pour se perfectioi
ner, séjourna en Hollande, et de li
vint en France , vers le commencej
ment de l'année i6u8. C'était l'épo^
que où l'astre du grand roi commen-
çait à pâlir. Louis XIV paraissait
presque entièrement occupé du projet
de ramener au sein de l'église catho-
lique les protestants de ses états. La
conversion d'un hérétique de quel-
que importance était alors célébrée:
comme naguère la conquête d'une
province^ et rien ne coûtait poun
WIN
l'obteuir. C'est dans de telles circons-
tances que, comme Voltaire l'a dit de
Pelissou , Winslow eut le bonheur
d'être éclaire et de cliangor de reli-
gion dans un temps où ce change-
ment pouvait le mener aux dignités
et à la fortune. Il fit abjuration en-
tre les mains de Bossuct, le 8 octo-
bre i6gq. On comprend bien que
tous les chemins s'aplanirent devant
le nouveau converti y et que sous
les auspices de l'ilhistre e'veque de
Meaux , qui voulut bien lui servir de
j parrain , et lui donner ses deux
I' prénoms, Winslow obtint rapide-
: ment les avantages que sa pro-
fession pouvait lui procurer. La fa-
culté de médecine l'admit à prendre,
sans frais , tous ses grades , et l'élo-
quent pi-élat , malgré les infirmités
qui l'accablaient , ne dédaigna poijit
de se faire transporter aux écoles
pour l'entendre soutenir la ])remicre
de ses thèses. Reçu docteur de la fa-
culté de médecine de Paris , Wins-
lowr devint ensuite (1707) membre
de l'académie des sciences , interprète
de la langue teutonique à la biblio-
thèque, puis, à la mort d'Hunault,
professeur d'anatomie et de physio-
logie au jardin du Roi , etc. Loin de
nous toutefois la pensée que la con-
version de Winslow ne fût pas le
fruit d'une conviction sincère , ou
qu'il ne méritât pas les honneurs et
les avantages dont il fut condjlé.
Bossuet avait ramené dans le sein de
l'église un homme d'un mérite émi-
nent, et bientôt son talent justilia
; ses protecteurs. A leur tête était Du-
ti verney, auquel Winslow dut autant
■ qu'à ses goûts peut-être de faire de
i i'anatomie l'objet spécial de ses étu-
- des. Ce fut en qualité d'élève de Du-
e verney , et comme auatomiste , que
f l'académie des sciences l'admit au
r nombre de ses membres , et de ce
WIN
5i
moment, 1707 , il s'adonna presque
exclusivement aux recherches ana-
tomiques , publiant leurs résultats
dans une foule d'excellents Mémoi-
res , dont les plus curieux sont relatifs
à l'action des muscles. Dans son grand
ouvrage qui parut en 1732, sous
le iilit à^ Ex position anatoi nique du
corps humain , la myologie est aussi
sans contredit ce qu'il y a de meil-
leur et de plus soigné. Le traité d'a-
natomie de Winslow fut long-temps
classique dans nos écoles, et n'a mê-
me été tout-à-fait abandonné qu'à
l'époque oîi la connaissance des rap-
ports de situation qu'ont entre eux
nos organes devint l'objet le ])lus
important de la science , princij)ale-
ment dirigée vers l'utilité chirurgi-
cale. On y trouve inséré en entier le
travail deSténon , sur I'anatomie du
cerveau. Ce savant danois était le
grand-oncle de Winslow ; comme
lui converti par Bossuet à la foi ca-
tholique , il abandonna la médecine
])0ur la théologie, et finit ses jours
dans le Nord, où il était devenu évê-
que inpartihus {V. Stenon ). Bien
que Borelli, dans la première partie
de son ouvrage De motu anima-
lium , eût donné la solution d'une
foule de problèmes relatifs à l'action
musculaire, la mécanique des mou-
vements de l'homme fut pour Wins-
low un champ fécond en découver-
tes. Le premier il démontra que l'ac-
tion en apparence la plus simple , le
mouvement le moins compliqué exi-
geait la coopération et le concours
d'une multitude de muscles , par la
nécessité dans laquelle se trouve celui
ou ceux qui produisent le mouve-
ment d'avoir un point fixe d'action.
Ainsi^ par exemple, un homme cou-
ché sur le dos, et étendu sur un plan
parfaitement horizontal, ne peut flé-
chir la tête sans que tous ses muscles
4..
bi
WIN
jusqu'à ceux de la plante des pieds
ne soient de proche en proche obli-
ges à se contracter. De cette consi-
dération importante se déduisent une
foule de préceptes relatifs au traite-
ment des maladies, à l'exploration
facile et fidèle du bas-ventre _, à la ré-
ducliou des hernies, etc., etc. Au
temps de Winslow l'anatomic hu-
maine n'était point comme de nos
jours une science pour ainsi dire vul-
gaire 'y et bien qu'indispensable aux
médecins, elle était presque entière-
ment ignorée du plus grand nombre
d'entre eux. Plusieurs se rappellent
encore ce temps où l'on appelait aux
consultations médicales un médecin
anatomiste , chargé de palper le ma-
lade et d'explorer la partie du corps
dans laquelle on soupçonnait le siè-
ge principal de la maladie • et le res-
pectable M. Portai nous a plusieurs
fois raconté qu'à son arrivée à Paris,
ce fut surtout à ce genre de talent
qu'il dut ses premiers succès. Cette
sorte d'application pratique de ses
connaissances en anatomie et l'ensei-
gnement de cette science occupèrent
principalement Winslow durant sa
longue carrière , sans l'empêcher
toutefois de se livrer avec ardeur à une
multiplicité de travaux particuliers
dont il nous suffira de signaler les
plus importants. Lemery avait ex-
pliqué les monstruosités en les attri-
buant à la confusion de deux germes
qui en s'unissant perdaient chacun
plus ou moins de leurs parties : Wins-
iow prétendit qu'au contraire les
monstres venaient d'un seul germe ,
primitivement monstrueux • et voilà
la guerre allumée. La controverse
produisit une foule de mémoires et
de répliques. La question s'embrouil-
lait de plus en plus. Chacun des
contendants persista et mourut dans
son opinion , dont il était réservé à
WIN
notre siècle de démontrer la fausse-l
té. On sait aujourd'hui, et ces véri-
tés résultent d'une multitude de faitJ
judicieusement rapprochés et soi^
gneuscmentcomparés, que la machine
humaine, loin d'être constituée d'uu
seuljet, se compose de parties d'abord
séparées , et se forme , pour ainsi dire^
pièce à pièce. En outre , le fœtus de
l'homme parcourt toute l'échelle de
l'animalité avant d'arriver au com-
plément d'organisation qui l'élève au-
dessus des embryons et des fœtus des
autres espèces ) en sorte que les mons^
très ne sont, pour la plupart, que
des individus arrêtés dans leur déve-«
loppement, et présentant des orga-
nisations incomplètes , dont on peut
trouver les analogues dans les espè-
ces inférieures. C'est ainsi que l'ob-
servation attentive des monstruosités
ou vices de conformation que les en-
fants apportent en naissant, a con-j
tribué à faire découvrir une des Wii
les plus importantes de l'organisa-l
tien , et montre que loin de pouvoil
être regardés comme des écarts dj
la nature , les monstres prouvent ai
contraire que, dans la production de^
êtres vivants , elle suit une march(
constamment régulière. Winslow
dans sa jeunesse, avait couru deux
fois le danger d'être inhumé vivant-
C'en était plus qu'il ne fallait sans
doute pour fixer son attention sui
Vincertitude des signes de la mort.
dont il fit le sujet d'un ouvrage ce
deux volumes in- 12 , publié en l'ani
née 174^ y et auquel il avait préludé
deux ans auparavant par son An
mortis incertat signa minus incerta
à chirurgicis quàm ab aliis experi-
mentis ? (Paris, l'j^Oj in-4*^. )
Cette longue Dissertation , c'est le
nom que Winslow lui donne, laisse ,
comme l'ont laissée tous les traites
postérieurs relatifs à la matière, la
i
WIN
question indécise, ou plutôt établit
que les phénomènes de la putréfac-
tion sont les seuls signes incontesta-
bles de la mort réelle. Plus versé dans
la connaissance de la structure hu-
maine que tous les médecins de son
époque j Winslow se montra le plus
timide dans la pratique de la méde-
cine ; et bien que l'on ait évidemment
exagéré cette timidité, en racontant
qu'il n'administra jamais deux onces
de manne sans trembler , il est juste
d'avouer qu'il ne se livrait qu'avec
répugnance à la pratique de la mé-
decine, domiué sans doute par la
même pensée qu'un des anatomis-
tes les plus distingués de notre
âge , le célèbre Mascagni , lequel
s'en est toujours abstenu , parce
qu'il la jugeait, disait-il, troppo pe-
ricolosa. Winslow termina en 1760
sa longue et utile carrière , à l'âge
de quatre-vingt-onze ans, laissant de
son mariage, contracté à quarante
ans^ un fils mort capitaine de vais-
seau , sans postérité , et une fille dont
les descendants exercent encore la
médecine à Paris , non sans distinc-
tion. \J Exposition anatomique de
la structure du corps humain _, Pa-
ris^ 1732, I vol. in-4°. ? ou quatre
tomes in-i 2 ,a été fréquemment réim-
pi'imée dans le cours du dernier siècle,
et traduite en latin (Francfort, 17 53,
in-8«. , Venise, 1758 , in-8». ) , en
italien ( Naples, 1746 7 in -8°.) , en
anglais (Londres, i733,in-4'^0 , et en
allemand (Berhn, 1733 , in-80.) Ou-
tre ce principal ouvrage, Bruhier
publia séparément \aDissertation sur
l'incertitude des signes de la mort ,
Paris, 174^ , grossie par des addi-
tions au point de former deux volu-
mes in-i 2. Mais le plus grand nombre
des travaux de Winslow existe dans
la collection des Mémoires de l'aca-
d(;niie des sciences , dont il fui l'un
WIN
53
des membres les plus laborieux : on
y trouve aussi son Eloge prononcé
par Grandjean de Fouchy le 12 no-
vembre 1760. R — c — D
W^NSTANTLEY (William),
biographe anglais , vécut sous les rè-
gnes de Charles I*^»'. , Charles II et
Jacques II. Il avait d'abord exercé
le métier de barbier. Ses écrits ne
se distinguent point par un grand
mérite; mais on y trouve des faits
qu'on chercherait inutilement dans
des écrivains d'un ordre supérieur.
On a de lui : I. Fies des poètes.
L'auteur ne s'est pas fait scrupule
de prendre, sans l'avouer, les juge-
ments sur les poètes anglais , dans le
Theatrumde Phillips , et dans d'au-
tres ouvrages. II. Fies des person-
nages éminents de V Angleterre .\jdi
première édition contenait des notices
sur les héros de la république; mais
les circonstances politiques ayant
changé , Winstantley s'empressa de
remplacer , pour la seconde édition ,
ces notices par d'autres _, conformes
à l'esprit du jour. Aussi les ama-
teurs qui recherchent encore ses ou-
vrages réunissent-ils les deux édi-
tions de 1660 et 1684 , afin d'avoir
l'œuvre complète. III. Barètes his-
toriques. IV. Le Martyrologe royal.
V. Des Poésies et quelques Noti-
ces détachées. Tous ces écrits furent
imprimés dans le format in-8'\ L.
WINSTON C Thomas ) , médecin
anglais, né en 1576 , étudia son
art sous Fabricius d'Aquapendente ,
Prosper Alpin , Gaspard Bauhin , et
reçut le doctorat à Padoue. Il s'éta-
blit à Londres vers 1607 ; fut élu
membre du collège des médecins , et
professeur de médecine du collège
Gresham, en i6i5. Cette chaire fut
occupée par lui jusqu'en 1642 ; il
vint alors en France , et ne rentra
en Angleterre qu'après que les trou-
54 WIN
blcs y furent apaises. Il mourut le
'Al^ ocLi6j5. Ses Lee oiisd'ajiatomie,
imprimées en iGSget 1664, in-B*^.,
furent regardées comme ce qu'il y
avait alors de pins complet en ce
genre dans la langue anglaise. Z.
W I N ï E R ( George-Simon ) ,
écuyer et vétérinaire , né , dans le
dix-septième siècle, d'une famille ori-
ginaire duduclié de Clèves , consacra
sa vie entière à l'étude et à Ja prati-
que de son art. De grands seigneurs ,
des princes même suivirent ses le-
çons. On est surpris que les biogra-
phes allemands, tels que Vogt, Beyer,
Freytag ^ n'en aient but aucune men-
tion. Il consigna les résultats de son
expérience dans plusieurs ouvrages*
qui sont très-recliercliés : I. Trac-
tatio nova de re equarid, complec-
tens partes très , IN uremberg . 1 6-^ a ,
in-fol. de 169 pag. , lig. L'auterr y
traite de la connaissance des che-
vaux , de leur éducation , et des
moyens curalifs ci employer dans
leurs maladies. Le texte allemand est
accompagné de trois traductions ,
latine, italienne et française. Cet ou-
vrage a été réimprimé avec des ad-
ditions , ibid. ^ lÔS^ , et 1 708 , in-fol.
de 223 pag. La prernière édition
ne contient qnè 34 planches , la se-
conde et la troisième en renferment
4-B. L'édition de t7o3 n'est pas,
comme le dit M. Brunet {Manuel du
libraire , au mot FTinter)^ la même
que celle de 1687 ? ^^^^ "^ nouveau
frontispice j c'est réellement une nou-
velle réimpression. II. Nouveau
traité de l'art du maîiége, JJlm ^
1674, in-fol. ( alL). III. Belle-
rophon, sive Eqiies peritus y hoc
est artis equestris accuratissima
institutio , latin et allemand , Nu-
remberg , 1678, in-fol. avec ii5
planches. L'auteur y traite de l'art
de Téquitation , et donne les pré-
WIN
ceptes les plus propres à former un
cavalier. III. Hippiater experlus ,
seu medicina equorum ahsolutissi- _-
ma tribus libris comprehensa , latin il
et allemand , ibid. , 1678 , in-fol. , ■■
avec fig. , et orné du portrait de
Winter. C'est un traité complet de
l'art vétérinaire. Il y en a deux édi-
tions in-8*^., avec pi., Nuremberg,
1767 et 1778. W— s.
WINTER (NicoLAs-SiMON Van),
poète hollandais, né à Amsterdam en
17 18, fut élevé dans le goût des let-
tres et des muses. A portée d'orner
son esprit de connaissances étendues
et variées , il ne tarda pas à faire
preuve lui-même d'heureuses dispo-
sitions pour la poésie. Sa première
production fut un petit poème in-
titulé Cdin et Jbel, en 174^7 mdÀ?,
il prit un tout autre essor dans
son poème de VAmstel , en six
chants , Amsterd. , 1755, in-4*'. Une
imagination riante et féconde, une
grande pureté de diction et de sty-
le, un rare talent pour le genre des-
criptif , recommandent cet ouvra-
ge, dont le sujet est le fleuve qui don-
ne son nom à la ville d'Amsterdam.
Il eut VA\ succès éclatant, et plaça le
nom de Van Winter à côté de celui
de Smits (Didéricj, qui, en 1780,
avait chanté avec beaucoup de talent
la Piotte y dont l'autre métropole du
commerce hollandais , Rotterdam ,
a emprunté son nom. En 17^9, Van
Winter donna son poème des Sai-
sons ^ en 4 chants, imité de Thom-
son , dans lequel il rivalisa honora-
blement avec son modèle. On doit
encore à Van Winter deux tragédies:
3îo7izongo ou V Esclave royal ^ et
Menzikojf. La première de ces deux
productions, très-supérieure à l'autre,
est restée au théâtre. Van W'inter a
publié, en 1793, avec les poésies
posthumes de ]VIi"«. Van Winter, un
WIN
recueil de Poésies mêle'es , Fables ,
etc. ; et ces deux ëponx ont eu aussi
leur part à une excellente traduction
des Psaumes de David , connue sous
la rubrique de Laus Deo , salus po-
pulo, et pour laquelle les poètes de
Bosch , Pater , Harlscn, RouUaud,
Meyer et Asschcnberg furent leurs
collaborateurs. — Wl^TErl {Lucrèce-
Guillelminc Vau) , nce Fan Mcr~
ken , épouse du précèdent , vit le
jour à Amsterdam ^ en i -^22 , et mé-
rite d'être placée au nombre des mu-
ses batavcs. Elle comptait parmi hzs
ancêtres Gaspard Bar!aiusct Gérard
Brandt; et elle était ])roclie paieutc
du poète de Haas (François) , qui se
plut à la diriger par ses conseils. Ri-
chement douée d'esprit , d'imagi-
nation, et surtout d'une mémoire
qui décuplait pour elle les avantages
deses leclnres ; enfin vivant dans une
société littéraire du meilleur clioix,
elle réunissait tous les avantages. En
174^ , elle publia , sous le voile de
l'anonyme, sa tragédie à'Artémire ,
dont le sujet était pris dans Hérodo-
te. Cette pièce, où l'on ne peut mé-
connaître du talent , donna des espé-
rances. Cependant elle ne l'a pas ad-
mise dans son Théâtre. En 17^)2,
parut son poème intitulé : VUtililé
des ajjîictious, en trois chants, suivi
de quelques Héroïdes, etc. La mora-
le religieuse ne pouvait avoir un plus
digne organe ni un plus touchant in-
terprète. La considération poéjique
de l'auteur s'accrut encore, qiialre
ans après , par son poème de David ^
en douze chants. S'il ne répond pas
à toutes les conditions de l'épopée,
il n'en doit pas moins être considéré
comme un chef-d'œuvre dans un gen-
re qui en approche. Tous les carac-
tères y sont dessinés de main de maî-
tre , et parfaitement soutenus. Les
descriptions y sont magnifiques. L'au-
WIN
55
leur touche la lyre inspirée de son
héros d'une manière digne de lui.
Aussi le David csX-\\ une des produc-
tions les plus nationalisées du Parnas-
se batave. Elle l'est plus , sous cer-
tains rapports , que le Germani-
cus , en seize chants, qui parut en
1779. Le choix du sujet peut avoir
nui au succès populaire de Germa-
nicus , d'ailleurs si riche d'invention
et de style , mais dont les beautés ,
d'un genre plus sévère, n'excitent
pas le même intérêt de sentiment.
L'ambition de Rome, avide de ven-
geance et de sang contre les peuples
de la Germanie, effarouche plutôt
qu'elle n'attache; et le dévouement
d'un Claudius Civilis ou d'un Armi-
nius pour la cause de la liberté de
leurs concitoyens eût été tout au-
trement nalioual. Au surplus, on ne
peut donner trop d'éloges à Germa-
nicus ; il mit le sceau à la réputa-
tion de son auteur. H en a paru une
traduction fiançaise , en prose , à
Leyde , in-!2. Depuis onze ans,
]\llle_Yau iVIerken avait épousé uu des
grands admirateurs de ses qualités
personnelles et de son mérite litté-
raire , Van Winter, qui lui avait dé-
dié ses Saisons. Il donna beaucoup
de soins au poème de Germani-
eus, et mérite, à ce titre , d'en
partager le succès. ^\^^. Van Win-
ter est auteur de tragédies, non tradui-
tes, mais originales, comme \eMon-
zongo et le M enzikojf de son mari. Le
théâtre français leur servait de mo-
dèle à l'un et à l'autre. Toutes les piè-
ces des deux époux réutiies forment
deux volumes in-4"., dont le premier
contient : i». le Siège de Leyde, par
]M»n«. Van Winter j 2». Jacoh Si-
monsz de Bj'k, par la mêmej 3°.
Monzongo ou V Esclave royal , par
M. Van Winter : c'est un sujet d'i-
magination , dont le but est d'inspi-
WIN
rCT de raversion pour la traite des
noirs ; la scène est à Vcra-Crnz ; /j.".
les Camisards, par M"i«. Van Win-
ter. Le second volume contient : i»,
Marie de Bourgogne , comtesse de
Hollande, par M'n«. Van Winter^
2». Menzikoff', parM.VanWinter: la
scène est en Sibérie j 3"^. Louise d'Ar-
lac , fille de Dominique de Gourges,
par M"'*'. Van Winter : la scène est
dans l'Amérique septentrionale j 4^*
Sihjlle d'Anjou , femme de Gui de
Lusignan, roi de Jérusalem , par la
même : la scène est à Jérusalem; 5».
Gélonide y su]et d'imagination, par la
même : c'est le triomphe de la ten-
dresse maternelle ; il y a des cliœurs ;
la scène est à Athènes. Nous avons
déjà fait mention des OEuyres pos-
thumes de M"^e. Yan W^inter , qui
mourut à Leyde le 19 avril 1795,
dans la soixante - dix-septième an-
née de son âge. — Un fils du pre-
mier mariage de M. Van Winter,
Pi'e/Te Van Winter, cultivait éga-
lement avec succès la poésie hollan-
daise. On a de lui une traduction en
vers des Odes d' Horace, Amsterd.,
i8o4, in-4°. ; une traduction en vers
de quelques livres de V Enéide ; une
de VEssai sur l'homme de Pope.
Nous sommes informés que la socié-
té de déclamation théâtrale établie à
Amsterdam s'occupe de^ l'érection
d'un monument en l'honneur de M. et
de M™e. Wan Winter. M— on.
W I N T E R ( Jean-Guillaume
DE ), vice -amiral, naquit en 1750
au Texel. Destiné par sa famille à
servir dans la marine , il y entra dès
l'âge de douze ans, et il ne tarda
pas à se faire remarquer par son
zèle et son courage. De Winter était
parvenu au grade de lieutenant de
vaisseau, lors de la révolution qui
éclata en Hollande en 1787. Il em-
brassa avec la plus grande ardeur le
WIN
parti patriotique; mais la cause stat-
îioudérienne ayant triomphé dans
cette lutte , il se vit forcé de se réfu-
gier en France. La révolution y était
dans toute sa force; De Winter,
qui en partageait les principes ,
demanda et obtint du service dans
l'armée de terre; il fit les campa-
gnes de 1792 et 1 793 , sous les or-
dres de Dumouriez et de Pichegru ;
et parvint bientôt au grade de géné-
ral de brigade. Lorsque , en 1 795, les
armées de la république, sous le com-
mandement de Pichegru , envahirent
la Hollande, De Winter profita de cet-
te occasion pour rentrer dans sa pa-
trie. Les États-Généraux lui offrirent
de reprendre du service dans la ma-
rine , avec le grade de contre-amiral,
et l'année suivante il fut nommé vi-
ce-amiral et commandant de l'armée
navale du Texel. Après avoir été
long-temps bloqué par des forces su-
périeures , il parvint enfin à trom-
per leur surveillance, et il appareilla
le 7 octobre 1797, à la tête de vingt-
neuf bâtiments de guerre, dont seize
vaisseaux de ligne. Le 1 1 au matin ,
il eut connaissance de l'armée an-
glaise aux ordres de l'amiral Dun-
can , laquelle était forte de vingt
vaisseaux de ligne , et d'environ
quinze frégates et autres bâtiments
légers. L'action s'engagea immédia-
tement , et elle dura pendant près de
trois heures avec un acharnement
égal de part et d'autre. Le vaisseau
la Liberté y de soixante -quatorze,
que montait De Winter, fut aux pri-
ses avec trois vaisseaux anglais.
Après avoir perdu ses trois mâts et
plus de la moitié de son équipage, il
se vit amariner par une frégate an-
glaise, qui le conduisit h bord du
vaisseau de l'amiral Duncan. Le ré-
sultat de cette journée fut , pour la
marine hollandaise, la perte de neuf
WIN
vaisse:uix de ligne pris ou coules;
six cents hommes environ furent
tues , et huit cents blesses. L'armée
anglaise ne fut guère moins maltrai-
tée; plusieurs de ses vaisseaux furent
coulés , et l'on estima ses pertes en
hommes à six cents , tant tués que
blessés. De Winter , en rendant
compte de ce combat aux États-Gé-
néraux, ajoutait que « cette journée
» était la plus malheureuse de sa vie. »
Il fut accueilli en Angleterre avec
tous les égards dus au courage mal-
heureux , et ses compatriotes, en dé-
plorant les funestes résultats de cet
engagement, rendirent pleine justice
aux talents et à la bravoure qu'il y
avait déployés. Échangé quelques
mois après. De Winter revint dans
sa patrie , et le conseil de guerre
chargé d'examiner sa conduite dans
la journée du ii octobre déclara
qu'il avait glorieusement soutenu
l'honneur du pavillon de la républi-
que bataA'e. Au mois de juillet 1798,
il fut envoyé auprès du gouverne-
ment français comme ministre pléni-
potentiaire. Il conserva ce poste
jusqu'en 1802, époque à laquelle il
fut rappelé en Hollande pour y pren-
dre le commandement des forces na-
vales. La régence ^e Tripoli ayant
donné quelques sujets de méconten-
tement à la république j De Winter^
à la tête d'une forte escadre , par-
courut pendant quelques mois les co-
tes de Barbarie, et, après avoir ter-
miné les différents qui existaient en-
tre la Hollande et la régence de Tri-
poli^ il parvint à conclure un traité
de paix avec celte dernière. Louis
Buonaparte, devenu roi de Hollan-
de, accorda toute sa confiance à l'a-
miral De Winter; il le créa maré-
chal du royaume , comte de Hues-
sen , et commandant en chef de ses
armées de terre et de mer. Lorsque
WIN 57
Napoléon réunit la Hollande à l'em-
pire français , il ne le traita pas avec
moins de faveur , et le nomma suc-
cessivement grand- officier de la Lé-
gion-d'Honneur , et inspecteur-géné-
ral des côtes de la mer du Nord. Au
mois de juillet 181 1 , il lui confia le
commandement en chef des forces
navales réunies au Texel ; mais bien-
tôt De Winter, attaqué d'une mala-
die grave, suite des fatigues qu'il
avait éprouvées , se vit contraint de
quitter son armée pour se rendre à
Paris , où il mourut le 1 juin 1812.
Ses obsèques, faites aux frais du gou-
vernement, furent environnées d'une
grande pompe; M. Marron pronon-
ça son oraison funèbre , et ses restes
furent déposés au Panthéon, dans les
formes du cérémonial usité pour les
grands dignitaires de l'empire.
H Q N.
WINTERBURGER ( Jean ) , le
plus ancien imprimeur de Vienne,
naquit à Winterburg , près de Krcu-
tzenach dans le comté de Spon-
heim. Étant venu dans la capita-
le de l'Autriche , il y établit une
imprimerie, dont il gravait lui-même
les caractères. Pendant dix-sept ans,
il travailla seul ; et plus tard il prit
pour aide - compositeur un géomètre
de Breslau , appelé Jean Michaelis.
De ses presses sont sortis un grand
nombre d'ouvrages devenus extraor-
dinairement rares. Les plus remar-
quables sont : I. Flacci satjrœ ,
Vienne , 149^ , in - 4°- ^n n'en con-
naît qu'un seul exemplaire. Avant
cet ouvrage, le Tractatus distinc-
tionum Johannis Mejger avait déjà
paru à Vienne, en 1482;, mais sans
nom d'auteur ; et on ne peut pas as-
surer qu'il soit de Winterburger. II.
Frederici III imperatoris obitus
exequiœque , Vienne , in - 4"- ■> sans
date^ ce doit être de i493. lil.Pané-
58
WIN
gyrique de V empereur Maximilien
I . y en vers hexamètres latins ,
Vienne, in-fol. , avec planches en
bois enluminées, sans date; ce doit
être de 149^ ou 1494* IV. Hiero-
njmi Balhi utriusque juris doctoris
necnon poetœ, atque oratoris insig"
nis opusculum epigrammaton félici-
ter incipit M^interburg in celeherri-
md urhe FTiennen , anno Domini
i494' V. Constitution es sjnodales
ecclesice cathedralis Strigoniensis ,
Vienne^ ^494? infol. \l. Josephi
Gruenpeck pronosticon , sive judi-
cium ex conjunctione Saturni et Jo-
^is, etc., Vienne, i490,in-4'^- VII.
Lucii Jpulei Platonici et jéristote-
lici philosophi epitome divinuni de
mundo seu cosmographia y ductu
Conradi Celtis impressum , Vienne,
1497. VIII. Ausonii sententiœ sep-
tem sapientium septenis versibus
expUcatœ, ejusdem Ausonii ad Dre-
panum de ludo septem sapientium,
Vienne, i5oo, in-4°- IX. Arbor
consanguiîiitatis , ajjinilatis nec-
non spiritualis cognitionis , Vienne^
i5oo^ in-4". Ce petit ouvrage, étant
indispensable aux tribunaux civils
et ecclésiastiques, fut souvent réim-
primé. X. Ausonii Peonii poetœ
prœclarissimi oratio matutina ad
omnipotentem Deum herdico car-
miné deducta , Vienne, i5o2, in-
4^^. Cette édition est très-soignée :
on n'en connaît qu'un exemplaire
à la bibliothèque impériale de Vien-
ne. XI. Grammatica nova, cum
tractatulo perulili prosodiœ et ar-
ti melrorum subsen^ienti , Vienne,
i5o2, avec une figure d'homme
qui tient un livre, gravée en bois.
C'est la première gravure pareille
qui ait paru dans les impressions
de Winterburger. XII. Missale
olomucense. On trouve à la fin ,
eu lettres rouges : /. JVinterhurg
WIN
artis impressoriœ studios issimus
et caracterum sculpendorum in-
geniosissimus : in Jloridd urhe
Fiennensi austriacd , anno i5o5.
On voit d'après cela qu'il gravait
lui-même ses caractères et ses plan-
ches en bois. Ce Missel est remarqua-
ble par la beauté de l'exécution.
^IW.Tractatusdeschachismjsticè
interpretatus de morihus per singu-
los liominum status , 1 5o5 , in - 4^.
Le lieu de l'impression n'est point
indiqué* mais ce sont les caractères
de Winterburger , qui se fait d'ail-
leurs connaître par six vers qu'il
adresse au lecteur :
A cc'ipe qnod offert liiheriitl ax arce Joanncs
Sc/iac/icrii muitus. , , .
Ici y comme dans quelques autres de
ses ouvrages , il latinise son lieu
natal : ex arce hiberna , Winter-
burg signifiant en français châ-
teau d'hii^er. Ce Traité sur les échecs
se trouve à la bibliothèque du duc de
Brunsv\'ick ; composé par Jacques
de Cessolcs ( F. ce nom , V 1 1 , 588) , et
traduit dans toutes les langues. XIV.
Missale pataviense , Vienne , 1 5o6,
in-fol. XV. Missale saltzhurgense ,
Vienne , i5o7 , in-fol. Le canon de la
messe y est sur parchemin. On y
trouve, pag. ^58, une Messe de S.
Job _, contra morbum gallicum , et
dans un nouveau missel de Passau ,
de i5o7 , avec une figure de Jésus-
Christ crucifié, gravée en bois. XVL
Computus novus et ecclesiasticus
totius ferè astronomiœ funda-
menturii pulcherrimum continens ,
Vienne, i5o8 et i5i3, in -4''. , fig.
XVII. Opusculum musices perquàm
hrevissiniwn, de Gregoriand etfigu-
rativd atque contrapuncto simplici
percommodè tractans , omnibus
cantu ohlectantibus utile ac neces-
sarium /Vienne, 1.509. C'est un des
plus anciens ouvrages qui aient été
WIN
imprimes en plain-cliant. Il avait
e'tc commande' pour la chapelle du
duc de Milan. XYin. Missalepata-
uiense, Vienne , i Sog. Cctait le troi-
sième ouvrage de ce genre que Win-
terburger imprimait dans six ans.
XIX. Pauli Crosnensis Fuitheni
artium liheralium magistri^ poetœ-
qiie quàm sucwissimi , panegjrici
ad dhnmi Ladislaum , Famioniœ
regcm victoriosissimum _, et sanc-
tum Stanislawn prœsulem ac mar-
tjrem Poloniœ ^ Vienne, lôog.
XX. Psalterium patasnense ciim
aîitiphonis , responsoriis hjmnis-
que in nous musicalihus. XXî.
Almanacli noviim atqiie correc-
tum calculatum super anno Do-
mini i5i2. Dans la préface, on
donne une leçon très -sévère à un as-
tronome de Cracovie , cpii , selon
l'imprimeur, avait fait paraître un
' Almanacli plein de fautes, XXIÏ.
Exemplar in modiini accentuandi
secundiim ritiim chori ecclesiœ pa-
taviensis , Vienne, i5i3. Les leçons
sur la prononciation , le ton , la pro-
sodie , les pauses , y sont expliquées
par des exemples tiie's du chaut de i'e-
glise.XXIlI. Ruhricahreviset utilis-
sima scptemdistinctanormulis qui-
hiis orandi, cantandi , anticipandi-
qiie séries ordinatissimè cernitur y
Vienne , 1 5 1 3 , in - 4°. C'est ce que
l'on appelle aujourd'hui un directoi
re ou ordo pour la récitation du bré-
viaire ou pour la célébration des of-
fices. XXIV. Description de Vé-
glise métropolitaine de S.-Étienne
à Tienne (ail.), Vienne, i5i4.
XXV. Tahidœ eclipsium magis-
tri Georgii Peurbachii. Tahidœpri-
mi mohilis Johannis de Monte - Re-
gio. Indices prœtereà monumento-
rum , quœ clarissimi viri studii
Viennensis alumni in astronomid
et aliis matkeinaticis disciplinis
WIN 59
scripta reîîqueriint , Vienne , 1 5 1 4 ,
iu-fol. Cet ouvrage est le plus remar-
quable parmi ceux que Winlcrburger
a imprimés. On y trouve : i». la bio-
graphie des Viennois qui jusque - là
s'étaient illustrés par leurs connais-
sances en astronomie; 2°. le calcul
pour une éclipse de soleil et une de
lune, en 14O0, par Peurbach {V.
ce nom , XXXllI , 541 ); 3*^. cent
quinze tables astronomiques pour
calculer les éclipses. XXVI. Aidu-
laria Plauti comœdia lepidissimè
exccrahilem seniorum avaritiam.
lu dens, Y ieune, 1 5 1 5,in-4^. XXVII.
Casus in cend Domini et alii casus
papales quantum ad censuras eccle-
siasticas , casusque episcopales ,
Vienne , 1 5 1 7 .^WYW.Antiphona-
rius ad rectum consuelumque can-
tandi rituni , Vienne , 1 5 1 9 , in-fol.
Cet Antiphonaire, d'une exécution
typographique richement soignée , est
la dernière production que nous con-
naissions de Winterburger. Ce que
nous avons cité de lui forme le ber-
ceau de l'imprimerie à Vienne. Tous
ces ouvrages sont extrêmement ra-
res. Mich. Denis, conservateur de la
bibliothèque impériale de Vienne, qui
les a recherchés avec soin , n'en a
souvent découvert qu'un seul exem-
plaire. On les conserve comme rare-
tés dans les bibliothèques publiques
d'Autriche. G — y.
WllN ÏERFELD (Jean-Charles),
i'mi des lieutenants du grand Frédé-
ric , naquit dans l'Ukermark , en
1709, d'une famille obscure , et s'en-
gagea comme simple soldat , dès l'âge
de quatorze ans , dans un régiment
d'infanterie prussien. Sa belle taille
et ses autres avantages extérieurs le
firent remarquer du roi Frédéric I^^^,
Il entra dans le corps favori de ce
prince que l'on appelait le régiment
de Géants ; et sa bonne conduite lui
Go WIN
mérita bientôt de ravaiicement. Il
était adjudant lorsque Frédéric II
monta sur le trône ^ en 174^' Ce
prince le fit major j et dans la pre-
mière guerre de Silesie , il lui donna
le commandement d'un bataillon de
grenadiers , à la tête duquel Winter-
fe!d se distingua dans plusieurs occa-
sions. Devenu colonel , il fut envoyé
à Pétersbourg pour y rompre les
liaisons que la Russie avait alors
avec l'Autriclie. Cette mission diffi-
cile eut un plein succès ; et Winter-
feld' vint reprendre sa place à l'ar-
mée. Il se distingua encore dans
plusieurs combats , notamment à
Landsliut , où il repoussa une attaque
meurtrière du général Nadasti. Cet
exploit lui valut le grade de général-
major; et, ce qui était plus précieux,
l'estime et la confiance de son sou-
verain. Dès-lors ce monarque voulut
qu'il l'accompagnât partout dans ses
campagnes et dans ses voyages. Win-
terfeld redoubla d'efforts pour le ser-
vice d'un tel prince j et il lui fat sur-
tout très-utile par son activité , lors-
que Frédéric II , à l'ouverture de la
guerre de Sept-Ans , fut informé des
projets que les cours de Russie ,
d'Autriche et de Saxe tramaient con-
tre lui ( F'qx. Frédéric II, XV,
568 ). Ce monarque apprécia si bien
son zèle dans cette circonstance, qu'il
le nomma lieutenant-général d'infan-
terie ( i-jSô). L'époque la plus glo-
rieuse de la carrière de Winterfeld
est, sans aucun doute, celle des deux
premières campagnes de la guerre
de Sept-Ans. 11 eut d'abord une
grande part à la capitulation que
Frédéric II fit subir à l'armée
saxonne au camp de Pirna. Ayant
ensuite pénétré dans la Bohême , il
commanda un corps d'armée à la
sanglante bataille de Prague • et il y
reçut une blessure grave , marchant
WIN
à côté du brave Schwerin ( Fqy. ce
nom). Frédéric l'envoya ensuite en
Silésie. Le -^ septembre i-jS-j , il dé-
fendait une position importante avec
un corps peu nombreux; obligé de s'en
éloigner personnellement pour une
conférence avec le duc de Bevern ,
il fut prévenu que son poste était
attaqué par Nadasti. Aussitôt il ac-
court , et se met à la tête des troupes
pour reprendre les positions qu'elles
avaient perdues ; mais il est atteint
d'un coup de feu , et meurt glorieu-
sement les armes à la main. Frédé-
ric donna de grands regrets à sa 1
mémoire ; il en parle avec éloge dans ^
plusieurs endroits de ses écrits , et il
lui a fait élever une statue en marbre
blanc sur la place Guillaume à Ber-
lin. Winterfeld avait mérité l'estime
de ce prince par un dévouement et
un courage à toute épreuve. Dépour-
vu d'instruction, il suppléait à ce qui
lui manquait sous ce rapport par
beaucoup de sagacité et d'esprit na-
turel. M— D j.
WINTERTHUR ( Jean de ). T.
VlTODURANUS.
WINTERTON ( Ralph ) , un des
philologues les plus distingués de l'An-
gleterre , naquit dans le comté de
Leicester à Lutterworth , et fit ses
études au collège du Roi à Cambridge.
Pendant cette première époque de sa
vie , il eut le malheur de tomber dans
des accès de démence ; mais l'art
triompha du désordre de ses facultés
mentales , et Winterton , rendu à la
santé , se livra avec ardeur à l'étude
des sciences et des langues. La méde-
cine et le grec l'occupèrent principale-
ment, et il acquit, très- jeune encore,
une grande réputation comme hellé-
niste. La chaire de grec de Cambrid-
ge étant venue à vaquer par la mort
de Downes , il fut un des cin([ can-
didats qui la disputèrent. Gepcuda»t
WIN
il n'eut pas le bonheur de l'obtenir ,
et à partir de ce moment il sembla
renoncera solliciter des emplis pour
concentrer toute son activité dans
Tëtude. Il publia d'abord une ver-
sion en vers grecs du premier livre
des Apliorismes d'Hippocrate , Cam-
bridge , i63i , in-40. ; et encouragé
par le succès qu'obtint cet essai il
publia , les années suivantes , l'ouvra-
ge entier traduit de la même manière.
Cependant la poésie de Winterton ne
s'élève point au-dessus du médiocre,
et il semble bien plus avoir suivi pour
modèle la Tliériarpie delSicandre que
l'Iliade ou l'Odyssée. Mais on sent
aisément qu'il faut s'en prendre au
sujet autant qu'au manque de gé-
nie de la part de l'auteur qui , sans
doute , n'aspira à d'autre réputation
qu'à celle de savant versificateur.
En i633, sur l'avis du docteur J.
Collins , professeur de médecine , il
donna , à Cambridge , une édition
in- 40. du texte grec, accompagnée
de la version en vers latins de Frère,
de la sienne en vers grecs , et enfin
de la traduction en prose latine de
J. Hcurnius d'Utreclit. Ce volume cu-
rieux se termine par une petite col-
lection d'épigrammes et d'opuscules
poétiques composés par les hommes
les plus habiles de Cambridge et
d'Oxford, mais principalement par
les professeurs du collège du Roi. Ces
travaux ne l'empêchèrent point de
publier dans l'intervalle une traduc-
tion des Méditations de Gérard,
Cambridge, i63i , in-8**. , traduc-
tion qui fut réimprimée jusqu'à cinq
fois , pendant les huit années suivan-
tes ; une excellente édition de Denys
le Periégète , Cambridge, i635. ; se-
conde édition , Londres , 1 668 _, in-
1 2 , et quelques autres écrits impor-
tants. Tant de preuves d'activité et
d'érudition lui valurent enfin juie
WIN
61
récompense ; et il fut désigné , sans
même l'avoir demandé , pour pro-
fesser pendant quatre ans la méde-
cine au collège du Roi. Mais il n'at-
teignit point le terme fixé à sa car-
rière professorale, et mourut le i3
septembre i636 , après avoir rempli
deux ans la chaire qui venait de lui
être confiée. Outre les publications
ci-dessus mentionnées, on doit à Win-
terton : I. Une édition de la Chaîne
d'or des Aphorismes divins , par
Gérard, Cambridge, i632_, in-8".
II. Une traduction du traité de
Drexelius sur l'Eternité, Cambridge,
i632. La préface contient plusieurs
observations paradoxales , et qui ,
sans blesser en rien le respect dû à
la religion, annoncent une liberté
singulière dans l'interprétation des
textes saints. III. Poetœ grœci mi-
nores , Cambridge, i635, in-80. ,
très-souvent réimprimé. Cette édition
est précédée d'observations sur Hé-
siode. IV. Une traduction anglaise
du traité de Jérôme Zanchius sur les
Devoirs imposés par le christianis-
me {posthume) , Londres, i65g, in-
8*^. Winterton coopéra aussi à la
rédaction de plusieurs ouvrages sor-
tis , à cette époque , de l'université
Cantabrigienne ; mais nous omettons
à dessein des détails minutieux, et
qui d'ailleurs n'offrent point de cer-
titude. P OT.
WINTHROP (Jean), premier
gouverneur de la colonie anglaise de
Massachusets , naquit, en 1587,
dans le comté de SufFolk , fut
d'abord destiné au barreau , et s'em-
barqua , en 1629 , avec le titre de
gouverneur d'une nouvelle colonie.
11 arriva à Salem l'année suivante ,
puis à Charlestown et à Boston. Il
gouverna sa colonie avec beaucoup
d'habileté et de prudence jusqu'à
l'année 1649, époque de sa mort.
di WIN
Un journal exact qu'il tint de toutes
les circonstances de son administra-
tion, et qui a ctc publie en 1790,
in-8**. y fut très-utile à son successeur.
— WiNTHROP {Jean), lils du précé-
dent , fut gouverneur du Gonnecticut.
Apres avoir voyage pendant plusieurs
années sur le continent avec beaucoup
d'utilité pour son instruction , il ar-
riva à Boston en i635 , muni de
pouvoirs pour former un établisse-
ment au Gonnecticut. Il envoya dans
la même année un grand nombre
d'ouvriers, pour établir un fort à Say-
brook. Il administra avec beaucoup
de sagesse, et fut réélu gouverneur
tous les ans jusqu'à sa mort , en
1676. Wintlirop avait des counais-
sances en chimie et en médeci-
ne. Il a publié plusieurs Mémoi-
res dans les Transactions philo-
sophiques. — WiNTHROP {Jean ) ,
descendant des précédents , naquit en
1714 , et se livra dès sa jeunesse à
l'étude des sciences matbématiqucs.
Nommé, en 1738, professeur de
physique au collège de Harward,
il se fit beaucoup de réputation dans
cette chaire. En 1761 , il s'embar-
qua pour aller observera Saint- Jean,
en New-Foundland , le passage de
Vénus sur le disque du soleil le 6
juin, annoncé par Halley, et il eut
le bonheur d'observer un phénomène
qui n'avait encore été vu que de l'as-
tronome Horrox , en i636. Lorsque
les dissensions commencèrent avec la
métropole , il se montra un des plus
ardents défenseurs de l'indépen-
dance , et fut nommé membre du
grand conseil. Son élection ayant été
annulée par le gouvernement anglais,
il fut élu conseiller, lorsque la Grande-
Bretagne eut perdu tout son pou-
voir , et continua néanmoins de pro-
fesser jusqu'à sa mort , en 1779. Les
connaissances de Winthrop dans les
WIN
sciences , la morale et la politique ,
étaient très - étendues. La société
royale de Londres a mentionné
honorablement , dans le quarante-
deuxième volume de ses Transac-
tions , les observations de Winthrop
sur le passage de Mercure , en 1 740»
Ce savant a publié : I. Un Dis-
cours sur les tremblements de terre ,
1755. II. Réponse à la Lettre sur
les tremblements de terre, 1756. HT.
Deux Discours sur les comètes. IV.
Une Notice de plusieurs météores
igués , observés dans le nord de l'A-
mérique. Z.
WINTLE ( Thomas), théologien
anglais^ né à Gloucester en 1737,
fut élevé à Oxford, où il devint asso-
cié et gouverneur au collège de Pcra-
broke. L'archevêque Secker lui don-
na , en 1767 ,1e vicariat de Wittris-
ham , dans le comté de Kent, et le
choisit pour un de ses chapelains.
Transféré, en 1774 1 ^^ rectorat de
Brightwell, en Berkshire, il y resta
quarante ans , et y mourut le 29
juillet 1814. Wintle joignait des
vertus au talent et à l'érudition dont
il a fait preuve dans divers écrits :
I. Essai d'une nouvelle traduction
de Daniel, avec une Dissertation
préliminaire et des notes critiques ,
historiques et explicatives, 179'^ ?
in-4'^.Il. Huit Sermons sur V utilité ,
lapré diction et V accomplissement de
la rédemption chrétienne , prêches
pour la fondation de Bampton ,
1794, in-8^. III. Dissertation sur
la vision contenue dans le second
chapitre de Zacharie , 1 797 , in-8^.
IV. La morale chrétienne , ou Dis-
cours sur les béatitudes y etc. Z.
WINTRINGHAM ( Glifton ),
médecin anglais , membre de la so-
ciété royale de Londres , exerçait sa
profession à York , où il mourut le
12 mars 1748. il s'est fait une ré-
WIN
piitation distinguée par les ouvrages
suivants : I. Tractatus depodagrd,
in quo de uUimis vasis et liquidis
et succo nutritio tractatur , York ,
17 14 , in-B*^. La théorie qu'il donne
de la goutte est en partie mécanique
et en partie humorale. Ainsi il attri-
bue le développement de cette mala-
die à la viscosité acrimonieuse du
fluide nerveux , à la rigidité des fi-
bres et au rétrécissement du diamè-
tre des vaisseaux, qui avoisineut les
articulations. La dilliculté de guérir
la goutte tient, selon lui, à ce que
la cause prochaine de celte affection
élude presque toujours l'action des
médicaments les mieux appropriés.
II. Traité des maladies endémi-
ques , York , 1 7 1 8 , in-S». , en an-
glais. IIÏ. Commentarium nosologi-
cum , morhos epidemicos et aeris
variai iones in urhe eboracensi _, lo-
cisqiie vicinis , ah anno 1 7 1 5 ad
anni 1725 fmem gras sautes , com-
plectens , Londres, 1727, in-8^\;
ibid. , 1733 , in-8**. Ses œuvres ont
été réunies et publiées avec de nom-
breuses additions et corrections fai-
tes par son liLs , Londres, 1752, 1
vol. in-8". R — D — N.
WINTRINGHAM ( Clifton ) ,
fils du précédent , naquit à York, et
suivit avec la plus grande distinction
la carrière de son père. Après s'être
fait connaître par des expériences
physiologiques très-importantes, il
devint membre de la société royale
de Londres, obtint la confiance du
duc de Cumberland, en 1749 j» puis
fut nommé médecin en chef des ar-
mées anglaises, et en 1762, méde-
cin ordinaire du roi. 11 mourut à
Londres, le 10 janvier 1794, à
l'âge de quatre-vingt-quatre ans.
Quoique, dans la théorie, il eût as-
socié les mathématiques à la mé-
decine, cependant Wintringham fut
WIN
63
un habile praticien , parce qu'il sut
faire une heureuse alliance du rai-
sonnement avec les faits observés.
Ses ouvrages sont : I. Recherches
expérimentales sur quelques parties
de la structure animale ^ Londres,
1740, in-8°. , en anglais. Dans cet
ouvrage remarquable , Wintringham
prouva , par ses grandes connais-
sances en mathématiques , qu'il avait
approfondi son compatriote Newton.
Il était jeune encore , lorsqu'il entre-
prit ses expériences sur la force et
la densité des tiuiiques artérielles, en
portant, à l'aide d'une machine, de
l'air dans ces vaisseaux jusqu'à ce
qu'ils crevassent , et déterminant eu-
suite le degré de ténacité dont ils
étaient doués. Il trouva qu'en géné-
ral les branches des artères opposent
plus de résistance que les troncs, et
que l'aorte a les membranes les plus
faibles ] car leur force est à celle des
artères rénales, comme mille est à
mille quatre-vingt-sept. Les tuniques
des artères , qui se rendent aux or-
ganes des sécrétions , sont celles qui
lui parurent les plus résistantes. En-
suite il établit une comparaison en-
tre les parties solides des vaisseaux
et les fluides qu'ils renferment, et
acquit la conviction que la masse de
ces derniers augmente eu proportion
de l'épaisseur des parois; car elle
est de deux mille trente-sept dans
les artères rénales , et seulement de
douze cent vingt-neuf dans l'aorte;
de sorte que , dans les grosses artè-
res , la moindre quantité du fluide
contenu compense la plus grande
faiblesse des tuniques. D'après ses
expériences aussi , les veùies ont des
parois plus épaisses , mais plus sou-
ples que celles des artères , et elles
renferment une plus grande quantité
de fluides. La structure et les fonc-
tions de diverses parties de l'œil at-
64 WIN
tirèrent également son attention. II.
Recherches sur la ténuité des vais-
seaux du corps humain , Londres ,
J']l\'ij in-8<*. , en anglais. Les cal-
culs de l'auteur sur la tcnuite' infinie
de la fibre primitive offrent des ré-
sultats plus curieux que solides.
Ainsi, par exemple, il évalua le
poids d'un animalcule séminal à la
cent quarante mdie millionième par-
tie d'un grain , calcula que tous les
stainina dont l'homme provient ,
réunis ensemble , ne formeraient pas
une masse supérieure à la quatre-
vingt-douze trillionième partie d'un
grain; que le poids total des stamina
des fibres sensibles s'élève à la qua-
torze mille huit cent soixante dix-
sept trillionième partie d'un grain ,
et que par conséquent toute la diffé-
rence qui existe entre les individus,
relativement à l'état du corps , dé-
pend de celle des stamina primitifs.
Cette application des mathématiques
à la médecine a toujours été plus
nuisible qu'utile à la science , parce
qu'il est de l'essence même de la vie
de se dérober à toute espèce de cal-
cul rigoureux. III. De morhis qui-
busdam commentarii y Londres ,
1782-1791, 2 volumes in-B". , ou-
vrage de médecine pratique. Win-
tringham a de plus donné une édi-
tion de l'ouvrage du docteur Mead,
intitulé Monita et prœcepta medi-
ca, avec des notes et des observa-
tions, 1773, 2 vol. in-S». R-D-N.
WINWOOD (SirtlALPH), minis-
tre anglais , sous le règne de Jac-
ques 1er. ^ naquit vers i565 à Aynho
en Northamptonshire , fit ses éludes
à Oxford . et vint ensuite sur le con-
tinent se former à l'école du monde.
En i5g9, il accompagna, en qualité
de secrétaire , sir Henry Neville, am-
bassadeur en France , et, en l'absence
de ce dernier , fut nommé rési-
WIN
dent à Paris. En i6o3 , son souve^
rain l'envoya aux états de Hollande^
il y reparut en 1607 , comme am-
bassadeur, conjointement avec sir ,
Richard Spencer. Ce fut lui qui, en ;
1609, prononça dans l'assemblée des
états la remontrance du roi Jacques
contre l'arminien Conrad Vorst
( Fojr. ce nom, XLIX, 627 ). Les
services de Winv^^ood furent récom-
pensés, en 1607, par le titre de che-
valier. Devenu secrétaire-d'état en
161 4, il conserva cet emploi jusqu'à
sa mort , arrivée le 27 octobre 161 7.
Doué de talents et d'intégrité , il était
particulièrement versé dans les af-
faires militaires et commerciales. On
a publié à Londres _, en 1725, en
trois volumes in -fol. : Mémoires
( Memorials ) sur les araires d'é-
tat sous les règnes de la reine Eli-
sabeth et du roi Jacques I" . , re-
cueillis principalement des papiers
originaux de sir Ralph PTin-
wood y comprenant aussi les
négociations de sir Henry Neville ,
sir Charles Cornwallis, sir Dudley
Carleton, sir Thomas Edmondes, M.
Trumble,M. Cottington, et autres,
dans les cours de France et d'Espa-
gne, en Hollande, à Venise, etc., où
les principales transactions de ces
temps sont fidèlement rapportées, et
la politique et les intrigues de ces
cours complètement dévoilées 5 le
tout disposé suivant l'ordre chrono-
logique , etc. , par Edm. Sawyer.
Ce sont de précieux documents pour
l'histoire de cette époque. L.
WINZENGERODE(lcbaronDE) ,
général russe, né en i7(J9, dans le
Wurtemberg , d'une famille noble ,
très-répandue en Allemagne , entra
jeune encore au service d'Autriche ,
et fit la guerre contre la France. A
la paix il obtint un emploi dans l'ar-
mée russe , où il parvint rapidement
WIN
aux premiers grades. Devenu aide-
dc-camp de l'empereur Alexandre,
il figura à la cour dans le parti anti-
français , qui excitait à la guerre
contre Buonaparte. Ses opinions
connues autant que ses talents diplo-
matiques le firent nommer , au mois
de juin i8o5, ambassadeur extraor-
dinaire auprès du roi de Prusse ,
avec la mission de déterminer ce
prince à prendre part à la coalition
projetée contre le nouvel empereur.
Il passa ensuite à Vienne, assista
aux conférences relatives au plan de
campagne, et liâta la conclusion du
traité entre l'Angleterre, la Russie et
l'Autriche. Les hostilités ayant éclaté
peu de temps après , il suivit Alexan-
dre dans le voyage que ce monarque
fit en Allemagne et à Berlin , et ne
fut pas sans influence sur ks pre-
mières opérations de farmée russe.
Au mois de novembre de la même
année , après le combat d'Holla-
brun, en Moravie, il fut charge'
de négocier , en faveur du corps
d'armée commandé par Kutusow ,
un armistice que Napoléon refu-
sa de ratifier , sous prétexte que
les pouvoirs du baron de Winzen-
gerode n'étaient pas suffisants. Ce
général ne quitta point l'empereur
Alexandre , et à la bataille d'Auster-
litz il faillit être fait prisonnier. 11
prit une part moins active à la guerre
de 1806 et de 1807 , en Prusse et en
Pologne; et néanmoins il suivit le czar
à Mémel et à Kœnisberg. Mais à la
paix de Tilsit Winzengerode parut ne
plus jouir de la même faveur auprès
de son souverain qui avait adopté
un système politique tout diilérent
du sien. Cependant il recouvra plus
tard son ancien crédit, et on le vit
reparaître de nouveau sur le théâ-
tre des événements pendant la fa-
meuse campagne de 181 2. Après la
Lï.
WIN
65
bataille delaMoscowa , il commanda
un corps de cavalerie séparé _, et fut
spécialement chargé d'inquiéter l'ar-
mée française dans Moscou. Le corps
français du général Delzons s'étant
avancé le 29 sept, sur Diuistrow ,
pour agrandir le cercle dans lequel
la grande armée française était obli-
gée de fourrager,, Winzengerode se re-
plia surKlin avec sa cavalerie. Aver-
ti le i'2 octobre du départ de Del-
zons , il se mit à sa poursuite , arriva
devant Diuistrow , fit douze beues
sans s'arrêter, et prit quelques ma-
raudeurs et quelques bagages. Dès-
lors i! épia le moment de la retraite
des Français , qu'il jugea inévitable.
Le 22 octobre , brûlant d'entrer le
premier dans Moscou , et croyant ne
plus y trouver qu'un piquet d'arrière-
garde , il se met à la tête d'un régi-
ment de Cosaques , et s'avance vers
la barrière de Twer, ordonnant à
d'autres régiments de le suivre. Une
charge rapide l'ayant porté dans la
ville, au travers des petits postes qui
gardaient encore les avenues , il s'e'-
lance vers le Kremlin. Mais à la vue
d'un corps réglé qui vient barrer sa
marche, ses Cosaques tournent bride
et l'abandonnent. Winzengerode se
voyant seul avec son aide- de-camp ,
le jeune comte de Nariskin, déploie
son mouchoir et s'annonce comme
un parlementaire qui vient sommer
le commandant du Kremlin. Mais
cette ruse ne trompe point les Fran-
çais qui les font tous deux prison-
niers , et les conduisent au maréchal
Mortier qui se mettait en retraite.
Ce général les emmène avec lui , en
leur déclarant qu'il ne peut avoir
égard à une manière aussi inusitée
de se présenter en parlementaires.
Le 26 octobre , Winzengerode parut
devant Napoléon; et voici comment
il en fut reçu : « Qui êtes - vous? lui
(J8 WIO
WION (i) ( Ar.NOLD) , iiistoricn
(le l'ordre de Saiul-Bcnoît , était fds
du procîirenr-liscal de Douai , et na-
quit en celte ville le ICI. jiiai 1554.
Ayant achevé ses études , il embrassa
la vie religieuse à Fabbaye d'Arden-
burg , près de Bruges. Les troubles
qui désolaient les Pays-Bas l'enga-
gèrent à se retirer en Italie , et il fut
admis , en 1577 , dans la congréga-
tion du Mont-Cassin. 11 partagea le
reste de sa vie entre Texercice de ses
devoirs et l'étude , et mourut dans les
premières années du dix-septième
siècle. On a de lui : I. Brève dicldara-
zionedelV arbore monastico Bene-
dittinOj intitolato : legno délia vita,
Venise , 1 5gf^ , in-8". C'est le plan
de l'ouvrage qui suit , avec l'expli-
catioiî des figures dont il est orné.
II. Lignum vit en ^ ornamentum et
decus ecclesiœ ,in qainque libros di-
i'isum , in quibus totius SS. reli-
gionîs D, Benedicti initia ^viri dig-
nitate , doctrind , sanctitate ac
principatuclari describuntur , ibid. ,
1595, 2 vol. in-4'^. (2). Cet ouvrage
est rempli de faljles ; cependant on
assure que D. Mabillon en a profité
pour la rédaction de ses Annales ord.
S, Benedicti. Cli. Steingel en a don-
né une traduction allemande , Augs-
bourg , 1607 j dont on lui reproche
d'avoir retranché tout ce qui concer-
nait l'histoire littéraire ( /^. Vogt ,
Cat. libror. rarior. ). On trouve dans
le premier volume , après la dédi-
cace, adressée au roi d'Espagae ,
Philippe II , ime dissertation intitu-
lée : De antiquissimd et illustris-
simdfamilid romand Anicid, etc. ,
(i) Et non pas J^Vyon, comme il est écrit par
cireur typographique à l'art. MALA.CHIE,
(a) D. J. François dit qu'il eti parut une secon-
de édition, Reggio, if}2(), in-fol. (^Bihl.des ccrU'.
de Vordi-c de S. Benoît^ ITI , aG?.) ; mais comme
on ne l'a trouvée dans aucim catalogue ou u'ose
pas en garantir rexislence.
WIP
où l'auteur cherche à prous^er qiie
saint Benoît descend de celte famille,
et qu'elle est également ia tige de la
maison d'Autriche. II a recueilli
dans le même volume ( pag. 807 )
la fameuse Prophétie attribuée faus-
sement à saint Malachie ( F. XXYI,
3 19 ) , laquelle avait été composée ,
dit-on , en 1 590 , pendant le conclave
assemblé pour l'élection du succes-
seur d'Urbain VII , par les parti- .
sans du cardinal Simoncelli , l'uiij
des prétendants à la tiare , qu'on y
désigne par les mots De antiquitate
urbis y parce qu'il était d'Orvietle , en
latin urbs vêtus. Dans le tome 11 , on
trouve le Martyrologe de l'ordre de
Saint-Benoît, que D. Menard a fait
réimprimer avec des notes curieuses
{r. XXVIII, 264). III. FitaS. Ge-
rardi è Fenetd familid deSagredo,
martfris et Hungarorum apostoli,
notationibus illustrata , ibid. , 1 597 ,
in-4''. Cette vie est recherchée à cause
du commentaire dont elle est accom-
pagnée. Le P. Wion promettait une
édition des OEuvres de B. Platine;
et il a laissé en manuscrit quelques
opuscules ascétiques , et une concor-
dance de la chronologie des Septante
avec celle de la Vulgaîe, qu'il se
proposait de publier k la tête d'une
Chronique universelle. On trouve-
une notice sur la vie et les ouvrages
du P. Wion dans le tome iv de la
Nuova raccolta Calogerana. W-s..
WIPPO ou WILPO , né en Bour-^
gogne, était aumônier de Tempe
reur Henri III, vers l'an io45. Sesj
écrits sur l'histoire du temps pas-
sent pour les meilleurs de son épo-
que. I. Vita Conradi Salici publiée
par Pistorius , dans ses Scriptores
rerum germanicarum , t. m. IL
Panegyricus ad Henricwn III ,
dans le Thésaurus de Basnage , t.
m. TIL Sententiœ Conradi ad lien-
wia
iicuui filium , dans la Bihlioih. lai.
med. œi^i de Fabriciiis, t. i. Voy.
Vossiiis , (le Hist. lat., lib. ii. G- y.
WTPREGHT. Fo^y. Wigbert.
WIRSUNG, eu lalin Firsungiis,
( Christophe), médecin, ne à Augs-
bomg en i5oo, e'tudia tout à-la-fois
la médecine et la théologie, ce qui
n'était pas alors fort rare. Il fut
très- lié avec Conrad Gesner j et
dans le même temps qu'il pratiquait
son art avec beaucoup de distinction
dans sa ville natale, il y remplissait
avec le même succès les fonctions
depredicatcurcvangelique.il mourut
à Ileidelbcrg en iS^i. On a de lui:
Nouveau livre de médecine { ail. ),
Heidclbcrg, 1 568 , in-fol. jNeustadt,
I 588 et i5c)7. — Wirsung {Jean-
George ) , chirurgien , de la même
famille que le précédent, naquit à
Augsbourg , et se rendit à Padoue ,
où il reçut des leçons de Vesiing.
Ses progrès furent rapides dans l'a-
natomie; et, le premier, il démontra
dans l'homme le cauà\ pancréatique^
que d'autres anatomistes avaient dé-
jà aperçu dans les animaux. Ce con-
duit porte encore aujourd'hui son
nom dans la science anatomiquc. Le
mérite de Wirsung lui fit des enne-
mis : un médecin dalmate , qu'il
avait réduit au silence dans une dis-
cussion publique, s'introduisit dans
son cabinet , et le tua d'un coup
de pistolet. Z.
WIUTZ ou WIRZ (Jean), ar-
tiste suisse, dont la célébrité^ selon
Fuessli , est lein d'égaler le talent ,
naquit à Zurich en i64o, et reçut
sous les yeux de son père, professeur
en théologie , une éducation libé-
rale. Il n'avait pas encore terminé
ses études lorsqu'il eut le malheur
de perdre un œil. Cet accident ne
put l'empêcher de se livrer avec ar-
deur au dessin^ et il y fit, en peu de
WIR
69
temps , de grands progrès. Conrad
Meycr l'initia aux mystères de la
peinture, ainsi qu'à ceux de l'art de
graver à l'eau-fortc; et Wirz devint
bientôt un de ses disciples favoris. Il
est malheureux que les circonstances
n'aient ])oint permis au génie de ce
jeune peintre de se développer. Obli-
gé de se servir de son talent pour vi-
vre, il fit des portraits , et se consa-
cra presque exclusivement à ce gen-
re. Pendant ses instants de loisir, il
s'abandonnait aux caprices d'une
imagination vagabonde et bizarre ,
et réalisait sur la toile ou l'acier des
conceptions toujours absurdes ou ri-
dicules. Le seul ouvrage qui reste de
lui est son Romœ animale exem-
plum, Zurich , 1677 , in - 8^. C'est
une collection de dialogues sur l'A-
pocalypse , dialogues qui en fait de
puérilitéSjd'extravagancesetdesingu-
larités , peuvent le disputer aux com-
mentaires les plus bizarres écrits sur
la prophétie de l'évangéliste de Path-
mos. Zèle aveugle, légendes absurdes,
incohérences et barbarismes dans le
style , il n'y manque rien de ce qui ca-
ractérise trop souvent les interpréta-
tions de l'ouvrage le plus obscur de la
Bible.Mais les quarante-deux planches
qu'il a jointes à son texte sont pres-
que toutes remarquables par l'habi-
leté de la composition, la magnificen-
ce ou la grâce des paysages, la dégra-
dation de la lumière et l'expression
passionnée des figures , qu'il groupe
ou distribue avec un art infini. Tour-
à-tour , et souvent à-Ia-fois, brillant,
terrible, gracieux, sombre, pathéti-
que , il semble jouer avec les formes,
la lumière , les ombres , les cou-
leurs ; et le fantastique de ses com-
positions a quelque chose qui cap-
tive l'œil , et frappe l'imagina-
tion , plus que la pureté ou la cor-
rection d'un tableau composé selon
(J8 WIO
WION (i) ( Ar.NOLD) , historien
(le l'ordre de Saiiit-lîcnoît , était fils
du procureur-Hscal de Douai , et na-
quit en cette ville le !«»■. mai i554.
Ayant achevé ses études , il embrassa
la vie religieuse à Tabbaye d'Arden-
burg , près de Bruges. Les troubles
qui désolaient les Pays-Bas l'enga-
gèrent à se retirer en Italie , et il fut
admis , en 1577 , dans la congréga-
tion du Mont-Cassin. Il partagea le
reste de sa vie entre l'exercice de ses
devoirs et l'étude , et mourut dans les
premières années du dix-septième
siècle. On a de lui : I. Brève dichiara-
zionedelV arbore monastico Bene-
ditlino, intitolato : legno délia vita,
Venise , 1 594 , in-8". C'est le plan
de l'ouvrage qui suit , avec l'expli-
catioii des figures dont il est orné.
II. LigTUim vitœ , ornamentum et
decus ecclesice^in quinque lihros di-
visum , in quibus totius SS. reli-
gionis D. Benedicti irdtia,viri dig-
nitate , doctrmd , sanctitate ac
princjpatu clari describuniur , ibid. ,
iSqS, 1 vol. in-4°. {'^)' Cet ouvrage
est rempli de fables ; cependant on
assure que D. Mabillon en a profité
pour la rédaction de ses Annales ord.
S, Benedicti. Ch. Steingel en a don-
né une traduction allemande , Augs-
bourg , 1607 , dont on lui reproche
d'avoir retranché tout ce qui concer-
nait l'histoire littéraire ( F. Vogt j
Cat. libror. rarior. ). On trouve dans
le premier volume , après la dédi-
cace, adressée au roi d'Espagiie ,
Philippe II , ime dissertation intitu-
lée : De antiquissimd et illustris-
simdfamilid romand Anicid, etc. y
(i) Et non pas T^'yon, comme il est écrit par
erreur typographique à l'art. MALA.CHIE.
(2) D. J. François dit qu'il en parut une secon-
de eiilion, Reggio, 16*9, in-fol. {lU/jl.des écriv.
tie V ordre de S. fienoil, lU , 0.67.) ; mais comme
tm ne l'a trouvée dans aucun catalogue on u'ose
pas en garantir l'existence.
WIP
où l'auteur cherche à prouver q'.ie
saint Benoît descend de celte famille,
et qu'elle est également ia tige de la
maison d'Autriche. Il a recueilli
dans le même volume ( pag. Soy )
la fameuse Prophétie attribuée faus-
sement à saint Malachie ( F, XXVI,
3 19 ) , laquelle avait été composée ,
dit-on , en 1 590 , pendant le conclave
assemblé pour l'élection du succes-
seur d'Urbain VII , par les parti-
sans du cardinal Simoncclli , l'un
des prétendants à la tiare , qu'on y
désigne par les mots De antiquitate
urbis , parce qu'il était d'Orviette^ en
latin urbs vêtus. Dans le tome 11 , on
trouve le Martyrologe de l'ordre de
Saint-Benoît, que D. Menard a fait
réimprimer avec des notes curieuses
{F. XXVIII, 264). III. FitaS. Ge-
rardi è Fenetd familid deSagredo,
martyris et Himgarorum apostoli,
notationihus illustrata , ibid. , 1 697 ,
in-4°. Cette vie est recherchée à cause
du commentaire dont elle est accom-
pagnée. Le P. Wion promettait une
édition des OEuvres de B. Platine j
et il a laissé en manuscrit quelques
opuscules ascétiques , et une concor-
dance de la chronologie des Septante
avec celle de la Vulgate , qu'il se
proposait de publier à la tête d'une
Chronique universelle. On trouve
une notice sur la vie et les ouvrages
du P. Wion dans le tome iv de la
Nuova raccolta Calogerana. W-s^
WIPPO ou WILPÔ , né en Bour-
gogne, était aumônier de l'empe-
reur Henri IIÏ, vers l'an io45. Ses
écrits sur l'histoire du temps pas-j
sent pour les meilleurs de son épo-j
que. I. Fita Conradi Salici publiée,
par Pistorius , dans ses Scriptores
rerum germajùcarum , t. m. IL
Panegyricus ad Henricum III ,
dans le Thésaurus de Basnage , t.
ni. IIL Sententice Conradi ad Hen-
wm
ricwn filiinn , dans la Bibliolh. lai.
mcd. œwi de Fabricius, t. i. Voy.
Vossius , (le Ilist. lat.j lib. ii. G- y.
WIPRECHT. Foj-. WiGBLRT.
WIRSUNG, cil lalin Firsungus,
( Christophe) , médecin , ne à Augs-
boiirg en i5oo, étudia tout à-la-fois
la médecine et la théologie , ce qui
n'était pas alors fort rare. 11 fut
très- lié avec Conrad Gesner • et
dans le même temps qu'il pratiquait
son art avec beaucoup de distinction
dans sa ville natale , il y remplissait
avec le même succès les fonctions
de prédicateur cvangélique.Il mourut
à Heidelberg en 1571. On a de lui:
Nouveau livre de médecine { ail. ),
Heidelberg, 1 568 , in-fol. jNeustadt,
i588 et i5c)7. — Wirsung {Jean-
George ) y chirurgien , de la même
famille que le précédent, naquit à
Augsbourg , et se rendit à Padoue ,
où il reçut des leçons de Vcsiing.
Ses progrès furent rapides dans l'a-
natomic; et, le premier, il démontra
dans l'homme le caim\ pancréatique^
que d'autres anatoraistes avaient dé-
jà aperçu dans les animaux. Ce con-
duit porte encore aujourd'hui son
nom dans la science anatomiquc. Le
mérite de Wirsung lui lit des enne-
mis : un médecin dalmate , qu'il
avait réduit au silence dans une dis-
cussion publique, s'introduisit dans
son cabinet , et le tua d'un coup
de pistolet. Z.
WIRïZou WmZ (Jean), ar-
tiste suisse, dont la célébrité^ selon
Fuessli , est lein d'égaler le talent ,
naquit à Zurich en i64o, et reçut
sous les yeux de son père, professeur
en théologie , une éducation libé-
rale. Il n'avait pas encore terminé
ses études lorsqu'il eut le malheur
de perdre un œil. Cet accident ne
put l'empêcher de se livrer avec ar-
deur au dessin^ et il y fit, en peu de
WIR
%
temps, de grands progrès. Conrad
Meyer l'initia aux mystères de la
peinture, ainsi qu'à ceux de l'art de
graver à l'eau-forte; et Wirz devint
bientôt un de ses disciples favoris. Il
est malheureux que les circonstances
n'aient ])oint permis au génie de ce
jeune peintre de se développer. Obli-
gé de se servir de son talent pour vi-
vre, il fit des portraits , et se consa-
cra presque exclusivement à ce gen-
re. Pendant ses instants de loisir , il
s'abandonnait aux caprices d'une
imagination vagabonde et bizarre,
et réalisait sur la toile ou l'acier des
conceptions toujours absurdes ou ri-
dicules. Le seul ouvrage qui reste de
lui est son Romœ animale exem-
plum, Zurich , 1677 , in - S'*. C'est
une collection de dialogues sur l'A-
pocalypse , dialogues qui en fait de
puérilitéSjd'extravagances et de singu-
larités , peuvent le disputer aux com-
mentaires les plus bizarres écrits sur
la prophétie de l'évangéliste de Path-
mos. Zèle aveugle, légendes absurdes,
incohérences et barbarismes dans le
style , il n'y manque rien de ce qui ca-
ractérise trop souvent les interpréta-
tions de l'ouvrage le plus obscur de la
Bible.Maislesquarante-deux planches
qu'il a jointes à son texte sont pres-
que toutes remarquables par l'habi-
leté de la composition, la magnificen-
ce ou la grâce des paysages, la dégra-
dation de la lumière et l'expression
passionnée des figures , qu'il groupe
ou distribue avec un art infini. Tour-
à-tour , et souvent à-la-fois, brillant,
terrible, gracieux, sombre, pathéti-
que , il semble jouer avec les formes,
la lumière , les ombres , les cou-
leurs ; et le fantastique de ses com-
positions a quelque chose qui cap-
tive l'œil , et frappe l'imagina-
tion , plus que la pureté ou la cor-
rection d'un tableau composé selon
70 WIR
les règles du goût , et dont le but se-
rait de reprcsciUer les realite's de la
vie. Parmi les artistes de l'Italie,
Paul Veronèse et Salvator Rosa' sont
ceux qui peuvent le mieux donner
l'idée de la manière de Wirtz; mais
il y a dans sa représentation du Juge-
ment dernier quelque chose du gran-
diose et de la subiimite de Micliel-
Ange. On a même de la peine à con-
cevoir comment, sans jamais avoir
franchi les Alpes, le peintre de Zu-
rich a pu, non-seulement imiter avec
autant de ti délite le st5'le de quelques-
uns des grands maîtres des éco-
les italiennes , mais encore repro-
duire avec une exactitude qui tient
du prodige l'aspect des lieux et la
physionomie du paysage, les varie'-
tcs du costume , les détails les plus
frivoles de rarchitecture et mille par-
ticularités non moins minutieuses et
non moins fugitives. Wirtz mourut
en 1709, dans une petite maison de
campagne qu'il possédait près de
Zurich. — Jean Wirtz, en latin
Wirtzius y son père, inspecteur des
élèves, chanoine, professeur de logi-
que, puis de théologie, à Zurich,
011 il mourut en 1 658, avait laissé
dans cette vilie la réputation d'un
ministre doué de toutes les vertus ,
d'un bon poète et d'un théologien
éclairé. On a de lui un grand nombre
d'ouvrages , parmi lesquels il faut
distinguer son 6rjr.atj.okoyh. et le De
ementito in fidei dogniatîbus Ec-
clesiœ romance doctorum consensu.
P— OT.
WIRTZ ( Jean-Conrad ) , né à
Zurich en 1688, fit ses études dans
sa patrie et à l'université d'Utrecht.
Depuis 1713, il occupa différents
emplois ecclésiastiques dans sa ville
natale, dont il devint premier pas-
teur en Ï737. Aussi respectable par
ses vertus que par ses connaissances,
I
WIS
il mérita d'être compté parmi les
restaurateurs des lettres et de la
théologie à Zurich. 11 combattit l'in-
tolérance avec autant de courage et
de dignité que de prudence et de
modestie, et rendit la paix religieuse
à sa patrie. Il mourut en 1769. La
plupart des écrits qu'il a publiés sont
du genre ascétique. On distingue la
collection de sç.s Discours synodaux ^
Zurich, 177*2 <à 1775, 4 "vol. in-
8*^. , et d'excellents morceaux in-
sérés dans le Muséum helveticum^ ,
dont on ne citera que le Dialogus de
intempestiçis disputationihus et ca-
tholico coniroversiarum in causa
religionis judicio. V — i.
WISCHER (Théodore), pein-
tre, né à Harlem vers t65o , apprit
son art dans l'école de Berghem , et
profita bea ucoup des leçons d'un aussi
bon maître. Devancé par sa réputa-
tion à Rome, il fut très-bien reçu
des meilleurs artistes de cette ca-
pitale, où il composa des tableaux
estimés , et les vendit fort avanta-
geusement; mais son goût pour la
dissipation et l'ivrognerie l'empê-
cha d'arriver au degré de perfec-
tion qu il pouvait atteindre , et il
mourut dans la misère à la fin du
dix-septième siècle , après lui sé-
jour de plus de vingt-cinq ans en
Italie. — WiscHER ( Corneille ), •
de la même famille, fut un des plus
habiles graveurs de son siècle, et fit
surtout des portraits d'une rare per-
fection pour la finesse et la pureté du
burin. On cite entre autres celui du
poète Vondel ( Fof. cenom ). Bazan
a donné le catalogue de son œuvre.
— WiscHER ( Jean ) , frère du pré--
cédent , a aussi gravé avec quelque
succès. Z.
WISE (Jean), ministre d'Ips-
wich en Massachusetts , fit ses étu-
des au collège d'Harward , et prit
WIS
part, dès l'année 1688, aux pie-
miers actes de rébellion qu'excitè-
rent dans sa patrie les taxes exces-
sives. Ayant montre beaucoup d'exas-
pération , il fui emprisonné; et lorsque
le calme fut rétabli il intenta une
action au chef de justice, qui n'avait
pas fait valoir en sa faveur l'acte
àliaheas corpus. En 1690, il était
cli.Tpel.iin dans la niallieureusc expé-
dition du Canada _, et il s'y distin-
gua par son zMe et son courage. En
1705, quand plusieurs ministres vou-
lurent former des associations dis-
sid<'ntes, à l'exemple de son prédé-
cesseur Ward , Wise fit tous ses
elTorts pour écarter le danger qui
menaçait les Églises de la congré-
gation , et il composa, à cette occa-
sion , deux oiiyrap,es estimés : I.
Querelle de l'Église épousée. II.
Défense du gouvernement des Egli-
ses de la Nouvelle-Angleterre, 1718,
réimprimée en 1772. JeanWisemou-
rut en lyotS. — W \se (Jérémie) ,
ministre de Berwick en Massaclni-
setts, mort en 1 766 , a publié divers
sermons et éloges funèbres. Z.
WISE (Francis), antiquaire an-
glais , (ils d'un mercier, naquit en
i6f)5 à Oxford , et acheva ses études
à l'université de cette ville. Admis
comme conservateur-adjoint à la bi-
bliothèque Bodiey, il y fut à même
de satisfaire son goût pour l'histoire
littéraire et les antiquités. 11 devint,
en 1 7 1 9 , membre du collège de la
Trinité , où il fut chargé, en 17^1 ,
de veiller y comme gouverneur, sur
l'éducation de Francis North , de-
puis comte Gui'ford. Ce choix fixa
en partie sa destinée. Ce seigneur lui
donna la petite cure d'Ellestield près
d'Oxford. Wise loua dans le voisi-
nage un terrain de quelques acres ,
dont il fit un séjour charmant, oiî
des fabriques variées et une imita-
WIS 71
tien heureuse de monuments anti-
ques , comme la tour de Babel , un
temple des Druides , une pyramide
égyptienne, attestaient le goût et l'in-
dustrie du possesseur. Wise avait
mis au jour , en 1 7 '22 , Asser Mene-
vensis de rébus gestis Alfredi niag-
ni , vol. in-S*^., élégamment impri-
mé et orné de gravures. En 1 738 , il
publia une Lettre au docteur M ead^
concernant quelques antiquités du
Berkshire , où l'on fait voir que le
Cheval blanc était un monument
5«a:o7z , iu 4" Uïï anonyme lui ré-
pondit dans un pamj)hlet très-inju-
rieux , où il donne à entendre que
l'auteur de la lettre était mal dispo-
sé pour la maison régnante. (îelte
insinuation chagrina d'autant plus
Wise, alors garde des archives,
qu'il avait des prétentions à la place
de bibliothécaire de la Radcliflè. Il
reprit la ])lume sur le même sujet ,
et donna en 174^ des Observations
nouvelles sur le Cheval blanc. Un
de ses amis s'attacha également,
mais en gardant l'anonyme, à justi-
fier ses principes politiques^, ainsi que
la justesse de ses conjectures savan-
tes; et la malveillance ne put empê-
cher queWise obtînt, en 1748, l'em-
ploi qu'il desirait. La cure de Ro-
therfield-Greys , dans le comté et le
diocèse d'Oxford , lui fut aussi confé-
rée en 174')- Il publia, en 1750, son
Catalogue des monnaies de la bi-
bliothèque bodléicnne , in-fol. , où
l'on trouve quelques vues de sa mai-
son et de ses jardins à EllesOeld ; en
1758, des Becherches concernant
les premiers habitants , les connais-
sances et la littérature de V Europe,
par un membre de la société des
antiquaires ; enfin , en 1 764 , Consi-
dérations sur l'histoire et la chro-
nologie des temps fabuleux; ces
deux derniers écrits ne portent que
^2 WIS
les lettres initiales du nom de l'au-
teur. Il mourut , fort tourmente de
la goutte, le 6 octobre 1767. Wise
avait enrichi la bibliotlièque Bodley
d'un grand nombre de médailles qui
manquaient dans les séries ; après sa
mort j sa sœur lit présent d'une belle
collection du même genre à la bi-
bliothèque Radcliffe. L.
WISEMAIN (Richard), chirur-
gien anglais, fut attache par sa pro-
fession à la famille royale, au temps
de la guerre civile de 1640 , et ac-
compagna le prince Charles fugitif
en France j en Hollande et dans les
Pays-Bas. Rentre avec lui en Ecosse,
il fut fait prisonnier à la bataille de
Worcester • mais il recouvra la li-
berté en i6V.i , et exerça dès-lors
son art dans la capitale. Sa pratique
s'accrut considérablement après la
restauration, et ses avis jouissaient
d'une grande autorité. Il publia , en
1676 , Divers traités chirurgicaux ,
en I vol. in-fol. , réimprimé en 1686,
et en 1 7 1 9 , 2 vol. in-B». Ces traités
ont pour sujets les tumeurs , les ul-
cères, les maladies de l'anus, les
écronellcs , les blessures , les plaies
faites par des armes à feu , les frac-
tures et luxations , la maladie véné-
rienne. La description générale de
chaque maladie est suivie d'observa-
tions écrites avec un ton de sincérité
propre à inspirer la confiance, les
mauvais succès n'étant pas moins
rapportés que les guérisons. Ce livre
donne nue idée de ce qu'était la chi-
rurgie dans ce temps où l'on recou-
rait aux médicaments et aux appli-
cations topiques plus qu'aux opéra-
tions. Z.
WISHART ou SFOCARD (i)
( George), l'un des premiers et des
plus ardents promoteurs des nouvel-
(i) IJisl. ceci, de rieury.
WIS
les doctrines en Ecosse , et l'un des
premiers que les protestants hono-
rent du titre de martyrs de la réfor-
mation, naquit dans les premières
années du seizième siècle, e£ peu
de temps avant qu'elle commen-
çât. Il descendait des Piltarows ,
illustre maison d'Ecosse. Il fut de
bonne heure imbu des opinions nou-
velles , soit qu'il les eût puisées en
Allemagne, dans un voyage qu'on pré-
tend qu'il y fit, etoùil vit Luther, soit
que ce fût à Cambridge, où il passa
quelques années , et où elles commen-
çaient à se répandre- mais personne
ne les embrassa avec plus d'ardeur.
Ce qu'il y a de plus certain, c'est
que , de retour dans sa patrie , en
1 54 4? son premier soin et l'occupa-
tion de tout son temps fut de travail-
ler à les propager. Il ne manquait ni
d'éloquence ni de savoir. Doué d'ail-
leurs par la nature d'heureuses qua-
lités, d'unegrande douceur de carac-
tère, qui lui attiraitla confiance; pieux
à sa manière, zélé jusqu'à l'enthou-
siasme pour la doctrine qu'il avait
embrassée, il se mit à la prêcher avec
un courage qui allait jusqu'à l'au-
dace. Il mêlait à ses prédications
des déclamations continuelles contre
l'Lglise romaine , qu'il accusait de
corruption , et contre le clergé ca-
tholique , auquel il imputait toute
sorte de vices. Ces nouveautés et le
talent de l'orateur lui eurent bientôt
attiré un auditoire nombreux. On le
suivit , on l'écouta , on le crut ', et
l'erreur fit de rapides progrès. Le
cardinal Beaton (2), arcl^evêque de
Saint-André et légat du Saint-Siège ,
dans le diocèse duquel Wishart prê-
chait, lui lit défendre de continuer.
Celui-ci n'en tint compte, et se con-
tenta de quitter le lieu , pour aller dé-
(■>) I/IIisloire ecck'siaslique l'apj)clle Béton et
Fellcr Beaton.
1
WIS
biter ailleurs ses opinions et ses ca-
lomnies. Le cardinal ne faisait assu-
rément que ce qu'il devait en cher-
chant à préserver son troupeau de la
corruption. Les protestants préten-
dent qu'il fut alors résolu d'attenter à
la vie de Wishart, et que des tentati-
ves furentfaitesdanscedessein. S'il en
était ainsi, ce n'est certainement pas
là l'esprit de l'Évangile j et ceux qui
les auraient ordonnées seraient cou-
pables : mais quoiqu'on cite quel-
ques faits à l'appui de cette accusa-
tion , est - elle bien prouvée ? Quoi
qu'il en soit, le cardinal , dont sans
doute on ne niera pas que le devoir
était de faire tout son possible pour
remédier au mal, employa une me-
sure plus légale. 11 assembla un sy-
node à Edinbourg , pour aviser aux
moyens de s'opposer aux progrès de
l'hérésie. Pendant qu'on était à dé-
libérer sur un objet aussi important,
on apprit que Wishart n'était qu'à
quelques milles d'Édinbourg , oîi il
continuait hardiment ses prédica-
tions. Le cardinal l'y lit arrêter et
amener au synode , où il fut interrogé
et sommé de cesser de répandre ses
erreurs. Loin d'y paraître disposé ,
il les soutint, et prétendit qu'il ne
prêchait que la parole de Dieu et
l'Évangile dans toute sa pureté. Con-
vaincu alors d'hérésie et d'obstina-
tion à y persister , il fut livré au ma-
gistrat séculier, qui, suivant la ju-
risprudence du temps , le condamna
aux flammes , sentence qui fut exé-
cutée en janvier i644' Les écrivains
protestants reprochent au cardinal
Èeaton cette exécution , qu'il eut le
tort de voir de son palais , et quel-
ques autres exécutions encore, lesquel-
les eurent lieu dans ces temps désas-
treux. Elles sont sans doute à déplo-
rer; mais comment ces mêmes écri-
Tains excuseront - ils la vengeance
WIS ^3
qu'on en lira peu de mois après ( le
29 mai de la même année)? « Douze
hommes entrèrent à Saint-André , et
le lendemain, dès le matin, s'empa-
rèrent de la porte du ])alais épisco-
pal, qu'ils trouvèrent ouverte. Ils se
rendirent ensuite au logement des of-
ficiers , qu'ils firent sortir. Étant ain-
si maîtres du palais , ils avancèrent
vers l'appartement du cardinal , qui
dormait encore. S'étant éveillé au
bruit des conjurés, il barricada sa
porte j mais aussitôt qu'il les enten-
dit parler d'envoyer chercher du feu,
il consentit à capituler, et se ren-
dit , à condition qu'on lui sauverait
la vie. Les conjurés lui manquèrent
de parole. Dès qu'ils le virent en-
tre leurs mains, ils se jetèrent sur
lui comme des furieux, et le massa-
crèrent. La ville était déjà en ru-
meur ; les amis du cardinal se pré-
paraient à le secourir : mais on leur
montra son corps par la même fenê-
tre où, peu de temps auparavant,, il
avait paru pour être spectateur du
supplice de Sfocard. On ne s'ac-
corde pas sur ce que devinrent les
meurtriers (3). » Mais le patient , qui
avait aperçu le cardinal à sa fenêtre^
avait , au dire des protestants , pré-
dit le sort qui lui était réservé à la
même fenêtre , et qu'en effet il éprouva
quelque temps après; preuve assez
convaincante que la secte, non-seule-
ment n'y était pas étrangère, mais en-
core qu'elle s'était chargéedel'accom-
plissement de la prédiction (4). L-y.
(3) Hisl. eccl. de Fleury, lom. XXIX, liv. \l{i ,
11°. a4'
(4) Le cardinal Beaton se nommait David ; il
élail écossais , et, à ce qu'on croit, appartenait à la
maison royale, I] fi,t ses études à Paris, avec suc—
ces, plut au roi d'Ecosse Jacques V , qui le jugea
capable de grands emplois , et fut envoyé en ambas-
sade près de François 1«" . , qui le nomma évêque
de Mirepoix. Promu li l'ariLevêclié de Saint-An-
djé, par Jacques V, et élevé ensuite au cardinalat
par Paul III , qui l'envoya légat en Ecosse, il s'op-
posa toujours avec zèle à l'hérésie naissi'ulc {Hist,
eccl. de Fleury , loco citalo ).
WIS
WISHART ou WISCHEART
(George), ne en 1602 dans l'East-Lo-
ihian, en Ecosse, fit ses éludes à l'uni-
versite'd'Édinbourg , et aprèsy avoir
pris ses degrés entra dans les ordres.
Ministre d'abord à North-Leith, son
refus de souscrire le covenant (i)
l'en fit expulser. On le mit même en
prison. Ayant recouvré sa liberté , il
devint chapelain du marquisde Mont-
rose, et l'accompngna à Tarraée. Ce
marqnis fut défait;, en i6^|5,par
le général IJsiey, et Wishart fut
fait prisonnier : il eût été mis à mort
avec beaucoup de noLles et autres
personnes du parti de Charles, qui
éprouvèrent ce sort , si quelques-uns
des chefs, parmi les vainqueurs, tou-
chés de sa douceur et de son carac-
tère aimable, ne l'avaient pris sous
leur protection. Échappé de ce dan-
ger, il crut n'avoir rien de mieux à
faire que de quitter l'Ecosse. Elisa-
beth , sœur de Charles \^^. et reine
de Bohême, le nomma son chape-
lain. En 1660, il retourna en Angle-
terre avec cette princesse, qui venait
y visiter Charles II , son neveu, qu'on
y avait rappelé, et qui était monté
sur le trône. Wishart alors obtint le
rectorat de Newcastle; et l'épiscopat
ayant été rétabli en Ecosse, il fut
nommé, le i^^"^ jd^^ 1662, évêque
d'Édinbourg. Parvenu à cette digni-
té, il eut souvent l'occasion de fai-
re preuve de sa charité bienveil-
lante et du pardon des injures, ca-
ractère du vrai chrétien. 11 en donna
surtout un exemple remarquable à
l'égard des presbytériens qui avaient
(1) Le mot covenanl en histoire ecclésiastique,
Résigne un contr.il ou convention passée entre des
Ecossais presliytériens, en l'année ifiB?. , pour le
maintien de certains articles de la doctrine presby-
te'rienne, contre toute innovation. Le serment exi-
gé pour ce maintien reçut le nom ie. covenant ,
et ceux qui s'y obligeaient étaient appelés covc-
iianlers ( Lncyclopédie anglaise de John Selby-
Jloward j au mot Covetiant ).
WIS
été ses persécuteurs , et qui furent
à leur tour emprisonnés pour cau-
se de rébellion; non-seulement Wis-
hart les assista de tous ses moyens,
mais il sollicita même et obtint leur
grâce. 11 mourut en iCi"] t , et fut in-
humé dans l'église de l'abbaye de
Holyrood - Iluuse , sous une tombe
magnifique, accompagnée d'une épi-
taphe honorable. « C'était, dit M.
Keith , un prélat pieux, attaché à son
devoir et d'une grande charité envers
les prisonniers. ^Sesouvenantqu'il l'a-
vait été lui-même ,il prenait rarement
ses repas sans avoir envoyé à la pri-
son quelques plats de sa table. » 11 a
écrit l'histoire de la guerre d'Ecosse
sous le commandement du marquis
de Moiitrose , de laquelle voici le ti-
tie : De rehus suh imperio serenis-
simi et poteniis imi Caroli Magn.-
Britan. régis , etc. , et suh imperio
illustrissimi Mont isRos arum "mar-
chionis , etc., anno 1664, et duo-
bus sequentihus , prœclarè gestis,
commentarius. Elle fut publiée en'
1 64^3 ; et a été plusieurs fois tra-
duite en anglais. En 17*20, il en
parut une nouvelle édition avec'
une seconde partie que Keith dit
avoir été trouvée dans les papiers
de Wishart. Cet ouvrage est très-es-
time. L — Y.
WISNIEWSKT (Antoine), prê-
tre piariste, né à Eenszyce en 1718,
mort à Varsovie en 1774^ se distin-
gua dans son ordre comme savant
et comme professeur. En 1746, il
publia ses Propositiones philosophi-
cœ , ex physicd reeentiorum , 011 ilj
se déclara pour les nouvelles décou-
vertes en physique. Le savant prélat
Zaluski l'encourageait et lui avait
ouvert sa riche bibliothèque. Les jé-
suites et les dominicains polonais, qui
tenaient à la philosophie d'Aristote,j
s'élevèrent vivement contre Wis-
WIS
iiîewslu. LeP. Rudzki, jésuite, pu-
blia contre lui : Aristotelica philo-
sopliia iUustrata. Le piariste ne re'-
pondit point à cet ouvrage , dont
l'auteur oubliait toute modération.
Ayant été choisi pour accompagner
en Italie le jeune prince Lubomirs-
ki, Wi>niewski passa deux ans avec
son élevé, à l'université de Turin ,
où il prit des leçons de physique ex-
périmentale et de mathématiques
sous les deux célèbres piaristes Yac-
ra et Beccaria. A Vienne, il écouta
les leçons de l'astronome Marinoni ,
et celles du P. Franz, jésuite et cé-
lèbre professeur de mathématiques.
Étant retourné à Varsovie, ses su-
périeurs le chargèrent d'accompa-
gner le jeune comte Loewendhal , qui
se rendait à Paris, auprès de son pè-
re, nommé maréchal de France.
Pendant une année il suivit les cours
de ^'ol!et et des autres professeurs
de physique et de mathématiques.
DePaiis, il se rendit à Londres, et
revint par la Hollande et l'Allema-
gne, visitant les bibliothèques, les
cabinets, et remportant avec lui une
riche collection de livres et d'instru-
ments. Après son retour à Varsovie,
il fut nommé professeur de philoso-
phie et de mathématiques au collège
des Nob!es. En prenant possession
de sa chaire, il parla De la préémi-
nence de la nouvelle philosophie sur
V ancienne. Ce discours excita le mé-
contentement des jésuites et des do-
minicains • mais les religieux des au-
tres ordres, surtout les franciscains,
embrassèrent son parti , et l'aidèrent
à établir la nouvelle physique sur les
ruines du péripatétisme. Dans les
séances publiques , le P. Tori , reli-
gieux théatin , le soutint vigoureuse-
ment contre les dominicains. Com-
me ses ennemis l'accusaient haute-
ment d'hérésie, le résident de Fran-
WIS 75
ce , Du Perron de Gastera , lui accor-
da sa protection. La douceur, la
modération de Wisniewski désar-
mèrent enfin ses adversaires, j^. dans
Bieiski, Fila et scripta Piaristarum^
la Vie de Wisniewski , de qui nous
avons : I. Histoire de Pologne et
de son droit public ( franc. ) , Var-
sovie , 17 ^>ç). 11. Considérations sur
les causes de la grandeur des Ro-
mains et de leur décadence , par
Montesquieu, traduit en polonais,
Varsovie, à l'imprimerie des pia-
ristes, 1762, in-8". ni. Gramma-
tica gallica hrevis etfacilis ad usum
scholarum Piarum, \ arsoxie, 1 775,
in-8'\ WisnicAvski a eu part à la
traduction des Opéra posthuma du
P. Sarbiewski , jésuite, publiée à
Varsovie, en 1769, ainsi qu'à la
traduction d'Horace , qui parut aussi
à Varsovie , 1773,2 vol. in-8<\
G— Y.
WISNIOWÏZKI (Michel- Jere-
MiE KoRiBUTii ) , fameux général
polonais, appartenait à une famille
illustre, originaire de la Lithuanie,
et portait entre autres litres, celui de
Wisniowizka , de Zaloz et de Lubne.
Sa première jeunesse s'était passée
dans les camps de diverses puissan-
ces allemandes, et à combattre , sur
les bords du Dnieper, les ïartares
qui cherchaient à entamerla Pologne.
En 1644 ?il se joignit avec quelques
troupes, levées à ses frais , au géné-
ral Stanislas Koniekpolzki, dont il
devint un des principaux officiers,
et contribua puissamment, par l'ha-
bileté et i'à -propos de ses manœu-
vres, au gain de la bataille d'Achme-
ror. Quatre ans après (164^), aigris
de nouveau par la tyrannie des Polo-
rais qui les blessaient dans l'exercice
de leurs droits , et attentaient à leur
liberté de conscience, les Cosaques
Zaporowzki se révoltent encore et
76
WIS
mardi cnt sur la Pologne. Wisniowiz-
ki fut un des premiers à s'opposer
aux progrès de leur gcne'ral Bogdam
Chmielnizki^ et se signala par sa
bravoure dans divers combats , dont
le résultat fut à peu près égal pour
les deux partis , mais qui eurent l'a-
vantage de préserver le sol polonais
d'une invasion. Il parut ensuite à la
dicte de Varsovie^ et après avoir
donne sa voix au prince Jean-Casi-
mir, il assista à son couronnement
au commencement de l'année 1649.
On sait que le nouveau monarque, en-
core étranger aux sentiments et aux
habitudes de la royauté' , refusait de
marcher contre les Cosaques , qui,
disait-il, avaient réellement eu à se
plaindre de la Pologne, et dont on
n'aurait dû ni contrarier l'opinion
religieuse ni brûler les cliâteaux.
Wisniowizki fut un de ceux qui par-
vinrent à prouver au prince que
ces reflexions, au fond très-justes,
étaient alors intempestives, et qu'il
s'agissaitpour l'instant d'arrêter l'en-
nemi toujours en armes et prêt à
franchir la frontière. Jean- Casimir
finitpar ce'der et s'avança en person-
ne contre les Barbares. Au reste Wis-
niowizki n'avait point attendu qu'il
se décidât pour prendre une part
active aux hostilités , et de concert
avec la haute noblesse du royaume,
il avait envoyé' de l'argent et des
troupes pour arrêter l'irruption des
Cosaques alors allies aux Tartares.
Lui-même s'était trouve à la plupart
des rencontres qui avaient eu lieu ,
et quoique souvent accable par la
supériorité numérique , il avait tou-
jours héroïquement dispute la vic-
toire. L'arrivée du roi avec son ar-'
mée fixa enfin l'avantage du cote des
Polonais; et deux traités séparés fu-
rent coiiclus avec les Tartares et les
bordes de l'Ukraine. Wisniowizki ,
WIS
dont le patriotisme et les talents mi-
litaires brillaient depuis huit ans sur
tous les champs de bataille de la
Pologne et des régions voisines, ob-
tint alors pour récompense la sta-
rostie de Przémysl. Mais il ne jouit
pas long-temps de sa nouvelle digni-
té. Les Cosaques ayant repris les ar-
mes eu iG5i , et Jean-Casimir ayant
été de nouveau obligé de paraître
dans les camps , il le suivit et eut le
commandement d'une des ailes de
l'armée à la bataille de Bcrestetzkott ,
qui se termina par la défaite totale
des ennemis. Mais il mourut au mois
d'août suivant , au camp devant Pa-
woloczy , d'une fièvre chaude , qui,
probablement,, était la suite de ses fa-
tigues ou de ses blessures. Il n'avait
alors que trente-six ans. P — ot.
WISSENBACH (Jean-Jacques),
savant jurisconsulte, né le 8 octobre
1607, à Frolinshausen , dans le pays
de Nassau, fut nommé, en i634,
professeur à l'université de Pleidel-
berg, alla ensuite à Groningue, voya-
gea en Angleterre et en France ',
puis , étant revenu en Hollande dans
l'année i64o ; il obtint aussitôt une
chaire de jurisprudence à Franeker.
C'est là qu'il mourut le 16 fév. i665.
Ses ouvrages critiques sur la juris-
prudence sont très-estimés : I. Dis-
putationes ad jus civile, Franeker,
1G48, in-4"^. ÏI. Disputationes ad
Pandectas, Franeker, i66i,in-4".
III. Disputationes adinstitutiones ,
ibid., 1666, in^''. IV. Prœlectio-
nes iji Codicem, ibid., 1701, 2 vol.
in-4^. V. Emhlemata Triboniani seu
leges à Triboniano interprétât ce
et ad novi juris rationem infle-
xœ y Franeker, 164 2, in-4"- 7 ^^'
imprimé avec /. Wibonis Tribo-
nianus ab emblematibus TFissenba-
chii liberatus y Halle, 1736, in-8'-\
G— Y
WIS
WISSING (William), peintre
de portraits, ne à Amsterdam , en
i6r)(), reçut les leçons de Dodaens ,
peintre d'histoire à la Ha je. Ktant
passe en Angleterre, il s'attacha,
non sans succès, à saisir la ma-
nière de Peter Lely , et eut de la
vogue après la mort de cet artiste.
Charles II et la reine, le duc de
Monmouth , Jacques II , et presque
toutes les personnes de la cour vou-
lurent avoir leurs portraits de sa
main. Il lut quelque temps en con-
currence avec Kneller , dont la répu-
tation croissait chaque jour. Jac-
ques II l'envoya en Hollande pour
qu'il peignît le prince et la princesse
d'Orange. On prétend que lorsqu'une
dame se présentait chez cet artis-
te pour qu'il fit son portrait, s'il la
trouvait troj) pâle,illa prcnaitparla
main , et la faisait danser jusqu'à ce
que son teint s'animât. H mourut en
1687, n^ayant que trente-un ans. Z.
WISSOWATZI (André), théo-
logien de la secte des Unitaires , ne'
en 1608 à Philippowie, en Lithua-
uie , était par sa mère petit-fiIs de
Fauste Socin. 11 lit ses e'tudes à
Leyde , adopta avec beaucoup d'ar-
deur toutes les opinions de son grand-
père , et visita l'Angleterre et la
France. A son retour, il fut établi
jninistre en Wolhinie. Comme dans
son zèle pour les intérêts de sa secte il
ne savait garder aucune mesure, il fut
obligé de se réfugier d'abord, à Przyp-
covitz, en Hongrie, puis dans le Pa-
latinat, et en lin en Hollande , où il
mourut en 1678. On a de lui
plusieurs ouvrages polémiques, et
des notes sur le Nouveau-Testament
que l'on trouve dans la Bibliotheca
Fratrum Polonoriim. L'ouvrage sui-
vant : Andr. JVlssowatii narratiOj
quomodo in Polonid à Trimtariis
reformatis separatl sint Christiani
WIS
77
Unitarii} accedit historia de Spi-
rltu Beîgd^ a été publié par Sand ,
auteur socinien , dans sa Bibliothe-
ca Anti-Trinitariorum. On trouve
dans la même bibliothèque : Anony-
mi epistola, exhibeiis vitœ ac mortis
Andreœ TFissowatii, iiecnon eccle-
siariim Unitarioruni ejiis tempore ,
brei^eni historiain. Wissowatzi a
mis en vers polonais les Psaumes de
David; mais cette traduction est
restée manuscrite. G — y.
WÏSTAR ( Gaspar ) , professeur
d'anatomie à l'université de Pcnsyl-
vanie , fut un de ces hommes rares
dont le caractère mérite d'être re-
marqué , car la nuance qui le distin-
gue est de nature à ne pas se repro-
duire souvent , même dans le pays
où il vécut. Les temps qui le pré-
cédèrent n'y offraient pas les chances
de le faire éclore , ceux qui suivront
doivent offrir d'autres combinaisons,
car tout marche avec une extrême
rapidité dans ces contrées. Il était né,
en 1 761 , d'une famille honnête de la
sociéié des Amis , qu'on appelle com-
jnunément les quakers. La nature
particulière de cette société est d'u-
nir à des principes moraux, simples,
doux , bienfaisants , un esprit d'en-
thousiasme qui peut aller très-
loin , et parfois produire des fana-
tiques , quoique jamais il n'ait
fait des persécuteurs. C'est dans ces
principes que le docteur Wistar fut
élevé , et il était sans doute très--
sincèrement persuadé de leur vérité ,
car rien ne fut plus loin de son cœur
que la duplicité. L'exactitude de son
jugement, les études auxquelles il se
livra à Philadelphie , à Londres , à
Ldinbourg , les observations re-
cueillies dans ses voyages, firent de
lui un des hommes les plus éclairés
de son siècle. Devenu professeur d'a-^
natomie , et placé à la tête de cette
78
WIS
science dans sa patrie , il voulut que
sa méthode d'enseignement fût tout
au profit des étudiants ; cliercliant
peu à Li'illcr lui-mcme , quoique son
elocution lût claire , et son discours
très-nourri de faits et d'idées , il s'ar-
rangea toujours pour que la leçon du
jour fût répétée le lendemain par les
écoliers sur les questions détachées
qu'il leur faisait , avant de leur en
donner une nouvelle. L'urbanité
du maître était toute occupée de
ménager les vanités , et d'encoura-
ger le zèle. Wistar distribuait ( sur-
tout pour l'ostéologie ) des suites
d'échantillons des parties à chacune
dos classes d'étudiants qu'il formait,
pour leur inspirer de l'émulation. Il
avait fait construire sur une grande
échelle des modèles de tous les orga-
nes du corps humain. Il commença
et poussa très-loin une collection de
préparations anatomiques à l'univer-
sité de Pensyîvanie , qui est la grande
école de médecine des États-Unis.
L'ouvrage qu'il publia quelque temps
avant sa mort , intitulé Système
d'anatomie , fruit de beaucoup d'é-
tude et de travail , a obtenu les suf-
frages de tous les maîtres de l'art.
Comme médecin , il était fort atten-
tif, doux et bienveillant pour les
malades. Son système était d'aider
la nature. Jamais il ne se livrait à
des épreuves hasardeuses. Il fut ,
dans les dernières années de sa vie ,
président de la société philosophi-
que de Philadelphie , et ce court in-
tervalle fut marqué par l'établisse-
ment d'un comité permanent, char-
gé de l'histoire naturelle de cette
intéressante contrée à toutes les épo-
ques. Wistar avait surtout de pro-
fondes connaissances dans cette par-
tie ; et c'est lui qui le premier a di-
rigé l'attention de ses compatriotes
vers l'étude des dillérentes espèces
WIT
d'animaux fossiles de rAmérique.
Le septième volume des Transac-
tions de Philadelphie contient ses
premières observations à cet égard.
Ce savant si doux , si généreux , joi-
gnait à ces avantages le ton de la
meilleure compagnie sans la moindre
affectation. Il donna le premier , en
Amérique , l'exemple de réunir pé-
riodiquement chez lui et de recevoir
avec élégance les hommes de tous les
pays qui aimaient les lettres et les
sciences. Il mourut à Philadelphie le
23 janvier 1818. Son éloge funèbre
fut prononcé dans une des églises de
cette ville par le chef de la justice.
G_S— A.
WITASSE. roj, VuiTAssE.
WIÏCHELL (George), astrono-
me et géomètre anglais, né en 1728,
était de la secte des quakers , et exer-
ça l'état d'horloger. La science l'oc-
cupa dès son enfance ; car on lit d-ans
le Gentleman s Diary de 1741?
un article sur un point d'astrono-
mie , qu'il écrivit à l'âge de treize
ans. Divers journaux scientifiques,
qui portent le titre de Diary , et le
Gentleman s magazine ^^ furent fré-
quemment enrichis de morceaux sor-
tis de sa plume, et la plupart signés
G. W. En 1764 , il publia une carte
représentant très-exactement le pas*
sage de l'ombre de la lune sur l'An-
gleterre dans la grande éclipse solai-
re du 1^1'. avril de celte année. L'an-
née suivante, il présenta aux com-
missaires du buieau des longitudes
un plan pour calculer les effels de la
réfraction et de la parallaxe, d'après
la distance de la lune d'avec le so-
leil ou une étoile , afin de faciliter la
découverte de la longitude en mer.
Wilchell enseigna long -temps les
mathématiques à Londres , avec
beaucoup de réputation. En 1767,
la société royaîe l'admit au nombre
WIT
de SCS membres. Nomme graiid-maî-
Ire de l'ccoîe royale de marine 'à
Portsmouth, il y mourut en 1785.
Z.
WIÏENES, duc de Lithuaiiie ,
bisaïeul de Viadislas Jagelloii , fonda
la dynastie des princes de ce nom.
Son prédécesseur Troydem n'eut
qu'un fils , appelé Raymund , qui
avait embrasse la vie religieuse ,
probablement dans un couvent de
Russie , la Liliuianie étant encore
païenne à cette époque. Le jeiuie
prince, ayant appris que son père
avait été assassmé par un de ses
proches parents, sortit de son cou-
vent , combattit la tête desLilhua-
uiens, tua de sa main le meurtrier de
son père , et après avoir mis VVitenes,
un des premiers seigneurs de la Li-
tluianie , en possession du duché, il
rentra dans son couvent ( i283).
Pendant trente années , Witenes ré-
pandit la terreur parmi ses voisins ,
surtout parmi les chevaliers Teuto-
niques et les Polonais. Les Annales
de la Po'ogne citent entre autres une
invasion qu'il (it dans la Grande-Po-
logne : s'étant jeté subitement sur
Lencziz, le jour de la Pentecôte,
au moment où les habitants étaient
à l'église, il mit le feu à la ville , et
se retira , emmenant un si grand nom-
bre de prisonniers , que chacun de
ses soldats en avait vingt pour sa
part ( 1294 ). "Witenes en voulait
surtout aux chevaliers Teutoniques ;
eu revenant d'une expédition qu'il
avait entrcpri e contre eux , il fut
assassiné par Gédymin , son propre
fils, qui lui succéda en i3i5. G — y.
WITRRIC. Foy. Viteric.
WIÏEZ DE ZaEDNA(jEAN),
chancelier de Hongrie , eut une gran-
de part aux a (Ta ires de ce royaume ,
dans le quinzième siècle. Il était iils
d'un pauvre gentilhomme de la Sla-
WIT
79
vonie. Ayant fait de bonnes études
à l'université de Bologne , il devint
le secrétaire du grand Huniade , et^
en 1445, fut proposé aux états par
ce prince pour l'évêché de Grand-
Waradein. Le monarque représenta
que cette ville étant la clef de la
Transilvanie,il était de la plus haute
importance, que, tandis qu'il serait en
présence des Turcs, elle fut occupée
par un évêque sur le dévouement du-
quel il pût compter. La diète promit
par acclamation qu'elle appuierait
ce choix près du pape ; et les bulles
furent envoyées à Huniade qui ne
cessa d'admettre Witez dans tous ses
conseils, et de lui confier les ])!us im-
portantes négociations. Les étals de
Hongrie desiraient vivement qu'une
réconciliation pût avoir lieu entre
George, duc de Servie, et les au-
tres membres de la puissante famille
Ci'.lcy, afin que Huniade n'eût plus
d'autres ennemis à combattre que les
Turcs. Pour entrer dans de telles
vues , Huniade envoya Witez à Se-
mendria , où se conclut un arrange-
ment dont la principale condition
fut le mariage de Viadislas, fils aîné
de Huniade , avec la princesse Elisa-
beth , fille de George. En i452,
l'empereur Frédéric ayant été forcé
de relâcher le jeune roi Viadislas ,
qu'il retenait comme otage , Witez
fut nommé ministre plénipotentiaire
pour régler avec iEneasSylvius^ les
points litigieux , et surtout pour ré-
clamer la sainti couronne de Hon-
grie, que Frédéric gardait en dépôt.
Le jeune roi Viadislas, pour flat-
ter Huniade, nomma Witez chance-
lier du royaume ( 1 453 ), et l'année
suivante ce prince, se rendant en
Bohême et en Moravie , prit le nou-
veau chancelier avec lui. Le pape
ayant envoyé à Viadislas un légat
pour proposer une ligue générale
8o
WIT
contre les Turcs , Witez fut en-
core charge' de négocier avec le pon-
tife. Eu 1454, il fut l'amc de la
diète générale que présida le grand
Huniade , en l'absence du roi; et il
se rendit ensuite à Ratisbonne, pour
presser rerapereur Frédéric et les
états de l'empire d'accéder à la ligue.
Là , il seconda puissamment les ef-
forts de Philippe, duc de Bourgo-
gne , ainsi que ceux du zélé Jean de
(iapistran , et il fit adopter à la diète
(1456) les mesures les plus vigou-
reuses contre les Turcs. La campa-
gne qui s'ouvrit bientôt fut très-glo-
rieuse ; fluniade délivra Belgrade,
et repoussa Mohammed jusqu'à So-
phia ; mais il mourut au milieu de
ses triomphes. Witez conserva le mê-
me dévouement à ses deux fils. Ces
deux jeunes princes ayant été arrêtés,
il fut lui-même conduit à Gran pour
y être gardé à vue. Mais le roi vint
bientôt le délivrer, et l'engagea à
négocier avec la mère des jeunes
Huniade un arrangement qui fut ar-
rêté le i3 juillet i458 ( J^oj. Vla-
DiSLAs , XLIX , 386 ). La captivité
^e Witez avait produit à la cour de
Rome une pénible sensation. Le
cardinal jEneas Sylvius écrivait
au roi Vladislas : « Quand j'eus
appris que vous aviez donné l'or-
dre d'arrêter l'évêque de Wara-
dein , je me hâtai de vous écrire
et de vous indiquer les mesures que
je croyais commandées par la gloire
de votre couronne. Notre Saint-Père
vous a aussi écrit plusieurs fois à ce
sujet. En ce moment nous apprenons
que vous faites mettre ce prélat en
liberté. Cette nouvelle a rempli de
joie la cour de Rome. Notre Saint-
Père et le collège des cardinaux vous
donnent à ce sujet les louanges que
vous méritez j et moi , qu'une ami-
lié intime lie à ce prélat , je n'ou-
WIT
blicrai jamais ce que vous venez de
faire pour lui. » Le roi Vladislas
étant mort presque subitement , et
la voix publique demandant que Ma-
thias fût son successeur , Witez se
rendit à Prague pour délivrer le
jeune prince qui y était retenu cap-
tif. Il avait pris avec lui quatre mille
ducats , pour ouvrir les portes de la
prison. Pendant qu'il négociait, Ma-
thias fut élu roi , et le 16 février
1458 Witez le présenta à la dicte
rassemblée à Ofen. Signalant ensuite
de plus en plus son zèle, il obtint à
prix d'argent , que l'empereur ren-
dît la sainte couromie de Hongrie ,
qu'il retenait depuis vingt ans; et il
eut l'honneur de rapporter lui-même
ce dépôt sacré ( 19 juillet i463) à
Bude, où Mathias ceignit le précieux
diadème aux acclamations de toute
la Hongrie ( Foj. Corvin , X , 23 ).
De tels services valurent à Witez de
nouvelles faveurs ; et il employa en-
core son crédit pour des choses
utiles. Ayant fait agréer au jeune roi
le plan d'une université qu'il voulait
fonder près de Bude , en prenant
celle de Bologne pour modèle , des
députés furent envoyés au pape
Paul II , qui confirma les statuts de
ce grand établissement , dont Witez
fut nommé chancelier ( i465). On
appela IstrojJoUs la ville destinée à
renfermer les nouvelles institutions ,
et à recevoir les élèves et les maîtres
que l'on fit venir des pays étrangers.
Witez , qui était passionné pour l'as-
tronomie, appela entre autres savants
le célèbre Jean Regiomontanus. Ce
plan eut peu de succès ; son exé-
cution eut exigé des temps plus
tranquilles; mais la Hongrie n'était
pas destinée à jouir alors d'un
tel bonheur. La cour de Rome ,
voulant détrôner Podiébrad , roi
de Bohême, ofTrit sa couronne
WIT
à Matliias. Witez , qui jusque-là
avait diri<^c avec tant de sagesse
les conseils du jeune roi, se laissa
gagner. Depuis ce moment , Matliias ,
au lieu de marcher sur les traces du
grand Iluniade, son père, qui avait
toujours eu le sabre levé contre les
Turcs, tourna toute son ambition
vers la Bohême et la Moravie. Les
iiommes sages virent avec douleur
reparidre le sang des Hongrois , et
prodiguer leurs trésors, pour aller
attaquer des frères , pendant que l'en-
nemi du nom chrétien s'avançait jus-
que dans le cœur de la Hongrie. Dès-
lors Matliias ne vécut plus'que dans
l'inquiétude, environné de complots
et d'hostilités. Witez, qu'il avait nom-
mé archevêque de Gran et primat
du royaîime , entraîné dans une faus-
se politi([ue , et ne pouvant fournir
au roi tout l'argent que le prince de-
mandait, perdit son crédit et sa fa-
veur. Oubliant alors ce qu'il devait
aux lluniade, qui l'avaient tiré de la
poussière, il se lia avec les ennemis
du monarque. A leur instigation les
états de Bohême , après avoir rejeté
Mathias , élurent Vladislas, fils aîné
de Casimir , roi de Pologne ( 2-^ mai
1471). Witez fut arrêté, puis il fit
sa paix, fut arrêté de nouveau, mis
en liberté; et, le 8 août 1472, il mou-
rut ayant à se reprocher d'avoir souil-
lé par l'ingratitude une carrière glo-
rieuse. Un de ses sccréraires avait
recueilli les lettres et instructions
écrites au nom du grand Huniade ,
depuis 1445 jusqu'à i45i. Le ma-
nuscrit original, qui se trouve à
la bibliothèque impériale de Vienne,
a été publie , en 1746 , dans le tome
II des Scriptores rerinn hmigarica-
rum , pag. i à 106. Cette cor-
respondance , composée de soixante-
dix - sept lettres et pièces diplomati-
ques , ne se rapporte qu'à un très-
LI.
WIT
81
court espace du ministère que Witez
a rempli près de Huniade et près de
la diète de Hongrie. Elle jette néan-
moins un grand jour sur une époque
remarquable de l'histoire de ce
royaume. — Jean Witez , neveu dii
précédent , remplit des missions im-
portantes à la cour de Rome , et fut
nommé archevêque de Veszprim ,
dont il ouvrit les portes à l'archiduc
Maximilien d'Autriche , lorsque ce
prince envahit la Hongrie, après la
mort de Mathias Corvin. G — t.
WITEZ (Michel de Csoronaï),
né à Débreczin en Hongrie le 17 no-
vembre 1773 , y est mort le 9.S jan-
vier i8o5, après avoir annoncé,
pendant une si courte carrière, un
talent remarquable pour la poésie
nationale. H excellait surtout dans
les compositions lyriques. Ses Idyl-
les et ses chants anacréontiques sont
des chefs-d'œuvre ; et ils expriment
bien les douces modulations de la
langue dans laquelle le poète écrivait.
On remarque surtout une épopée
comique , en 4 chants , publiée sous
ce titre : Dorothée ou le Triomphe
des dames pendant le temps du car-
naval, Grosswaradin et Waitzen ,
i8o4,in-8«. G— y.
WITEZOWITCH (Paul ) ,
conseiller à la cour de Vienne , est
connu par ses recherches savantes
sur les antiquités et l'histoire de la
Croatie et des provinces voisines. Né
à Zeng ou Segina , il assista, en 1681,
comme député de cette ville, à la
diète d'OEdenbourg , et, en 1682 , il
fut député par la même ville à la
cour de Vienne , où il publia quelques
pièces envers latins, entreautres: No-
va Musa j sive Pars artificiosa ope-
rumpoeticorum anni 1689.; — Sacer
chorus Josepho Leopoldi i filio. H
profita de son séjour à Vienne pour
travailler sur l'histoire de son pays
6
82 WIT
Ou lui douna accès dans les biblio-
thèques , archives de la monarchie ,
et Jjcopol*! le renvoya en Croatie ,
avec la mission d'y rassembler les
pièces d'après lesquelles la cou-
ronne de Hongrie pouvait établir ses
droits sur cette province, et en dé-
terminer les limites. L'empereur don-
na aux autorités civiles et militaires
de la Croatie l'ordre d'assister et
de protéger dans ses rechercbes
Witezovvitch , qui alors avait déjà
germanisé son nom , prenant celui
de Paul Ritter , sous lequel il est
connu depuis cette époque. Nommé
chevalier de l'Éperon d'or, il assista
en cette qualité à la diète de Pres-
bourg , tenue , en 1687 , pour le
couronnement de Joseph I^i". Sur ses
instances , les états des trois royau-
mes qui composent la Hongrie dé-
cidèrent, en 1691 , qu'une imprime-
rie serait établie à Agram. Ce savant
estimable mourut à \ienne le 1 7 oc-
tobre 17 13. Dans le grand nombre
de ses ouvrages nous remarquerons :
I. Croatia redivwci remuante Leo-
■poldo inagjio Cœsare , Yieime ,
1700. II. Stemmatographia swe
Armorum Illfricorum delineatio et
descriptio , Vienne, 1701. \\\.Bos-
nia captiva, sive Regmim et interi-
tus Stepliani idtimi Bosniœ régis ,
Tirnau , 17 12. TV. Natales D. La-
dislao restitua. V. Sibjlla , en lan-
gue croate , Agram. VI. Witezo-
witch lit aussi imprimer à Agram
une Chronique croate, qui a eu plu-
sieurs éditions et deux continuations
dont l'une va jusqu'à l'an 1744 > ^^
l'autre jusqu'en 1762. Cette publica-
tion est la seule où il ait pris son
nom croate de Paul fFitezowitch ;
dans toutes les autres il prend celui de
Bit ter. Cet ouvrage est divisé en trois
parties : la première comprend les
évcncmenls depuis la création du
WIT
monde jusqu'à la naissance de J.-C.j
la seconde, depuis J.-C. jusqu'à l'an
1744 'y ^^ troisième va jusqu'en
1762. Quoiqu'il en ait paru trois
éditions , il est fort rare et curieux.
La bibliothèque impériale de Vienne
possède un exemplaire de la troisiè-
me , avec des notes manuscrites ; on
y lit que Ritter avait composé sa
Chronique croate, en grande partie ,
d'après une ancienne Chronique ra-
gusaine ou monténégrine , et que le
P. Laurenchich , de la société de
Jésus , a soigné cette troisième édi-
tion. Paul Kitter ou Witezowitch
laissa en mourant des manuscrits
précieux qui se trouvent dans les ar-
chives du chapitre métropolitain
d' Agram. Le comte Szechénvi les a
fait transcrire pour la riche biblio-
thèque qu'il a formée à Bude. On y
trouve : 1°. une Grammaire et \m
Dictionnaire croate; 2^. XesAnjiales
de la Servie et de la Croatie , en la-
tin j S'^. des Dissertations sur les
limites de ces provinces , sur les
droits de la couronne de Hongrie ',
4*^. une Dissertation où l'on réfute
les prétentions de la république de
Venise sur les mêmes provinces; 5^.
la collection précieuse des Diplômes
qu'il avait transcrits sous le nom de
Kitter , dans les archives de la Hon-
crieet de la monarchie autrichienne.
^ G-v.
WITHER (George), poète an-
glais, né, en i588, à Bentworth ,
près Alton dans le Hampshire , ter-
mina ses études à l'université d'Ox-
ford , et vint plus tard à Londres, se
former à la connaissance des lois ,
dans le collège de Lincoln's inn. La
fréquentation du monde dans i|fl
temps de perversité développa f
penchant naturel qu'il avait pour la
satire. Néanmoins les premiers écrits
sortis de sa p'.iune furent d'un cai
^araA
J
WIT
tère bien différent. 11 composa, en-
tre autres poèmes, des Élégies sur la
mort du prince Heuri , en 1612;
mais l'année suivante vit paraître ses
Satires intitulées : les Jhus mis à nu
et fouettés, écrites avec une liberté
excessive, et qui, lues avec un vif
empressement, ne manquèrent pas
d'attirer à leur auteur les poursuites
de la justice. Renfermé pendant trois
mois dans la prison de la Marshal-
sea , il y produisit une suite d'Églo-
gues , publiées en i()i5 sous le titre
de la Chasse du berger, et qui, au
jugement de sirEgerton Brydgcs,son
dernier éditeur, offrent un style plein
d'images , et respirent une sensibilité
touchante , et sulilraient seules pour
déceler une vocation poétique. C'est
aussi de sa prison que fut datée sa Sa-
tire au roi , 16 1 4« On imagine qu'un
homme qui s'érigeait en censeur des
vices de son siècle devait offrir dans
sa conduite le modèle des vertus dont
il paraissait animé; mais il n'en est pas
toujours ainsi. Withcr faisait partie,
en 1(339, comme capitaine de cava-
lerie, de l'expédition dirigée contre
les Écossais; mais dès que la guerre
civile éclata, en 164:2, il vendit ses
biens pour lever à ses frais un régi-
ment de son arme, au service du par-
lement. Bientôt il fut élevé au rang
de major j mais il tomba dans les
mains des royalistes ; et , si l'on en
croit Antoine Wood, il ne dut alors
la vie qu'cà sir John Denham ( F. ce
Jiom), qui engagea le roi à ne pas
l'envoyer à la potence, « parce que
tant que Wither vivrait , disait - il ,
J)enham ne serait pas regardé com-
me le plus mauvais poète de l'An-
gleterre. » Wither ne fut donc pas
pendu. 11 reparut au milieu de son
parti. Le long parlement le créa
juge de paix pour les comtés de
Hamp, de Surrey et d'Essex; et Oli-
WIT
83
vi^ Cromvv^ell le nomma depuis ma-
jor général de la cavalerie et de l'in-
fanterie dans le Surrey. Wither pro-
fita de l'occasion pour s'empa-
rer des propriétés des royalistes,
ainsi que des biens de l'Église, qui se
trouvèrent cire à sa convenance.
Mais la restauration arriva; et ses
spoliations passées le signalèrent
comme une des victimes d'une réac-
tion inévitable. Poursuivi par la hai-
ne de SCS ennemis, suspect au nou-
veau gouvernement , inquiété pour la
publication d'un pamphlet jugé sé-
ditieux , et qui avait pour titre Fox
populi , il fut renfermé d'abord à
Newgate, et de là transféré, par or-
dre du parlement , à la Tour de Lon-
dres , pour y être étroitement res-
serré , privé de l'usage du papier et
des plumes; mais étant parvenu à in-
téresser le concierge en sa faveur, il
en obtint les moyens de charmer l'en-
nui de sa captivité, et écrivit quel-
ques opuscules, qu'il publia par la
suite , entre autres de nouvelljfs sa-
tires , genre dont il n'avait pas perdu
le goût. La liberté ne lui fut rendue
que plus de trois ans après. 11 mourut
le 2 mai 1667. Ce poète se distingua
par une imagination féconde , par la
clai'té et le naturel du style et par
une facilité dont il abusa, et qui nui-
sit à sa réputation. Dès qu'il eut une
fois saisi la plume , il ne cessa guère
jusqu'à la fin de sa vie d'entasser to-
me sur tome , sans se soucier de per-
fectionner ses ouvrages. Aussi est - il
de ces écrivains auxquels on rend un
grand service en réduisant leurs œu-
vres nombreuses à quelques minces
volumes. C'est ce qu'ont fait pour
Wither Alexander Dalrymple , en
donnant, en 1785, un choix de ses
Juvenilia} mais surtout sir Eger-
ton Brydges , en réimprimant la
Chasse du berger , Londres , 181 4
(3..
s\
WIT
( à cent exemplaires seuleraenl) j Wi-
delia , i8i5,.cr. ies Ifynuws et
Chants de l Église, 18 15, 3 élé-
gants vol. in- \'i , eoricliis de préfa-
ces cl de remarques judicieuses , par
ce savant baronnet , (pu a , en outre ,
inséré clans le Bibliographe ^ tomes
I et 3 , une notice étendue sur le poè-
te qui est le sujet de cet article. L.
WITHERING (William), mé-
decin et botaniste anglais, né, en
l'jj^i , à Wilîington en Sliropsliire ,
dut à son père les premiers éléments
de îa médecine et de la pharmacie.
II étudia ensuite à l'université d'Edin-
bourg , et prit le doctorat en i'j66.
Établi successivement à Stafford et à
Birmingliam, c'est dans cette der-
nière ville que sa réputation^ comme
praticien, commença et s'étendit ra-
pidement. Peu de médecins de pro-
vince avaient une clientelle aussi nom-
breuse. Économe du temps, il évitait
la grande société , et sut mettre à
prolit, pour l'avancement de la scien-
ce , les loisirs que lui laissait l'exer-
cice de son art. En 1776 ^ parut la
première édition de son arrange-
ment botanique dans la Grande-
Bretagne y avec une Introduction à
C étude de la botanique ^ 2 vol. in-
8". Cet ouvrage pouvait n'être re-
gardé alors que comme une simple
traduction de ce qu'a écrit Linné
sur les genres et les espèces déplan-
tes indigènes de la Grande-Bretagne;
et Withering avait pu d'ailleurs ti-
rer un grand secours des ouvrages
de Ray et de Hudson ; mais dans la
seconde édition, publiée en 1787,
augmentée d'un volume en 1793, et
surtout dans la troisième , qui fut
imprimée en 1 796, en quatre volumes
in^*^. , le plan primitif fut tellement
étendu et perfectionné , que l'ouvra-
ge fut considéré en quelque sorte
comme original : c'est une flore na-
WIT
tionale très-soignée et très -complète
surtout relativement aux usages des
plantes en médecine et en économie
domestique. L'auteur lit paraîlre, en
1 779 , in-8". , wn Mémoire sur la fiè-
vre scarlatine et le mal de gorge
( sore tbroat ) qui ont régné à Bir-
mingham en 1778. La chimie et la
minéralogie furent aussi des objets
de son attention. On lui doit une tra-
duction anglaise de la Sciagraphia
regni mineralis de Bergmann, sous le
titre à' Éléments de minéralogie ^
1783, in-S'*. ; et les Transactions
philosophiques de la société royale
de Londres, dont il était membre,
ainsi que de la société d'Édinbourg ,
contiennent quelques articles de lui
sur des sujets analogues : en 1773,
ses expériences sur différentes es-
pèces de marne trouvées en Stafford-
shire j 1782 , l'analyse de la crapau-
dine, fossile trouvé en Derbyshire j
1784, expérience sur la terra ponde-
rosa y' 1798, analyse d'eaux miné-
rales chaudes en Portugal. Dans un
Mémoire sur la gantelée ( fox-glo-
ves ) , et quelques-uns de ses usages
en m,édecine y publié en 1795, il
s'est attaché à démontrer par des
faits les qualités diurétiques de cette
plante dans divers cas d'hydropisie.
Si l'on doit à un autre que lui la dé-
couverte de ce remède , il en a du
moins le premier indiqué les doses
et les préparations , et les meilleurs
moyens de l'employer avec sûreté et
eificacité. La constitution du docteur
Withering était naturellement déli-
te. Tourmenté d'une pneumonie chro-
nique , il fit deux fois ( 1 793-95 ) le
voyage du Portugal pour passer l'hi-
ver dans un climat plus doux; il y
analysa les eaux minérales appelées
les Caldas , et cette analyse fut d'a-
bord insérée dans les Mémoires de
l'académie royale des sciences de
WIT
Lisbonne, à laquelle il fut agrégé.
Le soulagement qu'il éprouva de la
be'nignitë du climat ne fut que pas-
sager. Il mourut près de Birmingliam
le G octobre 1799. On a publie , en
1822, ses Traités divers (Miscella-
neons tracts ) , précèdes d'une no-
tice sur sa vie et son caractère ,
Londres, 'i vol. in -8^. Ce médecin
e'tait doue de beaucoup de tact et de
pénétration , et très -réservé dans la
prescription des médicaments. Z.
WITriEBSPOON(JoiiN), théo-
logien distingué, né en 1722 à Yes-
ter près d'Edinbonrg , descendait
directement du fameux réformateur
Knox. Après avoir terminé ses étu-
des à l'université d'Édinbourg , il fut
admis à prêcher , et devint ministre
dans la ville de Paislej. Son savoir
et ses talents oratoires commencèrent
une réputation à laquelle ajoutèrent
depuis quelques écrits remarquables.
L'Église d'Ecosse était alors divisée
en deux partis : celui des Ortho-
doxes, ou ceux qui adhéraient stric-
tement aux doctrines contenues dans
la Confession de foi ; et celui des
Modelées , qui voulaient étendre les
droits des seigneurs dans les promo-
tions ecclésiastiques. Les chefs de ce
dernier parti étaient Biair , Gérard,
Campbell et Kobertsoii, et c'était à
des hommes d'un si grand mérite,
que Witherspoon , qui figurait dans
les rangs opposés , avait à dis-
puter l'ascendant à l'assemblée géné-
rale. Ses discours lui acquirent une
grande influence^ etplus encore lapu-
blication des Caractères ecclésiasti^
rjues , satire piquante, dirigée contre
les modérés , qui fut recherchée avec
avidité, et continua d'être lue avec
plaisir en Ecosse , long - temps après
la cessation de l'état de choses qui y
avait donné lieu. Des offres sédui-
santes furent faites à l'auteur pour
WIT
85.
l'engagci' à venir s'e'tablir à Dublin ,
à Dimdée ou à Rotterdam ; il préfé-
ra d'aileren Amérique, où la renom-
mée de ses talents l'avait devancé.
A peine arrivé à Prince-Town, il j
fut nommé président du collège, où
il s'attacha ta introduire les améliora-
tions que l'éducation et la. science
avaient éprouvées en Europe. Grâce
à son zèle, ce séminaire d'instruction
prit un vaste développement. Lors-
que labrîche fut ouverleentre la mé-
tropole et les colonies ;, l'opinion de
Witherspoon se prononça fortement
en faveur de l'indépendance. En 1 7 7G
les habitants de ]New- Jersey le dépu-
tèrent au congrès , et il s'y fit remar-
quer pendant sept ans par sa ferme-
té, comme par son éloquence. Il
mourut à Prince-Town le 1 5 novem-
bre 1794. On a de lui , outre les Ca-
ractères ecclésiastiques , ])lusieurs
écrits distingués par l'esprit et par
l'élégance du style : Essai sur des
sujets importants , 3 vol. in-8<*. j nii
livre 5«r la nature et les effets du.
théâtre , qui fit du bruit dans le temps
où il parut; des Sermons, 2 vol.
Le recueil des OEuvres de ce théolo-
gien a été imprimé en 1802 ,4 vol. ,
par les soins du docteur Rodgers. Ou
trouve sous son nom, dans V Ame-
rican muséum, 1788, plusieurs
opuscules , entre autres des Lettres
sur le mariage et sur l'éducation.
L.
WITHOF ( Jean-Hildebrand ) ,
philologue, né le 27 juillet 1694, à
Lengerich ou Lemgerké , dans le
comté de Teckîenbourg , fit ses étu-
des à Brème et à Utrecht. Nommé,
en 1716 , recteur de l'école latine à
Bommel , dans le pays de Gueldres,
il fut appelé à Duisbourg pour y
occuper la chaire d'histoire , d'élo-
(jaence et de littérature grecque ; et
il muurut dans cette ville le 3o lé-
WIT
vricr 1769. Suivant les traces du sa-
vant Bentley , il corrigea avec beau-
coup de succès un grand nombre d'au-
teurs anciens. On a de lui : \. Spécimen
eniendationum ud Guntheri Ligu-
riniim , Duisbourg , 1731, in-4°. ;
ibid. , 1755. IL Encœnia critica f
swe Lucanus , y4rrianus , et Maxi-
mianiis integritati restituti ,. Wesel ,
1741 , in 4*'« in. Primitium cru-
ciimi criticariiin , prœcipuè ex Se-
necd Tragico , Leyde , 1 7^9, in-4*'.
IV. l)'e maxime necessarid critico-
rum operd , dissertation ])ubliëe
sous k pseudonyme de C/^M^ms
Cii'ilis j dans les Observationes mis-
cellaneœ , J'^^o , tom. i«^. V. Be-
marques criticpies sur Horace et au-
tres auteurs romains , inse'rees dans
V Intelligenz - Blatt , journal alle-
mand qui paraissait à Duisbourg ,
et publiées par H. -A. Grimm , à
Dusseldorf, 1791, 1 vol. ia-8«.
G— Y.
WITHOF (Jean-Philippe-Lau-
rent) , fils du pre'cëdent, ne à Duis-
bourg le \^^\ juin 1 79.5 , lit ses études
sous les yeux de son père , et quitta
les belles-lettres pour se livrer à la
médecine. En 1745, il donnait des
leçons particulières sur cette science.
Envoyé par son père en Hollande^ il
suivit les leçons des premiers maîtres.
Revenu dans sa patrie , en 1750 , il
y enseigna Fanatomie, la physio-
logie et la pathologie. La socie'të
royale des sciences et celle de la
littérature allemande le nommè-
rent un de leurs membres, et l'uni-
versité' de Duisbourg lui confia la
chaire que son père y avait remplie.
Il mourut dans cette ville le 3 juillet
1 789. Comme médecin il eut de la
vogue , et la confiance de quelques
maisons souveraines. A l'exemple de
Werlhof , de Haller et de quelques
autres docteurs célèbres Withof
\
WIT
prit une place distinguée parmi les
poètes allemands. On a de lui : L
Poésies, Brème, i75i, in-8<^. IL
La Probité, poème en trois chants ,
Halberstadt , 1770. IIL Poésies
morales^ Dortmund , 1705, ia-
8«. IV. Poésies académiques ,
Clèves et Leipzig, 1782 et 1783 , 2
vol. in-8". On a publié des extraits
de' SCS poésie? : \ ^. Dans la Théorie
de la Poésie , par C.-H. Schmid ;
1^. dans les Odes des Allemands ;
3'\ dans le Recueil d'Eschenbourg;
4^. dans V Anthologie Ijrique de
Mathisson. Après la mort de Wi-
thof on a publié ses Entj^etiens avec
ses enfants y Duisbourg, 1792 et
K793, 3 vol. in-8'\ Dans les Lettres
sur la littérature moderne , on lit :
« Haller , Bodmer, Hagedorn, Wie-
» land , Dusch et quelques autres
» de nos ])oètes ont donné des poésies
» morales. Dans ce genre , Withof
^) s'est le plus approché de Haller. »
Sa pensée est énergique , hardie j
mais il est moins égal que Haller,
qu'il a surpassé par la vivacité de
l'imagination. Un biographe alle-
mand dit que Withof a publié sur
l'histoire naturelle et la médecine
des dissertations savantes; et effecti-
vement nous trouvons sous son nom
dans les catalogues bibliographiques
allemands De castratis commenta-
tiones : mais il est plus connu comme ■
poète et philosophe. Presque l'égal de |
Haller, il sait resserrer ses idées., il
est riche en pensées dont plusieurs
ont passé en proverbes. Ses descrip-
tions sont hardies ; mais sa versifi-
cation est souvent négligée. G — y.
W1Ï1KI^'D ( des deux anciens
mots saxons Wite- Kind , qui si-
gnifient V Enfant blanc) est un des
héros les plus célèbres de l'ancienne
Germanie. On n'a que des tradi-
tions fort incertaines sur son origi*-
I
à
VVIT
ue. Quelques cliroiiiques du moyeu
âge lui donueut pour père uu prin-
ce Weniekiug , qui était uu des
principaux chefs de la nation saxon-
ne. Cette nation puissante habitait
le territoire compris entre le Rhin
et TEibe, et elle s'avançait mcuie
au nord jusqu'à l'Oder. Tributai-
res des Francs saliens dis les pre-
miers siècles de la monarchie,
les Saxous trouvaient dans ce tribut
même un prétexte continuel de guer-
re. Ils essayèrent de profiter de
rëloignemeut de Charlemagne , oc-
cupe d'expéditions dans le midi de
l'Europe, pour faire une irruption
dans la partie septentrionale de ses
états. L'empereur accourt, passe le
Rhin à Worms, prend et rase la
forteresse d'Eresbourg ( i ) , boule-
vard de la Saxe , et reçoit sur les
bords du Weser les supplications ,
les otages et les serments des vaincus.
Son premier soin est de renverser
l'idole qui était l'objet principal de
la ve'ne'ration du pays , et que nos
historiens français, se copiant les
uns les autres , appellent communé-
ment Irminsul {i). C'est alors (vers
']']i) que parut un nouvel Hermann,
ce Witikind, le seul rival qui se
montra digue de Charlemagne par
sa valeur et par sa constance. Cet
homme , aussi éloquent qu'intrépide ,
ne cessait d'exhorter les Saxons à
(i) AujoiHcl'lmi StadUierg, entre Cassel el Pa-
derboru.
{•x) Ou est honteux de voir uti écrivain tel que
Gaillard réduit jiar l'ignorance de la langue tudes-
<jue à cberclier quelle divinité grecque ou romai-
ne représentait cette idole. L'étymologie même de
ce nom à^ Irminsul , quelque dénaturé qu'il ait été
j)ar les Français , lui eut révélé que cette idole
prétendue n'était qu'un monument érigé à la mé-
moire du célèbre Herinann , vainqueur de Varus ,
Iransforiné eu Arininiui par les Romains : /7e/-
iiicnni-So'ide , c'est-à-dire colonne d'Herniann.
Cette colonne, enterrée par ordre de Charlema-
gne, fut retrouvée sous le r<'gue de Louis-le-l>é-
bonnaire , et transportée dans l'église d'Hildes-
heim. Ou célèbre encore tous les ans , dans celte
ville, la veille du dimanche Laslurc , la destruc-
tion de cette idole prétendue des Saxons.
WIT
«7
la d(5fense de leur pays. INon content
de voler d'une pen|)lade à une autre
pour les animer toutes de son esprit,
il dirigea sa politique vers les puis-
sances étrangères , et parvint ainsi à
attirer les armes de l'empereur eu
Italie. Mais ce héros, accoutumé à
passer rapidement d'une extrémité
de ses vastes états à l'autre, reparaît
lout-à-coup au milieu des Saxons
('"74),: s'avance cette fois au-delà du
Weser ; et , après les avoir écrasés
de nouveau, cède à leurs protesta-
tions de fidélité. Pensant que leur
conversion au christianisme était la
seule garantie qu'ils pussent lui olTrir
deleur.soumission future, il voulut
introduire le baptême parmi ces sau-
vages belliqueux* mais les Angriens
furent à peu près les seuls qui se mon-
trèrent dociles. Deux ans se passèrent
ensuite assez tranquillement. Mais
en 776 l'amour de l'indépeudance
excite une nouvelle guerre , les Fran-
çais sont ballus,Eresbourg est repris.
Alors l'infatigable Charlemagne re-
vient contre les Saxons avec rapidi-
té. 11 les attaque, les défait à Sie-
gcnbourg ( ville de la victoire) et les
extermine à la bataille des sources
de la Lippe. Ceux qui ont échappé
au massacre demandent à genoux
miséricorde et le baptême j et le
vainqueur consent à leur laisser la
vie au prix d'une abjuration ;
il élève des forts ^ s'empare des
bourgades principales , désigne la
ville de Paderborn pour être le
lieu où se rendront les Leudes , les
grands de la France , et y convoque
les principaux Saxons. Tous lui pro-
mirent ce qu'il exigea. Un seul de
leurs chefs refusa d'y paraître ; cet
homme était Witikind. Pendant que
ses compatriotes s'humiliaient , il al-
la porter sa haine et sa douleur à la
cour de Sigefroi , roi des Danois ou
88
WIT
Normands. Celle époque n'est que
trop remarquable : ce fut cette al-
liance de Witikind avec le chef de
ces terribles Normands, ce furent
ses continuelles instigations qui , pen-
dant plus d'un siècle , les attirèrent
sur les cotes de France. Se croyant
désormais maître absolu de la Saxe ,
Charlemagne porte la guerre au-delà
des Pyre'nces • mais au moment mê-
me 011 il essuyait l'ccliec de Ronce-
vaux , il apprend que les nouveaux
chrétiens des pays situés entre le
Ehin et le Weser ont derechef se-
coué son joug, et que Witikind,
plus audacieux que jamais, se re-
met à leur tête. Charles, avec la
rapidité de la foudre, passe d'Espa-
gne en Westphalie , et atteint Witi-
kind à Bucholt y sur les bords de la
Lippe. Les Saxons, malgré les ef-
forts héroïques de leur chef, sont
terrassés et obligés d'implorer cette
fois encore la clémence du vainqueur
( 779 ). Mais Charlemagne s'éloigne
de nouveau , et Witikind médite
aussitôt des projets de délivrance.
A sa voix éclate une insurrection
plus générale et plus violente qu'au-
cune de celles qui avaient précédé
( V. Wnyslas ). Réprimée presque
aussitôt^ elle est réorganisée par Wi-
tikind. Le comte Théodéric , parent
de l'empereur , marche à sa rencontre
avec une armée considérable, parta-
gée en trois corps. Le héros saxon
profite habilement de cette division ,
et, déployant contre les Français ce
génie qui ne pouvait être vaincu que
par celui de Charlemagne , il rem-
porte la victoii'e la plus complète ,
au pied du Mont Sinthal , près du
Weser (782). Charlemagne ne vou-
lut confier qu'à lui-même le soin de
sa vengeance. A son aspect , les
Saxons, frappés de terreur , deman-
dent grâce comme s'ils étaient déjà
WIT
vaincus. Cinq mille périssent massa-
crés à Verden, et expient ainsi le
crime d'avoir été braves à Sinthal.
Cette éclatante vengeance ne fît
qu'exaspérer les Saxons et les rendre
plus dociles aux insinuations de Wi-
tikind qui^ abandonné de tous les
siens , réduit à prendre la fuite , épiait
encore le moment de rentrer dans la
lice , et ne tarda pas à y reparaître. La
fureur qui le transportait aveugla sa
prudence : trois fois il osa livrer ba-
taille en plaine aux troupes françai-
ses^ mieux disciplinées que les sien-
nes , et trois fois il éprouva la plus
sanglante défaite. Instruit par l'ex-
périence, il se remit sur la défensi-
ve , et profita avec habileté des mon-
tagnes et des forêts dont le théâtre
de la guerre était hérissé. Après plu-
sieurs campagnes où le sang coula
])ar torrents , Charlemagne , con-
vaincu que l'indomptable chef des
Saxons ne lui laisserait que des dé-
serts et des ruines , prit enfin la ré-
solution de traiter directement avec
Witikind. Il lui envoya des prélats
qui vantèrent avec adresse les dou-
ceurs de la vie civile , les charmes
de la paix , et s'attachèrent surtout
à le convaincre de la sainteté du
christianisme. La persuasion fît ce
que n'avait pu faire la force des ar-
mes : Witikind, dépouillant toute
haine, ne craignit pas de se fier à la
générosité de Charlemagne. Il se
rendit auprès de ce prince à Altigny-
sur-Aisne, et témoigna le désir sincè-
re d'être baptisé en sa présence ,
ainsi que plusieurs chefs saxons qui
l'accompagnaient ( 786). C'est alors
que Charlemagne lui conféra le titre
de duc de Saxe, qui n'impliquait
d'ailleurs aucun droit de souveraine-
té sur le pays. Witikind , étant re-
tourné en Allemagne , se montra
scrupuleux observateur des traités
WIT
avec la France. Il fut lue' en 807 ,
dans un combat contre Gcrold, duc
de Souabe. Depuis sa conversion,
sa yie fut si chrétienne, que quel-
ques chroniques n'ont pas hésite'
à le mettre au rang des saints. Des
généalogistes en font la tige de la
troisième race de nos rois. « Sapos-
» térité , dit Etienne Pasquier, com-
M mença de s'établir en France , et
» fut destinée pour la lin et clôture
» de celle de Charlemagne. » Selon
cet auteur, Witikind 11, fils du hé-
ros saxon, ayant pris au baptême le
nom de Robert , fut père de llobert-
le-Fort, bisaïeul de Hugues-Gapet
(3). Sagittarius a publié, en 1679,
une Dissertation sur les tombeaux de
la famille Witikind, depuis la mort
d'Othon-le-Riche, Onpeut aussi con-
sulter Annales Witekindi , ainsi que
Crusius et Schurszlleischer qui ont
écrit sur Witikind. J.-H. Boeder
a donné une savante dissertation in-
titulée Le grand TFitikind^ 1 7 ^ 3 ,
in-S*^. On trouve dans la Bibliothè-
que politique d'Él. Reusner l'indica-
tion de toutes les familles qui tirent
leur origine de Witikind. S — v — s.
WITIKIND ou WITEKIND,
historien, florissait vers le milieu
du dixième siècle. Il embrassa
très- jeune la règle de saint Benoît,
dans l'abbaye de Corvey ( Corheia
Nova), en Westphalie; profitant
des leçons et des exemples de ses
maîtres, il se rendit très-habiie dans
toutes les sciences cultivées à cette
époque, et à son tour il enseigna dans
cette abbaye la littérature sacrée et
(3") CeUe opinion a peu de partisans cle nos jours ;
la plupart de nos érudits pensent , comme l'éta-
blit M. de Forlia d^Urban , dar.s son Histoire gé-
néiilogi^ue de la maison de France^ que llobert-
Ic'Fort était d'origine française et descendait de
failli Ariiould , maire du palais d'Auslrasic, et
évèque de Metx au comuieuceuient du sepliètne
siècle.
WIT 89
j3rofane avec beaucoup de succès. Il
y mourut après rannée973. Witikind
avait composé plusieurs ouvrages en
vers et en prose; mais il ne nous reste
de lui que les Annales des Saxons ,
Annales de gestis Otlionuni , en
trois livres , qui se terminent à la
mort de l'empereur Othon P''. Ces
Annales , publiées pour la première
fois, Baie, 1082, in -fol., dans un
recueil, devenu très-rare, de mor-
ceaux historiques de la même épo-
que , furent reproduites par Reinier
Reineccius , Francfort , 1 5^5 , in-fol.
Henri Meibom l'ancien ( V. ce nom ,
XXVIII , 1 89 ) en donna une édition
plus correcte et enrichie de notes et
de dissertations, ibid. , 1621 , in-fol.
Le petit - lils de Meibom , nommé ,
comme son aïeul , Henri , les fit réim-
primer en 1660, et les inséra dans
sou édition des Scriptor. rerum ger-
manicar. , Helmstœdt, 1688. Dom
Bouquet en a donné l'extrait dans
son Recueil des historiens de Fran-
ce, VIII ,217. Trithèine {Hist. scripte
écoles.) loue la piété de Witikind,
son érudition , son éloquence et son
talent pour la poésie j mais tous ses
ouvrages, excepté les Annales des
Saxons , étaient déjà perdus _, puis-
qu'il avoue que malgré toutes ses re-
cherches il n'en a pu découvrir au-
cun autre. W — s.
WITIZA. rof.YiTizA.
WITOLD ou WITWALD
( Alexandre) , grand - duc de Li-
thuanie , s'est placé , par son coura-
ge et ses qualités éminentes , au pre-
mier rang des princes de sa maison.
Étant du même âge que Vladislas Ja-
gellon , son cousin germain , il fut
élevé avec lui ; et ces deux princes
vécurent dans la plus parfaite intimi-
té. Cependant Ki es luth , père de
Witcld., avertit celui-ci que Jagel-
Ion, oubliant ce qu'il leur devait,
9«
WIT
formait contre eux des trames pcr-
i.ides. Ne s'en tenant pas à cet aver-
tissement, i! se mit à la tète de ses
troupes en i38'2, s'avança siir Wil-
na , s'empara de celle ville, de Ja-
^ellon et de sa correspondance. Par
les ordres de son père, Witold ac-
courut ; et quoiqu'il eût sous les
yeux les preuves de la perfidie de son
ami, il vint à bout de le réconcilier
avec son père {F. Jagellon ). Mais
Licntôt de nouvelles dissensions s'é-
tant élevées , Kiestuth et Jagellon
se trouvèrent en pre'sence , à la tête
de lewrs troupes. Jagellon, qui crai-
gnait l'issue du combat, eut de nou*-
veau recours à la médiation de Wi-
told , qui , ])lein de con (lance dans sa
loyauté, u'hésita point à venir le
voir dans son camp , et y entraîna
même ensuite son père ; mais le per-
fide Jagellon, au mépris de l'hon-
neur et de la parenté , fit conduire
Kiestuth dans un cachot , oij ce
vieillard fut étranglé. Witold fut sé-
vèrement gardé à vue ; et i! se croyait
destiné au même supplice, lorsque
son épouse, qui avait seule la per-
mission de le voir, accompagnée
de deux de ses femmes, lui lit pren-
dre les habillements de l'une d'elles,
et réussit à le sauver. Il se réfu-
gia chez les chevaliers teutoniques ,
où son épouse le suivit bienlôt , Ja-
gellon s'étant laissé toucher par le
dévouement de cette princesse. Wi-
told se rendit dans la Samogitie,qui
alors appartenait à la Lithuanie. Les
habitants le reçurent avec joie, de-
mandant qu'il se mît à leur tête , et
qu'il les conduisît contre Jagellon.
Les chevaliers lui ollrircnt des ar-
mes et des chevaux : mais il se ré-
conciliabienlot avec Jagellon, et, tou-
jours confiant, il l'accompagna en
1 385 à Cracovie , lorsque ce prince
y lit célébrer son mariage avec la
WIT
reine Hedwige. Cette union avait été
formée à son préjudice, pendant son
exil, a Par ses hautes qualités, dit
)) Dlugosz , Witold était incontesta-
» blement le ])remier parmi les prin-
» ces de la Lithuanie. Jagellon, d'un
» esprit borné, était y)!us propre à
» arranger une partie de chasse qu'à
» gouverner un grand empire. IVL'us
» il avait la souveraine autorité en
» main; et il ollrait la Lithuanie aux
» Polonais. Ils le préférèrent donc à
» Witold, qui par ses exploits mé-
» rite d'être mis à côté d'Alexandre
» le Macédonien, dont il portait le
» nom. » Le i4 février i386, Wi-
told fut , ainsi que Jagellon , baptisé
solennellement à Cracovie , après
avoir renoncé au ])aganisme ; et il
prit le nom d'Alexandre. Pendant
qu'on se livrait à la joie dans" cette
ville , on y apprit que le grand-maî-
tre des chevaliers , au lieu de se ren-
dre à l'invitation que lui avait adres-
sée Jagellon, s'était jeté sur les pro-
vinces limitrophes de la Lithuanie.
Le roi , qui connaissait la loyau-
té de Witold , l'envoya pour repous-
ser cette irruption; et l'ennemi se
hâta de rentrer dans ses limites. Ce-
pendant , ne pouvant s'entendre avec
Skirgiellon , frère du roi, qui était
chargé d'administrer avec lui la Li-
thuanie, Witold se retira en Prusse,
d'oii, pendant cinq ans, il ne cessa
d'inquiéter Jagellon. Enfin celui - ci
réussit à faire la paix ; et Witold
étant arrivé, en iSg^, à Wilna, Ja-
gellon s'y rendit , accompagné de la
reine Hedwige et des grands de la
Pologne. Witold fut nommé son lieu-
tenant-général en Lithuanie; et il fut
installé à Wilna , aux acclamations
du peuple. Pendant les quatre pre-
mières années de son administration,
après avoir repoussé les chevaliers
teutoniques, il reprit les duchés de
d
WIT
Siewiersk , de Novogrod , de Kiuw,
de Podolie , de Vitepsc et de Smo-
leiisk. 11 pénétra dans Ja Livonie et
dans le duché de Rezan. En i3g6 ,
il pria Vassili II (F", ce nom), à qui
il avait donne en mariage sa lille So-
phie, de venir le trouver à Smo-
lensk. Là , pendant qu'en appa-
rence on ne pensait qu'aux fêtes
et aux divertissements , on lixa
les limites des deux états. Witoîd
avait tellement agrandi ses domai-
nes , que les gouvernements actuels
d'Orel , de Kalouga et de ïula hii
appartenaient. Possédant Rjev, Ve-
likii-Lucki ; s'étendant depuis les
frontières de Pskow jusqu'à la Ga-
licie et la Moldavie d'un coté, et
de l'autre jusqu'aux bords de l'O-
ka , de la Sou la et du Dnieper , il
commandait en maître dans toute la
Russie méridionale, tandis que Vas-
sili, relégué dans les tristes contrées
du Nord , pouvait , de Mo|aïsk , de
Borowsk , de Kalouga et d'Alexine ,
contempler la ligne des frontières li-
thuaniennes. Witold était trop puis-
sant pour que l'on osât lui proposer
d'y faire des changements. Ce ])rince
promit à Vassili protection pour le
culte grec dans les provinces qu'il
venait de soumettre. On parla aussi
à Smolcnsk de l'expédition que Wi-
told méditait contre les ïartares ; et
ce fut probablement l'objet princi-
pal des conférences. Le lier Jokta-
misch , vaincu par les lieutenants
de Tamerlan, s'était réfugié à Kiow,
avec sa femme , ses enfants et ses tré-
sors , implorant le secours de Wi-
told , qui s'empressa de prendre sous
sa protection un exilé aussi célèbre ,
lui promettant de le reconduire à
main armée à la Horde ^ et de le re-
placer sur ie trône de Bâti. Déjà il
avaitfaituneexcursion jusqu'à i\.zow,
d'oii il avait ramené un grand nom-
WIT i,,
bre de captifs (i). Ne se proposant
rien moins que de renverser le trône
de ïamerian , il députa, en i3()9,
un de ses généraux à Vassili , pour
demander à ce prince de coopérer à
l'exécution de son plan. Le grand-
duc de Russie envoya son épouse à
Witold, qui reçut sa lille à Smo-
lensk avec les témoignages de la plus
vive affection. La princesse représen-
ta à son père que la Russie ne pou-
vait s'exposer en prenant une part
visible à cette guerre. Witold , qui
le sentait , se rendit à Kiow , pour y
rassend)lerson armée. La reine Hed-
Avige lui fit en vain les représenta-
tions les plus pressantes : rien ne put
l'arrêter. Jagellon lui confia ses meil-
leures troupes; et il se trouvait à la
tête d'une armée aussi nombreuse
que brave, ayant soiis ses ordres cin-
quanfe princes polonais, russes ou li-
thuaniens. Le 12 août 1399, i^ P^ssa
la Worskla , et l'action commerça.
Les Tartares avaient à leur tête Edi-
gée, vieilli sous les drapeaux de Ta-
merlan. Us l'emportaient de beaucoup
en nombre sur les Lithuaniens. Wi-
told se confiait dans son habileté et
surtout dans ses canons et ses arque-
buses y mais comme on ne savais alors
ni charger promptement les armes à
feu, ni les bien diriger, elles lui fu-
rent de peu de secours. Les Tartares
l'ayant débordé, il fut mis en désor-
dre ; et dans cette fatale journée , il
ne se retira qu'avec peine , laissant
les deux tiers de son armée sur le
champ de bataille. Les Tartares
s'emparèrent de Kiow , et portèrent
la désolation dans les provinces voi-
sines. Witold, s'étant promptement
relevé de cette défaite^ s'unit plus
(1"^ Ces Tartares , rjtii ont conservé leurs mœurs
et leur religion inahométane, occupent encore au-
jourd'hui plusieurs villaces dans les euviroiis de
W^ilna.
WIT
étroitement avec Jagellon, qui, en
i4oi , vint le visiter à Wilna. Eu
. 1 4o3 , un prince lithuanien avait pro-
fité des circonstances pour s'empa-
rer de Sraolensk. Witold l'eut bien-
tôt chassé de cette place importante.
D'après l'avis de Jagellon, il fit une
paix, qu'il croyait durable, avec les
chevaliers teutoniques, auxquels il
céda la Samogitie. En 1 407 , des dis-
cussions s'élevèrent entre Witold et
Vassili II, au sujet de Pskow et de
Novogrod ; et les explications de-
mandées par le prince lithuanien ne
l'ayant point satisfait, il prit un ton
si menaçant, que Vassili , effrayé, de-
manda des secours à la grande Hor-
de. Les deux princes se rencontrèrent
sur les bords de la Krapiwna , près
de ïula. Yassiii ayant fait les pre-
mières démarches , on conclut un ar-
mistice qui, l'année suivante, fut
changé en un traité de paix. Les che-
valiers teutoniques menacèrent alors
encore une fois la Lithuanie ; et l'on
courut aux armes de part et d'autre.
Le i5 juillet i4io^ l'armée polo-
naise, commandée par Jap;ellon , et
celle de Lithuanie par Witold, se
trouvèrent, près de Grunwald, en
présence des chevaliers , qui avaient
à leur tête leur grand-maître, Ulrich
de Juningen. (i On voyait, dit Dlugosz,
» Alexandre Witold voler tantôt
» vers les Polonais , tantôt vers les
» Lithuaniens, sans garde, n'ayant
» avec lui que quelques olliciers ,
» changeant souvent de chevaux , ré-
» tablissant les rangs , l'ordre par-
» tout , et faisant entendre sa voix
» d'une armée à l'autre. » L'issue du
combat fut terrible pour les cheva-
liers , qui laissèrent sur le champ de
bataille quarante mille hommes, par-
mi lesquels se trouvait Ulrich , leur
général. La paix se fit* et les cheva-
liers cédèrent la Samogitie. En 1 4 1 5,
WIT
remi>ereur Sigismond, «e rendant
au concile de Constance , pria Wi-
told de protéger la Hongrie con-
tre les Turcs. De concert avec
Jagellon , le prince lithuanien dé-
cida Mahomet à conclure avec la
Hongrie une trêve de six ans. Dans
la même année, il envoya sur le
Di
nepcr une provision consi
déra-
ble de vivres pour l'empereur de
Gonstantinople. La réputation de Wi-
told s'était répandue si loin , qu'en
1419 les Tartares appelés Trans-
Folgenses ou d'au-delà du Volga,
étantdésunisentreeuXjleprirentpour
arbitre, et reçurent pour khan celui
qu'il fit couronner avec pompe à Wil-
na. En i^*^! j il donna pour épouse
à Jagellon la princesse Sophie, sa
nièce. Les Bohémiens lui olï'riient
alors la couronne, il la refusa. Son
ambition était de se faire couronner
roi de Lithuanie. Sachant que la na-
tion polonaise s'y opposerait, il ga-
gna l'empereur Sigismond, qui , sur sa
proposition , indiqua pour le mois de
janvier il^'i^ une assemblée à Lus-
ko, villecapitale de la Volhinie. Cette
réunion fut remarquable par les per-
sonnages qui y assistèrent. On y vit
l'empereur Sigismond avec son épou-
se et les princes de l'empire; Jagel-
lon, roi de Pologne; Éric, roi de
Danemark et de Suède; les ambas-
sadeurs de Jean Paléologue , les prin-
ces voisins de la Russie , deux khans
des Tartares et les grands - maîtres
de Prusse et de Livonie. Witold dé-
fraya ces hôtes illustres, pendant
près de deux mois , avec une magni-
ficence qui les étonna. Chaque jour,
on tirait de ses caves sept cents ton-
neaux d'hydromel et de vin , et de la
bière en proportion. Ses cuisines
sufilsaieiit a peine pour ajîprêter ,
chaque jour, sept cents bœufs et gé-
nisses, quatorze cents moutons, cent
WIT
buffles, autant d'ëlans et de san-
gliers , etc. Les conférences publiques
eurent particulièrement pour objet
les moyensde reponsserles Turcs on
Asie. Dans les entrevues particuliè-
res , Sigismond fit tous ses efî'orts
pour gagner Jagellon, ailn qu'il con-
courût au couronnement de Witold.
Ce prince y était assez porte : mais
les sénateurs polonais qui l'entou-
raient repoussèrent toutes les propo-
sitions 'j ils résistèrent mcme en fa-
ce à Witold , qui voulait les gagner;
et sur leurs instances, Jagellon quit-
ta la dicte sans avoir pris congé de
l'empereur. Witold , indigné , se ré-
pandit en menaces. La diète polo-
naise , qui craignait les eii'ets de sa
vengeance , députa vers lui , de con-
cert avec le roi , pour lui offrir la
couronne de Pologne , après la mort
de Jagellon. Il rejeta cette offre; et
d'accord avec l'empereur il fixa
son couronnement au mois d'octobre
i43o. Jagellon se rendit lui-même à
Troki , pour tâcher de le fléchir.
Il trouva le fier Lithuanien en-
touré de ses courtisans. Vassili 111,
son petit-fils , les princes de Tver ,
de Kezan , d'Odoief , de Mazo-
Vie, le khan de Tauride, l'hospo-
dar de Valachie, les ambassadeurs
de l'empereur d'Orient, les grands-
maîtres de Prusse et de Livonie , s'y
étaient rassemblés , invités par Wi-
told à son couronnement. Le grand-
duc, octogénaire, étonna encore cet-
te assemblée par l'éclat de sa repré-
sentation. Mais les sénateurs polo-
nais s'étant montrés inébranlables, les
hôtes augustes se retirèrent l'un après
l'autre. Witold, accablé de chagrin,
sentit ses forces diminuer. Il mourut
le 27 octobre i43o, entre les bras
de Jagellon et de sa famille. Ce prin-
ce , le plus illustre de son temps par-
mi les souverains du Nord, et peut-
WIT
93
être le premier général de son siècle^
était petit de corps. Il savait répan-
dre habilement les trésors qu'il de-
vait à ses victoires et au commerce
de ses états. S'étant interdit l'usage
du vin et des liqueurs spiritueuses , il
était toujours en état de s'occuper
des affaires les plus sérieuses ; à
table, en voyage et à la chasse, il
songeait constamment à ses pro-
jets. Dans l'expédition qu'il entre-
prit , en 1 ^16 y contre Novogt od , il
fit traîner par quarante chevaux un
énorme canon de siège , qui d'un seul
coup renversa une tour de la ville ;
mais ayant été ensuite trop forte-
ment chargé , il éclata et fit périr
beaucoup de monde , entre autres
l'ouvrier allemand qui l'avait fondu.
Quoique Witold, par ses conquêtes,
eût considérablement resserré l'em-
pire russe, Vassili 11 l'avait nommé,
par son testament , tuteur de ses en-
fants. G — Y.
WITS ou WITSIUS (Hermann),
savant théologien protestant , naquit
le 1 2 fév. 1 636 ( i ) à Enchuysen
dans la Nord-Hollande. Son père ,
membre du conseil de cette ville , est
auteur de Méditations pieuses ou
Cantiques en flamand (2). Admis
en i65o à l'académie d'Utrecht, il
y fit ses cours de philosophie et de
théologie avec succès, et se distingua
surtout par ses rapides progrès dans
les langues orientales. Il n'avait pas
dix-huit ans lorsqu'il prononça pu-
bliquement un discours hébreu de
sa compoûtion , sur le Messie des
Juifs et celui des Chrétiens, D'U-
(i) Quelques auteurs placent la naissance de
Wits en 169.6; mais c'est une erreur évidenle. Il
aurait eu soixante-douze ans à lepoque où il serait
venu à Leyde, remplacer Spanlieim , admis à la
retraite comme trop âgé pour continuer ses fonc-
tions.
(2) Voy. son article dans les Mémoires liltér. de
Paquot, X , 190 , édit. in- fol.
~
WIT
trecht , il se rendit à Groningiie pour
suivre les leçons du cëlcbre Samuel
Desmarels ( Foy. ce nom ). Ses
éludes aclievces, il embrassa la carriè-
re evangelique; et depuis 1657 rem-
plitles fonctions du paslorat, dans dif-
lerenles églises, jusqu'en 1675, épo-
que à laquelle il fut nommé professeur
de théologie à l'académie de Frane-
ker. 11 refusa la chaire qui lui fut
ollcrte à Groningue, en 1(379 ; mais,
l'année suivante , il remplaça Fr.
Burraann à l'académie d'U trecht. Il
accompagna , en qualité de chape-
lain, les ambassadeurs que les États
de Hoilande envoyèrent à Jacques
II (i6i35), pour le complimenter
sur son avènement au trône d'Angle-
terre. En 1698 , Fréd. Spanhcim
s'étant démis de sa chaire à l'acadé-
mie de Lcyde , à raison de son grand
âge, Witb fut choisi pour lui succé-
der. 11 passa de cette place à celle
de recteur du collège théologique ,
qu'il remplit avec zèle , et mou-
l'ut le 'l'i octobre 1708, à l'âge de
soixante-douze ans. Wils avait une
grande érudition , et écrivait bien en
latin et en hollandais. 11 penchait
pour le coccéianisme ; mais il ne se
déclara jamais pour aucun des par-
tis qui divisaient alors l'église de
Hollande. Ses principaux ouvrages
sont : I. Judeus christianizans cir-
ca principia fidei et SS. Trinita-
tem ; swe dissertatio de principiis
fidei Judœorum , etc. , Utrecht ,
1661 , in-i'2. II. De œcononiid
fœderum Dei cuin ho minibus libri
JF y Leuwarde, i()77 , in-8'^. , réim-
primé plusieurs fois. 111 . Diatribe de
septem cpistolarum apocalyptica-
rum sensu historico ac prophetico ,
Franeker , 1G78 ,in- f 9.. 1 V. Exerci-
taliones sacrœ in symboluni quod
apostoloruni dicitur ; et in oratio-
nem Doniinicam y ibid. , 1681 ,
WIT
1G89, in 4"« ; Amsterdam , 1697 »
même format 5 Herborn , I7i'2. Les
dernières éditions ont été revues et
corrigées par l'auteur. Y. uEgrp-
tiacaet ^.svA'f<Aov ^ sivede jEgjptio-
rum sacrorum cuni Hebraicis col-
latione libri très ; et de decem tri-
bubus ïsraëlis liber singularis ; ac-
cessit diatribe de le gione fulmina'
trice Christianorum sub imperat,
M. Aurelio Antonino, Amsterdam,
i()83, ibid., 1696, in^'*- Le but de
l'auteur , dans cet ouvrage , est de
réfuter le système de Marsham et
de Spencer , qui prétendaient trouver
dans les rits égyptiens l'origine de
ceux des Juifs ; Wits s'attache à
montrer que'ce sont au contraire les
Égyptiens qui ont emprunté quel-
ques-unes de leurs cérémonies aux
Hébreux. Les Ègjptiaques ont été
réimprimées par Bl. CJgolini, dans
le Thesaur. antiquitat. sacrar. , i ,
74o (3). Le second traité de Wits
contient l'histoire des dix tribus
d'Israël ; et l'auteur rapporte dilïe-
rents textes de l'écriture d'après les-
quels les tribus doivent un jour être
rassemblées en un seul peuple qui
croira en J.-C. La dissertation de
Wits sur la légion fulminante a été
critiquée vivement parLarroque {V.
XXIII, 398).! VI. Miscellanea sa-
cra, Utrecht, 1692-1700, 1 vol.
in-4°. Le premier volume a été ré-
imprimé, Leyde , 1695, in-4". La
seconde édition est augmentée de
trente dissertations , et d'une préface
dans laquelle l'au'eur relève quelques
erreurs qui lui étaient échappées dans
la première. YII. Exercitationuin
academicarum , maximd ex parte
historico-critico-ilieologicarumduo-
decas y Utrecht , i G94 , in-i a. VIII.
(3) Ou trouve dans le même recueil une disser-
laliou de Wits De synehiis Hebrœomm , XXVl ,
iio(3.
I
WIT
Meletemala leidcnsia , Lc)de ,
1703, in-4". Ou doit en outre à
Wits plusieurs ouvrages asceiiqursen
hollandais. 11 est l'éditeur de l'ouvra-
ge deThom. Godwin , Moïse et Aa-
ro« , Utreclit , 1690, iu-8<^. , aug-
mente de deux dissertations ; des
OEuvres critiques de Tliom. Gata-
ker ( Foy. ce nom , XVI , 548) j
de la traduction frauçaise du
Christianisme primitif àe G. Cave ,
avec uue préface ( Foy. Cave ,
VII, 450- On peut cousulter pour
plus de détails les Mémoires liltér.
des Pays Bas de Paquot, i, 191 et
suiv. , édit. in-t'ol. (4). Les OEuvres
choisies de Wits ont été publiées à
Bàle , 1739, 1 vol. in-4*^*. On en a
le recueil complet , Herboru , 1712-
17,6 vol. in-4''. W — s.
WITSEN { Nicolas ) né à Ams-
teidara eu 1640 , joua un rôle im-
portant dans la magistratiue de cette
ville, surtout à l'époque de l'expcdi-
tion de Guillaume 111 eu Auglelerrc
( 1688). L'historien Wagenaar a
fait usage des notes tenues par Wit-
sen sur les préparatifs de cette
expédition, dont le secret lui avait
été coulié , et sur les résultats qui en
furent les suites immédiates ; spéciale-
meut sur l'alliance offensive et défen-
sive siguée entre l'Angleterre et les
Étals-genéraux le i3 sept. 1689.
Wilsen y iigure plutôt comme un
négociateur prudent et cousciencieux,
que comme un homme doué de l'é-
nergie et de la fermeté qu'exigeaient
les circoustançes ( Voy. ['Histoire de
la patrie j par Wagenaar, tomexv,
pag.4'-i5 et suiv. jtome xvi, pag. 'ii
et suiv. ). Il avait des couuaissances
peu communes en mathématiques et
en mécanique , et il en a fait preuve
t ^\ \jH liste c£ue Patjiiol (loiiiic de'» écrits de
Wits s'élève h rùngl-sefil ; initis il admet dans ce
uoia\)re les ouvrnges dont il n'est que l'éditeur.
WIT
9^
dans son ouvrage sur la Construc-
tion ancienne et moderne des vais-
seaux (en hollandais), 1671 , un
vol. in-fol. Witsen se rendit encore
utile, sous ce rapport, dans le rè-
glement du pilotage , sur lequel il
fut essentiellement consulté. On esti-
me beaucoup sa belle Description de
la Tartarie septentrionale et orien-
tale , Amsterdam , 1O92 et lyoS , 'i
vol. in-fol., ornésdeson portrait à l'â-
ge de trente-six ans. Elle a été réimpri-
mée avec une introduction de Pierre
Boddaert, Amsterdam, 1 786, in-fol .
Le dix-huitième vohunc des Trans-
actions philosophiques contient une
Lettre de Witsen à Martin Lister
sur les ruines de Persépolis. Le czar
Pierre- le- Grand l'honorait du plus
haut degré de considération et de
bienveiliance. Voltaire , dans son
Histoire de cet autocrate, a consacré
à Witsen ces lignes honorables :
« Pierre - le - Grand s'instruisait
» dans la maison du bourgmes-
M tre Witsen, citoyen recoinman-
» dable à jamais par son patrio-
» tisine et par l'emploi de >es ri-
» cliesses, qu'il prodiguait en citoyen
)) du monde; envoyant à grands frais
M des hommes habiles chercher ce
» qu'il y avait de plus rare dans
» toutes les parties de l'univers , et
» frétant des vaisseaux à ses dépens
» pour découvrir de nouvelles ter-
» les. » Witsen avait formé un ri-
che cabinet d'antiquités et d'objets
curieux , sur lequel on peut voir
Charles Patin, Quatre recueils his-
toriques , Baie, 1673 , in-8^., pag.
'202. Un bon nombre d'objets de
cette collection a passé dans le ca-
binet de l'université de Leyde ( P^oy.
Sax, Onomast., tome v, pag. 190).
M. Scheltema , dans son Staatkun-
dig Nederland (Hollande politique),
tome iT , pag. 5 08 , exprime je desii'
gf) WIT
de voir paraître sur un homme aussi
distingue une notice , que personne
ne pourrait mieux faire cjue lui. —
(7orn6'i7/c'W JTSEN , père de Nicolas, et
comme lui bourgmestre d'Amster-
dam, avait les mcnies goûts littérai-
res {F. Siix, Onom. , tome iv , pag.
548 ). On voit son portrait sur deux
médailles dans V Histoire métallique
des Pays-Bas, par Van Loon^ tome
Tïi, pag. 65. M — ON.
WÏTT ( Jean de ), célèbre
ministre liollaiidais , naquit le iS
septembre lô'iS, à Dordreclit , où
son père exerçait les fonctions de
bourgmestre. Député en même
temps au conseil des États de Hol-
lande et de Frise, ce citoyen, non
moins remarquable par ses lumières
et son courage que par son patrio-
tisme et son incorruptible probité,
se montra invariablement opposé
aux prétentions de la maison d'O-
range. Élevé dans ses principes et
formé par son exemple, Jean de
Wiît apprit de bonne heure à redou-
ter les envahissements de la prépon-
dérance militaire j et l'emprisonne-
ment de son père au château de
Loevestein , en i65o, ne changea
point ses dispositions à cet égard.
Le prince d'Orange , Guillaume II ,
étant mort le 1 octobre i65o, la
chance tourna en faveur des ennemis
de sa maison , alors réduite à une
douairière aussi impuissante qu'or-
gucilletise. et à un héritier posthume.
Aussi tandis que Corneille, son frè-
re , devenait bpurgmestre de Dor-
drecht, député de cette ville aux
Ktats de Hollande et de West-Frise,
et inspecteur des digues dans le pays
de Putten , Jean était nommé pen-
sionnaire de la ville de Dordrecht; et
deux ans plus tard (i652), grand-
pensionnaire de Hollande, il exer-
çait une influence encore plus im-
I
W
médiate et plus directe sur toutes
les afïaircs des Provinces - Unies.
Ce ne fut pas cependant sans de
grandes difficultés qu'il vint à bout
de faire adopter , même momenta-
nément , ses idées et ses plans par la
confédération. Ruiner à jamais la
puissance de la maison d'Orange et
rayer des lois hollandaises l'institu-
tion du stathoudérat, telle était la
pensée dominante du grand-pension-
naire. La Zélande, remplie des amis
et des créatures de Tancien stathou-
der , s'opposait vigoureusement à
tout ce qui semblait devoir amener
ce résultat j et les autres provinces ,
soit par amour pour la maison
d'Orange , soit par une jalousie
secrète contre la suprématie des
États de Hollande, qui effectivement
dominaient toutes les délibérations
faites en commun, balançaient à fai-
re cause commune avec les de Witt,
ou n'adoptaient leurs idées qu'en les ^
modifiant, comme exagérées. A l'é-
poque oh de Witt prit les rênes du
gouvernement , les États avaient à
soutenir contre l'Angleterre une guer-
re ruineuse. Les amiraux hollandais
avaient éprouvé des échecs terri-
bles. Tromp , un de leurs plus célè-
bres marins^ était mort au milieu
d'un combat j enfin la flotte anglai-
se stationnait sur les côtes de la
Hollande, et paralysait tout le com-
merce de la république, (cependant
telles furent , et la rapidité avec
laquelle de Witt répara ces mal-
heurs^ et l'attitude formidable que
recouvra aussitôt la marine hollan-
daise j grâce à son administration
éclairée et k sa vigilance, que les pro-
positions d'accommodement trouvè-
rent CroraAvell accessible. D'ailleurs
cet heureux usurpateur , après avoir
eu besoin de la guerre , avait besoin
de la paix. Un traité négocié par
WIT
ks soins du graud-pcusioniiairc , et
signé à Westminster ( i5 avril
i654 ); remit les choses dans la si-
tuation où elles étaient avant la
guerre. Seulement la republique imie
reconnut la supc'riorite du pavillon
anglais dans la Manche. En re-
vanche il fut stipule que la dy-
nastie des Stuarts ne trouverait
point d'appui dans les Provinces-
Unies j et qu'on u'elirait pour sta-
thouder ou pour amiral-gcncral au-
cun prince de la maison d'Orange.
Au reste, la clause qui venait d'êlrc
adoptée contre les rejetons de Guil-
laume de Nassau ne fut signée d'a-
bord que par la province de Hol-
lande , et demeura long-temps un
article secret du traité. Elle n'en
devint pas moins pour Jean de Witt
la base de la résohition qu'il vint
à bout de faire adopter , en 1 667 ,
par l'assemblée générale des États ,
et qui , sous le nom inédit perpétuel,
abolissait le stathoudérat , et en dé-
fendait à jamais le rétablissement.
Les partisans de la maison d'Orange
eux-mêmes durent, jusqu'à un certain
point, applaudir à ce règlement , qui
au moins leur garantissait que l'auto-
rité souveraine , masquée du nom mo-
deste de Stathouderj n'appartien-
drait point à d'autres qu'à leur chef.
Mais il est facile de voir que l'acte
fut principalement dirigé contre
l'ambition naissante du jeune Guil-
laume , dont l'éducation était con-
duite sous les auspices du grs^nd-
pensionuaire , avec les soins les plus
éclairés , mais à qui l'influence d'u-
ne mère , fdle d'un souverain et
veuve d'un stathouder , inspirait
les idées les plus opposées à l'éga-
lité nidispensable dans une répu-
blique. Aussi jurèrent- ils dès -lors
une haine implacable au ministre
qui contrariait si opiniâtrement leur
Wlï 97
parti. Celui-ci s'occupa de son côté à
paralyser toutes leurs entreprises, et
à assurer autant que possible l'exé-
cution de redit qu'il venait d'ar-
racher à l'inexpérience de ses com-
patriotes. Cependant la guerre s'était
rallumée entre les sept Provinces et
l'Angleterre; et, malgré la protection
que la France accordait aux premiè-
res , elle ne continua qu'avec des
succès variés , jusqu'à ce que l'habi-
leté du ministre hollandais eût dé-
terminé le roi de Danemark à se
déclarer contre l'Angleterre. De Witt
donna aussi , dans cette guerre , des
preuves particulières de couiage et
de connaissances profondes dans la
marine. L'amiral Opdam avait été
battu à Karwich , en i665 , par le
duc d'York et le prince Rupert; et
à peine Tromp avait ramené les dé-
bris de sa flotte vers l'embouchure
du Texel. Il s'agissait de la faire
parvenir à Anvers ; quoique tous
les pilotes s'accordassent à déclarer
qu'il ét:nt impossible d'y réussir ,
à cause des bas-fonds qui rendaient
la navigation extrêmement périlleu-
se , Jean de Witt monta sur les
vaisseau3^ , et faisant lui-même les
fonctions de pilote, dont personne
ne voulait se charger, il entra dans
le port d'Anvers sans le moindre
accident. Deux autres batailles na-
vales eurent lieu l'année suivante.
Dans l'une, livrée du i^^". au 4 juin?
l'escadre hollandaise , après une ac-
tion des plus longues et des plus
meurtrières dont les fastes de la
guerre navale fassent mention ^ reprit
l'avantage; mais e\h le perdit de
nouveau le 4 août. Comme, grâce
aux alliances contractées par de
Witt et l'activité déployée par les
républicains, les espérances ambi-
tieuses conçues par l'Angleterre ne
se réalisaient nuUemeût , Charles II ,
7
gH WIT
plus ami du repos que de la gloire ,
songea à la paix. Les conférences
d'abord tenues à P;iris furent en-
suite transférées à Breda. De Witt
eut l'art de prolonger les prélimi-
naires du traité ; et pendant que
les plénipotentiaires faisaient valoir
de vaines prétentions , il com-
manda aux amiraux hollandais d'at-
taquer la flotte anglaise mal entre-
tenue par la négligence du roi
Charles, qui ^ croyant déjà la paix
immanquable , avait détourné à
son usage une partie des subsides,
votés par les chambres, pour faire la
guerre. L'éclatant succès qu'obtin-
rent en plusieurs endroits les descen-
tes des Hollandais hâtèrent la fin
des discussions , et les quatre puis-
sances belligérantes ( le Danemark ,
la France , l'Angleterre et la Hol-
lande ) signèrent la paix^ et se ren-
dirent mutuellement tout ce qu'elles
s'étaient pris, en s'en garantissant
la possession. Le calme étant ainsi
rétabli au dehors, le grand -pen-
sionnaire dirigea son attention vers
l'intérieur de l'état. Mais il s'agissait
dès -lors de tout autre chose que de
se prémunir contre les Orangistes. H
commençait h devenir évident pour
les hommes habiles dans la politi-
que , et Jean de Witt était de ce
nombre , que la France nourrissait
des projets de conquêtes. La célèbre
campagne d'hiver pendant laquelle
Louis XIV s'empara de la Franche-
Comté annonça bientôt encore plus
clairement ses projets , et quoique
jusqu'alors toutes les démonstrations
hostiles portassent ou sur l'Espagne^
ou sur la maison d'Autriche, le voi-
sinage d'un monarque trop puissant
devait donner ombrage à la Hollande.
La puissance maritime des sept pro-
vinces n'était qu'un faible obstacle en
cette circonstance ; d'ailleurs celle de
WIT
Louis XIV avait augmenté dans une
proportion considérable pendant la
guerre précédente • et tandis que" les
forces hollandaises diminuaient par
une lutte sérieuse avec l'Angleterre ,
les Français avaient construit plus
de cent navires , et établi une fonderie
de canons pour le service mariti-
me. Les finances françaises admi-
nistrées par Colbert étaient dans
l'état le phis brillant ; et Louis avait
encore exigé que les États lui payas-
sent un subside pour l'entretien dcses
troupes. Ces concessions, qui devaient
bientôt devenir funestes à la Hollan-
de, étaient sans doute forcées parles
circonstances et par les besoins de
secours ; mais rien n'obligeait de
Witt à laisser les frontières presque
sans fortifications , et à congédier
presque toutes les troupes étrangère
pour épargner quelques dépenses au
Etats. Il est vrai que cette faute leu
fut commune , et que, relativemeni
aux fortifications surtout , les Éta
de chaque province , trop portés
user de l'indépendance qui leur étar
laissée, furent les vrais coupables^D
Witt n'osa , sans doute, faire usag*
de tous ses moyens d'influence , d
peur d'offenser la susceptibilité om
brageuse des États, toujours portés k
voir un empiétement de pouvoir dans
les ^propositions faites par la provin-
ce de Hollande, et peu disposés d'ail
leurs à accueillir des mesures dispen-
dieuses^ quand la nécessité d'y avoii
recours pouvait sembler problémati-*
que. Ses ennemis n'auraient point
manqué dans cette occasion de join
dre leurs clameurs à celles des oppo-
sants, et de répéter qu'il était inutile
d'abolir la puissance stathoudérien-
ne , si l'on établissait un stathouder
sous le nom de grand-pensionnaire. En-
fin , et c'est en cela que consiste prin-
cipalement l'erreur de ce politique
WïT
si distingue , il crut riicure du péril
plus éloignée qu'elle ne l'était effecti-
vement; et dans le fait, avec tout au-
tre souverain que Louis XIV à
Versailles , ou que Charles II à
Saint James , la France cul mis moins
de précipitation à se jeter sur la Hol-
lande. Au reste , il faut avouer que le
roi de France put, avec quelque jus-
tice , se plaindre de la ligne de con-
duite suivie par les Hollandais, si
cependant on a droit de se plaindre
d'une défiance à - la - fois légitime
et inoffensive. A peine la Fran-
che - Comté eut été conquise, qu'il
lut non pas force', mais obligé de la
rendre. L'Angleterre, la Hollande et
la Suède unies ensemble par la triple
alliance, et l'année suivante cosigna-
taires d'un traité particulier à la Haye,
se portèrent garants de la première
paix d'Aix-la-Chapelle. Cette négo-
ciation , qui fut l'ouvrage de William
Temple, pour FAnglelerre , et de
de Witt pour la Hollande, fut peut-
être le clief-d'œuv're de ce minisire.
Ne voulant point faire lui-même les
premières démarches pour contra-
rier la France , en quoi que ce fût , il
eut l'adresse de se faire demander
par l'Angleterre ce qu'il aurait sol-
licité lui-même. Craignant ensuite
avec raison de blesser trop profon-
dément la susceptibilité orgueilleuse
d'un allié aussi puissant, aussi an-
cien que Louis XIV, pour se réunir
à un prince versatile et dominé en
secret par la France, il profita des
paroles mêmes du monarque fran-
çais, et sembla ne viser qu'à assurer
l'adoption des offres faites par ce
conquérant. Enfin, se mettant pour
le bien public au-dessus des lois , il
prit sur lui de faire signer et ratifier
par les États-Généraux un traité qui
aurait dû être soumis h l'assentiment
de toutes les villes de chaque pro-
WIT
99
vince. L'année suivante ( 1670 ) ,
de Witt forma aussi avec l'em-
pereur et l'Espagne une alliance,
dont le but unique était de mettre
des entraves aux progrès de Louis
XIV. Ce dernier n'en fut que plus
animé contre les Hollandais ; et ,
comme il ne pouvait songer à les sa-
crifier à sa vengeance tant qu'ils se-
raient défendus par de puissants al-
liés, il ne songea plus qu'à rompre
les nœuds de la coalition défensive
formée contre son ambition. Le roi
de Suède se détacha de la triple al-
liance, que jamais il n'avait contrac-
tée par lui-même, puisqu'il était mi-
neur à l'époque du traité. Bientôt un
.succès encore plus marqué se fit sen-
tir au cabinet de Saint- James. L'or
prodigué aux ministres anglais, une
maîtresse française ( M^^®. de Qué-
rouet, depuis duchesse de Ports-
mouth ) jirocurée au monarque , fi-
rent oublier aux chefs de l'état les
promesses les plus sacrées, et les rè-
gles les plus simples de la politique.
Assuré de la coopération de Charles,
Louis déclara brusquement la guer-
re, et marcha en personne contre
les Hollandais( 1672). La paixd'Aix-
la - Chapelle , en lui accordant les
Pays Bas , avait mis ses provinces
immédiatement en contact avec celles
de la confédération batave. Les villes
froniières attaquées inopinément, et
avant d'avoir pris les précautions
nécessaires pour résister à un ennemi
formidable , tombèrent rapidement
au pouvoir des armées françaises.
Orsoi , Rees , Wesel, Rheinberg, em-
portées , donnèrent aux autres le si-
gnal d'ouvrir leurs portes : bientôt
le passage du Rhin ouvrit la Hol-
lande sans défense; le pays fut com-
me conquis en moins de trois mois.
D'autre part, la flotte hollandaise ,
commandée par Ruyter , faisait en
7-
lUO
WIÏ
pure perle des prodiges de valeur à
SoLilt-Baye , où elle avait à combat-
tre le duc d'York à la tête des An-
glais , et le comte d'Estrees , amiral
de la flotte française. Pressés de
toutes parts, les Hollandais crurent
ne pouvoir trouver de salut que dans
le rétablissement d'une autorité dic-
tatoriale , et abrogeant leur ëdit per-
pétuel , après cinq années d'existen-
ce, ils confièrent le statlioudérat au
jeune Guillaume III , que déjà ils
avaient nommé capitaine et amiral-
général ( 25 février 16721 ) , malgré
les plaintes et les réclamations des de
Witî. Quelque temps après cette no-
mination, quatre assassins se jetèrent
sur de Witt, et le laissèrent dans
les rues , couvert de blessures. Un
seul fut puni, et les autres ne furent
pas même recliercliés. Vers le môme
temps , Corneille de Witt , accusé
par un aventurier d'avoir voulu at-
tenter aux jours de Guillaume^ avait
été condamné à un bannissement per-
pétuel. Mais cette sentence rigoureuse
semblait encore trop douce aux im-
placables ennemis des de Witt. Pen-
dant que Corneille dans sa prison
songeait au lieu qu'il allait choisir
pour son exil, son accusateur criait
dans les rues que les États traliis-
saient la république ; qu'il fallait
châtier l'attentat médité contre le
statbouder ; que le peuple ne devait
pas soulFrir l'impunité et l'évasion
d'un grand criminel. Le reste des
Orangistes excitait la multitude , et
lui présentait les deux frères comme
les auteurs de tous les désastres de la
Hollande. On disait que , vendus à
Louis XIV, ils avaient licencié les
régiments étrangers, autrefois protec-
teurs des provinces confédérées j dé-
mantelé les villes , les forts ; travaillé
à augmenter la marine, l'artillerie
du conquérant 5 et qu'ils avaient vidé
WIT
les coffres de l'état pour payer soit
alliance. Tandis que ces calomnies
étaient répétées par la populace ,
Jean de Witt allait chercher son
frère dans la prison, et le faisait
monter dans sa voiture, soit pour
fuir plus vite , soit pour braver les
vociférations du peuple. Selon quel-
ques historiens , tous deux affectaient
en cet instant de se mettre au-dessus
de l'indignation publique , et lan-
çaient sur les groupes fanatiques qui
les environnaient des regards de pi-
tié et de dédain. A la porte de la ville
ils trouvèrent le passage fermé : on
les força de rétrograder ; l'exaspéra- ^
tion de la multitude , habilement sou-
levée , croissait d'instant en instant.
La vue de quelque cavalerie et de la
garde bourgeoise, envoyées pour dé-
fendre les deux frères, précipita la ,
catastroplie. Les plus furieux se je-
tèrent sur eux , les renversèrent , et
les frappèrent jusqu'à ce qu'ils res-
tassent morts sur la place. Selor
d'autres, dont la narration moins
dramatique nous semble plus con-j
forme à la vérité ^ les deux de WittI
auraient été massacrés dans la prison,'
oii Jean était allé rendre visite à son
frère. Quoi qu'il en soit , il est cer-i
tain qu'immédiatement après leur
mort leurs cadavres furent traînés
en triomphe par ceux qui venaient
de les égorger , et suspendus à un gi-
bet, la tête en basj après quoi les
chefs de l'émeute les frappèrent en-
core ;, et mirent leurs membres en
lambeaux. Enfin à minuit, quand la
foule fut dissipée , les deux cadavres
furent détachés du gibet, par ordre
des États-Généraux, et ensevelis
la Haye. Plusieurs médailles furent
frappées en leur honneur. UHiS'
toire métallique des Pays - Bas
par Van Loon en présente quatre,
dont deux sont remarquables par
WIT
la beauté de l'exécution. Dans l'une
on voit les deux frères en buste,
l'un vis-à-vis de Tautre , et revêtus ,
le premier du costume de guerrier ,
k second de celui de magistrat. Au-
dessous, la légende Hic armis nui-
ximus ^ ille togd , est disposée de
manière à ce que maximus se trouve
entre les deux portraits , tandis que
les deux mots qui précèdent corres-
pondent à l'image de Corneille , pla-
cée sur la gauche , et que la lin du
pentamètre répond à celle de Jean.
Au revers, la sédition populaire , dont
tous deux lurent victimes, est symbo-
lisée par un monstre à sept têtes , qui
dévore deux hommes renversés j
l'exergue porte : Nohile par fra-
trum sœvofuror ore trucidât. Au-
tour se lisent ces deux vers :
Nunc redeunt animis ingentia consuUs acta ,
El JhrmidaU sceplris oracla ministri.
La seconde médaille représente les
deux hommes d'état avec l'inscrip-
tion : Illustrissimi fratres Joh. et
Corn, de JVitt, et derrière, deux
vaisseaux qui périssent du même
coup de vent. Le stathouder , à
qui il est difficile de ne point impu-
ter l'organisation du tumulte auquel
mit lin cette déplorable tragédie , ne
s'opposa point à ces tristes témui-
guages d'amitié et de regret. 11 dit
lui-même publiquement , à quelques
flatteurs qui lui faisaient leur cour en
calomniant la mémoire des deux frè-
res, qu'ils avaient été d'excellents
magistrats et de vrais républicains.
Sans doute un si habile guerrier riait
aussi de ceux qui répétaient autour
de lui ou qui écrivaient que Jean
de Wilt n'avait qu'une idée superii-
cielle de la guerre ; et que , livré uni-
quement à la diplomatie ou au
gouvernement intérieur , il s'imagi-
nait qu'une armée pouvait se faire en
un jour , et qu'il suffisait de com-
WIT loi
mander dans une place pour la bien
défendre. Ce ne sont point là les fau-
tes qu'on doit reprocher à ce grand
ministre , dont au reste les malheurs
résultèrent plutôt delà violence de ses
ennemis,jointe àla gravitédes circons-
tances , que d'aucune de ses actions.
Peut-être pourtant est-il juste de di-
re qu'il négligea trop les murmures
du peuple et les sermons des prédi-
cateurs séditieux. Peut-être aussi sut-
il trop peu céder au temps , et fut-il
trop ferme dans ses résohitious. Son
obstination à exclure le prince d'O-
range de l'administration des afl'ai-
res fut une des causes de sa perte.
S'il eût réussi à abolir pour tou-
jours le stathoudérat , la républi-
que eût iini par lui ériger des statues.
Du reste, personne n'a nié son cou-
rage, son intrépidité, sa patience
dans les maux. Peu d'hommes d'état
ont réuni à un plus haut degré la vi-
vacité de l'esprit, la solidité du ju-
gement, le don d'une éloquence per-
suasive , l'habileté pour les négocia-
tions et pour les affaires du gou-
vernement. Il était l'oracle des as-
semblées de l'état. Il mit un si grand
ordre dans les finances , qu'après
qu'il se fut démis de sa charge, les
Etats de Hollande le prièrent de leur
donner par écrit une idée des opéra-
tions qu'il avait suivies. Personne ne
connaissait mieux les différents inté-
rêts des princes. Nous avons vu ci-
dessus une preuve de son habileté
dans la science du pilotage , pour la-
quelle il paraît qu'il fut le premier
homme de son temps. C'est aussi à
lui que l'on attribue l'invention des
boulets à chaîne. On a de Jean
de Witt divers ouvrages , parmi
lesquels nous nommerons : 1. Ele-
menta linearum cwvarnm , Leyde ,
1 Q^o.W.Mémoires de Jean de JViit,
grand-pensionnaire de Hollande ,
101
la Haye, 1667; traduit en français
par M'»c. de Zoiitclandt, ib. , 1 709,
in- 12. Les Mémoires , pnbiies anté-
rieurement , mais sans l'aveu de l'au-
teur et avec des fautes qui les ren-
dent méconnaissables , sous le ti-
tre de V Intérêt de la Hollande y
1662 , sont divisés en trois parties.
Dans la première, il examine suc-
cessivement les principes de la pros-
périté et de la décadence des états;
puis , faisant l'application de ses
théories à la Hollande , il passe en
revue les avantages de cette provin-
ce, tant par rapport à ses produc-
tions que relativement à sa situation
et aux facilités commerciales. La co-
lonie, la paix , la guerre, les allian-
ces , les formes du gouvernement li-
bre, font l'objet du livre suivant.
L'auteur s'y déclare sans ménage-
ment, soit contre les guerres ofîén-
sives et cette manie des conquêtes
qui, dit-il, a toujours été un princi-
pe de dissolution et de mort pour les
républiques commerçantes, soit con-
tre je sîathoudérat, où il ne voit
qu'une royauté déguisée et la ruine
des franchises qni sont la base des
constitutions hollandaises. Dans la
troisième partie, il élargit cette dis-
cussion j et, an lieu de considérer sim-
plement la compatibilité du système
des stathoudériens avec les formes
répjiblicaines, il compare la républi-
que à la monarchie, lll. Lettres et
négociations entre Jean de JVitt et
les plénipotentiaires des Provinces-
Unies aux cours de France , d'An-
gleterre , de Suède , de Danemark
et de Polof^ne, depuis Van i652
jusqu^à î 6G9 , Amsterdam , 1725,
5 vol. in-i2j Irad. en français, 1728.
La /^/e de Corneille et de Jean de Witt
a été écrite par M*"*', de Zoutelandt,
Utrecht^ 1709; 2 volumes in-12.
P — OT.
WITT (Corneille de), frère da
précédent, naquit à Dordrecht le
25 juin 1623 , et se livra, dans sa
jeunesse, à la jurisprudence, ainsi
qu'à l'art militaire. 11 servit aussi
pendant plusieurs années sur la flotte
de la république , et s'y distingua
par une valeur à toute épreuve. Ce-
pendant, malgré le renom qu'il s'ac-
quit par son intrépidité et ses con-
naissances dans l'art de la guerre , et
malgré l'idée (^we peut inspirer la lé-
gende [Hic armis maximus, ille
togd) de l'une des deux médailles
que nous avons décrites ci-dessus, il
ne faut point s'imaginer, ainsi que
l'ont écrit quelques biographes , qu'il
ait jamais rempli les fonctions d'a-
miral ou de chef de la flotte , sous
quelque titre que ce soit. A l'époque
même où il jouit, ainsi que son frè-
re , de la plus haute autorité à la-
quelle de vrais républicains puissent
aspirer dans une république, il ne
fut que commissaire politique, en
d'autres termes , inspecteur du gou-
vernement sur les vaisseaux de la
confédération. C'est en cette qualité
qu'il se trouvait, en 1667, sur la
flotte hollandaise qui, pendant les né-
gociations de Bréda , alla , sous les
ordres de Ruyter, opérer des descen-
tes dans l'est et le midi de l'x'^ngle-
terre, et qui brûla plusieurs vaisseaux
anglais sur les ondes de la Tamise et
à quelques milles de Londres. Il rem-
plissait aussi une mission politique à
bord de la flotte, lors de la bataille de
Soult Baye ( 28 mai 1(372 ) ; et il s'y
comporta avec autant de valeur que
dans les premiers temps de sa jeu-
nesse. Mais c'est principalement com-
me magistrat qu'il est célèbre dans
les fastes de la Hollande. Bourg-
mestre de sa ville natale, député par
elle auxÉtats de Hollande et de Wesl-
Frise , enfm inspecteur des digues
WIÏ
dans le bailliage de Putteii , il montra
dans l'exercice de chacune de ces
charges une vigilance, un désintéres-
sement et une capacité rares. Sa fer-
meté surtout était admirable ; et il
n'opposait aux attaques les plus vio-
lentes de ses ennemis qu'un front se-
rein et inaltérable. Quoique moins
èleve que son frère dans la hiérarchie
politique, il joua cependant un des
principaux rôles sous son adminis-
tration , et fut un de ceux qui contri-
bufTcnt le plus au triomphe du parti
de Loevestein sur !es partisans de !a
maison d'Oraugr. La haine que lui
portaient ces fau leurs ellrincs de
J'omuipotence statlioudenduic parut
dans tout son joiw lors de l'abolition
de l'cdit perpétuel. Toutes les pro-
vinces av.iient été souîevces par eux;
et les magisiiatsdeDordreclitav.iirnt
signéla révocation. Corneille de Wilt,
après avoir combattu à Soult-Baye ,
avait été obligé par une maladie de
revenir dans sa ville natale. Les fac-
tieux coururent en foule vers sa mai-
son, et voulurent qu'il apposât sa si-
gnature à la révocation. 11 refusa.
En vain ses amis, ses parents, ses
domestiques , l'avertissaient qu'il y
allait de sa vie , qu'on ne pouvait ré-
pondre de celte populace irritée, qui
cernait sa demeure. « Croit-on , dit-
il , que depuis trente ans je brave les
ondes et la mitraille pour craindre
la mort dans mon appartement? »
Enfin cependant il céda aux instan-
ces de sa femme et de ses entants ,
qui se prosternèrent à ses pieds , en
le suppliant de leur sauver la vie;
mais il ajouta à son nom les deux
lettres V. C. La foule alors en de-
manda le sens; et comme il répondit
que c'étaient les initiales des mots
latins vicoactus, obéissant à la vio-
lence , le tumulte recommença avec
plus de force, jusqu'à ce que des
WIT io3
amis grattassent les deux initiales
trop véridiques ; encore fut-il oblige
de se défendre contre des assassins ;
et ce ne fut qu'avec beaucoup de pei-
ne que ses domestiques le préservè-
rent du courroux de la multitude. Peu
après un deceshommes qui font tou-
jours cortège à la tyrannie, un miséra-
ble barbier, nommé Tychelaer, note'
d'infamie pour divers crimes, alla
annoncer aux Etats que le grand-bail-
li de Puttcn , le croyant du parti anti-
stathoudérien, avait essayé de le dé-
terminera assassuierleprince d'Oran-
ge. Quoique cette accusation lut dé-
mentie par la contradiction et l'ab-
surdité des ])reuves , non moins que
par le caiactère du dénonciateur,
et de celui qu'il dénonçait, les ju-
ges n'osèrent s'oj)poser au torn lit po-
pulaire ; et C-oriK'dle de Wilt, em-
prisonné à la Haye, le 'if\ juillet, et
conduit ensuite devant les États, se
vit, pourprixdeses services, livré aux
tortures de la question préparatoire,
et déchiré par les plus cruels tour-
ments. On dit que dans cette situa-
tion il cita à haute voix la belle
strophe d'Horace :
Jiislum et tenaccm proposilt virum
JSon civium ardor pravu jubentium , etc.
Comme on n'alléguait aucune charge
décisive contre lui , si ce n'est le té-
moignage isolé de son accusateur, ses
ennemis ne purent faire décréter la
sentence de mort; mais il fut dépouil-
lé de ses dignités , ainsi que de tous
ses biens , et condamné à un bannis-
sement perpétuel. La haine appela de
cette sentence à la rébellion; et nous
avons vu dans l'article précédent
comment les deux frères périrent, dé-
chirés par les mains de leurs com-
patriotes. — WiTT ( Jean de ) ,
chanoine d'Utrecht . mort à Rome
en 1622, était un des plus savants
philolognes de sou temps. 11 a pu-
io4 WIT
blié une Histoire de Charles VI ,
e'crite en latin par un moine de Saint-
Denis , et quelques opuscules de Ful-
gence^ etc. P — ot.
WITTE (LiÉviN de), peintre,
naquit à Gand vers l'an i5io. Il
excellait à peindre rarcîiitecturc et
la perspective. Il finit par peindre
rhistoire avec succès, et Ton faisait,
de son temps, beaucoup de cas de
son tableau repre'sentanl la Femme
adultère. Ses ouvrages sont rares et
estimës.U existe dans l'église de Saint-
Jean à Gand plusieurs vitraux fort
beaux, peints d'après ses composi-
tions. De Witte avait aussi du talent
comme architecte. L'électeur Maxi-
miJien de Bavière av-ait formé le
projet de construire le grand palais
électoral de Munich, d'après ses pro-
pres plans; mais on sait que de Witte
y eut la plus grande part , et que la
décoration intérieure surtout lui fut
spécialement confiée. L'escalier pas-
sait pour un chef- d'œuvre d'archi-
tecture ; mais il faut le chercher au-
jourd'hui , parce que l'entrée en a été
changée. Un des ouvrages qui con-
tribuèrent également à sa réputation,
c'est !e mausolée de Louis de Bavière,
qu'il a élevé dans l'église de Notre-
Dame de Bavière , et qui peut soute-
nir le paraifcle avec les plus beaux
monuments de ce genre. Cet ouvrage
remarquable nous prouve de plus
que de Witte n'était pas moins habi-
le sculpteur que peintre. Il mourut à
Munich, toujours attaché au service
de l'électeur. — Camille de Witte,
frère de Candito ( Foy. ce nom ),
embrassa la carrière militaire, et fut
reçu oliicier dans les gardes de l'élec-
teur de Bavière ; cependant il vou-
lut comme son frère cultiver la pein-
ture , et , quoiqu'il n'eût commencé
que fort tard à manier le pinceau ,
il devint lin peintre de j^^ysagc
WIT
assez habile. — Emaniiel àe Wjtte,
peintre d'architecture , naquit à
Alcmaer en 1(307. Son père, assez
bon humaniste et mathématicien ,
tenait une pension ; il voulut di-
riger lui-même l'éducation de son
fils , et lui fit faire d'excellentes étu-
des. Mais le jeune Émanuel avait un
penchant décidé pour la peinture. Il
entra chez Van Aelst , qui le conduisit
à Delft , et il ne tarda pas à s'y distin-
guer par plusieurs tableaux d'histoire
et de beaux portraits. Il vint ensuite
habiter Amsterdam , et quitta le gen-
re qu'il avait cultivé jusqu'alors ,
pour s'adonner uniquement à la pein-
ture de l'architecture. D'un caractère
jaloux, inquiet et peu sociable, il
ne pouvait vivre avec personne , et
ses meilleurs amis n'étaient point à
l'abri de son humeur bizarre. Ses
plaisanteries étaient parfois si inju-
rieuses , qu'il était impossible de les
supporter, et Lairesse, contre lequel
il s'en permit un jour une trop forte,
fut obligé de le traiter de manière
à lui donner plus de retenue. Sa vie
est pleine de traits de ce genre ; mais
il raciietait ces défauts par la beauté
de ses ouvrages. Peu de peintres
ont représenté des intérieurs d'église
avec autant d'art et une intelligence
aussi admirable ; et personne ne l'a
surpassé dans la manière de saisir
les jeux de la lumière , et les diffé-
rents tons de couleur qu'elle reçoit
des objets environnants. Il a peint
l'intérieur de la plupart des églises
d'Amsterdam , sous des aspects dif-
férents. Il y montre tantôt un pré-
dicateur en chaire au milieu d'un
nombreux: auditoire , tantôt la foule
qui entre dans l'église, ou qui en sort.
Il tire le plus grand parti des oppo-
sitions que lui présentent soit un buf-
fet d'orgue, soit un mausolée; et ses
figures bien coloriées , dessinées avec
WIT
finesse, et touchées avec esprit et in-
telligence, ajoutent un nouveau prix
au reste de la composition. On re-
grette un tableau , regarde comme
son chef-d'œuvre, et qui représentait
la nouvelle église d'Amsterdam, dans
laquelle se trouve le tombeau de l'a-
miral Ruyter. Ce tableau lui avait ëte'
commande par le frère de ce célèbre
marin; mais cet amateur mourut
avant que le travail fût terminé. Ber-
nard Soomer , gendre de l'amiral,
ayant refusé d'en payer le prix con-
venu _, le peintre, dans son dépit,
le mit en pièces, au grand regret
de tous les amateurs. Malgréla beau-
té de ses ouvrages, de Witte, tou-
jours malheureux par son caractère,
fut assailli dans sa vieillesse par la
misère. Repoussé par tous ceux qui le
connaissaient, et ne pouvant suppor-
ter les justes reproches de son hôte,
il jura de ne plus remettre les pieds
chez lui : c'était en l'année 1692. Pen-
dant quelque temps, on ignora ce
qu'il était devenu ; mais après le
dégel on trouva son corps près de
Féclusc d'Harlem. Une corde qu'il
avait au cou fit présumer qu'il avait
voulu se pendre, et que la corde avait
cassé. Il était alors âgé d'environ
quatre-vingt-cinq ans. — Pierre de
WiTTE, peintre, naquit à Anvers
en 1620.11 jouit, comme paysagiste,
d'une réputation méritée. Sestableaux
sont agréablement composés , d'une
couleur aimable, d'une touche lé-
gère et pleine de goût. On les payait
fort clier de son vivant , et depuis sa
mort ils n'ont fait qu'augmenter de
prix. On ne croit pas qu'il ait jamais
quitté son pays. — Son frère , Gas-
pard de Witte , naquit dans la mê-
me ville, en 1621. Il se rendit fort
jeune en Italie , et y demeura long-
temps. A son retour il séjourna en
France , où sa réputation l'avait de-
WlT io5
vancé , et oii il vit son talent estimé
et encouragé. Son succès ne fut pas
moins grand dans sa patrie , où il se
fixa , après avoir renoncé aux voya-
ges. Il peignait le paysage en petit ,
et ornait ordinairement sa façade de
débris d'architecture , souvenirs de
son séjour en Italie. Sa couleur était
fine et transparente , et le fini de son
pinceau ajoutait même encore au va-
poreux avec lequel ils étaient peints.
Quelques amateurs préfèrent ses ta-
bleaux à ceux de son frère Pierre.
P— s.
WITTE ( Pierre de ). Voyez
Candito.
W I T T E ( Gilles de ) , célèbre
théologien janséniste , naquit à Gand
en 1648. Il n'avait pas encore ache-
vé ses cours , lorsqu'il eut une dis-
pute très-vive avec le P. Estrix , sur
le mode suivi dans les écoles pour
l'enseignement de la théologie; et
depuis il ne cessa de faire une guerre
opiniâtre aux jésuites , ses premiers
maîtres. Étant venu peu de temps
après à Paris, il s'y lia d'une manière
intime avec Arnauîd, et travailla sous
sa direction à perfectionner ses con-
naissances. De retour dans les Pays-
Bas , en 1684 , il fut nommé doyen
et curé de l'église de N.-D. de
Malines. Ayant été dénoncé à l'au-
torité supérieure par trois méde-
cins devant lesquels il avait dit
que le papie était soumis aux con-
ciles , il soutint cette opinion dans
divers écrits qui tinrent long-temps
divisés les théologiens de Hollan-^
de. Le nouvel archevêque de Ma-
lines , Guillaume de Précipiano , s'c-
tant déclaré contre les jansénistes,
de Witte prit à tâche de critiquer
toutes les opérations de ce prélat ;
mais voyant que cette lutte inégale
ne pouvait avoir qu'un résultat fâ-
cheux , il donna en 1691 sa démis-
îo6 wr
sion de sa cure, et revint à Gaiid d'où
il passa bientôt à Utreclit. 11 publia
dans cette ville , en 1696 , une
version flamande du Nouveau-Testa-
ment. Martin Steyaert {V. ce nom),
son compagnon d'ëtudes et son ami,
ayant critiqué quelques passages de
cette version , de Witte lui repondit
de la manière la plus brutale • et la
mort de son adversaire n'apaisa
point son ressentiment. De Witte prit
la défense de M. Codde , arche-
vêque d'Utreclit , déposé comme
suspect de jansénisme. 11 se montra
l'un des plus grands adversaires de
la bulle Vineam ; çl soutint que ceux
qui signaient le formulaire s'enrô-
laient parla dans l'armée de l'ante-
ciirist. L'âge ne ralentit point son ar-
deur pour les disputes. 11 se signala
par la vivacité de ses attaques contre
la bulle Unigenllus ,et mourutau mi-
lieu des débats qu'elle avait suscités,
k 7 avril 17 '2 1 , à l'âge de soixante-
treize ans. Tous les ouvrages de de
Witte sont empreints de la passion
qui les a dictés, et ne présentent au-
cun intérêt. Ils ont été publiés pour
la plupart sous des noms empruntés,
dont Barbier a donné la liste alpha-
bétique dans son Dictionnaire des
Anovymes , n«. :2ï 1 3 1 ( i ;. Les cu-
rieux peuvent consulter l'Idée de la
vie et des écrits de M. G. de JVitte,
Rome (Amsterd.), 1756, in-iade
024 P^S- {'^')' Où y trouve les titres
de cent quarante , opuScules de de
Witte. L'auteur ( Pierre Leclerc ),
qui nomme deWi t te un grand homme,
(«) De Wilte s'esf caché sous vingt noms diffé-
rents : JE'^ùlius Albanns, h'rb'uus Alelhoph'dus ,
J, Atiieliiis, Avitus ylcademirus , ./K^idius Candi-
dus, J, Canlor, CalhoLicus Pldlorietes , etc.
(p.) On trouve aussi des détails sur de W^itte
dans un autre ouvrage de P. Leclerc . intitulé :
/yc Renversement de la nligion cl des lois divines
e/ ^Mma;ne5, par toutes les bulles et brefs donnés
depuis deux cents ans contre Raius , etc., Home,
( Auisterd. ), 175G, a vol. iu-i«.
WIT
dit qu'il serait utile pour l'Église
qu'on fît une nouvelle impression de
tous ces écrits qui sont devenus si ra-
res , qu'il a eu beaucoup de peine à
trouver ceux dont il rend compte
{Préf.,\ ), Les travaux les plus utiles
de de Witte sont sans contredit ses
versions flamandes du Nouveau- Tes-
tament , de la Bible et de V Imitation
de J.-C; mais, ses adversaires les
ayant fait condamner , les exemplai-
res en ont presque entièrement dis-
paru. W — s.
WITTICHIUS-WŒSTHOVIUS,
poète latin allemand , naquit à Bo-
sov , petit village de l'évêché de Lu-
beck, en 1577 , et fit ses premières
études dans les écoles de sa ville épis-
copale. De là il alla à Rostock et à
Francfort sur-l'Oder, oli il se mit ei
état de suivre les cours académiques^
visita les universités de Leipzig
d'Iéna , d'Altdorf, d'ïngolstadt , d
Baie J parcourut successivement l'I
talie, l'Autriche, la Bohême , la Li
thuanie, la Courlande et la Prusse
et enfin se rendit à Berghen en Nor-
wége , où son père, autrefois minis
tre de Boson , avait été envoyé, d
puis peu , par le sénat de Lubeck
comme pasteur de l'église allemande i
mais il ne resta qu'environ un an
dans la maison paternelle; et quit
tant la Norvvége , il alla à Copenba-
gue, pour se livrer à l'étude de la
médecine, sous Thomas Finchius "
puis à Leipzig , où il publia son pre
mjer Recueil de poésies latines. Ce
taient de violentes et grossières épi
grammes. Le peu d'accueil qu'on leui
lit et les vives réclamations auxquel
les elles donnèrent lieu l'engagf^ren
à dire un adieu éternel à la Saxe. I
revint en Dane'm.irk , en i6o3 , et fi
nommé presque immédiatement rcG
teur de l'école d'Harlov dans l'î
le de Zélandej obtint, quelques an
WIT
nées après , le titre et les privilèges
de noble du roi de Danemark, Chris-
tian IV , et de l'empereur Matliias ,
à qui il fut pre'senté , en i6i3 , à la
dicte de Ratisbonne ; il se rit ensuite
charge de la direction des études du
jeune Christiern, duc de Brunswick,
et enfin obtint, en 1O19 , du monar-
que régnant (Christiern IV) un ca-
nonicat de la cathédrale de Lunden
en Schonie. C'est là qu'il mourut^ en
1643. Ses principaux ouvrages sont :
I. Plusieurs recueils iVÈpigrammeSy
savoir : 1°. Libellas epigraruma-
tum adversiis Conradiim Hittershu-
sium et Fridericiim Tauhmannuiii
pro poetîs laureatis. C'est le Re-
cueil d'épigrammes dont nous avons
parlé ci -dessus. Taubmann et Rit-
lershuys ne répondirent point : mais
tilie Putschius eut moins de patience;
et, prenant la défense des deux pro-
fesseurs de Leipzig, il reprocha à
leur antagoniste une foule de solécis-
mes et de baibarisnies, et ne fut pas
plus économe d'injures dans sa prose
que Wcsthovius ne l'avait été dans
ses vers; 'i"^. Epigrummata miscel-
lanea, t6o(3; S^. Epigrammala ad
Christianum N , prbicipem Danice
ac Norwegiœ regem desigualuin ;
4". Epigrammatum lihri très prio-
res ^ i^^-y ; Epigrammatum libri
très posLeriores , 1646. II. Oaù.icc
poetica , 1604. III. ^utoschedias-
ma {impioyïsation)poeticumin lau-
deiii regiœ Danorum academiœ
Hafniejisis , i6o4j, in -4". IV. Isa-
' goge seii introductio ad dialecti-
cain Philippi Melanchlhonis , iGo5;
Isagoge seu introductio ad rhetori-
cam Fhil. Melanchthonis , 1606. V.
Poematum, pars prima y i()o6; —
pars secunda y 1621. Vï. Urhes et
oppida Zeelandice , insulœ regni
danici prœstantissimœ , epigram-
matis delineata f 1607. Vil. Iso-
WIT 107
cratis oratio parœnetica de legiti-
mo régis officio , carminé heroico
reddita , i (i i o . VI 1 1 . IM ô).û rip icf. de
hello per Christianum, IF y Dano-
rum regem, adversùs Carolum IX y
Sueciœ regem , juste suscepto et
prospère conlinuato, 1 6 1 1 . 1 X. Em,-
hlematum liber divo Mathiœ Ro-
manorum imperatori augustissimo
sacratus y 161 3 , présenté par l'au-
teur à l'empereur Mathias, lorsqu'il
reçut de lui ses lettres de noblesse.
X. Jrbuscula parnassca , 1619.
XI. Poematum in festum connu-
biale Christiani F ac Magdalenœ
Sibjllœ electoris Saxonici filiœ ,
ï634. Xll. Illustres sentenliarum,
flores è Saxonis grammatici libris
XVI historiée damcœ lecti , 1617.
Ces divers ouvrages sont générale-
ment médiocres. On voit que le poè-
te avait plus de mémoire qne d'ima-
gination , plus d'érudition que de ge'-
nie. On excuserait pçut-cîre ces dé-
fauts y qui pourtant ne sont guère
plus compatibles avec la vivacité de
i'épigramme qu'avec l'éclatde la hau-
te poésie ; mais l'aiFectalion et le
mauvais goût qui régnent dans toutes
ses compositions en rendent la lectu-
re insoutenable. On peut en juger par
les trois distiqiies suivants , compo-
sés , peu de temps avant sa mort ,
pour lui servir d'épitaphe :
Miinde intmunde , vale ! Iiinc nd mundum iranseo
mundiim .
Miindus eiio ; immundi nnin capit œllira nihll.
Tpsc suo toliini mnndavil sanguine Clirls/u.t;
Esl niundaiidi alius non tilii , miinde , modus.
Exid I ram deries fex et sex insnpcr annon;
J\ une cœlo rcductrn pallia latajovet.
On dirait que l'auteur de tels vers
a pris à tâche de justifier la criti-
que un peu vive de Putschius , dont
nous sommes obligés dé partager ici
l'avis , quant à la latinité de Wcstho-
vius , latinité qui certes n'a rien de
celle d'Horace et d'Ovide , ni même
de celle de Stace ou de Martial. Ce-
io8
WIT
pendant nous avouerons que , dans
le nombre des pièces de Westhovius
que nous avons parcourues , quel-
ques e'pigrammes nous o»t paru
avoir un tour piquant, et se ter-
miner par des traits ingénieux , et
que son ëpilhalame pour le ma-
riage de son élève avec Sibylle de
Saxe, ainsi que le soi -disant im-
promptu à la louange de l'académie
de Copenhague, ne sont dépourvus
ni de vivacité ni d'élan poétique.
P— OT.
'WIÏTIGHIUS ( Christophe ) ,
savant théologien protestant , était
né, le 7 octobre lôiS, à Brieg , dans
la Bassc-Silésie. Son père , vice-sur-
intendant ecclésiastique de cette ville,
cultiva ses dispositions pour l'étude
avec le plus grand soin. Il fréquenta
successivement les académies de Brè-
me , de Groningue et d'Utrecht , et ,
après avoir terminé ses cours, fut
nommé professeur de mathématiques
à Hcrborn (i65i), d'oi^i il passa
bientôt a. Duisbourg. Le gymnase de
cette dernière ville ayant été érigé en
académie ( i655 ) , Witlichius y re-
çut le doctorat dans les facultés de
philosophie etde théologie , et se ren-
dit à Nimègue où il remplit, pendant
seize ans , une chaire de théologie avec
le plus grand éclat. Son attachement
aux principes de Descartes l'enga-
gea dans des disputes très-vives, qui
ne firent qu'ajouter à sa réputation.
En 1671 ^ il fut appelé à Taca demie
de Leyde, la première des Pays-Bas,
et s'y montra le digne rival des plus
illustres professeurs, il mourut dans
cette ville le 19 mai 1G87 ' ^ ^'^8^ ^^
soixante-deux ans. Gronovius pronon-
ça son Oraison funèbre. Une mé-
daille frappée en son honneur est fi-
gurée dans Van Loou, Hist. Pen-
ningen. , m , 349, et dans le Muséum
Mazzuchdîian, j, 11, pi. i33. Outre
WIT
quelques thèses et les éloges d'A,
Heydart etde J. Schulting, son col-
lègue , on a de Wittichius : I. Co?i-
sideratio theologica de stylo S»
Scripturce, etc., Lcyde , 1 656, iu-
12. II. Theologia pacifica ^ ibid. ,
1671 , in-4^. j nouv. édit. avec un
appendix, ibid. , 167*2 , in-4^.; 3^.
édit., i683 , in-4^. III. Exercita-
tiones theologicœ quinque , ibid. ,
1682 , in-4°. IV. Causa Spiritûs
Sancti victrix , ibid. , 1682 , in-8<>.
V. Consensus veritatis in scripturâ
dii'ind et infallibili rei'elatœ , cum
veritate philosophicd à Cartesio dé-
tecta ^ ibid., 1682, in-4°. Cet ou-
vrage est un des plus importants
que Wittichius ait publiés. Aucun
docteur protestant n'a su mieux con-
cilier le cartésianisme avec la théo-
logie. VI. Metalleia , seu Imesti-
gatio epistolœ ad Romanos , ah
apostolo Paulo exaratœ gr, lat. ,
ibid., i685,in-4«. ^\\, Investiga-
tio epistolœ ad Hebrœos, etc. , Ams-
terdam, 1692, in-4*^. VIII. Anti*
Spinosa , sive examen ethices Ben.
de Spinosa et comment arius deDeo.
et ejus attrihutis , ibid. , 1690 , in-
4'^ Cet ouvrage et le précédent ont
été publiés par le frère deWittichius ,
avocat à Aix-la-Chapelle. On trouve
une notice sur ce célèbre théologieik
dans le Dictionnaire à&^di^\t. W-s.
WITTOLA ( MARc-Ar^ToiNE ),
prévôt mitre de Bienko en Hongrie ,
était né à Kosel en Silésie le 2 5
avril 1736. Étant devenu curé de
Scheiïerling , dans l'Autriche supé-
rieure , il embrassa avec chaleur les
opinions théoiogiqucs que l'on favo-
risait alors dans les états autrichiens^
et il traduisit en allemand plu-
sieurs livres français oii elles étaient
enseignées , surtout les écrits des
Appelants , et se mit en correspon-
dance avec un des plus ardents de
WIT
cette secte, Va]ûié de Bellegarde. En
mourant , l'abbé de Stock , partisan
zélé des nouvelles reformes, désigna
Wittola à Marie-The'rèse , comme
l'homme le plus propre pour bii suc-
ce'der* la princesse se contenta de
donner à ce dernier la curedePropst-
dorf, qui était vacante, et elle l'ad-
joignit à la commission de censure.
Il fut destitué pour avoir approuvé
la réimpression du Prospectus des
Annales des Jésuites, par Gazai-
gncs. Afin de s'insinuer à la cour ,
Wiltola parlait avec enthousiasme
des reformes que Joseph II poursui-
vait avec tant de chaleur j et il publia
alors : I. Lettres d'un curé autri-
chien sur la tolérance ( ail.) , Vien-
ne, i-jSî et 1782 , in-8o. II. Texte
d'un intolérant d'Augsbourg, avec
les notes d'un Autrichien tolérant
( al lem.), Vienne, 1782, in-8". En
I784 , il commença à publier la Ga-
zette ecclésiastique , qui était rédi-
gée dans le même esprit que les Nou-
i>elles ecclésiastiques. Cette gazette
' ayant cessé en 178g, il la reprit en
1790, sous ce titre : Mémoire des
choses les plus récentes sur l'ensei-
gnement de la religion et l'histoire
de l'Église, et la continua jusqu'en
1793. 11 mourut subitement à Vien-
ne, le 25 nov. 1797. Wittola a ira-
Auit les Actes du concile de Pis-
toie , avec les Pièces qui y sont re-
latives ; les Discours de Fleury sur
r histoire ecclésiastique ; V Abrégé
de V Ancien et du Nouveau Testa-
ment, par Mésenguy ; le Directeur
spirituel pour ceux qui n'en ont
point, par Treuvé; V Instruction
pastorale , par Rastignac • la Reli-
gion chrétienne méditée , par le P.
Jard, et le Catéchisme àe Bossuet.
Les biographes protestants vantent
fort le zèle de Wittola j et, eu faisant
son éloge , la Chronique des honnê-
WIT 109
tes gens le désigne comme un enne-
mi des Jésuites , du monachisme ,
ainsi que du curialisme des Ro-
mains. G — Y.
WÏTTWP:R (Philtppe-Louis),
né à Nuremberg le 19 mai 1752,
y commença avec distinction ^ en
1776, sa carrière médicale. Sa ré-
putation le conduisit, en 1788, à
une chaire de l'université d'Altdorf,
que sa sauté le força de quitter l'an-
née suivante. Il mourut à Nuremberg,
le 20 décembre 1792. Nous avons de
lui :I. Delectus dissertationum me-
dicarum Argentoratensium , Nu-
remberg, 1777 à 1781 , 4 vol. in-
8<^. II. Vie de /.- R.Spielmann,
professeur de médecine à Stras-
bourg , etc. ( allem. ) , Heimstœdt et
Leipzig, 1784,, in-8". 111. Archives
pour l'histoire de la médecine, Nu-
remberg , 1 790 , 2 vol. in-8*'. — Son
père, habile médecin et accoucheur
à Nuremberg, a publié : Dissertalio
devomitu, Alldorf, 174^? in-4^.
G— Y.
WITZENDORF (Guillaume),
historien et philosophe allemand, né,
le 1 3 janvier 1 609 , à Medingen dans
le comté de- Lunebourg, étudia à
Wittenberg, où il prit en i63i le
degré de maître-ès-arts; voyagea en
Hollande , en Angleterre et en Dane-
mark , €t enfin se fixa en Prusse , où
il fut successivement professeur de
phdosophie pratique à Kœnigsberg ,
surintendant et pasteur à Bardewick
et premier pasteur à Rastenbourg. Il
mourut le 17 février 1746. On a de
lui , entre autres ouvrages intéres-
sants pour l'histoire de l'Allemagne :
I. De Cœsare Romano. II. Diseur-
sus de status et adniinistrationis
imperii romani forma hodiernâ ,
etc. 5 dissertation où Witzendorf sou-
tient contre Jean Linnaeus l'opinion
de Reinking en faveur de l'omnipo-
Bcrgiwn
WLA
tence monarcliique de l'empereur.
LiiniiTus répondit par une Disserta-
tion apolugélif/uc. III. De arte fé-
liciter rempuhlicam administrandi.
IV. De prœmiis et pœnis. V. Col-
legiunipnliticiwi. Witzendorf a aus-
si écrit sur la théologie; et l'on dis-
tingue, parmi ses publications sur cet-
te matière, une Dissertation Deprœ-
cipuis punctis de sanctd Cœnd inter
Liillieranos et Calvinianos contra
P— Oï.
WLADIBOY, duc de Bohême,
était le second fils de iMieczyslas I^i-.
et frère cadet de Bolcslas I^»"., roi de
Pologne. iMecontent de l'apanage qui
lui était échu après Ja mort de son
père , ce prince alla à Kiow trouver
Vladimir-!e- Grand, qui, saisissant
avec joie cette occasion, entra dans
la Chrobatie et ia ravagea ( 992 ).
Ayant été arrêté par une irruption
de Pieczyngowiens , le prince russe
conclut avec Buleslas un arrange-
ment , dont on ne connaît point les
conditions. Ce qui est certain, c'est
que Wladiboy, probablement aban-
donné par les Russes , se réfugia en
Bohême, près du duc Boleslas II,
son oncle maternel. A son instiga-
tion, les Bohémiens entrèrent dans
la Silésie supérieure , et s'avancèrent
jusqu'à Gracovie, dont ils s'emparè-
rent après une faible résistance. Ils
donnèrent à Wladiboy la partie de
la Silésie qu'ils venaient de conqué-
rir , ne se réservant que la ville de
Gracovie, que le roi de Pologne re-
prit peu de temps après. Plus tard ,
Wladiboy se réconcilia avec son frè-
re, et retourna en Pologne. Boleslas
III , duc de Bohême, ayant , par sa
cruauté et son avarice, soulevé con-
tre lui toute la nation , les mécon-
tents jetèrent les yeux sur Wladiboy
pour le mettre à la place de leur duc.
Ils vinrent le trouver en Pologne ,
is
WNY
et lui représentèrent que tenant de
si près à leurs princes par sa mère .
Dombrowska (t) , il n'aurait qu'à
montrer , et qu'aussitôt toute la na-J
tion se mettrait de son parti. Wladi
boy pressentit le roi son frère , qui]
lui accorda facilement la permission'
qu'il desirait. Le prince polonais
étant entré en Bohême ( loci) , à laj
tête d'un parti nombreux, mit ei
fuite Boleslas Ilï, se fit reconnaître
duc de Bohême, et afin d'affermii
son autorité, il alla trouver à Bâtis-
bonne l'empereur Henri II, qui con-
firma le choix fait par la nation bo-
hémienne. Le prince reconnaissant
prêta foi et hommage à l'empereur.
Mais à peine eut-il gouverné la Bo-
hême pendant un an, qu'il fut obli-
gé de s'éloigner et de rentrer en Po-
logne. Depuis cette époque ( ioo3),
il vécut dans l'obscurité. G — y.
WLADIMIR. Foj^. Vladimir.
WLaDISLAS. rq/.VLADISLAS,
WLASTA. /^qr. Vlasta.
WNYSLAS , quatrième duc de
Bohême, succéda, en ^57, à son pè
re Vogen. Pendant les seize premiè-
res années de son règne , il ne s'oc«
cupa que de l'administration inté-
rieure , et construisit un grand nom-
bre de châteaux, autour desquels se
sont élevées des villes aujourd'hui"
florissantes. Il agrandit et fortifia
Prague, que Przemyslas , son aieul , ,
avait fondé. Par ses soins , les trou-j|
peaux qui faisaient la richesse de la'
Bohême se multiplièrrnt dans tou-
tes les parties du duché. Il fit frap-
per des pièces de monnaie que l'on
donnait en échange aux peuples de
la Germanie et de la Moravie, ])our
les objets d'industrie qu'ils introduis
(0 Cette princesse, fille de Boleslas I^r, , duc d«
Bohème, e'pouse de Mieczyslas I<"". , duc de Polo.,
gne , est appelée la ClolUda des Polonais , parce
qu'elle convertit son éponx à la foi cbrétienDC.
WNY
saient en Bohême. Ce bonheur inté-
rieur fut tout-à-conp trouble', lors-
qu'en 7-^*2 Charleniagnc, après avoir
soumis la Germanie occidentale, s'a-
vança contre les Saxons. Les Slaves
Czèches, qui depuis le commence-
ment du cinquième siècle avaient en-
vahi la Bohême, s'étaient réunis aux
anciens habitants, Germains d'ori-
gine , ainsi que les Lusiziens , et les
Wilsiens , également Slaves , établis
le long de l'Elbe, jusqu'aux mers du
Nord. Tous ces peuples avaient un
intérêt commun à se défendre avec
les Saxons , qui étaient aussi un mé-
lange de Germains et de Slaves. Il
se lit contre Charlemagne une ligue
générale. En lisant Éginhard et les
autres historiens francs de cette épo-
que , on voit que le soulèvement s'é-
tendit depuis l'embouchure de TEIbe
etduWeser jusqu'au Daîuibe. Wnys-
las fut donc l'allié de Witikind ( F.
ce nom). Les Saxons s'étant soumis
en 7-^9, Charlemagne leur proposa
de se joindre à lui pour forcer les
peuples slaves à mettre bas les ar-
mes. Au lieu d'obéir à cette invita-
tion, les Saxons réunis aux Slaves
se jetèrent sur Geil et Adalgise , lieu-
tenants de Charlemagne; et, après les
avoir complètement battus , ils se
répandirent dans la Germanie jus-
qu'auxbordsduRhin. Apprenant que
Charles s'avançait lui-même contre
eux , ils se retirèrent, chargés de bu-
tin , et poussant devant eux les trou-
peaux de prisonniers qu'ils desti-
naient à l'esclavage. Witikind se
soumit en 786^ mais Wnyslas sou-
tint encore son indépendance. En
789 , Charlemagne , ayant avec le
secours des Saxons et des Frisons
vaincu les Slaves établis sur les deux
rives de l'Elbe inférieur , voulut
aussi pénétrer en Bohême* mais il
fut repoussé avec une perte considé-
WOD
m
rable. Il paraît que Wnyslas n'était
plus , et que ces derniers événements
arrivèrent sous le règne de son fils
('rzezomyslas, que son oncle Wra-
tislas , frère de Vnyslas , aida effi-
cacement dans cette dernière lutte
soutenue pour la défense de la liberté
germanique. Les descendants de ces
princes slaves se sont maintenus en
Bohrme , d'abord comme ducs , en-
suite comme rois, jusqu'à la mort de
Venceslas V, arrivée en i3o6. Alors,
leur race étant éteinte, la Bohême
est passée entre les mains des princes
allemands. G-y.
WOBESER (Ernest'Guillau-
ME de), littérateur allemand, né
en 17 '27 à Lukenwald dans le pays
de Brandebourg , passa dix-huit ans
à la cour du prince de Neuwied , qui ,
pendant la guerre de Sept- Ans , l'em-
ploya dans des missions importantes.
Il quitta , en 1764, la religion pro-
testante pour entrer dans la com-
munion des Anabaptistes ou Frères
Moraves, auxquels depuis cette épo-
que il consacra son activité et ses
connaissances dans le maniement des
affaires. Il a traduit en vers : I. Les
Odes d'Horace j Leipzig, 1779 , et
Gorlitz, 1795. II. h'' Iliade d' Ho-
mère j Leipzig, 1781 - 17B7. III.
Les Psaumes de David j Winter-
thur, 1793.11 a aussi fait paraître
le Recueil de ses poésies , Francfort,
1758, et Leipzig, 1,779. Il était
occupé à traduire V Enéide ; et il
terminait le troisième livre , lorsque
la mort le surprit, le 16 décembre
1795, à llerrnhut, chef-lieu de la
communion des Frères , dans la
Haute- Lusace. G — y.
WODHULL (MiCHAEL), littéra-
teur anglais, né en 1740 à Then-
ford en Northamptonshire, reçut la
première instruction à Twyford en
Buckinghamshire, et fit ses études à
II 2 WOD
Tccolc de Wiucliester et à rimiver-
sité d'Oxford. La mort de sou père
le rcudit de bonne heure possesseur
d'une fortune considérable, qui lui
permit de se livrer presque unique-
ment à son goût pour la culture des
lettres ;, ainsi que pour l'acquisition
des livres précieux et rares. Il publia,
à divers intervalles , des poèmes
qui respirent en ge'ne'ral des senti-
ments nobles et élevés , particulière-
ment V Egalité du genre humain,
i-^ôS, qui reparut avec des amélio-
rations, en 1798, in-8<^. Mais il est
plus généralement connu comme tra-
ducteur , en vers anglais , de toutes
les tragédies et fragments qui restent
d'Euripide. Cette traduction parut
pour la première fois en \']S'i , 4 V.
in-8''. , et a été réimprimée depuis , en
3 vol. de même format. Le traduc-
teur a donné la préférence au vers
blanc , comme étant le mieux adapté
au dialogue • et il a rendu presque
tous les chœurs dans des odes pinda-
riques. Quel que soit le mérite de ce
travail , la traduction du même tra-
gique , par Robert Potter , qui fut im-
primée presque en même temps ,
est plus estimée. Wodhulî profita
d'un court intervalle de paix pour
venir, en i8o3, dai^s la capitale de
la France, visiter les grandes bi-
bliothèques qu'elle renferme. Il fut
un des Anglais que le chef du gouver-
nement français retint alors prison-
niers. On le mit ensuite en liberté,
par égard pour son âge; mais Wod-
hulî ne rentra dans son pays qu'acca-
blé d'inlirmités. En 1 80.4, il corrigea
et réunit les poésies qu'il avait don-
nées au public séparément, et en for-
ma , sous le titre de Poèmes divers
( Miscellaneous poems ) , un volume
in 8"^., orné de son portrait , et des-
tiné à ses amis. Outre V Egalité du
genre humain y on trouve dans ce
WOD
volume , entre autres productions ,
cinq Odes et treize Épîtres adressées
à di(Férents amis. L'auteur n'y a pas
admis une Ode à la critique , com-
posée dans sa jeunesse, et dirigée
contre le mérite littéraire de Thomas
Warton ; mais celui-ci , pour se don-
ner sans doute le plaisir d'une petite
vengeance^ a pris soin de conserver
cet opuscule peu estimable , en l'in-
sérant dans le recueil intitulé le Sau-
cisson d' Oxford. WodhuU est mort *
dans son lieu natal , le 1 o novembre
1816. On a rendu hommage à ses
vertus , et surtout à sa bienfaisance
sans faste. Après avoir donné un
grand nombre de ses livres , il en a
encore laissé plus de quatre mille ,
qui sont, pour la plupart, des pre-
mières éditions et des monuments de
l'imprimerie naissante. L.
WODROW (Robert ) , Écossais,
fameux par une Histoire ecclésiasti-
que de son temps, naquit en 167g.
Il était iîls du révérend James Wo-
drow , professeur de théologie à l'u-
niversité de Glascow , et l'un des mi-
nistres de cette ville, où le jeune
Wodrow fit ses cours académiques
sous la direction de son père. Après
les avoir achevés, il fut nommé bi-
bliothécaire de l'université. Il était
né avec le goût des recherches et des
études d'érudition. C'était une belle
occasion pour satisfaire ce penchant;
et il en profita. Ce fut surtout l'his-
toire et les antiquités de l'église d'E-
cosse qu'il eut en vue; et pendant
les quatre ans qu'il demeura dans ce
poste , il trouva le temps de recueillir
d'excellents et nombreux matériaux ,
que par la suite il sut mettre en œuvre.
Cependant il ne borna point à cela
son travail ; et les antiquités celti-
ques , romaines et britanniques y eu-
rent part. Il rassembla des médail-
les, des inscriptions, et fut, dit-on^^
WOD
en Ecosse , un des premiers qui y
cultivèrent les sciences naturelles. On
voit par des lettres Je sa main, con-
servées parmi ses papiers, qu'il était
en correspondance avec des savants
qui s'occupaient de ces objets; et iiii-
mcn\e laissa une collection de fossi-
les , de minéraux, de plantes peiri-
fiëes et d'autres curiosités. 11 quitta
Glascow , en 170'^ , pour se livrer à
la prédication , y obtint des succès ,
et acquit !a réputation d'un xles pre-
miers et des plus habiles théologiens
de l'Ecosse. La même année, la cure
d'Eastwood ayant vaqué, il en fut
pourvu ; humble et mince bénéfice ,
qu'il conserva toute sa vie , sans por-
ter plus haut sou ambition , quoique
de Glascow et de Stirliug il lui eût
été fait des offres très- avantageuses.
Mais il était estimé et chéri de ses
paroissiens, qui ne l'auraient vu par-
tir qu'avec regret et luie peine extrê-
me; de sorte que son inclination s'ac-
cordant avec leurs désirs il se refusa
à tout cliangemcjit. Cet liumme sa-
vant et modesie, à qui, sans l'erreur
dans laquelle il avait eu le malheur
d'être élevé, on n'aurait aucun re-
proche à faire, mourut en 1734,
4gé seulement de cinquante-cinq ans.
Son ouvrage, publié en 17*21 , a
pour titre : llie liistory ofthe siji-
^ular siifferings qf the church of
Scotland y diiring the i-wentf eight
^ears inimediately preceding the
revoliUion^ 2 vol. in-fol. , c'est - à-
dire : Histoire des souffrances singu-
lières de l'église d'Ecosse pendant
les vingt -huit ans qui précédèrent
'immédiatement la révolution. Cet
ouvrage, écrit avec une fidélité qui
ne laisse aucun doute , et appuyé , à
la lin de chaque volume , de pièces
justificatives, n'excita pas d'abord
«ne grande attention , même dans le
pays où les e'vénemenls s'e'taientpas-
LI.
WOE ii3
se's , et mohis encore en Angleterre ,
où il demeura presque inconnu, si ce
n'est peut-être par V Abrégé (\n en a
donné le révérend M. Cruicksliancks;
mais depuis la publication de l'œu-
vre historique du célèbre et honora-
ble Charles- James Fox et des écrits
de MM. Sommerville et Laing , sa
réputation et son prix se sont fort
accrus. « Aucun fait historique, dit
M. Fox , n'a une certitude plus as-
surée que ceux qui sont rapportés
par Wodrow. Dans tous les cas où
il s'est agi de les confronter avec les
monuments historiques, on lésa trou-
vés parfaitement exacts. » Wodrow
passa les douze dernières années de
sa vie à recueillir des Notes biogra-
phiques sur les auteurs de la réfor-
mation d'Ecosse , les principaux per-
sonnages qui la propagèrent, et sur
les théologiens presbytériens les plus
renommés. Ces Notes , restées ma-
nuscrites, sont conservées dans la
bibliothèque pubhque de Glascow.
L— Y.
WOEHNER ( André - George ) ,
professeur de langues orientales à
i'iuiiversité de Giittingue, né, le 24
février 1 6()3 , dans le comté de Hoya,
reçut les premières leçons de grec et
d'hébreu de son père , qui , en 1 7 1 o^
le conduisit à runiversitc d'Belm-
stadt. Après un an et demi de séjour
dans celte école, le jeune Wœhner
fut en état de donner , sur la langue
grecque et sur les langues orientales,
des leçons qui attirèrent un grand
concours d'auditeurs. En 1715, il
publia sa Grammaire grecque , d'a-
près le vœu de J.-Alb. Fabricius , qui ,
en sa qualité d'inspecteur général des
études , l'introduisit dans les écoles
du pays de Brunswick. De Helm-
stadt Wœhner revint à Gottingue,
où il publia, en 1705 ^ sa Granimai^
re héhrdique ^ la première qui ait
<S .
ii4 WOE
paru à celte école si célèbre. En 1 789,
il obtint la cljaire qui faisait l'objet
de ses vœux, celle des langues orien-
tales. Voulant donner à ses études tou-
te la pertection possible, il attira
dans sa maison, et il y garda pen-
dant six ans , Benjamin Wolf Ginz-
bourg , médecin de Gottingue. Ce
savant Israélite était tellement ins-
truit dans l'histoire et la littérature
de sa nation , qu'on l'appelait le Dic-
tionnaire vivant du Talmud. En
conversant et en étudiant constam-
ment avec lui, Wœliner devint un
des premiers orientalistes de l'Alle-
magne. Il mourut à Gottingue, le
'Il lévrier 1762. Nous avons de lui :
I. Grammaire de la langue grec-
que ( ail. ) , Wolfcnbuttel , 1 7 1 5 et
1753 , in- 8°. Au lieu du verbe
TÛTTTw , qui n'est point légulier au
parfait, il prit pour paradigme l'an-
cien verbe cw, sum, qu'il trouvait
beaucoup plus propre pour servir de
base à son tableau. 11 chercha à per-
fectionner la théorie des aoristes ,
de laquelle Mélanchthon dit :
Hoc opiis , hic. lahorest, secemere tempora.
II. Syntaxis grœca ou Particu-
larités de la langue grecque ,
Wolfenbuttel , 1716, in-S-^. C'é-
tait, à proprement parler, la se-
conde partie de sa Grammaire.
III. Dissertatio philologica in 2
Reg. , riii. 1 , qud David, Moahita-
rum Victor , crudelium numéro exi-
mitur , Gottingue, 1788 , in - 4''.
Cette dissertation , qui n'a rapport
qu'à un seul verset de l'Écriture sain-
te , est intéressante par les détails.
L'auteur y explique les rapports des
Moabitcs avec les Israélites , et sur-
tout avec David. Ayant présenté les
différentes traductions, il en donne
lui-même trois , qui justifient égale-
ment David., La dernière, qui est la
meilleure , dit : Prœlio quoque vicit
WOE
Moahitas y quos in turmas distri-
huit , supplices sibi factos. Duas
quippè turmas descripsit , quas oc-
ci deret ; maximum autem agmen ,
quod in vita conservaret. Atque ità
Moahitœ servi Davidis j'acti sunt ,
qui tributa pendere cogerentur.
D'après cette version, David n'au-
rait fait mourir qv.e les chefs de la
rébellion. IV. De Endorensi prœsti-
gialrice , Gottingue , » 7 38 , in- 4^. Il
y est question de la célèbre Pytho-
nisse que Saiil alla consulter la
veille de la bataille de Gelboé.
V. De prunis , in capite inimi-
ci y ou Des charbons ardents ras-
semblés sur la tête de son enne-
mi, dans les Prov. 25, et aux Rom.
12, Gottingne, 1738, in - 4°. En
traitant ce Siijet, l'auteur examine
les traditions des Juifs et les opinions
des rabbins sur lelivredes Proverbe
VI. Sur la réponse de Jésus- Chr
aux Juifs, Év. de S. Jean, ch.
V. 25. Selon la Vulgate, Jésus
pondit : Principium qui et loqu
vobis. Selon notre auteur, on devrait
Dns
•es.
i
lire : Quod in principio locutus su
hoc et ipsum nunc loquor vobis
prétend que celte explication est
î
seule qui dissipe l'obscurité de ce
passage. VIL Dissertatio philoliM
gica de eruditione judaicd , Go^|
tmgue, 174'-*? i"-4°' 1^^»^ ce traité,
l'auteur a rassemblé les traditions
qu'il avait reçues de son maître, Ben-
jamin Wolf, sur la littérature des
Juifs. VI IL De Hebrœorum prose-
lytis , Gottingue , 1 743 , in - 4°. IX.
De valle spectaculorum , t 742 , in-
4^. X. l>e Melchisedech Cliristi t^
po, 1745, in-4'^'« XL Qrammaii
de la langue hébraïque, avec
bleaux ( allem. ) , Gottingue, 1 7.
XIL Antiquilates Hebrœorum m
Israèliticœ geniis origine , fatis , re
bus sacris, civilibus et domesticis ,
WOE
jïde , moribits, ritihus et consuetu-
dinihus antiquiorihus , rcceniioribus ^
Gottiiigne , \ 743 , 2 voliira. in - H».
Wœhner a donne , dans cet ouvrage ,
une liistoire littéraire des Juifs, bien
supérieure à celles qui ont paru jus-
qu'à présent. G — y.
WOELFL ( Joseph ) , pianiste et
compositeur , naquit à Saltzbourg
en 1772 , et étudia les cléments de
la musique dans sa ville natale , où il
eut l'avantage de compter parmi ses
maîtres Le'opold Mozart et Michel
Haydn. Au commencement de 1794,
il se mit à voyager , et dirigea sa
course vers la Pologne , dont la ca-
pitale l'arrêta quelque temps. Il fil
un séjour plus long à Vienne, où , en
1795, il donna son premicropéra (le
Hollenher^) , et jeta ainsi les fonde-
ments de sa réputation. Il parcourut
ensuite l'intérieur de l'Allemagne ,
s'arrètant , de temps en temps , dans
les villes principales , et y donnant
des concerts qui bientôt attirèrent
une foule extraordinaire. Il avait
ainsi visité Prague^ Dresde, Leipzig ,
Berlin et Hambourg, lorsqu'en 1799
il partit pour l'Angleterre, où il reçut
encore un accueil plus distingué , et
où son jeu brillant, léger et suave ,
excita l'entliousiasme.Venuen Fran-
ce deux ans après, 1801 , il passa à
Paris pour le pianiste le plus ex-
traordinaire de l'Europe , et entendit
ses louanges retentir dans toutes les
feuilles publiques, ainsi que dans les
salons. IN éanmoins il revint bientôt à
Londres, et c'est là qu'il resta jusqu'à
sa mort, arrivée en 181 1. 11 n'avait
encore que trente-neuf ans , et fut
vivement regretté de tous les amis
de l'art musical. En effet , quoique
la principale partie de sa gloire , et
surtout de ses ricliesses, fût due à la
brillante facilité de son exécution , il
avait un talent estimé comme corn-
WOE
ii5
positeur , et a produit un très- grand
nombre de morceaux. Cinq seulement
ont été destinés au théâtre , ce sont :
I. Le Hollenherg , opéra , Vienne ,
1795. II. hsi Belle Laitière y opéra-
comique. Vienne^ 1797. III. I^a Tête
sans homme, opéra-com. , Vienne ,
1 798. IV. Le Cheval de Troie , opé-
ra-com. V. Enfin , X ÂDiour roma-
nesque, opéra-comique, Paris, i8o4-
La musique de cette bluette fut géné-
ralement goûtée : on s'accorda à y
trouver des chants purs , des accom-
pagnements riches et de bon effet ,
de la science et de la grâce dans les
modulations. Le reste des OEuvres
de Woelfl ne se compose, à l'excep-
tion d'une bonne méthode de piano
{School for the piano -forte) , que
de musique de salon • mais on n'en
compte pas moins de cinquante.
Les principaux sont des trios , duos,
concertos et sonates , parmi lesquels
l'œuvre 23 , ( 3 grands trios pour le
clavecin, violon et violoncelle), l'œu-
vre 4 1 ( ^on plus ultra , grande
sonate pour P. -F. ) , et l'œuvre 49
dédiée à M"^^. Ferrari , méritent une
mention des plus honorables. On en-
tend aussi avec plaisir une foule de
variations , riches et élégantes bro-
deries qu'il a jetées sur des chants
favoris , tirés d'opéras italiens et al-
lemands , entre autres celle sur deux
airs du Labyrinthe et sur l'ariette La
stessa , la stessissima. P — ot.
WOELFLEIN ou LUPULUS
(Henri), hagiographe, né, vers
1470, à Berne, d'une famille hono-
rable , fut recteur du gymnase de Ber-
ne, et contribua beaucoup à ranimer
en Suisse la culture des lettres, et
surtout des langues anciennes. Au
nombre de ses disciples, il compta
le célèbre Zuingle {P^. ce nom), dont
il devait plus tard partager les er-
reurs. Un cordelier milanais, enr
8..
ii6
WOE
voyé dans le canton de Berne, pour
y prêcher les indulgences accordées
par le pape Lcon X , choisit Woel-
llein pour interprète , et n'eut qu'à
se louer du zèle avec lequel il se-
conda son pieux tralic. Cependant
WocHlcin e|)rouvait déjà des doutes
sur l'eilicacitè réelle des mérites qu'on
acquérait à prix d'argent. Un cano-
nicat du chapitre de Berne avait été
la récompense de ses services dans
l'enseignement, Néanmoins il se dé-
clara l'un des premiers pour la ré-
forme religieuse; et, comme tous les
novateurs de la même époque , il pas-
sa de la critique des abus à celle des
dogmes les plus respectables. S'ctant
marié en iS'i/y , il fut privé de son
canonicat ; mais en 1 5i'] il fut nom-
mé secrétaire du consistoire. On igno-
re l'époque de sa mort ; mais on est
certain qu'il survécut à Zuingle, puis-
qu'il composa son Epitaphe, en un
distiqueîatinchronographique, qu'on
trouve dans les Fraginents histori-
ques sur Berne , i, 334- Ainsi l'on
ne peut placer la mort de WoelOein
qu'après l'année 1 53 1 . On cite de lui :
1. la rie de l'ermite Nicolas de F lue
( Foj. ce nom , XV , 1 1 '2 ). Elle est
écrire en latin , et fut publiée eu 1 5o i .
On l'a reproduite par les soinsd'Eich-
horn, Fribourg, i6o8, i6i3, et
depuis à Constance, en 1 63 1. Cette
Vie est dédiée au fameux cardinal
Schinner ( F. ce nom ). La préface ,
adressée aux habitants du canton
d'Underwald, a été recueillie dans
les ^cta sanctorum des Boilandis-
tes , mars , m , 4^7- H- La Fie de
saint Vincent, patron de Berne,
Baie , 1 5 1 -^ , in-8o. On aperçoit déjà
dans quelques passages le penchant
de l'auteur pour les opinions des ré-
formateurs. W — s.
WOELLNER ( Jean-Ghristophe
de), né en 173'i à Dœberitz, vil-
WOE
lagede la Marche électorale, où son
père était ministre de la religion ,
étudia la théologie à l'université de
Halle , et entra dans l'état ecclésias-
tique. On lui donna , en
cure du village de Gross-Behnitz ,
aux environs de Berlin. Dans cette
place , il acquit toute la confiance de
la veuve du général Itzenplilz, dont
il éleva le lils ; et se chargea de" la
gestion de ses biens, après avoir re-
noncé à ses fonctions pastorales. Il
épousa en se("ret la fille de cette veu-
ve. La famille ayant attaqué la léga-
lité de ce mariage contracté sans les
formalités ordinaires, Wœllner jugea
prudent de transiger avec elle , en
renonçant à la succession de sa
femme ; concession dont il se lit
relever dans la suite par le roi. Il
se livra dès-lors à l'économie rurale,
et se fit remarquer tant par la pra-
tique que par les théories qu'il publia.
Son Mémoire sur le part.ige des
biens communaux et sur d'autres
objets d'économie publique donna
une bonne opinion de ses vues ;,
il fut consulté dans des affaires im-
portantes ; le prince Henri, frère
du roi de Prusse , l'appela dans son
conseil des domaines , et le prince
héréditaire de Prusse reçut de lui des
leçons d'économie publique , ainsi
que des Mémoires sur la plupart des
branches de l'administration. Ce fut
l'origine de la faveur dont Wœllner
jouit dans la suite auprès de ce prince
lorsqu'il fut monté sur le trône Pour
arriver à cette faveur , il s'était fait
initier dans l'ordre secret des rose-
croix, et en propageait avec chaleur
les doctrines , moins sans doute par;
conviction que par calcul. Les rose-
croix de Berlin formaient une secte
d'un caractère particulier. A leur tcte|
se trouvait Bischotfswerdcr {F. cej
nom, IV, 5^i6) , homme intrigant,
WOE
■tjtti tirait toute la confiance du roi. Us
professaient luic religion mystique,
croyaient ou feic^naientdc croire à la
magie , e'voquaient les ombres , cher-
chaient la pierre philosophale , etc.
Dans le public on les accusait d'être
des jésuites déguisés, paice qu'ils
paraissaient favoriser les dogmes ou
du moins les cérémonies de la reli-
gion catholique. A peine le prince
héréditaire fut-il monté sur le troue,
sous le nom de Frédéric-Guillaume,
qiie l'on vit tout l'ascendant que
Wœllner avait pris sur lui. 11 fut élevé
au rang de la noblesse, nommé con-
seiller des finances , et surintendant
des bâtiments. En 1788, le roi le
désigna pour être ministre d'état et
de justice , et le mit à la place de
Zedliz , chef des affaires ecclésiasti-
ques. La Prusse vit bientôt les eilets
de cette faveur sigualée. Wœllner,
empressé de se distinguer par des
coups d'état , fit d'abord siguer par
le roi le fameux édit de religion ,
dans lequel on tonnait contre les.
novateurs en matière de religion,
contre les partisans des lumières,
et contre la détérioration de la doc-
trine évangélique et protestante. L'é-
dit enjoignait aux pasteurs et insti-
tuteurs de revenir à l'ancienue doc-
trine , sous peine de destitution et
de punitions plus graves encore. Un
pareil édit signé par un roi volup-
tueux et insouciant, et contre-signe par
un pasteur intrigant , dut surpren-
dre les sujets du feu roi Frédéric II
qui avait laissé au culte la plus gran-
de liberté. La partie éclairée de l'É-
glise protestante n'admet pas de
système invariable de dogmes. Il y
avait d'ailleurs quelque chose de
ridicule dans cette ferveur apparente
d'un gouvernement aussi mondain ,
pour la pureté de la foi. L'édit fut
-attaqué dans une foule de brochures.
WOE 1 1 7
L'écrit qui eut le plus de succès fut
la lettre d'un vieux pasteur à Wœll-
ner , dans laquelle on exhortait le
nouveau ministre à repousser le
mysticisme et la superstition, au lieu
d'exiger de l'orthodoxie et d'encou-
rager l'hypocrisie. La vivacité des
attaques anonymes fournit bientôt
un prétexte pour enchaîner la presse;
et , loin de se laisser elfrayer par le
cri public, Wœllner pressa de toutes
ses forces l'exécution de l'édit de
religion , et l'espèce de réforme qu'il
avait imaginée. Un médiocre ouvrage
du conseiller Rœnniberg , Des livres
symboliques par rapport au droit
public , qui contenait l'apologie du
fameux édit , et qui justifiait par de
faibles raisonnements l'intervention
du roi dans les matières d'enseigne-
ment dogmatique, fut recommande
à tout le clergé. On écrivit con-
tre cette apologie; Wœllner vou-
lut supprimer la réfutation , mais
le consistoire n'y trouva de blâ-
mable que quelques expressions.
Wœllner arracha au roi une défense
d'imprimer la brochure ; l'auteur ,
Villaiime, la fit paraître à l'étran-
ger; et le public apprit ainsi la dis-
sidence qui existait à Berlin entre le
chef du département ecclésiastique
et le consistoire. Un autre auteur ,
Bahrdt^ qui avait mis l'édit de re-
ligion en comédie , fut incarcère'.
Wœllner fit prescrire ensuite à tout '
le clergé de se servir d'un catéchis-
me et d'un autre livre d'instruction
religieuse^ qui étaient mauvais , et
qui, selon l'avis de quelques théolo-
giens^ n'enseignaient même pas bien
exactement la doctrine luthérienne. Il
fallut les refaire ou du inoinsles cor-
riger. De deux universités prussien-
nes qui avaient été consultées , pour
savoir s'il convenait d'introduire ces
instructions religieuses , l'une avait
i8
WOE
donné un avis négatif j le consistoire
de Berlin avait été de la même opi-
nion • Wœilner n'en persista pas
moins dans son projet qui fut attaqué
par une foule de nouvelles brochures.
Dans quelques-unes on contestait aux
souverains protestants le droit de
déterminer les dogmes qui doivent
être enseignés à leurs coreligionnai-
res. Une commission qu'il institua
pour les examens ecclésiastiques , et
qui devait s'enquérir avec soin des
opinions religieuses des candidats ,
provoqua de nouveaux murmures. Il
avait mis à la tête de cette espèce
d'inquisition un prédicateur médio-
cre , nommé Hermès , qui exerça
ses fonctions avec toute la morgue
d'un parvenu. Les pasteurs furent
obligés de faire preuve d'ortho-
doxie ^ on tira de la poussière des
livres surannés pour leur servir de
modèles et de guides; on leur prescri-
vit les textes sur lesquels ils devaient
prêcher. Assez de plumes revendi-
quèrent la liberté religieuse; ce fut
en vain ; on donna de nouveaux or-
dres pour arrêter la circulation des
ouvrages non approuvés par la cen-
sure. Le publiciste prussien Dohm ac-
cuse Wœllner d'à voir dirigé un parti
qui déjà , du vivant de Frédéric II ,
s'occupait à détruire son système de
gouvernement; c'est à cette haine
pour Frédéric , que Dolim attri-
bue la démarcbe qu'avait faite
Wœilner pour se mettre en posses-
sion des manuscrits du feu roi. Pro-
fitant de son ascendant à la cour ,
celui - ci demanda ces manuscrits au
roi régnant , et les obtint sans peine.
Il les vendit au libraire Voss et à
l'imprimeur Decker, en chargeant
l'académicien de Moulines des soins
d'éditeur. Dohm prétend qu'on laissa
subsister à dessein, dans les OEuvres
posthumes de Frédéric II , les pcr-
WOE
sonnalités et les expressions offensan-
tes, afin d'augmenter le nombre de
ses ennemis ; mais il y avait proba-
blement en cela plus de paresse que
d'intention. Le fait est que ni Wœil-
ner ni de Moulines ne se donnèrent
la moindre peine pour classer , met-
tre en ordre et préparer pour le pu-
blic la masse de. papiers qu'ils avaient
en leur possession. Les liasses furent
remises à l'imprimeur telles qu'on
les avait trouvées , sans qu'on s'in-
quiétât même si les pièces se suivaient.
Il en résulta la collection la plus
désordonnée qu'on eût jamais vue.
Aussi Jean de Miiller observe qu'il
est permis de douter si c'est un être,
raisonnable ou le hasard qui a pré-
sidé à cette édition. Cependant on
avait déjà imprimé quinze volumes
quand Wœilner et de Moulines j
trouvant , dans le restant des pa-
piers, des passages trop irréligieux
et dont la publication ne s'accordait
guère avec le fameux édit de reli-
gion , ni avec les ordonnances sur la
censure , voulurent s'arrêter ; mais
les libraires insistèrent pour l'im-
pression de tous les papiers sans
distinction , attendu qu'ils avaient
acheté le tout à deniers comptants.
Wœilner y consentit sous la con-
dition que l'on publiât les six volu-
mes refîîants avec le titre de Sup-
plément aux OEuvres posthumes ,
et en désignant pour le lieu de l'im-
pression Cologne à la place de Ber-
lin. Moyennant cet exjiédient tout
fut imprimé dans le même désor-
dre que les quinze volumes précé-
dents. Il vint pourtant à Wœilner
encore quelques scrupules après
l'impression. On supprima les passa-
ges trop choquants , et l'on fit
des cartons. Dohm assure qu'il s'est
répandu néanmoins dans le public
beaucoup d'exemplaires qui n'ont
WOE
])oiiit ces cartons. Les manuscrits
devaient être restitues à la bibliotlic-
que royale ; Wœllner n'en (it rien ;
ce ne fut que long temps après qu'on
les reclama auprès du libraire; et,
sans les verider , on les cacheta , et
on les déposa aux archives. Pendant
que les intrigues dominaient à la
cour, et que le roi était livre à ses
maîtresses, la guerre de ia révolution
éclata ; Hertzberg cessa de diriger la
diplomatie de la Prusse, qui devint
dès-lors vacillante; ce règne, peu
glorieux , fut enfin termine en 1797.
Le roi actuel , dès son avènement ,
mit lin à quelques-uns des nombreux
abus souiî'erts par son prédécesseur.
Le fameux éditde religion fut révoque';
l'examen des candidats de théologie
fut enlevé à Findigne commission à
laquelle Wœllner l'avait confié. On
attendait avec impatience que cet
lîomme, généralement haï , se retirât.
Ayant recommandé , par une circu-
laire , aux chefs du clergé de veiller
sur les opinions religieuses de leurs
subordonnés, il fut vivement répri-
mandé par le roi ; et, comme il ne s'é-
loigna point à la suite de cette scène
Lumilianie, il fut enfin congédié le 1 1
mars «798, à la grande satisfaction
des Prussiens. Ses créatures eurent le
même sort. 11 restait à Wœllner une
fortune considérable; il se retira dans
une de ses terres à Grossriez, auprès
de Beeskow , oij il ne survécut que
deux ans à sa disgrâce ; il mourut le
II septembre 1800. Son éloge a été
prononcé en janvier 1802, par Tel-
îer à l'académie des sciences de Ber-
lin. Meuse! donne la liste des ouvra-
ges de Wœllner. On remarque dans ce
nombre une traduction , avec notes ,
àesPrincipes d'agriculture de Home,
et plusieurs Sermons. Ou a imprimé
aussi de lui, mais seulement pour les
adeptes , les discours qu'il avait pro-
WOE i\g
nonc(^ dans les réunions des rose-
croix. Nicolaï a donné des détails sur
la part que Wœllner a prise aux
opérations secrètes de cet ordre ,
vol. 56 et 68 de la Nouvelle Biblio-
thèque générale d'Allemagne.
D— G.
WOERIOÏ ou WOEUUOT (i)
(Pierre), habile graveur lorrain.
Les monogrammatisles et les histo-
riens de la gravure ne donnent sur
cet artiste que des renseignements
inexacts et incomplets. Christ {Dict.
des monogram. , 255), Papillon
(Histoire de la gravure en bois) ,
etc. , persuadés que c'était à Woei-
riot qu'on devait attribuer les estam-
jies en bois marquées de la double
croix de Lorraine , qu'on trouve dans
divers ouvrages imprimés depuis
i5a8, placent sa naissance dans les
premières années du seizième siècle.
Jonheri (Man. de l'amat. d'estam-
pes, III, 18)) s'est donné plus de
latitude que ses devanciers , en la
mettant de i5io à i525; et cepen-
dant il n'a pas mieux rencontré. Le
portrait de Woeiriot , qu'on trouve
à la tête de l'ouvrage dont on parlera
tout-à-l'heure ^ le représente à l'âge
de vingt - quatre ans. Ce portrait est
de i556, ou au plus tôt de l'année
précédente. Ainsi Woeiriot était ne'
en i53i ou i532. Dans son mono-
gramme , il joint aux initiales de son
nom la lettre B. On en a conclu qu'il
était de Bar le-Duc. Mais une estam-
pe de cet artiste, qu'on voit au cabi-
net du roi , est signée P. TVoeriotius
Bozœus y qui certainement n'a ja-
mais signifié de Bar-le-Duc. Ce n'est
donc point dans cette ville, mais à
Bozé ou Boiizy , qu'il avait vu le
jour. L'éducation de Woeiriot n'a-
(1") Il cci'it de cette manière son nom , que les
nuleurs de l'IIisloire de la gravure ont presqnc
tons défiguré.
WOE
vait point ctè ncgligëe , même sous
le rapport lilleraire. H possédait le
latin et le grec. 11 s'appliqua de bon-
ne heure à l'art de ciseler et de gra-
ver les métaux ; et il y lit de rapides
progrès. S'il eût nommé le maître
dont il reçut les premières leçons , il
est probable que Ton connaîtrait l'ar-
tiste lorrain à qui l'on est redevable
des jobes estampes qui décorent les
ouvrages de Geoff'. Tory ( Vojez ce
nom) et plusieurs livres imprimés
par les Colines , les Estienne et les
plus célèbres typographes de Pa-
ris, dans la première moitié du sei-
zième siècle. Woeiriot s'établit à
Lyon vers i555. Quoique bien
jeune, il égalait déjà les meilleurs
artistes, par la force et la déli-
catesse de son burin. L*année sui-
vante, il y publia : Pinax iconi-
cus antiquorum ac variorum in se-
jndturis rituum ex Lilio Gregorio
( Gyra!dio Cynthio) excerpta, etc.,
Lugduni, apud Clément, Baldinum^
i556, pet. in-8'\ obi., de 3^ feuilieîs
non cMlï'rés. Cet ouvrage est si rare,
qu'aucun des auteurs qui l'ont cité ne
paraît l'avoir vu. Ce n'est que depuis
peu de temps que la bibliothèque du
Roi en possède un exemplaire. Indé-
pendamment du frontispice , du por-
trait de l'auteur et de la marque du
libraire, placée sur un feuillet sépa-
ré, le volume contient neuf gravures
en cuivre , toutes signées P. Woei-
riot, dont le nom est surmonté de la
croix de Lorraine. Dans la dédicace
au duc Charles de Lorraine^ Woei-
riot compare ce prince à Alexandre,
ce qui l'amène naturellement à se
comparer lui-même à Lysippe et à
Apelle. « C'est, dit-il, leur exemple
que je me suis elforcé d'imiter dans
l'un et l'autre art qu'ils ont cultivés,
non-seulement par la gravure, mais
dans tous les ouvrages que j'ai , com-
WOE
me un autre Tubal, exécuté en bron-
ze, en fer, en argent et en or (ti). »
Il nous apprend ensuite qu'aju'cs
avoir gravé ses estampes, il les avait
imprimées lui-même , et rend compte
brièvement de ses procédés; ce qui
prouve qu'ils étaient alors encore peu
répandus en France (3). Le nom de
Woeiriot se lit au bas du portrait de
Jacq. Bornonius , jurisconsulte,
avec la date de 1673 (4). Une autre;
pièce de ce maître , conservée au ca- 1
binet des estampes du roi , est datée
de 1576. On lui attribue les gravures
qui décorent le Discours d'Ant. Le
Pois, sur les médailles, imprimé
en 15-9. Woeiriot était alors âgé
de cinquante - sept à cinquante-huit
ans; mais on ne connaît de lui aucun
ouvrage qui soit postérieur à ceux
qu'on vient d'indiquer. Outre plu-
sieurs pièces qu'il a gravées d'après
ses propres dessins , tels que le Sacri-
fice d^ Abraham et Mdise sauvé des
eaux, il a gravé d'après Raphaël,
le Peruzzi et quelques autres peintres
d'Italie. Christ . Basan ( Diction, des
graveurs ) , Hiiber ( Man. des cu-
(2) Ego itaqiie ad illorum exemphim , quorum
utriimque arUm , non moib in ^ropkicis Inhui'S,
sed eliain in onini operd, ni Tnhal ille Jielnœns ,
cens etjerri, argenli et ami sludiosè sum conatus
cemulari.
(3) Tabulas equidnm ex cerejudi el expolii •
expolitas iinaginum tineamenti.i ad nionoi^rammos
tisqtie quàni fieii potiiit , sprciosissimè depinxi :
deind'e sic delineatas scalpello ac cœlo exaravi :
deniquè exaratas prœli lornienlo et eucnusti utra-
menla excudi. Le liîiiaire, dans sou avertissement,
ajoute encore quelques détails sur cet art, qui
méritent d'être recueillis: Perfecimus tandem,
ut (eneœ istie tal'ulœ t Lahorclissinio aitijîciu ah-
solulœ , et non ad lypogrophicum pra-luni , sed ad
rotaruni -volumen excusa ma^nis lahotihus ac mnl-
lo teniporis ac rei dispendio quàni cninculatissimè
expressœ. Le Pinax est donc un des pre^niiers
essais de la gravure en cuivre qui aient été faits en
France. Celte considération seule doit lui donner
uu grand prix aux yeux des amateurs.
^4) Huber , Joubert, etc., disent que ce por-
trait est eu bois, mais un examen plus attentif fait
présumer qu'il est eu cuivre. C'est l'opinion de
plusieurs connaisseurs dont le nom paraîtrait une
autorité décisive, s'ils nous avaient permis de le
révéler.
WOI
ru'ux), les auteurs des Notices suj^les
i^ravcurs ( V. Bavkrel , au Suppl.)^
Juubcrt, Brulljot (Dict. des mono-
gram.), n'ont indiqué qu'un très-
jH'tit nombie de morceaux de cet ar-
tiste. M faudrait des recherches lon-
gues et diiilciles pour parvenir à don-
ner le catalogue complet de son OEu-
vre. W — s.
WOIDE ( Charles - Godkfrid ) ,
célèbre orientaliste, né en i']i5 ,
dans la Grande - Pologne , suivant
((uelques Liograjdies, ou en Hollan-
de , suivant Chalmers; fit ses élu-
des à Francfort-surd'Oder et à Ley-
de. Il fut nomme, à Lissa , ministre
de la confession socinienne helvé-
tique. Les disscnters anglais l'ayant
invité à venir à Londres , vejs 1770,
il y exerça le ministère à la cha-
pelle hollandaise de la cour. Il fut,
j)îus tard , dans la même ville , pré-
dicateur et aumônier à la chapelle
hollandaise du palais de Savoy. Il
acquit une connaissance profonde
des langues orientales , et fut consi-
déré comme celui des savants de ce
temps qui était le plus versé dans la
langue copte. La société des anti-
quaires l'admit dans son sein en
1778. Ce fut dans cette même année
qu'il donna ses soins à des éditions,
sorties des presses de Clarendon , à
Oxford;, de la Grammaire égyptien-
ne ( Grammatica œg^yptiaca utrîus-
que dialecti) , par Scholfz, et du
Lexicon œgjptiaco - latimim , par
Lacroze ( F^, Lacroze ) • deux ouvra-
ges que leurs auteurs avaient laissés
manuscrits, et que le manque de ca-
ractères égyptiens, ou peut-être la
crainte d'y perdre les frais d'impres-
sion avait fait négliger. L'université
d'Oxford pourvut à la dépense né-
cessaire pour les mettre au jour.
Woide fut invité , mais trop tard ,
à enrichir de quelques additions le
WOI 121
Dictionnaire égyptien ; et elles ne
purent être faites qu'aux trois der-
nières lettres. Il abrégea la gram-
maire , et de deux volumes in- 4*^- ^à
réduisit de manière à pouvoir la pla-
cer à la suite du Dictionnaire , en un
seul volume de ce format. Woide fut
nommé , en 1 78*2 , sous - bibliothé-
caire au musée britannique. L'uni-
versité de Copenhague lui avait con-
féré le degré de docteur en théolo-
gie. Celle d'Oxford le créa docteur
en droit, en 1786. Alors il publia
sa précieuse édition du Novum Tes-
tamentum grœcum , e codice ma-
nuscripto Âlexandrino , qui Londi-
7ii in Bill, musœi hritamiici , etc. ,
ex prelo Johan. Nicliols , tjpis
Jacksonianis , in -fol. C'est sur celte
édition que repose la réputation de
Woide. Avant delà rendre publique, il
avait envoyé le manuscrit autogra-
phe à l'académie de Cracovie, qui le
conserve précieusement dans sa bi-
bliothèque. L'histoire de ce manus-
crit ( I ) , ainsi perpétué , dit Nicliols,
f)ar un exact y<îc simile, se lit dans
a savante préface de l'éditeur , qui
fut réimprimée avec des notes de
G.- L. Spohn, à Leipzig en 17(^0 ,
un vol. in-80. de 476 pages : TFoi'
dii notilia codicis alexandrini , etc.
Ce savant, qui était membre de la
société royale depuis 1788, mourut
à Londres, au mois de mai 1790, des
. (i' Ce manuscrit, qui paraît avoir été écrit en
Egypte par une dame nommée Teola,et d'autres
religieuses, après le concile de Nirée , ajiparle-
nait au patriarche grec d'Alexandrie. Cyrille Lucar
l'apporta ensuite à Constaiitiuople , et en fit don au
roi d'Angleterre Charles II. Patrick Young s'em-
pressa de le conférer avec d'autres manuscrits, se
proposant de le laire imprimer en caractcres coiv-
îbrmes à l'original ; mais il n'en fit paraître (i643)
qu'un spécimen contenant le i". chapitre de la
Genc'se, accompagné de notes. Le y élus Tesla-
mentiiin , d'après le même manuscrit alexaiidrin,
fut publié, en 1707-179.0, par J.-E. Grabe ( f^. ce
nom"). On trouve, sur le matériel de ce manuscrit,
quelques détails dans ]es Litcrarjy anecdotes , par
Nichols , t. IX , p. 10 et suiv.
1 11
WOL
suites d'une attaque d'apoplexie dont
il fut frappe dans le salon de sir Jo-
seph Banks ( F. ce nom au Supplé-
ment). L.
WOKEN ( François ) , savant
orientaliste et tlie'ologien distingue,
ne en i685 à Ravin , en Pomëranie ,
fut nomme en i']i'\ professeur de
philosophie à Leipzig, et en 1727
professeur d'hébreu et de langues
orientales à l'université de Wit-
tenberg , où il mourut le 18 fé-
vrier 1734. H a laissé près de
quatre - vingts ouvrages tant en
latin qu'en allemand, dont la bio-
graphie de Jœcher donne la nomen-
clature. La plupart sont relatifs à
l'explication des livres saints ou à des
controverses théologiques ; les au-
tres roulent sur les langues orienta-
les, sur la philosophie ou sur des
particularités biographiques. Les plus
estimés sont : L T ex tus veteris Tes-
tamenti ab enallages et hfpallages
vitio liberatus , Leipzig , 1726 ,
in-80. IL Moses harmonicus , seu
Harmonia veteris et novi Testa-
menti _, Leipzig , 1730,2 vol. in-4°.
Cet ouvrage offre des vues remar-
quables, des raisonnements solides
et des rapprochements ingénieux.
IIL Meletemata antiqiiaria , phi-
lologico-critica ,yV \iteuher^ , 1730,
in-4°. IV. Bihliotheca theologica ,
philosophica , historica , Witten-
berg, 1732 , in-80. V. Liber de el-
lipsibus è textu biblico hebrœo sol-
licité eliminandis , ibid. , in-4°. VL
Mémoires pour l Histoire de la Po-
mëranie ( ail. ) , ibid. G-y et P-ot.
WOLBODON (Saint), évêque de
Liège, descendait d'une famille il-
lustre du comté de Flandres. Doué
des dispositions les plus rares pour
l'étude , il fit de rapides progrès
dans les lettres , et ayant embrassé
la vie religieuse fut nommé recteur
WOL
ou écolâtre du chapitre d'Utrechl
dont il devint prieur. Le zèle avec
lequel il défendit les droits de son
chapitre contre l'empereur Hen-
ri II ne l'empêcha pas d'obtenir la
bienveillance de ce prince qui le fit ,
dit-on, son chapelain , et ensuite sou
chancelier. Sestalents,etplus encore
ses vertus, relevèrent, en 1018, sur
le siège épiscopal de Liège ; mais il
ne l'occupa que peu de temps , et
mourut le 10 avril 1021. Les restes
du saint prélat furent inhumés dans
l'église Saint-Laurent, où l'on voyait
son épitaphe rapportée par divers
auteurs. Le nombre des miracles qui
s'opéraient chaque jour à son tom-
beau était si grand , que l'abbé le
conjura de n'en plus faire , parce
que l'affluence du peuple pourrait
troubler la tranquillité du monastère.
On conservait dans le trésor de la
cathédrale de Liège un Psautier
écrit de la main du prélat , où il
avait intercalé des prières pleines
d'onction. La Fie de saint Wol-
bodou , par Reiner , moine de Liè-
ge , en ii3o, a été insérée dans
l'ouvrage deChapeauville De gestis
episcopor. Leodevsium ; dans les
J4cta sanctorum ord. S. Benedicti
de Mabillon ( Sec. ri , pars i ,
l74-5i), et avec une autre Vie ano-
nyme dans le Recueil des Bollan-
distcs , au 21 avril , jour où l'Église
honore la mémoire de ce i-aint pré-
lat. On trouve une courte notice sur
Wolbodon àsiUsV Histoire littéraire
de la France , vu, 243. W-s.
WOLCOTT (Roger), gouver-
neur du Connecticut, né à Windsor
dans l'Amérique du nord , en 1679,
était fils d'un fermier qui eut beau-
coup à souffrir des incursions que fi-
rent dans sa province les Sauvages
indiens , et qui ne put donner à ses
enfants qu'une éducation fort incom-
J
WOL
plèle. Dès i'âge de vingt ans "Roger
se livra à des spéculations agricoles,
et parvint à Ibrce de travail et d'é-
conomie à se faire une fortune consi-
dérable. Eu 1711 , il fut nommé
commissaire des troupes de sa pro-
vince qui marclièrcnt contre les
Français dans le Canada , et dès-
lors il suivit la carrière des armes ,
où il obtint un avancement rapi-
de. En T747 7 il se trouvait comme
major- gênerai à la prise de Louis-
bourg , et fut ensuite membre de
l'assemblée et du conseil, puis juge
de la cour du comté , et enfin gou-
verneur de sa province , place qu'il
occupa depuis i^Si jusqu'en 1754.
Il mourut en 1767. On a de lui :
I. Méditations poétiques , l'j'iS ,
avec une préface de Buikley. IL
Lettre à M. Hohard sur les églises
coîigré Rationnelles d' Angleterre ,
1761 , in-8*^. in. Récit abrégé de
Vagence de Jean Winthrop à la
cour de Charles II , en 1662. ( V.
Winthrop ). Cet ouvrage , conser-
vé dans la collection de la société
historique , contient une relation dé-
taillée de la guerre qui eut lieu , à
cette époque , dans les colonies
anglaises de rÀmérique. — Eraste
WoLcoTT, fils du précédent , né en
1723, commanda un régiment de
milices dans la guerre de l'indépen-
dance américaine , fut ensuite juge,
puis membre du congrès, et mourut
en 1795. On lui doit V\n petit Traité
sur la religion. — OZw/er Wolcott,
frère du précédent, né en 1727 ,
commanda une compagnie de mili-
ces dans la guerre contre la France,
et se retira bientôt après du service
pour s'appliquer à l'étude de la mé-
decine. Mais il fut presque aussitôt
détourné de ce projet par la place
de haut-shérif du comté de Litch-
fiel qu'on lui conféra, et qu'il rem-
WOL ia3
plit avec distinclion pendant qua-
tor7>c ans. Elu dej)i:is membre du
congrès , qui proclama l'indépendan-
ce des États-Unis , il fut l'un des
plus ardents promoteurs de cette
mesure, et fut nommé , en 1 796 , au
gouvernement de Connecticut. 11
ne jouit pas long -temps de cette
marque de confiance accordée à ses
services; car il mourut Tannée sui-
vante à l'âge de soixante-dix ans.
Une incoriuplible intégrité , une
inébranlable fermeté, formaient les
traits distinctifs de son caractère. Z.
WOLCOTT ( John ) , poète an-
glais, plus connu sous le nom de Pe-
ter-Pindar, né en 1 7.38 à Dodbrook,
dans le comté de Devon , était fils
d'un fermier. Un maître d'école
d'une petite ville voisine l'instruisit
dans le latin et le grec j et il fut
envoyé en France pour achever
ses études , puis reçu comme ap-
prenti par son oncle, chirurgien-apo-
thicaire à Fov^'ey en Cornouaille ,
qui voulait en faire son successeur.
Wolcott fit des progrès dans cette
profession^mais en même temps il des-
sinait beaucoup , et s'occupait encore
plus de poésie. On dit qu'il aimait à se
retirer dans les ruines d'une tour bâ-
tie sur un rocher au bord de la mer,
et qu'il s'y livrait tout entier à des
inspirations poétiques. Il se rendit à
Londres pour se perfectionner dans
la chirurgie, et revint ensuite auprès
de son oncle qui était l'apothicaire
de la famille ïrelawney. En 1769,
sir William Trelawney ayant été
nommé gouverneur de la Jamaïque ,
Wolcott l'accompagna dans cette
colonie , avec le titre de médecin du
gouvernement, malgré l'opposition
de son oncle qui déplorait vivement
l'inconstance de ses goûts. Dans la
navigation, sous le beau climat des
Canaries, il composa plusieurs pièces
124 WOL
de, vers pleines de verve. Arrivé ^Ha
Jamaïque, son epictiréisme céda aux
influences du climat ; il amusait le
gouverneur par sa gaîle'^ exerçait un
peu la médecine sous le titre de mé-
decin en chef de l'île, et passait Ja
plus grande partie de son temps dans
la joie. Un Jour il lui prit fantai-
sie de remplacer le recteur de la
principale paroisse qui venait de
mourir, et il monta en chaire avec
la permission du gouverneur , qui
trouva sans doute plaisant d'entendre
prêclier un médecin qui se moquait
de tout, et qui aimait trop les joies
de ce monde pour songer beau-
coup à l'autre. Mais le protecteur de
Wolcott vint h mourir, et il fallut
bientôt renoncer à la vie volup-
tueuse des colonies. Il revint vers
son oncle , qu'il perdit aussi peu
de temps après j il liérita de lui , et
alla s'établir comme mérk^iu dans
la petite ville de Truro. Là , il com-
posa des satires , dessina de temps
en temps des caricatures, mystifia ses
voisins , et se fit des querelles avec
beaucoup de monde. Ayant perdu un
procès contre l'autorité municipale ,
il abandonna cette petite ville pour
Helstan, d'où il se retira à Exeter.
Ce fut à Truro que Wolcott composa
ses meilleures odes , entre autres
celle qu'il adressa à Gambria , mon-
tagne de la Cornouaille , et que l'on
met à coté des meilleures odes de
Collins et même deGray. Dans cette
retraite obscure il aida quelques ta-
lents naissants , dont il avait su
apprécier le mérite. De ce nom-
bre fut Jobn Opie ( Fqy. Opie ) ,
simple charpentier , qui , grâce à
ses encouragements, devint un pein-
tre fameux. Wolcott possédait lui-
même un talent fort agréable en pein-
ture, et en même temps il cultivait la
musique et compo.'ait de jolies ro-
WOL
^nâncës! Cependant son goût domT
nant le portait vers la raillerie et la
satire; il débuta , en l'j'yB , dans la
poésie satirique par nne épître ou
une pétition aux auteurs des Re-
vues littéraires. Il s'était établi
l'année précédente à Londres , et
y avait conduit son protégé Opie,
qui y eut de grands succès. Il lança
alors dans le monde une critique très-
amère de l'exposition des tableaux
et dessins , sous le titre d' Odes lyri-
ques, aux académiciens roj aux, par
Peter-Pindar , parent éloigné du
poète de Thèhes , in85. Quelques
grandes réputations , entre autres
celle de Benjamin West, y étaient at-
taquées sans ménagement. Le succès de
cette critique encouragea le poète, et
l'année suivante il en lit une seconde j
eniin, il devint de plus en plus har-
di. Le roi, étant uu jour à table ,
avait aperçu sur son assiette un in-
secte dégoûtant ; aussitôt l'ordre fut
donné de raser toutes les têtes des
cuisines royales : aucun marmiton ,
aucun cuisinier ne put se soustraire à
cet ordre sévère. Ce fut pour Wolcott
le sujet d'un poème burlesque , The
Lousiad , dans lequel le monarque
fut traivf un peu lestement. 11 paraît
que les ministres eurent d'abord Tin-
lention de poursuivre l'auteur ; mais
ils furent retenus par la crainte du
ridicule et par la vérité du fait.
Du reste le poète ne les ménagea
pas plus que leur maître ; Pitt sur-
tout fut p.oursuivi avec beaucoup
d'aigreur , particulièrement dans
V Elégie sur la taxe de la j)Oudre à
poudrer , et dans son Epître à
un ministre tombant. La couleur
politique des écrits de Wolcott sem-
l)lait le ranger parmi les ennemis du
trône; on dut être fort surpris de
voir celui qui avait fait si vertement
la leçon aux rois , exprimer son
WOL
indignation contre leurs adversai^
res, lorsqu'il publia en 1791 les Odes
à ( Tiioinas ) Paine , auteur des
Droits de l'iiommc , sur le projet de
célébrer la chute de V empire fran-
çais, par une bande de démocrates
aji^lais, le ï^ juillet, 10 pages in-
4". Wolcott coin[)osa plus taid une
satire intitulée Eglogue urbaine ,
contre les JiiographeS qui recueil-
lent les moindres détails de la vie
des hommes célèbres, comme Bos-
well venait de le faire dans la Vie
de Jolinson. Mais à son tour il
fut chansonnë par Gifford , auteur
du poème satirique the Bawiad.Yn-
rieus. de cette attaque, Wolcott court
à la boutique du libraire , et donne
des coups de canne à son adversaire
qui riposte de la mrme manière j ou
finit par mettre Wolcott à la porte.
Cette affaire lit grand bruit dans les
journaux (1800). On publia même
à ce sujet un récit burlesque : Le
combat des Bardes , poème héroï-
que en deux chants j avec une pré-
face et des notes, 1 vol. in-4**. Une
autre allaire conduisit le poète devant
la justke. Plus que sexagénaire, Wol-
cott fut traduit à la cour du banc du
roi, comme prévenu d'adultère- mais
il fut acquitté , et Ton préti nd que le
mari, son accusateur, n'avait voulu
que se faire donner de l'argent. On
raconte qu'ayant été attaqué d'une
maladie asthmatique en 1793, il
fut presse par des libraires de
leur céder la propriété de ses ou-
vrages , moyennant une rente via-
gère de deux cents livres sterling.
Le rusé poète accepta cette proposi-
tion , puis il s'en alla dans son pays
habiter la campagne. L'air salubre
du Devon et de Cornouaille eut une
influence si heureuse sur sa santé ,
qn'il revint parfaitement guéri à
Londres , au grand ctonncmcnt des
WOL
125
libraires, qui moururent tous avant
lui. Wolcott alors recommença ses
travaux; il lit des vers satiriques sur
les événements publics, soigna une
nouvelle édition du Dictionnaire des
peintres , ])ar Piikington , publia un
choix des Beautés de la poésie an-
glaise , ainsi qu'une tragédie ano-
nyme , intitulée : la Chute du Por-
tugal, qui n'a pas été jouée. Alken a
gravé à Taqua-tinla une suite de
paysages d'après ses dessins. lis
ont été publiés sous le titre de Fues
pittoresques. Ayant presque perdu
la vue, Wolcott se retira dans une
maison isolée, près de Londres , 011
il composa encore quelques pièces de
vers , entre autres le Prologue qui
devait être prononcé à l'ouverture
du théâtre de Drury-Lane, i8iJi ,et
une Epitre à l'empereur de la
Chine , au sujet du renvoi de l'am-
bassadeur anglais, lord Amherst, en
18 17. Cette pièce fut son dernier
ouvrage ; il mourut à Soraerston
le i3 janvier 1819. Wolcott avait
désiré être enterré dans le cimetière
de Covcnt-Garden , près du tombeau
de Butler, auteur du poème à!Hudi-
bras. La plupart de ses poésies
ont perdu de leur mérite, étant rem-
plies d'allusions qui sont devenues
inintelligibles et sans intérêt pour la
postérité. Une nouvelle édition de
ses OEuvres a été donnée en 1816 ,
4 vol. in-24- On trouve dans YAn-
nual biographf and obituarf de
i8'2o une Notice étendue sur le doc-
teur Wolcott. hit?> Torys ne lui par-
donnaient point d'avoir raillé la cour,
les ministériels , le clergé 5 lesWhigs
n'étaient pas plus contents de lui, et
les uns et les autres avaient des re-
proches fondés à lui faire. D — g.
WOLDECK D'ARNEBOURG
( Jean-George ) , général prussien ,
naquit en 17 i:^ , dans rAUmarck ou
jiCy
VVOL
Vicille-Mai'clic, à Storckovv, seigneu-
rie dont il devint propriétaire , après
la mort de son père, il lit ses pre-
mières armes dans le régiment des
gendarmes, où il était lieutenant en
1738. Le roi , Frédéric-Guillaume ,
l'envoyait chaque hiver en Silésie et
dans les autres contrées de l'empire,
pour y lever des recrues. Par son
adresse il sut procurer à ce prince
des hommes de la taille la plus éle-
vée, tels qu'il les desirait, et ob-
tint ainsi sa faveur en flattant sa
passion dominante. Il fit , en 1 ^4 ' ?
la première campagne de Silésie,
et dans une attaque qui eut lieu au
mois d'avril 174^? ^^^ village de
Scliorwitz, près d'Olmutz, il se dis-
tingua tellement que Frédéric 11 lui
envoya l'ordre du Mérite. A la ba-
taille de Sorr , il eut un cheval tué
sous lui, et mérita ce jour-là que le roi
le nommât sur le champ de bataille
capitaine de l'état-major. Il était
dans le régiment de Saxe, lorsque la
guerre de Sepl-Ans éclata , et à la
bataille de Lowosits il commanda
ce régiment. Sa belle conduite à
Rosbach et à Zorndorf lui fit don-
ner le commandement d'une briga-
de composée de deux régiments
de cuirassiers. En 1760 , après la
bataille de Torgau , il fut nommé
colonel , et en 1764 , le roi lui ayant
donné un régiment qui devait porter
son nom, et l'ayant nommé chef de
celui des cuirassiers de Schraettau y
le fit major- général de cavalerie.
Woideck mourut le 4 janvier 1785.
G— Y.
WOLDEMAR ou WOLMAR ,
rois de Danemark. F, Valdemar,
XLVI1,^8^. 89.
W 0 L F ( JÉRÔME ) , naquit , en
1 5 16, d'une famille ancienne et dis-
tinguée , dans la principauté d'OEt-
tingen en Souabe. 11 fit d'alund de
WOL
grands progrès dans le grec et le la-
tin, à Nordlingue , puis à Nuremberg;
mais la faiblesse de son tempérament
bilieux et mélancolique le fit tomber
malgré sa jeunesse dans une espèce
de misanthropie. Son père , pour le
distraire des idées sombres aux-
quelles il se livrait , le retira de
ses étiîdes , et le plaça auprès
du chancelier , comte d'OEttingen.
Il en mérita la confiance par sa
probité, sa modestie et son assi-
duité au travail ,• mais quelques désa-
gréments qu'il éprouva dans cette
piace le rejetèrent bientôt dans son
humeur noire. La lecture trop sérieuse
des poètes grecs et latins lui écliauffa
la tête, de sorte que son père, déses-
pérant de le voir réussir dans la juris-
prudence, l'envoya reprendre ses étu-
des à Tubingue.II passa de là à la cour
de l'évêque de Wiirtzbourg , d'où le
bruit que faisaient alors Luther, Mé-
lanchthon et Amerbach , par leurs
prédications, l'attira à celle de Wit-
temberg. Il s'attacha aux sectaires.
Mais, son humeur inquiète ne lui per-
mettant de se fixer nulle part, il me-
na une vie errante, touj ours aux prises
avec le besoin , et faisant la fonction
de maître d'école. On lui confia l'é-
ducation de plusieurs jeunes gens de
qualité , avec lesquels il fit le voyage
de Paris. Vascosan, Ramus, Turnè-
be et les autres savants de France
l'accueillirent ; mais les invectives
de Strazel, professeur royal, contre
sa traduction de Démosthène, l'o-
bligèrent de quitter cette ville. 11 re-
vint à Baie dans un état pitoyable.
Ses amis , mécontents de son incons-
tance, le reçurent froidement. Il pu-
blia dans cette ville , en 1 547 •> "*^^
édition de Zonare^ avec une traduc-
tion latine, où il jugea à propos de
changer la division de l'auteur, qui
est en àç-x^^ parties , et de la mettre
I
WOL
en trois. Ducaiige, qui en a donne
plus tard une nouvelle édition ^ a ré-
tabli la division fixée par l'auteur
et corrige la traduction de Wolf.
Enfin il trouva un asile à Augsbourg,
chez Fugger, qui lui procura la pla-
ce de principal du collège et celle de
bibliothécaire. Il eut beaucoup à
combattre contre son inquiétude na-
turelle, pour se fixer dans cette ville,
où il mourut de la pierre en i58i.
C'était un honnête homme et d'un sa-
voir profond ; mais il avait la tête
faible. 11 crut à l'astrologie judi-
ciaire, et chercha dans l'inllucncedes
astres la cause de ses raaiheuis , qui
ne proveuaicnt que de son caractère
inquiet^ ombrageux, tout à-la- fois
timide et orgueilleux, passant rapi-
dement d'une extrême confiance au
plus grand désespoir. 11 s'était mis
en tête que le diable le poursui-
vait continuellement, que les magi-
ciens le persécutaient, que ses ali-
ments étaient pleins de vers, d'arai-
gnées , etc. Tous ces travers ne
l'empêchèrent pas de se rendre très-
habile dans le grec , et de composer
des ouvrages fort utiles. Les prin-
cipaux sont: I. Des traductions élé-
gantes et des additions accompa-
gnées dénotes savantes, à'Isocrate,
de De'jnosthène , d'Epictète , des
Scolies de Démophile sur le Tctra-
hihlon de Ptolémée , de Suidas , de
Zonare, de Nicétas , de Léonicus
Chalcond^las y Aq Nicéphore Gré-
goras , etc., Je tout à Baie, chez
Oporin. 11. Nicephori historia hy-
zantina y grœcè et latine. Baie,
i56'2 , et Paris, 170'^, 1 vol. in-fol.
Dans son édition de Grcgoras, Boi-
vin a retouché la version de Woif ,
et il y a ajouté beaucoup de notes.
On reproche au savant traducteur la
témérité avec laquelle , dans le texte
grec de ses éditions , surtout dans
WOL 127
celui de Démosthène , il insère des
corrections fondées sur ses seules
conjectures. III. De vero et licito
astrologiœ usu. IV. De expeditd
lUriusque linguœ discendœ ratione,
V. Beaucoup de Notes , scolies y
commentaires , entre autres sur le
tableau de Cebès, le songe de Sci-
pion , etc. VI. Judicium de poetis
legendis. VII. Elegia in stuporem
Germaniœ. C'est à tort qu'on lui
a attribué un catalogue des manus-
crits de la bibliothèque d'Augsbourg
( F. le Répertoire bibliographique
universel de M. Peignot, page 4^)»
T-D.
WOLF ( Jean ) , médecin , né à
Berg-Zabern , dans le pays de Deux-
Ponts , le 10 août 1537, fut pro-
fesseur à l'université de Marpourg ,
pratiqua long -temps avec suc-
cès , et devint médecin du land-
grave de Hesse , qu'il guérit des hé-
morrhoïdes par un remède dont ce
prince lui acheta le secret moyennant
la rente viagère d'un bœuf gras tous
les ans. Il est probable que ce secret
n'était autre chose que l'onguent de
linaire. J. Wolf mourut le i^^.
juillet 1616 , après avoir publié
plusieurs dissertations latines sur
l'hypochondrie, l'épilepsie, l'asth-
me , le scorbut, le catarrhe ,
la pleurésie^ la fièvre maligne, la
fièvre intermittente quarte, toutes
dissertations qui virent le jour sépa-
rément et à didérentes époques. On a
encore de ce médecin : 1. De acidis
wildungensibus earumque mineris,
naiurd , viribus , ac usûs ratione ,
Marpourg, i58o, in-4°' H- Versio
latina decem dialogorum Joannis-
Bapt. de Gello , de naturœ huma-
nœ fabricd , Amberg , i6og , in- 12.
III. Exercitationes semeioticœ in
Galeni de locis ajfectis libros sex ,
Helmstadt, 1620, in-4«. IV. De
viS
WOL
aqud vilce juniperind epislola ,
avec les observations mcdicales de
Greg. Horstins, Ulm, i(3y.8,iii-4''- ,
p, 4i ï* — On a quelquefois confon-
du cemedeciii avec son frère jumeau
Jean Wolf, jurisconsulte, qui fut
attaché au duc de Deux-Ponts^ et
devint ensuite conseiller du margrave
do Bade. Il mourut à liei'bronn , où
il s'était retire, le 2 3 mai 1600. On
a de lui : I. Clavis historiarum. IL
Tahulœ Jïinemonicœ historiœ uni-
versalis. 111. Lectiones memorahi-
les et reconditœ y seu opéra theo-
logico-historico-poUtica y Francfort ,
107:2 , 2 vol. in-fol. On lui doit en-
core de nouvelles éditions des ouvra-
ges historiques de llob. Gaguia et
d'Alb. Krantz ( Fof. ces noms ). —
Wolf {Gaspard) , ne à Zurich vers
t5'25 , étudia la médecine à Montpel-
lier,etyprit ses grades en i558. Re-
venu dans sa patrie, il fut nommé pro-
fesseur de physique à la place de Con-
rad Gesner son ami , et joignit ensuite
à cette place celle de professeur de
langue grecque. Il mourut en 1601 ,
ayant composé divers écrits re-
marquables par l'érudition , entre
autres : I. Fiaticum nowum de om-
nium ferè particularium morbo-
rùm curatione , Zurich , 1 565 , in-
\'î , deuxième édition, iS^S, in-
8". II. Folumen Gjnœciorum , de
muUerum grai^idarum , parturien-
tium et aliarum naturd et morhis ^
Baie, i566, i586^ in- 4*^. ; Stras-
bourg , 1597, in-fol. C'est dans
cette collection que fut publié pour
la première fois le traité de Mos-
chion sur les maladies des fem-
mes. III. Alphabeticum empiricuni,
sii^e Dioscoridis et Stephani Athe-
niensis de remediis expertis liber,
Zurich, i58r, in-80. IV. />e stir-
pium collectione tabulée, tùm géné-
rales , tùm per duodecim menses ,
WOL
Zurich, 1587, in-8«. V. Tabula
gêner alis dii^ersorum ponderum :
virorum illastrium alpliabeiica enu- •
meratio qui de ponderum et men-
surarum doctrind scripserunt (dans
le traité De ponderibus de Massa-
ria). Lié avec Conrad Gesner, Wolf
en publia la biographie, avec pro-
messe d'être l'éditeur de V Histoire
des plantes de son ami : mais il ne
livra au public que la collection des
lettres de l'illustre naturaliste. —
Wolf {Jacques) , né à Naumbourg
le 3o décembre 16^2, lit ses pre-
mières études médicales chez son pè-
re, qui était apothicaire, alla les ter-
miner cl Leipzig , et pratiqua long-
temps à Altcubourg, où il laissa des
regrets quand il quitta cette ville pour
se rendre à ïéna. Il y obtint une
chaire de professeur, et mourut, après
l'avoir occupée qiiatre ans , le ^5'
juillet 1694. Il était de l'académie
des curieux de la nature, sous le.
nom de Socrate. On a de lui dif-
férentes Dissertations : I. De in-
sectis in génère , Leipzig, 1669,
in-4°- IL De urinœ incontinentid ,
léna , 1678 , in- 4"'. HI. De littera-
torum potu , ejusque usu et abusu ,
léna , 1684 , iu-4'*. IV. Scrutinium.
amuletorujn m.edicum , Leipzig et
léna , i()90 , in-4*'. , Francfort,
1692, in-4^. avec l'ouvrage de Ju-
les Reichelt, intitulé: Exercitatio-
nes de amuletis. Son Éloge se trou-
ve dans le Recueil de J.-G. Zeumer.
— Wolf ( Jean - Christian ) , mé-
decin , né en 1678, fut l'éditeur d'un
ouvrage utile, laissé manuscrit par
son père , Yves Wolf , qui avait été
chirurgien du prince d'Anhalt, sous
ce titre: Obsen>ationum chirurgico-
medicarumlibri duo, cum scholiis et
variis interspersis historiis medicis,
Quedlinbourg , 1704, in - 8*^. Ces
Observations roulent sur les plaies ,
WOL
les tumeurs, les contusions , etc. —
WoLF {Pancrace), médecin, ne
à Altdorf en i(-)74;» pratiqua dans
difï'crentcs villes, et fut professeur
à Halle. Son attachement au sys-
tème de l'école mécanique lui suscita
quelques démêlés avec Alberti; il
eut aussi des discussions avec Stahl,
au sujet de l'or fulminant, et pub'ia,
à cette occasion : Aiirlfulminantis
defensio, purgantis in fcbribus acii-
tis, propter orgasmuuL tempesim ,
tutissimi , Halle, 1707, in-zj.**. On a
encore de lui : I. Ilippocratis regidcv
de febrium crisibus pcr abscessus,
erysipelata , etc. , Halle , 1 704 , in-
4". II. Hippo Gratis cautela , exem-
plo Halicarnassensis super venœ
sectione intempesWd in phrenilide
et deliriofebrili , Halle ^ 1 706 , in-4.*^.
m. Fhfsica Hippocratica, qudex-
ponitiir Immance natiirœ mecanis-
mus geometrico-cliymicus , Leipzig,
1 7 1 3 , in-8''. IV. Des Dissertations :
De ictero , De insomniis , etc. Ou
ignore quand mourut ce médecin.
— Woi.F ( Gaspard - Frédéric ) ,
anatomiste, né à Berlin en 1735,
professeur de jiliysiologie et d'ana-
toniie à Pétersbourg , où il mourut
en 1 794 , a f^iit des recherches lu-
uiiueuses sur le mode de formation
lu canal intestinal , et son opinion
est encore aujourd'hui dominante.
Ses écrits sur cet objet , ainsi que sur
'auatomie du cœur , sont insérés
laus les Nova Commentaria Fe-
rop. On a encore de lui : Disserta-
io sistens theoriani generationis ^
lalle, 1759, in-4'^. et in-S"-'.; trad.
!n allemand _, Berlin, 1764, in- 8^.
R — D — N.
WOLF ( Jean-Latjrent ) , savant
anois , était , vers le milieu du 17^.
iècle, libraire à Gopenhague.il a pu-
lié : I. Diarium^ seu Calendarium
cclesiasticum , poUticum et œcono-
LI.
WOL
29
inicum perpeluum , Go]>enhague ,
1648, in-4'^. IL Chroiiologia, ab ortu
Christi ad annum Christi 1648 ,
Copenhague, 1648 à 1662, in - 4".
IIÏ. De exsequds Cliristiaiû F, Co-
penhague, 1648, in-4^^ IV. Enco-
niion regni Daniœ , Copenhague,
i65i , in 4'^ V. JVon^egia, Islandia
et Groenlandia illustrata , Copeii-
hagiie, i65i, in-4^. G — y.
WOLF ou WOLFF ( Jean-
Chrétien , baron de ) , célèbre phi-
losophe et mathématicien, naquit,
le 24 janvier 1G79 , à Breslaw ,
où sou père exerçait la profession de
brasseur. On peut compter WoKF
au petit nombre des enfants pié-
coces qui sont devenus ensuite des
hommes distingues. Il témoignait,
dès sa plus tendre jeimesse, un ardent
et insatiable désir de s'instruire , et
annonçait eu même temps les plus
heureuses dispositions. Son père, au
milieu de ses travaux , commença ;à
seconder lui-mcme ces dispositions,
eu lui enseignant , à l'âge de 8 ans , la
langue latine , comme en jouant, et ne
négligea rien ensuite, pour lui procu-
rer des maîtres habiles. Jl étudia an
gymnase de sa ville natale, qui porto
le nom de Marie -Madeleine , la phi-
losophie du temps, qui, comme oii
sait, était un aristolélisme encore
tout empreint des traditions scolas-
tiques. 11 y excella tellement dans le
triste art de la dispute , qu'il était en
état de lutter avec ses propres maî-
tres. Cependant, d'après ce qu'il ra-
conte lui - même, WollF sentait s'é-
veiller eu lui l'esprit inventif. Il en-
tendit parler des travaux de Descar-
tes , et fut impatient de se procurer
les moyens d'étudier une philo-
sophie nouvelle qui répandait alors
tant d'éclat. Enflammé d'une géné-
reuse émulation , il conçut l'idée de
rendre à la philosophie ]natique le
9
i3o
WOL
même service que Descartes avait
voulu rendre à !a pluiosopliietlicori-
que , par l'application des méthodes
mathématiques. Cette vue , qui le
frappa de si bonne heure, et qui
s'empara pleinement de lui , fit l'oc-
cupaliou de sa vie entière. Ce fut
dans ce dessein qu'il se livra avec
ardeur à l'ëtude des séicnces exactes.
Il puisa dans cette étude le goût de
l'ordre et de la précision. Il y apprit
à penser d'après lui - même , et à se
créer des opinions indépendantes. A
l'âge de vingt ans , il suivit les cours
de l'université d'Iéna , et vint ensuite
prendre ses grades à Leipzig. Il y fit
quelque séjour, et soutint, en 1701,
sur l'application de la méthode ma-
thématique , une thèse qui attira
l'attention des savants , et mérita
leurs suffrages. Là, il s'aida des con-
seils et des exemples de Tscliirnhau-
sen^ géomètre lui-même et philoso-
phe. Burkhard Munken le mit en
rapport avec Leibnitz ^ qui l'encou-
ragea , et avec lequel il eut le bonheur
d'entrer en correspondance. Ainsi se
forma l'éducation philosophique de
Wolff. Il puisa à l'école de Descartes
le désir d'une réforme , le sentiment
de l'indépendance néces^iire pour
l'opérer , et l'idée de la méthode qu'il
adopta. Il puisa à l'écolede ïschirn-
hauscn le besoin de Tunité systé-
matique^ l'exemple de la précision
dans le langage, l'exactitude des dé-
finitions,la dispositionàconcilieravec
les méthodes ûj/^nor/ les instructions
de l'expérience , et surtout celles de
l'expérience intérieure, dont la cons-
cience est le théâtre. A l'école de
Leibnitz, il s'éleva aux sommités
des spéculations mét.iphysiques sur
les principes élémentaires des êtres
et la coordination générale des phéno-
mènes. Woîir comprit que le .moment
élaitvenudcdonneràrAliemacjneunc
WOL
philosophie nationale, comme, à la
même époque, elle sollicitait aussi une
littérature indigène. La philosophie
scolastiqiie était discréditée : Aristo-
te , trop confondu avec elle , avait
vieilli comme elle : le platonisme ,
peu connu, manquait d'ailleurs d'un
caractère didactique. Thomasius était
resté dans des régions trop vulgaires*.
Descartes avait pris un vol trop har-
di • ses succès partiels ne pouvaient
être durables : Leibnitz avait posé des
bases, mais n'avait point construit
un édifice. Wolff osa se présenter
pour architecte. Il avait d'abord
dirigé ses vues vers le ministère
ecclésiastique ; mais l'amour des
sciences lui fit préférer la carrière
de l'enseignement. Deux Disserta-
tions , l'une sur la mécanique et {'au-
tre sur la langue, furent ses premiers
essais , après sa thèse. Repoussé d'
bord dans quelques démarches po
obtenir une chaire , il se vit , en 1 70
appelé à-la-fois à Giessen et à HaU
Il préféra cette dernière ville, et
fut chargé de l'enseignement des m
thématiques et de la physique. Ses
premiers travaux eurent pour ob]^
la science qu'il était chargé d'expû
ser j et ce fut alors qu'il exécuta e
publia ses Éléments de mathémati
ques , ainsi que la plupart de ses ou
vrages sur le même sujet. Mais il n
tarda point à payer aux sciences phi
losophiques le tribut qu'elles atten
daient de lui. 11 leur consacra su
cessivement plusieurs écrits, et
craignit point d'emprunter la lan^
nationalejexempIenouveaupourl'Al»-
lemagne, mais dont l'influence dev
être salutaire,et que le pub'icaccuei
avec une juste reconnaissance. C
ouvrages détachés ne portaient q
le titre de Pensées sur les forces
l'entendement humain , sur Dieu ,
monde et l'ame humaine , etc
TS
1
ue
WOL
l'cdigcs sons une forme plus concise
et plus simple que son grand corps
de philosophie îatine , quoiqu'ils
aient précède celui-ci , ils sont cepen-
dant plus utiles à consulter encore
aujourd'hui , pour faire bien connaî-
tre les systèmes de leur auteur , com-
me dans le temps ils décidèrent de
leur succès. Déjà , dans le monde sa-
vant , le nom de Wollf se plaçait à
la suite de celui de Leibnitz. On l'ap-
pelait à Wiltenberg, à Leipzig, à
Saint-Pétersbourg. Le roi de Prusse
lui décernait le titre de conseiller de
cour, et augmentait ses honoraires.
Les honneurs littéraires s'unissaient
aux applaudissements de ses disci-
ples, aux sulfrages de l'opinion. Ce
triomphe éclatant et rapide ne tarda
pas à être troublé par un violent ora-
ge. Le piétisme régnait alors parmi
les professeurs de théologie: ceux-ci
concevaient cha(jue jour contre la
philosophie de leur collègue les pré-
ventions les plus fâcheusesj ils lui
attribuaient une tendance contraire
à la religion et à la morale; ils l'ac-
cusaient de substituer l'action des
causes mécaniques à l'empire de la
Providence , dans le gouvernement de
l'univers; ils lui reprochaient d'in-
troduire le fatalisme dans la philo-
sophie , par l'emploi qu'il faisait de
l^hypothèse de l'harmonie prééta-
blie. A leur tête était le mystique
Joachim Lange, homme exalté dans
ses opinions , violent par caractère ,
personnellement animé, dit-on, con-
tre Wolff, parce que celui-ci , doyen
de la faculté de théologie , avait vou-
lu conserver pour adjoint Thûm-
fBiig , l'un de ses propres disciples ,
qui était en même temps son ami, et
avait repoussé le fils de Lange lui-
même , lequel aspirait à ces fonc-
tions, comme étant peu capable de
HfS remphr. La philosophie de Wollf
WOL
i3i
était chaque jour attaquée avec vé-
hémence. Une circonstance se
pre
senta pour lui attirer une persécution
de la part de l'autorité , et elle fut
avidement saisie. Le monde savant
était alors fort préoccupé par les no-
tices que donnaient les missionnaires
jésuites sur les mœurs et les opi-
nions des Chinois. Wolif , dans le
discours solennel qu'il prononça en
quittant le prorectorat académique,
traitant de la philosophie de Gonfu-
cius , fit l'éloge de la doctrine mo-
rale léguée par ce sage , et déclara que
les principes de cette doctrine étaient
en accord avec ceux qu'il avait
adoptés lui-même. On cria an scan-
dale , en voyant un professeur chré-
tien adopter ainsi les maximes d'un
peuple privé des lumières de l'Évan-
gile. 1 1 est assez curieux de remarquer
que WolfT, en écrivant au ministre
de Cocceji, à Berlin, pour réclamer
contre l'attaque dont il était l'objet ,
déclara qu'il avait eu le projet de
faire imprimer sa dissertation à Ro-
me , avec l'approbation de l'inquisi-
tion. La métaphysique de Wolfffut
ouvertement et vivement critiquée
par l'un de ses anciens disciples ,
Strahler, qui paraît avoir été excité
par Lange , et influencé aussi par
quelqiie ressentiment personnel. Cette
critique, publiée en deux volumes,
à lena , donna le signal de la guerre
qiù fut déclarée au professeur de
Halle. Lange le dénonça aux minis-
tres du roi de Prusse : il alla jusqu'à
prétendre que Woltf renversait les
preuves del'existencedeDieu, jusqu'à
voir en lui un complice de Spinosa ;
il l'accusa de corrompre les mœurs
et d'altérer la foi des étudiants de
l'université. Les intrigues s'unirent
aux déclamations. Quelques ofiiciers
alarmèrent le roi , en lui persuadant
que la doctrine de Wol userait dan-
l32
WOL
gereusc ])our rarracc , en offrant nne
excuse à la deseilion. Un ordre du
cabinet enleva au malheureux profes-
seur toutes les fonctions qu'il remplis-
sait, et lui prescrivit de quitter sous
deux jours le territoire du royaume.
Le 23 nov. 17213, il s'éloigna de
cette ville de Halle , où il enseignait
depuis seize ans. Son départ plongea
dans la douleur son nombreux audi-
toire. Dès-lors ses adversaires ne
f:;ardèrent plus de mesure. Lange et
Breitliaupt prêchèrent publiquement
en chaire contre lui. Franke , le pieux
fondateur de l'hospice des orphelins à
Halle, prosterne dans l'ëglise , rendit
grâces à Dieu de ce que Wollf avait
quitte cette ville. Le savant Buddee
fut entraîne' malgré lui dans cette
lutte passionnée. Le philosophe, per-
sécuté en Prusse , trouva auprès du
landgrave de Hesse-Gassel un asile
honorable , fut investi par lui du ti-
tre de conseiller aulique , et des
fonctions de professeur de philoso-
phie à Marbourg. De là , il se défen-
dit à son tour avec une véhémence
égale à celle de ses antagonistes. La
querelle s'étendit au loin j toute l'Al-
lemagne y prit part en quelque sorte.
Aux ennemis personnels de Wolff , à
ceux que l'envie avait animés contre
lui , aux hommes religieux qu'un
zèle mal entendu avait soulevés , se
joignirent naturellement tous les en-
nemis des innovations en fait de doc-
trine, tous les partisans aveugles des
routines de l'enseignement. Wolff
eut à son tour pour partisans ceux
qui desiraient voir restaurer les
sciences philosophiques en Allema-
gne ; sa cause acquit ainsi une haute
importance , prit un caractère géné-
ral, en devenant celle de l'indépen-
dance du philosophe. C'est aussi
sous ce point de vue que Wolff lui-
même la défendit, en s'attachant
WOL
d'ailleurs à justifier ses opinions con
treles inculpations dont elles avaient
été l'objet. Les deux partis , et
surtout leurs chefs, ne s'épargnèrent
réciproquement ni les injures, ni les
sarcasmes. Au milieu de ces ardentes
querelles , quelques esprits plus cal-
mes et plus justes, en blâmant les
mesures prises contre Wolff, en dé-
plorant l'animosité de ses antago-
nistes , portèrent sur le fond de sa
doctrine des jugements plus ou moins
sévères. Ce fut cà Marbourg qu'il ré-
digea et publia le corps entier de sa
philosophie en latin. Cependant de
nouveaux honneurs venaient le con-
soler des inimitiés et des disgrâces.
L'académie des sciences de France ,
celles de Londres et de Stockholm se
l'associèrent j Pierre-le-Grand , le
nommant vice-président de celle qu'il
venait de fonder à Pétersbourg , ra[
pela dans sa capitale , et , sur so
r'îfus, lui assigna une pension. Le goi
vernement prussien , lui-même , n
gretta d'avoir précipité ses décrel
de bannissement j une commissio
fut instituée pour en examiner les me
tifs ; son rap])ort fut favorable , I
doctrine du philosophe fut reconnu
innocente j il lui fut permis de ren
trer dans le royaume , et l'on imposj
silence à Lange. Frédéric-le-Gran(
monta sur le trône ;, et l'un des pre
miers soins de ce prince, qui lui-mê
me avait étudié et goiité la philoso
phie de WoliF, fut de réparer les in-
justices dont il avait été victime, et de
le rétablir dans sa chaire de Halle,
avec les titres de conseiller privé , d^
vice-chancelier et de professeur à{
droit de la nature et des gens. Mai
Wolff n'y retrouva plus son auj
ditoire ; à peine quelques discipU
vinrent-ils encore l'entendre. H linil
par se trouver seul dans sa chaire ,
pendant que ses écrits étaient entre
WOL
les mains de tous les étudiants , et
en grande partie précisément aussi
par cette cause. L'électeur de Ba-
vière, pendant la vacance du siège
impe'rial , lui de'cerna le titre de ba-
ron de Tempire, faveur peu ordi-
naire pour les philosoplies. Atteint
d'attaques de goutte , il supporta la
douleur avec calmej mais succombant
à un marasme , qui en fut la suite,
il mourut le g avril 1764 , avec les
sentiments de la pieté' chrétienne.
Wolir oiï'rit dans son caractère et
dans sa vie l'exemple de celte sa-
|«essedont il donna les leçons. Sa vie
fut celle d'un homme de bien j son ca-
ractère respiraitia candeur, la simpli-
cité et le désintéressement : le roi de
Suède qui professait pour lui une
haute estime , et qui l'avait nommé
son conseiller de régence , le pressait
souvent de faire connaître ce qu'il
pouvait désirer : « Je n'ai besoin de
rien , » répondait le philosophe. 11
conserva la sérénité et l'égalité d'ame,
au milieu de toutes les circonstances
de sa vie. Sa conversation était agréa-
ble et douce , ses mœurs sans tache.
La vanité assez marquée, mais naïve,
l'emportement dans les discussions
littéraires, qu'on pourrait lui repro-
cher , étaient , si l'on peut dire
ainsi , dans les mœurs des savants de
son temps j mais ils ne l'empêchaient
point d'avoir une certaine aménité
dans ses manières , de montrer de la
douceur et même de la générosité
envers ses ennemis. Sa passion do-
minante , ou plutôt sa passion uni-
que était l'amour de la vérité; il la
cherchait partout , il aspirait à la
répandre, surtout à la rendre utile.
Le ministère de la philosophie , à ses
yeux , consistait à affermir toutes
les doctrines conformes à la raison,
propres à servir les intérêts de la re-
ligion , de la société et des bonnes
WOL
i33
mœurs. La perspicacité , l'étendue ,
la clarté , la suite , la méthode ,
étaient les traits principaux de son
esprit. Quoique le cercle de ses con-
naissances fût en quelque sorte ency-
clopédique , elles ne formaient pour
lui qu'un seul et même système. Tel
était cet homme qui renversa dans
les écoles d'Allemagne le vieux em-
pire de la philosophie aristotélique ,
qui y régna lui-même pendant près
d'un siècle , et d'une manière pres-
que absolue , qui obtint ainsi un pou-
voir dont Leibnitz n'a pas joui, et
qui contribua même en partie à éten-
dre et à perpétuer l'influence de Leib-
nitz. Le génie de Wolff était cepen-
dant fort inférieur à celui de Leib-
nitz ', disons mieux : Wolff ne fut
point proprement créateur en philo-
sophie , du moins sous le rapport
des doctrines; mais il fut un grand
ordonnateur , et peut- être nul hom-
me , dans les temps modernes , n'a-
vait apporté dans l'ensemble et les
détails des sciences philosophiques
une coordination plus vaste , plus ré-
gulière. Il a donné aux sciences une
forme didactique qui leur était alors
inconnue ; et il semblait , par cela
même , appelé à présider à l'ensei-
gnement. D'ailleurs _, s'il a peu in-
venté, dans un ordre de recherches
qui ne laissait peut-être pas une grande
carrière à l'invention , il a usé de
l'éclectisme le plus large , le plus in-
dépendant ; il a également emprun-
té aux anciens , aux modernes , et
aux scolastiqiies eux-mêmes ; il a
associé Descartes et Leibnitz ; il a
puisé partout où il a cru voirie vrai ;
il a choisi souvent avec discernement^
toujours avec liberté; il a combiné
avec assez d'art. Cependant , on re-
connaît trop souvent , en rappro-
chant les notions éparses dans l'im-
mense appareil de ses doctrines ,
34
WOL
qu'elles se composaient d'clcmcnts
hétérogènes , quelquefois incompati-
bles. On a , en général , considéré
sa philosophie comme un dévelop-
pement et une continuation de celle
de Leibnitz ; elle a même reçu pour
ce motif le nom de Leibnitzo-Wolf-
fienne ,• cependant , quoique WollT
ait en effet développé des idées dont
Leibnitz avait jeté les germes , quoi-
qu'il ait combiné des idées qui se
trouvaient éparses chez son prédé-
cesseur, il n'a employé ces éléments
que pour une partie de l'immense com-
binaison qu'il a formée , il les a mo-
difiés en les employant. Ce qu'il y eut
de véritablement neuf dans la philo-
sophie de Wolff, ce fut la forme
dont il la revêtit j la seule création
véritablement propre qui lui appar-
tienne , c'est sa méthode , ou , pour
mieux dire , l'application qu'il a
voulu faire, à tout l'ensemble de la
philosophie, de la méthode des géo-
mètres. Déjà , sans doute , Des-
cartes , Spinosa , Newton , Tschim-
hausen , Leibnitz lui-même , avaient
tenté ce genre d'application , mais
d'une manière seulement partielle :
Wolff voulut en faire un emploi bien
plus absolu, plus étendu , plus ri-
goureux. Cette entreprise qui le sé-
duisit , qui l'occupa constamment ,
à laquelle il attacha sa gloire, re-
posait sur une idée radicalement
fausse, et par cela même ne put être
que malheureuse. Loin d'éprouver
pour l'exemple de Descartes une
émulation aussi mal entendue , il eût
dû être averti, par les erreurs de ce
philosophe , des dangers d'une ap-
plication qui l'avait égaré. Pour
transporter dans les sciences philo-
sophiques la méthode qui préside à
celle du calcul , il faudrait d'abord
pouvoir réduire les premières à se
renfermer, comme les secondes, dans
WOL
les spéculations purement rationnel-
les; il faudrait ensuite transporte!
dans les premières cette homogéuéitc
qui est propre à toutes les notions d(
quantité, et qui permet de s'élevc
aux plus hautes combinaisons, pari
une suite de transformations conslan-l
tes , régulières , uniformes dans leurs]
lois. Mais les sciences philosophiques!
appartiennent aux connaissances ex-
périmentales autant qu'aux spécula-
tions abstraites, et, même dans leun
parties spécula tives , elles ne compor-i
tcnt point des conditions semblables
à celles des mathématiques; leurs élé-
ments sont essentiellement mixtes ,
comme leurs combinaisons sont va^ «
riées. En vain, Wolff, pour échap-J
per à cette difliculté , a-l-il essayé de "
séparer, dans chaque branche de la
philosophie , la partie purement ra-
tionnelle , de celle qui appartient àl
l'expérience : la séparation en elle-[
même est forcée, et contrarie la naJ
ture des choses; elle ne peut, dans!
ses effets, satisfaire aux vues de l'au-j
teur, qu'avec un détriment réel pour^j
la science. Tantôt on voit notre phi-
losophe , en présentant un théorème
philosophique qui se justifierait fort
bien par lai-même, se croire obligé
de l'entourer cependant d'un appareil
de démonstration, pour lui assigner
sa place dans la grande cliaîne, et
pour le présenter comme un corol-
laire de tontes les propositions qui le
précèdent : tantôt on le voit fa ire vio-
lence à une vérité philosophique lors-
qu'il veut condamner un fait à sortir
des propositions précédentes comme
un simple corollaire logique. Wolff
a encore abusé d'une méthode qui
par elle-même était déjà une erreur.
On a reproché aussi à cette méthode
l'extrême rudesse et l'aridité de ses
formes ; elle contraint le lecteur à
parcourir comme autant de démons-
WOL
îralions géométriques , ])ar une suite
de renvois des propositions qui sont
sous ses yeux, à celles qu'il a déjà
rencontrées , toutes les vérités qui ap-
partiennent à la connaissance de soi-
mnne , qui s'aj)pliqueiit aux plus
grands intérêts de la vie. WoHï'a
(rouvé le moyen de rendre cette ma-
nière de procéder plus fastidieuse en-
core , par une prolixité sans exem-
ple- il ne vous iait grâce d'aucun dé-
veloppement, et s'obstine à déployer
tout l'appareil scientifique pour les
vérités les plus simples. Son corps
de philosophie latine n'a pas moins
de i>-4 gros volumes in-4°. , qui pour-
raient être réduits à un seul sans rien
perdre; il atteste une rare patience
dans son auteur; mais il en exige une
trop héroïque de la part du lecteur ,
pour que l'amour même de la vérité
puisse rendre capable du dévouement
nécessaire à l'étude d'un tel ouvra-
ge. Toutefois on ne peut contester à
cette méthode l'avantage de con-
traindre à déterminer exactement les
termes, à suivre constamment une
chaîne d'idées, et à procéder rigou-
reusement du connu à l'inconnu. Elle
a quelque chose de grave , de sévè-
re et de solennel. Nous sommes re-
devables à WolfT lui-même de con-
naître la marche de ses idées et l'es-
prit qui a présidé à ses travaux: il a
voulu en cire l'historien , dans son
écrit intitulé Ratio prœlectionum ,
et c'est un des plus grands services
sans doute, comme les plus rares,
que nous puissions demander aux
hommes qui ont joué un rôle éminent
dans les sciences. Emhvassant com-
me x4.ristotc et comme Bacon le sys-
tème entier des connaissances phi-
losophiques , WoUF a voulu comme
eux les classer; il a préféré la no-
menclature du premier à celle du se-
cond , mais en la réformant et pré-
WOL
[35
tendant la perfectionner. La division
générale qu'il a établie est à-peu-près
celle qui est encore aujourd'hui sui-
vie dans toute l'Allemagne. Il a
banni l'histoire naturelle et la physi-
que , du domaine de la philosophie.
La logique et la métaphysi([iîe sont
à ses yeux les deux ])rincipaux ob-
jets de la philosophie théorique :
« la métaphysique embrasse à son
tour l'ontologie , la psychologie ,
la cosmologie et la théologie natu-
relle : la philosophie pratique com-
prend l'éthique, la politique et le
droit delà nature et des gens.» On y a
joint plus tard l'esthétique, ou la théo-
rie du beau dans les arts. Wolff dis-
tingue trois ordres de connaissances :
l'un historique , l'autre philosophi-
que , le troisième mathéniatique.
« Le premier comprend les faits qui
apparlienneut soit au monde maté-
riel , soit aux substances imma-
térielles, et qui nous sont révélés
par les sens ou par la conscience in-
time. Le second embrasse la raison
des faits, et paraît à Woldplus certain
que le précédent. Le troisième, en-
lin, est la connaissance'de la quantité
des choses. » Wolffdéfmit la philoso-
phie : la science des possibles , en
tant qu'ils peuvent être : elle doit
rendre compte, suivant lui, de ce en
vertu de quoi ce qui est possible peut
se réaliser , et peut se réaliser de pré-
férence à une autre chance également
possible. Il défmit la science, l'ha-
bitude de démontrer les assertions.
La logique, suivant lui , doit la pre-
mière occuper lephilosophe, comme
moyen d'études ; cependant la logi-
que , assure-t-il , emprunte ses prin-
cipes à l'ontologie et à la psycholo-
gie* la psychologie à son tour em-
prunte les siens à la cosmologie et
à l'ontologie ; les démonstrations en
philosophie pratique et en physique
136
WOL
doivent emprunter les leurs à la me'-
tapLysique. La psychologie ration-
nelle, dont Wolff a voulu faire une
branche sepnree de la psychologie
expérimentale on empirique ^ est ca-
ractérisée par lui la science des
choses possibles relativement aux
âmes, WollF ne s'est forme, com-
me on voit , des rapports qui unis-
sent les diverses sciences, qu'une idée
inexacte et incomplète , parce que ,
domine toujours par sa pensée pri-
mitive , il n'a voulu chercher ces
rapports que dans la déduction abs-
traite des notions scientifiques. Sa
logique est csscnliellcment aristotéli-
que 'y il a remis en houneur le syllo-
gisme , mais en coniplétant et per-
fectionnant les formes qui en régis-
sent \es différentes combinaisons. Le
critérium de la vérité consiste , dit-
il , en ce que le prédicat puisse être
déterminé par la notion du sujet.
Le choix d'un tel critérium ne peut
répandre une grande lumière sur la
logique. Aussi WoîfT, en s'efforçant
de tracer une méthode pour l'inves-
tigation de la vérité, ne peut-il sor-
tir des simples combinaisons artifi-
cielles des termes du raisonnement.
On conçoit comment en procédant
par une telle voie il n'a pu attein-
dre lui-même à de véritables décou-
vertes. Ses longues dissertations sur
la manière de procéder en philoso-
phie , sur l'emploi des hypothèses,
sur les inductions à tirer de l'expé-
rience ,ne sont que le développement
de quelques maximes judicieuses et
prudentes , mais banales. Il y avait
quelque chose de plus neuf pour son
temps dans les vues qu'il présente
sur la langue philosophique et sur ia
liberté de philosopher- celles qui se
rapportent à ce dernier sujet pou-
vaient alors avoir quelque har-
diesse; mais toujours elles paraî-
WOL
Iront pleines de sagesse et mérite-^
ront une sincère estime à leur au-
teur y comme elles peignent fidèle-
ment sou caractère. WolfF a com-
pris dans sa logique des conseils sur
la manière d'écrire, de lire et de ju-
ger les livres , pour communiquer la
vérité, pour évaluer les forces intel-
lectuelles; il a essayé d'appliquer la.
logique à la pratique habiluelle de la
vie : c'est une idée qu'il a eue le pre-
mier , quoiqu'elle semblât devoir être
naturelle; bien exécutée,elle serait fort
utile sans doute. La philosophie,cn Al-
lemagne , est redevable à Wolff d'un
service semblable à celui que Cicé-
ron lui rendit à Rome : il a introduit
avec bonheur dans la langue usuelle
un grand nomljre de termes scienti-
fiques dont elle était dépourvue. Il
a fondé la métaphysique entière sur
le principe de la contradiction ; il a
même considéré celui de la raison
suffisante comme appuyé sur le pré-
cédent. Leibnitz n'admettait comme
réels que les êtres simples; Wolff ad-
met aussi les composés. L'essence
d'une chose consiste , à ses yeux ,
dans sa possibilité intrinsèque, pos-
sibilité dont la réalité est l'accom-
plissement : l'essence du composé est
donc dans le simple ; d'oii il suit
qu'il y a des éléments simples , quoi-
qu'ils échappent à nos sens. Leib-
nitz accordait à chacun de ses élé-
ments simples une force représenta-
tive; Wolff leur refuse ce caractère
intellectuel, et ne leur reconnaît
qu'une énergie productive. La subs-
tance , dit- il, est ce qui renferme en
soi la source de ses propres muta-
tions; elle contient donc une force
qui opère ces changements , force ac-
tive qui fait passer le possible à la
réalité; chaque mutation contient en
elle le principe de celle qui la doit
suivre , et tout est lié dans l'univers.
WOL
Wolil admet avec Leibnitz une sorte
d'harmonie préétablie, de laquelle
de'rive l'accord des opérations de
l'ame avec celles du corps j mais
cette harmonie n'est point le simple
re'sultat de la volonté de Fauteur de
la nature j elle se fonde sur ce que
les mutations qui s'opèrent dans l'â-
me et dans le corps ont à-la-fois leur
fondement dans celles que subit l'u-
nivers, lesquelles se réfléchissent à-
la-fois dans l'un et dans l'autre.
WollFa banni de la cosmologie le
spiritualisme que Leibnitz y avait
introduit : l'univers ( considéré à
part de sa cause première ) n'est
point à ses yeux un organisme vi-
vant, mais un mécanisme régulier
auquel le mouvement est imprimé.
Wolir a développé avec un grand
soin la démonstration de l'existence
de Dieu , déduite de l'être nécessai-
re^ et l'a établie sur le principe de
la raison suffisante ; il a tâché aussi
de compléter la célèbre preuve de
Descartes. Il s'est attaché à écarter
de l'idée de la Divinité celle de l'ame
du monde. Du reste , l'auteur de tou-
tes choses , étant aussi puissant que
parfait , lui semble avoir dû créer le
meilleur des mondes possibles. La
liberté du choix dans les actes de la
volonté, telle qu'elle est attestée par
la conscience intime, est le point de
départ de WolfF, dans la philoso-
phie pratique et dans la morale qui
en occupe la première partie. On s'é-
tonne de le voir bientôt après attri-
buer cependant une telle ellicacite'
aux motifs déterminants , que leurs
eflets deviennent inévitables; car,
« il est impossible, dit-il, qu'on ne
» veuille pas le bien , qu'on ne dé-
» teste pas le mal , dès qu'on les con-
•n çoit clairement; or, ce qui nous
» fournit lemotif , ajoule-t-il , par Ic-
» quel nous sommes déterminés à vou-
WOL 13^
» loir, nous lie par là même à agir;
« car on ne peut agir sans motif. »La
liberté se réduit donc à la faculté
qu'a l'homme, de pouvoir se déter-
miner pour ce qui lui paraît le meil-
leur dans son état présent. Aussi
Wollî'a-t-il été vivement accusé de
détruire, dans les conséquences de sa
doctrine, ce même libre arbitre qu'il
avait posé en principe. La règle gé-
nérale de la morale , selon lui , est
celle-ci : Fais ce qui peut rendre
véritablement jAus parfait ton état
et celui des autres, autant qu'il
dépend de toi. Mais en quoi consiste
cette perfection? La réponse est loin
de satisfaiie à l'attente que cette no-
ble définition pouvait faire conce-
voir : elle consiste , dit-il , dans l'ac-
cord de l'état actuel de l'homme
avec celui qui précède et celui qui
doit suivre. Et il ajoute : « La mo-
rale est donc une loi de la nature ;
la raison apprécie les rapports
qui naissent des conséquences de
nos actions ; clic enseigne donc et
promulgue la loi de la nature :
l'homme ne peut être raisonnable ,
sans se conformer à cette loi , et par
conséquent sans être bon : l'hom-
me raisonnable est en quelque sorte
sa loi à lui-même : il n'a aucun be-
soin d'être dirigé par la perspective
des récompenses ou des peines : une
action est donc bonne ou mauvaise
en elle-même, indépendamment de
toute prescription divine ; la morale
subsisterait dans toute sa force , mê-
me en écartant l'existence de la Di-
vinité; la morale existe pour l'athée
lui-même. Toutefois la nature a reçu
de son auteur les lois qui la régis-
sent : Dieu est donc, en ce sens, la
source première des lois de la mo-
rale ; en réglant l'enchaînement ge'-
néral des causes et des effets^ il a at-
taché le bonheur à la vertu, comme
38
VVOL
le malheur au vice. » Dans ce
sy-stcme le bonlicur et le malheur
suut , même ici -bas , distnl)ucs pour
le plus grand avantage de l'iiomme
de bien. WollF a fait entrer dans
son éthique, non-seidementdes règles
pour la connaissance de soi - même,
mais encore pour l'élude des autres
hommes • et à cette occasion il a
jirésenle' , sur la physioguomifpie ,
des aperçus qui ne sont pas sans mé-
rite. Le droit naturel est , dans son
point de vue , en quelque sorte
identique avec la morale. Il repose
sur le même fondement, sur l'obli-
gation de tendre à la perfection in-
dividuelle, réciproque et commune:
de ce principe resuite la belle et jus-
te conséquence , que chaque droit est
corrélatif à un devou-, et même que
tout droit repose primitivement sur
un devoir. On a reproché à Woîff
d'avoir compris dans le domaine du
droit naturel des règles qui n'appar-
tiennent qu'à la morale seule, d'avoir
trop souvent asservi les principes du
droit naturel aux maximes du droit
romain: cependant il a contribué cer-
tainement à viviiier en Allemagne
l'élude de la jurisprudence par un
nouvel esprit, à lui assigner un but
élevé , à lui donner un caractère vrai-
ment scientifique. La dernière por-
tion de la philosophie pratique, à
laquelle il donne le nom de poli-
tique , embrasse à-la-fois les com-
munautés individuelles ou domesti-
ques , c'est - à - dire qu'elle préside
aux rapports des époux , à ceux des
parents avec leurs enfants , à tout
ce qui appartient à la famille^ aux
communautés générales ou à la cité ,
en même temps qu'elle gouverne les
lois de la société , les droits du sou-
verain, l'exercice de son autorité^
la conduite du gouvernement , et mê-
me les règles de la guerre. 11 a don-
WOL
né de la sorte à la politique le ca-
ractère d\nie science. Ainsi con-
çue, elle n'est encore pour lui que la
morale appliquée «lux conditions de
ces communautés diverses* et sou-
vent il se trouve conduit par là
à faire entrer dans le code de la
politique des règles de morale privée,
et quelquefois même de simples con-
seils , dont les lois positives ne se
sont point occupées. C'est ainsi que
notre philosophe traite, par exem-
ple, des circonstances qui contribuent
au bonheur de l'union conjugale, etdu
danger auquel on s'expose en la con-
tractant ,dangerqu'il considère com-
me le plus grand que l'homme puisse
courir dans sa vie entière. La politi-
que appliquée aux communautés ci-
viles générales , ou à la cité, repose
sur cette règle : Fais tout ce quexi-
gelé bien commun, et ce qui main-
tient la sûreté commune. « Le meil-
leur gouvernement est celui qui tend
le mieux à un tel but. » VVolff n'hésite
pas à reconnaître ce caractère dans
la forme monarchique , quoiqu'il ne
s'en dissimule pas les inconvénients.
Il refuse aux sujets le droit d'exami-
ner ce qu'exige l'intérêt général , et
le réserve au prince: il limite cepen-
dant le droit du dernier à procurer
ce qu'exige l'intérêt général ; il sou-
met le prince aux lois. Il se demande
quelle garantie on peut , dans des
monarchies, demander au pouvoir,
pour l'observation des lois ; il n'eu
aperçoit pas d'autre , n'en de-
mande pas d'autre que le serment.
« Le sujet n'est pas tenu d'obéir
aux volontés injustes du prince. 11
doit alors subir sans hésiter les
peines attachées à la violation de
ses ordres. » Mais le sujet peut-il
être autorisé , en certains cas, à
résister , à refuser son obéissance ?
C'est ce que Woliîn'a point discuté.
WOL
Il ne s'est pas borne' à traiter les
questions relatives à la conslitutioa
des états , à la législation générale ,
aux devoirs politiques : il a parcouru
toute la variété des objets qui ap-
partiennent à l'administration pu-
blique, et qui peuvent ou procurer
le bien être de la société, ou accroître
ses forces : il a examiné les causes
de la richesse des nations , les moyens
de seconder leur prospérité, sans fai-
re cependant de l'économie politique
une science à part. Ses vues sur ce
sujet sont en général fort étroites j
elles expriment plutôt ce qui se pra-
tiquait de son temps , que ce qui eût
pu tendre à l'améliorer. Mais ici en-
core l'Allemagne a dû lui savoir gré
de soumettre aux investigations de
la raison, à une discussion publique
et méthodique , des matières qui jus-
qu'alors étaient en quelque sorte re-
tenues dans le secret des cabinets, et
d'avoir imposé le devoir de les consi-
dérer dans leur véritable but, l'intérêt
général de la société. L'enseignement
et les écrits de WoUï'ont opéré en Alle-
magne une véritable révolution ; ils
ont donné , pour la première fois, à
cette nation éclairée , une philoso-
phie qui lui appartient en propre. Le
rôle qu'il a joué était donc trop
important pour qu'on pût se dispen-
ser d'oll'rir ici une idée sommaire de
sa doctrine : cette doctrine ne se
caractérisant cependant par aucune
vue originale ou prédominante, mais
seulement par l'enchaînement et la
distribution générale de ses princi-
pes constitutifs , il était indispensa-
ble aussi d'indiquer quelques-uns de
ses principes fondamentaux. C'est
une sorte d'encyclopédie qui a eu du
moins l'avantage de donner l'exem-
ple des nomenclatures philosophi-
ques , d'essayer de grandes classifi-
cations , d'eu préparer de meilleu-
WOL
loi)
Tes , d'étendre et d'élargir le do-
maine de la science , de multiplier
les points de vue, en faisant mieux
distinguer les objets par de nom-
breuses énumérations , et de fournir
l'occasion déconsidérer les questions
sous leurs divers rapports , comme
dans leur connexion naturelle. A
cet égard elle a certainement don-
né aux sciences morales en Allema-
gne uu heureux essor , et une di-
rection utile. On peut appliquer aux
travaux de Wolll" dans les sciences
exactes ce que nous venons de dire
de ses recherches en philosophie ; il
n'a attaché son nom à aucune décou-
verte positive; mais on doit con-
venir qu'il a rendu un vrai service
à l'enseignement, par la forme qu'il
a donnée à l'exposition de la vérité.
Ici, il n'avait point à lutter , dans
l'emploi de sa méthode, contre la na-
ture des choses; au contraire, il était
merveilleusement secondé par elle,
et il a su bien comprendre ce que
la science attendait du professeur.
Ses démonstrations étaient coordon-
nées avec une exactitude, exprimées
avec une clarté , qui, en rendant les
opérations de l'esprit plus rapides et
plus sûres, lui donnaient de nouvelles
forces. Son cours de mathématiques
était le plus complet qui eût paru
jusqu'alors; il a conservé long-temps
cet avantage ; mais on lui a reproché
le même excès de diffusion qu'aux
autres ouvrages du professeur de
Halle. Wolif a eu de zélés partisans
qui ont soutenu sa cause dans la
grande controverse qui a agité sa vie;
il a eu d'illustres disciples qui ont
continué son ouvrage ; il a eu , ce qui
était plus heureux encore , des suc-
cesseurs qui , profitant de ses exem-
ples, s'emparant quelquefois ou de
ses cadres , ou de ses définitions ,
ont su rectifier ses erreurs , ou corn-
i4o
WOL
blcr des lacunes qu'il avait laissées.
La plupart d'entre eux^ les derniers
surtout , ont plus ou moins associé
Wolff à Leibnitz dans leurs propres
considérations. Dans la première
classe ont figuré surtout Bulfinger ,
Hanorvius, Harenberg, Riebowj dans
la seconde , Cramer et Glatey qui
appliquèrent sa philosophie à la ju-
risprudence , Feuerlin, Hagen, Stell-
wan , Croon , qui s'appliquèrent à
justifier ou à étendre l'emploi de la
méthode mathématique, Ludo\ ici ,
Thiimmig, Winkler, Baumeister,Er-
ncsti, Schierschmied ^ Beinbeck,qui
commentèrent ses doctrines ^ dans la
troisième classe se signalent princi-
palement Baumgartcn , Meyer, Da-
ries, Creuz, Pluquet , Lambert , Men-
delshon, Garve, Rcimarus^, Éber-
hard , etc. L'école allemande tout
entière se rattache à cette grande sou-
che y pendant la seconde moitié du
dernier siècle , jusqu'au moment oii
Kant vient ouvrir une nouvelle carriè-
re à ses méditations. Ludovici (i) et
Gottsched(2) ont été les historiens de
Wolff. Notre célèbre M'^^. Duchâtelet
a donné à la France un abrégé de sa
philosophie. Cephilosophe a eu aussi
des adversaires qui n'étaient point
les ennemis de sa personne , et qui ,
étrangers aux querelles de parti , se
sont bornés à discuter et à contredire
ses doctrines : quelques-uns , comme
André Rudiger , Gundling , Buddée ,
Crousaz , Crusius , Walsch , Mill-
ier , contestèrent ses hypothèses ,
critiquèrent ses principes ; d'autres ,
comme Poppo,Hismann , Basedow,
blâmèrent l'introduction de la mé-
thode mathématique dans les ma-
tières philosophiques. Les principaux
(i) Vila,fala el scilplct Chr. ÏVolffii, philoso-
/jfii , Leipzig et lîreslaw , 1789, Jn-S».
(•;«) Eloge histvrique de TVolj}, 01» allemand ,
Huile . 1755, iu-4"-
WOL
ouvrages de Wolff , en langue aile
mande, portent le titre de Pen
sées raisonnables sur les forces de
l'esprit humain , et leur juste em-
ploi dans la connaissance de la
vérité, Halle, 1712; ouvrage qui
a été traduit en français par Des-
champs. — Sur Dieu ^ le monde ^
Vame humaine , etc. , Francfort
et Leipzig, 1719, in-S*^. — Eemar-
ques sur le précédent ouvrage, Franc-
fort et Leipzig, 17^4 ? "^ " ^°* —
Pensées raisonnahles sur les opéra-
tions de la nature , Halle, 1728,
in-8^. — Sur le but des états natu-
rels, Francfort, 1723, in-S»^. —
Sur les actions de l homme dans la
recherche de son bonheur , Halle,
1 720. — Sur le bonheur des hom-
mes y et spécialement sur la société
considérée comme un moyen de
procurer le bonheur de l'espèce hu-
maine , ouvrage qui est proprement
la seconde partie du précédent, Halle,
1 721 , in-8". — Institutions du droit
de la nature et des gens^ etc. , Halle,
1754, in-Sf". ; publié aussi en latin,
Halle , 1 754 , in-4^. ; traduit en fran-
çais, avec des remarques par Lusac,
Leyde , 1 7 7 '^ , in - 4**. — Récit de
ses propres ouvrages , Francfort,
1726, in -8". — Écrits philosophi-
ques détachés, UoiWe, 1 740, iu-80.; —
Un Dictionnaire de mathématiques ^
in-80. Son grand corps de philoso-
phie en latin comprend : i». Philo-
sophia rationalis , sive logica mé-
thode scientijicd pertractata , etc.^
Francfort et Leipzig, 1728 , 2 tom.
in-4^. — 2^. Psychologia empirica,
etc. , ib. , in-4^\ — Z^. Philosophia
prima, sii>e ontologia ., etc., ibid. ,
1 780, in-4". — 4*^* Cosmologia gene-
ralis j etc. , ib. , 1731 , in-4". — 5".
Psjchologia rationalis, etc., ibid.,
1734 , in-4*'. — 6". Theologia imtu-
ralis y etc. ,ib., 1736, 1737, 3 to-
I
WOL
mes in-4''' — ']^.Philosophia practi-
ca universalis , etc. , ibid. ^ 1*^38 ,
l 'jZç) , 1 tomes 111-4*^. — 8«. Fhiloso-
phia nioralis , sive etliica , etc. ,
Halle, 1732, 4 tomes m-4'*- — 9^*.
Jus naturœ , Francfort et Leipzig , 8
tom. in-4^. — 10°. Jus geniium^eic,
Halle, 1752, in-4". Ces deux, der-
niers ouvrages ont cte abrèges par
Formey dans un seul re'sume' , public
en 1758, 3 vol. in- 12. — ii*^. Spéci-
men phfsicœ ad theologiani natu-
ralem appUcatœ , in-4 '. Hauorvins
a achevé la politique de Wolff, sous
le titre de Philo sophiœ civilis , si^e
politicœ partes iv , Halle, 174^^)
4 tomes in-4^. Son cours de mathé-
matiques a cte' publie d'abord en
deux , puis en cinq volumes in-4^. ,
Genève, 1731 et 174 1 , et abrè-
ge' ensuite par Pernetti en 3 vol.
in-8^. On a un grand nombre d'ar-
ticles de Wolirdans les Acta eru-
ditorum, de Leipzig. D. G — o.
WOL F ( Jean - Christophe ) ,
théologien et philologue, né le 21
lévrier i683 à Wernigerode , dans
la Haute-Saxe, était fils de J. Wolf,
surintendant et conseiller ecclésiasti-
que. Ayant achevé ses humanités au
gymnase de Hambourg , il alla con-
linuer ses études à l'académie de
Wittemberg , et y reçut le grade de
docteur en philosophie , à l'âge de
vingt ans. En 1707 , il fut nommé
co-recteur de l'école de Flensbourg •
mais, d'après le conseil de ses pa-
trons , il fit , l'année suivante , un
voyage dans les Pays-Bas et en
Angleterre , où ses talents précoces
lui méritèrent la bienveillance des sa-
vants. Pendant son séjour à Oxford ,
il collationna les manuscrits grecs
de la bibliothèque Bodiéienne , et en
tira des variantes et un grand nom-
bre de fragments inédits. A son re-
tour en Allemagne ( 1709), il obtint
WOL
41
le titre de professeur extraordinaire
de philosophie à Wittemberg. L'an-
née suivante , il visita Berlin , et se
lia de l'amitié la plus intime avecLa-
croze ( F", ce nom ) , conservateur
de la bibliothèque royale. H avait le
projet de donner une édition aug-
mentée de la Bihl. vêtus et nova de
Kœnig ( Foy. ce nom); mais la dif-
ficulté de se procurer les matériaux
nécessaires le força d'y renoncer.
Admis , en 17 12 , à la société royale
de Berliu, il reçut en même temps
sa nomination à la chaire de langues
orientales de l'académie de Ham-"
bourg. Il la remplit d'une manière
brillante. En 1 7 1 5 , il fut nommé
recteur 5 et à cette place il joignit
celle de pasteur de l'église Sainte-
Catherine. Les devoirs qu'on venait
de lui imposer ne ralentirent point
son ardeur pour l'étude , et chaque
année de nouveaux ouvrages ajou-
taient à sa réputation. Eu 1724 , il
fit un second voyage en Hollande ,
pour examiner les manuscrits hé-
breux des bibliothèques de Leyde et
d'Amsterdam , et en rapporta les
matériaux qui lui servirent à com-
pléter plus tard sa Bibliothèque hé-
braïque. Il se rendit , après la mort
d'Uffenbach ( F. ce nom , XLVII ,
i56) , acquéreur de sa précieuse col-
lection de lettres autographes des
savants les plus illustres du seizième,
du dix- septième et du dix-huitième
siècle (i). H promettait d'en publier
les plus importantes; mais l'affai-
blissement de sa santé ne lui permit
pas de s'occuper de ce travail ; et il
mourut le 25 juillet 1739, à cin-
quante-six ans. Il légua sa riche bi-
bhothèque à la ville de Hambourg.
Son frère, J.-Chrétien ( dont l'art.
suit), imita cet exemple. Le sénat
(1) Ce recueil formait 65 vol. in-fol. , et 54 in-Zl".
WOL
de Hambourg a fait placer les bmlcs
en inaibrc de ces deux, savants, dans
la principale salle de sa bibliothè-
que , avec une inscription en vers la-
tins de Godef. Scbnitz. Elle est rap-
portée dans IcSupplém. à la Biblioth.
littér. de Jœcber^95. Outre descdi-
tions de l'ouvrage de Théophile à
Autolycus , Hambourg, 179.47 in-8^'.
( r. Théophile , XLV, 33o); de
Vît alla et Hlspcmia orientalis de
Columiès ( V. ce nom , IX, 3i i ) ;
et des Lettres de Libanius ( f^^ojy. ce
nom, XXIV, 43 1 ) ('2 ) , on a de Wolf:
I. Deux Dissertations de mjthica
moralia tradendi ratione nof-an-
tiqiia , Wittemberg , 1 704 , m-4''.
II. Historia lexicormn hehraico-
rum , quœ tàm à judœis , quàm à
christianis ad nostra usque tempo-
ra in liiceni vel édita vel promissa
sunt y ibid. , 1705 , in-8". Cet ou-
vrage annonçait un critique sage et
judicieux. III. Dissertatio de Za-
hiis , ouvrage polémique contre Jean
Spencer, ib., 1706, in-4*^. IV. Ori-
genis cotkoaofoûiJisvc/. ( le véritable
titre porte ce mot en lettres grec-
ques ) recognita et notis illustra-
ta, Hambourg, 1706, in -8».
Jacques Gronove avait publie ce
livre , avec une version latine ,
dans le tome x du The saur, anti-
quitat. grœcar. Wolf conserva cetîe
version , mais en la corrigeant. Les
notes dont il a d'ailleurs enriclû cet
ouvrage en font une véritable his-
toire de !a philosophie ancienne. Il
faut joindre à cette édition un Sup-
plément de 1716 , contenant les va-
riantes des manuscrits de Florence et
de Turin , et deux dissertations dans
lesquelles Wolf prouve, contre l'opi-
{•>.) Avant de donner celle lielle édilioii dos let-
tres de Libanius, Wolf avait public ; I.ihanii cpis-
tolariim adhiin non edilarum renlurin aelerin f^r .
<iim ters. el tiotii, Ilaiitliniirg , 1711, in-8".
nion d'Hermann, que l'auteur des
Philos ophumena ne peut pas être
Didyme d'Alexandrie. V. Oratio
inauguralis de prœcocïbus eruditis ,
ibid.
1707 , m-4°. C'est le discours
qu'il prononça lors de sa nomination
à la place de co-recteur de Flens-
bourg. J.-H. Von-Seelen l'a réim-
primé dans un Recueil de pièces du
même genre, Hambourg, 1713, in-
4^- Vî. Phœdrifahulœ , cum bre~
vibus adnotationib. et vindiciis Gu-
dianis adversiis Jacob. Gronoviuni ,
Hambou
ï^g^ ï7"9'
8". Cette édi
I
tion est devenue très-rare. Burmann
l'avait cherchée inutilement ( V. sa
préf, ad Phœdrum ). VII. Disser-
tatio epistolica qud Hieroclis in
aurea Pjthagorœ carmina com-
mentarius nuper in Anglid éditas
partim illustrât ur ^ partim emen-
datur, Leipzig , 1710, in-80. C'est
un examen critique de l'édition d'Hie-
roclès publiée par Needham ( V.
cenom ). VIII. Dissertatio de atheis-
mifalso suspectis, Wittemb., 1 n 1 0,
in-4°. Wolf y venge un grand nom-
bre de savants du reproche d'athéis-
me. IX. Casauboîùana, etc., Ham-
bourg , 1710 , m-8<^. ( F. Casau-
BON, VU, 262). Ce recueil est cu-
rieux et plein d'érudition, Wolf y a
joint une dissertation sur ]cs ^na,
dissertation que Mich. LiJienthal a
complétée dans les Selecta historica
etlitterar.j i4ï-77- X. Dissertatio
de carcere eruditoruni museo ,'ih,,
1710 ; réimprimé en 1718, in-40.
C'est l'histoire des ouvrages qui ont
été composés en prison. On y voit
figurer Cardan, Campanella , Peu-
cer , etc. XI. Historia Bogomih-
rum , Wittemberg, 1712, in-4''. Les
Bogomiles étaient des hérétiques qui
parurent dans le onzième et le dou-
zième siècle. Wolf a tiré cet ouvra-
ge en partie de la Panoplie à'F.u-
WOL
thyme-Zigabenc ( F. ce nom , XIII „
540). XII. Dissertatio de caLenis
patrum grœcis, iisque pofissimùm
Mss., ibid., I7i'2,m-4".XIII. Bi-
hliotheca hebrœa, swe Notltia tùm
aiictorum hehrœorum , tùm scrip-
toriim , etc. , Hambourg et Leipzig ,
1715-35 , 4 ^'^'' in-4"- C'est un ex-
cellent abrégé de la Bibliothèque de
Bartolocci , corrigée et augmentée. Le
tome premier contient la notice des
auteurs hébreux , au nombre de deux
mille deux cent trente-un; lesecond ,
l'indication bibliographique de tous
les ouvrages imprimés ou manuscrits
relatifs ai' Ancien-Testament, à la Ma-
sore , au Talmud et à la grammaire
hébraïque; la bibliothèque judaïque
et anti-judaïque ; la notice des para-
phrases chaidaïques ^ des livres sur
la cabale , et enfin des écrits anony-
mes des Juifs. Les deux derniers
volumes renferment les corrections
et les suppléments. J. - Just Von Ei-
nem a publié une introduction à l'ou-
vrage de Wolf, 1787 ,in-4*^.; et J.-
Herm. Kœcher Ta continué ( For.
KOECHER, XXII, 517). XIV. A'O-
titia Karœontm ex tractatu Mar-
docliœi karœi, recentioris , etc., ib. ,
1714 , in-4°. On trouve à la suite le
traité De sectd karœonim de Tri-
gland ( F. ce nom , XLVI , S'il ).
XV. Anecdota grœca sacra et
profana , ibid. , l'-jii-i^ , 4 tomes
in 8".; collection très-estimée. Fabri-
cius a donné dans la Bihl. gr. , xiii,
78388, la liste des auteurs dont
elle contient des opuscules ou âas
fragments. XVI. Curœ philologicœ
in Nov. Testamentuntj ibid. , 1725-
35, 4 touies in-4°. Ces remarques de
Wolf ont été critiquées par Valcke-
iiaeret d'autres savauts.XVII.J5/Z?//o-
ihecaaprosiana, liber rarissimus et
à nonnidiis inter à-jiv.'Jô-ovç nume-
ralus , jani ex ling. italic. in
WOL
143
lat. conversa cum prœfat. et notis ,
ibid., 1734, in-8"\ Wolf n'a point
traduit la première partie de cet
ouvrage, qui lui parut inintelligible.
On lui reproche en outre de n'avoir
pas reproduit dans leur langue les
titres des ouvrages , ce qui les rend
méconnaissables. Aussi cette traduc-
tion n'a-t-eilc point diminué le prix
de l'original [F, Aprosio,1I , 34 1).
XVIII. Conspectus supellectilis
epistolicœ et litterariœ manu exa-
ratœ , ibid., 1736, in-8". C'est la
notice des lettres autographes qu'il
avait acquise à la vente d'Ûirenbach.
Ou [leut consulter pour plus de détails
l'ouvrage de Seelen : JVoJfd vita ,
scripta et mérita in Rempublicam
litterariam , Stade, 1717 , in-4'^. ;
et la Bibl. eruditor. prœcocium de
Klefeker, 42i-'-29. Le second volume
du Thesaur. epistolicus de Lacroze
conticut cent soixante-huit lettres de
Wolf, qui mériteut toutes d'être lues
par les amateurs d'histoire littéraire.
Son portrait a été gravé format in-
4'*. Une médaille frappée en son hon-
neur est figurée dans le Mus. Maz-
zuchellian. , 1 1 , pi. 17(3. W — s.
WOLF ( Jean - GnRETrEN ) ,
frère du précédent , avec lequel la
plupart des bibliographes l'ont con-
fondu , était né, le 8 avril 1689,
à Wernigerode. Ayant achevé ses
études avec le plus brillant succès,
il voulut , à l'exemple de son frère ,
visiter la Hollande et l'Angleter-
re , et , comme lui , s'arrêta quelque
temps à Oxford , pour collationner
les anciens manuscrits grecs de l'a-
cadémie , et en recueillir les varian-
tes et les fragments inédits. De re-
tour de son voyage, en 1716, il
donna des leçons gratuites de physi-
que , et contribua de tout son pou-
voir à ranimer le goût de cette scien-
ce en Allemagne. Sur l'invitation de
WOL
quelques amis, il se rendit , en 1 728,
àGliicksladt, pour dresser le catalo-
gue de la bibliothèque de Gustave
Sclira^dter ( 1 ) , riche surtout en li-
vres espagnols. En 17^5, il fut nom-
me' professeur de physique et de poe'-
sie au gymnase de Hambourg , et , le
^4 mai y il prit possession de cette
double claire par un discours qui
fut très-a])plaudi. Donc d'une ar-
deur infatigable pour l'ëtude , il cul-
tivait en même temps les sciences et
la littérature; et préparait, dans ses
loisirs , les ouvrages qui lui assurent
une réputation honorable ]iarmi les
philologues de son siècle. Il fit , en
1731 , un second voyage à Gliicks-
tadt , pour inventorier les médailles
modernes du cabinet de Schrœdter ,
et il en rédigea le catalogue. Jean
Chrétien imita la noble générosité'
de son frère , en léguant ses livres à
la ville de Hambourg; et il joignit à
ce don , en 1749? environ douze
cents manuscrits qu'il venait d'ac-
quérir des héritiers de Conrad Uiïen-
bach ( ^. ce nom). Il jouit long-
temps de l'estime et de la reconnais-
sance de ses compatriotes , et mou-
rut le 9 février 1770, à l'âge de
quatre-vingt-onze ans. On a de lui :
I. Sapphus poetrice Lesbiœ frag-
menta et elogia y cum virorum doc-
toriim notis integris gr. et lat. ^
Hambourg, 1733, in-4^. II. Poe-
triarumocto, Érinnce , MfrûSjMxr-
tidis, Corinnœ, TelesilUe , Nossidis y
Anytœ ,Elepliantidis ,fragm. et elo-
gia, gr. lat., ib., 1735, in-4o.nï.
Mulierum grœcarum quœ oratione
prosd iisœ suntfragmenta et elogia
(i) Gustave Schracdter avait rempli peudant
plusieurs aunccs les fonctions decliapelaiu deram-
hassadeur de Danemark eu France et en Espagne ;
il avait rapporté de ses voyages vme collection
précieuse de livres et de médailles. Il mourut pas-
teur à GKickstadt.
WOL
gr. lat. y Gottingue , 1 739 , in-4^. Le
savant éditeur a joint à cet ouvrage
une notice de toutes les femmes illus-
tres de l'antiquité, dans laquelle il a
fondu presque entièrement V Histoire
des femmes philosophes par Ménage
( V. ce nom ). Il promettait de don-
ner, d'après les médailles et les au-
teurs anciens , les vies des héroïnes ,
des reines et des impératrices ; mais
il n'a point exécuté ce projet. IV.
Monumenta tjpographica quœ ar-
tis hujus prœstajitissimœ origi-
nem , laudcm et ahusum posteris
prodiint , etc. , Hambourg , 1740 , 2
tom. en 4 vol. in-8^. Ce recueil est
très-estime. Il est précédé d'une bi-
bliothèqtie typographique, contenant
la liste de tous les ouvrages relatifs
à l'histoire de l'imprimerie; elle est
suivie de cinq tables qui donnent:
\^. l'indication des villes regardées
comme le berceau de la typographie ;
2t>. les différentes dates assignées à
cette découverte; 3*^. les noms des
personnes auxquelles on en a fait hon-
neur; et enfmdans les deux dernières^
les chiffres renvoient aux pages du
recueil dans lesquels il est question
des avantages ou des abus de l'im-
primerie. Voy. le Répert. bibliogra-
phique universel de M. Peignot ,
340-41. W— s.
W 0 L F ( Jean - Christophe ) ,
voyageur allemand , nous apprend
lui-même qu'il était né , le i5 août
1730 , à Ploebel , petite ville du du-
ché de Mecklenbourg-Schwerin , et
que ses parents étaient des bourgeois.
Ce qu'il ajoute, qu'ils purent seule-
ment lui faire apprendre à lire et à
écrire , donne lieu de présumer qu'ils
n'étaient. pas riches. Ayant perdu
son père à dix ans , Wolf fut obligé
d'abandonner l'école , parce que le
beau-père que sa mère lui avait don-
né n'était pas d'humeur à payer
I
WOL
un gros ou quinze centimes par
semaine au maître d'e'cole, et qu'il
aimait mieux l'employer à des tra-
vaux manuels. Les supplications
de l'enfant , pour retourner à l'é-
cole, furent inutiles , le beau -père
le battit; il lui défendit de parlera
sa mère, sa protectrice naturelle;
lorsque cette injonction était enfrein-
te , il cliercliait à se venger sur la
mère et sur le fils. Au bout de cinq
ans de cette cruelle servitude , Wolf
obtint enfin la permission d'aller où
il voudrait , mais sans recevoir la
moindre chose , même de sa mère ,
car le beau-père avait exige' par ser-
ment qu'elle ne lui donnât rien. Ar-
rive dans une ville éloignée de qua-
rante milles , le directeur d'un éta-
blissement d'éducation pour les or-
phelins , récemment formé , s'inté-
ressa vivement à son sort , et le prit
auprès de lui. Un an après , il l'en-
voya continuer ses études à Berlin ,
afin qu'il se mît en état de remplir
une place de professeur qu'il lui des-
tinait. Le protecteur du gymnase de
Graukloster à Berlin prit Wolf en
amitié , et lui procura une place de
boursier et de chantre, ainsi que des
écoliers en ville. Wolf était donc
assez à son aise. Une aventure sin-
gulière , qui lui valut le reproche
d'empiéter sur les fonctions des ec-
clésiastiques , lui fit prendre la réso-
lution de quitter Berlin : il alla à
Hambourg, où il s'embarqua jiour
Amsterdam. Là il fut mené par le
capitaine chez un de ces recruteurs
nommés Ziehcrkooper qui faisaient
des avances aux jeunes gens , puis les
vendaient à la compagnie des Indes.
Heureusement , par l'entremise de
l'embaucheur auquel il fut adressé,
Wolf obtint une place de cbape-
lain à bord d'un vaisseau , et même
avant son embarquement le recruteur
LI.
WOL
45
lui donna encore quelques florins
et un colFre bien garni , sauf à f être
remboursé quand son protégé aurait
fait fortune. L'amiral, qui avait conçu
de l'amitié pour Wolf , mourut dans
la traversée; mais il l'avait recom-
mandé fortement au capitaine qui
lui succéda : celui-ci combla Wolf
de marques de bonté , et voulut
qu'il s'instruisît dans l'art de la na-
vigation. Après avoir relâché au cap
de Bonne-Espérance, le navire pour-
suivit sa route vers les Indes, et^
après avoir touché à quelques comp-
toirs de la côte de Maduré , arriva
près de Colombo dans l'île de Gey-
lan. Wolf y ayant débarqué, avec les
soldats destinés pour y faire le ser-
vice , fut envoyé par le gouverneur
à JafFanapatnam. 11 avait alors dix-
neuf ans; on l'employa dans les bu-
reaux de l'administration pendant
plus d'un an , puis on le congédia. Au
bout de neuf mois, on l'y réintégra;
le gouverneur^ayant reconnu son zèle
et sa capacité, lui accorda toute sa
confiance et la direction de ses bu-
reaux; enfinTassiduitéde Wolf lui mé-
rita des places importantes , entre au-
tres celle de secrétaire- d'état de la
justice et de l'administration civile.
«Mais, dit-il, avec toute ma grandeur,
•n je n'étais guère qu'un porteur defar-
» deaux, qui durant presque toutes les
» nuits , pendant que les autres pou-
» vaicnt se livrer au sommeil , était
» obligé de travailler. » Après vingt
ans de séjour à Ceylan, Wolf quitta
cette île , où il fut vivement regretté,
et oij il avait acquis une grande for-
tune. Les directeurs de la compagnie
des Indes desiraient qu'il y retournât
occuper de nouveau le poste qu'il
avait si bien rempli ; mais Wolf
brûlait d'envie de revoir son pays. Il
trouva ses parents morts , et fut obli-
gé, par une maladie grave,' d'y res-
10
46
WOL
Ut , et de renoncer à tout projet de
voyage'lointain. Ensuite j il fut nom-
me bailli. On a de lui en allemand :
Voyage ci Ceylan , avec une rela-
tion du gouvernement hollandais à
JaJJ'anapatnam , Berlin et Stettin ,
178*2 , in -8^. L'auteur publia , en
1784 , une seconde partie qui con~
tient des suppléments à divers pas-
sages de la première. Wolf est un
auteur très-digne de foi ; sa relation
est amusante , et recommandable
par le ton de sincérité qui y règne j
on y trouve des détails curieux sur
l'île de Geylan et sur ses habi-
tants , qui , à l'époque où il les vit,
avaient fait des progrès dans la ci-
vilisation , et différaient sous ce
rapport de ceux que Rob. Knox ( V.
ce nom ) avait décrits. Le livre de
Wolf fut publié par un de ses amis ,
qui y ajouta des notes, et dans sa
prélace passa en revue divers auteurs
qui avaient écrit sur Ceylan. La re-
lation de Wolf a été traduite en an-
glais , Londres, 1784, in-S^., et en
français par Langlès , dans un re-
cueil intitulé : Description du Pegu
et de Vile de Cejlan ^ etc. , Paris ,
1793 , in-S"^. C/^. Eschels-Kroon).
Cette version n'estpas toujours lidèle,
et d'ailleurs elle n'est pas complète.
E— s.
WOLF (Ernest-Guillaume), mu-
sicien allemand, né en 1785 àGross-
Lehringen , village dépendant des do-
mainesde ia maison de Wangenlieim,
montra , dès l'âge de quatre ans, une
aptitude extrême pour la musique,
et apprit en un jour, non - seule-
ment toutes les notes, mais encore
un air de clavecin. A sept ans , il
était déjà habile sur l'orgue , et tou-
chait, en se jouant , des pièces très-
difficiles. Cependant il fut contrarié
dans le désir qu'il avait de se livrer
exclusivement à la musique. Son pè-
WOL
re le destinait à être chasseur du sei-
gneur de Wangenheim. Le seigneur
de son coté voulait en faire un tan-
neur. Le jeune Wolf fut donc ap-
pliqué aux principes de la vénerie
et à l'art de préparer les cuirs. Ce-
pendant, comme il ne faisait dans
l'un et dans l'autre que de très-mé-
diocres progrès , on consentit en-
fin à le laisser suivre sa vocation ; et
il fut envoyé à l'école d'Eisenach ,
avec une petite somme d'argent. Mais
on l'avertit de ne plus compter doré-
navant sur les bienfaits paternels.
Wolf n'avait encore que treize ans.
Il prit des leçons d'un habile chan-
teur d'Eisenach, et fit, en peu de
temps j assez de progrès pour être
nommé chef des élèves de chant. Ses
dispositions et la recommandation
de son maître lui concilièrent la bien-
veillance de plusieurs personnes q
aimaient la musique , et qui lui don
ncrent la table avec les moyens
gagner quelque argent. Plus tard
entendit pour la première fois exe'
cuter, dans la chapelle ducale, la
Mort de Jésus f par Graun. Ce mo
ceau l'électrisa. Il se plaisait, da
ses dernières années , à raconter qu
pendant l'audition de cette admira-
ble composition il fut comme perd
dans l'enchantement , tant son ami
était accessible aux impressions mU'
sicales. Il se livra dès-lors , en secretj
à la composition , malgré son extrême
jeunesse. En même temps, il eut l'a-
vantage de se faire remarquer par si
belle voix de ténor , et obtint dans les
chœurs de la chapelle la place de co-J
ryphée; de sortequesanspouvoirêtri
comparé aux célèbres chanteurs d(
écoles modernes , il plut beaucoup
Gotha , et y trouva de quoi vivr^
par l'intérêt qu'il inspira aux plus
riches des habitants. Wolf était â^
de dix-sept ans lorsque ses caraara^
;n-
î
WOL
des lui demandèrent, a propos d'une
solennité scolasîiqiic, un morceau de
musique. Le célèbre Émanuel Bach ,
se trouvant alors à Gotha , fut invite
à la réunion; et sans connaître le jeune
compositeur, il loua beaucoup son
ouvrage. Un suffrage d'un si grand
poids rehaussa encore le mérite de
Wolf aux yeux de ses amis et de ses
protecteurs. On lui donna le conseil
d'aller à lèna , où il se rendit en effet,
et dont le séj our fut pour lui utile et lu-
cratif. Il y enseigna les éléments de
la musique , reçut lui-même d'excel-
lentes leçons, et finit par être nom-
me directeur de la musique de la cha-
pelle. Néanmoins cette place ne put le
retenir à léna ; et il alla passer quel-
que temps à Leipzig et à Naum-
bourg. C'est dans cette dernière ville
qu'il connut un certain comte de
Ponikau , qui lui présenta comme
très-agréable un voyage en Italie,
et qui lui offrit de l'emmener avec
lui. On pense bien qu'il eut peu de
peine à déterminer Wolf ; mais bien-
tôt de prétendus obstacles vinrent se
mettre à la traverse , et le pèlerinage
musical en Italie se changea en
un voyage à Weimar : encore le
comte laissa-t-il là son compagnon
dès qu'ils furent arrivés. Quelque
désagréable que fût cette aventure ,
elle tourna cependant au profit de
Wolf , à qui elle fournit l'occasion de
se faire connaître de la duchesse Ama-
lie ( Voy. ce nom ). Cette princesse ,
si habile à démêler le vrai talent , et
si prompte à l'encourager, désira en-
tendre Wolf, et fui tellement satisfaite
de son jeu , qu'elle se l'attacha sur-le-
champ. Elle lui donna d'abord pour
élèves le jeune duc et le prince Cons-
tantin , son frère ; et ensuite elle lui
confia la place de gouverneur des deux
enfants : mais Wolf ne resta investi
de cette charge que quelque temps.
WOL 147
S'étant marié à la fille du célèbre
compositeur Benda , maître de cha-
pelle du roi Frédéric II, il se ren-
dit à Berlin avec sa femme , et se
fit entendre avec applaudissement.
Le prince, depuis roi, Frédéric-Guil-
laume voulait même que les deux
époux fussent attachés à la cour du
roi de Prusse. Mais ils s'y refusèrent
pourne point quitter la duchesse Ama-
îie , et ils la rejoignirent à Weimar, oii
Wolf resta jusqu'à la fin de ses jours
malgré les conseils et les offres de ses
protecteurs . Il y demeura même après
la mort de Bach, quoiqu'il ne tînt qu'à
lui d'avoir la place que celui-ci oc-
cupait à Hambourg. C'était cepen-
dant le poste qui lui eût le mieux
convenu. Sa composition sévère ^
mâle et énergique, son style large et
majestueux , quelquefois un peu
lourd j tout semblait l'appeler à
exécuter et à faire de la musique
sacrée dans les plus vastes propor-
tions. Les habitants de Weimar ne
lui rendirent pas tout-à-fait justice;
et sans nier ses talents, ils l'accusè-
rent de rester fidèle aux vieux erre-
ments de ses devanciers. Wolf lui-
même sembla reconnaître l'équité de
ce reproche , et tomba dans une es-
pèce de découragement lors de l'ap-
parition de VAlccste\)3iY Schweitzer.
Eu vain la duchesse Amalie , avec sa
bonté ordinaire, essaya-t-elie de lui
procurer des consolii tiens , au point
même de prendre de lui des leçons de
clavecin. Sa mélancolie, augmentant
de jour en jour, le rendit méconnais-
sable. Il s'adonna en même temps à
l'usage des liqueurs fortes , dont il
s'était abstenu auparavant , et il al-
téra ainsi l'excellrnce de son tempé-
rament. Quatre ans avant sa mort
on lui apporta un morceau sacré à
mettre en musique : le texte lui en
déplut, on ne sait pourquoi : à peine
10..
i4B
WOL
e'tait-il à roiivragc qii*il se plaignait
de maux de tcte violents : ii toussait,
crachait le sang , était quelquefois
tlans des crises d'apoplexie. Enfin ,
une esquinancie des plus graves le
mit au tombeau le 8 décembre 179'Jt.
On a de ce musicien un très -grand
nombre d'œuvres et quelques ouvra-
ges relatifs à la musique. Ces der-
niers sont au nombre de quatre , et
ont pour titre : I. Encore un voya-
ge, mais un petit voyage musical
dans les mois de juin , de juillet
et d'août 1782^ etc., Weimar ,
i784« II. Avant-Propos en guise
d'introduction à l'art de toucher
le clavecin , sous le titre de So-
natines, etc., 17B5. m. Institution
musicale du ton , des gammes , des
tons consonnants et dissonants ; des
accords qui en résultent , etc. ,
Dresde , 1788. IV. Vérités sur la
musique , énoncées franchement
par un honnête homme de l'Alle-
magne, Parmi ses compositions mu-
sicales y les amateurs estiment sur-
tout sa Cantate pour laj'éte de Pâ-
ques ( paroles d'Herder ) , partition
imprimée en 1782. Il avait encore
écrit beaucoup de morceaux de mu-
sique sacrée , des oratorios pour la
Passion , et pbisieurs cantates dont
les vers appartenaient à Wieland et à
llerder. Ses pièces profanes sontbien
plus nombreuses. Voici la liste de
celles qui sont encore recherchées ,
ou qui figurent dans les catalogues
des marchands de musique. I. La
fête des Roses , romance pour pia-
no , 1771. II. ia Fille du jardi-
nier ^ romance, 1774- HI- «^^-^ '^^"
/ia^e5 pour le piano, Leipzig , 1775,
in-4". Cet œuvre était aux yeux de
VVolf lui-même ce qu'il avait pro-
duit de meilleur en musique de sa-
lon. Les chants en sont suaves et
purs; mais peut-être y sent - on
WOL
quelque chose de suranné , repro-
che qui peut s'appliquer avec enco-
re plus de justesse aux accompagne-
ments quelquefois trop nus , et aux
passages en modulations qui n'of-
frent rien de net à l'oreille. Du reste,
il faut avoir soin de distinguer ce re-
cueil de plusieurs autres qui se com-
posent aussi de six sonates on sona-
tines pour piano , et qui viennent du
même auteur, mais qui datent des
années 1779, 1781 , 1783 ( Dessau),
1789 (Leipzig), 1793 (Berlin),
et qui d'ailleurs sont toutes dans le
format in-folio. IV. Le Soir dans la
forêt j romancepour piano , 1775. V.
Poljphème , monodrame h plusieurs
parties, 1776. VI. Iphigénie , can-
tate ta chanter en parties , 1 779. Vil.
Séraphine , cantate, idem, 1783.
VIIT. Cérès, \)ro\o»y\Q.{ys.. Cinquan-
te-une chansons des meilleurs pot
tes allemands , mises en musique
Weimar, 1784. X. Beaucoup d
Concertos et plusieurs Quintetti
dont nous ne donnerons pas 1
détail , parce que l'on rechercli
moins aujourd'hui ce genre de con
positions, surtout le premier doi
les formes ont le double tort d'êti
solennelles et trop monotones. Nou
ne parlerons pas non plus d'une foui
d'autres morceaux pour orchestr
ou instruments à vent, tels que synj
phonies, etc. , qui sont restés ma
nuscrils , et qui probablement ne se
ront jamais gravés. P — ot.
WOLF (FrédépxIc-Auguste) , ui
des premiers philologues de l'Aile
magne, naquit à Haynrode, villag
près de INordhausen, le i5 févrie
1759. Il dut sa première insîru(
tion aux soins de son père , chan
tre et organiste de l'église pro
testante d'Haynrode, et qui p!u
tard devint maître de chant à l'<
rôle des filles de la ville voisin(
^
WOL
A sept ans , le jcmic Wolf fut
admis dans la troisième classe du
collège de Noidliausen , où le cours
entier de renseignement était divise
en sept classes. 11 manifesta des -lors
ses heureuses dispositions pour l'é-
tude des langues anciennes, et s'a-
donna en même temps aux langues
vivantes dont les littératures lui
devinrent familières avant son en-
trée à l'université. Déjà même à cette
époque il avait conçu le projet d'une
grammaire com])arce des langues
anciennes et modernes. De bonne
heure il attachait aux connaissances
acquises par transmission moins de
prix qu'à celles qui sont le fruit de
nos propres efforts; et cette disposi-
tion , bien digne d'un esprit aussi
original et aussi puissant que le sien ,
était d'ailleurs favorisée par la ma-
nière dont l'un de ses maîtres l'a-
vait initié à l'intelligence des prin-
cipales langues modernes. Répétant
sans cesse à ses élèves que cette étu-
de est facile à quiconque connaît dé-
jà les langues de l'antiquité, et ne
leur laissant entre les mains le dic-
tionnaire de chaque idiome vulgaire
que pendant deux mois, pour en ex-
traire une quantité de mots suffisan-
te , ce maître, nommé Frankenstein ,
l'avait accoutumé à compter sur ses
recherches solitaires, et à marcher
avec indépendance dans ses propres
voies. Une vive prédilection pour
les études philologiques l'empêcha
de répondre aux vues de son père ,
qui , voulant le consacrer à la profes-
sion de musicien, lui avait fait ap-
prendre le chant, la composition et
plusieurs instruments. Son maître de
musique, nommé Schrôter, savant
organiste , l'intéressait beaucoup en
lui apprenant à connaître les écrits
des anciens sur l'art musical j mais
la partie mathématique de cet art lui
WOL
'49
était insupportable, et il conserva
toujours depuis la même aversion
pour les sciences de calcul. A l'âge
de dix-neuf ans , il se rendit à l'uni-
versité de Gottingue , où il prit ins-
cription sous le titre inusité alors de
philologîœ studio sus , titre qui fail-
lit faire refuser son admission parles
supérieurs , entre autres par Heync ;
mais le jeune Wolf ne voulut point
se départir de cette qualité , et il fut
impossible de le décidera s'inscrire
pour là faculté de théologie qui im-
pliquait plus ou moins positivement
les études philologiques. Gatterer ,
Schlozer, Michaelis, Feder, Mei-
ners et Heyne , furent les professeurs
dont il suivit les cours , mais sans
assiduité. Le dernier lui sut mauvais
gré du désordre apparent de ses tra-
vaux, qui , ainsi que son peu d'exac*
titude aux leçons , tenait surtout à
ce besoin d'étudier par lui-même,
et à cette habitude d'indépendance
dont nous avons parlé. Heyne jugea
donc à propos de l'écarter d'un
cours particulier {coUegium priva-
tum ) qu'il faisait sur Pindare , com-
me peu en état de le suivre, malgré
ses instances pour être mis à l'épreu-
ve. Ce traitement était d'autant plus
rigoureux , que Wolf , étranger à
toute dissipation , connu à Gottin-
gue de peu de personnes, et profitant
avec ardeur des richesses de la bi-
bliothèque, se hvrait sans relâche
au travail. Son excessive applica-
tion alla même jusqu'à lui causer
deux dangereuses maladies pendant
les deux ans et demi qu'il passa dans
cette université. Cet éloignement de
Heyne, pour un jeune homme que sa
gloire était intéressée à traiter com-
me son élève , empêcha Wolf de
solliciter auprès de lui une place au
séminaire philologique , quoique
cette ressource convînt fort à sa po-«
i5o
WOL
sition. Il s'en dédommageait péni-
blement en donnant quelques leçons
de grec et de langues modernes , par-
ticulièrement d'anglais. C'est pour
ce dernier objet qu'il jiuhlia , en
1778 ( Gotlingue ), le texte du
Macbeth de Shakespeare, avec des
notes et des e'clarrcissemenls. En
1779, il fut appelé au collège d'Ile-
feid , en qualité de régent extraordi-
naire. Avant de quitter l'université ,
il offrit à Heyne , comme une preuve
de déférence , de lui soumettre un
essai où il avait déposé le germe des
idées qu'il développa depuis avec
tant de force et d'éclat sur les poè-
imes d'Homère* mais cet liommage
fut repoussé avec peu de ménage-
ment. Pendant son séjour à Ilefeld,
Wolf s'annonça au monde savant
par une édition du Banquet de Pla-
ton, Leipzig, 17B2, in-80., dans
laquelle il joignit au texte grec une
exposition de ce dialogue, une intro-
duction et des notes en allemand. Ce
travail, dans lequel Wolf manifes-
tait de si bonne heure une critique
savante et spirituelle, large et exac-
te , grave et agréable en même
temps, attira sur lui l'attention du
public , et particulièrement celle du
ministre prussien Zedlitz. Peu après
cette pubbcation , il signala son ta-
lent pour l'enseignement , et son im-
mense érudition dans un exercice
solennel ( Prohelection ) , à la suite
duquel il fut nommé recteur de l'é-
cole d'Osterrode près du Harz. A
cette même époque, il se maria,
e'tant âgé de vingt-trois ans , et dès
l'année suivante on lui offrit la di-
rection du collège de Géra, qu'il
n'accepta point malgré les avanta-
ges attachés à celte place , préférant
le titre de professeur à l'université
de Halle, qui lui était offert d'un
autre côté, avec la direclion de l'ins-
WOL
titut pédagogique de cette ville. Ce»
fonctions lui convenaient davantage
par l'influence plus étendue qu'elles
lui permirent d'exercer, influence
toute pratique dont les effets tou-
jours croissants peuvent diliicilement
être racontés , mais sont attestés par
la reconnaissance et la gloire qui ont
consacré son nom dans la mémoire
de ses compatriotes. Sa plus haute
vocation fut toujours à ses yeux
celle de professeur, quoiqu'il réunît
comme écrivain critique toutes les
qualités qui tiennent du génie , et qui
atteignent à la perfection. Ses cours
furent peu fréquentés pendant la pre-
mière année de son enseignement à
Halle : il avait cru devoir le prendre
sur le pied le plus élevé , et il trou-
vait peu d'étudiants en état de l'en-
tendre. Dès l'année suivante, il se
réduisit à des formes plus élémen-
taires , et se vit entouré d'un audi-
toire nombreux. Assisté du ministre
Zedlitz, il obtint bientôt l'autorisa-
tion de transformer l'institut péda-
gogique confié à ses soins en un sé-
minaire philologique , c'est-à-dire un
établissement d'instruction secondai-
re en une école normale. Le succès
avec lequel il s'appliquait à fortifier
les études académiques répandit le
plus grand éclat sur l'université de
Halle , pendant vingt -trois années
qu'il y fut professeur , et il se vit en
position durant les dix dernières de
reprendre en présence d'une foule
attentive le genre d'enseignement qui
lors de son début s'était trouvé en
disproportion avec la faiblesse des
auditeurs. Ce qui caractérisait la ma-
nière de ce grand maître , c'est qu'à
une érudition toujours vraie, sobre
et forte , ennemie de la routine et du
pédantisme, il joignait la plus haute
intelligence, le sentiment le plus vif
du génie de l'antiquité classique ,
I
WOL
^ont il semblait anime lui-même , et
dont il voulait donner la noble em-
preinte à la vie intellectuelle et mo-
rale des hautes écoles. Aussi trou-
vait-on sans cesse dans ses leçons et
dans son commerce privé quelque
chose de fier et de généreux qu'an-
nonçaient aussi les avantages exté-
rieurs de sa personne , en même
temps qu'un abandon plein de bonté
avec lequel il prodiguait ses moments
comme les livres de sa bibliothèque
aux jeunes gens assez heureux pour
lui inspirer quelque intérêt. Pendant
ses vingt-trois ans d'exercice à Hal-
le , il oiïrit la preuve d'une activité
|)eut-êtresans exemple parmi les pro-
fesseurs si laborieux de l'Allema-
gne , en faisant plus de cinquante
cours dilférents sur des auteurs ou
sur des matières diverses , sans comp-
ter les soins qu'il donnait au sémi-
naire philologique. Par une singula-
rité plus rare encore, il dédaigna
constamment les profits qu'il pou-
vait s'assurer en publiant des livres
à l'aide du travail de ses leçons, et
destinés à leur servir de texte. Lfne
édition de la Théogonie d'Hésiode ,
avec des commentaires ( 1784), ré-
sultat de l'un de ses cours, fit seul«
exception à cette règle que !ui avaient
imposée sa conscience littéraire et
l'originalité toute vivante de sa ma-
nière d'enseigner, d'après laquelle
il ne voulait donner ni traductions
d'auteurs, ni dictées. Il lui arriva mê-
me de faire suspendre à la porte de
son auditoire les traductions déjà pu-
bliées de l'auteur qu'il expliquait, en
permettant à ses élèves d'en détacher
chacun un morceau. Une entreprise
qui lui fut confiée , ainsi qu'il l'avait
souvent désiré , par des libraires de
Halle , appela ses travaux particu-
liers sur Homère, et lui fournit l'oc-
casion de rendre à la critique de
WOL iSi
l'antiquité un de ces éminenls servi-
ces dont le temps ne peut effacer le
souvenir , et auxquels il semble mê-
me ne pouvoir rien ajouter. H ne
s'agissait d'abord que de diriger une
réimpression des OEuvres d'Homère,
d'après l'édition de Glascow : et c'est
ce que Wolf exécuta avec un soin
scrupuleux qui répondit à cette pre-
mière intention , en donnant, avec la
plus grande exactitude typographi-
que , le texte grec tel qu'une critique
bien insuffisante l'avait laissé subsis-
ter jusqu'alors (Halle, 1784 et 85 ,
in-8".)- ^'^'s il conçut, dès ce mo-
ment, le projet de revoir à fond et
de restituer ce texte , sinon dans son
état primitif, ce qui était impossible,
du moins avec de telles améliora-
tions sous le rapport de la langue ,
du sens littéral et poétique , de la
ponctuation et des accents , qu'il pût
représenter les meilleures leçons des
grands critiques d'Alexandrie. Aucun
travail de ce genre n'avait été entre-
pris d'après une méthode aussi large
et aussi laborieuse : Wolf relut jus-
qu'à trois fois l'immense commen-
taire d'Eustathe, et les autres sco-
lies , relevant de toutes parts les
variantes et les gloses omises par
Ernesti et ses devanciers. 11 parcou-
rut les scoliastes des divers écri-
vains grecs, les lexicographes , et
autres grammairiens anciens • il cher-
cha la trace des textes antiques d'Ho-
mère chez les prosateurs qui l'ont
cité, chez les poètes et particulière-
ment ceux d'Alexandrie , qui en l'i-
mitant ont indiqué souvent de quelle
manière ils lisaient ou entendaient
certains passages. En 1 788 , la pu-
blication, faite par Dansse de Villoi-
son , du précieux manuscrit de Ve-
nise, lui fournit la matière d'un nou-
veau travail , et le fit revenir sur
tout ce qu'il avait fait jusque-là. Les
t52
WOL
scolies de ce manuscrit, qui avaient
etc inconnues à Eustathc;, remplies
des traditions et des signes critiques
qu'avaient laissés sur la plupart des
vers de l'Iliade les Aristarque, les
Zenodote , les Aristophane; ( de By-
sance ) , et d'autres éditeurs célèbres
de l'antiquité , offrirent à Wolf une
multitude d'éraendations nouvelles ,
et la confirmation d'un grand nom-
bre de ses conjectures ( Voy. l'art.
Homère, XX , 5o7 ). L'édition d'Al-
ler ( 1789-90 et 94 ), d'après les
mss. de Vienne, ajouta encore à ses
travaux et à ses ressources. De là ,
portant ses regards sur l'histoire
tout entière des poèmes homériques,
et particulièrement sur leur origine ,
après s'être convaincu par tant de
témoignages des variations conti-
nuelles qu'ils ont subies à travers les
siècles j par l'infidélité des souvenirs
et des copies , par le désordre de
l'enSemble et le manque de divisions
précises , par l'audace des interpo-
lateurs , l'ignorance ou les subtilités
des interprètes , il trouva la raison
de celte instabilité des textes , dans
la manière dont ces poésies avaient
été composées et répandues , puis
enfin rédigées enlonie, en Grèce, et à
Alexandrie. Ce fut la matière d'un
célèbre traité qu'il publia, en i 793 ,
sous le litre de Prolcgomena ad
Homerum y Halle, in-8'\, première
Fartie. Abandonnant avec hardiesse
ornière des critiques accoutumés à
envisager sous le même aspect , et à
juger d'après le même esprit Homère
et les poètes épiquçs des siècles
civilisés , Wolf se demanda si l'au-
teur ou les auteurs de l'Iliade et de
rOdyssée avaient su écrire ou s'ils
avaient pu faire usage de l'écrituie.
Des preuves sans nombre le convain-
quirent de la fausseté de cette hypo-
thèse , et en particulier le silence
WOL
absolu des deux poèmes sur un ai
que la Poésie, fille de Mémoire, était
alors destinée à suppléer. Quelle étail
donc la condition d'Homère ou des}
heureux génies représentés par cei
nom qu'aucune circonstance histori-
que n'accompagne ? Celle de chan-
tres publics ( àoioùi ) dépositaires!
des traditions religieuses, politiques
guerrières des nations grecques à pei-
ne sorties de l'enfance : professioi
révérée à cette époque , et que l'arl
d'écrire des livres en prose, pratique
seulement trois siècles plus tard ,.
vers les premières olympiades , de-
vait faire dégénérer et enfin dispa-
raître , mais qui se trouve avec deslj
caractères analogues chez toutes lesj
nations à demi-civilisées, dont le gé-
nie et la langue oflfrent quelque origi-^
nalité. Aiusi se répandaient de contrée
en contrée les plus beaux chants con-l
saciés à la gloire des héros , et d(
nouveaux épisodes venaient s'y rat-'
tacher sans cesse , de manière à for-
mer ces immenses cycles épiques que
l'antiquité eile-même ne put conser-
ver sous leurs formes natives. La
gloire des Homérides entre les diver^
ses familles ou écoles de Rhapsodes
fut sans doute de choisir, de conser-
ver et de perfectionner les deux plus
belles parties de cet héritage poéti-
que, quelque distance qu'on soit obli-
gé d'ailleurs d'établir entre ces
deux parties comme monuments de
la culture intellectuelle, politique,
industrielle et religieuse des peu-
ples à des époques , ou plus proba-
blement encore dans des contrées
différentes. Examinant ensuite la
forme et le dessin de l'Iliade et
de l'Odyssée , Wolf ne craignit
point , malgré tout l'art qu'y ont
pu introduire les éditeurs anciens ,
de leur contester cette unité savante
qu'une raison plus moderne a im-
gi- ?■
I
WOL
posée au poème e'pique , mais qu*A-
ristolc , faute de véritables modèles,
a si vaguement déterminée dans ses
préceptes sur ce genre de composi-
tion. Ces importantes discussions
sont suivies d'une recherche histori-
que sur les destinées de ces poèmes
aux diverses époques de Lycurgue ,
de Solon ^ de Platon , d'Alexandre ,
où il est si peu à présumer qu'ils
formassent un corps semblable à
celui qu'ils ollrent aujourd'hui , et
enfin aux époques de Zcnodote , d'A-
ristopliaue et d'Aristarque , où une
critique habile , mais souvent témé-
raire et systématique, s'en empara
pour corriger les détails et ordonner
l'ensemble. Telle est la matière de
ces admirables Prolégomènes dont
le style aussi plein , aussi fort, aussi
original que la doctrine , révélait
non-seulement le plus habile latiniste
de son temps , mais encore un grand
écrivain. La sensation que ce livre
produisit dans le monde littéraire
fut vive et diverse. Sans avoir re-
cherché le paradoxe , l'auteur en
subit tous les honneurs ou plutôt les
inconvénients. 11 fut de toutes parts
attaqué ou défendu , injurié ou célé-
bré , et souvent sans avoir été bien
compris. Quelques lignes d'Is. Ca-
saubon et de l'illustre Bentley étaient
les seules autorités respectables qui
eussent précédé sa doctrine , et l'on
ne manqua pas , comme il l'avait
pressenti , d'associer son jugement
sur Homère aux impertinentes pro-
positions hasardées par l'abbé d'Au-
bignac, comparant l'Iliade à un pot-
pourri du Font - Neuf. Bien loin
pourtant de déprécier la poésie ho-
mérique , Wolf , en l'atTranchissant
des conditions arbitraires et indivi-
duelles d'un livre moderne , indi-
quait aux esprits sérieux la source
plus large et plus féconde des gran-
WOL i53
des poésies nationales dans le génie
des peuples à cet âge où les imagina-
tions , naïves et hardies comme le
langage, ne savent que revclir d'har-
monieux mensonges l'histoire , la
religion, la nature et l'humanité tout
eplières. En un mot il faisait dispa-
raître en partie le prodige de l'I-
liade et de l'Odyssée y sans rien ôter
à l'admiration qui leur est due.
Mais les superstitions littéraires
d'un grand nombre de savants , en
Allemagne et à Tétranger , se soule-
vèrent en faveur de la personne et
des écrits du divin poète : des aca-
démies provoquèrent le combat par
des récompenses -, les feuilles pério-
diques furent partagées -la Gazette
de Leipzig se déclara en faveur de
Wolf ( 1796, n». 33), tandis que
Heyne ,à Gôltingue, accueillait, avec
un mécontentement équivoque, des
idées dont il prétendit, plus tard,
avoir eu les premiers soupçons, et
dont il fit ensuite son profit dans les
derniers Excursus de son édition de
l'Iliade, tome viii. Ses prétentions
à la priorité sur Wolf, et les plaintes
qu'il exprima d'avoir été dérobé par
ce dernier, dès l'époque où il le comp-
tait parmi ses élèves, donnèrent lieu
à celui-ci de publier des Lettres à
Hef/ie y en allemand, dont les trois
premières surtout passent pour des
modèles de polémique savante et de
fine ironie. Voyez aussi Bottiger sur
Vinvention du papyrus égjptien et
son introduction en Grèce , dans le
Mercure allemand , 1 796 j Schnei-
der, Préface des Argonautiques
d'Orphée; Hermann, De emend. rat.
gramm. gr. , pag. 38 et 44* D'uue
autre part , on peut voir pour l'opi-
nion contraire : Sainte-Croix , B.efu-
tation d'un paradoxe littéraire de
M. Wolf, 1798, in-8°.; J.-L. Hug,
sur l'invention de l'écriture alpha-
i54
WOL
hétique , etc. , avec des considéra-
tions relatives aux nouvelles recher-
ches sur Homère , en allem. , 1801 j
Cesarolti, Dissertations au tome ix,
de sa traduction de l'Iliade , Pise,
1802 ; Wassemberg , Oratio de
ahusu ingenii , in ed prœserlim
sententid spectato quœ lliadcm et
Odjsseam Homero magnam par-
tent ahjudicat, 1797. Mais depuis
long-temps l'Allemagne savante s'ac-
corde à reconnaître pour légitime le
scepticisme éclairé de Woifrdes cri-
tiques philosophes et des philologues
s'en sont habilement servis -, et les
Prolégomènes subsistent comme un
rare modèle, qu'on a quelquefois ap-
pelé le Torse , à cause de la beauté
de l'ouvrage et de sa forme incom-
plète. Kn eifet , par un caprice assez
bizarre, l'auteur, qui a survécu trente
ans à la publication de ce livre , ne
Ta jamais achevé. Sa première partie
devait amener l'histoire des poèmes
d'Homère jusqu'à la première édition
imprimée de Démélrius Chalcondyle ,
et elle s'arrête avant l'époque de Lon-
gin et de Porphyre : la seconde partie
devait donner les règles et la méthode
d'après lesquelles il préparait sa nou-
velle édition à! Homère. Cette édition
parut en 180 4, Leipzig , 4 vol. in-80.,
peut-être l'immense succès qu'elle
obtint, ainsi que les travaux qu'elle
^vait exigés , le dispensèrent-ils de
songer à rendre compte de ses motifs.
Dès l'année 17921, malgré les soins
'qu'il consacrait à Homère et à ses
leçons , Wolf avait donné une édi-
tion de la Harangue de Démosthène
contre Leptine ( Halle , in-80. ) , pré-
vcédée d'une dédicace remarquable à
Beiz , et d'un discours préliminaire,
et suivie de notes relatives aux di-
verses leçons , ainsi qu'à l'interpré-
tation du texte, en y joignant une
réimpression du Discours d'Aristide
WOL
sur le même sujet, donné pour la
première fois par Morelli à Venise.
Depuis les plus hautes considérations
sur l'éloquence grecque , jusqu'aux
moindres nuances de la diction , et
aux détails des mœurs et des locali-
tés , ce comujentaire répond à tous
les besoins de la critique avec une
telle supériorité , que l'on ne sau-
rait trouver aucun travail du même
genre exécuté avec autant de per-
fection. La simplicité et la pureté
de style des grandes époques anti-
ques , si bien caractérisées dans les
plus beaux passages des Prolégomè-
nes de ce dernier ouvrage , avec une
latinité digne du sujet , devinrent
pour Wolf les principaux moyens
d'apprécier la légitimité des ouvra-
ges attribués aux classiques du pre-
mier ordre. C'est par-là qu'il fut
conduit à révoquer en doute l'authen-
ticité de plusieurs discours attribués
généralement à Cicéron , renouve-
lant ainsi un procès littéraire qui
avait divisé un demi-siècle aupara-
vant les savants de l'Angleterre et
de l'Allemagne, et qui semblait aban-
donné sinon jugé. On peut consulter
sur cette première époque du débat
les articles Middleton , Tunstat.l,
J.-Math. Gesner , et en particulier
Marrland, XXVII, 194. Wolf
releva la discussion en publiantlc tex-
te de Quatre discours prétendus de
Cicéron y Post reditum in senatu y
Ad Quirites post reditum; Pro domo
sud ad pontifices ; De Haruspicum
responsis ; avec les observations de
Markiand contraires à l'authenticité
de ces discours , les réponses de Ges-
ner et ses propres répliques, Berlin,
1801. Il eût pu s'épargner la peine
de traduire en latin le commentaire
anglais de Markiand , s'il eût su que
ce travail avait déjà été fait en An-
gleterre. Cette publication , dédiée à
à
WOL
notre célèbre Larclier, fut bientôt
suivie d'une autre attaque inouïe jus-
qu'alors contre la foi des écoles ci-
ce'ronicnnes: le Pro Marcello , cette
oraison pompeuse, étudiée depuis si
long-temps commeun modèle de dic-
tion et d'éloquence, fut traitée d'a-
pocryphe, et dénoncée par l'illustre
critique sur un ton auquel on peut
reprocher trop d'audace et une sorte
de tyrannie envers l'opinion com-
mune. Dans un commentaire détaillé
sur cette harangue, il prétendit prou-
ver que Cicéron n'avait ni pu, ni
dû s'exprimer avec autant d'étendue,
dans un te! esprit et dans un tel lan-
gage ; que les expressions , les phra-
ses et les constructions sont sou-
vent à peine latines; que la com-
position tout entière est jylate et
ridicule, enûn plus digne du bauard
empereur Claude , que de Cicéron.
D'imposants suffrages, entre autres
ceux de MM. Schiitz et Beck, vin-
rent appuyer en faveur de ce para-
doxe l'aulorité de Wolf; néanmoins
de nombreux contradicteurs s'élevè-
rent; enfin de zélés imitateurs ne
manquèrentpoint, qui voulurent por-
ter la serpe sur d'autres branches de
la littérature ancienne, et particuliè-
rement sur d'autres écrits de Cicé-
ron. Des esprits prudents prirent l'a-
larme et annoncèrent un bouleverse-
ment général dans l'empire du goût
et de la critique , si l'exemple des
maîtres continuait à encourager les
entreprises d'un téméraire scepticis-
me, susceptible de se prêter aisé-
mentaux caprices et aux prétentions
de la médiocrité. Quelques-uns eu-
rent recours au sarcasme; et , à l'imi-
tation d'un pamphlet qui avait été
publié en Angleterre contre Markland
{Fof. ce nom), il parut à Berlin
une dissertation ironique, oii l'on
prétendait prouver que la diatribe
WOL
55
contre Cicéron , attribuée générale-
ment à M. Wolf , ne méritait point
de lui être imputée^ et n'était nulle-
ment son ouvrage. Enfin il se forma
une opinion moyenne assez propre à
tempérer les esprits trop remuants r
selon cette doctrine, des interpola-
tions et d'autres altérations nombreu-
ses peuvent sans doute être souvent
soupçonnées dans les textes antiques
si long-temps livrés , avant l'inven-
tion de la presse, à l'arbitraire des
interprètes, au bel esprit des rhé-
teurs , et à l'ignorance des copistes;
mais depuis que les progrès de l'ins-
truction et du bon sens ont fait
rejeter quelques misérables compila-
tions décorées de grands noms an-
tiques , à la faveur des derniers
âges de la décadence , ou d'un
frauduleux trafic de manuscrits au
quinzième siècle, il ne nous reste
plus pour condamner ainsi des ou-
vrages entiers, ni assez de données
historiques ou grammaticales , ni des
raisons de goût qui soient péremp-
toires (i). Néanmoins à ce dernier
égard, quoiqu'on puisse trouver les
conclusions de Wolf généralement
trop absolues , nous osons dire qu'il
faut lui savoir gré d'avoir voulu re-
trancher de l'éloquence romaine , ou
d'y avoir blâmé du moins cette redon-
dance et cette contention de style dont
les maîtres mêmes ne furent point as-
sez exempts. Après tout , il ne faut
pas trop s'étonner qu'après avoir
donné de si fortes et de si heu-
reuses impulsions à la science par
un salutaire scepticisme , il ait été
entraîné trop loin dans son propre^
(i^ Voyez en faveur de cette doctrine , ainsi-
que sur l'ensemble de la dispute provoquée pajr
Wolf et sur ses antécédents , les excellentes ob-
servations préliminaires qui précédent chaque
partie des OEiwres de Cicéron dans la traduction
de M. Jos.-Vict. Leclerc , t. XI , p. 61 , et toioi
XXt , p. 45o ( i»-». édition iu-8«>. ).
56
WOL
mouvement : et , pour en donner un
autre exemple, nous lui avons en-
tendu dire , un aii avant sa mort ,
qu'il préparait sur tel passage d'Ho-
mère , dont il ne voulait pas encore
donner l'iudication, un travail dans
lequel il démontrerait non-seulement
que ce passage n'est point de l'épo-
que d'Homère , mais encore qu'il
n'est pas même grec. Voici l'indica-
tion des principaux écrits auxquels
donna lieu le paradoxe de Wolf sur
Cicéron : M. T. Cic. Oratlonem pro
Marcello voOzixç suspicione li-
herare conatus est Olaûs TVormius,
Copenhague, 1804, in-H». , réfuta-
tion remarquable , surtout pour les
détails philologiques ^ écrite avec
beaucoup de mesure et d'élégance.
Benj. Weiske , Commentarius in
orat, M. T. Cic, pro Marc. , avec
nn Appendix de orat. qiiœ vulgb
fertur M. T. Cic. pro Ligario,]jeip-
zig, i8o5 et 1819. Weiske admet
contre Wolf la légitimité du discours
pour Marcellus, et il conteste celle
du discours pour Ligarius.F.Kalau,
Comm. exhibens nonnidla ad fVol-
fianas orationis pro Marc, castiga-
tiones , Francfort-sur-le-Mein, 1804.
G.-L. Spalding, De orat. Marcellia-
nd disputatio dans le premier cahier
du Muséum antiquitatis studiorum,
Berlin, 1808. A. -L.-W. Jacob , i)e
orat. quœ inscribitur pro Marc. Ci-
ceroni vel abjudicanda vel adjudi-
canda , quœstio novaque conjecta ,
Berlin, 181 2. J.-Leonh. Hug. , De
origine orat. Cic. pro Marc.,¥reih. ,
1809 y iû-4°* — L'attachement de
Wolf pour sa patrie et pour l'école
qu'il avait formée à Halle lui avait
fait refuser les offres les plus avanta-
geuses venues , en 1 796 , de Ley-
de; en 1798 , de Copenhague ,
où on l'appelait à la direction de
toutes les hautes e'coles j et eulin , en
WOL
1 80 5 , de Munich. Lorsqu'en 1806
le bras de Napoléon s'appesan-
tit sur la Prusse, la ville de Halle
fut occupée militairement, et son
université dispersée. Ce fut pour
Wolf une époque désastreuse et dont
les suites furent aussi funestes à ses
travaux qu'à son bonheur person-
nel. H s'enfuit à Berlin , lais-
sant derrière lui une bibliothèque
précieuse, et d'immenses matériaux
manuscrits qui furent saccagés. A
son retour , l'absence de ses papiers
et de ses livres les plus précieux, par-
mi ceux qui lui avaient été enlevés ,
lui fit soupçonner qu'ils n'étaient
pas tombés entre les mains de l'en-
nemi , et n'avaient servi à rien moins
qu'à faire des cartouches. Il ne pen-
sait pas , disait-il quelquefois , que les.
soldats se fussent avisés d'un discer-
nement critique aussi habile. Nous
ignorons quel est parmi ses compa-
triotes le savant auquel se rappor-
tent ces vagues imputations , et nous
n'oserions , sur un fait aussi de'-
nué de preuves , hasarder aucune
conjecture. Quoi qu'il en soit , depuis
cette époque, Wolf sembla renoncer
aux grandes entreprises littéraires
qu'il avait pu former. Son projet de
publier le texte de Platon, qui l'oc-
cupait depuis long-temps, subsista
quelques années encore, et fut, à
son grand déplaisir , contrarié par
les publications du célèbre Heindorf,
l'un de ses élèves les plus habiles, con-
tre lequel il laissa éclater un méconten-
tement poussé parfois jusqu'à l'injus-
tice. A Berlin , il se vit quelque temps
privé de toute ressource et dans
une situation d'autant plus pénible,
que son humeur généreuse lui ren-
dait nécessaire une certaine abon-
dance. Une faiblesse que ses enne-
mis lui reprochèrent , avec trop
de malignité peut - être , ce fut
WOL
d'avoir retranché le feuillet d'une
dédicace au roi de Prusse , en pré-
sentant au maréchal Bernadolte la
belle édition in - folio des poèmes
d'Homère , qu'il avait commencé
de publier peu après l'in-S». ., et
qui ne fut point achevée. Ce qui
est certain, c'est qu'il resta fidèle à
son prince comme à sa conscience
littéraire, refusant les propositions
qui lui étaient faites de toutes parts,
soit parles universités et les gouver-
nements étrangers , soit par les li-
braires avides de ses productions,
autant que lui-même en était éco-
nome. Le roi de Prusse , éloi-
gné de sa capitale , lit savoir à
Wolf l'intention où il était de ne
rien épargner pour le conserver
à sa patrie. Bientôt d'honorables
emplois avec le titre de conseillcr-
d'état lui permirent d'exercer une
utile influence sur les établissements
d'instruction publique. En 1808, il
contribua puissamment à la dé-
termination qui fut prise de fon-
der une nouvelle université à Ber-
lin , et l'organisation en fut faite
d'après ses conseils. Il y prit rang
comme professeur : l'enseignement
oral était pour lui un besoin, même
de santé , qui le délassait an travail
d'écrire. Néanmoins les droits qu'il
avait acquis à l'indépendance et au
repos le firent autoriser à ne don-
ner qu'autant de leçons qu'il vou-
drait. L'université de Berlin , qui ,
depuis la paix générale, est deve-
nue l'une des plus florissantes de
l'Allemagne, eut d'abord à se déve-
lopper dans des circonstances dilli-
ciles. Wolf, en y reprenant avec joie
ses fonctions de professeur, ne re-
trouva point cette atlluence et ce zèle
studieux dont il s'était vu entouré à
Halle j mais quelques années plus
tard il vit ses leçons fréquentées par
WOL
157
un grand nombre de personnages
distingués confondus avec la foule
des étudiants. Pendant tout ce temps
il ne donna que des morceaux dé-
tachés , d'une importance secon-
daire, quoique la plupart portent
l'empreinte de tout son talent. Ce
fut d'abord dans le Muséum derAU
terlhumswissenschaj'ten , ouvrage
périodique qu'il entreprit en société
avec le savant Buttmann, mais que
la rigueur des temps ne permit pas
de continuer ^ ensuite dans les Litte-
rarische u4nale.kten , autre journal
littéraire qu'il publia avec l'assistance
de MM. Hermann, Boissonade, Mat-
thiœ , Schneider, Jacobs, etc. Ce
précieux journal fut trop tôt inter-
rompu par l'établissement d'ime cen-
sure à laquelle l'illustre éditeur ne
voulut point se soumettre. Dans
un écrit très - remarquable , Dars'
tellung der Alterthums-wissen-
schaft , il donna le tableau des
éludes sur l'antiquité tel qu'il dé-
sirait de le voir réaliser dans les
écoles , entrant dans les considéra-
tions morales les plus élevées sur ce
sujet qu'il afléctionnait particulière-
ment. Aussi j en d'autres temps ,
cette partie de ses leçons qui se rap-
portait à la science et à l'esprit des
méthodes était-elle suivie avec le
plus vil' intérêt. Des fragments de
traductions en vers d'Horace et
d'Aristophane furent aussi le fruit
de ses loisirs forcés, et ces essais
isolés ont encore paru approcher de
la perfection. La comédie des Nuées,
une partie de celle des Acharniens ,
et la première Epîlre d'Horace , re-
produites en vers harmonieux et fi-
dèles , semblables à ceux du texte ,
avec des observations aussi profon-
des que spirituelles , sont au nombre
des productions les plus singulières du
talent de Wolf, qui _, en général , fai-
i58
WOL
sait peu de cas des traductions , et
avait renonce dans sa jeunesse à de
vastes entreprises en ce genre. — Des
altérations devenues plus fréquentes
dans sa santé l'engagèrent à se
rendre, d'après le conseil des mé-
decins, dans le midi de la Fran-
ce. Il arriva de Berlin à Mar-
seille , épuisé par la fatigue d'un
voyage de trois mois, que son impa-
tience lui avait fait encore trop hâ-
ter , et il fut aussitôt attaqué d'une
fluxion de poitrine, dont il mourut
le 8 avril 1824, à l'âge de soixante-
cinq ans. Il était membre de l'aca-
démie des sciences de Berlin , et as-
socié étranger de l'Institut de Fran-
ce. Nous allons reprendre ici la sé-
rie de ses ouvrages , soit pour en
compléter la liste , soit pour y joindre
quelques nouvelles désignations. I.
J^ermlschle Schriften , etc. , mélan-
ges en latin et en allemand, Halle,
1802. La partie latine contient des
discours pour des occasions solennel-
les , et particulièrement une suite
d'allocutions en quatre pages , pro-
noncées pour la plupart aux époques
des rentrées de cours, et dont chacu-
ne, suivant l'usage constamment suivi
en Allemagne , offre l'éclaircissement
de quelques passages d'un auteur
ancien , rarement des questions plus
étendues. La partie allemande pré-
sente deux morceaux très-piquants ,
l'un sur la question si Homère est
traduisible ^ l'autre sur les faits
que les superstitions antiques peu-
vent ajouter à l'histoire du som-
nambulisme , etc. II. Les Histoires
d* Hérodien , eu grec , texte soi-
gneusement corrigé. Halle, 1792.
III. Suétone , édition accompa-
gnée de notes courtes, mais très-
estimées , 1802. IV. Ij" Hermès
de Harris , avec des remarques , Hal-
le, 1788. V. Les Fariœ lectiones
WOL
de M.-Ant. Muret, avec des notes
(anonymes ), Halle, 'VQi' VI. Une
édition du Traité de Reiz : De
prosodiœ grœcœ aceentûs incUna-
tione, Leipzig, 1791. VII. Quant à
V Homère de Wolf , nous rappelle-
rons qu'il ne ftiut point confondre
son édition de i 788 85 avec celle de
1 794 , fruit de ses plus précieux tra-
vaux. On y joint souvent le volume
des Prolégomènes. Il n'a été publié
qu'un volume de la belle édition, pe-
tit in fol. , de Leipzig , 1 806 , laquelle
devait avoir cinq volumes. Vlll.X>e-
mosthenis orat. ad^. Leptinem, avec
les scolies et les commentaires, etc.,
Halle, 1790. IX. Trois ouvrages de
Platon : VEuthjphron ^V Apologie
et le Criton, le texte accompagné
d'une traduction nouvelle, en latin,
que l'auteur regardait comme l'une
de ses meilleures productions en cette
langue, Berlin, 1 812, in- 4''^ C'était
le début d'une grande entreprise ,
qu'il eut le regret de ne pouvoir con-
tinuer. 11 s'était proposé de lutter
avec la langue de Térence contre les
grâces et l'atticisme du philosophe
grec. Ses autres travaux sur Platon
sont l'édition du Banquet, 1782, et
de quelques autres dialogues, sans
commentaires, et une dissertation en
allemand : Zu Platd's Phœdon ,
Berlin, 181 1 , in -4°. X. Les Nuées
d^ Aristophane y traduites en vers
allemands , avec le texte , 1 81 1 , in-
4°. ; une partie des Acharniens du
même poète, trad. en vers, avec des
remarques , 1 8 1 1 , in - 4°. ; séparé-
ment quelques autres pièces du théâ-
tre grec, le texte seul. XL La pre-
mière Satire d'Horace^ avec une
traduction en vers et des remarques,
181 3, in -4". XII. Luciani lihelli
quidam, avec des notes. Halle , 1 79 1 .
ÎLlll. GeschichtederPiœmischeji Li-
teratur {Histoire de la littérature ro-
WOL
maine), à Tusage des cours acadé-
miques, Halle, 1787 , in -8". XIV.
(avec Ph. Buttraann) Muséum dcr
uàlterthumswissenschaften, Berlin ,
1807, deux cahiers. Le même ou-
vrage , continue en latin , deux ca-
Liers, 1808- 1 1 , ibid. XV. Litera-
rische Analckten , autre ouvrage pe'-
riodique, rempli de morceaux très-
curieux , dont nous avons désigne' les
principaux rédacteurs. Wolf, qui
s'était chargé de la direction de l'ou-
vrage , y inse'ra plusieurs articles
e'tendus , entre autres une Notice sur
Rich. Bentley , et beaucoup de frag-
ments, écrits avec une négligence pi-
quante j quatre cahiers formant deux
vol., Berlin ,1816-19, in-8*^. V-g-r.
WOLF ( P.erre-Philippe ), his-
torien allemand , né le 28 janvier
1761, à Pfallcnhofen en Bavière^
fut d'abord commis d'un libraire à
Zurich, puis à Munich , d'où il alla à
Leipzig établir une maison de librai-
rie très-considérable ( 1 790). Rappelé
en 1807 à Munich , il fut nommé
membre de l'académie royale des
sciences de Bavière, troisième classe ,
et mourut dans cette ville le 5 août
1808. Voici ce qu'un biographe
protestant dit de lui : « Wolf avait
des talents , il a fait des recherches
profondes sur l'histoire • il a obser-
vé l'esprit de l'Église catholique et
la tendance de sa hiérarchie , surtout
dans ces derniers temps. On lui re-
proche d'avoir par trop de véhé-
mence défiguré ses ouvrages histori-
ques , qui d'ailleurs ont du prix , et
d'avoir injustement attaqué l'Église
catholique et ses institutions. Malgré
ces défauts, ses écrits sur l'histoire
peuvent être regardés comme le ré-
sultat d'une étude pénible ;, faite d'a-
près les sources, et ses observations ,
surtout dans son Histoire des Jésui-
tes, ont un ton d'indépendance et
WOL
159
de hardiesse qui plaît. » On a de lui,
en allemand : L Lilienberg, histoire
originale , Francfort f 1784, in-8<*.
II. Histoires pour consoler l'homme
qui est dans le malheur , Munich ,
1 784 , in-8<^. III. Mémoires remar-
quables pour Vhistoire de notre siè-
cle philosophique , 1 784 , in - 8°. ,
sans lieu d'impression. IV. P^ertus
et vices dans des histoires et lettres
morales.... j 1785 , in-S». V. His-
toire générale des Jésuites , depuis
l'origine de leur ordre jusqu'aux
temps présents , Zurich, 1789 à
179*2 , 4 vol. in-8'\ ; Brunn, 1792 ,,
et Leipzig , i8o3. VI. Histoire de
l'Eglise romanO'Catholique , sous
le gouvernement de Pie FI, Zurich,
1 783 à 1 798 , 6 vol. in-80. ', ibid. ,.
1798 à i8o'2 , 7 vol. in-80. Le
septième était entièrement neuf. VII.
Histoire de la religion et de l'É-
glise en France , Zurich , 1802. Cefc
écrit n'est autre chose que le sixième
et le septième vol. de l'ouvrage pré-
cédent. VIII. Sur le rétablissement
des Jésuites, Lucerne , 1799, in-^
8^^ IX. Projet pour une réforme de
l'Eglise catholique, Leipzig, 1800,
in-S*^. X. Histoire statistique et to-
pographie abrégée du Tjrol , Mu-
nich , 1807 , in-80. XI. Histoire de
Maximilien P'^. et de son époque y.
Munich, ler. ct2«. vol., 1807, Se. ^
1809, in-80. Ce dernier ouvrage n'a
point essuyé les critiques sévères que
méritent les écrits de Wolf contre
la religion catholique qu'il aurait
voulu réformer à la manière de Lu-^
ther et de Calvin. Son Histoire de
Maximilien P'. est précieuse pour
l'histoire générale du dix-septième
siècle. G — y.
WOLF. rof. WOLFE.
WOLFAERTS (Arthur) , pein~
tre , né à Anvers , florissait vers le
milieu du dix-septième siècle. Il se
i6o WOL
fit remarquer parmi les artistes de ia
Flandre par un esprit ingénieux et
plein de noblesse tout-à-la-fois. Il se
livra particulièrement à l'histoire, et
il a su conserver aux sujets qu'il a
lires de TÉcnlure Sainte ou des Actes
des Apôtres un caractère d'élévation
qui leur est tout-à-fait analogue. Ses
compositions sont simples , mais
grandes ; ses fonds sont ornes d'une
riche arcjiitecture. Il observe le
costume d'une manière scrupuleuse
pour le temps et pour son pays , et
ses paysages représentent autant qu'il
dépend de lui les sites tels que les dé-
crivent les textes sacres. Ses tableaux
allégoriques décèlent également un
homme d'esprit, et qui n'était pas
étranger à la littérature. Pour se délas-
ser de ses grands travaux , il s'amu-
sait à peindre , dans le genre de Te-
niers , de petites compositions re-
marquables par leur gaîté et leur
originalité ; par un dessin et un
coloris pleins de naturel. P — s.
WOLFARD. Foy. Wolfhard.
WOLFART (Pierre), médecin
allemand, naquit à Hanau le 1 1 juil-
let 1675, et,aprèsavoir achevé dans
sa ville natale ses études gramma-
ticales et littéraires, se rendit à Gies-
sen pour y suivre les cours de mé-
decine. Reçu docteur au bout de quel-
ques années ( 1696), il revint à Ha-
nau , mais il n'y resta que le temps
nécessaire pour faire les préparatifs
d'un long voyage. La Hollande ,
l'Angleterre , la France attirèrent
successivement son active curiosité j
et partout il examina avec un soin
minutieux, avec un jugement sain,
avec un génie profond. Aussi rap-
porta-t-il de ces pèlerinages scientifi-
ques des connaissances non moins so-
lides qu'étendues. Ses compatriotes
l'apprécièrent dignement, et outre une
clientelle nombreuse et lucrative -
WOL
Wolfart eut bientôt la chaire de phy-
sique et d'anatomie de Hanau ( 1 7 o3) .
Dans la suite, le landgrave deHesse-
Casscl le nomma son médecin , et
l'académie des curieux de la nature
l'admit au nombre de ses membres,
sous le nom de Pœonius. Wolfart
mourut le 3 décembre 179.6 , doyen
du collège de médecine d'Hanau. Ses
ouvrages , qui consistent la plupart
en dissertations ou traités élémentai-
res , se recommandent par la netteté
et la justesse des idées. Nous n'in-
diquerons que les principaux : I.
Dissertatio de fehre hœmoptoicd ^
Giessen , 1696, in-4°. IL Claris
philosophiœ experimentalis , Hanau,
1701 , in-4°. 111. Jmœnitates Ilas-
siœ inferioris suhterraneœ , Cassel ,
171 1 , in-4°' IV. Phjsica curiosa
experimentalis , Cassel, 1712, in-
4". V. De Thcrmis Empsensibus ,
Cassel , 1715 , in-4^. VI. Historia
naturalis Hassiœ inferioris , Cassel,
17 19, in-fol. Ce dernier ouvrage a
long-temps été classique à Hanau , à
Cassel et à Giessen j mais il est au-
jourd'hui complètement effacé par
les ouvrages modernes. VIL Descrip-
tion des fontaines salantes de Bra-
hecher ( en allemand ) , Herborn ,
1720 , in-S'*. VIII. Pensées sur les
sources médicinales voisines deHofr
Geismar (en allem.), Cassel , 1726 ,
in-8".Ces deux écrits sont estimables
et dénotent un observateur attentif
et habile. IX. De Chind-Chind. X.
De Anllid pneumaticd. XL P^ale
Hanovia et salve CasseliSy etc. , etc.
P OT.
WOLFE (Jacques) , général an-
glais, né le i5 janv. 1726 à Wester-
ham , au comté de Kent, était le fils
d'un major-général très-distingué, et
fut dès sa jeunesse destiné à la car-
rière des armes. Il se trouva à la ba-
taille de Lawfeld , en 1747 , dans
WOL
les Pays-Bas, lit toutes les campa-
gnes de cette guerre contre les Fran-
çais , et parvint successivement au
grade de gênerai de brigade. Ce fut
en cette qualité qu'il passa en Amé-
rique en 1758, sous les ordres du
général Abercromby. Employé dans
la même année à rexpcdilion du
Cap Breton, il concourut tns-eili-
cacement par ses talents t;t sa bra-
voure à la prise de Louisbourg.
Nomme major-genéral ,il l'ut charge
en Ï759 du commandement de l'cx-
pédition contre le Canada. Il attaqua
dans le mois de juillet les retranche-
mentsque les Français avaient élevés
sur la rivière de Montmorency, et
fut repoussé avec perte; mais dans
une seconde attaque qu'il dirigea
le i3 septembre contre Québec ,
après avoir escaladé des rochers
et des murs escarpés, il fut blessé
trois fois sans vouloir quitter le
champ de bataille , et mourut glorieu-
sement dans le moment où ses trou-
pes victorieuses allaient s'emparer
de Québec {F. Montcalm,XX1X ,
4(>9). Sa mort excita chez les An-
glais les regrets les plus vifs. « Ce
î> général , dit un de leurs historiens ,
» avait reçu de la nature une
» chaleur de sentiment, une viva-
» cité de pénétration , une étendue
» de capacité et un amour de la
V gloire , qui le rendaient propre à
» acquérir toutes les connaissances
» militaires.» Son corps, transporté
en Angleterre , fut enseveli à Green-
"wich , dans le même tombeau que
son père. Le gouvernement lui lit
e'riger un cénotaphe à Westmins-
ter , ainsi qu'au lieu de sa nais-
sance. Le peintre américain West
l'a représenté à ses derniers mo-
ments ; et ce tableau a été reproduit
avec beaucoup de talent dans une
t'stampe du graveur W^oollelt. On a
WOL
iGi
publié à Londres , en 1827 , la Vie
et correspondance du général JVol-
fe , 9. vol. in-8°. M — d j.
WOLFE ( Charles) , poète , né en
Irlande vers 1791 , composa très-
jeune encore des pièces de vers qui
portaient un cachet particulier. Sim-
ple pasteur de campagne, il vivait
très-reliré, et n'attachait point son
nom à ses poésies. Ayant fait une
pièce de vers pleine de sensibilité
sur le général Moore , qui mourut
de ses blessures à la Corogne , en
1809 ( To/. ]VIooRE,XXX, 47),
il eut un succès général. Cependant
son nom serait resté inconnu si lord
Byron , frappé du mérite de cette
composition, ne fût parvenu à en dé-
couvrir l'auteur, ainsi quele capitaine
Medvvin Je rapporte dans les Con-
versations de lord Byron. W^olfe
a composé un assez grand nombre
de pièces de vers qui , à la vérité ,
n'ont pas le même mérite , mais
qui toutes sont empreintes de sensi-
bilité; ({uelques-unes ont une teinte
mélancolique pleine de charme. Il
avait fait de nouvelles paroles pour
un ancien air irlandais, connu dans le
pays sous le nom de Gramachrée;
ces paroles étaient une élégie pour "la
tombe d'une amante. On demanda <à
Wolfe s'il avait fait allusion ta un
événement réel ; il répondit qu'un
jour ayant chanté plusieurs fois le
vieil air irlandais , il avait tout-à-
coup versé un torrent de larmes,
et <]ii'au milieu de son émotion il
avait jeté cette élégie sur le papier.
Atteint de phthisie, il fut conduit aux
environs de Cork , où il expira le
Il février i8'23 , dans la trente-
deuxième année de son âge. Ses OEu
vres ont été recueillies par un do
ses parents , John Russel , sous le
titre de : Remains of ihe late Bci*.
Charles Wolfe , Dublin, i825> 2
r62
WOL
WOL
vol. in-i2. Le premier volume con- Autricliions les places de Leipzig, de
par l'éditeur ; et dans le second se
trouvent ses sermons. D — g.
WOLFE. V^oy. Tone au Supplé-
ment.
WOLFERSDORF (Charles-Fré-
déric de), ge'néral prussien, naquit
en 17 17 à Zella , près de Sclinee-
berg , dans le duché de Saxe-Go-
tha , d'ime ancienne et illustre fa-
mille. Après avoir passe par tous
les grades inférieurs, il se trouvait
lieutenant -colonel au service de Te'-
lecteur de Saxe , lorsque, l'armée de
ce prince ayant mis bas les armes
devant Pirna , il prit du service dans
les troupes prussiennes, et fut nomme
colonel du régiment de Haussen, dont
il remplit les cadres avec des déser-
teurs saxons. Mais ces hommes pla-
ce's contre leur grë sous des drapeaux
qu'ils détestaient s'éclia ppèrentcn peu
de temps. Wolfersdorf que ce bel exem-
ple de dévouement à la patrie toucha
moins que les vues de son ambition ,
resta dans l'armée prussienne. 11 fut
mis à la tête du régiment de Hesse-
Cassel; et le 8 août 1759 il arriva
avec ce corps à Torgau , avec ordre
de défendre cette place importante
jusqu'à la dernière extrémité. 11 y
trouva tout dans un état déplora-
ble. Cependant ses mesures furent si
bien prises , qu'il la défendit plus
long-temps que les aulrcs comman-
dants prussiens n'avaient tenu dans
les leurs. Après la perte de la ba-
taille de Kunersdorf , à l'instant où
le lieutenant-général Fink recevait
l'ordre d'évacuer la Saxe et de se
l'éunir à Frédéric , le prince de
Deux-Ponts s'était jeté sur la Saxe
restée sans défense : surpris avec
des forces très-inférieures , les gé-
néraux Haussen , Horn et Schmet-
tau capitulèrent et remirent aux
Wittemberg et de Dresde ; Wolfers-
dorf montra plus de fermeté. Le 10
et le I I août il repoussa si vigoureu-
sement les Autrichiens qui étaient
montés à l'assaut , qu'il alla lui-
même les attaquer dans leur camp.
Ce" ne fut que le lendemain , 12 ^
que le prince de Stolberg étant
arrivé devant Torgau avec l'armée
de l'empire, forte de dix bataillons
etde quinze escadrons, etavec un train
d'artillerie de siège , Wolfersdorf
consentit à rendre la ville. La capitu-
lation fut très honorable : la garnison
devait sortir avec tous les honneurs de
la guerre , et rejoindre l'armée prus-
sienne. Le 1 5, Wolfersdorf commen-
ça à faire défiler ses troupes. Étant
arrivé à la tête du régiment de Hesse-
Cassel , il s'arrêta auprès du prince
de Stolberg qui, avec les généraux.
Kleefeld, Lazinski et plusieurs où
ciers supérieurs , se tenait à l'entri
de la ville. Un bataillon qui était, (
grande partie, composé de déseï
teurs saxons, défilant devant le prii
ce, radjudant-général de celui-ci cr:
très-haut : « Sortez des rangs, voi
qui êtes de braves Saxons ou de boi
Autrichiens : le prince vous prea
sous sa protection. » Ces paroles pra
duisirent l'effet de l'éclair; aussitôt \
soldats de tout le bataillon jettent bi
les armes et courent se cacher , 1
uns derrière les palissades , les autn
dans les fossés , ou sur les bateau:
qui descendaient l'Elbe. Tout autre
que Wolfersdorf eût été déconcert(
par un événement aussi inattendu
loin de là il se jette sur les fuyarc
qui étaient le plus près de lui , c
saisit un parle collet, et l'étend mo:
à ses pieds d'un coup de pistole
« Faites de même, crie-t-il à s*
oHlciers , je vous l'ordonne » Et s'.
dressant aux hussards de sonescort(
WOL
« Je promets un ducat pour chaque
fuyard que vous aurez sabre'. » Le
prince de Stolberg lit d'inutiles ef-
forts pour apaiser Wolfersdorf qui ,
loin de l'écouter, Ht rappeler les ba-
taillons qui avaient dëj a dcfilë et re-
conduire l'artillerie sur les fortifica-
tions • lui - mcme , le pistolet à la
main, s'approche du prince, l'ac-
cuse d'avoir viole' la capitulation ,
et finit en lui disant : « Plus de reddi-
tion î Si vous n'engagez votre hon-
neur, et si vous necommcjiccz sur-le-
champ à exëcuterla capitulation à la
lettre , je vous ferai entourer vous et
votre suite parun demes bataillons, et
je vous fais tous conduire prisonniers
dans la place. » Tout fut accorde ; on
arracha les fuyards qui s'étaient ca-
che's sous le manteau des Croates , et
on les rendit; le prince donna en ota-
ge un ol licier de son e'tat-raajor , et
un fort détachement qui fut charge'
d'empêcher la désertion. Dans ce tu-
multe, soixante-huit fuyards furent
tue's ou sabres; mais Wolfersdorf ne
perdit plus un seul homme , et il ar-
riva le 16 août avec tout son corps
à Wittembcrg. Les journaux prus-
siens élevèrent jusqu'aux nues la con-
duite que le général avait tenue dans
cette circonstance; et le célèbre Cho-
dowiecki lui consacra une très -belle
gravure. 11 est probable que les
Saxons virent les choses sous un
autre aspect. Quoi qu'il en soit , en
arrivant à Wiltemberg , Wolfers-
dorf reçut du roi l'avis de sa dé-
faite à Kunersdorf, et l'ordre de
rendre ïorgau aux conditions les
moins défavorables , afin de marcher
sur Wusterhausen , et de couvrir
Bcrhn. Dès le 19 il était à son poste.
Le 21, Frédéric lui écrivit de Furs-
tenwaid : « Vous vous êtes conduit
» à Torgau comme un brave ; vous
»» avez montré du zèle et de la
WOL
[63
» fermeté; je vous en témoigne toute
» ma satisfaction. » Wolfersdorf se
distingua ensuite près de ïlof, à la
montagne du Dragon , et près de
Torgau , où il décida la victoire des
Prussiens. Près de Maxen , se voyant
entouré , il voulut se faire jour l'épée
à la main; mais il fut fait prisonnier,
et ne revint à son régiment que le 3i
juillet 1760. Sous ses ordres cette
troupe était devenue un des plus
beaux corps de l'armée prussienne.
On l'accusa de n'avoir point été déli-
cat sur les moyens de se procurer de
beaux hommes , et les plaintes sur sa
conduite arbitraire et violente arri-
vaient souvent jusqu'au roi, qui se
contentait de dire : « Que voulez-
vous ? c'est encore un de ces Saxons
que j'ai gagnés. » En 1763 , Wol-
fersdorf fut nommé major-général ,
et en 1776 feld-maréchal-lieutenant.
Il mourut au mois de mai 1781.
C'était un bel homme de guerre, ac-
tif, prompt dans ses résolutions, mais
sacrifiant tout à son ambition. G-y.
WOL b'ER US , écrivain ecclésias-
tique, était chanoine de la cathédrale
de Hddesheim en Saxe, dans le on-
zième siècle. On a de lui la Vie de
saint Godehard qui mourut en io38,
étant évêque de Hildesheim, et celle
de Gonther ou Gonthier , l'un des
premiers seigneurs de la Thuringe ,
qui , à la même époque, renonça au
mt)nde pour embrasser !a vie religieu-
se dans le monastère d'Altach , et y
mourut en io45. Wolferus . qui était
leur contemporaine, a donné à ces
deux ouvrages une empreinte de piété
et d'onction qui touche et entraîne
ceux qui les lisent. Ils sont d'ailleurs
très-intéressants par un grand nom-
bre de faits qui appartiennent à l'his-
toire générale de l'Église et de l'em-
pire. Mabillon les a insérés dans ses
u4cta ord. S. Bened., tome vni , et
i64 WOL
Leibnitz dans ses Script, Brunsw. ,
tome 1*^''. G — Y.
WOLFF. Foy. Wolf.
WOLFFHART. /^.LycosTnÈNEs.
WOLFGANG (SAl^T), ëvct|iiecle
Ratisbonnc^ uccnSouaLe^ de l'illus-
tre famille des comtes de Pfulingen ,
fut envoyé de bonne heure à l'abbaye
deRichen-An, qui était alors une école
célèbre de science et de vertu. Wolf-
gang s'y lia d'une étroite amitié avec
le comte Henri , qui l'emmena avec
lui à Wurtzbourg , où tous les deux
suivirent les leçons d'un grand
maître venu d'Italie, appelé Etienne.
Henri , élu en gSG archevêque de
Trêves , pressa Wolfgang de l'ac-
compagner. Celui-ci y consentit , à
condition qu'il n'aurait d'autre em-
f)!oi que celui de tenir une école pour
es enfants. Il se chargea ensuite de
diriger une communauté d'ecclésias-
tiques , avec le titre de doyen. Henri
e'tant mort en 964 , Wolfgang passa
quelque temps près de Brunou , ar-
chevêque de Cologne, et frère de
l'empereur Oihon I^*'. Ayant refusé
les avantages que ce prince lui of-
frait , il alla se cacher dans un mo-
nastère , au fond d'une obscure forêt.
Sa réputation y attira des disciples ,
et saint Udalric , étant venu l'y visi-
ter , l'ordonna prêtre, malgré sa ré-
sistance. En 972, Wolfgeiiig passa
le Danube pour prêcher l'Evangile
aux Hongrois. L'évêque de Passau,
ayant conçu pour lui la plus haute
estime, le recommanda a l'empe-
reur Othon II, pour i'évêclié de Ra
tisbonne. Peu après, Wolfgang con-
duit par les envoyés du prince dans
cette ville épiscopale en lut luianime-
ment élu cvêque par le clergé et
les fidèles ( 974 )• Pendant les
vingt années de son épiscopat , il
s'occupa surtout de rétablir les rè-
gles canoniques dans les cliapitreset
WOL
les maisons rebgieuses. Il prêchait
souvent ; ses paroles étaient simples,
mais touchantes. S'étant mis en che-
min pour aller visiter la Bavière
orientale , il tomba malade à Pupping,
sur les bords du Danube , et y mou-
rut le 3o octobre 994. Son corps fut
transporté à Ratisbonne, et enterré
à l'abbaye de Saint-Emmeran , dans
laquelle il avait rétabli la discipline
monastique. Le pape Léon IX , étant
venu à Ratisbonne, en io52 , fit le-
ver le corps de saint Wolfgang, dont
les reliques furent enfermées dans une
châsse ])récieuse. L'Église célèbre sa
fête le jour même de sa mort. Saint
Wolfgang a composé , sur le psaume
Miserere , une paraphrase que D.
Petz a publiée dans son Thésaurus
Anecdotorum , tome 11.— Il ne faut
point le confondre avec un autre
Wolfgang , bénédictin de Nieder-
Altahan , en Bavière^ au treizièm
siècle , et auteur de soixante-douz
lettres insérées aussi dans le Thesaix
rus de Petz , ainsi que dans le Code:
diplomaticus d'Huber. G — y.
WOLFGANG ( Guillaume
prince palatin , né le 29 octobr
1678 , se mit sur les rangs ave
Jean Sigismond , électeur de Brai
debourg , pour partager la rich
succession du prince de Clèves et d
Juliers. Sa mère était fille du der
nier duc ; afin de réunir tous
droits sur sa tête , il demanda L
main d'une fille de l'électeur. S
trouvant à la cour de Brandebourg
\cs deux princes qui étaient ivres
suivant l'usage de ce siècle , si
dirent des injures , et en vinrer
même à des voies de fait. Woli
gang, brûlant du désir de se venger
se hâta d'aller à Munich, oii il époi
sa une princesse de Bavière. Cett^
liaison , les insinuations de son épouj
se, et les instrr.ctions du P. Reichingj
WOL
jçsuite et prédicateur de ]a cour ,
opérèrent un changement dans son
cœur , et il rentra dans le sein de
l'Église catholique. On a attribue' ce
changement à la politique , et peut-
être y eut-elle quelqiiepai t. Quoi qu'il
en soit , après la mort de son père ,
Wolfgang fit dans ses états des chan-
gements favorables à Ja religion qu'il
avait embrassée. Pendant la guerre
de Trente-Ans , il soutint vivement
le parti de la maison d'Autriche. 11
mourut le lo mars i653 , à Dussel-
dorf, avec la réputation d'un prince
sage, actif et bienfaisant. G — y.
WOLFGANG (George-Andre),
né en i63i à Chemnitz en Saxe ,
est le chef d'une famille d'artistes,
qui s'établit à Augsbourg , où le père
mourut en 17 16, après avoir fait
un grand nombre de gravures dans
le genre historique. Ses fils, André-
Mathieu tX. Jean- George , avaient
appris la gravure sous lui. Reve-
nant d'Angleterre pour visiter la
Hollande , ils furent pris par des pi-
rates algériens. Le père les racheta.
Les OEuvres de Jean- George sont
beaucoup plus estimées que celles
de son frère aîné. On met au pre-
mier rang un crucifix d'après Char-
les Lebrun. Appelé en 1704 par l'é-
lecteur de Brandebourg , J,- George
Wolfgang s'établit à Berlin , ou il
mourut eu 1748. — Un de ses fils ,
George - André , né à Augsbouig
en 1703 , fut un excellent peintre de
portraits j il travailla en Angleterie,
et de là vint à Gotha, où on le nom-
ma peintre de la cour. — Giistai'e-
André , fils d'André- Mathieu , né
en 1699., travailla pendant vingt
ans à Berlin , et mourut à Augsbourg
en 1775. Il passe pour un des pre-
miers graveurs de l'Allemagne. G-y.
WOLFHARD , écrivain ecclésias-
tinue, fut religieux dans l'abbaye de
WOL
i65
Hasenried, diocèse d'Utrccht^ depuis
l'an 908 jusqu'en 9'27. II écrivit à
Adelbode, sonéveque , sur les mira-
cles opérés par sainte Walpurge, deux
Lettres auxquelles il joignit ensuite
la Fie de cette sainte. L'ouvrage est
divisé en quatre livres. Dans le pre-
mier, on trouve des détails curieux
pour l'histoire ecclésiastique d'An-
gleterre et d'Allemagne. Saint Boni-
face, archevêque de Maïence, chargé
de travailler à la conversion des peu-
ples germains , avait invité deux de
ses parents , Willibalde et Wune-
balde , à venir prendre part à ses
travaux. A sa prière, ils se rendirent
l'un et l'autre en Thuringe, auprès
du saint évèque. Willibalde fut or-
donné premier évêque d'Ei( hstœdt;
Wunebalde fonda le monastère de
Ileidenheini.Ils avaient attiré au ser-
vice de Dieu plusieurs personnes de
leur famille , entre autres une sœur ,
appelée Walpurge, qui établit près
de l'abbaye de son frère une com-
munauté de filles qu'elle gouverna
jusque vers l'an 763. Wolfhard dé-
dia son ouvrage à Erchambold, évè-
que d'Eiclistœdt. Cauisius en a fait
imprimer les deux premiers livres
dans ses Lection. antiq. ^ tous les
quatre ont été pu])!iés par Surius ,
par les Bollandistes etparMabillon
dans les Acta ordinis S. Bened.,
tome IV. G — y.
WOLFRAM d'ESGIIENBACIÎ.
Voj. ESCHENBACH.
WOLFTEll (Pierre), né à Man-
lieim en 1708, fut lecteur de la
princesse Elisabeth , épouse de Char-
les Théodore , électeur de Bavière ,
et professeur d'histoire à l'université
de Heidelberg, puis conservateur de
!a bibliothèque de cette maison , où
il mourut le 28 juillet i8o5. Wolf-
ter avait étudié avec soin l'histoire
du moyen âge et celle de la réforma-
i66
WOL
tion. On a de lui : \. Histoire des em-
pereurs et de l'empire germanique ,
d'après les monuments et les au-
teurs contemporains (allem.), Man-
lieim, T785, in-8''. II. Monuments
pour Vhistoire salique ^ palatine et
franque sur le Rhin , depuis le neu-
vième jusqu'au douzième siècle
(allern. ), Hcitle'berg ,in-8'\ ITI. De
personis imperii romano - ^erniani-
ci ac de juribus Cœsareis ^ctc. , Hei-
delberg, 1788, iii-40. IV. Histoire
des révolutions arrivées dans l'em-
pire germanique ( alIcm. ), Zurich,
1789, in- 8". V. Mémoires pour
éclaire ir l'histoire d' Allemagne
(allem. ),Durkheim, 179*2, iu-80.
VI. Histoire critique de Vexarchat
et duché de Borne , Heidelberg ,
1 79a , in- 80. W\. Histoire de la ré-
formation (allem.) ^ Rome, Witten-
bcrg et Genrve , 1796, in-8'^. VIII.
Plan d'une histoire de la réforma-
tion, Heidelberg, i8o3 , in-80. IX.
Histoire de Luther et de la réfor-
mation qu'il a opérée y Maulieim^
i8o5, in-80. G— Y.
WOLKE (Chbetien-Henri), au-
teur d'ouvrages estimés sur l'éduca-
tion, naquit, en 1741, à Jever, où
son père faisait le commerce de bes-
tiaux et de cuirs. Il acheva à Got-
tingue ses études commencées au
gymnase de sa ville natale, et ensei-
gna , en 1766, les mathématiques
à l'école de Klostergerode dans
FEichsfcId ; puis il donna des leçons
particulières à Leipzig. Étant sur le
point de se rendre en Angleterre,
pour y chercher une place de pré-
cepteur, il fit à Hambourg la con-
naissance de Basedow , qui travail-
lait alors à un nouveau système
d'éducation et d'instruction en Alle-
magne. Wolke goûta ses idées de
réforme des études , et consentit à y
coopérer avec lui. II concourut aux
WOL
livres élémentaires projetés par Ba-
sedow, adopta unenouvellc orlhogra- !
phe , qui consistait à rejeter toutes
les lettres qu'on ne prononce pas , et
seconda activement Basedow dans
son projet de fonder un grand éta-
blissement d'instruction. 11 se rendit,
en 1771, avec sa femme , à Dessau ,
et y fonda avec son chef, sous la
protection du prince d'Anhalt, une
maison d'éducation , trois ans avantJ
que Basedow^ y ouvrît son fameux]
Philanthropacum. Sa méthode eut
du succès; et son établissement se
maintint pendant une vingtaine d'an-
nées. Dans un voyage fait en Russie ,1
il prit la résolution de s'établir à
Pétersbourg , où Catherine lui assi-
gna des secours pécuniaires qu'il ne
reçut jamais. Il y fonda une mai-
son d'éducation semblable à celle
qu'il avait eue à Dessau , et il la
dirigea jusqu'en 1801. Cette année,
il revint en Allemagne , et vécut^
dans diverses villes, des petites pen-j
sions qui avaient été la récom^
pense de ses travaux d'instituteur,
mais qui dans les temps de guerre
furent réduifes à une seule, celle du
prince d'Anhalt-Dessau. Se trouvant
à Dresde lors de la campagne de Na-
poléon contre la Russie et de l'occu
palion de la Saxe par les alliés ,
fit, à l'âge de soixante-treize ans, 1(
fonctions d'interprète russe au bu.'
reau des logements militaires. Il pei
dit sa femme par le typhus des hô
pitaux. Après la guerre, en i8i4, i
alla s'établir à Berlin, et y fonda U
société de la langue allem
l'exemple de Campe, Wolke s'étai
occupé d'épurer sa lingue maternel
le, en rejetant les mots empruntes d
langues étrangères , et en les rcmph
çant par des mots allemauds de soi
invention. La société qu'il fonda de
vait avoir pour but de maintenir
WOL
même de pousser plus loin cette épu-
ra tiou ,qui, ainsi que sa nouvelle or-
thographe , n'a point eu de succès.
Il mourut, le ii janvier 1 8*25, à
l'âge de quatre-vingt-quatre ans. 11 a
paru à Aix-la-Chapelle, en 1826,
une Notice biographique sur Wolke,
par Hasselbach , avec son portrait et
un facsimile de son écriture. On peut
diviser ses travaux littéraires en deux
classes, ceux qui ont trait à l'éduca-
tion , et ceux qui concernent la langue
allemande. Nous citerons les prnici-
paux écrits de l'un et de l'autre genre:
I. Description des cent planches de
l'ouvrage élémentaire, Leipzig, i "jS'i-
H-y, 2 vol. in-80. Cet ouvrage élé-
mentaire, sur lequel Basedow fon-
dait son instruction, était une espèce
d'encyclopédie d'enfants, qui devait
leur apprendre une foule de choses
par le moyen de la gravure. Il fut
traduit en plusieurs langues. II. Pre-
mières connaissances pour les en-
fants, depuis celle des lettres de l'al-
phabet jusqu'à celle de l'univers,
1783; trad. en français, 1787. III.
Le Livre pour lire et pour penser ,
1785 ; trad. en français et en russe.
IV. Histoire de la nature et des peu-
ples, 1801 jtrad. en russe, tome i*-''.
Le premier volume avait été bien ac-
cueilli par le gouvernement russe ;
mais , dans le manuscrit des autres
volumes , la censure trouva à redire
sur ce que l'auteur avait blâmé le
culte des images , cher au peuple rus-
se; et en conséquence l'ouvrage fut
supprimé sans autre forme de procès.
V. Méthode d'éducation physique ,
intellectuelle et morale _, Leipzig ,
180 5. YI. Communication des con-
naissances et idées primitives , ib. ,
i8o5. — Voici maintenant ses écrits
sur la grammaire : VII. Poésies
dans le dialecte bas - saxon , i8o4.
Ce recueil avait pour but de recom-
WOL 167
mander ce dialecte au public , com-
me étant plusharmonieuxque le haut-
allemand. VllI- Instruction sur la
grammaire allemande, pour con-
naître et réformer au moins cinquan-
te mille mots allemands , fautivement
formés, etc., 1812. Dans cet ouvra-
ge, l'auteur a déposé les fruits de
vingt-quatre ans de recherches sur sa
langue maternelle. Il y écrit les mots
selon son orthographe, et propose les
mots de sa composition à la place de
ceux qui sont dérivés des langues
étrangères. Cet immense travail fut
pourtant en quelque sorte perdu, puis-
que personne n'adopta ses réformes.
Dans ses dernières années Wolke
travaillait à un Guide pour les mè-
re s, instituteur s et auteurs de livres
d'éducation , dont les premiers volu-
mes ont paru , et qui devait se com-
poser de sept volumes en tout. L'au-
teur y revient sur sa matière favori-
te, la réforme de l'orthographe et de
la langue allemandes. D — g.
WOLKOFF. Tq^'. VoLROFF.
WOLKOW (Féodore), archi-
tecte russe, fit ses premières études
à l'académie de Saint-Pétersbourg,
et vint les achever à Pans , oii Du-
val l'employa pour la construction
du théâtre de la Comédie Française.
Étant retourné dans sa patrie, il
rembellit par un grand nombre de
constructions , entre autres par les
magasins ou dépôts d'eau -de -vie et
de sel , par les brasseries de la ville,
du coté de Wiborg , par les orange-
ries y les ailes du palais ïauris , etc.
Il avait fait, pour le prince Potcm-
kin, des plans qui n'ont point été
exécutés. Ses facultés intellectuelles
s'étant affaiblies, il tomba dans une
mélancolie qui le conduisit au tom-
beau , à Pétersbourg, en i8o3. G-y.
VYOLL ASTON (Guillaume),
savant prêtre de l'Église anglicane ,
i68
WOL
uc , en 1 659 , à Coton-Glaiiford dans
le comte de Stafford, d'une famille
ancienne, mais peu riche, trouva
de grands obstacles pour ses études
dans la détresse de ses parents , dans
sa timidité' naturelle et dans des
maux de tête continuels, qui ne
s'accommodaient guère du tumulte
d'une nombreuse classe d'enfants.
Sans patron, sans amis, sans se-
cours d'aucune espèce , il se vit con-
traint,au sortirdeCambridge , d'ac-
cepter la place de sous - maître, et ,
quatre ans après, celle de second
maître dans l'école publique de Bir-
mingham. Une riche succession que
son mérite lui valut, en 1688, de la
part d'un parent éloigné, le mit dans
une situation opulente , sans rien
changer à la modération avec laquel-
le il avait supporté l'adversité. 11 se
rendit, la même année, à Londres,
où il passa le reste de ses jours dans
la retraite et l'étude, borné à la so-
ciété d'un petit nomlare d'amis. Les
langues savantes , les antiquités , l'his-
toire ancienne et moderne, l'histoire
naturelle , la critique , la philosophie,
les mathématiques,furent les objets de
ses études. Mais comme il avait prin-
cipalement pour but la connaissance
de la religion , il s'instruisit surtout à
fond des antiquités judaïques, des
anciens cfilteset des opinions moder-
nes. Son principal ouvrage est un
Tableau de la religion naturelle ^
qui parut eu 1722 , et dont il ne fit
tirer qu'un petit nombre d'exemplai-
res pour ses amis. Il profita des cri-
tiques dans l'édition corrigée qu'il
donna l'année de sa mort. Dix mille
exemplaires de cette édition furent
vendus en peu d'années; et il en pa-
rut ensuite sept autres. La dernière,
qui est de i75o, in-8". , contient
une Vie de l'auteur. La ressem-
blance de son nom avec celui du fa-
WOL
meux Wolston , quelques endroits du
livre mal compris à la première lec-
ture, son silence sur la révélation
et l'honneur qu'il fait à la raison
d'un beau système religieux , mirent
d'abord la joie dans le camp ennemi ,
et provoquèrent les attaques des apo-
logistes de la religion, entre autres
de Glarke. iMais une étude plus réflé-
chie des principes de l'auteur et les^
hommages qu'il rend à la révélation'
firent bientôt changer les idées des^
uns et des autres. L'ouvrage fut gé-
néralement estimé, quoiqu'on n'en
admît })as tous les principes. On ch
a donné un abrégé à Londres, en
1788, auquel on a joint une courte
Ebauche sur la religion révélée, en
suivc'int toujours la méthode de l'au-
teur. La traduction française de l'ou-
vrage entier, qui a été publiée à la:
Haye^ i 726, in-4°. , a essuyé bien des
critiques , parce qu'elle s'écarte sou-
vent de la pensée de l'original , qui'
est fort obscur en bien des endroits^!
mais on convient que le traducteur]
n'a pas mal réussi à débrouiller le
chaos des notes. Il y a ajouté d'ail-
leurs des pièces intéressantes. Il com-
bat son auteur sur certaines idées
particulières, et en soutient d'autres
qui avaient élé critiquées. Cette tra-
duction a été réim|irïmée en 1756,
3 vol. in- 12. Wollaston ayant
eu le malheur de se casser un
bras , la douleur qu'il en ressentit ,
jointe aux infirmités auxquelles il
était sujet, hâta sa mort ,qui arriva
le 29 octobre 1724. Quelque temps
auparavant, il avait livré aux flam-
mes plusieurs ouvrages commencés
sur divers points intéressants de lit-
térature ancienne , paice que l'affai-
blissement de sa santé ne lui laissait
point l'espoir d'y mettre la dernière
main. llavaitpublié,en 1690, in-8*^.,
un poème sur les Mouvements dérai-
WOL
sonnahles des hommes pour se pro-
curer les agréments de la vie pré-
sente, ou le But d'une partie de
VEcclésiaste, dont il chercha depuis
à supprimer tous les exemplaires.
Dans la préface l'auteur témoigne le
regret de ne s'être pas affranchi du
pénible et moderne esclavage de la
rime, persuade que son ouvrage au-
rait mieux valu s'il n'avait eu à
s'occuper que du fond des pensées.
Celte préface oil're d'ailleurs des ré-
llexioijs judicieuses sur la poésie et ses
dillérents genres. Wollaston publia
en i-yoS uue Grammaire latine ^ k
l'usage de ses enfants. Celait un
homme orné de toutes les vertus so-
ciales et religieuses , doux , aflable y
humain , vivement allécté des misè-
res d'autrui , toujours prêt à les sou-
lager de sa bourse et de ses bons of-
fices. L'amour de la solitude et le
goût de la méditation ne l'empê-
chaient pas d'être gai dans le com-
merce ordinaire de la vie. Vif, sen-
sible aux mauvais procédés, mais
sans fiel et sans ressentiment , il fut
bon mari, père tendre, aussi réglé
dans SCS éludes que dans sa conduite;
modeste , plein de déliance de lui-
même, mais libre dans sa manière de
penser et de parler , quoique plein de
respect pour la religion , dont il de'-
fendit les droits avec succès, et dont
il remplissait les devoirs avec édifi-
cation. 11 avait refusé luie des princi-
pales dignités de l'Église. La reine
fît placer son buste dans la belle grot-
te du château de Richemond , où il se
voit à côté de ceux de Newton, de
Locke, de Glarke , etc. On trou-
ve une notice sur Wollaston dans
le tome XLii des Mémoires àe JNi-
ceron. — Wollaston {François)
lit ses études à Cambridge, et par-
tagea sou temps entre la théolo-
gie et l'astronomie. Il montra du
WOL
169
zèle pour les progrès de la science,
fut élu membre de la société royale
de Londres, et mourut le 3i oct.
181 5, âgé de quatre-vingt-quatre
ans , dans sa cure de Chisslehurst, au
comté de Kent. Ce théologien ap-
puya fortement par ses écrits la ré-
clamation d'une réforme dans la li-
turgie. On a de lui : L Adresse au
clergé d'Angleterre et à tous les
chrétiens, J 77^^ , in-8*^. IL Des Ob-
servations astronomiques, insérées
dans les Trans. philos, de Londres,
ann. 1778 , 76, 84 ( F. la JBibliog.
astronom. de Lalande). 111 Fasci-
culus astronomicus , contenant des
observations sur la région septen-
trionale circumpolaire , 1 800^ in-4°.
IV. Tableau (portraiture) des deux y
en dix planches, 1811, in-fol. Ï-d.
WOLLE ( CuRiSTorHE ) , profes-
seur de théologie à Leipzig , où il
était né le 24 janvier 1700 , y mou-
rut en 1761 , après s'être distingue*
par les connaissances les plus etcn-
duesdans lcslanguesorienlales.il en
étudia d'abord l'espjit, appliqua à
chacuned'elies k^s règles de ia gram-
maire latine , et d'après cette métho-
de toute particulière se fit une giam-
mairc pour le grec, une pour l'hébreu^
et ainsi pour les autres langues sa-
vantes. Ses principauxouvragessont:
I. De facultatibus intelle ctualibus
in bojios habilus mutandis , Leij)zig,
1721 , m-^^. II. Regulœ Bermeneu-
ticœ y ad circumspectam Scripturce
sacras illustratiojuim,ex auctoribus
projanis , utilibus , perspicuis ratio-
num momentis illustratis , ibid. ,
1722, in-4". \\\. Judicium emen'
datœ rationis de interilu mundi ac
œternitate pœnarum infernalium ,
à prœcipuis cùm veterwn , tùm re-
centiorum quorwndam philosopho-
rum dubiisvindicatum y'ûÀà. , 1 724,
in-4". IV. De commendatione ani-
170 WOL
inœ in manum Domiîii perpétua y
ad illustranda loca Ps. xxxi , 6;
Luc. , XXII, 4^; /. Pet., IV, 19 , ib.
17*26 , m-4". ; traduit en allemand,
Leipzig, i728,in-8o. N.Deignoto
Juclœorum et Âtheniensium Deo _,
ad illustranda loca Exad., m , \^',
Jet. , XFii , 23 , ibid. , 1727 ? in-
4*^. VI. De singulari facto etfato
uxoris Lothiy ad Gen., xxri , 26^
ibid. , 1730 ; 2^. édition , 1749-
VII. De usu et abusa Euphemisnii
sacri , ibid., 1732, in^*^. VIII.
De ahusu Platonico triuni hominis
partium in explicatione novi Fœ-
deris TVhistono aliisque opposita _,
ibid. , 1732 , in-4°. IX. Dehonori-
bus medicorum apud veteres , ibid. ,
1732 , in-4*^. X. De eo ,quod subli-
me est in his Moseis verbis : y svs^jÔco
fùÇjCtc.j ad Longin, tzsoÏ u-^oyç,
ibid., 1735^ in-4«. Wolle, donnant
les paroles de Longin en grec , la-
tin , français et italien , prétend que
ce rhéteur avait lu Moïse, et qu'il
penchait pour le christianisme. Il
considère les paroles du législateur
des Hébreux d'après les principes
de la rhétorique et de la philoso-
phie. XI. Apologia pro verd di-
vinitate Jesu Christi , ex loca
maxime contrôler so Jo. xvn ,
'6, ducta , ibid., 1741 5 in-4°. XII.
Commentatio theologica de Eccle-
sid virgine, ad 2 Corinth. ,xi, i, 1,
Leipzig, 1748, in-4°. W^ollea très-
bien présenté dans ce petit ouvrage
l'état de la ville et de l'église de Co-
rinlhe au milieu du premier siècle.
XIII. Commentatio philologica de
Parenthesi sacrd. Accedunt duœ
dissertationes : de usu et abusu
aù^Yiasoiç nominumdiwinorum sacrce;
de loco Dan, Gsn. \l\, contra Spi-
nosam; cumprœj'at. C.-F. Bœrne-
ri , Leipzig, ^T^^ ■> iïi-4°- XIV.
Schediasma historico'theologicum
WOL
de Jesu spirituali , in Anglid re-
divivo y ubi de historid , usu et
abusu allegoriarum patristicaruni
in exegesi sacrd contra Thomam
^Foolstonum ex instituto disseritur^
ibid., 1730, in-4". L'auteur, qui
avait déjà écrit contre Woolston,
réfute les objections que l'écrivain
anglais avait faites contre la vérité
des miracles de Jésus - Christ ; il
montre combien est ridicule le sys-
tème de Woolston , qui prétendait
avoir démontré, d'après les anciens
pères de l'Église, qu'on devait recon-
naître deux Jésus-Christ : l'un spiri-
tuel , l'autre allégorique. XV. Exa-
men regularum hermeneuticarum
ab Aug. Calmeto commendata-
rum , cum appendice de genuind
loculionum sacrarum comparati-
i^arum ac superlativarum expla-
natione y Leipzig, 1733, in-4''.
L'auteur y examine les règles que
D. Calmet a exposées dans son
Dictionnaire critique de la Bi-
ble ; il développe et confirme par de
nouveaux motifs celles qu'il admet j
et il discute avec modération celles
qu'il rejette. XVI. Animadversio-
nés in conditorum Bibliothecœ
Belgicœ liberius Judicium de eo ,
an novi fœderis sit auctor clas-
sicus ? Leipzig, 1783, in -4".
Les Rédacteurs de la bibliothè-
que hollandaise ayant critiqué le
texte grec du Nouveau-Testament,
sous prétexte qu'il est rempli d'hé-
braïsmcs , et d'après ce motif ayant
conseillé à ceux qui veulent se bien
instruire dans le grec , de ne point lire
le Nouveau-Testament en cette lan-
gue; ayant même étendu cet avis jus-
qu'aux élèves en théologie , Wolle
prend la défense du Nouveau-Testa-
ment grec ; et il soutient que les lié-
braïsmes sont beaucoup moins nom-
breux 'y qu'en cela le texte grec des
WOL
évangélistes et des apôtres peut être
mis en parallèle avec celui des auteurs
classiques grecs. On trouvedans cet ou-
vragedes détails philologiques intéres-
sants. XVII. Bibliaexversione Seh.
CastdUoiiis , cinn dis sert atione cri-
ticd de eo quod pulchrum est m hdc
versiojie , Leipzig, i'jliS et i735 ,
in -80. XVIII. M, Jiitonini , impe-
ratoris ac philosophi , Lihri xii eo-
rum quœ de se ipso ad se ipsum
scripsit , ad exeniplar Oxoniense
reçus i. Introdiictionem ad philoso-
phiam stoicam ex mente Antorùni
prœmisit Buddœus , ejusque vitam
recensait , et criticis ohservationi-
hus illustravit C. TVolle , ibid. ,•
1729. XIX. Propriétés véritables
de la langue hébraïque {slW. ), Leip-
zig , 1748, in-8«. Wolle fait voir,
par des exemples pris dans le grec
et l'hébreu , que ceux qui ne con-
naissent point la grammaire tombent
dans des fautes grossières quand
ils veulent expliquer l'Ecriture-
Sainte. Comme aux autres interprè-
tes , il donne à D. Calmet une le-
çon sur la manière dont ce savant a
traduit le titre des psaumes. XX.
Epistola critica de Hehraismis Ul-
pianiy jurisconsulti , ib. , 1 789 , in-
4°. On a encore de WoUedes sermons
et des discours publiés à Leipzig en
allemand. Il avait fait sur l'AIcoran
un Dictionnaire arabe qui est resté
manuscrit, en 4 vol. in-4^. G — y.
WOLLEB (Jean), en latin
WoLLEBWs , né à Baie , en 1 536 ,
d'une famille obscure, fit ses étu-
des à l'académie de sa ville natale ,
et s'appliqua de bonne heure aux
sciences théologiques avec tant de
succès, qu'à l'âge de vingt-deux ans
il fut admis au doctorat en théolo-
gie. On lui confia aussitôt les fonc-
tions de coadjuteur général , que
bientôt il quitta pour le pastoral de
WOL 171
IVglise de Sainte - Elisabeth , puis
pour le premier pastorat de la ville.
Le sénat académique l'appela ensuite
à la chaire du Nouveau-Testament ,
une des plus honorables de l'acadé-
mie ; il la remplit avec beaucoup
d'éclat. On lui offrit plusieurs fois
le décanat de la faculté théologique ,
ainsi que le rectorat de l'université.
Il s'était déjà dérobé à ces témoi-
gnages flatteurs de l'estime publique,
lorsque enfin il fut forcé d'accepter
au moins la dernière de ces deux
places. Les soins de l'administra-
tion ne l'empêchèrent pas d'apporter
toujours un soin extrême dans la
préparation des cours publics et l'in-
terprétation de l'Écritnre. Jamais
peut-être l'université n'avait eu à se
féliciter d'un gouvernement à-la-fois
aussi éclairé et aussi sage. WoUeb
mourut dans de grands sentiments
de piété le il\ décembre i6'2(3, et
fut universellement regretté. Outre
des Dissertations intéressantes, ou
doit à Wolleb un Abrégé de théo-
logie ( Compendium theolo^iœ ) ,
chef-d'œuvre parmi les ouvrages de
ce genre. Rien n'égale la netteté, la
précision, l'excellente méthode avec
laquelle l'auteur dispose et expose
les détails de la science. Ce Manuel
a été long-temps classique dans les
écoles de théologie, et les ministres
actuels ne dédaignent point de le con-
sulter encore aujourd'hui. Alexandre
Ross en a donné une traduction anglai-
se avec des notes, intitulée: JVollebms
Christian dii'initf translated , clea-
red and enlarged; et Barthélerai de
Hartwyss dans son grand Theatrum
Concionum , 9 vol. in-4'^. , a suivi
l'ordre adopté par Wolleb , et a
donné un commentaire sur son ou-
vrage. P—OT.
WOLLSTONECRAFT. Foyez
GoDwiN , XVII , 576.
WOLMAR ou VOLKIVIAR(Mel-
CHioR ) , jurisconsulte célèbre, sur-
tout par ses connaissances dans la
langue grecque , naquit à Rotliweil ,
dans les terres des ducs de Longue-
ville en Suisse, et e'tudia successive-
ment à Paris, sous Jacques Lefevre
d'Etaples^à Bourges, sous Alciat,
et en Allemagne à l'université de Tu-
bingue. Le duc Christophe de Wur-
temberg, qui l'avait attire dans cette
ville , lui fit , presque immédiatement
après sa promotion au doctorat ,
donner une chaire de jurisprudence
que Wolmar remplit avec éclat.
Mais l'élude du droit n'empêchait
point qu'il ne se livrât aux travaux
les plus profonds de la philologie.
Passionné pour la langue et la litté-
rature grecques, dont on recommen-
çait à lire les chefs-d'œuvre en Oc-
cident , il se voua à l'enseignement
des principes, et compta parmi ses
auditeurs plusieurs hommes renom-
més dans la suite. Calvin et Théodo-
re de Bèze étaient du nombre. Le
premier, pour lui témoigner sa vé-
nération et sa reconnaissance, lui dé-
dia son Commentaire sur la seconde
Épître aux Corinthiens. Le second
se plut toujours à lui marquer une
extrême déférence , et disait que c'é-
tait en partie à la conversation et
aux avis de Wolmar , qu'on devait
attribuer sa conversion au protestan-
tisme. Comme helléniste, il était si
familiarisé avec les beautés, et pos-
sédait si bien toutes les ressources de
la langue de Démosthène , qu'il di-
sait un jour au duc, son protecteur
et son ami , qu'il lui aurait été plus
facile de plaider une cause en grec
qu'en allemand. Sa lettre à Ambroi-
se Blaurer {Epislola nuncupatoria)
sur les grammaires grecques alors en
usage dans les écoles , et spéciale-
ment sur les Questions de Démétrius
Chalcondylas , contient des vues
excellentes , et fait entrevoir des
méthodes infiniment supérieures aux
errements que l'on suivait de son
temps. Wolmar s'y plaint de la
multiplicité des règles qui se heur-
tent et se contredisent, du peu de
soin que l'on met à isoler la partie
invariable des mots à flexions, enfin
du manque de distinction entre le
langage poétique et celui des ora-
teurs. En effet, il y a loin d'Homère
à Lucien ou à Démosthène ; et la
diflfc'rence ne repose point seulement,
comme dans les liitcratures ordinai-
res, sur la richesse et l'abondance
des mots composés , sur l'audace des
figures , sur la multiplicité des tours
insolites ou des inversions : le secret
est qu'il y a deux langues , l'une sim-
ple dans sa construction , harmonieu-
se et presque molle dans sa lexicolo-
gie, mais éminemment pittoresque
et immensément riche, c'estîa langue
ionienne , c'est l'idiome des Horaéri-
des , d'Hésiode , d'Onomacrite ou
d'Orphée; l'autre hardie , mais seule-
ment jusqu'à certains points, ellipti-
que, mais selon certaines formes, nette
et claire comme le français, mais com-
me lui visant à la fixité académique ,
c'est la langue athénienne. Wolmar
recommande de commencer par les
écrivains qui ont employé celle-ci.
En effet, c'est elle qui est la base
véritable du grec , et c'est d'elle qu'il
faut partir pour comprendre les dia-
lectes. Vers la fin de sa vie , Wol-
mar se retira à Eisenach , ou, com-
me il l'appelle dans ses OEuvres la-
tines, à Isna; et c'est là qu'il mou-
rut d'apoplexie, en i56i, à l'âge
de soixante-quatre ans. Sa femme
étant morte le même jour, ils furent
ensevelis dans le même tombeau , et
Théod. de Bèze lit pour tous deux
une épitaphe latine qu'on peut voir
WOL
dans ses OEuvres. Wolmar était
d'une probité' , d'une douceur et
d'une pieté exemplaires : ces vertus
firent que ses amis ne le nommaient
que Melior au lieu de Melchior.
Malgré sa profonde connaissance de
ja littérature grecque, ce savant avait
trcs-peu écrit j et, outre VEpistola
nuncupatoria , dont il a été parlé
plus haut, et qui se trouve à la tête
de l'édition de Déniétrius Clialcon-
dylaSjBâle, 1 546, petit in-S». , il
ne nous reste de lui qu'un commen-
taire sur les deux premiers livres de
l'Iliade, Paris, i5'i3, in-40. Il pa-
raît qu'à cette époque il était correc-
teur d'épreuves chez l'imprimeur
Gourmont, mais que cette occupa-
tion ne rcm})êchait point de pour-
suivre SCS travaux de philologie et de
jurisprudence. P — ot.
WOLSEY ( Thomas ) , cardinal ,
archevêque d'York, naquit en 147 i
à ïpswich , dans le comté de Suf-
folk. L'opinion vulgaire en fait le
lils d'un Loucher • mais c'est une fa-
ble qui a pris sa source dans les li-
belles de ses ennemis. Le testament
de son père , que Fiddes nous a con-
servé, prouve, par les legs considé-
rables qui y sont indiqués, que c'était
un riche bourgeois. Thomas VVolsey
fit ses études au collège de la Ma-
deleine d'Oxford , avec tant de suc-
cès , que, par une distinction extra-
ordinaire , il obtint, à l'âge de quin-
ze ans, les grades de bachelier et de
raaître-ès-arts, et fut mis à la tête
d'une école qui acquit une grande
célébrité sous sa direction. Érasme
étant venu dans cette ville, ils se liè-
rent d'une étroite amitié , et travail-
lèrent de concert à mettre la langue
grecque en vogue dans l'université.
Après la mort du marquis de Dor-
pet , dont il avait élevé les enfants ,
et qui l'avait nommé curé de Ly-
WOL 173
mington en Somersetshire , Wol-
sey s'attacha au chevalier Nanphan,
receveur des deniers royaux à Calais,
qui , étant hors d'état à cause de
son grand âge de remplir ses fonc-
tions , s'en déchargea sur lui. Cette
commission mit Wolsey en relation
avec la cour , et particulièrement
avec Richard Fox , secrétaire-d'é-
tal , qui le recommanda au roi Hen-
ri VII , comme un homme capible
de rendre de grands services. 11 avait
dit souvent à ses amis , que, s'il pou-
vait une fois mettre le pied à la cour ,
il n'y avait pas de degré d'élévation
auquel il ne se sentît en état de par-
venir ; et il ne tarda pas à justifier ce
pressentiment. Henri, qui l'avait fixé
auprès de sa personne par une place
de chapelain, le chargea d'aller trai-
ter , à Bruxelles , avec l'empereur
Maximilien , d'une affaire très-déli-
cate, et qui exigeait beaucoup de cé-
lérité. Étonné de le voir reparaître
à la cour au bout de peu de jours,
le roi crut qu'il n'était pas encore
parti , et lui en lit des reproches ;
mais il fut bien surpris lorsque le
négociateur lui présenta le traité con-
clu. « J'avais, lui dit-d , envoyé un
» courrier après vous avec de plus
» amples instructions. — Sire,repaf~
» tit Wolsey, je l'ai rencontré à
» mon retour; mais j'avais pris sur
» moi de remplir ce que je prévoyais
» être vos intentions. » Ce succès
lui valut la j)lace d'aumonier du roi
et le riche doyenné de Lincoln. Sa
faveur s'accrut encore à l'avènement
de Henri VIII. L'élégance de ses
manières , la gaîlé de son esprit , sa
souplesse et sa complaisance peu
scrupuleuse ne tardèrent pas à lui
mériter la confiance presque exclusi-
ve du nouveau roi. On l'a accusé
d'en avoir abusé pour supplanter le
comte de Surrey et Fox lui - mémo ,
1^4
WOL
qui l'avait introduit à la cour. Ce
reproche paraît deiuië de fondement.
Si l'on pouvait s'en rapporter à Po-
lydore Virgile , il faudrait croire
qu'il était de toutes les parties de
plaisir du jeune monarque , flattant
ses goûts et ses passions; qu'il s'ap-
pliqua à lui rendre suspects les an-
ciens ministres ; qu'il lui insinua ,
qu'en attendant que l'âge des plai-
sirs fût passe, il serait à propos de
conlicr les rênes du gouvernement "à
un ministre qui pût le mettre au fait
des alfaires , et le former insensible-
ment à la science du gouvernement,
sans trop le distraire d'ailleurs ;
que ces insinuations présente'es avec
art eurent tout l'effet qu'il en at-
tendait. On a cependant des preu-
ves authentiques que Henri , à cette
époque même , s'occupait sérieuse-
ment des affaires de l'état. Ce qu'il
y a de plus vrai dans tout cela , c'est
que l'adroit ministre avait l'art de
diriger son maître , en le laissant dans
la pejsuasion qu'il se conduisait par
lui-même; que, s'il insistait sur quel-
ques mesures contraires à celles de
Henri , il. savait céder à propos ,
et travaillait à faire réussir ce que
voulait le roi avec autant de
zèle et d'activité que s'il les eût
lui-même suggérées. Entré en i5io
dans le conseil - d'état , il y prit
le plus grand ascendant, et par-
vint avec une rapidité étonnante
au plus haut degré d'autorité que
puisse ambitionner un homme né
dans une condition obscure. Devenu
l'arbitre de l'Europe par le rôle qu'il
eut l'habileté de faire jouer à l'An-
gleterre, dans les querelles des puis-
sances continentales , il fut recherché
par l'empereur et par le roi de Fran-
ce; et ces princes le prirent souvent
pour médiateur dins leurs différends.
Regardé comme le pontife de la
WOL
Grande-Bretagne, par l'extension
qu'il donna à ses fonctions de légat ,
dignité qu'il rendit permanente dans
sa personne , il aspira à l'être de
toute l'Église. A la mort de Léon X ,
il envoya ledocteur Peace,son secré-
taire confidentiel , à Rome, pour lui
gagner les suffrages des cardinaux;
mais cet agent n'arriva qu'après l'é-
lection d'Adrien VI. Ce pontificat
n'ayant duré qu'un an, Wolsey reprit
son projet; mais les cardinaux fran-
çais, qui le regardaient comme le plus
dangereux ennemi de leur roi ^ le
firent échouer. On lui allégua que ,
n'ayant jamais été à Rome, il man-
quait de l'expérience qu'exigeait
cette haute dignité, et que d'ailleurs
il fallait un pape résidant en Italie.
Persuadé cependant que c'était la
faction impériale qui lui avait été le
plus nuisible, il en conçut un vif res-
sentiment contre l'empereur , qui
l'avait flatté de faire réussir ses pré-
tentions; et il chercha à s'en venger
en ménageant une alliance entre son
maître et François I^r. , contre Char-
les-Quint. Wolsey, maître de dispo-
ser de tous les bénéfices du royau-
me , ne s'oublia pas dans celte dis-
tribution. En passant sur le siège
d'York , il conserva l'administration
temporelle de celui de Lincoln. 11
posséda en commande l'évêché de
Bath, qu'il échangea pour celui de
Durham , beaucoup plus riche , et
celui-ci pour l'évêché de Winchester,
qui l'était encore davantage, et au-
quel il joignit l'abbaye de Saint-Âl-
ban. Il donna les évêchés de Wor-
cester et d'Heieford à des Italiens
qui , résidant à Rome , se conten-
taient d'une pension assez modique ,
et en laissaient le revenu à celui qui
les leur avait procurés. En aban-
donnant l'administration temporelle
de l'évêché de Tournai , lorsque
WOL
cette ville retourna aux Français , il
se réserva une pension de douze
mille francs. Le pape LeonX , pour
s'attacher un personnage si puissant ,
lui accorda une pension de sept mille
cinq cents ducats sur les ëvêches de
Tolède et de Placentia. En le créant
légat àlatcre y dignité très-lucrative
par elle-même, il lui laissa la facul-
té d'en étendre les prérogatives au-
delà de toute mesure; et Wolsey en
abusa pour restreindre la juridiction
priraaiiale de l'aichevêque de Can-
torbéry. Le même pape lui donna le
droit de créer cinquante chevaliers,
cinquante comtes palatins , quaran-
te notaires apostoliques , avec les
mêmes attributions que les siens pro-
pres, de légitimer les bâtards, de
conférer des degrés dans toutes les
facultés , d'accorder toutes sortes de
dispenses, de visiter, de réformer,
de supprimer les monastères. Le roi
y joignit le pouvoir d'expédier des
lettres de naturalisation, de délivrer
des congés et d'élire pour les grands
bénéfices, de recevoir les serments
de fidélité, etc. Comme grand chan-
celier et légat, il tirait des émolu-
ments considérables des cours qu'il
présidait. Enfin , l'empereur lui fai-
sait une pension de dix mille du-
cats sur le duché de Milan, à la-
quelje il en joignit une autre de neuf
mille couronnes d'or. Par l'accumu-
lation de tant de bénéfices, de pen-
sions et de prérogatives , les reve-
nus de Wolsey égalèrent presque
ceux de la couronne. Son train ré-
pondait h ses immenses ricliesses et
à l'étendue de son ambition. Sa mai-
son surpassait en faste celle des sou-
verains eux-mêmes. Les principaux
emplois en étaient remplis par des
comtes, des barons, des chevaliers,
des lils des familles les plus distin-
guées du royaume qui voulaient s'a-
WOL
,75
vancer par la faveur dont il jouis-
sait. Le duc de Northumberland
ne dédaigna pas d'y faire entrer son
fils , lord Percy. On y comptait jus-
qu'à huit cents personnes. Lorsque
Wolsey alla en ambassade auprès de
François I*^^'. , il avait une escorte de
mille chevaux. La magnificence de
ses habits , de ses équipages , le luxe
de ses livrées , l'éclat de tout ce qui
l'entouraitéblouissaient tous les yeux.
C'est le premier prélat anglais qui
ait porté de l'or et de la soie dans
ses habits , sur les selles et les hous-
ses de ses chevaux. On comptait
jusqu'à deux cent quatre-vingts lits
de soie dans son magnifique château
de Hamptoncourt. Dans les grandes
cérémonies , on portait devant lui
les insignes de ses dicnités. Un hom-
me de qualité marchait en avant, te-
nant élevé son chapeau de cardinal ,
et il avait ordre de ne le déposer
dans la chapelle du roi, que sur l'au-
tel. Sa croix de cardinal était de
même placée sur une colonne d'ar-
gent et portée par un ecclésiastique 1
d'une taille et d'une beauté remar-
quables , tandis qu'un autre ecclésias-
tique , distingué par les mêmes for-
mes, l'accompagnait avec sa croix
d'archevêque. Il célébrait la messe
avec la même pompe que le pape,
assisté par des évêques , des abbés ,
et servi par des gentilshommes
en sa qualité de légat à latere.
Mais Wolsey , parvenu au faîte des
grandeurs , touchait au moment de
sa chute; et ce fut la fameuse ad'aire
du divorce qui l'amena. Quelques
historiens l'accusent d'en avoir fait
naître la première idée à Henri VIII ,
soit dans la vue de procurer à l'An-
gleterre un héritier de la couronne,
soit pour satisfaire son ressentiment
contre Charles-Quint , neveu de Ca-
therine d'Aragon. Ce dernier pro-
176
WOL
i'et se liant avec l'inlërêt de son am-
)ition, il voulait faire épouser à son
maître , ou la duchesse d'Alençon ,
sœur de François 1^^. , ou la prin-
cesse Renée, fille de Louis Xll , afin
de resserrer l'alliance des deux rois
contre Terapereur, de se menapjcr
la protection de la nouvelle reine
pour se maintenir en faveur. Lors-
que Henri lui eut fait confidence de
sa passion pour Anne de Boleyn , il
craignit d'être supplante par une pa-
reille rivale, et le supplia à genoux
de renoncer à un projet qui le désho-
norerait à cause de la disparité de
naissance. Mais quand il vit qu'il n'y
avait pas moyen de l'en détacher,
il s'occupa sérieusement de faire
réussir le divorce : il en ménagea
toute l'intrigue à Rome, par ses
agents , en dressa tous les actes , et se
iit nommer commissaire avec le car-
dinal Campege , pour faire juger
l'affaire en Angleterre, ou il pré-
voyait qu'elle devait souffrir moins
de dilficultés qu'en Italie. S'étant
ensuite aperçu , par 'es liaisons qui
se renouaient entre le pape et l'em-
pereur, et par les lenteurs que Cam-
pege , suivant ses instructions secrè-
tes, mettait dans l'instruction du
procès , que le divorce ne réussirait
pas , il se désista de sa commission,
en alléguant que sa qualité d'Anglais ,
de favori et de ministre du roi , four-
nirait des moyens d'appel contre
le jugement qui interviendrait. Ces
raisons ne purent le préserver de la
colère de l'amant et des fureurs de
l'amante , lorsque l'affaire fut subite-
ment évoquée à Rome contre l'atten-
te de tout le monde. Henri, qui jus-
que-là avait réussi dans ses projets
les plus difficiles par l'habileté de
son ministre , le rendit responsable
de ce contre-temps. Anne de Boleyn ,
qui n'ignorait pas que Wulsey avait
WOL
pensé à lui substituer une princesse
étrangère dans le cœur de son amant,
n'eut pas de peine à communiquer
son animosite au monarque. Enfin
la reine et ses partisans, irrités de
l'activité avec laquelle il avait d'a-
bord poursuivi l'affaire du divorce,
ne lui tinrent aucun compte de son
désistement , de sorte que toutes les
passions , toutes les cabales se réu-
nirent pour conspirer sa perte. Ce-
pendant, comme le roi n'avait au-
cun motif ostensible pour justifier
la disgrâce d'un ministre dont il ne
pouvait se dissimuler les talents et
les services , il suspendit son ressen-
timent. Mais enfin le moment était
arrivé où Wolsey devait être préci-
pité du faîte des grandeurs avec la
même rapidité qu'il y était monté :
l'avocat-général l'accusa devant la
cour du banc du roi, d'avoir, comme
légat, transgressé ses statuts, quoi-
qu'il eût reçu à cet égard la licence
royale, et qu'il y fût autorisé par
l'usage immémorial et par la sanc-
tion du parlement. Toute défense
eût été inutile. Le grand sceau lui
fut repris. Le roi s'empara du palais
de l'archevêque d'York, lui ordon-
nant de se retirer à Asher, maison
dépendante de son évêché de Win-
chester • et tous ces ordres lui furent
signifiés par les ducs de Suifolk et
de Norfolk , ses deux plus grands
ennemis. La nouvelle s'étant répan-
due qu'il allait être conduit à la Tour,
la Tamise se trouva aussitôt cou-
verte de bateaux, et bordée de spec
tateurs, qui témoignaient leur joie
de la disgrâce d'un homme dont
on n'avait souffert l'administration
qu'avec une extrême impatience.
Mais la nouvelle se trouva fausse.
Wolsey ne supporta pas son sort
avec la dignité d'un grand cœur. La
plus petite apparence de retour de la '
:î
WOL
part du capricieux monarque le
transportait d'une joie puérile. Hen-
ri lui ayant envoyé Norris, son va-
let de chambre , qui l'atteignit à
Pulney , et lui remit un message se-
cret, mais gracieux , pour l'engager
à ne pas se livrer au desespoir, le
cardinal , qui était à cheval , descen-
dit aussitôt, se prosterna dans la
Loue, la tête découverte, et exprima
sa reconnaissance dans les termes
du plus humble courtisan. Quand la
chambre haute du parlement eut
porte contre lui un bill d'accusation
sur quarante chefs , dont les plus
importants ne prouvaient que la hai-
ne de ses ennemis (i) , le roi le fit
rejeter à la chambre des communes,
sur la motion de Gromwell , qui , du
service du cardinal, était passe a
celui de Henri. Instruit que son an-
cien favori était tombé, à Asher,
dans une dangereuse maladie, il lui
envoya son propre médecin. 11 n'y
eut pas jusqu'à Anne de Boleyn, qui_,
pour complaire à son royal amant,
ne lui fît porter des tablettes d'or,
comme un gage de réconciliation.
1 Enfin, les revenus de l'archevêché
il d'York lui furent rendus, avec une
artie de sa vaisselle et de ses meu-
les. Cependant ses ennemis ne ces-
saient de représenter au roi son op-
position au divorce , et le refus qu'il
avait fait de prononcer la rupture
du premier mariage. Leur animosilé
redoubla lorsque Henri lui permit de
se retirer dans la chartreuse de Ri-
:hemond, ce qui le rapprochait de
a cour 'y et ils finirent par obtenir
(i) Cet Bcte d'accusation était composé de qua-
ante-cinq articles, tous fondés sur des choses va-
;ues. Entre autres on l'accusa de parler du roi
•omme de s<ju égal , et d'avoir mis sou uoni avant
;elui du monarque, Eifo ei rex meus, manière de
'exprimer juslilîée par l'idiome latin. On lui lit
ncore un crime capital de ce qu'étant attaqué
l'une maladie honteuse , il parlait souveut à l'o-
eiUe du roi.
LI.
WOL
177
Ei
un ordre qui le relégua dans son
diocèse. Ce fut pour lui un coup
de la Providence. W parut être
absolument ixvtnu de ses projets
d'ambition , et se montra vraiment
digne des marques de respect qu'on
lui donna sur toute sa route et dans
son diocèse. H y vécut, non plus en
ministre dont la politique avait di-
rigé les intérêts de l'Europe, mais
en pasteur tout occupé de ses de-
voirs, partageant sa modique for-
tune avec les pauvres , ayant une
table frugale , exerçant la plus géné-
reuse hospitalité, s'appliquant à con-
cilier amiablement les difïérends des
familles et de tous ses diocésains. H
faisait régulièrement des visites pas-
torales , prêchant comme le dernier
de &^s chapelains. H s'était concilie
l'estime et l'attachement de tous
ceux qui avaient recours à lui par sa
douceur, ses libéralités et l'esprit de
justice qui régnait dans ses conseils
et dans ses jugements. Les personnes
mêmes qui , au temps de sa prospé-
rité, ne l'avaient vu qu'avec aver-
sion, applaudirent à sa conduite dans
l'adversité. Le cardinal, se croyant
oublié de ses ennemis , jouissait en
paix des douceurs de «a retraite ,
lorsque le duc de Northumberland ,
son ancien courtisan , se présenta
inopinément à Cawood , et lui signi-
fia l'ordre qu'il avait de l'arrêter et
de le conduire à Londres , où l'on
devait lui faire son procès pour cri-
me de haute-trahison. Wolsey, sans
se troubler, se mit aussitôt en devoir
d'obéir , et témoigna le plus grand
empressement d'être confronté avec
ses accusateurs , très-assuré de les
confondre. H trouva la route cou-
verte de personnes de tout rang et de
tout état , accourues pour lui témoi-
gner l'intérêt qu'elles prenaient à ce
nouveau genre de persécution. Arrive
12
178 WOL
à Sheffield, il y fut attaqué d'une
dyssenterie qui le retint quinze jours
au lit. S'e'tant remis en route , il
sentit le mal augmenter , s'arrêta à
l'abbaye de Leicester, et dit à Tabbe'
en y entrant qu'il venait laisser ses
cendres dans son monastère. Kyngs-
ton, lieutenant de la Tour, qui était
chargé de sa garde, voulut adoucir
ses peines en lui faisant tout espérer
de la bonté du roi , qui n'avait cédé
qu'à regret à l'importunité de ses
ennemis. « Maître Kyngston , lui ré-
» pliqua-t-il , je supplie Sa Majesté
» de se rappeler tout ce qui s'est
^> passé entre nous • combien de fois
» je me suis jeté à ses genoux pour
» l'engager à contenir ses passions ,
» sans pouvoir y parvenir. Si j 'avais
» servi Dieu avec autant de zèle que
» j'ai servi le roi , il ne m'aurait pas
» ainsi abandonné dans mes derniers
» jours. Mais je reçois la juste ré-
» compense de tous mes soins pour
» ne m'être occupé que de ce qui
» pouvait être agréable à mon prin-
» ce , saus aucun égard pour ce que
» je devais à Dieu. » Tels furent les
sentim'^nts dans lesquels Wolsey ter-
mina sa carrière , le 29 novembre
i53o , dans la soixantième année de
son âge. Henri versa des pleurs en
apprenant sa mort , et il aimait à
parler honorablement de sa person-
ne ; ce qui prouve que l'humeur du
monarque avait plus influé sur la dis-
grâce du ministre , que l'accusation
de trahison. Il est difficile de donner^
d'îprès ses contemporains , une juste
idée du caractère de ce fameux minis-
tre; les catholiques lui reprochaient
d'avoir été le grand promoteur du
divorce ; les protestants de s'être
moutré leur implacable ennemi. Le
clergé ne pouvait lui pardonner l'a-
bus qu'il avait fait de sa diguité de
légat pour anéantir la juridiction
WOL
épiscopale ; et les moines , l'usurpa-
tion de leurs biens. La noblesse le
méprisait à cause de l'obscurité de
son extraction , et toute la nation le
détestait comme l'auteur des taxes
énormes sous lesquelles elle gémis-
sait. Il faut cependant convenir que
plusieurs des reproches que lui font
les historiens trouvent leur excuse
dans le caractère violent et capri-
cieux de son maître. S'il abusa de
sa faveur ; s'il révolta la nation par
l'insolence de son faste ; s'il irrita la
noblesse et les grands par ses hau-
teurs , il eut aussi des qualités émi-
nentes qui rachetèrent ses défauts. Ha-
bile et profond politique , il profita
de toutes les circonstances pour aug-
menter la puissance de son maître ,
et pour donner une grande influence
à l'Angleterre dans les afl'aires géné-
rales de l'Europe. Il tint la balance
entre François I''^". et Charles-QuiiiJ
Lorsqu'on réfléchit sur les événéB
mcnls malheureux de ce règne, après
que les rênes du gouvernement ne
furent plus dans ses mains , et que
Henri , oubliant ses conseils , eut
abandonné le vrai rôle de l'Angle-
terre, celui de ne prendre aucune
part active aux démêlés du continent,
de n'ambitionner que le titre d'ar-
bitre , de menacer tour-à-tour celui
des deux rivaux qui se disputaient
alors la prépondérance ; lorsqu'on
réfléchit , disons-nous, sur toutes c<
choses , on trouve que c'est av^
injustice qu'on a révoqué en doi
te ses talents pour le gouverne
ment. Son administration fut en g<
néral uniforme , soutenue , vigoi
reuse , tandis qu'après lui tout ft
capricieux , inconstant et diKlcil
On convient qu'il réforma plusieu;
abus dans l'Église et dans l'état, qu'
obligea le clergé à mettre plus
régularité dans sa conduite; quedai
J
WOL
Texercice de sa charge de chance-
lier , il s'entoura des connaissances
et de l'expérience des plus habiles
jurisconsultes ^ et que les sentences
qui émanèrenf de son tribunal fu-
rent généralement justes; qu'a(in que
les pauvres pussent défendre plus
facilement leurs droits , il établit des
cours de requêtes, et introduisit dans
l'administration delà justice des dis-
positions qui furent bien accueillies ,
et fit créer, pour une plus prompte
expédition des alfaires , quatre cours
' intérieures qui subsistent encore.
Comme tous les grands ministres ,
il protégea les sciences et les arts.
Les deux universités éprouvèrent sa
munilicence. Celle d'Oxford lui dut
la création de sept chaires , et la
fondation du collège du Christ. Il en
érigea un autre à Ipswich , lieu de
sa naissance , et il était sur le point
d'en établir un à Londres , pour le
droit civil et le droit canon, lorsqu'il
fut arrête dans ce projet par sa dis-
grâce. On voit par le plan d'étu-
des qu'il avait tracé pour le collège
d'Ipsvvich , et qui se trouve dans la
grammaire de Lilly , par sa corres-
pondance que Fox nous a conservée ,
enfin par ses lettres sur l'alFaire du
divorce, qui se lisent dans Burnet;
on voit , disons- nous , que si les
grandes alfaires qui l'absorbèrent
tout entier lui eussent laissé le
loisir de s'occuper de travaux lit-
téraires , il aurait obtenu des
succès brillants en ce genre. La
Vie du cardinal TVolsey a été
écrite en anglais par George Caven-
dish , qui fut attaché à sa maison
en qualité de gentilhomme introduc-
teur (g^e«Z/emrt« usher). Ce précieux
morceau de biographie vient d'être
imprimé pour la seconde fois avec
des notes et des éclaircissements par
S.-W. Singer, membre de la so-
WOL
79
ciété des antiquaires , 182-^, in-8^\ ,
orné de neuf portraits et d'autres gra-
vures. Le docteur Fiddes publia une
autre Vie de Wolsey très-étendue ,
en 1724, in-fol. Elle renferme des
pièces curieuses. L'auteur s'y mon-
tre constamment l'apologiste du car-
diual. M. Galt a donné aussi en an-
glais la Vie et V administration du
cardinal Wolsey, 1812, in-4". ;
1817, in-8". On a inséré un petit
recueil des lettres du cardinal Wol-
sey, daus le tome \n de la Col-
lectio amplissirna de Martenne et
Durand. L'abbé de Longuerue a ré-
futé quelques-unes des accusations
dirigées contre lui, dans de savantes
remarques , que l'on trouve au tome
VI II des Mémoires de littérature
du P. Desmolets. On lit , sur cette
époque , des détails tout-à-fait neufs
dans la nouvelle Histoire d'Angleter-
re , par M. Lingard. T — d.
WOLSTAN ou Vohtanus, auteur
ecclésiastique, était, dans le dixième
siècle, religieux au nouveau monastè-
re deSaint-Pierre à Winchester, avec
Landfiid. Ils travaillèrent ensemble
à l'Histoire de saint Swithune, qui
était mort évêque de Winchester, en
8G3. Les mémoires authentiques leur
ayant manqué , ils se contentèrent
de rapporter les miracles opérés par
le saint évêque , ainsi que les céré-
monies qui avaient eu lieu à la trans-
lation de ses reliques , faite en 97 i .
D. Mabillon parle de leur travail ,
dans ses Acta ord.S. Bened. , t. vi.
Wolstan composa seul , sur le même
sujet, deux livres en vers , qu'il dé-
dia à Elfégus, évêque de Winches-
ter. L'épître dédicatoire contient des
particularités intéressantes sur les
deux monastères de Winchester , et
a été de même insérée dans les Acta,
tome VII. Wolstan écrivit aussi, en
prose et en vers, la Vie de saint
12..
i8o WOL
F.lhclwold, cvcqiio de Winchester,
dont il avait e'ic disciple {Acta, îora.
VII ). Surius et les Boliandistes l'ont
publiée, en la plaçant au i^r. août.
JVIalmcsl)iiiy attribue à Wolstan un
ouvrage intitulé De l'harmonie des
tons j (pi'il assure être très -utile. On
y trouvait, selon lui, la science de
l'auteur j (fui était un homme d'une
vie sainte et d'une éloquence pure
et châtiée. Ses écrits font bien con-
naître toute la sévérité des mœurs et
de la discipline du dixième siècle.
Quant à son style , il se ressent du
temps où il vivait; et ses vers sonten-
core au-dessous de sa prose. G — y.
WOLSTEIN (Jean-Gottlieb) ,
vétérinaire, né le i4 niars i-^iSB à
Flinsberg, dans la Basse-Silésie , fut
depuis 17-^7 professeur-directeur de
l'hôpital vétérinaire qu'il fonda à
Vienne. Arrêté, en 1794? pour des
causes politicpies, il fut mis en liber-
té peu de temps après, mais destitué
de ses fonctions. 11 se rendit en
1795 à Altona, où il exerça jus-
qu'à sa mort la médecine vétérinaire.
On a de lui plusieurs ouvrages alle-
mands, dont le mérite est attesté par
le grand nombre d'éditions qu'ils
ont eues. L Instruction pour les ma-
réchaux ferrants sur les blessures
faites au cheval par l'arme blan-
che. Vienne , 1778, in-8*^. y et ibid.,
1796, 3'*. édition. II. Observations
sur Vépizootie en Autriche , avec
des remarques sur le danger qu'il
^ a de tuer et de vendre les hétes
à cornes dans les temps de morta-
lité, ibid., 1781 , in-8"., et 1796 ,
4*^. édition. III. Livres classiques
sur Vépizootie _, pour les habitants
de la campagne , ibid., 1788, in-
8»., et 1796, 5e. édition. IV. Cinq
Livres élémentaires sur la médeci-
ne vétérinaire j ibid., 1784, in-8*^.^
{ t 1796, 1^. édition. V. Sur lesher-
WOL
nies dans les hommes et dans cer-
taines espèces d'animaux , ibid.,
1 784 , in - 8". , et Marpourg , 1 799.
VI. De V homme , de ses différentes
espèces et de la manière de le soi-
gner, Leipzig, 1784 , in- iG. VTI.
De la manière de soigner les che-
vaux de cavalerie et ceux qui sont
employés aux travaux ordinaires ;,
Vienne, 1786, 1 vol. in-B^.; ibid.,
1788; et Brunswick, 1796. VIIÏ.
Sur les maladies intérieures des
poulains , des chevaux de cavalerie
et de ceux qui sont employés aux
travaux ordinaires , Vienne, 1787,
et Brunswick, 1796, in - 8». IX.
Instruction élémentaire pour les
médecins vétérinaires employés à
r armée y sur les blessures que les
chevaux reçoivent par Varme blan-
che, publiée par ordre de l'empe-
reur y V ienne , 1 7 88 , in - 8**. ', réim
primée avec une Instruction abrégéi
pour les maréchaux ferrants , Vien^
ne, 1791 , et avec d'autres addition
Brunswick, 1797, in -8". X. /?
flexions sur la saignée deshomm
et des animaux , Vienne , 1 791 , in
8». , et Brunswick, 1796. XI. Liv.
élémentaire sur V épizootie des bétes
à cornes, desbrebis et desporcs , pour
les habitants de la campagne , com
posé par ordre du gouvernement
Vienne ;, 1 791 , in-8"., et Brunswick
1796. XII. Sur les soins que l'o;
doit donner aux chevaux de l'a
niée pendant les quartiers d'hiver^
après une campagne dure et péni-
ble, Vienne, 1793, in- 4". XIII.
Préface pour la Méthode de Vart
vétérinaire , par Lafosse , tr
duite par Knobloch, Prague, 1787
in-80. XIV. Préface pour les Prin-
cipes de l'anatomie des chevaux
par Tœgel, Vienne, 179T , in - 8^*,
XV. Instruction pour les habitant
de la campagne sur les marques et
es
"il
I
I
WOL
causes de LCf)\zoolic parmi les bétcs
à cornes, Hambourg, 1799, iii-8».
G— Y.
WOLTAER ( Jean-Chrétien ) ,
professeur de jurisprudence à l'uni-
versité de Halle, naquit le 27 juin
1744 à Werder, dans la Moyenne-
Marche de Brandebourg , et mourut
dans les premières années de notre
siècle. Il a publié sur les dilïérenles
branches du droit public et parti-
culier un grand nombre d'ouvrages
€n allemand ou en latin : I. De siicces-
sione agnatvrum infeudo pcUerno ,
Halle, 1772, in-4". II. Défendis
Marchicis allodificatis censuali qua-
litati haiid uhnoxiis , ibid. , in-4^.
III. Defeudo alienabili , ibid. , in-
4°. IV. Primœ lineœ usûs practici
distinctioTUim feudalium , ciim ani-
madifersiouibus y Rostoch , 1775,
in- 8'*. V. De vid petendœ restitu-
tionis in integrum prœloriœ sccun-
diun doctrinam Ronianoruni,prœci-
puè quadriennali , hodiè verb per-
pétua , lialle, 1776, in-4''. VI. Oh-
servationes y quœ ad jus civile et
Brandenhurgicum pertinent _, ibid. ,
1777 à 1779 , in-8<^. VII. De con-
ditionum indole atque naturd, ibid. ,
,1777, in-4^^ VIII. Flores ad jus
ijfuerelœ de inqfficioso testanunto
sparsi , ibid., 1788, in-4*^. IX.
Principes de jurisprudence pour
ceux qui ne sont point initiés à la
science ( ail. ), ibid. , 1785 , in-8^.
X. /. Gott. Heineccii Elementa
juris civilis secundàm ordinem ins-
titutionumJustiniani commodd au-
ditorihus methodo adornata , ite-
rùm relegit , polivit et prœlectioni-
hus academicis magis adaptavit ,
ibid. , 1785, in-8^ XI. Preuves
que Von ne peut imputer aux pro-
fesseurs en droit dans les académies
la chute de la véritable science du
droit {diW.), ibid., 1789, in-8<^.
WOL
181
XIL Schmidii Principia jurispru-
dentiœ ecclesiaslicœ, pontificiurum ,
methodo sfstematica adornata et
passim suppleta , in auditorii sui
usum recensuit , ibid. , 1 789 , iu-8".
Xlll. Bibliothèque de jurisprudence
de Malle ( ail. ) , Thorn,, 1 798 à
1794 , in-80. XIV. Commentarii
juris Juslinianei novissimi ex ipsis
J'ontibus deducti y Halle, 1796, in-
8». XV. Introduction au droit pu-
blic pour les états prussiens (ail. ),
ibid., 1796, in-8«. X^l. De/uri-
bus armatis , ibid., 1782, in-8*'.
XVII. De fidejussore fidcjussoris
nec non di/ferentiis inter fidejusso-
rem succidaneum ac indemnitatis _,
ibid., 1800, iu-8*'. Le même auteur
a publié dans les Amionces de Halle
un grand nombre de résolutions sur
des cas dilïlciles du droit public et
particulier. G — y.
WOLTERSDORF ( Ernlst-Ga-
BRiEL ) , professeur à Bunzlau , de
puis à Breslau, naquit dans la pre-
mière de ces villes vers l'an 1 7 5o ,
et mourut au commencement du
dix - neuvième siècle. Il a publié
plusieurs ouvrages classiques sur la
langue française , dont il donnait
des leçons : I. Lectures choisies en
français (ail.), Bunzlau, 1785 et
1 794 , in-8''. II. Sur les devoirs pu-
blics quont à remplir les maîtres
dévoués à V instruction de la jeu-
nesse ( ail. ) , Breslau , 1 786 , in-4".
III. Manuel de la langue fran-
çaise ( alL ) , Breslau, 1791 , €t
Zullichau, 179*2 , 2 vol. in-8^. IV.
Becueil des Synonymes français ,
Leipzig, 179^, in- 8°. V. Vues de
la nature , prises dans les ouvrages
les plus recherchés y avec gravures
( ail. ), Breslau et Leipzig, 1795.
VI. Tableau des souverains de la
Silésie ( ail. ), Breslau, 1795, in-
folio. G — y.
l82
WOL
WOLTERUS ( Henri ) , cha-
ijoiue de Saint-Anschaiie, à Brème,
vivait vers le milieu du quinzième
siècle. Il a écrit eu latin une Chroni-
que de Brème , qui finit en 1 463.
]^îeibomius (Henri) l'a insérée dans
le tome ii de ses Script ores reriim
germanicarum , Leyde ^ 1 688 , 3
vol. in-fol. Cet ouvrage contient
l'histoire des archevêques et de la
ville de Brème. On y trouve des
faits importants de l'histoire généra-
le , tant ecclésiastique que politique,
du temps, principalement touchant
la croisade qui eut lieu en iiii.
G— Y.
WOLT!VTAN(Charles-Louisue),
né en 1770 à Oldenbourg, reçut de
son père les premières leçons de lit-
térature et d'histoire. A Tàge de
quinze ans il lisait Homère, Ossian ,
Klopstock , et pénétré de ces modè-
les il composa des poésies très-
supérieures à son âge. Envoyé en
1 790 à Goltingue , pour y faire son
droit , il s'occupa presque exclusive-
ment de travaux historiques • et , per-
suadé qu'en enseignant il aurait occa-
sion de s'instruire encore, il recher-
cha et obtint une chaire à Gôttingue,
d'oii il fut a ppelé à léna. Dans l'une et
l'autre de ces universités il montra
une grande activité , comme profes-
seur et comme écrivain. Il composa
aussi quelques écrits , travailla à des
journaux littéraires, et, en 1800^
il commença à Berlin un journal
d'histoire et de politique. En 17î)9 ,
il entra dans la carrière di])lomati-
que^ fut nommé conseiller de léga-
tion du prince de Hesse-Hombourg,
et ])lus tard conseiller-d'état. D'abord
admirateur passionnédeBiionaparte,
quand il vit l'Allemagne opprimée,
il se déclara hautement contre le
conquérant, et seconda de tout son
pouvoir le baron de Stein dans les
WOL
projets que ce ministre d'état forma
pour délivrer son pays. En i8i3 ,
après la bataille de Lutzen , Wolt-
man ^ redoutant la vengeance du
vainqueur , s'enfuit à Prague , oij il
mourut , en 181 7 , n'étant âgé que
de quarante sept ans. Ses principaux
ouvrages sont : E Histoire primi-
tive du genre humain. II. Histoire
de la paix de Westphalie , i ^^.
partie, Leipzig, 1808, in-8''.j 2e.
partie, ihid. , 1809, in - 8». III.
Wallenstein ( dans le Calendrier
historique pour Vannée vulgaire
i8o3 , 180*2, in- 12 ). IV. Jean de
M aller. V. Histoire de France.yi,
Histoire de la ré formation consi-
dérée sous le point de vue de son
iiifluence politique, i8o3. VII.
Histoire de Bohême. VIII. Des
Traductions de Tacite et de Sal-
luste. On lui a reproché d'avoir usé
d'une sévérité excessive dans sa Cri'
tique sur l'Histoire de Jean de
Millier. Mais on doit remarquer
en sa faveur qu'il n'attaque que ce
qu'il y a de véritablement vicieux
dans cet écrivain , et que dans ses
compositions historiques il a évité
complètement ce qui dépare les ou-
vrages du savant généalogiste et chro-
nologiste de la Suisse. Après la
mort de Becker , il refit V His-
toire générale du Monde que
ce savant avait publiée , et il en pré-
para une quatrième édition que la
mort l'empêcha de terminer. Dans
ses Mémoires du baron de S — j , il
a représenté, sous des noms suppo-
sés , les hommes qui , à cette époque
remarquable , exerçaient de l'm-
fluence sur les afï'aires publiques.
Sous le rapport du style, ces 3Ié"
moires passent pour undes ouvrages
du temps , où la prose allemande a
atteint son plus haut degré de per-
fection. Dans sa Littérature aile-
WOL
munde , jugée par un écrwain alle-
mand, Woltman fait parler un de
ses compatriotes , qui, élevé en Italie
et connaissant les auteurs classiques
de cette contrée , revient en Allema-
gne pour en étudier la littérature et
pour la comparer avec celle des Ita-
liens. « Après avoir lu et relu , dit
celui que Woltman met en scène, je
m'arrêtai à la Messiade j j'y dé-
couvris une langue harmonieuse ,
pleine de noblesse , capable de rendre
la pensée avec tontes ses profon-
deurs , pouvant en énergie rivaliser
avec celle des Grecs, qu'elle sur-
passe même , quand elle a des senti-
ments élevés à exprimer.... Qu'y a-
t-il de plus frappant que ces groupes
de morts qui ressuscitent , et que le
poète nous montre dans la gloire
de l'immortalité I Lisez dans ce
poème la résurrection de J.-C. , con-
templez les a])6tres placés autour de
leur maître qui a triomphé du tom-
beau , de la mort , et montrez-moi
dans l'antiquité profane , un tableau
qui ait celte force d'expression , et
cette magie d'entraînement. » Nous
ne mentionnerons pas ici plusieurs ou-
vrages de moindre importance, com-
posés la plupart en communauté
avec sa femme. On a publié , au
profit de celle-ci, les OEuvres réu-
nies de Woltman , Leipzig, iSuS,
24 et 25, 17 vol. in-80. Dans le
deuxième volume , la Critique de
l'Histoire de Jean de Mïdler])ar3Lii
dépouillée de toute aigreur et de toute
personnalité. G — y.
WOLZOGEN (Jean-Louis) , né
en Autriche, dans l'année 1 696, d'une
famille ancienne , quitta la religion
catholique pour entrer dans l'Église
réformée, fracassé pour ce change-
ment , il se rendit en Pologne j il y
embrassa la secte des sociniens, et
se montra zélé partisan de leur doc-
WOL
i83
tiine. Après avoir visité les Frères
en différentes contrées , il mourut
près de Breslau en Silésie, en i658.
On a de lui : I. Explication de s deux
opinions opposées sur la nature et
Vessence d'un seul Dieu tout-puis-
sant. II. Explication despassages de
V Ancien et du Nouveau Testament
qu'on a coutume d'alléguer pour
prouver quily a trois personnes en
Dieu. Ces ouvrages et quelques au-
tres , composés en allemand par
Wolzogen , ont été traduits en latin
par Stegmann, et insérés dans la Bi-
blioth. Fratrum Polonorum. Voy.
V Histoire du socinianisme ^ par le
P. Anastase Guichard , pag. 43o-32,
et VHistoria bibl. Fahricianœ. G-y.
WOLZOGEN (Louis Van), en la-
tin /f^oZsog^enm^, savant hollandais,
né en i632 à Amersford , apparte-
nait comme le précédent à l'ancienne
et illustre famille des barons de Neu-
haus. Après avoir commencé ses élu-
des sous son père, qui était aussi re-
ligieux qu'instruit, et dont Vossius
parle avec éloge dans ses lettres
( Epist. ccxLi ) , il alla dans les uni-
versités , et y fut admis de bonne
heure au ministère évangélique. Mais
avant d'accepter aucun emploi, et
de débuter dans la carrière de la pré-
dication, il voulut visiter les écoles
étrangères, et entendre les princi-
paux professeurs. La France l'attira
d'abord , et il s'y perfectionna telle-
ment dans la connaissance de la lan-
gue , qu'il parvint à l'écrire avec au-
tant de facilité que s'il eût passé sa
vie à Paris. 11 se rendit ensuite à
Genève , parcourut attentivement
la Suisse et l'Allemagne, et fut de
retour dans sa patrie vers 1661.
On lui confia aussitôt la direction de
l'église wallone de Groningue, que
peu après il quitta pour celle dcMid-
delbourg. Mais , les habitants ayant
1Î54
WOL
refuse de l'admettre à prêcher , il
se rendit à Utreclit^ où il remplit
simultanément les fondions de mi-
nistre de l'église wallone , et de pro-
fesseur extraordinaire de l'histoire
ecclésiastique ( \66/^.-i()']o ). Il ob-
tint ensuite la chaire d'histoire sain-
te. Mais il abandonna cette place
presque immédiatement après sa no-
mination , et se rendit à Amsterdam ,
où on lui assurait à des conditions
plus avantageuses les places qu'il oc-
cupait à Utrecht. Vainement alors
les administrateurs de cette ville lui
offrirent pour le retenir l'emploi de
syndic. II partit pour Amsterdam , et
y resta jusqu'à sa mort, arrivée le i3
novembre i6go , et non 1692 , com-
me le dit le P. Lelong^ dans sa
Bibliothèque sacrée, La modestie
de Wolzogcn égalait sa piété et ses
talents; et il avait constamment re-
fusé le syndicat ou le proconsulat
que lui déféraient les habitants d'Ams-
terdam. Parmi ses ouvra
ges;
il faut
placer au premier rang sa fameuse
réfutation du De philosophid Scrip-
turœ interprète de Meyer. Cet écrit
polémique, intitulé : De Scriptura-
rum interprète centra exercitato-
rem paradoxum , Utrecht , 1 668 ,
in- 12, semble principalement diri-
ge contre le spinosisme dont Mayer
avait adopté les idées , et tenté
de glisser les doctrines dans l'in-
terprétation de l'Écriture. Mais , si
elle satisfit les adversaires du pan-
théisme , elle effaroucha quelques-
uns de ceux qu'épouvantait le nom
de Socin. On crutj entrevoir dans la
contexture du livre quelque chose
d'analogue aux principes des Fra-
tres^Poloni ; et plusieurs écrivains,
pai'mi lesquels nous nommerons Jean
Van der Waeyen , Vogelsang, Jacq.
Labadie, Colemann et Brown, lirent
paraître des réfutations. II est pro-
bable que le nom de l'auteur ne con-
tribuait pas peu à faire naître ou à
développer les craintes de ces hom-
mes religieux , craintes que cepen-
dant le synode de l'église wallo-
ne déclara n'être qu'une terreur
panique. En effet , ayant évoqué
à lui cette affaire , il déclara , après
un long examen , que la foi de
Louis de Wolzogen était pure; et le
plus virulent de ses accusateurs, La-
badie, fut réprimandé et condamné à
faire une rétractation. On peut voir ^
dans le Trajeetum eruditum de
Gasp. Burmann, m-/\^., pag. 4^7
et suiv. , la notice des ouvrages pu-
bliés à cette occasion contre le pré-
dicateur de l'église wallone, et dont
le nombre ne s'élève pas à moins de
vingt-cinq. Les autres écrits de Van
Wolzogen sont : I. Oratio de sole
jiistitiœ y Utrecht, 1664, in-4^. II.
Fides orthodoxa , sive Adversùs
Johannem de Labadie Censura Cen-
surée adversùs libellum de interprè-
te S criptur arum ^ Utrecht, 1668,
in- 4°. III. y^poîogie pour le synode
de Naerden, Utrecht, 1669, in-
4°. ( en français ), contre Labadie,
qui avait été déposé par cette assem-
blée. IV. Orator sacer, sive de ra-
tione concionandi , Utrecht , 167 1 ,
in-8<^. Ce traité d'éloquence sacrée ne
s'élève guère au-dessus de la médio-
crité reprochée aux ouvrages didacti-
ques du temps. L'auteur s'occupe plus
des formes techniques et matérielles
du discours que de l'éloquence. D'ail-
leurs j il parle pour les sermonnaires
protestants , généralement avares de
ce qui pourrait sembler un appel aux
passions. Cependant Wolzogen s'é-
tend assez longuement sur cette par-
tie. Mais, par une singularité ridi-
cule, il prend pour base de ses pré-
ceptes les principes de Descartes. On
approuve davantage ce qu'il dit sur
l
WOM
rexplication des textes , d'une part ,
et de l'autre sur la prononciation et
sur le geste. Mais ici il suit pas à pas
Érasme et le P. Cressol , ou , ce qui
revient au même _,Cicëron et Quinti-
lien. Les rhéteurs et les prédicateurs
contemporains de Wolzogen n'é-
taient pas encore imbus de cette
maxime , d'autres temps , d'au-
tres mœurs j et l'on n'osait pas dire
que l'homme d'état, le consul ton-
nant au Forum Romanum ou au sé-
nat , contre les sicaires enrégimentés
de Catilina , ou contre Antoine as-
pirant à l'héritage de César , devait
avoir un autre geste , un autre accent
ue l'humble ministre d'une religion
e paix, commentant le Décalogue
ou l'Apocalypse. V. Disserlatio cri-
tico-theoîogica de correctione scri-
harum in octodecim Scripturœ die-
tionibus adhibitd, quas alii à Ju-
dœis corriiptas , alii mutatas aut
aliter scriptas , aliterque lectas y
alii mendas mamiensium incurid
illapsas , aliiplures , alii pauciores
esse putant , Harderwick , 16H9,
iu-4°.VI. Une traduction en français
àw Dictionnaire de la langue sain-
te, parLeigh (F", ce nom) , Amster-
dam , 1703 , in-80. VII. Explication
de la Prière que Von nomme Confes-
sion des péchés , posthume comme
le précédent, Amsterdam, i70o,in-
S'^. , etc. , etc. La vie de ce théolo-
gien se trouve dans l'Éloge funèbre
que lui consacra son ami Ysarn
{Lud. TFolzogenii Apologia paren-
talis , Amsterdam, 1693, in-80. ),
et dans les Lettres sur la vie et les
ouvrages de Louis de fVolzogen ,
Amsterdam, 1692 , in- 1*2. P-ot.
WOLZOGUE. Fo^. Wolzogeiv.
WOMOCK ( Laurent ) , prélat
anglican, né à Norfolk en 1612 ,
était lils de Laurent Womock , rec-
teur de Lopham et de Fersfield ,
WOM
i85
dans ce comté. En 1 629 , il fut
admis, en qualité de pensionnaire, au
collège de Corpus- Christi , dans l'u-
niversité de Cambridge , et au mois
d'octobre suivant, élu boursier de la
fondation de sir Nicolas Bacon. 11
prit le degré de bachelier èsarts en
i63'2 , fut ordonné diacre le ai
septembre 1 634 ? et promu au grade
de maître-ès arts en 1639. En 1642,
il succéda à son père dans le recto-
rat de Lopham , mais il en fut ex-
pulsé par le comité de recherches
de JNorfolk à l'examen qui se fit
alors de ceux des ministres que ,
dans les principes révolutionnaires,
on appelait scandaleux _, parce
qu'ils ne les partageaient pas. 11 fut
même emprisonné quelque temps
après , à cause de ses opinions reli-
gieuses , et de son attachement au
roi Charles I*^*^. A la restauration, en
1660 , et lorsque Charles II fut monté
sur le trône , Womock fut à-la-fois
nommé à l'archidiaconat de Suf-
folk, et à une prébende d'Ely. Deux
ans après , il fut présenté au recto-
rat d'Horningshealh dans le comté
de Sufïblk , et en i663 h celui de
Boxford, dans le même comté. En-
fin , mais trop tard et sur la fin de-
sa vie (le 11 novembre i683), il
fut nommé à l'évêché de Saint-Da vidf
nomination qui , vu le peu de temps
qu'il eut à jouir de ce bénéfice _, loin
d'être avantageuse à sa famille , lui;
fut préjudiciable. Il mourut le 12
mars i685, âgé de soixante -treize
ans, et fut inhumé près des restes
de sa fille unique^ dans l'aile sud de
l'église de Sainte-Marguerite à West-
minster. Surun pilier voisin on lit une
inscription consacrée à sa mémoire»
Homme d'esprit et de savoir , ai-
mant les livres , et possesseur d'une
nombreuse et belle bibliothèque ,
Womock se distinguait par un atta-
i86 WOO
chement inviolable à la constitution
religieuse et civile de son paysj inca-
pable de capituler avec les principes^
et cordialement oppose à ceux des
non-conformistes , il prit une part
fort active aux controverses de son
temps , et il s'y était fait la réputa-
tion d'un redoutable antagonivSte. Ou-
tre ses sermons, il a publié plusieurs
écrits dans le genre polémique. Les
principaux sont : I. Bcaten oyle for
tlie lamps of tlie Sanctuary, c'est-à-
dire, Huile préparée pour les lam-
pes du sanctuaire j en défense de
la liturgie, Londres, i64i in-4°. IL
Examination of Tilenus , etc. Lon-
dres, ib58, in-8o. \\\. Arcana dog-
matum antiremonstrantium^ 1 669,
contre Baxter, Hickman et les calvi-
nistes. IV. T^e resuit oJJ'alse princi-
plcsj dialogues, 166 1 , in-4°. sansnom
d'auteur. V. Uniformity re-asserted,
Défense de l'uniformité^ 1661. VL
The solcnin league and covenant
arraigned and condemned , c'est-à-
dire le covenant ( serment des non-
conformistes ; cité en jugement et
Mndamné j Londres , 1661 , in-4*^.
YIL Two letters containiuga farther
justification of tlie cluirch of En-
gland, ou Lettres contenant une
nouvelle et dernière justification de
l'Eglise d"" Angleterre , Londres ,
1682. ^XW.SuJfragium protestan-
tium , etc. , iG83,in-8". L — y.
WOOD ( Antoiine), savant anti-
quaire et biographe , naquit à Ox-
ford le 17 décembre 1682; il éfait
fils de Thomas Wood , bachelier ès-
arts et en droit civil. Après avoir
terminé ses études , il reçut ses de-
grés avec distinction ( i652 et
i655 ). Voulant rester étranger
aux disputes^, théologiques qui dé-
solaient alors l'Angleterre , il ré-
solut de s'occuper uniquement de
recherches d'antiquités , et l^^rma le
WOO
projet d'écrire l'histoire de l'univer-
sité d'Oxford. 11 avait rédigé cet ou-
vrage en anglais j l'université lui en
acheta le manuscrit en 1669, et J.
Fell , évêque d'Oxford , chargea
Christ- Wase et Peers de le traduire
en latin , et se permit d'y faire beau-
coup de retranchements et d'addi-
tions, à l'insu de l'auteur, qui se
plaignit amèrement d'un tel procé-
dé. Wood entreprit ensuite de don-
ner, sous le titre à'Academiœ Oxo-
nienses , les vies des personnages il-
lustres sortis de cette école , depuis
sa fondation , en 1 5oo , jusqu'en
1690. Un passage injurieux à la fa^
mille du comte de Clarendon , chan-
celier de l'université, l'engagea dans
un procès fâcheux avec ce seigneur,
et il le perdit (i). Dans le même
temps, son premier ouvrage était
vivement critiqué par Burnet, évê-
que de Salisbury. Wood répondit
par une Défense de Vhistoire de
V université d'Oxford , etc. ( en an-
glais), Londres, i69j,in-4°.Ondit
que sur la fin de sa vie , ce savant
penchait pour le catholicisme; mais
il mourut dans la communion angli-
cane, le 29 novembre 1695 (2),
dans sa soixante -troisième année.
Par son testament, il légua sa biblio-
thèque et ses manuscrits à l'univer-
sité d'Oxford. La veille de sa mort
il avait remis à Mart. Tanner , son
ami , la continuation des Athenœ
Oxonienses ,ioimainX 1 vol.in-fol.,Ie
laissant maître d'en disposer comme
il le jugerait convenable. Les deux
principaux ouvrages de Wood sont ;
I. Historia et antiquitatesuniversita-
tis Oxoniensis , Oxford , 1 674-75 , '^
part, in-fol. Le texte anglais , resté
(1) Lespicccs de ce procès ont été recueillies dans
les Curions riihceUaineu , Londres, I7i4'
{■>^ On Iroiive dans Chaiif'epiê une lelli-e in
rc'^^aule sur lus derniers momcnls de Wood.
à
woo
/long-temps inédit (3), a ëtc publié
par M. Gutsch , 1786 , supplément ,
I -ygo, 2 vol. in-4''. II. Athenœ Oxo-
nienseSj an exact liistory of ail the
writers and hishops, etc. ^ Londres,
1691-92, in-fol. Le comte de Cla-
rendon ayant obtenu la suppression
du second volume , qui fut brûlé pu-
bliquement , celte première édition
est devenue fort rare ; mais le passage
supprimé se retrouve dans la réim-
pression publiée par Tanner, avec
des additions jusqu'à l'année i^gS ,
Londres ,1721 , in-fol. Cette édition ,
regardéclong-lemps comme la meil-
leure , vient d'être surpassée par celle
qu'a donnée M. Bliss , avec une con-
tinuation jusqu'à l'année 1800 , Lon-
dres , 181 3- 19, 4 'vol. in-4". C'est
une excellente histoire littéraire de
l'Angleterre ; et les biographes en ont
beaucoup profité. Cej)endant il faut
être en garde contre sa partialité.
IIL Life of Ant. Wood, Cette
Vie, que l'auteur avait laissée en
manuscrit , fut .publiée par Th.
Hearne , avec l'ouvrage de Th.
Gains {V. ce nom): Vindiciœ anti-
quitat.academiœ oxoinensis, i73o'
elle a été rcprodiute depuis avec les
Fies deJ. Leland et de Th. Hearne ^
Oxford, 1772, 2 vol. in-8^\ Le
Dictionnaire de Chaufepié contient
une bonne notice sur VVood. wSon
portrait a été gravé plusieurs fois.
D'isracli lui a consacré un article
dans ses Calamities of authors.
Wood était probe et désintéressé.
Ses compatriotes lui reprochent d'a-
voir trop écouté ses préventions en
faveur du catholicisme, ce qui l'a
exposé à diverses attaques de la part
(3) L'original anglnis aTaitparii dès 16G8, in-Zj". ,
suiviiiit Jiigler, Èibt. lill. Slrnviana, il, laî.S.
11 faut que cette première tdition soit très-rare ,
puisqu'elle n'a pas cte' coiinue des bibliographes
anglais.
WOO 187
des ennemis de la doctrine romaine.
Son style est commun et trivial.
W— s.
WOOD ( Jean ) , navigateur an-
glais, partit de Dcptford , le 26 sep-
tembre 1669, en qualité de contre-
maître avecNarborough [V. ce nom),
pour reconnaître le détroit de Ma-
gellan , et ne cessa de faire partie de
cette expédition jusqu'à son retour
dans les ports d'Angleterre, à la fin
de l'année 1671. Sa relation fut im-
primée dans le recueil qui parut en
anglais , sous ce titre : Becueil de
voj âges originaux contenant ^ i».
celui du capitaine Co\>i'lej autour
du monde; 2°. celui du capitaine
Sharp à traversV isthme de D arien ^
puis dans la nur du Sud ; 3^'. celui
du capitaine IFood au détroit de
Magellan , etc. , avec plusieurs car-
tes et dessins , publié parle capitaine
Guillaume Hacke, Londres, 1^99,
in-8°. Le journal de Wood ofîre les
mêmes ])articularités que celui de
ISarborough ; mais quoiqu'on y trou-
ve moins de déterminations nautiques
(]\\Q: dans celui-ci, son habileté et son
exactitude sont si généralement re-
connues que les renseignements qu'il
fournit oijt été employés sur les meil-
leures cartes. La traduction françai-
se du recueil de Hacke se trouve à
la suite decelicsdes voyages de Dam-
pier. On en voit des extraits dans
V Histoire des navigations aux ter-
res Australes , par Debrosses , tom.
II, et dans V Histoire des voyages ,
par Prévost , tom. xi. Ce dernier dit
que l'on ignore en quelle année le
voyage de Wood a eu lieu, puisque
sa relation ne donne que la date du
jour du départ j mais cette omission
vient du traducteur français. Pré-
vost n'a pas remarqué que le nom
des bâtiments et d'autres détails in-
diquaient que le voyage de Wood
i88 WOO
c'iait le même que celui de Narbo-
rougli , dont sou livre renferme éga-
lement un extrait dans le même vo-
lume. Du reste l'inadvertance de
Prévost était bien pardonnable , puis-
que Wood ne nomme pas une seule
fois Narboroiigb; il se contente de
dire : le capitaine ; tandis que ce
dernier nomme souvent Wood. Le
nom de Jobn Wood fut donné à une
baie du détroit de Magellan, à l'ouest
du cap Froward. En 1746, le P.
Quiroga , missionnaire espagnol qui
parcourait la terre Mageilanique,
rencontra près de la baie Saint- Ju-
lien un poteau avec cette inscrip-
tion : John Wood. Le zèle que ce
navigateur avait montré dans l'expé-
dition de Narborough engagea le
gouvernement à lui confier la con-
duite de celle qui fut entreprise, en
1676, pour trouver le passage au
nord-est. Wood était plein d'espoir
de réussir dans sa tentative. Le roi
donna le navire le Speedwell , et
une compagnie, à la tête de laquelle
était son frère le duc d'York, arma
à ses frais la flûte le Prospérons ,
que commanda le capitaine Flawcs.
Le 28 mai , on partit de la rade du
Nore à l'emboucbure de la Tamise ;
le 18 juin , on était par 70°. de lat.
N. Le lendemain on découvrit des
îles à l'ouest du cap Nord; on fit
route au N.-E. , et le 27- , sous ^S».
59' de lat. , on découvrit des glaces
qui s'étendaient de l'O.-N.-O. à l'E.-
S.-E. Le 26 , on eut connaissance de
la terre de l'E. au S.-E. Elle était
«loignée de i5 lieues, haute et cou-
verte de neige. On était constam-
ment entouré de neiges , et l'on éprou-
vait un froid piquant. Le 27, Wood
essaya inutilement de faire passer
son navire entre la glace et la côte
de la Nouvelle-Zemble. Le 29, le
Speedwell toucha sur des rochers
WOO
cachés sous les eaux , et ne bougea
plus. Wood fit cml)arquer une par-
tie de son équipage dans la chaloupe
qui aborda heureusement à terre;
mais la péniche qui la suivait cha-
vira , et tout ce qu'elle portait fut
perdu. Wood, malgré les instances
de son monde , sortit le dernier du
bord. Le lendemain le vaisseau se
brisa entièrement. Wood était réso-
lu d'agrandir la chaloupe pour s'y
embarquer avec une partie de ses
gens, lorsque, le temps jusqu'alors
iDrumeux s'étant éclairci , il aperçut
le Prospérons. Flawes vint aussitôt
à son secours, a Avant de m'embar-
» quer sur son navire , dit Wood ,
» j'écrivis une relation succincte de
» notre voyage et de notre naufrage j
» je l'enfermai dans une bouteille de
» verre, et je la suspendis à un po-
» teau , dans le retranchement où
» nous avions été menacés de trou-
» ver notre tombeau. La crainte
» d'être surpris par de nouvelles
» brumes nous yjit laisser tout ce
T> que nous avions sauvé du vais-
» seau.... » Les Anglais reprirent , le
9 juillet , la route d'Angleterre ; le 23
août, ils étaient de retour au mouilla-
ge du Nore. Le second voyage de
Wood se trouve, ainsi que celui de
Narborough, dans le recueil anglais,
intitulé : y^n account of several late
voyages and discoveries to the South
and JVorth; towards the streights
of Magellan j etc.; ^Iso towards
Nova Zemhla, Greenland or Spitz-
herg y Groenland or Engrondland,
etc., Londres, 1694, in-8"., avec
cartes. Ce volume offre la relation
du voyage de Wood , ainsi que des
raisons et des arguments sur lesquels
ce navigateur fonde la démonstra-
tion de la probabilité du passade au
nord- est; son journal, celui de
Flawcs , enfin le récit du naufrage et
woo
des observations sur la Nouvelle-
Zemble. Wood donna des noms à
divers points de cette terre de déso-
lation. La traduction française de
ces divers morceaux est contenue
dans le tomeii du Recueil des voya-
ges au nord. L^ Histoire des voj a-
ges de Prévost, et d'autres ouvrages
du même genre renferment des ex-
traits de la seconde expédition de
Wood. Le Mémoire qui précède son
journal annonce un homme bien
instruit de l'histoire de la navigation.
Ses raisonnements sont d'autant plus
curieux à lire, qu'ils ont été en par-
tie reproduits de nos jours , et
qu'on les a allégués pour entrepren-
dre au nord des voyages dont l'issue
n'a pas répondu aux espérances
qu'on s'en e'tait formées. Wood
mourut dans les premières cannées
du dix -huitième siècle. — Wood
{Benjamin) , autre navigateur, partit
des ports d'Angleterre en iSqô, et
périt en mer par des maladies , ainsi
que la ])lus grande partie de son équi-
page , dont quatre hommes seulement
abordèrent à la petite île d'Utias ,
près de Porto - Rico , où trois fu-
rent massacrés par les Espagnols ,
qui s'emparèrent des richesses qu'ils
avaient sauvées avec eux. Un seul
matelot , échappé à ce naufrage , re-
vint en Angleterre. E — s.
WOOD ( BoBERT ) , célèbre ar-
chéologue anglais, était né vers 1717,
au château de Riverstovvn , près
Trira , dans le comté de Meath ,
d'une famille honorable , et qui a
produit une foule d'hommes de
mérite. Après avoir achevé ses étu-
des à l'université d'Oxford , d'une
manière brillante , il s'attacha par-
ticulièrement à se perfectionner dans
la langue et la littérature grecques.
Il fît ensuite plusieurs voyages en
Italie, et acquit par la fréquentation
WOO
189
des artistes et des savants , ainsi que
par l'examen des monuments , luic
connaissance approfondie de l'anti-
quité. Wood était trop instruit de
tout ce qui concerne l'état ancien de
la Grèce, pour ne pas désirer de
vérifier par lui-même les descriptions
que les voyageurs ont données de
cette belle contrée. En 1 742, il était
sur le vaisseau le Chatam , à la
pointe de l'île de Chio ; mais c'est
tout ce qu'on sait de sa première
excursion dans les îles de la Grèce.
Peu de temps après , il forma le
projet de visiter , Homère à la main ,
tous les lieux dont il est question
dans l'Iliade et l'Odyssée j il s'asso-
cia pour ce voyage Davvkius et Bou-
verie, deux de ses amis les plus
intimes^ et qui partageaient son en-
thousiasme pour l'antiquité • et tous
les trois s'y préparèrent par une
lecture attentive des poètes et des
historiens grecs. Au printemps do
l'année 1750 , ils s'embarquèrent
à Naples , sur un vaisseau qu'ils
avaient fait venir de Londres , em-
portant les livres qui leur étaient
nécessaires , des instruments de ma-
thématiques j des présents pour les
Turcs, et emmenant avec eux Borra,
très-habile dessinateur italien. Après
avoir exploré les îles de l'Archipel ,
ainsi que les côtes de l'Europe et de
l'Asie , recueillant partout des ma-
nuscrits , des inscriptions et des mé-
dailles , ils s'avancèrent dans l'Asie
mineure, et pénétrèrent jusque dans
la Syrie , pour reconnaître l'emplace-
ment de Palrayre et en examiner les
ruines. Bouverie mourut dans le dé-
sert, épuisé de fatigues. Parvenus au
terme de leur voyage , Wood et
Dawkins se trouvèrent dédomma-
gés amplement de tous les dangers
qu'ils avaient courus , par l'impor-
tance et la beauté des monuments
90
WOO
qui s'offrirent à leur curiosité. De
retour à Londres , en ï']5'.i , Wood
s'empressa de faire connaître le re'-
sultat d'un voyage entrepris unique-
ment dans l'intérêt de la science, en
publiant successivement les Ruines
de Palmyre et celles de Balheck ,
deu\ ouvrages qui le placent au rang
des premiers arclieologues. Il s'oc-
cupait de rédiger ses observations
sur l'Iliade , lorsqu'il fut revêtu de
la place de secrétaire d'état. Le zèle
avec lequel il en remplissait les de-
voirs ne lui permettait plus de con-
tinuer ses travaux d'érudition ; ce-
pendant , encouragé par lord Gran-
ville ( F. ce nom), qui lui répétait
sans cesse que malgré les occupations
du ministère il donnait bien des
moments à la littérature , il acheva
son Essai sur le génie d'ffomère.
Dans la préface , il témoigne le re-
gret de n'avoir pas eu pour ce der-
nier écrit les conseils de Dawkins.
Wood survécut peu à la publication
de cet ouvrage, et mourut en 1 7 7 5. Il
était membre de la société royale des
antiquaires de Londres. Nous allons
maintenant donner quelques détails
sur ses ouvrages que nous n'avons
encore pu qu'indiquer :I. Les Ruines
de Palniyre , autrement dite Ted-
mor au désert j avec les réflexions
de l'abbé Barthélémy sur l'alphabet
et sur la langue dont on se servait
autrefois à Palmyre, Londres, I753,
in-fol., avec cinquante-sept planches
très -bien exécutées. L'ouvrage fut
imprimé, en même temps , en anglais
et en français. Le texte français a été re-
produit en 1819, Paris, Firm. Didot,
in-4"., (ig.Les descriptions de Wood
sont d'une rare exactitude ; il a me-
suré lui même , avec la plus grande
précision , tous les monuments qu'il
a découverts ; et sous ce rapport cet
ouvrage n'intéresse pas moins les ar-
WOO
chitectes que les antiquaires. IL Les
Ruines de Balheck , autrement dite
Héliopolis dans la Cœlé - Sjrie ,
angl. -français, Londres, i -yS^, grand
in-fol. , avec quarante-sept planches
Cet ouvrage a le même genre de mé-
rite que le précédent. L'abbé Bar-
thélémy a rendu compte de l'un et
de l'autre dans deux articles du
Journal des savants ( i ) , dont il est
inutile de présenter ici l'analyse ,
piiisqu'ils ont été recueillis dans
l'édition de ses OEuvres diverses.
Cassas , dans son Voyage pittores-
que en Syrie, a publié quelques mo-
numents négligés par Wood, et com-
battu plusieurs fois son opinion. Ilï.
Essai sur le génie original d' Ho-
mère ;ai\ec l'état actuel de la Troade
comparé à son état ancien {Essay on
the original genius and writings
of Homer) , Londres , 1 769 , in-4'^.
Cette première édition n'a , dit- on ,
été tirée qu'à sept exemplaires (9.) ,
ibid. , 1775, grand in-4'^., fig. ,
traduit en italien, en allemand , en
espagnol et en français. La traduc-
tion française par Déraeunier, Paris,
1777 , in-80. , est ornée d'ime carte
de l'ancienne Troade , qui manque
dans les contrefaçons. Dans la pre-
mière partie de cet ouvrage, l'auteur
traite de la patrie d'Homère , de ses
voyages , de sa mythologie , et enfin
des mœurs et de la géograpliie de
l'Iliade et de l'Odyssée. On y trouve
une foule d'aperçus nouveaux , et de
remarques également fines et judi-
cieuses. Dans la seconde , il compare
l'état actuel de la plaine de Troie
avec les écrits d'Homère ; mais ou-
bliant ce qu'il a dit de l'exactitude
de ce grand poète dans les moindres
détails , il le trouve en défaut précisé-
Ci) Ai'ril 1754 et juin 17G0.
(») Voy. John. Niclioh anecdot. ofJV. Bowyer,
Loudres, 178?., pag. 41*).
woo
ment dans les lieux qu'il avait dû
observer et de'crire avec le plus de
soin. Ce n'est point Homère , comme
on le pense bien, c'est Wood qui
s'est trompe'. La cause de sa méprise
vient de ce qu'il n'a point connu la
source du Scaraandre , ainsi que l'a
démontre M. Leclievalier (^o/.ce
nom , Biographie des hommes vi-
trants ) , dans sou Fojage à la
Troade. Wood a laissé plusieurs
manuscrits , entre autres un Recueil
d'inscriptions , qu'après sa mort ,
l'abbé Barthélémy tenta d'acquérir .
et que l'on conserve au Muséum de
Londres. — Wood ( TFilliam ) ,
théologien anglais , né près de Nor-
thanipton, vers 174^' mort le i*^»'.
avril 1 808, était ministre d'une con-
grégation de dissenters dans la ville
de Leeds. Il est auteur de plusieurs
Sermons détachés, d'un volume de
Sermons sur la vie sociale , 1775,
in-8«. , et de quelques pamphlets po-
litiques. W — s.
WOODES ROGERS. T. Rogers.
WOODESON (Richard), auteur
habile instituteur, compta
parmi ses élèves des sujets qui se sont
distingués dans la littérature. 11 fut
professeur de droit à l'université
d'Oxford, et a publié : Eléments de
jurisprudence, 1788, in -4".; Ta-
bleau systématique de la loi d' An-
gleterre, 179^, 1793, 3 vol. in-
8*'. ; Courte défense des droits de
la législature anglaise , en réponse
au pamphlet (de iVI. Reeve) iutilulé :
Réflexions sur le gouvernement an-
glais , 1799, in -8°. Woodeson
mourut le 'ii octobre 1822. Z.
WOODFORD (Samuel), minis-
tre anglican et poète , fils de Robert
Woodford , gentilhomme du comté
de Northampton, naquit à Londres
le i5 avril i636, entra au collège
Wadham, dans l'université d'Ox-
WOO
191
anglais
ford, en i653 , fut admis trois ans
après au grade de maître-ès-arts ,
et s'appliqua ensuite à la jurispru-
dence dans le collège d'Inner-Tem-
ple , où il fut compagnon de cham-
bre du poète Flatman. Après la
restauration il se maria , et vécut
successivement à Aldbrooket à Bens-
ted , dans le comté de Hamp. Plus
tard il se voua à la carrière ecclésias-
tiqtie , reçut les ordres de l'évêque
Morley,et, après avoir passéplusieurs
années dans le rectorat de Hartley-
Maudet , il obtint la prébende de
Chichesler en 1676, et celle de
Winchester en 1680. C'est là qu'il
mourut en 1700. Il était membre de
la société royale de Londres , de-
puis 1G64. Les poésies de Wood-
ford sont tombées dans un oubli
qu'elles semblent ne pas mériter.
Sa paraphrase des psaumes en vers
lyriques et en cinq livres prou-
ve de la facilité et de l'art dans la
manière de versifier. Flatman, son
ami , a loué cet ouvrage , et même il
a composé à cette occasion une ode
pindarique qui fait honneur à tous
les deux. Ou a aussi de Woodford
un volume qui contient : \^.la Pa-
raphrase en vers de plusieurs can-
tiques ; 2». la Légende de V amour ,
poème en trois chants ; 3°. Ode à sa
muse ; ^°. Paraphrase sur quelques
hymnes choisis de l'Ancien et du
Nouveau Testament^ 5"^. diverses
Compositions , les unes originales ,
les autres traduites du grec , du latin
et de l'italien. De plus , il avait pu-
blié, en 1660, un poème sur le
retour de Charles IL P-ot.
WOODHEAD (Abraham) , né à
Meltham, dans le comté d'York,
fut envoyé, eu 1624 , à l'âge de sei-
ze ans, à l'université d'Oxford , et y
prit le degré de maître-ès-arts , puis
obtint ensuite une place d'associé. Il
19^ WOO
s'engagea dans les ordres , et passa
sur le continent vers iG^i. Arri-
vé à Rome, Icdnc de Buckingliam le
logea chez lui , pour qu'il lui apprît
les mathématiques. A son retour en
Angicierre, le même duc lui donna
un logement dans son hôtel à Londres.
Il s'attacha ensuite à la famille de
lord Capel. Lorsque les visiteurs
chargés, en 1648, par le parlement,
de faire sortir des deux universités
tous ceux qui étaient soupçonnés de
catholicisme se rendirent à Oxford ,
Woodhead perdit sa place d'associé,
qu'il ne recouvra qu'en iGGo, à l'é-
poque de la restauration. Mais, com-
me il fallait se conformer extérieu-
rement aux pratiques du culte angli-
can , sa répugnance l'obligea de de-
mander la permission de voyager, en
conservant les émoluments de sa pla-
ce j, qui étaient de vingt livres ster-
ling. Au lieu de s'expatrier , il alla
se confiner à Hoxton , dans les en-
virons de Londres , oii il se livra à
l'instruction de quelques enfants de
familles catholiques, et s'occupa de
la composition de divers ouvrages.
11 s'y était si bien caché _, qu'on ne
chercha point à l'inquiéter pendant
les troubles du pays. C'est dans cette
retraite qu'il mourut, le 4 mai 1678,
à l'âge de soixante -dix ans. Wood-
head se mesura successivement dans
l'arène ihéologique avec Hcylyn ,
Stillingfleet , l'archevêque Wake ,
Smalridge , Tully , Hooper _, Haning-
ton , Aldrich et Whitby. Aussi
était -il reconnu pour un des plus
habiles controversistes de son temps.
C'est le témoignage que lui rendent
les protestants, aussi bien que les ca-
tholiques. La controverse entre les
deux Lglises est exposée dans ses ou-
vrages avec plus de clarté et de pré-
cision que dans la plupart des autres.
On y voit qu'il était profondément
WOO
versé dans la connaissance des an-
ciens Pères et des théologiens moder-
nes. Ses ouvrages sont : L Courte
relation de V ancien gouvernement
de l'Église , Londres, 1684, in -4°.
II. Exposition raisonnable de la
doctrine catholique^ pour servir de
guide dans les controverses de reli-
gion ,4 666, 1667; réimprimée avec
des additions , en 1673, in- 4°., sous
les initiales R. H. 111. De la néces-
sité d'un guide pour diriger les chré-
tiens dans la foi, 1675, in -4''. IV.
Exercices touchant la résolution de
la foi, 1674, in-4°- V. CoJisidéra-
tions sur Vidée que le docteur Stil-
lingfleet donne de la foi des protes-
tants, Paris, 167 1, in-80. VI. Con-
sidérations sur le concile de Tren-
te, 167 1 et 87, in -80. VU. Les
Pratiques de dévotion de l'Eglise
romaine et sa doctrine sur la péni-
tence et les indulgences , vengées
de la fausse idée quen donne le doc-
teur Stillingfleet, 1672, in-8°. VIII.
Discours sur Vesprit et l'origine de
la reforniation de Luther , et sur le
célibat ecclésiastique, Osïord,\6S'] y
in-4". IX. Discours sur V Eucharis-
tie ,^Oxïorà , 1688. X. De la foi né'
cessaire au salut, ibid. , 1688 ,
in- 4°. XI. Motifs pour mener une
vie sainte, ibid. XI L Traduction
des Confessions de saint Augustin
et dé la Fie du saint par Possi-
dius , 1679, in -8». XIII. Fie de
sainte Thérèse, avec différents écrits
spirituels de la sainte, 1669, in-4°.
On a encore de lui divers autres ou-
vrages imprimés et quelques-uns res-
tés manuscrits • mais ils sont dans un
état si informe, que l'on essaierait
vainement de les comprendre. T-d.
WOODHOUSE (Jacques), chi-
miste célèbre , né dans l'Amérique du
Nord en 1770, fit ses études à l'uni-
versité de Pensylvanie de la manière
woo
îa plus brillante , et après avoir fait
divers voyages , pour acquérir des
connaissances , devint, en 1799. ,
professeur de cliimie à la même uni-
versité. Sa dissertation inaugurale,
qui a été imprimée dans la même an-
née, eut pour sujet VjlnaVysc des
végétaux astringents. On a de lui:
I. Le Manuel du jeune Chimiste,
avecle Laboratoire portatif, 1797 ,
in -8^. II. Réponse aux Observa-
tions du docteur Priestiey , sur la
doctrine du plilogistique et la dé-
composition de l'eau, insérée dans le
,iv*^. volume des Transactions de la
société philosophique d'Amérique.
III. Une édition de la Chimie de
Gliaptal , trad. en anglais , avec des
notes, 1 vol. in-8". , 1807. Wood-
house mourut en 1809. Z.
WOODVILLE (William),
mort en i8o5^ médecin de l'hôpital
pour la petite-vérole, qui est situé
dans le quartier de Paneras à Lon-
dres, a beaucoup contribué, par son
zèle et par ses écrits ,à propager en
Europe le bienfait de la vaccine. On a
de lui: I. Histoire de l'inoculation
de la petite-vérole dans la Grande-
Bretagne ^ 1796, in-80. II. Bota-
nique médicale, 1790, 3 vol. in-4**-,
ouvrage estimé pour le fond comme
.pour ie style , et dans lequel on
trouve une histoire de la botanique ,
et la description des plantes médici-
^nales , avec l'exposé de leur usage et
de leurs propriétés. Z.
VVOODVV ARD ( Jean ) , médecin
et naturaliste anglais, naquit le t*^'^.
mai i()(35 dans le comté de Derby.
Quoiqu'il fût de bonne famille^ et
que dès son adolescence il eût fait
des progrès remarquables dans les
langues grecque et latine , ses parents
qui le destinaient au commerce le
.inirent en apprentissa;;e chez un tis-
l^erandde Londres. Woodward avait
WOO 193
alors seize ans. La carrière dans la-
quelle on le faisait débuter était tota-
lement opposée à son amour pour la
lecture et pour les sciences aux-
quelles , malgré ses nouvelles occu-
pations, il voua la plus grande par-
tie de son temps. Son aptitude et sa
persévérance le firent connaître de
quelques personnes recommandables,
particulièrement du docteur Barwick
qui le prit en amitié, et le retira
chez lui où il le garda huit ans. Pen-
dant ce temps, Woodward apprit
à fond l'anatomie et la médecine. Il
s'appliqua aussi à la philosophie , à
la physique et aux sciences naturelles.
Ayant été invité avec le docteur à se
rendre dans une maison de campagne
de Glocesler , à Sherborne , il com-
mença à s'y familiariser avec la scien-
ce qui fut dans la suite l'objet princi-
pal de ses méditations et la base de
sa célébrité. Tout le pays aux envi-
rons de Sherborne est semé de mi-
néraux , et des carrières y sont ou-
vertes de tous cotés. Woodward ré-
solut d'y descendre et d'examiner en
détail les diverses espèces minéralo-
giques qu'elles contiennent. Il fut
frappé surtout du grand nombre de
coquillages et de débris marins que
l'on y trouve enterrés dans le sable.
Attiré par l'attrait delà nouveauté,
autant que par l'importance présu-
mée de cette branche de l'histoire na-
turelle , il résolut de parcourir l'An-
gleterre, pour y recueillir des données
sur ces traces fossiles ensevelies de-
puis des siècles dans les entrailles de
la terre. Carrières , mines , cavernes,
tout fut successivement l'objet des
longues investigations de notre jeune
voyageur , qui crut pourtant devoir
associer à ce genre de recherches
l'étude approfondie de la botanique
et des diverses branches de la zoolo-
gie. Tontes ses observations furent
i3
'94
WOO
soigneusement consignées dans des
notes. Il songea ensuite à se rendre
dans les pays étrangers , pour y re-
cueillir de nouveaux faits. On sait
que la France, l'Espagne , TAIlema-
gne y l'Italie . présentent en foule des
débris de coquillages , dezoophytes,
et même de poissons. Mais la guerre
qui venait d'éclater, et qui eiidjra-
sail le continent , l'empêcha d'elTec-
tuer ce desseui ; il se contenta d'é-
crire à chacun de ceux qu'il connais-
sait en pays étranger de rassembler,
à mesure qu'ils se présenteraient,
tous les détails , tbus les renseigne-
ments relatifs aux. fossiles. Un gen-
tilhomme qui avait long-temps voya-
gé dans presque toutes les contrées
de l'Europe, et qui avait toujours
observé avec intérêt ces vestiges d'u-
ne antiquité reculée , lui fournit
une ample quantité de matériaux. Le
projet de Woodvvard était d'écrire
une histoire universelle de la terre* se
croyant assez pourvu de faits pour
jeter les bases d'une théorie, il com-
mença par publier son Essai sur
l'histoire naturelle de la terre , et
des corps qu elle contient, spéciale-
ment des minéraux , ainsi que sur
celle de la mer , des rivières et des
sources , etc. , etc. , Londres , lOgS,
I vol. in^*^. La hardiesse et la nou-
veauté des idées de l'auteur don-
nèrent en peu de temps une grande
vogue à cet ouvrage , qui n'est ce-
pendant qu'un roman géologique
comme tant d'autres. Woodvvard est
parti de l'idée d'un déluge universel,
à laquelle il subordonne tout son sys-
tème. Conduit par cette idée y il
pense que lorsque Dieu créa la terre,
il plaça dans le centre une quantité
prodigieuse d'eaux qui communi-
quaient par des conduits souterrains
àiamerct à dliféreutes parties de la
terre; que lors du déluge ces eaux sor-
WOO
tirent de l'abîme pour inonder la ter-
re qui s'y trouva dissoute, et à laquelle
se mêlèrent des milliers de coquilla-
ges , de zoophytes et de productions
marines dont on trouve partout des
vestiges ou des erupreintes; et qu'en-
suite, ces eaux étant rentrées dans
leur réceptacle ^ la terre reprit sa
consistance , et tout rentra dans l'or-
dre accoutumé. Cette hypothèse ap-
puyée d'arginncnts ingénieux et d'ob-
servations curieuses ( car quel systè-
me ne s'étaie sur quelques appuis de
ce genre? ) n'était au fond pas
plus admissible que la théorie de
Burnet, et elle était beaucoup moins
judicieuse que les idées de Whiston
sur le déluge. Aussi vit-on de toutes
parts des réfutations générales ou
partielles protester contre le succès
de l'ouvrage. Celles du docteur Lister
et de Kobinson ( Observations on iht
natural hislorj ofthe -world oj'mat
ter and the world of lijé) aWiiren
une réponse de Harris, en 1697 ; li
docteur Arbuthnot fit paraître auss
un Examen impartial de la doctrim
de WooJward , et conclut en disan
que son hypothèse , quoique faible e
sujette à iieaucoup d'objections, m
devait point cependant être rejetée
Mais son adversaire le plus redouta
ble fut Élie Gamcrarius, professeui
de médecine à l'académie de Tubin-
gue. Quoique ami du paradoxe et d(
la nouveauté , cet habile écrivain
n'adopta en aucun point le système
du géologue anglais, et il fit pai-aîtr^
à ïubingue, en 1712, plusieurs dis
sertations latines , où il délruisaij
complètement, et par des raisouï
péremptoires l'édilice si laborieusej
mont élevé par Woodvvard. Jus'j
qu'ici l'auteur de VEssai s'étai
dispensé d'entrer dans la lice : maisi
croyant devoir répondre à Tattî
que du médecin de Tubingue ,
woo
fit paraître , eu 1714 » u»e cdi-
tioji latine de l'ëcrit qui donnait lieu
à tant de contestations , sous le litre
de/. TVoodwardi... etc. , naturalis
Historia teUuris illustrata et auc-
ta ; iinà cuin ejusdem defensione
prœsertim contra nuperas ohjectio-
ncs D. El. Camerarii , etc. , Oxford,
in - 8<^. La traduction était l'ou-
vragede J.-J. Scheuchzer, qui l'avait
déjà donnée dix ans auparavant sous
celui de Geographia phfsica , Zu-
rich , 1 704 (i )• BulFon , qui , dans sa
Théorie de la Terre, a admis un sys-
tème absolument contraire à celui de
Woodward ( rhypothcsc du feu cen-
tral ) , a donné dans cet ouvrage un
résumé très-net des idées de ce sa-
vant, et en a démontré l'insuffisance
d'après les objections de Camera-
rius. Au milieu de tout le mouve-
ment qu'avait inspiré l'apparition
de l'Essai , Woodward ne négligeait
pointsa profession. D'ailleurs il avait
été nommé professeur au collège de
Gresham (i6()'2), membre de la
société royale de Londres ( 1693) et
associé du collège de médecine de
Cambridge ( \']oi). Ces places, non
moins que le soin d'une brillaute clien-
telle, lui faisaient une loi de s'appli-
quer avec ardeur à la science médi-
cale. Aussi voyons - nous figurer
dans la liste de ses ouvrages plusieurs
écrits relatifs à la médecine. On sait
d'ailleurs qu'il était considéré par ses
confrères comme un des membres les
iplus habiles de la faculté, et qu'il
était souvent appelé pour les consul-
tations les plus difficiles. Cependant
la collection des matériaux pour
(1^ Cet ouvrage a été traduit en français , par
Noguex, sons le titre de Gèot^rap/iie pliy!u/ue ou
Essai sur l'histoire naturelle de la ïerrc , Paris,
1735, iii./|0.; et en allemand, Erfurt, f^^S, iu-
8°. Les Béponses de Woodward aux observations
4e €-auierariiis ont été traduites eu français par
Nicerou.
WOO
195
V Histoire de la Terre était toujours
sa principale occupation j il avait
rédigé beaucoup de notes qui de-
vaient en faire partie , et proba-
blement il n'aurait pas tardé à pren-
dre la plume pour la rédaction défi-
nitive de l'ouvrage , si l'atlaiblisse-
ment de plus en plus m.irqué de sa
sauté ne lui eût interdit tout travail
suivi. Il végéta ainsi plusieurs années,
en proie à des inlirraités prématurées,
jusqu'à ce qu'il expirât le 'i5 avril
172*2. Il fut enterré dans l'abbaye
de Westminster , où on lui a élevé
un monument. Il avait légué à l'aca-
démie de Cambridge ses deux cabi-
nets de fossiles anglais , et ordonné
que sur le prix de la vente de ses
livres et de son muséum d'antiquités,
on prélevât une somme suffisante
à l'achat d'un fonds de terre de cent
cinquante livres sterling de rente ,
destinées tant aux honoraires d'un
professeur qui ferait annuellement
quatre leçons sur sa théorie de la
terre qu'aux nouvelles éditions de cet
ouvrage. Le docteur Woodward n'a
vait pas moins de générosité et d'hu-
manité que de talents. On lit dans VA-
naljtical Revie-w (mai 1787, p.
93 ) qu'un poète comique , ayant
résolu de traduire ce naturaliste sur
la scène, chargea un acteur célèbre
par son talent mimique de s'intro-
duire chez lui et d'étudier ses maniè-
res , et ses ridicules pour les contre-
faire. Le mime alla en effet chez le
docteur, et lui débita un long cata-
logue de maladies imaginaires , et
de désagréments domestiques, dont
il se disait affligé j Woodward l'é-
couta avec intérêt, et, api es les pres-
criptions d'usage, il refusa la gui-
née que voulait lui donner le préten-
du malade. Cet homme fut tellement
ému , qu'à son retour chez cehii qui
l'avait envoyé, il déclara qu'il ne
i3..
ig6 WOO
consentirait jamais à prendre part
à une mystification du genre de
celle que l'auteur s'était proposé de
faire subir au docteur. Outre la
Théorie de la terre , on doit à
Woodward plusieurs écrits estimes,
savoir : 1. Courte instruction pour
faire des observations dans toutes
les parties de l'univers , ainsi que
sur Vart de recueillir , de conserver
et d'envoyer les objets d'histoire
naturelle. II. Quelques pensées et
expériences concernant la végéta-
tion ( insérées dans les Transactions
philosophiques de i6gg, n^. '253 ).
III. Lettre à l'abbé Bignon , sur un
bouclier antique (insérée par Ward
dans son appendice à la Fie despro-
fesseurs de Greshajn). IV. Compte
rendu ( ^n account of , etc. ) de
quelques urnes antiques , et autres
antiquités découvertes dernièrement
à Bishopsgate _, etc. , avec de cour-
tes réjlexions sur l'état ancien et
présent de Londres , dans une let-
tre à Wren, etc. , Londres , 1707 ,
iu-80. ; 2«. édit., 1715^ 3c. édit. ,
Oxford;, 17*23, sous le titre de Re-
marques sur V ancien et le nouvel
état de Londres , à l'occasion de
quelques vases , médailles et autres
antiquités , etc. Cette brocliure est
.surtout remarquable par la réfutation
du commentaire de M. Gale , sur
l'Itinéraire d'Antonin , relatif à la
ville de Londres. V. État de la
médecine et des maladies , etc. ,
Londres, 1718 , in-8*^. • traduit en
latin, Zurich, 1720, in-4^. Cet
écrit fut publié à l'occasion d'une
discussion que Woodward avait
eue dès l'année précédente avec les
docteurs Freind et Mead. Ces deux
praticiens , faisant valoir l'autori-
té d'Ilippocrate et de quelques au-
tres médecins , voulaient purger
xians la petite-vérole. Woodward ,
WOO
supposant que cette méthode pou-
vait entraîner de fâcheuses consé-
quences , crut qu'il était de son de-
voir de l'examiner de plus près , et
d'exposer au public les raisons qui
l'engageaient à la désapprouver. Les
deux partis apportèrent dans cette
contestation une chaleur qui fit ri-
re à leurs dépens. Mais Woodward
n'eut d'autre tort que de mettre dans
la discussion une vivacité excusable,
tandis que Mead , écrivant trente
ans après son Traité de la petite-
vérole ^ a eu celui de se permettre
conti'e son antagoniste mort des per-
sonnalités injurieuses. VL Traité
sur la bile , Oxford , 1717, in-S*^.
L'auteur y expose des idées singu-
lières sur la bile, qu'il regarde com-
me la cause principale de l'accom-
plissement régulier de toutes les fonc-
tions animales dans l'état de santéj
Le docteur Byfielde , ennemi pew
sonnel de l'auteur , adressa alors
Woodward ime lettre dans laquellei
après avoir donné une analyse ridi-
cule de celte doctrine, il le comble
de louanges extraordinaires. Ui
extrait de cette lettre ayant été in
séré dans le Journal des savanti
donna lieu à une réclamation intitu-
lée : Mémoire envoyé d' Angleterre
concernant les ouvrages de M. Wood\
ward. Vit. Classification des fossi-
les de toutes espèces _, rangés d'a-
près leurs relations et leurs affinités
{Fossils ofall kinds , digested into a
method, etc.), Londres, 1 7^28, in-H».,
posthume. VIII. Catalogue des fos-
siles du cabinet de M. Woodward,^
etc., Londres, 1 729, 2 vol. in-8". Les]
fragments qu'il avait rédigés poui
V Histoire générale de la Terri
furent anéantis d'après ses ordres-
il avait encore laissé plusieurs autres
manuscrits qui n'ont point été pu-"
bliés. Les principaux sont une Lettre
woo
Sur l'origine des nations ; autre Let-
tre sur l'origine des américains ;
de la sagesse des anciens E gyptiens ;
deux Discours sur la peste ; Collec-
tion de faits relatifs à la médecine ;
des médicaux observés et rapportés
à lui-même j Discours sur les gran-
des choses opérées par la société
royale, tant pour V honneur <pie pour
l'avantage de la nation. — Èzéchias
WooDWARD , theologicu anglais, ami
etfougueuxjiarlisandeCromwellqui
le nomma vicaire à Bray , se rendit
fameux par sa violence et son fana-
tisme; il persécuta \^ anabaptistes et
les quakers, chassa un certain nom-
bre d'habitants de la commune , et
établit un conventicule prive dans sa
maison. 11 mourut à Uxbridge ,
dans !« comte de Middlesex , le 29
mars 1675, laissant un commentaire
sur les livres des Rois, un traite sur
le baptême des enfants , et deux au-
tres ouvrages intitules, l'un Vestibu-
lum , l'autre Investigatio causarum
miseriœ nostrœ. Tous ces écrits sont
en latin. — 11 ne faut point le confon-
dre avec mi autre WooDWARD {Hum-
phrf), jésuite, qui mourut le 3o no-
vembre 1587, à Mayland, n'étant
encore âge que de trente-cinq ans ,
et qui laissa un Commentaire esti-
mé sur les Psaumes. P — ot.
WOOLHOUSE ( Jean-Thomas) ,
médecin-oculiste anglais . né, vers le
milieu du dix-septième siècle , d'une
iamille noble , lit ses études médi-
cales à Londres , et parcourut de
bonne beure différentes contrées de
l'Europe , pour apprendre et pour
pratiquer son art. Il opéra partout
des cures remarquables , et revenu
dans sa patrie il n'y obtint pas
moins de succès. Le roi Jacques II
le nomma son médecin - oculiste , et
il porta le titre de médecin du
roi jusqu'à sa mort qui eut lieu
WOO
^97
en i^So. Woolbouse a inventé
])lusieurs instruments utiles , et
public quelques écrits que l'on
peut encore consulter , savoir : î.
Catalogue d'instruments pour les
opérations manuelles des yeux ,
1696, in-8'*. C'est une description
de divers instruments, dont plusieurs
sont de l'invention de Woolliouse ,
et peuvent être considérés comme
des découvertes importantes. II. Ex-
périences des différentes opérations
manuelles que le sieur de Wool-
liouse, gentilhomme et oculiste du
roi d'Angleterre^ afaitesaux yeux,
171 1 , in-i'2. 111. Observations cri-
tiques sur le livre anglais de P.
Kennedy , intitulé Ophthalmogra-
phia. IV. Avis de M. de Wool-
house sur une nouvelle aiguille à
cataracte qu'il a inventée , et par
le moyen de laquelle il abat faci-
lement toute cataracte adhérente
du côté de la tempe , 1 720 , in-8^.
V. Mémoire communiqué ( inséré
dans le Journal des savants en
1720), sur la quantité d'humeur
aqueuse, contenue dans chacune des
deux chambres comprises entre la
cornée et le cristallin. Ce Mémoire
est principalement destmé à com-
battre les opinions du docteur Heis-
ter , qui eut de nombreuses disputes
avec Woolhouse, et qui supposait une
plus grande quantité de liquide entre
la cornée et l'uvée. Dans deux lettres
adressées au père Lebrun de l'Ora-
toire , et dans plusieurs articles qui
furent insérés au Mercure de France
depiifs le mois d'octobre 1708, jus-
qu'au mois d'avril 1709 , Wool-
house donna une idée du système des
anciens , et surtout de celui d'Hippo-
crate sur le glaucome et la cata-
racte. Saint-Yves fut aussi un des
adversaires de Woolhouse; et, dans
son Traité des maladies des yeux 5
iqH WOO
ce docteur qualifia de/aux rapports
les expériences alléguées par l'ocu-
liste anglais. Wooiliouse a concouru
avec Pallin à une traduction fla-
mande du Traité des maladies de
l'œil , de Maîtrejean ( F. ce nom),
imprimée à Leyde en 1714? in- 4°. ,
et qu'il a enrichie de nombreuses
additions. Le Cerf , médecin de
Francfort , a traduit en latin et pu-
blié en un vol. in-S*^. tons les écrits
de Wooiliouse ; et il y a j oint une no-
tice de plus de quarante opérations
manuelles pratiquées par cet ocu-
liste. Z.
WOOLLETÏ (William), gra-
veur anglais , né le 2-^ août » 735 , à
Maidstone dans le comté de Kent ,
était fils d'un artisan. Ayant été mis
dans une école de son pays natal ,
il s'y amusait à tracer sur l'ardoise
les traits de ses condisciples et ceux
des amis de son père. Un graveur,
nommé Tinney, vit un échantillon
de son savoir-faire, en conçut des
espérances , et le reçut dans son
atelier. Là William fit des progrès
rapides , et porta l'art de graver ,
particulièrement le paysage _, à une
grande perfection. Il n'eut guère
moins de succès en traitant les
sujets historiques et le portrait.
On a regardé comme un grand
avantage pour le peintre Wilson
d'avoir rencontré un graveur aussi
habile , et qui a su saisir et rendre ,
avec !e burin, le feu même de ses
idées. On cite surtout les estampes
de Niohë et de son pendant Phaé-
ton ; Céladon et Amélie ; Ce^'x et
Alcjom^ , et la Pêche , toutes d'a-
près les meilleurs tableaux de Richard
Wiîson ; le Portrait de Rubens ,
d'après Van Dickj la mort du géné-
ral WoU'e (Foj-. ce nom) , et la Ba-
taille de la Bofne, d'après Benja-
min West. Les bonnes épreuves de
WOO
ces estampes se vendent à de très-
hauts prix , et figurent dans les col-
lections dont le goût a dicté le choix.
Ce graveur, aussi modeste qu'ha-
bile, mourut à Londres le ^3 mai
1785. Un monument élégant a été
érigé h sa mémoire dans le cloître
de l'abbaye de Westminster. Strutt ,
dans son Dictionnaire àes graveurs ,
a fait le plus grand éloge de son ta-
lent et de son caractère. Z.
WOOLSTON (Thomas), né en
1669 ^ Northampton , fit ses étu- A
des dans l'université de Cambridge , f
oi^i, la modicité de sa fortune ne lui
permettant pas d'aller au-delà du
degré de bachelier, il se livra au
ministère de la chaire évangélique.
Ses talents , sa vie sobre et retirée,
sa piété exemplaire _, sa charité en-
vers les pauvres prévinrent singuliè-
rement en sa faveur. Il joignait à
toutes ces, qualités une belle imagi-
nation et un savoir très étendu. Mais
tous ces avantages perdirent de leur
mérite par son goût pour les inter-
prétations allégoriques de l'Écriture,
qu'il poussa depuis jusqu'à l'extra-
vagance. Il manifesta ce goût pour
la première fois , et d'une manière as-
sez sensible, dans son Rajeunisse-
ment de Vanciemie apologie de la
religion chrétienne contre les Juifs
et les Gentils. Là , il prétend prouver
qu'il n'y a que des athées , des déis-
tes et des apostats qui puissent s'at-
tacher au sens littéral et historique •
que Moïse n'est qu'un personnage
allégorique , et toute son histoTe
qu'un type de celle de Jésus-Christ j
enfin , que les miracles de l'Évangile
comme ceux du Pentateuque ne sont
que de pures allégories. Cet ouvra-
ge , tout bizarre qu'il était , n'eut
point de suites fâcheuses pour l'au-
teur, parce que jusque-là il avait
montré un grand zèle pour la reli-
woo
gion , et qu'il en publia , presque
dans le mcme temps, un antre pour
démontrer la mission de Jésus-Christ.
Mais il ne tarda pas à se rendre
suspect par ses Ori^enis Adamanlii
Epistohi' duœ, et par un Recueil d'au-
tres Lettres , où il se proposait de
délivrer l'Écriture sainte et les saints
Pères de ce qu'il appelait les minu-
ties de la lettre , et de prouver que
les quakers approclient plus que
toutes les autres sectes des principes
et de la pratique des premiers chré-
tiens. Ces deu\ ouvrages furent sui-
VIS d un troisième , où l'auteur pré-
tendait que les prêtres mercenaires
sont les adorateurs de la bète de l'A-
pocalypse et les ministres de l'Ante-
Glirist. Enlîn, il déchira entièrement
le voile dans le Modérateur entre
un incrédule et wi apostat , cù il
établit que , pris à la lettre , les mi-
racles ne prouvent point que Jésus-
Christ soit le Messie ; système qu'il
développa encore plus amplement
dans les années 172'j , 28 et '29, par
les six fameux Discours sur les mi-
racles de Jésus-Christ , qui les ré-
duisaient h de simples allégories. Ja-
mais on n'avait rien vu de si indé-
cent et de si j^rossier sur un sujet
aussi respectable : jamais on n'avait
proféré autant de blasphèmes contre
Jésus-Christ. Tout ce système roule
sur ces trois points: que les miracles
du Nouveau -Testament sont très-
douteux en eux-mêmes ; que le récit
des évangelistes n'olFre que des ab-
surdités , si l'on s'en tient au sens
littéral ; que toute l'antiquité a for-
mellement rejeté ce sens , et qu'elle
s'est attachée au sens allégorique.
Avant que Woolston eut public ces
discours , on n'avait pas paru tiès-
alarmé de ses paradoxes _, soit
qu'on le regardât comme un fou,
dont les extravagances offraient
WOO 199
une re'futation suffisante de ses er-
reurs 'j sôit qu'on jugeât qu"'un sys-
tème aussi absurde ne pouvait faire
de fâcheuses impressions. Mais la
chaleur qu'il mit dans ce dernier
ouvrage, et le fiel qu'il y versait sur
le clergé, n'annoncèrent que trop que
son véritable but était de saper la
religion par un de ses principaux
fondements. Ces inquiétudes s'accru-
rent par le concours des libres-pen-
seurs chez son libraire, pour acheter
à \m très-haut prix ses pamphlets ,
dont on faisait même des pacotilles
pour l'Amérique; ce qui , au rapport
de Voltaire, en augmenta le débit jus-
qu'à trente raille exemplaires. Les plus
habiles théologiens s'empressèrent
d'opposer une digue à ce torrent
d'impiétés. On vit paraître , en assez
peu de temps , au-delà de soixante
écrits , plus ou moins considérables,
contre le nouveau système : le doc-
teur Gibson , évèque de Londres, au-
quel il avait dédié le premier de
ces discours , y opposa une instruc-
tion pastorale qui eut le plus grand
succès. Le docteur Pearce , depuis
évêque de Bangor , et plusieurs au-
tres entreprirent de discuter à fond
l'ensemble du système ; mais , de
tous les apologistes qui se signalèrent
dans cette controverse , celui dont
l'ouvrage, vraiment original, fixa le
plus l'attentiondu public, fut Thomas
Sherlock , par ses Témoins de la
résurrection de Jésus-Christ , exa-
minés et ju^és selon les règles du
barreau. Woolston fut contraint
d'avouer que ses principales dililcul-
tés y étaient pleinement résolues , et
il se trouva hors d'état d'y répon-
dre. Toutes ces contradictions ne
firent qu'accroître sou déchaînement
contre le clergé, sans aucun égard
pour les vertus , les talents et le rang
des personnes. C'est dans ses diatri-
aoo WOC)
Les que Voltaire a fait une ample
récolte pour les nombreux écrits
dont il a inonde la France, pendant
la dernière moitié de sa longue car-
rière. L'orage qui s'était e'ievc con-
tre Woolston ne se termina pas par
de simples réfutations de ses erreurs.
L'université' de Cambridge le raya
de la liste de ses membres _, et le
priva des émoluments de sa place au
collège de Sidney. Le procureur- gé-
ne'ral de la couronne le dénonça au
banc du roi , où il fut condamné à
vingt-cinq livres sterling d'amende
pour chacun des six discours , et à
tenir prison pendant un an , au bout
duquel il ne pourrait être mis en
liberté qu'en fournissant deux cau-
tions de mille livres sterling , ou qua-
tre cautions de cinq cents livres cha-
cune. Personne n'ayant voulu répon-
dre pour lui, il resta en prison jusqu'à
sa mort, arrivée le 2 1 janvier 1 78 1 .
Son dernier soupir fut plus tran-
quille que ne l'avait été toute sa vie.
« Voici le terme où tout homme
» doit arriver, dit-il à sa garde j je
» supporterai cette épreuve , non-
» seulement avec patience , mais en-
» core sans répugnance. •» Il expira
en prononçant ces dernières paroles,
après s'être fermé les yeux et les lèvres
avec ses doigts , afin , dit-il , de mourir
plus décemment. C'est principale-
ment à ses fameux discours contre
les miracles , que Woolston a dû sa
grande renommée parmi les philoso-
phes incrédules. Voltaire, en recueil-
Jant ce qu'ils contiennent de plus
propre à décrier ceux du Nouveau-
Testament, s'est appliqué à leur don-
ner un travestissement burlesque ,
qui enchérit sur les impiétés de l'au-
teur anglais. Tout en paraissant blâ-
mer le ton grossier et le style indé-
cent de ce maniaque , il en annonce
l'ouvrage comme plein de vigueur ,
00
et laisse apercevoir une secrète com-
plaisance à remettre sous les yeux
des lecteurs français les phrases, les
expressions , les traita licencieux et
satiriques qui découlent avec abon-
dance de l'imagination extravagante
du philosophe anglais. On trouve
de plus amples détails sur la per-
sonne , les ouvrages et les systèmes
de Woolston dans le second tome
de V Histoire du philosophisme ari'
i^lais , par l'auteur de cet article.
T— D.
WOOLTON ( John ), évêque an-
glican , ué , en \ 535 , à Wigan en
Lancashire, était neveu du célèbre
doyen Nowell. Il étudiait au collège
de Brasennose , dans l'université
d'Oxford , lorsque la persécution re-
ligieuse Tobligea d'aller , en 1 555 ,
joindre en Allemagne son oncle qui
s'y était réfugié ) mais l'avèneraerit
d'Elisabeth au trône l'ayant ramené
dans sa j)atrie , il y fut nommé cha-
noine d'Exeter, et plus tard curé de
Spaxton , dans le diocèse de Wells.
Ses connaissances théologiqués et le
zèle qu'il manifestait en chaire lui
valurent de l'avancement dans sa
carrière , tandis que son dévouement
pendant la peste qui ravagea Exeter
lui gagna les cœurs de ses conci-
toyens. Il fut élu , en 15^5^ gardien
du collège de Manchester , et , en
1579, fut sacré évêque d'Exéter. Ce
prélat , plein d'activité , dictait
encore à un secrétaire deux heures
avant sa mort. S'appliquant le mot
de Vespasien_, il disait qu'un évêque
doit mourir debout j et ce fut en
elFet ainsi qu'il expira , en 1 594.
La vigilance qu'il exerçait dans son
diocèse l'avait exposé à l'animosité
de ceux qui étaient intéressés au
maintien des abus , et ce sentiment
se manifesta par une suite d'accusa-
tions qui se trouvent consignées dans
WOR
Tappendix de la vie de l'archevêque
Parker , par Strype , mais l'cvê-
qiic d'Exeter se justifia complète-
ment. Il est auteur de quelques trai-
tes de théologie publies dans les an-
nées iS-jG et ^5']'] y entre autres:
le Manuel du Chrétien : de la Cons-
cience ; V Immortalité de Vame ;
la Forteresse des fidèles. L'une de
ses filles épousa Tevcque Godwiii ,
à qui l'on doit quelques ouvrages
historiques et biographiques. L.
WORGESTER (le marquis de).
V. Newcomen.
WORGAN (John Dawes), poète
anglais , a laisse! quelques produc-
tions qui annonçaient un talent dis-
tingue , mais qui n'eut pas le temps
de mûrir , et doit être ainsi considère
comme un des esprits les plus préco-
ces de l'Angleterre. Le célèbre doc-
teur Jeûner , inventeur de la vaccine,
dans la maison duquel il demeurait,
çn qualité de gouverneur particulier
de ses enfiinls , avait de bonne heure
démêlé ses heureuses dispositions,
mais avait en même temps prévu sa
fin prématurée , suite d'un dévelop-
pement trop rapide des facultés de
l'esprit. Worgan mourut au mois de
juin 1809, n'étant âgé que de dix-neuf
ans. On a publié , après sa mort , un
Choix de ses poésies (Select poems),
181 '2, en un volume in -S*'., qui a
eu plusieurs éditions. Z.
WORLIDGE (Thomas), peintre
anglais ,né en i-joo à Péterborough^
dans le comté de Norlhampton , et
mort à Hamraersmith le iZ sept.
i-jGG , mérita par ses talents le sur-
nom de Rembrandt anglais. Sa mère,
restée veuve avec une fortune consi-
dérable y lui lit apprendre le dessin
et la peinture sous Grimaldi , et en-
suite sous Louis Boitard , qui le con-
duisit même en Hollande et en Flan-
dre. Malgré les leçons et les encou-
WOR -201
ragemenls de ces maîtres habiles ,
Worlidgene voulut point s'adonner
aux genres les plus élevés de la pein-
ture j et peut-être eut-il raison. ]ja
plus grande partie de sa vie se
passa à peindre la miniature. 11 lit
ensuite divers essais , tous égale-
ment infructueux , pour l'exécu-
ter à l'huile. On estime beaucoup ses
copies et ses têtes à la mine de plomb.
Gependant il faut avouer que, si quel-
ques-unes méritent d'être distinguées,
d'autres sont très -médiocres. C'est
surtoutà son talent, comme graveur,
que Worlidge doit sa réputation. On
a de lui une infinité de gravures à
l'eau-forte , et dans le goût de Rem-
brandt. Les plus recherchées sont
celles qu'il a réunies sous le titre de
Collection choisie de dessins tirés
des pierres précieuses antiques ^pour
la plupart dans la possession de la
grande et petite noblesse du royau-
me , gravées à la manière de P.
iTemhrandt , Londres , 1 768, 2 vol.
petit in-fol. Cet ouvrage par lequel
Worlidge mit lin à sa carrière est
magnifiquement exécuté , et se com-
pose de cent quatre-vingts planches ,
non compris le portrait qui est à la
tête du premier volume, la Méduse
placée vis-à-vis du tome 11 , et la
dernière figure quireprésente^ercw/e
étouffant un Z^'o^î. Quoiqueportant le
millésime de 1768, cette collection
n'a réellement paru telle que nous
venons de l'annoncer qu'après 1780,
et par conséquent , quinze ans après
la mort de l'auteur. Un certain nom-
bre d'exemplaires avaient été tirés
auparavant , mais sur petit format
et sans texte , de sorte que, malgré la
supériorité des épreuves , cette pre-
mière masse d'exemplaires est moins
recherchée. -Quelques amateurs ce-
pendant ont augmenté la valeur de
la collection, en y joignant le texte
2oa WOR
qui parut douze ans après l'appari-
tion de l'ouvrage. On doit concevoir
d'après cela pourquoi le libraire,
ayant à cœur de faire passer le tirage
de 1780 pour l'édition originale ,
fit antidater les nouveaux exem-
plaires qu'il livrait au public. Plu-
sieurs artistes anglais ont clierche'
à contrefaire la manière de Worlidge,
et y ont si bien réussi que les ama-
teurs ont peine à distinguer des es-
tampes contrcf.ùtes celles qui appar-
tiennent véritablement à ce maître.
P OT.
WORM (Olaijs), en latin iror-
mius , savant danois , ne , le 1 3 mai
i588, dans la ville d'Arhus en
Jutland , étudia d'abord les langues
grecque et latine à Lunebourg . d'où
il partit, en i6o5 , après un séjour
de six ans , pour visiter les universi-
tés de Marpourg, de Giessen , de
Strasbourg , de Baie et de Padoue.
11 s'y livra principalement à la mé-
decine, fréquenta les leçons de Zwin-
ger, de Baubin et de Plater; se fit
connaître d'Acquapendente, et par-
tout se fît remarquer par la vivacité
de son esprit et son infatigable amour
du travail. Se dirigeant ensuite vers
la route du Danemark , il passa par
Montpellier , fit un séj our de quelques
mois à Paris , où il se lia avec Ca-
saubon et Riolan ; parcourut la Hol-
lande _, et enfin arriva à Copenhague.
Il n'y resta que peu de temps , et re-
tourna à Marpourg , d'où il passa à
Bâle
pour p
rendre le bonnet de doc-
teur dans la faculté de médecine,
puis en Angleterre. Revenu dans la
capitale du Danemark en i6i3, il
occupa successivement , dans le col-
lège de cette ville , la cliaire de lan-
gue grecque y celle de physique et en-
fin celle de médecine, daujj laquelle
il ne se distingua pas moins, par l'é-
clat de son enseignement , que le
WOR
célèbre Gaspard Barlholin , son
prédécesseur. Peu de temps après , il
devint chanoine de Lunden et méde-
cin du roi Chrisliern V. On lui doit
la découverte des petits os qui se dé-
veloppent quelquefois accidentelle-
ment le long de la suture lambdoïde ,
et qui , pour cette raison, ont retenu
le nom cVos wormiens. Worm n'é-
tait pas moins versé dans la juris-
prudence et l'histoire que dans la
médecine. 11 était surtout très - pro-
fond dans la connaissance des anti-
quités danoises 5 et il en avait formé
un cabinet extrêmement curieux. Il
exerçait les fonctions de recteur de
l'académie de Copenhague, lorsqu'il
mourut le 7 septembre i654. On a
de lui un grand nombre d'ouvrages
très- estimés , et presque tous de la
plus haute importance pour l'histoi-
re politique , ecclésiastique et litté-
raire du Danemark. Voioi les ti-
tres des principaux : I. Selecta con-
trôle rsiarum medicarum centuria y
Bâle , 161 1 , in-4'*. H. Qiiœstionum
Hesiodicarum Heptades diiœ , Co-
penhague, 1616 , in-40. 111. Quœs-
tionum miscellanearum decas , Co-
penhague, i6-22 , in-4".IV Histo-
ria J\orivegica , Copenhague, 1 628,
in- 4*^- V. Commenlaria in libres
Aristotelis de mundo , Rostoch ,
1625, in-80. VI. Institutionum
medicarum epitome , Copenha-
gue, 1640, in -4°' ^11- Rcgum
Daniœ séries duplex , et limitum
inter Daniam et Sueciam descrip-
tio , Copenhague, 1642. VllI. Da-
nicorum monumentoium lib. vi , è
spissis antiquitatum, tenehris eruti y
Copenhague , ifi^S , in-fol. IX. Fas-
ti Danici ^UTiivcrsam tempora com-
putandi rationem antiquitùs in Da-
nid et vicinis regionihus observa-
tam exhibentes ( en trois livres ),
Copenhague, 1 643 ? in-fol. X. Spe-
à
WOR
cimen lexici runici , Copenhague ,
i65o , iii-fol. XI. Runica , seu Da-
nica littcratura anliquissima , Go-
thica dicta , ciim dissertaticne de
priscd Danorum poesi , Co])enliagiie,
1 652 .XI I . Historia aniinalisquodin
Norwegid quandoque è nuhibus de-
cidit et sata et gramiim depascitur,
Copenhague, it)53 , in-4*'. Liniië
a ëcîairci cette histoire dans les Actes
de Stockholm et les Transactions phi-
losophiques. XllI. De renum offi-
cio in reniedicd et venered , 1670,
iii-80., avec la dissertation de Jh.
Bartholin , Deusii flagrorum. Nous
joindrons à cette nomenclature ,
d'une part, les deux opuscules in-
titules : Talshoi , seu moniimen-
tum stroense in Scanid , Copen-
hague, i6'i8 , in-4*'.^ et Monu-
mentum trigwaldense , Copenha-
gue , 1 636 , in - 4**. , et de l'autre , le
Musœum JVormianmn , l.eyde ,
i655 , in -fol., fig. ; description
précieuse des choses rares, soit na-
turelles, soit artificielles, danoises et
étrangères , tpi'il avait rassemblées
dans son cabinet. C<'t ouvrage, dont
toutes les données utiles ont depuis
long-temps passé dans l'histoire,
l'archéologie et -la science ethnogra-
phique, et qui a été publié par le fils
de l'auteur, semble avoir perdu de son
prix , et ne figure maintenant que
dans les bibliothèques de quelques
curieux ou des antiquaires de pro-
fession. Voyez, pour plus de détails,
VÉlcge de VV orm , dans Thom. Bar-
tholin, Cista medica; Moller, Hj"
pomnemat. ad BarlhoL , pag. 355
et suiv., et Alb. Bartholin , Tractât.
de scriptis Danorum. R-d-n et P-ot.
WORM (GuiLLAifME), fils du
précédent, naquit, le 11 septembre
l633 , à Copenhague, 011 il fit ses
études médicales, sous la direction
de son père et de Thomas Bartholin.
WOR
:io3
Il alla les achèvera Leyde, et voya-
gea ensuite dans les Pays - Bas , en
Angleterre, en France, en Italie, et
reçut le bonnet de docteur à Padoue^
en 1637. Il accompagna , plus tard;,
le célèbre Pierre de Castro à Mantoue,
et reçut de lui de très -utiles leçons.
Hevenu dans sa patrie, il y exerça la
médecine avec beaucoup de distinc-
tion , et fut nommé successivement
professeur de physique expérimenta-
le, historiographe du roi et président
du tribunal suprême de justice. Ce
fut lui qui publia le Catalogue des
monuments rassemblés dans le cabi-
net de son père (F^. l'art, précédent).
11 mourut en 1 704. On a de lui deux
Lettres en latin sur les vaisseaux
lymphatiques et le réservoir du
chyle , qu'il écrivit de Leyde _, en
i653 et i654, à T. Bartholin, et
qui ont été publiées dans la seconde
centurie Aç cc\u\-ci. Tj.
WOROIN ZOW ( Michel - L arîo-
HowiTCH, comte de) , grand-chan-
celier de l'empire russe, naquit à
Pétersbourg , en 1 7 t o , d'une ancien-
ne et illustre famille. Un de ses an-
cêtres, Alexandre Weljaminowitch ,
s'était fait remarquer, dans le dix-
septième siècle, par des actions d'é-
clat , en combattant les kalmoucks.
Larion Woronzow , major-général,
qui mourut en 1750 , était père de
Michel. Celui-ci fut un des favoris de
l'impératrice Elisabeth , qui le nom-
ma , en 1744? vice-chancelier de
l'empire , et le combla de toutes sor-
tes de bienfaits. Woronzow dirigeait
toutes les grandes affaires dans le
département de l'intérieur et dans
celui des relations étrangères. Son
crédit augmenta encore sous Pierre
lit , par l'influence de sa nièce ,
maîtresse de ce prince. Il se trou-
vait à Oranienbaum , lorsque la
conjuration ourdie par Catherine
iio4 WOR
cclala à Pelersbouri? ; et il eut le
courage de demander à l'empereur
l'ordre de se rendre auprès de cette
p-rincesse, afin de la faire rentrer
dans le devoir par des représenta-
tions. Cet ordre lui fut bientôt don-
ne y mais , comme on le pense , ses
discours n'eurent aucun elfet auprès
de Catherine , dès-lors trop avancée
pour reculer dans son entreprise.
Voyant bientôt que toutes les proba-
bilités étaient en faveur des ennemis
de Pierre , et sentant combien sa po-
sition était fausse , le chancelier se
jeta aux pieds de celle qui allait de-
venir souveraine , et lui prêta ser-
ment, en disant : « Je vous servirai
» au conseil ; mais je vous suis inu-
» tiieau combat. Ma présence pour-
» rait même y déplaire h vos amis.
» Pour ne pas leur faire ombrage,
w je supplie votre majesté de me
»> laisser dans ma maison sous la
» garde d'un ofticier. » Catherine y
consentit j et Woronzovv se trouva
dès-lors sinon au-dessus des repro-
ches de trahison et d'hypocrisie , du
moins à l'abri des vengeances du
parti de l'impératrice et des soup-
çons de l'empereur. Bien plus, lors-
que la révolution fut achevée , et que
le trône fut assuré à Catherine , il
rentra dans ses fonctions de chance-
lier, et parut même jouir de quelque
faveur. Mais ayant voulu faire des
représentations à l'impératrice sur
le projet qu'elle avait formé d'épou-
ser Orlolï", il vit cette princesse se
refroidir à son égard , et prévint une
WOR
mrrce sous Catherine II. 11 signa , en
cette qualité , plusieurs traités avec
l'Angleterre et les différentes puis-
sances du Nord, en 1792 et 1793,
et fut ensuite ministre de Russie à
Londres. Rappelé, sous le règne de
Paul 1^1 . , il vécut dans la retraite ,
et ne rentra en crédit que s ous A lexa n-
dre , qui le nomma ministre des af-
faires étrangères et chancelier de
l'empire , dignité que le comte Wo-
ronzow conserva jusqu'à sa mort , ar-
rivée en déc. i8o5. C'était un homme
instruit et d'une grande habileté ,
mais fort irascible, et ne sachant
pas toujours garder la mesure qu'exi-
gent les affaires de la diplomatie. —
WoRONzow ( Elisabeth Romanow-
na ) , sœur du précédent , et de la
princesse DaschkotF, fut maîtresse de
Pierre III, lorsqu'il n'était encore que
grand-duc , et devint comtesse et fa-
vorite en titre, lorsque ce prince fut
monté sur le trône. L'empereur mê-
me se proposait de répudier Cathe-
rine pour épouser son amante; et l'on
ne peut douter que cette promesse, im-
prudemmentdivulguée , n*ait précipi-
té la catastrophe qui termina la puis-
sance et la vie de ce malh eureux prin-
ce (r. Pierre m, XXXIV , 36r). A
cette terrible époque, la comtesse
Woronzovv ne sut donner aucun bon
avis à son timide amant ; et , tandis
que sa sœur cadette dirigeait par ses
conseils et son exemple le triomphe
de Catherine, les soldats la dépouil-
lèrent de son cordon , qui fut à l'ins-
tant même donné à la princesse
disgrâce absolue en demandant sa Daschkofï'C ^. Catherine 11 , VII
retraite. Ce ministre ne^^manquait ni
de courage, ni d'habileté; il mourut
à Pétersbourg le 1 5 février 1767.^
— WoRONZow ( le comte Alexan-
dre ) , neveu du précédent , était
fils d'un sénateur, et fut ministre
ou président du département du coni-
384 )• Kxi'ee par l'impératrice à
quelques lieues de Moscou , elle fut
bientôt rappelée, et mariée à l'ami-
ral Palenski. Dès ce moment, elle se
conduisit avec beaucoup de sagesse j
et plus tard sa fdle devint dame
d'honneur de Catherine II. M-d j.
WOR
WORSLEY (John), auteur an-
glais , se distingua particulière-
ment comme helléniste. On a de
lui une Traduction du Nouveau-
Testament , accompagnée de notes,
I -j-jo , in-8». Il était chef d'une mai-
son d'éducation établie à Herlford ,
et que, après lui , son (ils , également
nommé John Worsley, continua de
diriger pendant trente ans. Celui - ci
publia , en 1770, in-H». , une Gram-
maire de la tangue latine , estimée
pour la simplicité et la clarté des ex-
plications , et un Paradigme des
verbes français. 11 mourut en 1 807 ,
âgé de soixante-dix ans. Z.
WORSLEY ( Sir Richard ), his-
torien anglais, né dans l'île de Wight
en 1751, mourut en i8o5 , après
avoir passé la plus grande partie de
sa vie dans des négociations diplo-
matiques. On a de lui deux ouvrages
eslimés : L Histoire de Vile de
Wight , Londres , 1781 , in-4'\ ,
lig. II. Muséum fVorslejanum on
Collection de bas-reliefs antiques ,
de bustes , de statues , de pierres
précieuses gravées, avec les vues de
plusieurs places du Levant , prises
sur les lieux dans les années 1 780 ,
86 et 87 , Londres (de l'impress. de
Bulmer) , 1794-1803, 2 vol. gr.
in-fol. Ce recueil, dont le titre indi-
que suihsauiment.le contenu ou l'ob-
jet, n'est pas seulement recommanda-
liîe par son mérite réel , il se distin-
gue de plus parmi toutes les collec-
tions de ce genre, parlamagniljcence
avec laquelle il est exécuté , et qui en
fait un des chefs-d'œuvre de l'art
typographique et de la chalcogra-
phie réunis. Les pierres gravées de
Mariborough, seul ouvrage digne de
lui servir de pendant , ne peuvent
pourtant pas lui être comparées pour
le fini et le précieux de l'cxccu-
. tion. On peut ajouter à cela que le
WOR 2o5
livre est d'une extrême rareté ,
n'ayant été tiré , suivant une lettre
de l'auteur , qu'à cinquante exem-
plaires ( à deux cents ou deux cent
cinquante selon quelques bibliogra-
phes ). La dépense totale de l'im-
pression fut de vingt-sept raille li-
vres sterling ( plus de six cent mille
francs). Le texte est en anglais et eu
français. Mais il ne se trouve pas
dans une partie des exemplaires du
second volume. L'auteur annonçait
en outre un Appendix qui devait
contenir un catalogue descriptif
des marbres , pierres gravées , pein-
tures et dessins non iigurés dans
l'ouvrage. La partie la plus essen-
tielle de sa collection est la réunion
de cent cinquante gravures dont
les dessins ont été exécutés par
d'habiles artistes anglais et italiens.
Les plans des villes du Levant sont
aussi très-beaux. On peut consulter
sur le Muséum TVorslefanum M.
Dibdin , Bibliomania , pag. 7 12, et
M. Savage ( Librarian , tom. i ) qui
en donne une description très-dé-
taillée. P OT.
WORTHINGTON ( Thomas ) ,
naquit vers le milieu du seizième siè-
cle , à Blainscough , dans le comté
de Lancastre , d'une famille noble et
ancienne. Son père était catholique;
mais , dominé par la crainte , ou en-
traîné par l'etrervescence du temps ,
il assistait aux cérémonies de la reli-
gion anglicane , conformément aux
ordonnances de la reine Elisabeth.
Le jeune Worthington commença
ses études à l'université d'Oxford,
dont il se détacha ensuite par aver-
sion pour les principes hétérodoxes
qu'on y enseignait. Il se rendit , en
1573 , à Douai, au collège des An-
glais , fondé par le cardinal Alan
( P^oj^, ce nom ) , où il reçut le grade
de bachelier en théologie ; puis à
2o6 WOR
Reims , où il fui eleve au sacerdoce.
Alors ses supérieurs le renvoyèrent
dans sa patrie , pour y travailler au
rétablissement de la religion. Le re-
toiu' de Worthington alarma son
père , qui , edrayè par les èdils sé-
vères publiés contre ceux qui recèle-
raient des prêtres catholiques , épiait
toutes ses démarches , dans l'inten-
tion , s'il était découvert , de le
remettre lui-même entre les mains
des magistrats.'Wortliington, par sa
prudence , évita cet imminent dan-
ger ; ii procura même un asile, clans
des maisons sûres, à Edm. Campian
( Fof. ce nom ) , et parvint ainsi à
le soustraire pendant quelque temps
aux reclierches dont il était l'objet.
Après le supplice de ce missionnaire,
Worthington resta encore deux ans
en Angleterre, et il eut le bonheur de
ramener à la communion romaine
quatre de ses neveux , avec lesquels
il se préparait à passer en France ,
lorsqu'un jeune homme , à qui il
avait rendu des services, le dénonça,
et le fît arrêter à Islington , en 1 5<S4.
On le conduisit, chargé de chaînes ,
à la Tour de Londres , où, sur l'ac-
cusation de sortilège , on le tint au
secret pendant plus de deux mois.
Enfin, après une dure captivité , il
fut condamné à la déportation , avec
p'usieurs autres catholiques. En 1 588
Worthington fut reçu docteur en
théologie à Trêves ; mais il quitta
bientôt cette ville pour aller donner
des leçons aux élèves du séminaire
anglais de Reims. Plus tard , le car-
dinal Alan le fit nommer premier
aumônier dans l'armée de Philippe
Il , roi d'Espagne, emploi qu'il exer-
ça de manière à s'attirer le respect
et raffection des militaires. 11 profi-
tait de ses moments de loisir pour
composer des ouvrages théologiques ,
et succéda au docteur Barct dans la
WOR
place de président du collège de
Douai. Étant allé à Rome , il en re-
vint avec le titre de protonotairc
apostolique, et fut ensuite nommé
assistant de l'archi prêtre d'Angle-
terre, c'est-à-dire adjoint au com-
missaire du Saint-Siège dans ce pays.
Déjà avancé en âge , il sollicita et
obtint d'être admis dans l'institut des
jésuites ; mais il mourut dans le comté
de Derby, vers 1626 , avant d'avoir
fait profession. Un article lui est ce-
pendant consacré dans la Bihlioth.
Soc. Jesu. Voy. aussi Pils, De illust,
jingUœ scriptor. , pag. 808 ; et Mar-
racci , Bihlioth. mariana , 11 , tyii.
On a de Worthington : L Une Épî-
tre latine à son frère. IL De mys-
teriis Rosarii , Anvers ^1610. IIL
Une traduction de l'anglais en latin
des Motifs du docteur Rich. Bristow
( f^qf. ce nom), Arras , 1606;
Douai , 1608, in 4"« IV. Catalogus
martjrum in Anglid ab anno iSyo
uscjiie adannwn i(ii'2 , cum narra-
tioiie de origine seminariorum an-
gloruTH. V. L'ancre de la doctrine
chrétienne ^ en anglais. VI. Une
version anglaise de i'Ancien-Testa-
ment , avec des notes. VIL Un
Traité contre Whyte , où sont réta-
blis les passages des Saints Pères al-
térés parce docteur calviniste, i6i5 ,
in-4'^. , en anglais. P — rt.
WORTHINGTON ( John ) , théo-
logien anglican , né à Manchester
en 1618, fit ses études au collège
Énianuel de Cambridge, où il fut
agrégé. Richard «Sterne , qui fut de-
puis archevêque d'York, ayant été
dépouillé, dans ces temps de trouble
et de suspicion, du principalat du
collège de Jésus , Worthington reçut
l'offre de celte place , que son pen-
chant pour la retraite lui rendait peu
désirable j et il ne l'accepta que pour
la remettre à sou prédécesseur , ans-
WOR
sitôt que la restauration fut arrivée.
Il desservit succcssivemenr. plusieurs
cures, entre autres celle de Saiut-Bc-
iie't-Fink , depeiidaut de l'église de
Windsor, où il montra du dévoue-
ment à ses devoirs pendant la j)estc
de i665. Il mourut, le !26 novembre
167 I , à Hackney , où il avait l'em-
ploi de lecteur en théologie. Son goût
pour divers genres de connaissances
l'avait rais en correspondance avec le
savant Samuel IJarllib. L'ëvêque
Fovvler a publié à Londres, en i 704,
in-S'^. , les Mélanges du docteur John
Worlhington ; et le fils de ce dernier
a donné, en I7'25, Londres, in-S"^. ,
ses Discours choisis. Plusieurs de ses
Lettres ont été imprimées dans le
B.f'gister and chromcle de l'évêque
Kennet. L.
WORTHINGTON (William),
théologien anglais , né en i^oS ,
dans le comté de Merioneth , lit ses
études au collège de Jésus , de
l'université d'Oxford, auquel il fut
par la suite agrégé. Il fut quelque
temps maître d'étude à l'école d'Os-
westry, où son éducation avait com-
mencé. Ses qualités morales et son
vaste savoir lui méritèrent l'estime
et la bienveillance de rlare, alors
évêquede Saint-Asaph , qui lui con-
féra le vicariat de Llanyblodwell ,
dans le comté de Salop, et plus tard
le transféra de là dans une autre
cure du comté de Denbigh. Ce pré-
lat, instruit de .^a libéralité impré-
voyante qui lui laissait à peine de
quoi subsister , lui donna un canoni-
cat dans sou église, et une sinécure ,
aiin (ju'il put satisfaire son noble
penchant, sans s'imposer de rude< pri-
vations. L'archevêque Drummond ,
dont il avait été chapelain pendant
plusieurs années, lui donna aussi une
prébende dans la cathédrale d'York.
Ce théologien, qui mourut le6octo-
WOT
207
bre 1778, vivement regretté, est
auteur d'un grand nombre d'écrits,
entre lesquels nous citerons les sui-
vants : I. Essai sur la rédemp-
tion du genre humain , suivi d'u-
ne Dissertation sur l'objet et
V argumentation du livre de Job ,
Londres , 174^, in-8^. II. Le sens
historique de la relation de la
chute ( de l'homme ) , par Moï-
se, démontré et justifié, iu-S».
III. Les preuves du christianisme
déduites des faits et du témoi-
gnage des sens , dans tous les
siècles de V Eglise , jusqu'au temps
présent : en une suite de discours
prononcés d'après la fondation de
RobfM t Boyle , etc. , 1 7(59 , 1 vol. in-
8^\ IV. Théorie sacrée ( the scrip-
tural theory ) de la terre dans toutes
ses révolutions , et dans toutes les
périodes de son existence, depuis la.
création jusqu^au renouvellement
final de toutes choses : suite de VEs-
sai sur la Rédemption, 1773, in-8*^.
V. Irenicum , ou considérations sur
Vimportance de Vunité dans VE-
glise du Christ , pour apaiser nos
malheureuses divisions, 1775, in-S®.
VI. Recherche impartiale au sujet
des démoniaques de V Evangile ,
suivi d'un Essai sur la démono-
logie de l'Ecriture , 1777 , in-
8". Cette vive attaque contre l'o-
pinion soutenue par Hugh Farmer
dans son Essai sur les démoniaques
donna lieu à une réponse non moins
vive, à laquelle Worthington répli-
qua par une Nouvelle recherche au
sujet des démoniaques de l'Evan-
gile , qui ne parut qu'après la mort
de l'auteur , en 1779. L.
WOrTON( Edouard), en latin
Ododunus^ médecin et naturaliste ,
naquit en 149'-* ^ Oxford , où son
père occupait un emploi dans l'uni-
versité. Dès qu'il eut achevé ses éludes
^o8
WOT
WOT
classiques , il se rendit en Italie , dont
les écoles jouissaient alors d'une
grande célébrité; et, après avoir fré-
quente les cours de l'académie de
Padoue, il y reçut, vers i5'io , le
laurier doctoral. A son retour dans
sa patrie , il fut pourvu de la chaire
de langue grecque; et, en 15^5 , il
se fit agréger au collège de médeci-
ne. Ses talents l'ayant fait connaître
promptement, le roi Henri VIII le
nomma son premier médecin, ce qui
l'obligea de s'établir à Londres.
Wotton avait contracté, dans ses
voyages , une étroite amitié avec
George Agricola ( P^of. ce nom , I ,
3i 0;et, à son exemple, il employait
ses loisirs aux recherches d'histoire
naturelle. La lecture de ses ouvrages
et de ceux de Jean Ruel lui fît naître
l'idée de réunir ses observations ;
mais Agricola s'élant occupé de la
minéralogie , et Ruel des plantes ,
Wotton crut devoir se borner à la
partie zooîogique. 11 confia son ma-
nuscrit à J. Mason y ambassadeur
d'Angleterre en France, qui le fit
imprimer par Vascosan en i552.
C'est un petit in-folio assez mince ,
intitulé : De difj'ercntiis anima-
lium lihri decem ; les opinions des
anciens et des modernes y sont clas-
sées et concihées avec autant de jus-
tesse qu'on pouvait le faire à une
époque où l'on ignorait les principes
de l'anatomie comparée , et où l'on
était loin de trouver soit dans des
musées, soit dans les relations graves
et circonstanciées , les moyens d'éta-
blir une nomenclature , etsurtoutune
synonymie. La liste des auteurs cités
par Wotton ne forme pas moins de
neuf colonnes. C'est de cet ouvrage
que Thom. Moufet a extrait ce qui
concerne les insectes pour le refon-
dre dans son Mi?nniorum anima-
liiim thcatrum (Londres, t634,
in^fol. ) , à la tête duquel on lit : Ah
Ed. PFottone ijichoatuîn.Wot-
ton mourut <à Londres le 5 octobre
i555, à l'âge de soixante-trois ans ,
laissant un fils qui s'est acquis une
grande réputation dans la pratique
de l'art médical. W — s.
WOTTON (HenrO, homme d'é-
tat et littérateur anglais, naquit le
3o mars r568 à Boughton-Hall , dans
le comté de Kent, d'une ancienne fa-
mille. Il fit ses études à l'école de
Winchester et à l'université d'Ox-
ford, où il se distingua par la rapi-
dité de ses progrès. Pendant qu'il i
faisait son cours de philosophie, il I
composa une tragédie intitulée Tan-
crède , qui fut représentée par ses
condisciples , et que ses maîtres ho-
norèrent de leurs suffrages. A l'âge
de vingt ans il reçut le degré de
maître-ès-arts , et fit à cette occa-
sion trois leçons sur la structure de
l'œil , que ses auditeurs accueillirent
par des applaudissements unanimes.
Ayant achevé ses études , il visita la
France, l'Allemagne et l'Italie pour
perfectionner ses connaissances par
la fréquentation des savants. De re-
tour en Angleterre après une ab-
sence de neuf ans, il fut choisi pom
secrétaire par le fameux Robert ,
comte d'Essex (^. ce nom). Mais, ce
seigneur ayant été accusé de haute
trahison, Wotton jugea prudent de
quitter une seconde fois l'Angle-
terre , et vint chercher un asile à
Florence. S'étant fait connaître dii
grand-duc, ce prince le chargea d'une
mission secrète auprès de Jacques
VI, roi d'Ecosse. 11 s'agissait d'a-
vertir ce monarque d'un complot
formé contre sa vie. Jacques étant
parvenu, peu de temps après, an
tronc d'Angleterre , se souvint du
service que lui avait rendu Wotton ;
il le créa chevalier , le nomma son
I
WOT
ambassadeur à Venise , et le char-
gea en Italie, en Hollande, eu Sa-
voie et en Allemagne^ de diverses ne'-
gociations qu'il eut le bonheur de
terminer à la satisfaction de son
souverain. Dans un voyage qu'il
fit à Angsboi'.rg , un ami l'a^-ant
prie d'écrire une pensée sur son
album , Wottou y mit celle-ci:
Un ambassadeur est un honnête
homme envoyé dans un autre; pays,
auec la commission de mentir pour
le bien de Vétat. Q lelques années
après , l'album tomba dans les
mains de Scioppius ( F. ce nom ) ,
l'un des plus violents ennemis du roi
Jacques, et il saisit avec empresse-
ment cette occasion de faire suspec-
ter la bonne foi de ce prince, en sou-
tenant que cette maxime e'tait la rè-
gle de sa conduite. En vain Wotton
écrivit pour expliquer ce badinage;
le roi, ne pouvant lui pardonner
d'avoir compromis son caractère,
cessa de l'employer , et lui refusa la
place de secrétaire d'état, qu'il de-
mandait comme une retraile due à
ses longs services. En 1628, Wotton
fut nommé prévôt du collège d'E-
ton _, et il en remplit les devoirs avec
beaucoup de zèle , encourageant de
son crédit et de sa bourse les jeunes^
gens qui montraient le plus de dispo-
sitions , et leur donnant l'exemple de
l'application à l'étude. 11 mourut
dans ce collège au mois de décembre
iGSg, à soixante-onze ans. Par son
testament il ordonna qu'on mît sur son
tombeau l'inscriplion suivante : Hïc
jacet hujus sententiœ prinius auc-
tor: DiSPUTANDI prurjtus eccle-
sIjE scjbies ; nomen alias quœre.
Wotton était un savant distingué et
un homme d'esprit; cependant quoi-
qu'il ait beaucoup écrit, il n'a laissé
aucun ouvrage digne de lui survi-
vre. On en trouvera les titres détail-
WOT
209
lés dans le Dictionnaire de Chaufe-
pié , qui lui a consacré un bon arti-
cle ; les principaux: sont : Eléments
d^ architecture , dont il existe une
traduction latine ; Parallèle entre
Robert , comte d'Essex , et George ,
duc de Buckingham ; des Poésies,
etc. Ils ont été recueillis sous le ti-
tre de Reliquiœ TFottonianœ , Lon-
dres, i65i , 1654, 167*2, i685,
in-8". La quatrième édition est pré-
cédée d'une Vie de l'auteur par Isaac
Wallon ( V^. ce nom ). Outre les
opuscules déjà cités, on y remarque
\es deux Lettres que Wotton écrivit
à Scioppius et au savant Marc
Welser (/^. ce nom ), au sujet de la
maxime qu'on a rapportée, et dont
l'influence sur sa destinée est si re-
marquable. Sir Egerton Brydges a
inséré une Vie de Wotton dans le
2®. vol. du Bibliographe. W — s,
WOTTON (Guillaume), sa-
vant philologue et critique anglais,
naquit, en i66(i , à Wrentham ,
dans le comté de SufTolk. Son père ,
qui remplissait les fonctions de pas-
teur , cultiva ses heureuses disposi-
tions avec le plus grand soin. Il fut
admis à dix ans au collège de Sainte-
Catherine de Cambridge , et il y fît
(^ps progrès si rapides dans les lan-
gues et la littéiature ancienne , qu'il
reçut le grade de bachelier - ès-arts
n'étant âgé que de douze ans et cinq
mois. Invité par le docteur Burnet à
venir à Londres , il y fut introduit
dans la société des savants qui l'ac-
cueillirent avec empressement. L'é-
vêque de Saint-Asaph , Lloyd , l'em-
mena dans son diocèse , et charmé
de plus en plus des talents de son
jeune protégé se chargea de sa for-
tune. Par le crédit de ce prélat , il
fut nommé en 1691 membre du
collège Saint- Jean de Cambridge ; et
dès qu'on lui eut conféré le grade de
i4
o.To WOT
l)achclier en théologie il obtint un
riche bénéfice. Pcn de temps après ,
le comte de Nottiiigham , alors
secrétaire-d'etat , le choisit pour
son chapelain , et lui donna suc-
cessivement plusieurs cures à sa no-
mination. En 1707 , Wotton fut crée
docteur en théologie, et, par une
faveur honorable , dispensé de sou-
tenir les thèses d'usage. Les divers
béuéfices dont il jouissait semblaient
devoir le mettre à l'abri des coups
imprévus de la fortune. Cependant
le mauvais état de ses alTaires l'obli-
gea de se retirer en 1714 dans !e
pays de Galles, pour se soustraire
aux poursuites de ses créanciers.
Quoique privé de ressources , il
trouva moyen d'adoucir l'ennui de
cette retraite forcée , en com-
posant divers écrits pleins d'éru-
dition. 11 revint en 1722 dans
la province de Sussex , et il mourut
le i3 février i'^/i6 à Buxted, où
il fut enterré avec une épitaphe hono-
rable (i). Outre les Vies de Burnet
et de Stanley , insérées dansplusieurs
recueils ('2) , et quelques opuscules
sans importance , on a de lui : I.
Veux extraits du livre d'Aug. Scilla,
sur les corps marins , dans les Tran-
sact. philosoph, , ann. 1695. II. Se-
flections upon ancient and modem
learning , Londres, i6y4 , in-S».
C'est un des ouvrages lesplusintéres-
sants qui aient paru dans la fameuse
querelle de la prééminence des anciens
et des modernes ( F. Perrault ).
Wotton tient un juste milieu entre
les détracteurs et les fanatiques ad-
mirateurs des anciens. La troisième
édition ( 1705, in-S».) est augmen-
(1) Elle est rapportée dajis le Dict. de CLaufe-
pié , rem. L.
(tl) La Notice sur Stanley fut traduite eu latin ,
etpiibliée par Heumaun, à la suile des Elogia Gnl-
lorum de ScéroJe de Sainte-Marlhc.
WOT
tée d'une Réponse aux objections
du chevalier Temple ( Vof. ce
nom ) y et de Remarques sur le
Conte du Tonneau , du docteur
Swift ( V. ce nom ). IlL History
of Rome , c'est-à-dire. Histoire ro-
maine, depuis la mort d'7\.ntonin-le-
Pieux jusqu'à celle d'Alexandre Sé-
vère, ibid. , 1705, in-80. Elle est
très-estimée. L'auteur a fait servir
ses connaissances dans la numisma-
tique à l'éclaircissement de plusieurs
faits encore obscurs ;, et dont il fixe
l'époque avec précision. IV. Lingua-
rum veterum septentrional, thesau-
ri conspectus hrevis , ibid. , 1708;,
in-8''. , rare et recherché ( F. Hic-
REs , XX , 36i ). V. Mémoire sur la
cathédrale de Saint-David ( angl. ),
1 7 17. — Mémoire sur la cathédrale
de Landajf ( angl. ) , 17 19, in-8^.
( Vof. Browne Willis, L, 5(^4 )i
VL Mélanges sur les traditions
les usages des Scribes et des Phi
m^en^ (angl. ) , 1718, 1 vol. in-8<^
VIL Dissertation sur la confusic
des langues à Babel ( angl. ) , Lonj
dres, 17.30 , in-8<\ Il en avait pan
une traduction latine très -défectueuse
à la suite de V O ratio dominica Ai
, Chamberlayne (3). VIII. Cjsreith\
^ jeu Hjvel Dda ac evail ou Lege^
TVallicœ ecclesiasticœ et civilei
Hœli Boni ( gallois et latin ) , cw
rtotis y Londres, 1730, 2 vol. in-
fol. , recueil important pour l'his-
toire du pays de Galles , et îrcs-
cstimé. On trouve dans le Diction-
naire de Chaufepié une notice dé-
taillée sur Wotton. W— s.
(3) Plusieurs auteurs ( D. Cliaudon et ses copis
les ) disent que WoUon avait conçu le projet sin-i
gulier àe Iradalre VOraiioii dorninirnle dans tou-
tes les langues connues. On ne voit pas ce qu'a de
singulier un projet exécuté par CLaniberlayiie et
Marcel (/^. ces noms ). Il prouve seulement que
Wotton possédait au moins les éléments de toule*
les langues parlées.
1
wou
WOU HÉOU ou WOU HOU ANG
HÉOU , impératrice de la Chine ,
naquit à Thaï yuan dans le Chan si.
Wou szii hou , son père , fut depuis
commandant des troupes de King
tchéou, ville du Hou kouang. Le
nom de Wou heou était Tchao , ou
Wou tchao , en le réunissant, selon
l'usage chinois , à celui de sa fa-
mille. Elle montra , dès son enfance,
un esprit subtil , une mémoire très-
heureuse et une facilite de parler
peu commune j se livra de bonne
heure à l'étude , et fit des progrès
étonnants. Elle vécut ainsi jusqu'à
l'âge de quatorze ans dans la maison
paternelle, uniquement occupée du
soin de cultiver son esprit. Sa répu-
tation parvint bientôt jusqu'à l'em-
pereur T ai tsouns, ,^ç\?^ dynastie de
Thang. Ce prince, désole de la mort
de l'impératrice Tchhang sun chi ,
arrivée en 636 de J.-C. , fit venir
Wou tchao à la cour , et l'admit
dans le palais , comme Thsai jin ^
ou dame de compagnie , afin de
jouir de sa conversation. 11 est dif-
ficile de dire si elle était véritable-
ment sa maîtresse ; mais il est cer-
tain que pendant treize ans qu'elle
resta avec lui , elle n'en eut point
d'enfant. L'héritier du trône, qui avait
souvent vu Wou tchao dans le palais
de son père , en devint éperdument
amoureux , sans cependant oser lui
déclarer ses sentiments. Après la
mort de Thai tsoung (649) ? toutes
les princesses et les dames de la cour
se retirèrent , suivant l'usage , dans
le couvent de Kan jé szu pour y
passer le reste de leurs jours. Le
deuil de l'empereur fini, Kao tsoung,
son successeur , étant allé à ce cou-
Vent pour y honorer la mémoire de
son père , y revit l'objet de sa pas-
sion , et ne put s'empêcher de la
laisser éclater par ses soupirs, L'im-
WOU 2TI
fiératrice Wang houang héou qui
'accompagnait s'en aperçut ;|^elle
n'avait point eu d'enfant de l'empe-
reur, et la princesse Chou feï ayant
donné une (ille à celui-ci, elle en avait
conçu une si grande jalousie , qu'elle
résolut de se servir de Wou tchao
pour perdre sa rivale. De retour au
palais , elle envoya à Wou tchao une
coéffure de faux cheveux ;, pour sup-
pléer à ceux qu'on lui avait coupés
en entrant dans le couvent, et elle la
fit venir au palais _, sous prétexte de
la prendre à son service. Kao tsoung,
qui la voyait journellement, ne put
résister à la violence de son amour •
il la mit au nombre de ses femmes ,
et lui donna le titre de Tchao i. D'a-
bord cette nouvelle favorite parut
entièrement dévouée aux intérêts de
l'impératrice ; son premier soin fut
de supplanter Chou feï ; elle y réus-
sit facilement à l'aide de l'impéra-
trice, qui ne s'apercevait pas qu'elle
avait creusé l'abîme dans lequel
elle était près de tomber. Aussitôt que
Wou tchao se crut sans concurren-
te, par la disgrâce de la seule femme
qui pût lui faire ombrage, elle ima-
gina de devenir impératrice. Dix
mois après son entrée dans le palais,
elle accoucha d'une fille, qu'elle sa-
crifia à son ambition j elle l'étoufTa ,
et fit tomber le soupçon de ce meur-
tre sur l'épouse légitime de l'empe-
reur. Ce prince, irrité, résolut de
répudier l'impératrice, qu'il croyait
coupable; mais il ne put exécuter
qu'une année après, en 655 , ce pro-
jet, vivement combattu par les grands
de sa cour. Il conféra en même temps
à W^ou tchao le titre de houang
héou, ou d'impératrice. Cette femme
perverse signala son avènement à
cette dignité par le meurtre de ses
deux rivales , pour lesquelles l'empe-
reur n'avait cependant pas perdu
.4..
212
wou
toute tendresse. Non contente de par-
tager le trône, la nouvelle impéra-
trice , que nous appellerons doré-
navant Woulîëou, voulut y placer
son iils , au préjudice d'un autre iils
de l'empereur , déjà désigné suc-
cesseur et reconnu comme tel par
tout l'empire. Elle réussit encore dans
ce projet, mais ce ne fut pas sans
de grandes difficultés , et qu'après
avoir fait couler le sang de tous ceux
qui avaient osé résister à son ambi-
tion. Wou héou s'élant ainsi entiè-
rement emparée de l'esprit de l'em-
pereur, qui n'était doué ni du génie,
ni des grandes qualités de son père ,
gouverna la Chine en souveraine ab-
solue, jusqu'à la mort de son époux,
arrivée en 683. Elle déposa bientôt
son propre fils , Tclioung tsoung ,
qui avait succédé à Kao tsoung , et
monta sur le trône , sous le titre de
Ifoua/ig thaï héou, ou de la grande
impératrice Auguste. Cette usurpa-
tion excita plusieurs révoltes , qui
furent toutes apaisées. L'impératrice
savait gouverner, et sa sévérité, qu'on
pourrait qualifier de cruauté, tenait
les mécontents en respect. En 638 ,
elle osa offrir le grand sacrifice au
ciel , ce qui était sans exemple dans
les fastes de la Chine. Elle remplaça
à cette occasion le rituel des Thang
par celui de l'ancienne dynastie de
Tchéou , et l'année suivante elle
abolit entièremejit le nom de Thang,
en donnant celui de Tchéou à la
nouvelle dynastie qu'elle prétendait
avoir fondée. Ce ne tut pas seulement
dans l'intérieur que cette princesse
affermit sa puissance ; elle gouverna
avec le même succès les provinces
extérieures de l'empire. Du temps de
son époux , les Tubétains , devenus
très- puissants, s'étaient emparés de
plusieurs contrées de l'Asie centrale.
En 692, ils étaient maîtres de Kouéi
WOU
thsu ( Koutché ) , de Khotan
de
Chou le{ Kachghar) et de Soui yé^
ville située au nord des monts Céles-
tes , sur les rives du Tsoui. Le gou-
verneur ciiinois de 5i tcheou{Tows-
fan) demanda à l'impératrice la per-
mission de les chasser de ces con-
trées. Elle lui envoya une armée
considérable, avec laquelle il battit
les Tubétains , et rentra en posses-
sion des quatre royaumes ou gouver-
nements militaires de l'intérieur de
l'Asie. Le gouA^ernement général des
pays occidentaux fut établi à Kou-
tché , et les princes feudataires qui
avaient abandonné le parti des Chi-
nois se virent forcés de rentrer dans
l'obéissance. Dans l'Orient l'impéra-
trice eut bientôt d'autres guerres à
soutenir contre les Khitans. Ces peu-
ples furent repoussés à l'aide des
Thou khine ou Turcs ,• cependant ces
derniers ne cessèrent pas de faire i
leurs incursions accoutumées dans!
les provinces septentrionales de l'em-
pire. Houang thaï héou avait conçu]
le projet de désigner comme princt
héréditaire de l'empire un de ses]
deux neveux, pour lesquels elle avail
beaucoup de tendresse , mais elle en'
fut détournée par les représentations
de son premier ministre , et par l'in-
fluence d'un autre neveu. Vaincue
par les sages avis de ce dernier , elle
envoya chercher son fils Tchoung
tsoung, qu'elle avait exilé de la cour,
et elle le déclara prince héréditaire,
quoique , d'après les lois de l'état ,
il fût déjà empereur. Elle s'occupa
ensuite de la sûreté de sa famille.
Ayant conduit Tchoung tsoung et tous i
les siens à la salle des Aucêtres , ellej
leur fit jurer , en présence des tablet-
tes représentant leurs aïeux _, qu'ilsj
n'attenteraient jamais, sous aucui
prétexte , à la vie des personnes de
la famille de Ou ; qu'ils les laisse-
wou
raient jouir tranquillement de leurs
dignitc's et de leurs biens , et qu'ils
les défendraient contre quiconque
voudrait les opprimer. Elle fil gra-
ver ce serment sur une taLle de fer,
qui fut pbcc'e dans la salle , afin
qu'elle le rappelât à l'empereur et à
sa famille, toutes les lois qu'ils y
viendraient honorer la mémoire de
leurs ancêtres. Bien qu'avancée en
âge, Houang tliaï liéou ne paraissait
pas (lisjiosee à remettre les rênes du
gouvernement à son fils , maigre
les vœux bien prononces des gr.uids
et du peuple. Enfin une révolution
du palais hâta cet évrnrment. Kn
•;o5 . Tchliang kian tclii , un des
grands de i'em[)ire, auquel s'ctaient
reunis ])lusieurs autres des ])remi<rs
dignitaires , se mit , avec le consen-
tement du prince héréditaire, à la tête
de six cents hommes, força les portes
du palais, et y introduisit Tchoung
tsoung. Cette troupe pénétra jus-
qu'aux appartements de l'impéra-
trice , et en présence de cette prin-
cesse égorgea ses deux favoris , qui
étaient accourus au bruit. Houang
thaï héou , regardant alors son fils
avec cet air de fierté qu'elle avait
coutume de prendre , quand elle
intimait ses ordres, lui ordonna
de sortir du palais , et de faire
retirer tous ceux qui y étaient venus
avec lui. Mais elle apprit alors que
son pouvoir venait de finir. Les
grands de son empire , qui étaient
présents , l'invitèrent à remettre en-
tre les mains de Tchoung tsoung les
rênes du gouvernement. Se voyant
dans l'iniptiissance de résister, elle
conduisit son fils à la salle duTrône,
et lui remit les sceaux de l'empire.
Elle se retira ensuite dans lejialais de
Thoungyangkouen,else fit donner le
titre honorifique de Tse ihian ta ching
houang tiy c'est-à-dire le grand et
WOU
2l3
saint empereur yluguste , imitant
le ciel. Le dépit de se voir éloignée
des affaires la conduisit bientôt au
tombeau ; elle mourut âgée de qua-
tre-vingt-deux ans , au commence-
ntent de l'hiver de la même année
(•joS) , qui avait vu s^évanouir sa
toute-puissance. On ne peut nier que
cette femme extraordinaire ne fût
douée de talents supérieurs, et d'une
fermeté de caractère, qui lui assurent
un rang distingué parmi les monar-
ques les ])lus illustres delà Chine;
mais les moyens qui la firent monter
sur le trône , et la cruauté qu'elle y
déploya , sont une tache que rien ne
peut efïacer. Elle avait conçu le vain
projet de changer que'ques caractè-
res de l'écriture chinoise , et en com-
pensa ])lusieurs qui sont remarqua-
bles p;ir leur bizarrerie. Ce nouveau
genre d'écriture ne fut pas adopté ;
mais on a conservé une partie de ces
caractères dans les dictionnaires ,
comme un objet de simple curiosité'.
Kl — H.
WOUTERS (François) , peintre,
naquilà Lierre en i6i4? etfut élève
de Kubens. 11 ne tarda pas à faire,
sous cet habile maître, les progrès les
plus remarquables ; mais il ne se bor-
na pas à peindre l'histoire : il s'a-
donna aussi au paysage, et n'y mon-
tra pas de moins rares dispositions.
Il enrichissait ordinairement ses com-
positions de petites figures prises de
la fable , telles que Vénus et Adonis,
des nymphes et des satyres, dans
lesquelles on reconnaissait l'esprit et
le goût de son maître. Ses tableaux
en grand n'avaient pas le même mé-
rite. La couleur en esfcordinairement
lourde , et tombe dans le jaune. Dans
ses petits tableaux, au contraire, le
dessin est correct et le coloris agréa-
ble. Ses paysages sont d'un très-bon
ton de couleur. Il excellait surtout à
2l4
wou
peindre des forêts , -et à y faire des
percées à perte de vue. Sa réputation
se repandit avec ses ouvrages. L'em-
pereur Ferdinand II l'appela près de
lui, et lui donna le titre de son pein-
tre. En 1637 , il passa en Angleterre,
avec la permission de ce prince , à la
suite de son ambassadeur. La mort
de l'empereur , arrivée quelque temps
après , et lorsqu'il commençait à réus-
sir parfaitement à Londres , l'obligea
de clierclier un autre protecteur. Le
prince de Galles le prit à son servi-
ce, le nomma son peintre , et lui don-
na l'emploi de son premier valet de
charnière. Mais le désir de revoir son
pays l'emporta sur toutes ces faveurs
et sur les richesses que lui promettait
son talent. 11 revint à Lierre j et de là
il se fixa à Anvers, où, en 1648, il
fut nommé directeur de l'acadë-
mie , place alors fort recherchée ,
et qu'il remplit avec distinction. En
1 659 , il fut atteint, par une main qui
est restée inconnue, d'un coup de
pistolet , dont il mourut, âgé de qua-
rante-cinq ans seulement. P — s.
WOUTERS(CoknÉlie). Vojez
Wasse.
wou WANG, premier empereur
de la dynastie chinoise des Tcheou ,
naquit l'an 1 169 avant notre ère. II
e'tait fils de Wen v^^ang , qu'on regar-
de comme le fondateur de cette dy-
nastie. Il portait îe nom de Fa ou de
Kifa y avant de succéder à son pè-
re, qui mourut en 1 135 ( /^. Wen-
Wang). Il reçut alors le titre de si
pe ou prince de l'Occident , que ce-
lui-ci avait porté , parce que ses états_,
qui formaient le royaume de Tcheou,
se trouvaient dans la partie occiden-
tale de l'empire. A la mort de Wen
Wang , le pays de Tcîiéou était dans
l'état le plus florissant ; et , par les ac-
croissements que lui avait procurés
le gouvernement de ce prince, il
WOU
comprenait les deux tiers du terri-
toire chinois. En 11 28, l'épouse de
Fa lui donna un fils , qui reçut le
nom de Souug. Alors la phipart des
grands , qui s'étaient éloignés du ty-
ran Chéou sin , dernier empereur de
la dynastie des Chang, sollicitèrent
vivement le si pe de prendre les ar-
mes contre ce monstre qui , avec sa
maîtresse Ta ki, souillait le trône
des crimes les plus atroces. Ces re-
présentations réitérées et d'autres
circonstances firent tant d'impres-
sion sur Fa , qu'il passa ^ en 1 1 22 ,
le Houang ho, et réunit plus de huit
cents princes et grands de l'empire à
Meng tsin, dans la province actuelle
de Ho nan. L'empereur Chéou sin ,
instruit de la révolte du si pe , leva
une armée formidable , à la tête de
laquelle il marcha contre lui , et le
rencontra dans la plaine de Mou yé.
A peine les deux armées en étaient
venues aux mains, que les troupes de
Chéou sin lâchèrent le pied , et fu-
rent entièrement culbutées. Le car-
nage fut horrible ; et cette bataille
décida du sort de l'empire. Le sipe ,
disent les auteurs chinois , n'eut be-
soin de se revêtir qu'une seule fois de
sa cuirasse pour rendre le repos à la
Chine. Chéou sin se réfugia dans son
palais de Lin thaï, où , après s'être
paré de ses bijoux les plus précieux,
il fit mettre le feu à l'édifice , afin de
ne pas tomber vivant entre les mains
du vainqueur. Son fils Wou keng ,
chargé de chaînes et monté sur un
char, son cercueil à ses côtés, alla
se présenter au si pe, qui avait déjà
pris le titre de W'ou wang ou roi
victorieux. Ce prince reçut Wou
kcng avec bonté, ordonna qu'on lui
ôlât ses chaînes , et qu'on brûlât son
cercueil. L'impératrice Ta ki, uni-
que source de tout le désordre et de
l'extinction de la dynastie des Chang,
wou
eut l'impudence de se parer magui-
fjqucinent, et de se mettre en mar-
che pour faire sa soumission à Wou
Wang, qu'elle espérait captiver par
ses charmes ; mais les olUciers en-
voyés pour éteindre le feu du palais
la firent saisir et entraîner; et Wou
Wang ordonna de la faire périr.
Après la mort de Cheou sin , le nou-
vel empereur de Tche'ou se rendit
d'abord à Po , dans la partie orien-
tale de la province de Ho nan. Il as-
signa à ceux des descendants de l'an-
cien empereur Houang-ti le pays de
Kio dans le Ho nan^ à titre de sou-
veraineté. l\ donna à un descen-
dant de Yao le pays de Thsou
dans le Hou kouang, et à l'un des
descendants de Chun la principauté
de Tcliin, qui faisait aussi partie du
Ho nan actuel. Enfin il statua que le
pays de Ki servirait d'apanage aux
descendants du grand empereur Yu,
et la principauté de Soung à la fa-
mille de Tcliliing thang. Wou wang
alla ensuite visiter le tombeau de l'il-
lustre Pi kan , à qui le barbare Chéou
sin avait fait arracher le cœur, pour
le punir des avis sages que ce minis-
tre lui avait donnés. Le nouvel em-
pereur lui fit rendre de grands hon-
neurs fiméraires, en présence de toute
la cour. Il délivra ensuite de sa pri-
sou Khi tsu , autre ministre de Chéou
sin , et le nomma roi de la Corée, en
l'exhortant à remplir ses devoirs en-
vers son nouveau suzerain, comme
avaient fait ses ancêtres sous Tchhing
thang et les autres monarques de
la dynastie des Chang. Après avoir
ainsi réglé les affaires, Wou wang
passa le Houang ho, et se transpor-
ta vers l'Occident. Il renvoya tous
les chevaux qui lui étaient inutiles,
et les fit conduire à la montagne
Houa chan dans la partie sud-est
du Chen si. Les bœufs et les autres
WOU
2l5
bêtes de somme qu'on employait du-
rant la guerre à traîner les bagages
furent renvoyés à Thao lin. Les cui-
rasses et les chars armés furent en-
fermés dans des magasins; les lances
et les boucliers enveloppés de peaux
de tigre. Toutes ces réformes n'eu-
rent pour objet que d'annoncer au
peuple que la guerre était terminée ,
et qu'il pouvait désormais jouir des
avantages précieux de la paix. Ceux
d'entre ses officiers qui s'étaient le
plus signalés par leur valeur et leur
fidélité furent faits souverains. Il
érigea des principautés en faveur
de ses frères et de tous ceux qui
s'étaient distingués dans l'adminis-
tration. Il licencia ses troupes ,
à la charge seulement de s'exercer
de temps en temps dans l'art de
tirer des flèches. Dans le même
temps, il établit de nouvelles cé-
rémonies et de nouvelles marques
de distinction. Il promulgua un nou-
veau rituel pour le culte des ancêtres.
Enfin il transporta à Foung, aujour-
d'hui Tchhang ngan hian , dans le
Chen si, la capitale de l'empire, qui
était auparavant dans la province de
Ho nan. Ce prince heureux et bien-
faisant avait rendu le bonheur à la
Chine; mais il commit une grande
faute politique en détruisant l'ancien-
]îe forme delà monarchie pure , et en
lui substituant une espèce de système
féodal. Par le partage qu'il fit du
pays entre ses généraux et les grands,
il n'en garda pour sa famille qu'une
partie proportionnellement peu con-
sidérable. Cette division de l'empire
en tant de petits royaumes portait
en elle un germe de destruction pour
la puissance impériale. Tant que les
successeurs de Wou wang furent as-
sez forts pour maintenir dans l'o-
béissance les petits rois leurs vas-
saux, leur gouvernement conserva
2l6
WOU
une espèce d'unité; mais depuis le
huitième siècle, l'autorité de ces mo-
narques alla toujours en décroissant,
et fut ruinée peu-à-peu par une ving-
taine de petits princes , qui se firent
entre eux des guerres continuelles, et
qui préparèrent ainsi la ruine abso-
lue de la dynastie de Tcliéou. Cette
catastrophe aurait certainement eu
lieu beaucoup plus tôt, si la Cliine
avait eu à celte époque des voisins
aussi formidables que ceux qui l'ont
menacée du côté du nord et de l'ouest,
depuis le second siècle avant notre
ère. Wou v^'ang , en montant sur le
trône, choisit pour premier ministre
son frère Tchéou koung, qui se servit
de son crédit et de ses lumières pour
faire fleurir l'état. Il rétablit et per-
fectionna les cérémonies et la musi-
que , lit un nouveau code de lois ,
adoucit de plus en plus les mœurs du
peuple, et n'oublia rien pour lui pro-
curer l'abondance et la félicité. C'est
à ses elForts que la dynastie des
Tchéou fut redevable de tout son
histre. Wou v^^ang.ne jouit pas long-
temps de tant de bienfaits ; il mou-
rut en 1116, sept ans après avoir
ceint le diadème impérial. Son fils
Tchhing Wang lui succéda. A cette
époque, la Chine était d'une éten-
due moins considérable que de nos
jours ; car elle n'allait pas beau-
coup au-delà du grand Kiang , et ne
comprenait, au sud de ce fleuve , que
le Tché kiang, une partie du Kiang
si, une plus grande portion du Hou
kouang et le nord du Szu tchhouan.
Kl— H.
WOUWERMANS ( PuiLipriO ;
peintre, naquit à Harlem en 1620,
et reçut des leçons de son père Paul
Wouwermans , peintre d'histoire
moderne, et de Wynout, qui se
hâta de rectifier les principes que
son élève avait reçus dans l'école pa-
wou
ternelle. Le jeune Wouwermans se
mit alors à prendre la nature pour
modèle , et ne fit plus rien sans la
consulter avec un soin scrupuleux.
C'est par ce moyen qu'il acquit cette
belle manière que l'on admire dans
tous ses ouvrages , et particulière-
ment dans les derniers. 11 eut la plus
grande peine à se faire connaître. A
l'époque où il débuta , Bamboche
avait la vogue , et l'on préférait la
verve et l'éclat de ses ouvrages au
style plus sage et plus vrai de Wou-
wermans. Ce dernier d'ailleurs , plein
de timidité , nuisait lui-même à sa
propre réputation par un excès de
modestie. 11 se contentait du prix
modique que les marchands lui don-
naient de ses ouvrages pour les al-
ler revendre ensuite fort cher à l'é-
tranger. De Witte , entre autres ,
sut tirer avantage de ce commerce.
Mais l'humeur difficile de Bamboche
fit en faveur de W ouwermans co que
le mérite de ce dernier n'avait pu
faire jusqu'alors. Bamboche avait
demandé deux cents florins d'un de
ses tableaux à de Witte qui refusa ,
et chargea Wouwermans de peindre
le même sujet ; ce qu'il fit avec une
si grande supériorité, que ses ouvra-
ges commencèrent dès-lors à être re-
cherchés de toutes parts , et enlevés
aussitôt que finis. Cette vogue , mal-
heureusement pour lui , il ne l'obtint
que vers la fin de sa carrière, et
lorsqu'elle ne pouvait plus guère con-
tribuer à sa fortune. Jusqu'à ce mo-
ment, livré à des brocanteurs peu
délicats qui prolitaient de ce qu'il y
avait de gênant dans sa position , il
travaillait sans relâche pour subve-
nir à ses besoins et à ceux de sa
nombreuse famille j et cependant ,
quelle que fût sa détresse , elle ne
l'empêcha jamais de terminer tous
ses ouvrages avec le même soin
wou
que si on les lui ayait payés fort
cher. C'est cette nécessité de tra-
vailler sans relâche qui l'cmpê-
cka de quitter sa ville natale , et
de profiter de l'avantage de voyager.
Quelque temps avant sa mort il fit
jeter au feu un coffre rempli de ses
dessins et de ses études , en disant :
« J'ai été si mal récompensé de mes
» travaux que je veu:x , si je puis,
» empcxher que mon fils , séduit jiar
» la vue d'un de ces dessins , f m-
» brasse une carrière aussi misérable
» et aussi incertaine que celle que
» j'ai suivie. » En voyant le fini de
tous les ouvrages échappés au pin-
ceau gracieux et pur de ce maîîre,
on a peine à concevoir comment ii
a pu trouver le temps d'en ex( culer
un nombie si considérable, lis ne
sont pas moins remarqiables par la
va n'été des sujets . Ce sont des chasses,
des marchés aux chevaux , des attaques
de cavalerie, de simples paysages,
d'autres enrichis d'arcliitecluje, de
fontaines, de beaux jardins, etc.
Cette diversité toujours sensible chez
lui renouvelle sans cesse la surprise
de celui qui contemple ses tableaux.
Quant à la vérité , on peut dire
qu'aucun peintre ne l'a surpassé en
ce genre ; ses chevaux sont des-
sinés avec une exactitude et une
fidélité admirables; il est vrai que
leur caractère est toujours le même; ce
sont toujours des chevaux flamands,
dont les formes sont un peu lourdes ;
mais cette espèce de monotonie est
bien rachetée par l'excellence de la
couleur, la magie d'un pinceau gras
et pâteux qui sait tout adoucir sans
rien ôterà la force; sa touche est ferme,
quoique pleine de passion; ses oppo-
sitions sont larges , et ses différents
plans se dégradent avec la plus par-
faite intelligence. Ses lointains , ses
ciels , ses arbres , ses plantes sont une
WOU -11-]
imitation exacte et parfaite de la na-
ture. C'est avec un art exquis, ou
pour mieux dire c'est sans jamais
déceler l'art qu'il ménage ses lu-
mières ; et l'œil passe d'un ton à un
autre sans brusquerie , et sans pres-
que s'en apercevoir. Cette der-
nière qualité se fait surtout remar-
quer dans ses derniers ouvrages ;
ceux de sa première manière , quoi-
que également vaporeux , offrent des
oppositions un peu trop tranchées
qui nuisent à rhain)onie de l'ensem-
ble. Son œuvre gravé est très-con-
sidérable. On y recherche de préfé-
rence les morceaux dus au Lurin
de Jean Wischer cl de Dnnker.
On en a aussi un très-beau recueil
gravé par Jean Moyreau , Lebas,
Beaumont, Cochin_, Laurent, etc. ,
Paris , i^S-j-Ho, grand in fol. ,
Wouwermans lui même a gravé à
l'eau-fortc une seule pièce représen-
tant un paysage au milieu duquel se
voit un cheval, etc. Cette pièce d'un
effet très - piquant est rendue avec
une si rare intelligence, que l'on re-
grette qu'il n'en ait pas produit un
plus grand nombre. Il mourut à
Harlem, le 19 mai 1CG8, à l'âge de
quarante huit ans, ne laissant qu'un
seul fils qui se fit chartreux. Ses
deux frères , Pierre et Jean , fu-
rent ses élèves , et se distinguèrent
comme peintres. Pierre peignit
dans le goût de Philippe , mais
il ne l'égala point. Cependant il
dessinait bien la figure et les che-
vaux ; sa couleur était bonne et
vigoureuse; et quelques-uns de ses
tableaux ressemblent à ceux de la
première manière de son frère , et
peuvent figurer avec eux. Jean, le
plus jeune des trois, peignait le pay-
sage avec succès. Sa couleur est
chaude et variée , sa touche hbre et
facile; le peu de tableaux qu'il a faits
2l8
WOW
sont fort estimes. Sa mort préma-
turée, arrivée en 1666, rempêcha
(le produire un plus grand nombre
d'ouvrages, et d'accpierir une réputa-
tion plus étendue. P — s.
WOWER (i) ou DE WOWE-
REN ( Jean ) , savant littérateur ,
e'tait iîls d'un gentilhomme d'Anvers
qui s'était retire à Hambourg , pour
cause de religion , et il naquit en cette
ville le 10 mars i5^/^. Ayant fait ses
iiumanités avec succès sous la con-
duite de Werner Rolewinck , très-
liabile instituteur , et passe deux ans
aux écoles de Marpourg , il fut en-
voyé , en 1 592 , à l'académie de
Leyde , et il y resta cinq ans entiers^
dont trois comme auditeur des cours
publics , et deux comme précepteur
particulier. II y vécut dans l'intimité
de Jos. Scaliger, de Gruter et d'autres
savants distingués. Jaloux de perfec-
tionner ses connaissances ^ il vint en-
suite à Paris, où il s'acquit la bien-
veillance de Dupuy, de Bongars et
de Pitbou,dont il compare^ dans
son enthousiasme, la bibliothèque à
celle d'Alexandrie ( Epist. i-j ).
Après avoir épuisé toutes les res-
sources que la France pouvait aloi's
lui présenter pour son instruction ,
il se rendit en Italie , où il reçut un
accueil non moins favorable. Ayant
obtenu du pape la permission d'exa-
miner les manuscrits du Vatican, il
y fit une abondante moisson de no-
tes et de documents précieux. Dans
le même temps il recueillait des ins-
criptions pour Gruter, et il dessinait
ou faisait dessiner la colonne Anto-
nine , qu'il se proposait de publier
avec une explication j mais Scaliger,
auquel il avait adressé son dessin
pour le faire graver^ n'ayant point
(0 Et non pas M'ouwcr , comme on lit dans les
dicliounaircs historiques.
WOW
trouvé d'artiste qui voulût s'en char-
ger, ce projet resta sans exécution.
Les bontés dont l'honorait le souve-
rain pontife servirent de prétexte à
ses ennemis , pour répandre le bruit
qu'il avait abandonné le protestan- -
tisme ; mais il s'en défendit dans
une lettre à Baudius ( Ep. 40 ) , tout
en déclarant qu'il trouvait que les
chefs de la réforme étaient allés beau-
coup trop loin. Il revint en Allema-
gne ( 1602 ), rapportant une foule
de manuscrits , et des habitudes de
luxe que sans doute on n'y connais-
sait pas; car Gerh. Elmenhorst ne
peut assez témoigner la surprise et
l'admiration que lui a fait éprouver
une si rare magnificence ('i). Wower
accepta la charge de conseiller du
comte d'Ost- Frise, et fut envoyé
par ce prince à la Haye, pour la pa-
cification d'Embden^, et ensuite à la
cour de Jean-Adolphe, duc de Hols-
tein. Dès la première entrevue , ii ga-
gna tellement ses bonnes grâces , que
le duc de Holstein lui fit promettre
d'entrer à son service , aussitôt qu'il
le pourrait. Dans un voyage qu'il fit
à Paris, en 1608, le cardinal de
Joyeuse tenta de se l'attacher par
les offres les plus honorables ; mais
il avait pris des engagements avec le
duc de Holstein , et il se hâta de re-
tourner près de ce prince , qui le
nomma gouverneur de Gottorp. At-
taqué d'une maladie de la vessie , il
souffrit pendant les deux dernières
années de sa vie des douleurs inex-
primables, et y succomba le 3o mars
1612 , à l'âge de trente-huit ans.
Son maître le fit enterrer avec pom-
pe dans la principale église de Ker-
111 am maa-
(vi) Deus bon e , s'' écvie Elmenhorst, 91
nijîcè se ^eril .' holoserico iiidiiliis est pallio , et
t/uandb in pithlicuni prodit, undii/ii^ à sen'ulis sli-
patttr. Oinnia tam splendida et ma^nifica, ni ftiti~
geris adininindo,\oy. le SyUoge epistoliir de Bui--
maou, II, 3 06.
wow
wick. Wower joignait à beaucoup
d'érudition une grande vivacité d'es-
Srit, de l'ardfur pour le travail , et
es qualités biillantes; mais, sans
rappeler son amour pour le faste , on
lui reproche avec raison de la vanité
et du goût pour la flatterie. On a la
preuve de ce dernier défaut par son
testament , dans lequel il lègue une
somme de soixante écus à chacun de
ceux qui feront son panégyrique.
S'il eut des amis, il eut aussi des
ennemis , dont le plus acharné fut
son compatriote Fréd. Lindebrog
( F. ce nom , XXIV, 5o8 ) , qui ne
cessa jamais de le harceler, quoique
Wower eût tout fait pour obtenir la
paix. Ce fut Lindebrog qui le pre-
mier accusa Wower de s'être ap-
proprié les travaux de Gasaubon et
de J. Gulielmus ( F. Wilhelm ) -, et
ces accusations , quoique dénuées de
toute vraisemblance, ont trouvé jus-
que dans le dix-huitième siècle des
personnes prêtes à les accueillir.
Outre des notes fort estimées sur
Pétrone, sur V Octavius de Minu-
tius Félix, et le traité de Julius Fir-
micus De errorihus profanar, reli-
gionuni; sur Apulée, précédées d'une
dissertation sur la vie et les ouvra-
ges de cet auteur , recueillies dans l'é-
dition «^ usinn Delphini , et enfin un
travail swr Sidoine Apollinaire (3j,
on a de Wower : I. De polfmathid
Tractatio integri operis de studiis
veterunià.Tzoav:o(.(jiJ.dztoy, Bàle, i6o3 j
Hambourg, i6o4, in-4*'. ; Leipzig,
i665, in-B*^. (4), avec une préface
de Thomasius , dans laquelle il jus-
(3) Les notes sur TertuUien , qu'a publiées Wo-
iver , sont extraites d'un exemplaire de la biblio-
thèque du Vatican, lequel avait appartenu, dit-
on , à FI. Orsini ou à V. Chacon. \\ promettait uu
coinmeulaire entier sur ce père , mais il n'a point
paru.
(4) Le tfa'ité De pulymnlfiid a t-té recueilli par
Grouovius, daas le i'/irsaur. aniiquU. gnvcar. ,
X , 085.
WOW 219
tifie complètement Wower d'avoir
dérobé cet ouvrage à Gasaubon. J.-
G. Vossius s'ep est beaucoup servi
dans son traité De arte grammati-
cd. Le traité De studiis veterum ,
dont celui-ci n'est qu'un extrait , n'a
jamais été publié. II. Panegfricus
Christiano IF, Daniœ régi , dic-
tus , etc. , Hambourg, i6o3 , in-80.,
et dans un recueil de Harangues ,
Hanau, i6i3 , in-8*'. 111. Commen-
tatio de cognitione veterum novi
orhis , Francfort, i6o3 , in-S». IV.
Dies œstiva, sive de urnhrdPœgnion,
ib. , 1610, in-8''. , réimprimé avec
une déclamation de .1. Douza sur le
même sujet, Oxford, 1 636, in- 12.
Lindebrog accusa Wower d'avoir
dérobé cet ouvrage à J. Gulielmus.
Y. Sjntagma de grœcd et latind
Bibliorum interpretatione , Ham-
bourg, 1618 , in-8°. J ouvrage pos-
thume publié par Ger. Elmenhorst ,
qui î'a fait précéder d'une vie de
l'auteur et de la liste de ses ouvra-
ges tant imprimés que manuscrits ;
réimprimé avec la sa vante dissertation
de Brian Wallon De linguis orienta-
lihus , D éventer , 1 658 , in- 1 2 . Vï.
Epislolarum centuriœ 11 , ibid. ,
16 19 (5), in-8*^. ) ces lettres méri-
tent d'être lues , à raison des détails
curieux qu'elles contiennent et qu'on
chercherait vainement ailleurs. On
trouve plusieurs lettres de Wower
dans le Recueil de celles de Bau-
dius ; les Epistolœ Gudianœ en ren-
ferment trois à Kirchraann et une à
Lindebrog, 274-7 7* Bayle a consa-
cré dans son Dictionnaire un arti-
cle à ce savant , et le P. Niceron une
Notice dans les Mémoires des hom-
mes illustres , vi , 55-65. W-s.
WOWER ou VAN WOWEREN
en latin TVowerius (Jean), ju-
(5) Ou lit sur le frontispice 1609; mais c'est par
l'omission d'un chillrc.
220 WOW
risconsulte , était de la même fa-
mille que le précédent , avec le-
quel on l'a souvent confondu. 11
naquit, en i5']6 (i), à Anvers.
Après avoir fait ses liumanifes , il fut
envoyé par ses parents à l'académie
de Louvain , où il se distingua par
ses progrès dans la philosophie et
les lettres. Juste Lipse , son maître ^
conçut pour lui la tendresse d'un pè-
re , et ne cessa de lui donner des preu-
ves de son aiïèction. Ayant termine
ses études (u), il employa trois ans
à visiter la France, l'Espagne, l'I-
talie et l'Allemagne. De retour , en
1602, dans sa \ille natale, il fut
pourvu d'une charge de membre du
conseil. Lipse , avec lequel il avait
continué d'entretenir une correspon-
dance suivie, l'institua l'un de ses
exécuteurs testamentaires, et lui con-
fia ses manuscrits. Deux ans aupara-
vant, il lui avait adressé l'épitaphe
qu'il voulait que l'on mît sur son
tombeau. C'est à cette occasion que
Lipse écrivait à Wower : c Si mon
nom me survit , votre amitié pour
moi ne sera pas moins connue de la
postérité que celle d'Atticus pour Ci-
céron ou de Lucile pour Sénèque.
Plût à Dieu qu'il lût possible de don-
ner une part dans sa renommée com-
me dans sa fortune ( i6o4)I i^Wo-
wer , admis au conseil des finances
et de la guerre , mérita l'estime de
l'infante Isabelle - Claire - Eugénie ,
gouvernante des Pays - Bas. Chargé
d'une mission à la cour d'Espagne,
il fut honoré par le roi Philippe IV
du titre de chevalier. Il mourut, le
23 septembre 1 635 , à cinquante-
(i) En j 578 , suivant Sax. 0/(o;;jas?/c. , IV, 177.
Mais Valère André , Fr. Swert et Fojjpens s'ac-
cordent à fixer la naissance de Wo^ver au 28 mai
1376.
(^9.) Le certificat que lui délivra Lipse est im-
prime' dans le recueil de ses OEuvrei.
WRA
neuf ans (3). Outre des éditions de
Tacite et de Sénèque , avec les no-
tes de Lipse, et de deux Centuries
de Lettres de son maître , on a de
Wower : ï. Eiicharisiicon claro et
încomp. viro J. Lipsio , doctorisuo,
Anvers, 1606, in- 4^. Cet opuscule
est une preuve de la reconnaissance
de l'auteur. II. Assertio Lipsiani
Donarii adversùs Delatorum sug-
gillatiojies , ibid., iGo-j ,in-4'^. Lip-
se avait légué sa robe fuiUTée à N.-D.
de Hall ; et la «singulaiilé de ce don
fouinil ;^ux protestants bcaucoip de
railleries. ^ ovvor entrcpiit de justi-
fier son maîlie (4 .111. FaneL'yri-
ciis serenissimis Alberto etisabellœ,
Belgarum principihus , ibid., 1609,
in - 8". IV.' Vit a B. Simonis sacer-
dot. Falentini , ibid . , i () 1 2 ou 1 6 1 4,
in - 8». V. Claud. Mamerti de sta-
tu animœ, lib. m ad manuscriptos
exarati. Yl. De consolatione , ad
P. -P. Buhenium lugentem Philippi
fj'atrismortem ,\h. , 1 6 j 5 , in-4^- ■> et
dans les OEuvres posthumes de Phil.
Rubens {Voy. ce nom, XXXI X,
243 ). On trouve une Notice sur Wo-
wer dans les Mémoires du P. Nice-
ron, VI, 65 - 68. W — s.
WRANGEL (Hebmann) , général
suédois, né en 1587 , entra fort jeu-
ne au service , et commença sous
Charles IX à se distinguer dans les
gueires contre la Pologne, la Russie
et le Danemark. Pris en 1607 à la
bataille de Korkenhusen , il n'en fut
après sa délivrance que plus ar-
dent à combattre. Sa conduite au
siège d'Ivanogrod (1609) lui fit con-
fier le commandement de cette place
aussitôt qu'elle fut tombée entre les
{?,) Et non pasGg, comme le dit le P. Niceron,
par inadvertance.
(4) le CalfJogiie de Biiitau porte que cet opus-
cule fut réimprimé dans les OEuvres de Lipse ,
1, i.'|8 etsniv. Ce n'est pas du moins dan» l'édit.
d'Anvers, i()37, la seule qu'on ait pu consulter.
I
WRA
mains des Suédois. Gustave-Adolphe,
lui ayant donne, en lô'ii, lebâtonde
maiechaly vint à l'armée que Wran-
gel commandait contre la Pologne. La
campagne fut heureuse j et en iCng
les Polonais se virent force's de con-
clure un armistice. Wrangel suivit
Gustave en Allemagne- et après la
mort de ce prince il fut employé dans
les affaires publiques, surtout dans
les négociations de la paix qui fut
conclue avec la Pologne, en i635.
L'année suivante , Oxenstiern lui
donna le commandement d'un corps
d'armée en Poméranie. Après qu'il
se fut emparé de plusieurs places ,
.Wrangel vint au recours du général
Êanier, qui était presse par les Au-
trichiens et les Saxons. Cependant
Tennemi ayant fait des progrès en
Poméranie, Wrangel eut avec Ba-
nier de vives discussions qui engagè-
rent la reine Gbristine à le rappeler.
Cette princesse lui confia le gouver-
nement gfinéral de la Livonic;, qu'il
administra jusqu'à sa mort , arrivée
WRA
'2^1
en 164^
G— Y.
WRANGEL (Charles-Gustave),
général suédois, (ils du précédent,
était né le i3 décembre 161 3, à
Skokloster dans l'Upland, sur le
lac Mœlar, à peu de distance d'Up-
sal. Dès sa plus tendre jeunesse, il
suivit son père , nommé gouverneur
d'Elbing j et souvent il accompa-
gna comme volontaire , sans que son
père en sût rien, les partis envoyés
contre l'ennemi. Après la conclusion
de l'armistice , il alla voyager dans
les pays étrangers , afin d'en ap-
prendre les langues. Il séjourna une
année entière en Hollande, où il s'ins-
truisit dans la navigation et dans la
construction des vaisseaux. Il venait
d'arriver à Paris, en 1629, lorsque
Gustave-Adolphe le rappela en Suè-
de, ainsi que d'autres jeunes gens
qu'il voulait employer dans la guer-
re d'Allemagne. Ce monarque le nom-
ma gentilhomme de sa chambre , et
peu de temps après , oflicier de ses
gardes. Wrangel eut par là de fré-
quentes occasions de s'approcher de
la personne de Gustave- Adolphe. A
la bataille de Lutzen , il avait été en-
voyé par ce prince pour porter des
ordres à l'aile gauche. A son retour,
il le trouva étendu sans vie ; et après
avoir donné les plus vifs regrets à une
si grande perte, il concourut, avec
beaucoup de talent cl de valeur , à
assurer le triomphe des Suédois. Il
servit ensuite avec une grande dis-
tinction sous les ordres de Banier, fut
expédié en Suède (i636), en ramena
des renforts considérables, et fit es-
suyer de grandes pertes à l'ennemi
près de Meniraingen( 1637). Parvenu
au grade de colonel , il fut atteint, à
Torgau , d'un coup de feu à la tête ,
tomba de cheval , eut le bras cassé
d'un coup de fusil , et manqua d'être
fait prisonnier. Il fut envoyé de nou-
veau en Suède , en revint avec des
troupes fraîches , fut récompensé
par le grade de major -général d'in-
fanterie , et eut, en cette qualité, une
grande part à la victoire de Chem-
nitz. Par une ruse de guerre il s'em-
para , sans perte, du château de
Fetschen ; prit à la pointe de l'épée
Heldrungen et Resdingen , et fit beau-
coup de prisonniers. Après la mort
de Banier ( 1641 ), Wrangel fut du
nombre des généraux qui participè-
rent au commandement en chef^ en
attendant l'arrivée d'un nouveau gé-
néral. A Wolfenbuttel , il fut obligé
de soutenir , presque seul avec son
infanterie , pendant cinq heures , les
efforts de l'infanterie autrichienne et
bavaroise j et il réussit à les repous-
ser. Il accompagna ensuite Torsten-
son dans toute sa carrière victo-
222 WRA
rieuse, et lui rendit plusieurs ser-
vices très - importai] is. A son re-
tour d'une troisième mission en
Suède, il contribua beaucoup à la
victoire de Leipzig. Dans la cam-
pagne suivante, il coopéra très-ac-
tivement aux avantages remportés
en Danemark. Bientôt il se distingua
également sur mer. En 1644, l'ami-
ral suédois Glas Flemming, après une
action sanglante contre les Danois,
ayant ëtë bloque par leur flotte,
à Christianpriis , aujourd'hui Fre-
dricsort,dans le Slesvig, sur la fron-
tière du Holstein, Torstcnson lui dé-
pêcha Wrangel, pour se concerter
sur ce qu'il y avait à faire. Ce fut au
milieu du feu le plus vif que Wran-
gel s'acquitta de sa commission ; et
Flemming , blessé à mort , lui remit
le commandement. Secondé par un
vent favorable , il traversa sans beau-
coup de perte l'escadre ennemie , et
fit voile avec la sienne pour Stoc-
kholm. Ce n'était pas assez pour lui
de l'avoir sauvée , lorsque chacun la
regardait comme perdue : ayant ob-
tenu de la régence la permission de
remettre en mer, au mois de septem-
bre , il se joignit à l'cscadrehollandai-
se de Louis de Geer, et rencontra la
flotte danoise sous rîle de Femern. Le
combat fut sanglant : quelques vais-
seaux danois furent pris par les Sué-
dois ; d'autres furent détruits. Le
nombre des prisonniers fut considé-
rable. Wrangel se rendit maître de
Femern , et alla hiverner à Wis-
mar. Dès que la saison le permit, il
s'empara de Bornholm,en i645, et
aurait également enlevé toutes les îles
danoises , si le traité de Brœmsebro
n'eût ramené la paix. A cette époque,
Torstenson, forcé par ses infirmités
de renoncer au commandement de
l'armée suédoise en Allemagne , fut
remplacé par Wrangel , qui arriva
WRA
en Silésie suivi de renforts consid^
râbles. Ayant pris les avis de Tors-
tenson , il pénétra en Bohême, et
enleva Friedland et Leutmeritz. L'ap-
proche des armées autrichienne et
bavaroise combinées, qui lui étaient
de beaucoup supérieures , le décida
à se replier sur le Weser, afin de se
rapprocher de Turenne. Il y prit
plusieurs places , s'avança dans
la Hesse , et se retrancha près de
Hamelbourg , où l'ennemi le suivit
de près. Celui - ci fit la même ma-
nœuvre: il y eut beaucoup de com-
bats sanglants ; chaque parti cher-
chait à couper les vivres à l'autre :
Wrangel y réussit mieux que ses
antagonistes j car ceux - ci , après
avoir perdu plus de quatre mille
hommes parla faim, furent forcés de
se retirer près de Francfort-sur-le-
Mein. Wrangel , élevé aux dignités
de feld-maréchal et de sénateur, eut
alors le commandement suprême des
armées suédoises en Allemagne. Il se
réunit à Turenne, et poursuivit l'en-
nemi qui s'était arrêté derrière la
Nidda ( Voy. Turenne) ; força le
passage de cette rivière , défit les
troupes qui lui étaient opposées , en-
leva des magasins, et contraignit les
Autrichiens à se retirer à la hâte.
Ayant ensuite passé le Danube et le
Leck, conjointement avec Turenne,
il entra en Bavière , et y leva de for-
tes contributions. 11 assiégea inutile-
ment Augsbourg , et n'ayant pu for-
cer l'ennemi à recevoir la bataille ,
il mena ses troupes dans leurs quar-
tiers d'hiver en Souabe. Cependant
dès qu'il apprit que les alliés com-
mençaient à faire des manœuvres en
Bavière , il s'y porta et mit en dé-
route une de leurs divisions à Rain.
Il s'empara ensuite du passage im-
portant de Klaussen près de Bre-
gentz , qui lui ouvrait l'entrée de la
WRA
Suisse et de l'Italie, et prit le château
de Mcinau sur le lac de Constance.
Ces succès décidèrent l'èleclcnr de
Bavière à se séparer de l'Autriche ,
et à consentir à un armistice. Après
avoir fait un peu reposer ses troupes,
Wrangel marcha vers la Silèsie pour
se joindre aux Suédois qui s'y trou-
vaient , puis il fondit, en 16^7 , sur
la Bohême , où il fit plusieurs con-
quêtes , entre autres celle d'E[;ra.
L'empereur Ferdinand III, s'élant
avance contre lui à la tète de son
armée , fut surpris dans son camp ;
Wrangel pénétra jusqu'à son quar-
tier-gèucral , et fut sur le point de
le faire prisonnier. Les Autrichiens
ayant encore éprouvé des revers à
Triebel et à Tœpel se retirèrent ;
mais l'électeur de Bavière, qui avait
dénonce l'armistice , joignit toutes
ses troupes à celles de l'empereur.
Alors Wrangel , menacé d'être en-
veloppé, se replia dans la Thuringe
et sur le Weser. Cherchant à com-
biner ses opérations avec celles de
l'armée française, il tint la campa-
gne avec avantage^ et contribua cuix
succès de Turenne en Hesse et en
Franconie. Ce fut surtout à Simraers-
tausen qu'il se distingua, en 1648.
Toute la Bavière tomba au pouvoir
des Suédois et des Français* l'élec-
teur chercha un refuge dans le pays
de Saltzbourg. Le prince palatin Char-
les-Gustave , depuis roi de Suède ,
étant venu prendre le commande-
ment général de l'armée suédoise ,
Wrangel conserva celui du nord de
l'Allemagne pendant le reste de la
guerre. Enfin, la paix de Westpha-
lie mit fin à ses exploits , et il re-
tourna dans sa patrie , 011 son souve-
rain le récompensa par le titre de
comte et par des dons de terres en
Suède, en Allemagne et en Finlande.
Lorsque Charles-Gustave, monté sur
WRA
223
le tronc, après l'abdication de Chris-
tine, eut entrepris une expédition
contre la Pologne , il confia le com-
mandement de sa flotte à Wrangel ,
qui , après avoir débarqué l'armée ,
bloqua le port de Dantzig. Le roi
l'appela auprès de lui à Thorn , et
l'envoya avec dix mille hommes en
Pomérélie pour en chasser Czarneski,
général des Polonais^ qui en avait
quinze mille. Wrangel l'atteignit près
de Gnesne , et le mit en fuite. A la ba-
taille de Varsovie, en i65{), il com-
mandait l'aile gauche, avec l'électeur
de Brandebourg , et il y dép!o\a au-
tant de valeur que de talent. Les
Danois ayant manifesté des disposi-
tions hostiles, il se rendit en Poméra-
nie , puis dans le duché de Brème ,
d'où il chassa entièrement l'ennemi.
Il marcha ensuite sur le Jutland , et
emporta d'assaut le fort de Fre-
driksudde , en 1657. Les suites de
cet avantage qui avait peu coûté aux
Suédois furent très-importantes. Le
roi fut tellement satisfait des services
de Wrangel , qu'il le nomma amiral
du royaume ; et , lorsque ce prince se
rendit dans l'île de Fionie , le nouvel
amiral commanda son avant-garde :
il attaqua l'armée danoise rangée en
bataille sur le rivage , et la culbuta
entièrement. Charles - Gustave étant
campé devant Copenhague , Wran-
gel alla assiéger le château de Cronen-
bourg , qu'il prit en moins de trois
semaines de siège. En i658, dans
le combat naval du Sund contre les
Hollandais venus au secours des Da-
nois , il combattit l'amiral Opdam ,
jusqu'à ce que son vaisseau , entière-
ment désemparé et couvert de morts,
fut obligé de faire cote. Dans l'année
suivante , l'assaut donne à Copenha-
gue ayant échoué , Wrangel résolut
de se rendre maître des autres îles da-
noises, et quelques difficultés qu'il
224
WRA
éprouvât, il prit celles de Langeîand,
d'Alsen et de Fionie. Les troupes
impériales, polonaises et brandebour-
geoises , cornmande'es par le grand-
électeur Frcdéric-Giiillanme, essayè-
rent inutilement de le déloger. Les
ennemis e'tant ailes en Pomeranie ,
Wrangel les y suivit, et les força de
lever le siège de Wolgast. Après la
paix de 1660 , il fut nomme ma-
réchal du royaume , commandant-
général des troupes , et président du
collège de la guerre. Cliarles-Gnstavc
l'avait choisi pour un des régents et
tuteurs de son fils Charles XI encore
mineur. Des troubles s'étant élevés,
en i665 , dans le duché de Brème,
Wrangel alla rétablir l'ordre dans
ce pays. En li)"]^, quoique vieux et
infirme , il fut encore chargé du com-
mandement de l'armée en Pomera-
nie ; mais sa faiblesse extrême l'o-
bligeait presque toujours de garder
le lit ; on ne peut donc le rendre res-
ponsable des défaites que les Suédois
éprouvèrent à Havelberg et à Fehr-
bellin dans le Brandebourg, les 12
et 18 juin 1675, puisqu'il était à
\me grande distance de l'armée. Ses
infirmités augmentant chaque jour,
il déposa le commandement, et se
retira dans sa terre de Spiker , située
dans l'île de Rugen. Il y vivait pai-
siblement, lorsqu'il apprit que des
vaisseaux ennemis venaient de se
montrer : aussitôt son arder-r mar-
tiale se ranime , et il veut aller les
reconnaître. Cet effort lui coûta la
vie ; il mourut en juillet lô-jC) ,
avec la réputation d'un des plus
grands généraux de la Suède. Son
covps fut a|)porlé dans ce royau-
me , et déposé dans l'église de Skok-
loster, dont il avait fait bâtir le châ-
WRANITZKY (Paul), direc-
teur de la musique des deux théâtres
WRA
de la cour impériale de Vienne, na-
quit en Bohême vers le milieu du
dix-huitième siècle , et se forma ,
comme compositeur , à l'école du
célèbre Josepli Haydn. Il commença
à se faire connaître, en 17B6, par
deux symphonies, qui eurent le plus
grand succès* et, depuis celte épo-
que , il ne cessa de publier des piè-
ces qui furent accueillies par les con-
naisseurs, quoique l'auteur soit resté
au-dessous des grands maîtres , no-
tamment de Haydn et de Mozart.
Pour le chant , il composa Obe-
ron , opéra emprunté du poème
de Wieland , et qui , pendant le
couronnement de l'empereur , à
Francfort, eut vingt-quatre représen-
tations eu six semaines. Il en parut
un extrait pour le forte-piano, en
1793. Les compositions de Wranitz-
ky ont été publiées à Paris et à Of-
fenbach. G — y.
WRATISLAS I^'. ,duc de Bohê-
me , né eu 887 , était fils de Borzivoï ,
premier duc chrétien ; il épousa en
906 Drahomire, princesse païenne, et
succéda en 91 5 à son frère Zbignèe
l^., qui n'avait régné que cinq ans.
Il mourut lui-même en 920 , très-
rcgrelté de ses sujets, qu'il avait
gouvernés paternellement, malgré les
efforts de Draliomire, qui employait
toute son influence pour empêcher le
bien. Wratislas I'^^'. laissa deux fiis,
saint Venceslas et Boleslas , qui lui
succédèrent. 11 fut enterré dans l'é-
glise de Saint-George, dont il est
le fondateur, et où l'on voit son
tombeau , sur lequel il est représen-
té avec les insignes de la dignité du-
cale, tenant des deux mains le plan
de l'église de Saint-George. Sous ses
pieds on lit l'inscription suivante :
Hic jacet Beatus JVralislaus , pa-
ter S. JVenceslai ,fundator h. ec-
clesiœ. G — y.
I
WRA
WRATISLAS II , premier roi de
Bohême, succéda, en loGi , à son
frère Zbignec II, qui était mort sans
enfants. D'après les dernières dispo-
sitions du duc Brzétislas, leur père,
les frères cadets avaient eu la Mora-
vie pour apanage. Zbignee , mépri-
sant les volontés de son père , les en
avait chasses avec violence. Wratis-
las se réfugia en Hongrie , et, sa pre-
mière épouse étant morte par suite
des mauvais traitements que Zbignée
lui avait fait éprouver, il épousa
en secondes noces la princesse Adé-
laïde, sœur du roi de Hongrie. Après
avoir été rétabli dans son apanage,
qui était le comté d'Olmutz, il en
jouit paisiblement , jusqu'à la mort de
son frère j alors il fut élu duc de
Bohême, par le suffrage unanime
de la nation. Ayant pris en main
le gouvernement , il se hâta de rem-
plir les dernières volontés de son père,
et céda à ses frères Othon et Conrad
la Moravie , sous la condition qu'ils
le reconnaîtraient pour seigneur su-
zerain. Le dernier des frères, Jaro-
mir , qui , d'après les ordres du père ,
était destiné à l'état ecclésiastique ,
faisait ses études à Liège. Quand il eut
appris ce qui se passait en Bohême ,
il se rendit en toute hâte à Prague , et
somma d*un ton très-impérieux son
frère Wratislas de lui donner un apa-
nage. Ce prince fit observer que cette
prétention était contraire aux disposi-
tions de leur père j et comme ses re-
présentations n'étaient pointécoutées,
illit ordonner diacre Jaromir, quoi-
que celui-ci protestât hautement con-
tre cette violence. Peu après , le jeune
prince, ayant déposé l'habit ecclé-
siastique, et ayant pris le casque, se
réfugia près de Boleslas , roi de Po-
logne. Sévère , évêque de Prague ,
étant mort en io65, les princes
Othon et Conrad rappelèrent de Po-
WRA
115
logne leur frère Jaromir , lui firent
reprendre l'habit ecclésiastique ,
et vinrent avec lui trouver Wratis-
las , qu'ils prièrent de donner à son
frère l'évêché vacant. Le prince, sans
y avoir égard, nomma évêque un ec-
clésiastique saxon, très-instruit. Ce
choix indigna la noblesse bohémien-
ne. Un comte , appelé Kojata , osa ,
en présence de Wratislas , exciter
les princes à s'opposer à l'élection
de cet étranger, et à prcndic les ar-
mes pour défendre leurs prétendus
droits. La noblesse ayant pris parti
pour Jaromir, Wratislas céda. Son
jeune frère fut nommé évêque et ins-
tallé. Kojata et un autre noble furent
sacrifiés à cet arrangement de famil-
le; et ils prirent la fuite, pour se
soustraire à la punition qu'ils méri-
taient. Wratislas envoya Jaromir ,
avec une suite nombreuse , à Maïen-
ce , pour y recevoir l'investiture des
mains de l'empereur Henri IV , et la
consécration épiscopale de celles de
l'archevêque de Maïence. Les céré-
monies étant terminées , les nobles bo-
hémiens repassèrent le Rhin avec le
nouvel évêque. Un d'entre eux se
trouvant sur le bord du bateau , Ja-
romir le poussa avec violence dans
le fleuve , en lui disant : « Wilheim ,
» je te baptise. » Ce ne fut qu'avec
la plus grande peine qu'on le reti-
ra. Quand il fut rentré dans le ba-.
teau, l'inquiétude lit place à l'indi-
gnation ; et tout ce qui était à bord
aurait mis la main sur l'évêque , si l'on
n'avait été retenu par le respect que
l'on croyait devoir au frère du souve-
rain. Instruit de ce qui s'était pas-
sé, Wratislas reprocha vivement à ses
frères l'imprudence irréligieuse qu'ils
avaient commise, en le forçant à nom-
mer un sujet qui ne pouvait que dés-
honorer l'épiscopat. Wratislas avait
épousé^ en troisièmes noces, Swien-
i5
226
WRA
tochna , princesse de Pologne ( F. ce
nom). Eu 1067, il se jeta sur les
frontières de la Pologne , qu'il dévas-
ta. Le roi Boleslas accourut; cl les
Boliemiens se retirèrent. Les anna-
listes qui racontent les faits ne font
point connaître les causes qui armè-
rent les deux beaux-frères l'un contre
l'autre. Wratislas avait prié le pape
Alexandre II de vouloir bien lui don-
ner un bonnet ducal ^ pour le porter
dans les grandes cérémonies. Le pon-
tife envoya h Prague , Jean , evêque
de Tusculum , avec le bonnet. En
1073 , Grégoire VU étant monté sur
la chaire de saint Pierre , l'empereur
Henri IV, pressé de tous côtés par
les prétentions de ce pontife , de-
manda des secours aux princes qui
reconnaissaient la suzeraineté de
l'empire germanique. Afin de ga-
gner Wratislas ., il lui accorda Meis-
sen^ ville capitale de la Lusace, à
laquelle Boleslas , roi de Pologne ,
prétendait avoir droit. Wratislas
soutint le parti de Henri , et il l'au-
rait fait d'une manière plus efficace ,
si son frère Jaromir ne l'avait placé
dans une position extrêmement diffi-
cile à l'égard de la cour de Rome.
Ce prince , si indigne de l'épiscopat ,
voulant réunir l'évcché d'Olmutz à
celui de Prague, se rendit à Oîmutz.
Là étant à table cliez Tévêque, il sai-
sit ce vieillard vénérable par les che-
veux y et lui mettant le pied sur la
tête , il voulut le forcer à abdiquer
en sa faveur. Wratislas indigné en-
voya à Rome pour rendre compte de
ce qui venait de se passer. Deux lé-
gats, venus à Prague de la part du
pape , citèrent Jaromir à comparaî-
tre devant eux. L'évêque prétendit
qu'il n'était justiciable que deson mé-
tropolitain , l'archevêque de Maïen-
ce y et il refusa de comparaître.
Les légats le déclarèrent alors dc-
WRA
chu de la dignité épiscopale. Le
chapitre de Prague , prenant fait
et cause pour son évêque , couvrit
les autels de deuil , comme cela
se pratique le vendredi-saint, en dé-
clarant qu'il n'obéirait point aux lé-
gats du pape. Ceux-ci furent reçus
avec respect par Wratislas, à qui
Grégoire Vil adressa deux brefs,
dans Tun desquels il lui disait d'exé-
cuter ce qui avait été décidé par
sesiégats. Jaromir en appela à Rome;
l'archevêque de Maïcnce ayant pris
son parti contre les légats, Grégoire
VII évoqua l'affaire par-devant lui.
Jaromir comparut à Rome en 10^4;
il sut intéresser à sa cause la fa-
meuse Mathilde, et fut renvoyé en
Bohême , avec ordre à Wratislas de
le rétablir dans tous ses droits. Ja-
romir rentra à Prague en triomphe,
bravant le duc son frère , et se fai^
saut gloire des calomnies par les
quelles il avait cherché à le nôircii
dans l'esprit du pape. Sur les plain-
tes de Wratislas, cet indigne préla
fut de nouveau cité devant la coui
de Rome; et ce fut alors qu'il quittî
Prague , pour s'attacher à l'empe-
reur d'Allemagne. Wratislas, n'ayan
plus rien à craindre dans l'intérieui
du duclié , se déclara hautement
pour l'empereur Henri , qui, en ré-
compense^ lui confirma la posses-
sion de la L usa ce. Le duc de Bo-
hême parut, en 107 5, à la diète
de Goslar, et il appuya vivement
Henri qui proposait son fils pour
son successeur. On pense que c'est
la première fois que les princes de
Bohême ont paru , comme électeurs,
aux diètes de l'empire germanique,
En 1080, Wratislas s'adressa à Gré-
goire Vil , pour le prier de vouloir
bien permettre qu'en Bohême on ex-
pliquât l'Ecriture sainte et que
l'on célébrât l'office divin en langue
,
WRA
slave. Il appuyait sa demande, sur
ce que la plupart des prêtres de la
Boliême , ignorant la langue latine ,
ne parlaient que le slavon. Le pape
saisit cette occasion pour reprocher
à Wratislas les relations qu'il entre-
M tenait avec Tempereur Henri. «Nous
» ne savons , dit le pape , si nous
» devons vous accorder notre benë-
» diction apostolique; car vous n'en
» êtes point digne, ])uisque vouscom-
y> miiniquez avec des excommunies.
» Vous nous demandez la permission
» de faire célefbrer l'olUce dans vos
» états en langue slave. Nous voifs
» le défendons expressément, en vous
» ordonnant de le'sister de toutes
», vos forces à la vaine te'me'ritë de
» ceux qui vous ont imprudemment
» porte à nous faire cette deman-
» de. » Lorsque Wratislas reçut
cette lettre , il combattait avec Henri
à Fladenlieim en Thuringe ( 1080 )
où il eut le bonheur de compter parmi
ses trophées la Lance royale (i)de
Rodolphe, ëlu empereur par le parti
de Grégoire. Henri , voulant mar-
quer sa reconnaissance à Wratislas ,
lui donna y pour lui et ses succes-
seurs , la permission de faire porter
cette lance devant lui , dans les gran-
des solennités. A cette bataille , le
prince bohémien avait eu occasion
d'admirer la valeur de Wibert ou
Wigbert; ce fut ce brave général
qui , par ses instances, décida Wratis-
las à demander à l'empereur le titre
de roi. Ayant obtenu le consentement
du prince, il alla trouver l'empereur,
à qui il promit quatre mille marcs
d'argent , avec un corps de cavalerie
commandé par Borzivvoï , fils aîné
de Wratislas. Henri accepta la pro-
position , et Borziwoï , dirigé par
(1) Lancea regcilis ou dominica, que l'on mettait
entre les mains de l'empereur , à son couronne-
ment.
WRA 227
Wigbert, fit quatre campagnes en
Italie, sous les ordres de l'empereur.
Pendant que son fds combattait au
dehors, Wratislas marcha, en 1082,
vers le Danube _, pour attaquer Léo-
pold , margrave d'Autriche. Étant
près de l 'ennemi j, il fit prier Léopold
de lui préparer un repas digne de
lui , et d'assister au tournoi qu'il
voulait lui donner. Léopold répondit
sur le même ton. On se rencontra à
Mauerberg ou Mcilberg , et Léopold
fut complètement battu. En 1084,
Borziwoï et Wigbert revinrent à
Prague ; le jeune prince , prenant
celui-ci par la main, dit à Wratislas :
« Mon père, l'empereur vous recom-
»> mande ce brave général , et moi ,
» je vous prie de vouloir bien , en
» récompense de ses services , lui
» donner votre fille Judith en ma-
» riage. » Cette demande fut accor-
dée. A la diète de Maience, en 1086,
l'empereur Henri ayant fait avancer
Wratislas. au milieu des princes , et
l'ayant proclamé , à haute voix , roi
de Bohême, chargea l'archevêque de
Trêves de se rendre à Prague, pour
donner l'onction royale, avec la cou-
ronne , à Wratislas et à la princesse
Swientochna. L'évêque d'Olmutz
étant mort , l'empereur joignit cet
évêché à celui de Prague , en faveur
de Jaromir. Cette faveur, dont le
prélat était si peu digne , ne lit que
le rendre plus insolent. H gardait si
peu de mesure , qu'étant invité par
le roi , son frère , à venir à la cour ,
il dédaigna de comparaître , et ne
vint point à l'église , quand il sut
que le roi devait assister à l'of-
fice. Pour punir son frère , le monar-
que érigea dans le château de Pra-
gue, appelé Wissehrad, un chapitre,
dont les chanoines officiaient avec les
ornements pontificaux ; et il donna
au prévôt de cette église , avec plu-
22B
WRA
sieurs autres prérogatives , le titre
et les fonctions de chancelier du
royaume. On bâtit un temple ma-
gnifique dans ce château qui domine
la ville ; et , quand on en jeta les fon-
dements, le roi voulut, en l'honneur
des douze apôtres , porter sur ses
épaules douze paniers de terre. Les
liabitanls de la Lusace ayant com-
mis des ravages sur les frontières de
la Bohême, le roi envoya son fils,
Brzëtislas, pour les punir. Ce jeune
prince provoqua maladroitement îes
Saxons j ceux - ci l'attaquèrent* il
les repoussa , après un combat très-
sanglant. L'empereur , mécontent ,
en lit des reproches au père , qui eut
beaucoup de peine à l'apaiser. De
nouveaux mailieurs vinrent troubler
la paix de la famille régnante. Otlion,
Inarquis d'Olmutz , avait laissé en
mourant deux fils , Swientopeîk et
Otlion , auxquels il donna Jaromir
pour tuteur. Le roi voulut disposer
du marquisat qui était un fief dépen-
dant de la couronne, Jaromir s'y
opposa , et mit ses deux neveux en
possession d'Olmutz et de ses dépen-
dances. Sentant qu'il avait trop en-
trepris , il se décida à aller à Rome,
pour porter plainte contre son frère ;
mais il mourut en chemin. Wi atislas
se hâta de séparer les deux églises
d'Olmutz et de Prague, et ayant
chassé d'Olmutz ses deux neveux , et
donné le marquisat à Brzétislas ,
son fils, il se rendit avec lui devant
la ville de Brunn , pour y assiéger
Conrad, son frère, qui avait pris
parti contre lui en faveur de Jaromir.
Cependant il se laissa fléchir par les
larmes de l'épouse de Conrad, qui vint
se jeter à ses pieds , et , pardonnant
à son frère , il lui permit de venir
le trouver. Pendant le siése, un séné-
rai qui était en grande faveur auprès
'01
i
aya
nt dit
en sa présence un
WRA
mot qui déplut à Brzétislas, ce jeun
prince le fit assassiner. Craignant L
colère de son père, il quitta le cam
et attira à lui trois mille hommes de
l'armée, avec lesquels il osa marcher
sur la ville de Prague. Le roi , à qui
il était si facile de punir cette té-
mérité , fut apaisé par les prières
de Conrad, et se contenta d'exiler
son fils, qui se réfugia près du roi
de Hongrie. Wratislas , voyant a
procher ses derniers moments , coi:
voqua les grands du royaume y
désigna Conrad, son frère, pour so:
successeur , en lui recommanda
d'avoir soin de ses fils Boleslas, Bor-
ziwoï, Vladislas et Sobieslas j il ne
parla point de Brzétislas. Ce prince
mourut le 14 janvier 109*2 , et il fut
enterré dans l'église de Wissehrad.
Son frère fut aussitôt proclamé sou-
verain de la Bohême. Ses succes-
seurs , pendant soixante ans , ne
prirent point le titre de roi , le
regardant comme une préiogative
conférée à la personne de Wra
tislas. G — Y.
WRAY (Daniel), savant anglai
né à Londres en 1701 , fit ses éti
des à la Chartreuse {Charterhouse)
puis au collège de la Reine de l'uni-
versité de Cambridge , et voyagea
ensuite en Italie. Ses connaissances
étendues et variées le firent ad-
mettre à la société royale , en
17*29, et deux ans après dans celle
des antiquaires. Il fut membre de
plusieurs autres sociétés savantes, et
conservateur du musée britannique.
En 1745, M. Yorke , qui fut depuis
comte de Hardwicke , lui donna un
emploi près de lui à l'échiquier ( la
trésorerie ). Daniel Wray mourut le
29 décembre 1783. II fut un à^
auteurs des Lettres athéniennes ,
publiées par le comte de Hardwicke
{Vojez ce nom ). Le premier yo-^l
WRE
lume de V Archœologia contient
des Notes sur les murailles de l'an-
cienne Rome, communiquées par lui,
en 1 7-56 , et des Extraits de ses Let-
tres écrites de Rome , relativement
à la découverte d'une belle statue
de Vénus , qui j fut déterrée en
1761. La bibliotlièque de Wiay fut
donnée par sa veuve à la maison où il
avait reçu sa première instruction. Z.
WUKN ( Mathieu ) , célèbre ëvê-
que d'Ély, naquit à Londres, dans
la paroisse de Saint-Pelerclieap , le
23 dë(V 1 585, d'une famille noble ori-
ginaire du Danemark, mais dont l'é-
tablissement principal était à Win-
chester. Distingué avantageusement
dès son adolescence , il fut emmené à
l'université de Cambridge, par An-
drews, qui fut dans la suite choisi pour
chef du collège de Pembroke-Hall ,
et l'y fit admettre en i6oï. Wren
s'y livra princi}>alement à l'étude
du grec pendant ses premières an-
nées , y continua ses cours de philo-
sophie, et fut promu au ministère
ecclésiastique en février 1610. Mais
il n'exerça point encore les fonctions
c'vangéliques^ et occupa quatre ans
mie des chaires de l'université Gan-
tabrigienne. Enfin , après avoir sou-
tenu une thèse de philosophie en
présence du roi Jacques I*^'. , il fut
nommé ( i6i5 ) chapelain de l'évê-
que Andrews, puis recteur de Fe-
versham, dans le comté de Kent.
Six ans après , il devint chape-
lain particulier du prince de Galles ,
depuis Charles I*^'^. , et le suivit en
cette qualité à la cour d'Espagne, où
le jeune héritier de la couronne d'An-
gleterre alla en 1623. A son retour
dans sa patrie , il eut avec les évêques
Andrews^ Neile etLaudune conféren-
ce sur les sentiments de son maître ,
relativement à la religion anglicane.
Wren , qui avait étudié à fond le ca-
WRE 229
ractèredu prince, répondit, à ce qu'il
paraît, ave(i beaucoup de justesse j
car le vieil Andrews, qui jusque-là
était resté silencieux, termina l'entre-
tien , après une heure de discussion ,
par ces mots : « Eh bien ! docteur,
je vous le prophétise , et malheureu-
sement je suis un prophète de vé-
rité , vous verrez , pour moi je serai
alors dans la tombe , vous verrez
ainsi que monseigneur de Durham
(Neile) et monseigneur de St. -David
( Laud ) votre maître perdre en même
temps la couronne et la vie , pour
avoir renoncé à protéger son église. »
Cependant la protection du prince de
Galles aplanissait pour Wren le
chemin des dignités ecclésiastiques.
Recteur de Bingham dans le comté
de Nottingham en 1624, il obtint,
en même temps que cette cure , un
canouicat dans l'église de Winches-
ter. L'année suivante il fut promu
au principalat du collège de Peter-
house , à Cambridge , emploi dont
il s'acquitta avec non moins de zèle
que de désintéressement et de succès.
Il mit en ordre les archives et la bi-
bliothèque du collège, augmenta con-
sidérablement les bâtiments , et con-
tribua généreusement pour faire éle-
ver une chapelle magnifique, dont la
première pierre était posée depuis
long-temps, et qu'il eut le plaisir de
voir achever en i632. Cependant il
avançait rapidement dans la carrière
des honneurs. Depuis quatre ans déjà
il jouissait du titre de doyen de
Windsor et de Wolverhampton. Il
remplissait en même temps l'emploi
de vice-chancelter, et Jacques I^'^". le
fit secrétaire de l'ordre de la Jarre-
tière. Wren écrivit à celte occasion un
commentaire latin sur les statuts de
Henri VII 1 , concernant cet ordre
célèbre. Ces commentaires ont été
insérés par Anstis dans son Registre
23o WRE
de Vordre de la Jarretière. Ash-
molc, auteur d'une compilation du
même genre ( Institution de Vordre
de la Jarretière) , donne de grands
éloges à l'ouvrage de Wren , et re-
grette de ne pas en avoir eu connais-
sance avant que le sien fut publie. La
considération et le crédit de Wren
augmentaient tous les jours. Au mois
d'avril 1629, il devint membre de la
chambre Étoilëe. En i633 , il suivit
Charles 1^^'. pendant son voyage en
Ecosse , et fut un de ceux qui com-
posèrent la liturgie octroyée ou im-
posée à cette contrée. En revenant , il
fut nommé prédicateur du cabinet de
sa majesté, et reçut en même temps le
bonnet de docteur en théologie à l'u-
niversité de Cambridge. Enfin, en
1634 , après avoir encore obtenu un
bénéfice dans la cathédrale de West-
minster , il fut promu au siège épis-
copald'Hereford, qu'il quitta au bout
d'un an pour celui de Norwich. Est-
il vrai que dans ce poste éminent, et
qui , à cette époque , conférait tant
de puissance , Wren se soit conduit
à l'égard des puritains de son diocèse
avec une partialité, une intolérance
révoltantes? est-il vrai que d'habiles
fabricants de porcelaines , alors uni-
ques possesseurs d'un secret à l'aide
duquel ils préparaient en Angleterre
une pâte plus belle que celle de la
Saxe, aient été contraints par ses vio-
lences à quitter le sol natal, et à aller
chercher une patrie en Allemagne ?
Ses apologistes ont dit que les Alle-
mands , inquiets de la rivalité dont
les menaçait la production des nou-
velles'porcelaines anglaises , obtin-
rent à force d'or et de promesses
avantageuses que les manufacturiers
du comté de Norwich transporte-
raient 4eurs établissements eu Alle-
magne. Mais admît-on cette explica-
tion , il ne faut pas en conclure for-
WRE
mellement quel'évêque se soit toujours
contenu dans les bornes de la modé-
ration et d'une sage tolérance. Ce
qu'il y a d'avéré, c'est qu'il devint
l'objet de la haine des puritains j et
soit qu'on redoutât en lui un fidèle
serviteur de Charles \^^. , soit que
réellement les clameurs du parti op-
posé à la cour et à la hiérarchie de
l'église anglicane le désignassent com-
me une des victimes , il ne tarda pas
à être accablé par l'irrésistible puis-
sance des anarchistes, qui chaque jour
acquéraient de la force au parlement,
parmi le peuple et dans l'armée. Il
y avait quatre ans que la mort de
Juxon lui laissait à remplir le dé-
canat de la chapelle du roi, et de-
puis deux années il joignait à ce titre
de doyen celui d'évêque d'Ély , lors-
qu'un message de la chaml3re des
communes à la chambre des pairs
informa leurs seigneuries que le nou-
vel évcque scandalisait les fidèles
par ses efforts pour ranimer le pa-
pisme, qu'il avait trempé dans plu-
sieurs complots, et qu'en ce moment
même , sentant combien sa liberté
était compromise , il ne songeait
qu'à s'enfuir sur le continent. Les
pétitionnaires terminaient en deman-
dant sa mise en accusation , et préa-
lablement une forte caution. La cham-
bre haute borna cette caution à dix
mille liv. sterling (25ooûo fr.). Wren
fut ensuite traduit à la barre de la
chambre , pour répondre à une accu-
sation rédigée en vingt-quatre cha-
pitres , et dont le résultat était que
l'évêque d'EIy était coupable de cri-
mes de haute-trahison et de malver-
sations. II n'y allait pas moins que de
sa vie; et la partialité connue des
juges, presque tous prévenus défa-
vorablement , ne pouvait que fai-
re augurer le plus triste dénoue-
ment. Wren ne perdit point courage ,
I
WRE
et il prononça devant ses juges une
apologie remplie d'esprit et de cha-
leur. On se borna à le punir par une
détention temporaire , dont cepen-
dant le terme ne fut point fixé, et il
fut enfermé à la Tour. Il y passa dix-
huit ans , sans consentir à entrer eu
négociation avec Cromwell qui lui
offrit la liberté à condition qu'il ac-
cepterait ses faveurs, et reconnaîtrait
son autorité. Wren se refusa constam-
ment à toutes les propositions du pro-
tecteur , et se consola des ennuis de
sa captivité par la composition de
plusieurs opuscules, lin lin , Crom-
well mourut , et la démission de Ri-
chard ayant rendu à Charles II
la puissance si long-temps gardée par
Olivier , le prélat sortit de la Tour
et fut réintégré dans son évêchéd'Ély
( iGGo) , où il ne s'occupa plus, jus-
qu'à sa mort, que d'allaires ecclé-
siastiques. Il mourut le 24 avril
1667, ^ Londres, et fut enseveli
dans la chapelle de Pembroke Hall,
qu'il avait fait élever à Cambridge.
Parmi les ouvrages publiés par ce
préiat, onestime surtout : I. DeuxiSer-
mons , le premier imprimé en 1627,
le second, en 166*2. II. [ncrepatio
Bar Jesu , sive polemicœ assertio-
nes locorum aliquot Sacrce Scriptu-
rœ ah impostiiris perversionitm in
Catechesi Bacouiand y Lond., 1660,
inséré dans le neuvième volume des
Critici sacri. III. L'abandon du
covenant d'Ecosse , Lond., 1661 ,
in-4'^. IV. Epistolœ variœ adviros
doctissimos : la plus grande partie
de ces Lettres sont adressées à Gé-
rard Vossius. Richardson parle avec
éloge de plusieurs de ses manuscrits
dans son traité Deprœsulibus An-
gliœ. — Mathieu Wren , lils du
précédent, fut député r,u parlement,
secrétaire de lord Cl^i'cndon , puis
du duc d'York. Il a publié : I.
WRE
23]
Considérations sur la République
d'Océana de M. Harrington , Lon-
dres , 1657, in-80. II. La Mo-
narchie justifié s ou Examen dugou-
vernemcnt monarchique et démo-
cratique ^pour servir de défense aux
considérations sur V Océana , etc.
P OT.
WREN ( Christophe ), architecte
anglais, neveu du prélat dont l'article
précède, naquit en i632 à East-
Knoyle , dans le comté de Wilts. Les
renseignements que nous possédons
sur la vie et les ouvrages de Christ.
Wren , et sur ses premières années ,
ne nous apprennent point quel avait
été son maître dans l'art de l'archi-
tecture , ni même s'il en eut un. On
peut présumer, d'après la diversité
d'études et de sciences auxquelles sa
jeunesse avait été livrée, qu'il dut
uniquement à l'étude des mathémati-
ques d'être initié aux connaissances
de celle partie de l'art de bâtir , qui
est soumise aux lois du calcul , con-
naissances auxquelles le génie ne sup-
plée pas toujours, mais qui récipro-
quement ne sauraient remplacer le
génie dans les grandes entreprises de
l'architecture. Lorsqu'en ce genre
l'étude et la nature auront réuni chez
le même homme, et avec une juste
combinaison , les dons du savoir et
ceux de l'imagination, il devra naî-
tre de là , si les circonstances sont
favorables , un grand architecte.
Christophe Wren fut un de ces ra-
res exemples,, et les besoins de son
siècle concoururent à développer
en lui les heureuses dispositions , qui
• n'attendaient qu'une occasion pro-
pre à les faire briller. Son père,
doyen de Windsor , était d'une an-
cienne famille originaire de Dane-
mark , qui s'était établie en Angle-
terre, dans le diocèse de Durham. Dès
l'a gelé plus tendre , le jeune Wren an-
l32
WRE
nonça une grande aptitude aux scien-
ces, surtout aux mathématiques, et on
Tadmit , comme gentilhomme- pen-
sionnaire au collège de Wadham , à
Oxford. Il n'avait que treize ans ,
lorsqu'il construisit une machine
pour représenter le cours des astres ,
et fit divers instruments d'astronomie^
mieux divisés ou plus commodément
suspendus que ceux qui existaient
alors. A seize ans, il avait déjà tait
des découvertes dans l'astronomie ,
la gnomonique , la statique , la mé-
canique. Il communiqua, en t6:j8,
à Wallis , divers Mémoires que ce
mathématicien inséra dans son traité
de la Cycloïde; eX, à peine âgé de
A^ingt- cinq ans , il professait ces scien-
ces à Oxford , au collège de Gres-
ham. Bientôt il fut créé docteur en
droit civil j et il obtint en 1 663 une
chaire à l'université de cette ville ^
ainsi qu'une place à la société royale
deLondres, qui venait d'être étaîolie.
Il fut chargé dans le même temps de
faire des dessins pour la réparation
de l'église Saint-Paul. S 'étant livré
à l'étude de l'anatomie, il exécuta en
1664 les dessins qui furent gravés
pour V Anatomie ducen'eauàty^û-
lis. Le docteur Sprat a donné , dans
V Histoire de la société royale ., le
détail des principales découvertes
que Wrcn avait faites à cette épo-
que dans la philosophie et les ma-
thématiques. Jusque-là , on le voit,
rien n'annonçait qu'il dût être un
des premiers architectes et de son
pays et de son siècle. Vers i665 , il
lit un voyage à Paris, dans la vue,
dit-on, d'examiner l'état des arts,
qui commençaient à y refleurir sous
les auspices d'un nouveau règne. Un
grand événement le rappela promp-
tement dans sa patrie; ce fut le terri-
ble incendie qui consuma la plus
grande partie de la ville de Londres ;,
WRE
en 1666. Ce malheur et le besoin
non-seulement de le réparer, mais
de le faire servir à l'amélioration ,
comme à l'embellissement de cette
capitale, éveillèrent legéniede Wren,
et lui révélèrent des talents, dont le
principe avait jusqu'alors sommeillé
en lui. Il imagina un plan général de
reconstruction de cette grande cité.
On peut dire de toutes les gran-
des villes, excepté d'un fort pe-
tit nombre , qu'elles ne furent et ne
sont autre chose , qu'un agrégat for-
tuit et successif de constructions
ajoutées les unes aux autres, sans au-
cun dessein , sans aucune prévision de
l'avenir. C'est souvent lorsqu'il n'y
a plus de remède à leurs irrégulari-
tés , qu'on cherche les moyens tou-
jours lents d'en redresser les rues,
et d'en symélriser les aspects. Wrea
crut qu'il fallait saisir l'occasion du
malheur arrivé, pour soumettre la
réédification de Londres à un systè-
me d'ensemble, qu'en vain on atten-
drait des volontés particulières. Son
plan présenta de longues et larges
rues , coupées à angle droit , des
projets d'églises et de monuments
publics , dans de belles positions.
De nombreux portiques variés , selon
les quartiers , servaient de points de
vue , en divers lieux , aux rues prin-
cipales. Jamais programme plus vrai-
ment idéal ne fut conçu pour un
but moins imaginaire, Il a été gravé
en 1 724 , et l'on peut juger , encore
aujourd'hui, de l'impression qu'il
dut faire à l'époque où il fut présen-
té au parlement. Il y devint le sujet
d'une longue discussion. Deux opi-
nions opposées s'y combattirent. Les
uns appuyèrent le projet de Wren;
les autres soutinrent qu'il fallait re-
bâtir sur l'ancien plan. Un troisiè-
me parti , comme cela arrive sou-
vent , se plaça au milieu des deux ,
WRE
et fit prévaloir son opinion. On prit
une portion du nouveau ])lan , on en
conserva une de l'ancien , et Londres
manqua pour toujours l'occasion d'ê-
tre le chef- d'œuvre de toutes les
villes. Cependant ce qu'on adapta du
projet de Wren, quant à la largeur
des rues , à la grandeur des places ,
et à une construction en matériaux
plus solides ( l'ancienne était toute
de bois), n'a pas laisse de rendre
cette ville une des plus remarquables
de l'Europe, sinon pour l'architec-
ture, du moins pour la régularité ,
l'alignement, la disposition des rues
et des places. Si Londres perdit
l'avantage que lui eût procuré l'a-
doption du grand projet de Wren ,
elle y gagna toujours d'apprendre
qu'elle avait , en lui , un homme né
pour les grandes choses. Lorsque îa
nature produit de pareils hommes ,
il semble que la société ne manque
pas non plus de faire naître le besoin
d'ouvrages qui soient à leur niveau.
On remarque que les grandes entre-
prises et les grands artistes se sont
toujours rencontrés , et dans cette
coïncidence, on ne saurait dire de
quel côté est le premier moteur.
Jean Denham , architecte du roi ,
étant mort en 1668 , Wren lui suc-
céda , fut fait chevalier en 1674 5 et
eut dès-lors la direction d'un grand
nombre d'édifices publics. Cependant
Londres était à peine sorti de ses cen-
dres , et déjà on projetait d'y élever
un monument qui devait présager la
grandeur future de cette ville. Il ne
s'agissait pas moins que de riva-
liser avec la vaste basihque de Saint-
Pierre de Rome. Christophe Wren
fut chargé de cette noble entreprise,
et dès 1675 il jeta les fondements
de Saint-Paul. On croit que, dans un
premier modèle qu'il composa , il
avait voulu se raj)proclier des plans
WRE
'233
et du style des temples de Tantiquité.
Mais l'Angleterre avait subi pendant
plusieurs siècles, comme tout le nord
de l'Europe , les habitudes du genre
gothique. Les constructeurs des égli-
ses de ce genre, libres des sujétions
d'une ordonnance régulière , et par
conséquent de tout rapport de pro-
portion entre les plans et les éléva-
tions , s'étaient plu à chercher la
beauté et à la placer uniquement dans
la grandeur linéaire, c'est-à-dire dans
la longueur et la procérité des inté-
rieurs. Wren adopta donc pour plan
la disposition du plus grand nom-
bre de ces églises, qui ordinairement
se composent de deux parties d'une
longueur égale, le chœur et la nef ,
que divisent ( ainsi qu'on les ap-
pelle) les deux bras de la croisée. La
longueur de Saint-Paul , qui est de
quatre cent cinquante pieds français,
offre dans le milieu de cet espace
une coupole de quatre-vingt-dix-huit
pieds français de diamètre , et de
deux cent huit pieds de hauteur. Un
rang de bas-côtés règne dans toute
la longueur de l'église , qui se termi-
ne au bout du chœur par une apside
(ou rond-point), et qui commence
en avant de la nef , par un grand et
spacieux vestibule. L'ordonnance in-
térieure est en arcades, dont les pieds-
droits reçoivent des pilastres co-
rintliiens , avec un entablement fort
réguher. Au-dessus de cet entable-
ment règne un attique continu , sur
lequel s'élève la voûte avec les fenê-
tres qui éclairent l'intérieur. La cou-
pole a été fort ingénieusement cons-
truite dans une forme pyramidale,
que les yeux ne sauraient découvrir,
et qui a singulièrement épargné l'ef-
fort de toute poussée latérale. La criti-
que d'un semblable monument com-
porterait de nombreuses et impor-
tantes considérations, que Ton ne
a34
WRE
saurait même effleurer icij nous nous
bornerons , en peu de mots , à une
seule , celle qui esta la portée du plus
grand nombre, nous voulons parler de
l'impression générale ou de l'eUet de
cette architecture tant au dedans
qu'au dehors. S'il s'agit de l'impres-
sion que le spectateur reçoit de l'as-
pect intérieur, nous nous permet-
trons de dire qu'il est généralement
médiocre. On n'y est véritablement
frappé d'aucune sorte de grandeur ,
d'aucun caractère bien prononcé ,
soit de force , soit de sévérité , soit
d'élégance et de richesse. Les sens et
l'esprit y voudraient ou plus de sim-
plicité , ou plus de variété. Quelque
chose de nu , de pauvre et de froid
s'y fait sentir. En un mot , on entre
dans Saint-Paul sans étonnement , on
en sort sans admiration. Quant au
mérite et à l'eflTet de l'architecture,
l'extérieur nous paraît l'emporter
sur l'intérieur. Nous le disons d'a-
bord de la coupole , dont la forme ,
la courbe et la décoration sont foDt
belles, dont l'ensemble, bien qu'on
puisse le trouver découpé par la
saillie de la colonnade qui l'envi-
ronne j ne laisse pas de produire un
tout harmonieux. Pour ce qui est de
la masse extérieure de l'église pro-
prement dite , il est possible de blâ- *
mer dans son ajustement l'applica-
tion des deux ordres de pilastres ,
l'un au-dessus de Tautre. Le goût
scrupuleux de ceux qui mettent ,
avant tout autre mérite, celui de
l'unité , regrette que deux ordres
qui , dans cette position , signifient
deux étages , se trouvent au dehors
d'un édifice qui intérieurement n'a
point d'étage. Cependant le parti
général de toute cette masse , abs-
traction faite du rapport qu'on vient
d'indiquer, est d'un style sage, d'une
bonne composition et d'une exécu-
WRE
tion aussi pure que précieuse. On
aime à y remarquer, à l'extrémité
de chaque croisée , les petits avant-
corps circulaires en colonnes qui leur
servent de portiques. Malheureuse-
ment pour cette église, comme à l'é-
gard de beaucoup d'autres, ce qu'on
peut le moins y louer, c'est son fron-
tispice avec les deux clochers , com-
position banale , sans effet et sans
grandeur , mais résultat en quelque
sorte nécessaire de la sujétion impo-
sée par la hauteur de l'édifice. Le
manque d'espace a frustré ce monu-
ment d'une place sufiisante , pour
qu'on puisse en embrasser convena-
blement l'ensemble. Le lieu qu'il oc-
cupe étant dans la Cité, le quartier
de Londres le plus resserré, Wren
ne put pas remédier à cet inconvé-
nient. L'église de Saint-Paul , cons-
truite toute en pierre de Portland , a
eu le grand avantage d'avoir été
par lui commencée, conduite et ter-
minée en trente-cinq ans, c'est-à-dire
par un seul et même architecte , et,
ce qu'on a observé encore , par un seul
et même entrepreneur, circonstance
très-rare dans les grands édifices , et
à laquelle celui-ci doit certainement
de n'offrir aucune de ces disparates de
manière et dé goût , résultats natu-
rels des modifications que ne man-
quent presque jamais d'introduire
dans la conduite d'un ouvrage les
architectes qui s'y succèdent. Com-
me église , à part les critiques qu'on
en peut faire ( et quel édifice en est»
exempt? ) , Saint-Paul se place , sous
plus d'un motif , mais surtout pour
l'importance et la grandeur , au se-
cond rang , c'est-à dire immédiate-
ment après Saint - Pierre de Rome.
Wren , en même temps , élevait un
autre monument qui dans son genre ,
du moins pour la hauteur , ne devait
point avoir de rival. C'est cette
WRE
colonne qu'on appelle à Londres
du nom seul de Monument , et
que l'on construisit en pierre, à l'en-
droit même oii avait commencé l'in-
cendie dont on a parlé, pour perpé-
tuer le souvenir de ce mémorable
fléau. Sa hauteur est de cent quatre-
vingt-huit pieds ( français ) , en y
comprenant le piédestal et le couron-
nement. On prétend, dans plus d'un
écrit, que cette colonne est de Tordre
toscan. Outre que nous ignorons ce
qui peut caractériser dans une colon-
ne ce prétendu ordre , d'invention
tout-à-lait arbitraire , nous pensons
qu'une colonne monumentale , par
conséquent isolée, et indépendante
de toui,es les autres parties cons-
titutives d'un ordre , ne saurait
être assujétie aux proportions et
au caractère qui le distinguent. Ce
n'est guère alors que par son chapi-
teaiî et par sa base que la colonne
de Londres peut être caractérisée,
et il nous semble que ces deux ob-
jets , ainsi que les cannelures , doi-
vent la distinguer comme apparte-
nant à l'ordre dorique des moder-
nes. Elle pose sur un piédestal haut
de trente-sept à trente-huit pieds et de
dix neuf pieds six pouces en quarré.
La face principale est ornée d'un
bas-relief en marbre, où la sculpture
a représenté d'un coté la destruc-
tion des maisons par le feu , et de
l'autre leur réédiiication. Diverses
figures allégoriques enrichissent cette
composition , au milieu de laquelle
on voit le roi Charles II à qui l'on
présente le plan de la reconstruction
de la ville. Aux quatre angles du
socle en forme de congé, qui termine
par en haut le piédestal, sont sculptés
quatre salamandres, emblèmes du feu.
Le fût de la colonne a quatorze pieds
de diamètre. Le tailloir qui termine
le chapiteau supporte un corps cir-
WRE
a35
culaire , que surmonte un grand vase
de bronze , d'où sortent des flammes.
L'intérieur de la colonne renferme
un escalier en bois , composé de trois
cent quarante-cinq marches de neuf
à dix pouces de large sur cinq à six
pouces de haut. Généralement l'exé-
cution de l'ouvrage est large, cor-
recte et de bon goût. Il ne manque
encore à l'eflet qu'on devrait rece-
voir de son ensemble qu'une place eu
rapport avec la dimension d'un mo-
nument aussi colossal. Un des plus
remarquables édifices d'Oxford est
encore dû au génie de Wren , c'est
celui qu'on appelle le Théâtre , nom
qu'on lui a donné parce que d'un
côté sa forme extérieure est circu-
laire, et aussi à cause de l'usage qu'on,
en fait pour les exercices littéraires
de l'université, et pour les réunions
d'assemblées destinées au soutien des
actes publics, quelquefois pour l'exé-
cution des concerts. Il fut commencé
en i6(J4 , et achevé en 1669, aux
dépens de Gilbert Sheldon , arche-
vêque de Cantorbéry , chancelier de
l'université d'Oxford. Ce bâtiment
qui peut contenir , tant sur ses de-
grés que dans ses tribunes , quatre
mille personnes , formerait un ovale
régulier , si le coté qui regarde la
bibliothèque Bodléienne , n'avait été
fait en ligne droite. Sur cette dernière
face, il présente , à rez-de-chaussée,
un beau frontispice avec colonnes et
pilastres d'ordre corinthien. De sem-
blables pilastres , au nombre de qua-
tre , supportent un fronton dans l'é-
tage supérieur. La partie circulaire
dont on a parlé est en arcades au
rez-de-chaussée , avec fenêtres quar-
rées au dessus. Une enceinte circu-
laire sert aussi de clôture à ce côté
de l'édifice , et y produit une fort
heureuse décoration. Sur un petit
mur à bauteur d'appui , et bâti dans
236
WRE
le même plan, c'est-à-dire , circulai-
renient , s'élèvent quatorze grands
termes , que surmontent des bustes
de philosophes d'une proportion co-
lossale. Ces termes quadrangulaires
sont engages par leur partie infé-
rieure dans le pelit mur d'appui ^ sur
lequel sont scellées des grilles qui
s'étendent d'un terme à l'autre, et
s'y appuient. Parmi les monuments
de Wren , qui ont acquis de la cé-
lébrité , on se plaît encore au-
jourd'hui à vanter comme une de
ses productions les plus recomman-
dables du coté de l'art et du goût ,
quoique l'œuvre soit d'une médiocre
importance , l'église de Saint-Étien-
ne de Wallbrook. Cet édifice mérite
effectivement d'être cité , à Londres
surtout où, excepté l'église gothique
de Westminster et celle de Saint-
Paul , presque tontes les autres,
quant à l'étendue , ne seraient ail-
leurs que de simples chapelles. Celle
de Saint-Étienne se fait remarquer
par l''élégance de sa nef à deux éta-
ges de colonnes et de pilastres d'ordre
corinthien qui portent une voûte. La
nef est accompagnée de bas-côtés. Il
y a une croisée au centre de laquelle
s'élève une petite coupole dont la
hauteur , en y comprenant celle de
la lanterne , est de cinquante - huit
pieds ; l'élévation de la tour , y com-
pris sa balustrade , est de soixante-
dix pieds. Si l'on donne à cette église
la part d'éloges qui lui est due , il
faut toutefois faire remarquer l'ad-
miration exagérée avec laquelle d'Ar-
genville , sur la foi sans doute du
petit-fils de Christophe Wren, avance
qu'il n'y a pas en Italie un édifice
moderne qu'on puisse lui comparer,
pour le goût et les belles proportions.
Une autre église de Wren est citée
parmi les plus remarquables de Lon-
dres y mais particulièrement pour sa
WRE
tour qui est la phis haute de la ville :
eliea plus de deux, cents pieds français
d'élévation , et se compose de plu-
sieurs étages diversement ornés d'ar-
chitecture , qui se terminent par
une flèche très - allongée , avec
une grosse boule de bronze , portant
un dragon de même métal doré ,
d'environ dix pieds de long. On peut
s'étonner qu'il n'ait point été fait de
recueil gravé des édifices que cet ar-
chitecte, dans le cours d'une longue
Yie , paraît avoir construits en divers
lieux de l'Angleterre. On eu est réduit
à de simples mentions de son bio-
graphe , mentions insuffisantes pour
faire juger de la valeur d'ouvrages
qui , s'ils se sont conservés , ont dû
éprouver plus d'un changement.
Pour ne rien omettre cependant de
ce qui peut donner quelque idée de la
féconde activité de Wren , nous ci-
terons parmi les nombreux tra-
vaux qui remplirent sa carrière :
1. La Douane du port de Londres ^
ornée de deux ordres d'architecture.
L'inférieur est en colonnes toscanes.
L'étage supérieur a des pilastres io-
niques , qui supportent des frontons.
Du côté du couchant, la façade, de
cinquante - sept pieds français de
long , offre des galeries en arcades ,
soutenues par des colonnes. La lon-
gueur totale de l'édifice est de cent
quatre-vingts pieds français. IL Le
Palais royal de Winchester. Il est
bâti sur la croupe d'une montagne
extrêmement escarpée , et n'a point
de jardin. Le roi Charles II avait
choisi cet emplacement pour la beau-
té de sa situation j et il voulait qu'il
fût terminé dans l'espace d'une an-
née. S'il eût été achevé , il aurait
égalé les plus beaux palais de l'Eu-
rope. Du côté de la ville , il présente
deux ailes de bâtiments, séparés par
une vaste cour. Un grand escalier
wrp:
conduit à une salle des Gardes, qu'ac-
compagnent seize pièces , tant à droi-
te qu'à gauche. Oîj rejclle sur l'in-
commodité de I ci-.;>lnccment, ou sur
Ja précipitation xle l'exocution , le
plus giand nombre des dëlauts qu'on
reproche à cet ensemble. lil. Le Pa-
lais épiscopal de TFinchester. On
le regarde comme une des meilleures
productions de Wren. IV. La Fa-
çade de V appartement du roi à
Hampton-Court. C'estcelle qui donne
sur le parterre et sur la Tamise. Elle
a trois cents pieds de longueur. L'en-
trée du grand escalier, qui conduit
à l'appartement du roi , est sous un
portique d'environ quatre-vingt-dix
pieds de longueur , forme par une co-
lonnade ionique. V. Le Mausolée de
la reine Marie à Westminster. Il a
été exécuté sur les dessins de Wren.
VI. ^j' Hôpital de Chelsea , fondé
pour les invalides de terre par Char-
les II. C'est un des édifices de Lon-
dres dont on admire également et la
masse extérieure et la distribution
interne. L'hôpital de Greenwich ,
pour les invalides de mer, fut com-
mencé en i()99 par Inigo Jones.
Wren passe pour avoir coopéré
à son achèvement sans aucun émo-
lument. Ce ne fut pas le seul ou-
vrage oh , mû par l'amour du bien
public, il consacra gratuitement ses
veilles , et donna des preuves de
son désintéressement. Nul architecte
peut-être ne porta plus loin cette qua-
lité- et cependant il lui arriva une
fois d'encourir le soupçon de cupidi-
té. Tandis qu'il poussait avec la plus
grande activité les travaux de Saint-
Paul , on répandit le bruit qu'ayant
de trop forts appointements, il traî-
nait l'ouvrage en longueur par ce
seul motif. Un acte du parlement ,
daté de la neuvième année du règne
de Guillaume, ordonna la suspension,
WRE 237
par moitié, de ses honoraires, jus-
qu'à ce que l'église fut achevée. Ces
honoraires toutefois ne se montaient
qu'à deux cents livres sterling par
an. ir supporta patiemment cette
injustice, et ne répondit à la calom-
nie que par le silence. Chargé d'in-
nombrables travaux , occupé du soin
de la construction des cinquante-une
paroisses de Londres, car il était
non-seulement le premier y mais peut-
être , dans toute l'acception du mot ,
le seul architecte de son pays, Wren
réunissait au talent et à la science de
son art le caractère le plus propre
au rôle qu'il était appelé à jouer. La
nature l'avait doué d'une humeur
égale et d'une tranquillité d'ame
qu'aucun événement ne pouvait al-
térer. Aussi était-il un de ces hommes
que rien ne peut détourner de leur
but, dont rien ne peut déranger, ni
retarder, ni accélérer la marche. On
croit voir que sa valeur ne fut pas
justement appréciée de son vivant;
et cela fut peut-être dû aussi , de sa
part, à une modestie qui allait jusqu'à
la timidité. C'est une espèce de tort
pour un grand talent , aux yeux de
la multitude, c'est-à-dire des igno-
rants, que cette métiance qu'il a
de lui-même et ce dédain de la louan-
ge , qu'il cherche plus à mériter
qu'à obtenir. La médiocrité qui se
vante l'emportera toujours en re-
nommée, éphémère à la vérité, sur
le vrai mérite , qui ne veut de la gloi-
re qu'après le succès. Soit indiffé-
rence pour les hommages contempo-
rains , soit amour de la retraite, soit
caprice de la fortune , qui aime à
changer de favoris , Wren se survé-
cut en quelque sorte à lui - même.
Après avoir employé plus de cin-
quante ans dans les travaux les plus
pénibles et les plus honorables , il
passa les derniers temps de sa longue
238
WRE
vie oublié de son pays , et comme
travaillant à s'oublier lui-même. On
ignore les raisons qui le firent priver^
en 1718^ à l'âge de quatre-vingt-
six ans , de la charge de directeur-
général des bâtiments du roi. Il prit
alors le parti de se retirer à la cam-
pagne , où il ne s'occupa plus que de
lecture. Wren avait épousé la fille du
chevalier Thomas Coghill de Blcc-
kington dans le comtl d'Oxford , et
il en eut un fils , nommé Christophe ,
comme lui. Devenu veuf, peu de
temps après , il épousa , en secondes
noces, Jeanne, fille de lord Fitz
Williams. 11 fut trois fois député au
parlement. La société royale l'avait
appelé à la présidence en 1680. Il
fut nommé en i683 architecte et
commissaire du collège de Chelsea;
en 1684, contrôleur des bâtiments
du château de Windsor j en 1698 ,
inspecteur - général et commissaire
pour la réparation de l'abbaye de
Westminster. Malgré les pronostics
d'un tempérament faible . et qui sem-
blait, dans sa jeunesse , disposé à la
consomption , un régime de vie sage
et réglé le -conduisit jusqu'à l'âge de
quatre vingt-onze ans. Il fut enterré
sous le dôme de Saint-Paul, privilège
exclusif qui lui fut accordé , ainsi
qu'à sa famille. L'épitaphe qu'on lit
sur sa pierre sépulcrale remplace
bien honorablement , pour lui , le
luxe d'un mausolée :
Subtus conditur — Hu)us ecclesine conditor
— Cbrislophorus VVreu
— Qui vixit annos ultra nonaginta
— Nou sibi sed bono publico.
— Lector si mouuinentum requirJ5
Circumspice.
Obiit aS feb. anuo i^9.3 , œtatis 91.
Wren ne fit rien imprimer lui-même ;
mais quelques - uns de ses ouvrages son, jusquen
ont été publiés par d'autres : I. Re-
lation de l'origine et des progrès
de la manière défaire passer les li-
queurs dans les vaisseaux du corps
WRI
animal. Cette fusion ne dilFère
point de l'injection qui se fait dans
les abcès , les ulcères et fistules. IL
Lex naturœ de collisione corpo-
rum, III. Descriptio machinée ad
tereudas lentes hfperbolicas. IV.
Une Description de l'église cathé-
drale de Salisbury. Tous ces ouvra-
ges ont été insérés dans les Transac-
tions philosophiques, James Elmes ,
architecte anglais , a publié en 182 3
des Mémoires sur la vie et les ou-'
vrages de sir Christophe Wren,
I vol. in-4°. Une vaste collection de
ses plans et dessins a été achetée par
le collège d'All-Souls, d'Oxford, et
déposée dans la bibliothèque, où l'on
voit aussi son buste. — Son fils ,
Chris topheW K^is , membre du parle-
ment , mort en 1 7 47 ? ^gé de soixan-
te-douze ans , a publié : Numisma-
tum antiquorum sjlloge , populis
grœcis ,municipiis et coloniis roma-
nis cusorum , etc., 1708^ in-4°. Il
avaitrecueillisursafamilledesdétails
biographiques, qui ont été publiés en
1760, in-fol., avec des portraits,
sous le titre de Parentalia. Q-Q.
WRIGHT ( Thomas ), natif
d'York , après avoir professé la
théologie avec beaucoup de réputa-
tion, en Italie _, en Espagne et en
Flandres , fut appelé , en 1 569 , à
Douai , pour y occuper une chaire
de l'université dans la même faculté.
Étant passé, en 1677 , en qualité de
missionnaire , dans le Yorkshire , il y
fut arrêté et emprisonné dans le
château d'York , où il eut plusieurs
conférences avec le doyen Hutton et
autres controversistes anglicans. On
le transféra ensuite de prison en pri-
585
epuque a
la-
quelle on l'embarqua à Hull , pour le
transporter sur le continent. Wright
devint vice-président du collège an-
glais de Reims , puis doyen du cha-
WRI
pitre de Courtrai. Dans un voyage
qu'il fit à Anvers, en 162*2, le fa-
meux Marc- Antoine de Dominis , at-
taqué d'une maladie mortelle , le lit
appeler, et renouvela entre ses mains
sa retractaiion , qu'il avait adressée
quelque temps auparavant au nonce
du pape , cl Bruxelles. Ou a de
Wright : I. De possibilitate prœ-
santiœ realis. II. De dispositione ad
eucharistiam recipiendam. III. De
, passionibus animœ, IV. De arlicu-
' lis rcli^ionisprotestantiuin . V . Aca-
demia protestanliiim , seii anato-
mia cœnœ J oannis Calvini. VI. Da-
i^idis Threni , seu de damnis pecca-
ti.W], De beatitudine. T — d.
, VS^RIGHT ( Guillaume ) , de la
même province que le précédent , en-
tra chez les jésuites à Rome, en 1 58 1 ,
et professa ensuite la jdiilosophieet la
théologie à Vienne et à Gratz. Reve-
nu en Angleterre au bout de vingt-
huit ans d'absence, il y fut mis en
prison, et obtint sa liberté, après
avoir échappé à la peste qui empor-
ta tous ceux qui étaient détenus.
Wright mourut de la pierre, le 18
janvier i63g, à l'âge de soixante-
dix-neuf ans , après dix ans de souf-
frances cruelles. Il est auteur de plu-
sieurs traités de controverse, entre
autres d'un ouvrage où il prouve
que, même suivant le témoignage de
vJugt-qualre savants théologiens pro-
testants , de^ catholiques peuvent
être sauvés. On lui doit de plus di-
verses traductions de Jacques Gor-
don , de Bécan , de Lessius , etc. , et
d'un petit traité de la Pénitence,
souvent réimprimé. ï — d.
WRIGHT ( Edouard ) , un des
, mathématiciens les plus distingués de
l'Angleterre, naquit à Garveslon ,
dans le comté de Norfolk , vers
i56o , devint un des membres du
" collège de Caius, dans l'université
WRI 239
de Cambridge, et mourut à Lon-
dres en 16 18 ou 1620. On a sur
lui peu de détails biographiques j
seulement on sait que ses inven-
tions et ses ouvrages fixèrent l'at-
tention de la compagnie des ludes
orientales , qui le nomma son lec-
teur de mathématiques , et que dans
la suite il fut chargé, par la reineÉli-
sabeth , de suivre le comte de Gum-
bcrland dans ses expéditions mariti-
mes. A son retour il fut nommé gou-
verneur du prince Henri. Parmi les
ouvrages que l'on doit à Edouard
Wright , nous signalerons : I. Cor-
rection des erreurs qui se commet-
tent dans la navigation , i Sgg , en
anglais. Ce traité, célèbre à juste titre,
se distinguait par lesidées les plus heu-
reuses, les plus nettes et les plus justes
sur la division du méridien, sur la
manière d'en construire les tables , et
sur les usages auxquels on peut ap-
pliquer cette division dans la navi-
gation. L'auteur en publia, en t6io,
une secondeédition augmentée. Parmi
les nombreuses améliorations qui don-
nent d celle-ci une supériorité incon-
testable sur la première , il faut met-
tre au premier rang l'indication du
procédé à suivre pour déterminer la
grandeur de la terre, et des réflexions
sur la nécessité de prendre pour base
de l'unité de mesure une longueur
en rapport avec le méridien terres-
tre. On remarque aussi dans cet ou-
vrage des tables de latitudes corres-
pondantes aux divisions du méri-
dien y divisions dont le calcul était
poussé jusqu'aux minutes ( Voyez
Henri Briggs ); un instrument à
l'aide duquel les variations du com-
pas, la hauteur du soleil et le temps
du jour étaient déterminés en mê-
me temps à chaque endroit , pour-
vu que la latitude en fut connue j la
correction des erreurs duesàl'excen-
24o WRI
tricité de rœil dans les observations
par l'alidade ; la correction de tou-
tes les tables de la déclinaison et de
la place des étoiles et du soleil, d'a-
près les observations que lui-même
avait faites en 1 694 , Ç)5 , 96 et 97 ,
à l'aide d'un quadrant de six pieds ;
enfin un quadrant pour prendre les
hauteurs en mer. Cette deuxième édi-
tion était dédiée au prince Henri , son
élève. II. Relation d'une expédition
maritime faite par le comte de
Cumberland^ avec une carte dressée
par Wright lui-même. III. Une tra-
duction du Traité des Logarithmes
de lord Napier, son ami. Mais ce
qui recommande surtout le nom de
Wright à la postérité, c'est son ha-
bileté dans la mécanique , c'est son
esprit d'invention. Outre les instru-
ments dont nous venons de parler à
l'occasion de son premier ouvrage ,
c'est à lui que l'on doit véritable-
ment la machine hydraulique , à
l'aide de laquelle les eaux de la petite
rivière de Ware sont portées de cette
ville à Londres par un canal : il
avait lui-même commencé cette en-
treprise , quand il s'en vit dépossédé
par les intrigues de quelques hommes
qui n'avaient point l'honneur de
l'invention. Wright avait aussi com-
posé , pour l'instruction du prince
Henri , une sphère magnifique dans
laquelle on voyait non - seulement
le mouvement qui emporte les étoiles
avec le ciel tout entier d'occident en
orient , mais encore le mouvement
de rotation du soleil sur lui-même ,
le cours de la lune et des planètes ,
et jusqu'à la possibilité des écbpses,
pendant une période de 17 100 ans.
Cet ouvrage , endommagé pendant
les guerres civiles qui suivirent , fut
retrouvé en 1646, par sir Jonas
Moore, qui le fit restaurer à ses dé-
pens, et qui le plaça dans sa biblio-
WRI
thèque , parmi beaucoup d'autres
instruments mathématiques et de cu-
riosités ( Foj. MONTUL'LA , HiS'
toire des mathématiques ^ 11 , 65 1 ,
2^. édit. ). P— OT.
WRIGHT ( Abraham ), théolo-
gien anglican , fils d'un teinturier de
Londres , naquit le *23 décembre
161 1 , et passa de l'école des mar-
chands tailleurs au collège Saint-
John de l'université d'Oxford (1629)
auquel il fut agrégé en l'année i632.
Distingué entre ses condisciples par
son goût en littérature , par une
éloquence naturelle , et par des ma-
nières gracieuses , il fut cliargé d'a-
dresser un compliment à la famille
royale, lorsqu'elle fut reçue au col-
lège Saint-John par l'archevêque
Laud, et il remplit ensuite, avec
talent , un rôle dans une comédie ,
V Hôpital de l'Amour, qui fut jouée
en présence de leurs Majestés. Après
qu'il eut reçu la prêtrise , en lôS-y ,
ses succès dans la chaire le firent
appeler fréquemment à prêcher dans
les principales églises de la capitale.
Juxon , évêque de Londres , hii fit
conférer , en 164 5, le vicariat d'Oke-
ham dans le comté de Rutland j
mais la répugnance de Wright à
adopter le covenant lui fit perdre
le fruit des bonnes intentions de son
protecteur , et ce bénéfice fut donné
à un non-conformiste. Des scrupules
analogues empêchèrent plus tard
(i655) qu'ilnesemîtenpossessiondu
rectorat de Saint-Olave , à Londres,
dont les paroissiens l'avaient choisi
pour leur ministre. Mais, quoiqu'il ne
pût se résoudre à prêter serment de
fidélité à la république , il n'en remplit
pas moins ses devoirs de prêtre, sui-
vant les formes de l'Église d'Angle-
terre , non sans s'exposer à quelque
péril. Lorsque la restauration eut été
consommée , il rentra dans la cure
WRI
d'Okeliain , qui lui fui remise par celui
que l'on en avait gratifie' à son exclu-
sion , et ce fut là qu'il mourut le g
mai i6go. On a de lui: T. Deliciœ
deliciarum , siv'e epi^rammatum ex
optimis quihusquc hujiis novissimi
sœcuUpoetis in amplissimd illd Bibl.
Bodlciand , et penè onininb alibi
exstantibus Antholo^ia in unamco-
rollam connexa , Oxford, lôSy ,
in-i'i. II. Cinq sermons en cinq sty-
les différents, Londres , i656, in-
8". C'est un choix fait dans les ou-
vrages de quelques prédicateurs re-
nommes de ce temps , les ëvêques
Hall et Andrews , Carlwright, etc.
m. Commentaire pratique ou ex-
position sur le Hure des Psaumes _,
Londres , 1661 , in-fol. IV. Com-
mentaire pratique sur le Pentateu-
que y ibid. , in-fol. V. Parnassus
biceps f ou Choix de différents mor-
ceaux de poésie composés par les
meilleurs littérateurs qui fussent
dans les deux universités , avant
leur dissolution, i656, in -S''. —
WiuGuT [James), fils du précè-
dent, ne en 1644 » suivit la car-
rière du barreau. Il est particulière-
ment connu comme un des plus an-
ciens historiens du théâtre anglais. U
mourut en i-^iS. Voici les titres de
ses principaux écrits : I. Histoire et
antiquités du comté de Rutland ,
Londres^ 1684, in-fol., suivi d'ad-
ditions, en 1687 et en 17 14; ouvra-
ge incomplet, mais qui suppose beau-
coup de recherches et de travail. II.
Monasticon anglicanum, etc. , abré-
gé du Monasticon deDugdale, en an-
glais, 1693, in- fol. III. Conversa-
tions à la campagne , propos re-
cueillis pendant un séjour à la cam-
pagne, l'été dernier, sur divers
sujets, principalement sur les co-
médies modernes, les traductions
en vers , la peinture et les peintres,
WRI
a4i
la poésie et les poètes , i6g4? ii'-
12. IV. Trois Poèmes sur la cathé-
drale de Saint - Paul : i ». ses Rui-
nes; 2°. sa Réédification; 3". le
Chœur , 1697 , in - fol. V. Flistoria
histrionica : Mémoire historique sur
le théâtre anglais , où l'on voit Vu-
sage ancien , les progrès et la per-
fection des représentations drama-
tiques chez cette nation, en un dia-
logue, Londres, 1709, in -8». Cet
écrit précieux est devenu extrême-
ment rare^ et a été réimprimé, sur la
recommandation de Warbiirlon, en
tête des Anciennes pièces ( Old
plajs ) recueillies par Dodsley. —
W^BiGHT {Samuel), théologien non-
conformiste, néle 3o janvier 1682,
fut à la tête d'une congrégation de sa
secte dans la capitale , et se distin-
gua dans la chaire, par son éloquen-
ce. Herring, qui fut depuis archevê-
que venait, dans sa jeunesse, se for-
mer aux prédications de Wright , et
le regardait comme un modèle de dé-
bit oratoire. On a de lui environ qua-
rante Sermons , imprimés séparé-
ment, et un livre intitulé : Traité
sur la nouvelle naissance ou la re-
naissance y sans laquelle il est im-
possible d'entrer dans le royaume
de Dieu. Ce livre eut quinze éditions
avant la mort de son auteur , laquelle
eut lieu à Newington-Green_, le 3
avril 1746. Z.
WRIGHT ( Joseph ) , peintre an-
glais , communément appelé fFright
de Derby , était fils d'un attorney
ou procureur de première classe , et
naquit à Derby en 1 734. H manifesta
de bonne heure du penchant pour la
mécanique , et cette habitude d'ob-
servation attentive qui mène souvent
à la perfection dans les beaux-arts.
Envoyé à Londres , en 1751 , il y
travailla sous les yeux d'IIudson , le
peintre de portraits le plus renomme
16
9.4i VVRI
de ce temps , et, avant d'avoir quit-
té cet atelier, avait déjà produit des
portraits et des tableaux historiques
qui ne sont pas indignes des produc-
tions de son âge mûr. Son talent se
perfectionna licauconp durant son
séjour en Italie, d'où il revint en
1775 , ponr s'établir à Balli, puis
dans sa ville nafale. Il s'était marié
deux années auparavant. L'impul-
sion de son génie , tiop circonscrit
dans Je genre du portrait , où il avait
néanmoins des succès éclatants , le
conduisit de nouveau en Italie, afin
d'y faire une étude plus approfondie
des monuments de l'art qu'offre
' cette contrée. Admirateur enthou-
siaste des ouvrages de Michel-Ange,
il fit des dessins , remaïquables par
leur exactitude , des peintures de la
chapelle Sistine. Le spectacle d'une
mémorable éruption du Vésuve ,
dont il fut témoin , lui fournit l'occa-
sion de signaler le rare talent qu'il
avait pour rendre les elfets extraor-
dinaires de la lumière, et plusieurs ta-
bleaux qu'il exécuta de cette grande
convulsion de la nature sont regar-
dés comme des chefs d'œuvre. L'un
d'eux passa dans le cabinet de l'im-
pératrice de Russie. L'académie
royale de peinture élut Joseph
Wright un de ses associés , en i 782 ;
mais , offensé de ce qu'un autre
artiste avait été nommé académi-
cien avant lui . il déchira le diplô-
me de son association. Il exposa pu-
bliquement à Londres, en 1 7^5^ vingt-
quatre de ses tableaux. Cet artiste
modeste , que son attachement pour
les lieux qui l'avaient vu naître re-
tint presque constamment loin du
grand monde et de la capitale, n'eut
cependant pas sujet de se plaindre
de la fortune ; elle vint le cher-
cher dans sa retraite. Les pro-
ductions de son pinceau étaient
WRI
si bien appréciées, qu'elles ne sor-
taient de ses mains que pour en-
trer immédiatement dans les cabinets
des riches amateurs , et qu'on en
rencontrait dillicilement dans le com-
merce. Plus de cent cinquante figu-
rent dans les colh étions particulières
de la Grande-Bretagne. Parmi ses
premiers essais on cite ia Forge j
la Pompe à air y et des Portraits
qui ne sont inférieurs qu'à ceux de
Reynolds. On remarque , entre ses
meilleures compositions, Edwin ; la
Destruct on des batteries Jlo liantes
devant Gibraltar y d< ux. tableaux
représentant Héro et Léandre , La
dame (Kady) , personnage de la co-
médie de Comus, par Miltun , la
Veuve indienne , VyJmi de V étude
( the studcnt ) à la tombe de Fir-
gile, et le Soldat mort , que Heath
a reproduit dans une bel'e estam-
pe. Les paysages de Wiight ne
sont pas moir.s estimés. Ce fut le
gpnre qu'il traita le plus fréquemment
dans les derniers temps de sa vie. On
y admire l'élégance du dessin , la ju-
dicieuse distribution de la lumière
et de l'ombre, la vérité et la déli-
catesse du coloris. Là son style
est très-varié : tantôt étonnant et
sublime, tantôt calme et touchant.
]1 réussissait parfaitement à retra-
cer le ciel de l'Italie, ainsi que les
montagnes pittores(|ues du West-
moreland et du Cunibrrl.md. Dans]
la peinture des clair> de lune , de<
effets de lujuière, des incendies , or
le considérait comme n'ayant poini
derivab Le dernier tabhau qu'il ex<
cuta , et q'ii ollre une Fue de le
colline d'Ullswater , est ])laVé pai
ses compatriotes au même ran*,.
que les produrf:ons les plus estimées
de Richard Wilson , et mrrae de
Claude Lorrain. ï)av.> ce genre si
attrayant, le talent de Joseph Wrighi
A
WRl
semblait grandir encore chaque jour;
mais une application excessive avait
use les ressorts de son existence. 11
mourut de langueur y le 29 d'août
1797. Z.
WRIGHT ( John Wesley ) , ca-
pitaine dans la marine anglaise ,
est moins connu par ses exploits que
par sa mort déplorable , qui donna
lieu à d'affreuses conjectures. L'au-
teur de cet article s'ëtant trouvé à
portée de faire, au sujet du capitai-
ne Wright , l'enquête historique la
plus complète à latpie'ile on pgisse
ariiver . garantit l'exactitude des
faits qu'il rapporte, et l'impartia-
lité des e'clairrissemenls qui les ac-
compagnent. John Wesley Wright
naquit ie i4 juin 17^9, à Corke, en
Irlande. Son père, payeur-général à
Minorqr.e pondant l'occupation an-
gl lise, le lit élever avec soin sous ses
yeux. \je jeune Wright excella de
bonne heure dans la musique et dans
la langue française, A dix ans . il fut
placé par le colonel James Murray,
comme enseigne volontaire , dans le
soixante- unième régiment. 11 n'y
resta qu'une année, entra dans la
marine , et fut également placé com-
me volontaire auprès du capitaine
(airtis ( depuis sir Roger ) , qui alors
commandait à Minonpie la frégate
la Brillante. Employé pendant le
siège de Gibraltar, comme aide-de-
camp de son capitaine , Wright se
distingua en combattant contre les
baitenes flottantes à bord des cha-
loupes canonnières; et, dans une
circonstance importante, il contri-
bua à sauver la vie à tout un équi-
page. Lorsque la paix fut rétiblie, il
continua pendant deux ans ses étu-
des à l'académie de George Barker,
à Wandsworth. L'état de paix ne
lui olFrant aucune chance d'avance-
ment dans la marine , et son père
WRI
243
l'engageant à s'adonner au commer-
ce , il entra chez un riche négociant
de la cité, et mérita sa confiance
par son intelligence et son assiduité,
il reçut de lui la mission d'aller à
Saint-Pétersbourg, à TefTet d'y sui-
vre les allaires de son négoce. Il ar-
riva dans cette capitale en 1790, et
y résida cinq ans, pendant lesquels
il acquit une parfaite connaissance
de la langue russe, visita IMoscou et
d'autres villes de l'empire. 11 revint
en Angleterre , après avoir rempli
sa mission à l'entière satisfaction de
ses commettants. Tout en se livrant
au monvcment de sa nouvelle profes-
sion , il avait conservé le même goût
pour la marine, et depuis le renou-
vellement delà guerre contre la Fran-
ce, il nourrissait l'idée de repreridre
son service. Une seule considération
le retenait: il n'aurait pas voulu ren-
trer dans cette carrière comme gar-
de-marine. Pendant son séjour à Saint-
Pétersbourg, il avait entendu vanter
les exploits de sir Sidney Smith , qui
avait combattu sur la flottille de Suè-
de, dans la guerre de Finlande , et
qui , rentré depuis dans la marine
britannicpie, commandait la frégate
le Diamant. Ayant su que cet ofli-
cirr cherchait un secrétaire, il se
présenta de lui-même, et fut accueil-
li ; Sidney Smith , dont il était de-
venu l'ami , le fit , à son insu ,
porter sur les registres de la ma-
rine, comme simple garde, dans la
vue de lui faire reprendre son tour
d'avancement. Wright entra aussi-
tôt en activité et en croisière à bord
de la frégate le Diamant , sur la c6-
tede Normandie. Sidney-Smith avait
des instructions particulières. Ayant
découvert, dans la rade du Havre,
le 17 avril 1796, un lougre armé,
appelé le Fengcur^ il alla l'attaquer
à l'abordage avec des bateaux plats
16..
emmenant avec lui Wright, et en
tout cinquante-deux liommes. Mais
l'un des câbles du Vendeur ayant
cle coupe par les Français , le iougre
gagna la côte, et les embarcations
anglaises se trouvèrent entraînées
par le courant dans la Seine, près du
Havre, et bientôt entourées. Là toute
résistance devenant inutile, Wright
et Sidney-Smith furent forcés de se
rendre prisonniers. Eu vertu d'un
ordre émané du Directoire exécutif,
on les transféra tous deux au Tem-
ple , à Paris , comme prisonniers
d'état : ils y furent détenus dans la
même tour , mais séparés et au se-
cret. Le gouvernement français leur
lit subir ce traitement inusité, sous
prétexte qu'ils avaient voulu incen-
dier, de concert, le port du Havre.
Wright était enfermé depuis près de
huit mois au secret, et privé de toute
communication, lorsqu'au mois de
décembre seulement il fut interrogé
par le juge de paix de la place Ven-
dôme. 11 lui déclara avec fermeté
qu'il ne répondrait à aucune question
qui pourrait avoir le moindre rap-
port au service de son pays (i).
« Mais n'aviez-vous pas le dessein ,
» lui dit le juge de paix , de brûler
w la vil'e et l'arsenal du Havre? —
» On n'a besoin que de bombes pour
» brûler le Havre, répondit Wright,
» qui cita l'exemple de l'amiral Rod-
» uey ; il est injurieux, d'ailleurs,
» ajouta-t-il, d'accuser d'un projet
y> d'incendie l'homme même à la
^yi modération duquel le Havre a dû
» son existence pendant plus d'un an.
» Mon ami est parmi les hommes
» un des plus humains que je con-
» naisse ; l'incendie des villes n'entre
» point dans ses projets , et ne se
( \\ Tout cfv\ fSL lire de l'iiilei rogutoire tuouK
que l'auteui- de cet article a eu sous ks yeux.
WRI
» concilie point avec les ordres gé-
» néraux de son escadre , réitérés à
» tous commandants de détachement,
» approchant la côte ennemie , de ne
» jamais tirer sur les habitations ou
» les personnes non armées. Je ne
» crois pas qu'on puisse citer un
» exemple de contravention à ces
» ordres. Nous savons remplir notre
» devoir en détruisant votre marine
» et votre commerce jusque sous
» vos batteries ; et je m'enorgueillis
» d'avoir partagé les travaux et les
» dangers de sir Sidney-Smith, »
Alors on lui présenta une lettre écrite
par cet officier à Louis de Frotté ,
chef royaliste de Normandie, auquel
il promettait un rendez- vous sur le
rivage , et des secours en faveur du
roi et des honnêtes gens : la suscrip-
tion sur l'enveloppe était de l'écri-
ture de Wright. On lui présenta de
plus une lettre chiffrée. « Je m'en
» réfère , dit-il , à ma réponse con-
» cernant l'incompétence du gouver-
» nement français à m'interroger sur
» les faits de mon service , et les
» opérations de l'escadre. » Cette
dernière circonstance formait le vé-
ritable grief qui leur avait attiré la
dureté d'un pareil traitement. Le
Directoire n'y apporta quelque adou-
cissement qu'après un an de déten-
tion j les deux prisonniers purent
alors communiquer entre eux, et eu-
rent la faculté de voir leurs amis. Hs
en profitèrent pour concerterleur éva-
sion y et l'elFectuèrent ensemble au
moisd'oct. 1798 , au moyen de faux
ordres du ministre de la guerre , qui
furent présentés courageusement au
geôlier de la prison par des hommes
déguisés en militaires ( V PhÉlip-
pjiAux,XXXIV_.2i ) ('2). A son ar-
(%) Ou rroil iiKJourd'liui que le Directoire ou du
moins un ù:.' ses nieiubres (Barras) , qui était piV
venu , facilita cette évasion.
WRt
nvce à Londres , Wright reçut le
grade de lieuteuaiit, et suivit en cette
qualité Sidney-Smitb à bord du vais-
seau de ligne le Tigre , qui fit voile
d'abord pour Minorque et de là pour
Consîantinople , oii Sidney-Smitli
alla s'entendre avec le Divan ;, a lin de
s'opposer aux progrès de Buona-
parte en Egypte. Étant parti de
Gonstantiuople, le i g février 1799,
il alla toucher à Rhodes pour con-
certer SCS opérations navales avec
Assan Bey , gouverneur othoman de
cette île; et, arrive à la hauteur d'A-
lexandrie , il prit y le 7 inars , le
commandement de la croisière dans
les mers du Levant. C'était au mo-
ment où Buonaparte faisait une
irruptioi en Syrie. Le lieutenant
Wright fut aussitôt dépêche à Djez-
zar, pacha gouverneur d'Acre, à
l'elfet de tout disposer pour la dé-
fense de la ville à laquelle il prit une
part active pendant toute la durée du
siège. 11 y commanda les marins pio-
niers , reçut deux balles dans le bras
droit , le 7 avril , n'eu entra pas
moins dans la mine pour s'assurer
de sa direction , et pour examiner
les mineurs qui travaillaient à faire
sauter la tour j)rincipale. Ses forces
se trouvèrent tellement affaiblies par
ses blessures , qu'il put à peine sor-
tir de la tranchée avec le secours du
colonel Douglas. Après la levée du
siège , il fut élevé au grade de capi-
taine de corvette, et euvoyé pour se
rétablir à Beruly, cap dans le pays des
Druses. Pendant la négociation d''EI-
Arych, le commodore Sidney-Smith
l'envoya à plusieurs reprises au
camp de Kléber , où il eut des rela-
tions avec Rapp et Savary , alors ai-
des-dc-camp du général Desaix. Sa-
vary étant même venu à son tour au
camp des Turcs, par des motifs de
curiosité, Wright et Sidney-Smith le
WRI •>.45
mirent à couvert des insultes d'une
troupe de janissaires. A peine le com-
modore eut-il appris que son gouver-
nement se refusait à ratifier le traité,
qu'il envoya Wright à Kléber, pour
l'en avertir. L'olhcier anglais arriva
au moment où Kléber, en exécution
du traité, allait remettre au grand-
visir les clefs de la citadelle du Caire.
La ratification ayant été accordée
plus tard, Wright fut dépêciié alors
auprès du général Menou, qui, après
l'assassinat de Kléber, avait pris
le commandement de l'arniée d'E-
gypte. Traversant le désert pour
rejoindre Menou , il apprit que ce
général refusait à son tour d'exécu-
ter le traité. Il n'en continua pas
moins sa route ; mais il ne put réus-
sir à persuader Menou, qui le reçut
froidement, et le fit rétrograder. De
retour en Angleterre , après l'éva-
cualion del'Egyptepàr l'armée fran-
çaise, Wright se rendit à Paris peu
après la paix d'Amiens. Mais il n'y
fit pas un long séjour , et à la rup-
ture il reçut , avec le commande-
ment de la corvette il Finccjo ,
qui avait été prise sur les Espagnols,
la mission de stationner à la hauteur
de la côte de France , et d'entretenir
des relations avec les royalistes de
l'intérieur. Il y opéra plusieurs dé-
barquements nocturnes , vers la fin
de l'été de i8o3 , ainsi que dans les
premiers mois de i8o4 , époque où
il prit sa station sur la côte du Mor-
bihan. Ses signaux ayant été com-
muniqués à la police de Buonaparte
par des complices de George, on s'en
servit pour l'attirer à l'île d'Houat.
Là plusieurs embarcations armées se
mirent inopinément à sa poursuite ,
profitèrent d'un temps calme, et
s'emparèrent de sa corvette, le 17
mai i8o4 , après une défense opiniâ-
tre. Il fut conduit d'abord à Port-
'^46
WIU
Navalo. puis à Aurai, uù dc;s ordies
arrivèreut bicnlôt de !c diriger, avec
ses oiUciers, dans l'inlérieur, et d'a-
bord à Vaniu's, en présence du (ire-
fet Julien. Wriglit l'avait connu en
Egypte, et l'avait traité gcncrcusc-
ment, lorsqu'on l'avait amené bles-
sé à bord du Ti^re , à la hauteur
de Saint- Jean d'Acre. Oubl anl ce
service, Julien le traita sans mé-
nagement, et le diiigea sur Paris,
accompagné d'un gendarme. Wright
fut conduit, en arrivant, devant le
juge instructeur Thuriot,et confron-
té, le 20 mai (3), avec Querelle,
Russillon et Troche, les trois delà
téurs dans le procès de Moreau et
de George. Ils attestèrent le re-
connaître comme chargé d'opérer
les debarcpiements sur la côte. Mais
Wright déclara avec fermeté qu'il
n'avait aucun compte à rendre
de sa conduite au gouvernement
français. Sur la menace qu'il serait
désavoué par son piopre gouver-
uement , il répondit n'avoir jamais
rien fait , en sa qualité de capitaine de
vaisseau,sans y être autorisépar des or-
dres précis, refusai. t néanmoins d'en-
trer dans aucun détail, « Ne voulant
» pas, dit-il, après avoir rempli son
w devoir être exposé à se voir accusé
» de trahison. » On le confina, au
Temple dans une des tourelles supé-
rieures de cette prison d'état avec
deux soldats placés dans son cachot
pour le garder à vue. Appelé comme
témoin au procès de George et de
PichegrUjil refusa de rien témoigner,
et en se retirant reçut , malgré les
soins de la police , des applaudisse-
ments du public auditeur. On parut
alors avoir pour lui quelques égards :
on lui donna une chambre . et on le
(3) 3o floréal an XII. L'auteur de cet article a eu
eu communication les pièces originales qui au bc-
soiu pourraient être rendues publit|ues.
WRl
laissa nu'me jouir de la société de
son neveu , âgé de quatorze ans, fait
prisonnier avec lui. Le préfet Julien
avait écrit que, si on les questionnait
convenablement , ils feraient des ré-
vélations imj)ui tantes. On (es soumit
tous les deux à dillérents interroga-
toires, dans des cellules particulières,
sans aucune communication avec les
autres prisonniers. Pend mt vingt six
jours que dura cette espèce d'épreu-
ve , on les laissa au pain et à l'eau
pour toute nourriture. Us étaient in-
terrogés pendant la nuit par des
agents de police accompagnés de
gendarmes. Ce fut dans le cours de
ces interrogatoires secrets qu'on em-
ploya contre le malheureux Wright,
pour l'obliger enlin k rompre le si-
lence , le moyen violent de lui serrer
fortement les pouces avec ce qu'on
nomme \cs poiicettes , et ce que Fou-
ché appelait ^nhnent la petite ques-
tion, en assurant à ses familiers que
Wright avait parlé , ce qui était une
ûrusseté insigne. Tous les moyens fu-
rent employés inutilement, mêmeles
voies de la douceur, pour vaincre ce
courageux silence. Le procès ter-
miné, on lui permit de loger avec
son neveu dans une chambre plus
commode , et de voir de temps en
temps ceux de ses officiers faits pri-
sonniers avec lui, et qui étaient égale-
ment détenus au Temple. On lui dit
même que le gouvernement français
le laisserait retourner dans sa patrie,
s'il consentait à révéler tout ce qu'il
savait des projets formés contre la
sûreté de Buonaparle. A cela il ré-
pondit qu'il se regarderait comme
rebelle à son Dieu et à sou roi , s'il
avait la moindre communication avec
des êtres cajiables de se conduire
comme ils l'avaient fait à son égard.
Au mois de juillet tous ses officiers
furent mis en liberté^ et ils obtinrent^
WRÎ
par l'entremise du geôlier, d'avoir
avant leur départ une entrevue avec
leur capitaine. Il leur parut gai,
quoiqu'il fut agité du pressentiment
secret du sort qui !'att< miait. En pre-
nant congé de M. Laumout, chirur-
gien de sa corvette, il lui dit, d'un
air j)énétré : « J 'espère que nous nous
» verrons dans des circonstances plus
» heureuses; mais à tout événement,
» quoi qu'il puisse arriver dans ma
y condition présente, démentez d'à-
» vaiice tous les bruits qui pourraient
» circuler sur mon compte; je me
» conduirai , cioyez-moi , eu chré-
» tien et eu oilicier anglais. »> Apres
cette séparation , la captivité du ca-
pitaine, loin d'être adoucie , devint
plus dure. Cependant on s'occuj)ait
beaucoup de son sort en Angltlerie
et même à la chambre des commu-
nes. A la séance du 3o juillet i8o4,
Windham se leva pour demander des
renseignements sur la situation des
prisonniers de guerre en France, et
particulièrement sur celle du capi-
taine Wrighl. Il dit que les derniers
rapports au sujet de ce brave oili-
cier avaient appris qu'il avait re-
fusé de répondre à des questions
non autorisées par le droit des gens,
et qu'alors on lui avait fait entendre
clairement qu'on aurait recours aux
dernières extrémités s'il ne répondait
pas de la manière qu'on attendait de
lui ; ce que l'on avait commencé à
exécuter en le renfermant dans la
prison du Temple. Windham ,
avant d'émettre aucune proposition
à ce sujet, déclara qu'il désirait
savoir si le gouvernement de S.
M. avait fait quelques démarches
pour obtenir la liberfe de cet ofllcier,
ou si l'honorable iicntlcman qui sié-
geait en face pourrait donner quel-
que information dans le cas où il en
serait parvenu à la connaissance des
'24 7
WRI
ministres. M. Hurgess Bouine, se-
crétaire de la trésorerie^ à (\m s'a-
dressait cette interpellation , dit qu'il
était très-allbgé de ne pouvoir don-
ner l'information que l'on desirait;
et quii n'avait rien à communiquer
à ce sujet. Ce fut alors que le minis-
tère anglais sollicita l'échange du
capitaine Wright par l'intermé-
diaire de l'ambassadeiir d'Espagne.
Le ministre des alï'aires étrangères
T.illeyrand répondit que le capitaine
Wright était un homme afj'rcux
(4) ; qu'on ne daignerait pas le trai-
ter comme prisonnier de guerre , per-
suadé qu'aucun oilicier fiançais ne
consentirait à être échangé contre
lui. Il ])roposait néanmoins de l'en-
voyer dans quelque port neutre, où
il serait mis à la disposition du gou-
veriiemcntbrilannique.Oncroitqu'au
moment même où ces propositions
fallacieuses étaient faites, le capi-
taine Wriglit avait cessé d'exister.
On n'en fut instruit dans le j)ublic
que par le paragraphe suivant inséré
dans la Gazette de France du 29
octobre iHof), et répété par les au-
tres journaux. « Le capitaine Wright
» de la marine anglaise , déldiu au
» Temple, qui avait débarqué sur la
» côte de Tréport Georges et ses
» complices , s'est tué dans sa pri-
» son , après avoir lu dans le Moni-
î) teur la nouvelle de la destruction
» de l'armée autrichienne. » On ne
crut pas généralement à cette mort
volontaire , et encore moins au motif
qui y aurait donné lieu ; et l'on pensa
qu'elle remontait aux mêmes causes
qui avaient amené la catastrophe du
duc d'Enf;hien et la mort j)rob!é-
matique de Pichegru ; !e bruit s'ac-
crédita même que c'étaient encore
(41 Expression qui ne venait pas, dit-ou, du
ministre , mais qui lui avait été dictée par Buona-
parte.
248
WRT
des mameloiicks de la garde qui
avaient reçu l'ordre secret de couper
la gorge au capitaine Wright dans
sa prison. Le public parut d'autant
plus touche delà destinée de ce mal-
heureux oiTicier, qu'on n'avait pu lui
imputer d'autre tort que d'avoir obéi
aux ordres de son gouvernement. Ce
point délicat d'histoire contempo-
raine ne pouvait être aborde ni
e'clairci sous le re'gime impe'rial. Ce
n'est qu'après la chute de Bnona-
parte qu'il est devenu le sujet d'une
controverse assez vive. Enfin , au
mois de septembre i8i5, l'avocat
Henoult déclara, dans une lettre pu-
blique qui fut répandue dans toute
l'Europe _, qu'il allait rétablir les
faits sous leur vrai jour. « J'étais,
» dit-il , prisonnier au Temple quand
» cet assassinat politique eut lieu.
r> La veille du jour où le capitaine
» Wright fut trouvé la gorge cou-
5) pée^ Savary, à cette époque gé-
» néral et aide-de-camp de Napo-
» léon , dont on l'appelait le bras
» droit , vint faire avec quelques
» soldats une inspection rigoureuse
» de cette terrible prison j inspection
ï) dont il était chargé spécialement,
» et indépendamment de Fouclié, mi-
1) nistre de la ^oYvce. Retirez -vous
» dans vos chambres , fut l'ordre
y) que Savary donna aux prison-
î) niers. On fit d.es perquisitions dans
» celle du capitaine comme dans les
î> autres. L'objet de cette enquête
» était de découvrir une prétendue
» correspondance avec l'Angleterre ,
» dont on ne trouva aucune preuve.
» Le jour suivant, une nouvelle per-
» quisition eut lieu , mais seulement
» dans la chambre du capitaine
)) Wright : elle était faite par trois
» officiers de police que deux soldats
» escortaient. Sans doute ces vexa-
» lions irritèrent au plus haut point
WRI
» ce brave officier , et nous l'enten-
» dîmes crier de toutes ses forces , ci
» appeler la vengeance du ciel sur
» Buonaparte et sur la cruelle tyran-
» nie de sa police. Vers minuit des
» assassins entrèrent dans sa cham-
» bre , et lui coupèrent la gorge avec
1) un rasoir; on supposa que c'étaient
» les mêmes qui avaient étranglé
» Pichegru. » Une aussi grave accu-
sation a donné lieu de la part de
M. le duc de Rovigo ( Savary ) , qui
était alors au pouvoir des Anglais
dans l'île de Malle , à une réfutation
(5) fondée d'abord sur ce que Foii-
ché seul avait l'inspection supérieure
du Temple, et enfin sur la preuve
de V alibi; c'est-à-dire sur ce que lui,
Savary , ayant suivi Napoléon en Al-
lemagne , en i8o5 , avait assisté à la
bataille d'Austerlitz , et avait été
chargé d'une mission auprès de l'em-
pereur Alexandre avant et après la
bataille , avait même été vu le 28 ou
29 novembre auprès de ce monar-
que par l'ambassadeur d'Angleterre
lord Leveson-Gower. Mais ces objec-
tions ne se trouvent-elles pas affaiblies
devant l'examen sévère de l'histoire?
En supposant la réalité de cet assas-
sinat politique , il n'a pu être com-
mis sans la volonté expresse de Na-
poléon , et même sans un ordre secret
de sa part j or , l'agent qui en aurait
été porteur ne se serait nullement
trouvé en conflit avec Fouché qui,
en sa qualité de ministre de la police
générale, et dépositaire de tous les
secrets d'état , eût été obligé d'y prê-
ter les mains. Dans ce cas l'accès du
Temple, à toute heure , ne pouvait
être interdit à un aide-de-camp de
(5) Reproduite sous la forme d'une Lrocimre en
187.5 , sons le tilre de Mémoire du duc de Boi'igo ^
sur In mort de Pichegru, du capitaine f7 righl, de
M. Batliursl, et sur r/ueltfues autres circonslancts
de sa vie.
WRI
Napoléon, chargé d'ailleurs de sa
police secrète. L'alibi n'est pas non
plus prouvé assez victorieusement.
Le duc de Rovigo l'établit sur sa
présence à Ansterlitz , lors delà mort
du capitaine Wright. Mais cette mort
ne coïncide nullement avec la date
de la bataille livrée le 2 décembre
i8o5. Elle se rapporte à la capitula-
tion de MackàUIm qui eut lieu le 10
octobre , et fut annoncée par le Mo-
niteur du '^4? après la lecture du-
quel, selon la Gazette de France,
déjà citée ( et tous les journaux alors
étaient officiels ) , le capitaine Wright
se serait tué. Sa mort, annoncée le 29
par la Gazette , avait eu lieu dans la
nuit du 27 au 28 octobre; par con-
séquent plus d'un mois s'écoula jus-
qu'à la bataille d'Austerlitz. Ainsi
une mission secrète pour Paris , don-
née à Ulm ou ailleurs , aurait pu être
remplie en huit ou dix jours au plus,
et un aide-de-camp actif, accoutumé
à exécuter rapidement les ordres de
Napoléon, aurait pu assister ensuite
aisément à la bataille d'Austerlitz.
D'un autre côté , il y a aussi lieu de
s'étonner que le duc de Rovigo , en
rapportant la lettre de l'avocat He-
noult pour la réfuter , en ait suppri-
mé le P. S. conçu en ces termes : « Je
» vous donnerai de plus amples ren-
» seigncments sur ces meurtres d'é-
» ta t. » Henoult tint parole et pu-
blia, peu de jours après, à Liège ,
sous la date du 5 octobre , une se-
conde Lettre qui n'a pas été réfutée,
et qui contient de terribles inductions
sur le genre de mort du capitaine :
<i Le capitaine Wright , y est-il dit ,
» était emprisonné étroitement dans
» un de ces donjons, que dans le
)> langage de la tyrannie on appelle
» secret j et qui présente à l'ima-
» gination tout ce qu'il y a de plus
)) terrible. Une voyait pas une ame,
WRI
249
» excepté un individu , le porte-clef,
» qui le visitait trois fois par jour,
» Son secret était situé dans un petit
» carré détaché , où était aussi ren-
» fermé un vieux jésuite d'environ
» quatre-vingts ans; homme de qua-
» lité et d'érudition qu'il honorait de
» son estime et de sa confiance. Le
)) capitaine, ainsi qu'on l'a déjà éta-
» bîi , eut le cou coupé avec un ra-
» soir, entre minuit et minuit et demi.
» Vers sept heures du matin, leporte-
» clef de cet infortuné officier éveilla
» tout le Temple par ses cris répétés
» à diverses reprises : Le capitaine
» anglais s'est tue'. Le geôlier se
» rendit sur les lieux , et permit aux
» prisonniers d'entrer dans la chara-
» bredu mort. J'entrai à mon tour,
» ainsi que cent vingt-huit de mes
» compagnons d'infortune. Le capi-
» taine était étendu sur son lit , cou-
rt vert de sang, et le fatal rasoir était
1) sur le parquet. On voyait sur sa table
» de nuit un Moniteur Ag la veille, qui
» contenait les détails d'une victoire
» signalée remportée par les Français.
» Vous voyez , dirent les porte-clefs,
» qui sans doute étaient endoctri-
» nés par Savary , que notre victoi-
» re a poussé le capitaine anglais à
» un acte de désespoir. Personne ne
» dit mot , et pas un des spectateurs,
» pas même les porte-clefs, n'ajou-
» tèrent foi à cette fable. Le public
» se ressouviendra particulièrement
» qu'il avait été fait une défense sé-
» vère de procurer les papiers pu-
» blics au capitaine Wright; qu'il
» n'avait point de rasoir , le barbier
» du Temple le rasant deux fois la
» semaine, accompagné et inspecté
» par l'un des geôliers. Ces faits no-
» toires sont à la connaissance de
» tous les prisonniers. Saisi d'hor-
» reur à cet affreux spectacle, je me
» rendis dans l'appartement du je-
'A'JO
WKl
» suite, silue au côte oppose, à quel-
» qucs pas de distance de celui du
» capitaine. — Quels crimes se com-
» mettent dans cette prison, dit-il,
» en élevant les mains et les yeux
» vers le ciel I — Oui , mon père, rc-
M pliquai-je, i!s sont enoimes et cx-
» cèdent toute mesure. Étant aussi
» près du lieu de la scène, vous avez
» probablement entendu tout ce qui
» sVst passe. Pour moi, j'en ai en-
» tendu une bonne partie, ou plutôt
» j'ai vu les antécédents de cette ca-
» tastrophe. — Quels élairiit-i!s? —
M Je vais vous les rapporter. M'e-
» tant éveille vers minuit , car le
» sommeil est léger dans les prisons
» d'état, j'ai entendu très-distincte-
» ment s'ouvrir et ensuite se fermer
» la porte du guichet; j'ai entendu
» aussi quel(pies hommes qui mar-
» chaientdans la cour; j'ai cru en
» tendre , de phis, ouvrir et fernter
,) la porte qui conduit à la tour. J'a-
» voue que je lus saisi d'alarme; car
» c'est ordinairement vers celte beu-
» re que les geôliers venaient cxlrai-
» re quelque infortuné, pour le con-
» duire devant une commission mi-
» litaire secrète : de la il était fusillé.
» Mes craintes n'étaient pas dérai-
» sonnables; car beaucoup d'indivi-
» dus avaient péri de cette manière
» p( ndant la nuit. Elles cessèrent ce-
» pendant quand je m'aperçus que
» les bommes que j'avais cnten-
» dus ne venaient pas de mon coté.
» Emporté alors par ma curiosité ,
» je mis la tète à la fenêtre grillée
» de ma chambre. Les assassins re-
» vinrent lentement, vers minuit et
» demi ; mais la nuit était sondjre ;
» il me fut impossible de les compter,
w Le guichet fut ouvert et fermé de
» nouveau. Le jésuite , à son tour ,
» me dit que vers la même heure il
» avait entendu ouvrir la porte de
WUî
» son carré ; trois ou quatre hom-
» mes, marchant sur leurs mains et
» sur leurs pieds, à ce qu'il lui sem-
» bla, ouvrirent et fermrrent la por-
» te du capitaine. Quelques minutes
» après, il l'entendit rouvrir et re-
» fermer de nouveau. Enfin il enten-
» dit aussi fermer la porte du carré.
» Quant à la jnutilatiun (6) de ce
» brave ollicier , que le journal de
» (iand a rapportée, et que la Ga-
» zette générale des Pays - Bas a ré-
» pétce, sur son autorité, ce n'est
» qu'une pure liction, qui sera reje-
» tée par tous les écrivains judi-
» cieux. J'ai vu , ainsi que les pri-
» sonniers du Temple, le corps mort
» nu ; et il n'y avait point de miiti-
» lation, excepté au cou, où l'on
» voyait une ])rofonde incision , de
» quatre pouces environ. Un procès-
» verbal du prétendu suicide fut
» dressé et envoyé à Londres, avec
» le Moniteur, aussi faux (\\\e le pro-
» ces- verbal. » On a vu que Wright
avait un pressentiment du sort qui
l'attendait; ce qu'on explique par
la persuasion où il était, et qu'il ne
dissimu'ait point, que Buonaparle
lui avait voué une haine mortelle.
Aux renseignements qui précèdent,
l'auteur de cet article croit de-
voir ajouter ceux qu'il tient direc-
tement de sir Sidney Smith , qui re-
présente le ca})itaine Wright, dont
il était l'ami , comme doué des
plus hautes qualités , et comme très-
regrettable pour ses vertus mi'itai-
res. Selon l'amiral, les premières
personnes qui entrèrent dans la cham-
bre de Wright, le jour de sa mort,
le virent avec le drap sur le men-
ton , ce qui , d'après son genre de
mort , leur parut un indice qu'il ne
(6) On avait dit qu'on l'avait livre à de cruelles
tortures , et qu'on lui avait coupé le bras giuiche
cl la jaiulic droite.
s'était pas tue lui-même. L'amiral
tient encore du prince de Poli-
gnac , alors renfermé au Temple ,
qu'on n'avait aperçu la veille aucune
altération dans l'iuimeur ni dans les
traitsdu capitaine. SirSidney-Smith,
étant parvenu à se procurer les papiers
de son ami, qu'il a rendus à sa fa-
mine, y a trouvé son Journal écrit
e sa main très-exactement, et con-
duit jusqu'à la veille même de son
trépas , et rien n'y annonce le projet
d'un suicide. B — p.
WKI>BIiKG (HliNRl-\rGLSTE),
liabiîe anatomiste , naquit le 20 juin
T-jSg à Saint-Andréasherg , dans le
Harz. Envoyé, dès Tàge de dix-huit
ans, à l'université de Gottingiie , il
y fît d'excellentes études , et se dis-
tingua surtout par un rare talent dans
l'art de disséquer. Après avoir reçu
le titre de docteuren 1 763, il entreprit
l'année suivante, en Fr.mce et dans
les Pays-Bas, un voyage, au retour
duquel il obtint une cliaire , où il
enseigna successivement l'art des ac-
couchements et l'analomie. 11 resta
professeur jusqu'à sa mort, arrivée
ie 2()mars 1808. Wrisberg a publié
des écrits assez nombreux, qui tous
ont eu un succès mérité. Voici les
titres des principaux ; I. Programma
de respiratione prima , nervo phre-
nico et calore animali , fioltingue,
I 763 , in 4". lï. Descriplio anato-
jiiicd emhryonis , observationihus il-
lastrata , ibid., 1764, in-4". III.
Satura ohsen>atiomnn de animal-
cutis infusoriis , ibid., i7<)5, in-
8". IV. Programma de quibusdam
momentis insitionem variolarum
spectantibus , ibid., 1765^ in-4°.
Y. Mémoires pour servir à l'his-
toire de la variole , ibid.. 1770 ,
in-4°. , en allemand. VI. Observa-
tiones anatomicœ de quinto pare
nervorum encephali _, ibid. , 1777 ,
\\[\\
ij I
in 4*^' VU. De prœternaiurali et
raro intestini recli cum vcsicd uri-
naria coalitu , et indè pendente
ani defectu , ibid., 1778, in-4<^.
VI 11. ï)e tesliculorum ex abdomine
in scrotum descensu , ibid., 1778 ,
in-4'^. IX. Observationum anatomi-
carum de nervis viscenim abdomi-
nalium parlicula i , quœ de gan-
glio plexuqne seminali af^it , ibid. ,
1780, in-4''. X. Expérimenta et
observationes anatomicœ de utero
gravido , tubis , ovariis et corpore
luleo quorumdam animalium , cum
iisdem parlibus in homine collatis ,
ibid., i78'2,in-Ho. XI. Observa-
tiones anatomico - obstetriciœ de
structura ovi et secundinarum hu-
manarum in par tu maturo et per-
Jf'cto collectœ , ibid. , 1783 , in 8*\
XII. Commentatio anatomica de
nervis brachii , ibid. , 1783 , in-
4". XIII. Sj lloge comment ationum
anatomicarum , ibid., 178C). iii-4*'.
XIV. Commentatio de uteri mox
post partum résections nonlethali ,
ibid. , 1787 , in-4". XV. Commen-
tationum medici , physiologici , ana-
tomici et obstetricii argumenti , vo~
lumen i , ibid. , 1800, in-8'' XVL
De sjslemate vasorum absorbeJite,
moiboso vicissim et sanante, ibid.,
Î789, in-8^. XVI 1. Observationes
anatomicœ de corde testudinis ma-
rinœ , mydas dictœ , collectœ et
cum corde humano collatœ , ibid.,
1800, in-4°.XVIll. Observ ationum
anatomico-nevrologicarum de ner-
vis viscerum abdominalium , par-
ticula III ; de nervis systematis
cœliaci , sectio 11 ; de nervis hepa-
ticis et splcnicis , quœ est observa-
tionum de ganglio plexuque semi-
lunari contlnuatio 11 , ibid. , 1800 , a
in- 4". Quoique tous ces ouvrages
aient été publiés à part, les moins
étendus avaient d'abord été insérés
2,52
WUC
dans les Acics de la Société royale de
Gottiiigue, qui en conliciiuent encore
un grand nombre d'autres. Le tome
I *^^. du Journal de chirurgie de Lo-
der renferme aussi un Mémoire très>
important de Wrisberg , sur la ma-
nière dont se développent les her-
nies, et principalement les congé-
niales. R — d — n.
WUCHERER (Jean-Frédéric),
docteur en théologie de l'université
d'Iéna , né à Meinungen en 1 682 ,
et mort le 6 février 1787 , à Wei-
raar, où il était conseiller de l'église
luthérienne , est auteur de plusieurs
ouvrages Irès-estimés, et dans lesquels
il fait preuve non -seulement d'une
grande érudition théologique , mais
encore de connaissances aussi pro-
fondes que justes et variées sur la
physique , l'anatomie et la physiolo-
gie. Voici les titres des pkis impor-
tants : I. Delineatiophjsicœ divinœ ,
léna , 1721, in-4°« ÏI. Institutiones
philosophiœ naturalis eclecticœ ,
ibid. , 1725 , in-80. III. Findiciœ
œternœ divinitatis Jesu Christi ad-
versùs Winston , ibid. , 1732, in-
4°. IV. Prœcognila theologiœ dog-
maticœ capitihus sex compreliensa ,
• léna , 1739, in-4°. V. Fundamenta
quitus via ad theologiam dogma-
ticam superstruitur methodo de-
monstratii^a , Leipzig, 1743 , in-4^.
VI. Historia creationis quatenits illa
capite primo Geneseos continetury
ohsen^atioîiibus physicis illustrata ,
léna, 1753, in-4«. VII. Disputa-
tiones de defectu theologiœ plato-
nicœ. VIII. De atheo ex structura
zoù Eyy.z'fdlox» convincendo. IX. De
Arii morte misera. Tous ces
ouvrages se recommandent par la
I solidité et souvent par l'originalité de
Targumentation , la finesse des rap-
proche racnls , l'immensité et la va-
riété des faits que l'auteur y a consi-
WUE
gnés. On recherche surtout ses Fin-
diciœ œternœ ^xéivxU tion péremptoire
en dixdiscours académiques des idées
de Whiston sur la Trinité et le Dis-
cours sur la mort d'Arius qui sert
comme d'introduction aux Findi-
ciœ. P — OT.
WUÉNÉRÎC ou WÉNÉRIG , au-
teur ecclésiastique, fut'grand-écolâtre
de l'église métropolitaine de Trêves,
et depuis évêque de Verceil , dans le
onzième siècle. Ayant pris part aux
discussions qui s'élevèrent de son
temps entre Grégoire VII et Henri
IV, empereur d'Allemagne, il écri-
vit sur ce sujet , qui agitait tout l'Oc-
cident , un traité intitulé : De la
division de V empire et du sacerdoce.
Il ne s'y répand point , comme d'au-
tres écrivains du temps, en injures
contre le souverain pontife ; il lui
parle, au contraire, comme à son
supérieur et à son père. S'il rap-
porte les faux bruits que l'on répan-
dit contre les mœurs et le gouverne-
ment de Grégoire , ce n'est qu'en lui
témoignant sa douleur et en le priant
de lui fournir les moyens de fermer
la bouche à la calomnie. Trithème
et Sigebert de Gemblours parlent
de ce traité , et D. Martenne, l'ayant
trouvé manuscrit dans la bibliothè-
que de Gemblours , l'a publié dans
ses Anecdota , tome i^^'. Il note, et
cette observation est faite de même
par les deux autres, que le copiste a
eu soin d'avertir que le traité est de
Wuénéric , écolâtre de Trêves, quoi-
qu'ill'aitfaitparaître et qu'il y parle
sous le nom de Thierri , évèque de
Verdun. Wuéncïic réduit à cinq
points les reproches qu'il adresse
ou plutôt que l'on adresse à Gré-
goire : selon certains bruits , les
mœurs du pontife n'étaient point
pures ; son décret contre les clercs
coucubinaires était trop sévère j il
WUI
avait outre-passé les limites du pou-
voir pontifical , en déposant l'em-
pereur Henri j il prodiguait les cen-
sures et excommuniait pour des cau-
ses trop légères ; enfin il prétendait
sans raison séparer les sujets de leur
souverain , et les relever du ser-
ment de fidélité qu'ils lui avaient
fait. Ce n'est qu'après un éloge du
pontife qu^il rapporte les accusations
formées contre lui par ses adver-
saires. Ce traité fut probablement
publié après le concile de Worms
tenu en i oyt). G — y.
WUIEK ou WIEKl ( Jacques
de) , jésuite polonais , né en Mazovie
vers Tan i54o , et mort à Cracovie
en 1 59^ , se distingua dans la socié-
té par son zèle et ses connaissances
tliéologiques. Nous avons de lui en
polonais : I. Poslille catholique ,
en deux parties, Cracovie, iS-yS,
in-fol. II. Postille catholique , troi-
sième partie , contenant des ser-
mons pour les fêtes de la Sainte
Fierge , des apôtres , des martfrs^
et d'autres saints _, ai^ec la passion
de notre Sauveur , tirée des quatre
Evangiles , Cracovie , iS-jS , in-fol.
L'auteur appelait cet ouvrage sa
Grande Postille ; comme elle était
destinée principalement aux érudits ,
et que son prix d'ailleurs ne la ren-
dait accessible qu'aux personnes ri-
ches j il fit paraître la suivante pour
les ecclésiastiques moins instruits et
moinsbien partagés des dons de la for-
tune. 111. Petite Postille catholique^
c'est-à-dire Courts Sermons, tirés
des saints Évangiles pour chaque
jour de dimanche et de fête pendant
l'année , selon la doctrine de la vé-
ritable Eglise unii^erselle , Posen ,
i582, in-fol. On y trouve à la fin :
la Passion ou Histoire des souf-
frances de Notre Seigneur Jésus-
Christ , divisée en sept parties. Le
WUT
253
P. Alegambe, qui dans sa Bihliotheca
scriptorum societatis Jesu a écrit
la Vie du P. Wuiek, lui attribue
encore les ouvrages suivants, dont
les trois premiers sont en latin , les
trois autres en polonais : IV. De-
fensio sacrosancti sacrificii missœ
adversùs Franc. Stancarum. V. De
purgatorio liber. VL De deitate sive
divinitate Christ i Domini nos tri
et Spiritus sancti , contra nos tri
temporis Arianos. VIL Vie et doc-
trine de notre Sauveur , tirées des
quatre Evangélistes. VTIL Senti-
ments de quelques Catholiques , sur
la confession que les hérétiques sa-
cramentaires ont publiée à Sendo-
mir. IX. Analyse des assertions
que Jac. Niemoiewski a avancées
contre les Jésuites de Posen, Posen,
I 58o , in-80. X. Petites heures de
l'office de la Sainte Vierge. Le P.
Wuiek s'est surtout fait remarquer
par sa traduction de la Sainte Bible
en polonais. Avant lui on n'avait
qu'une traduction très-imparfaite im-
primée à Cracovie, i56i. D'après
les vœux du primat Karnkowski ,
archevêque deGnesne , et d'après les
ordres des papes Grégoire XllI et
Clément VIII , le P. V^uiek fut
chargé par ses supérieurs de travail-
ler à une version plus exacte. Il pu-
blia d'abord : le Nouveau- Testa-
ment de Jésus- Christ en polonais ,
Cracovie, i^qS, in-4<*. , réimprimé
en i5g4, 1617 et en 1647 y à Bres-
lau , à l'imprimerie de la société de
Jésus , in -8^. La version de toute la
Bible étant terminée , il fit paraître :
Bihlia , c'est-à-dire , les livres de
l'Ancien et du Nouveau Testament,
traduits en polonais selon l'ancienne
version latine , reçue dans V Eglise
universelle , conférée avec le texte
hébreu , avec le grec et avec la tra-
dition catholique dans les passages
'254
WUÏ
difficiles , pour la défense de la sainte
foi contre les hérésies de nos temps,
Cracovic , iSgg, in-fol. Cette ver-
sion est précieuse par son exactitude,
par les soniinaires qui sont en têîe de
chaque chapitre, et par les notes que
l'on trouve en marge et au bas des
pages. Les Jésuites de Jîreslai la
firent paraître, en 1-^40, à leur im-
primerie, avec le texte latin , en 1
vol. in-4'^. On en a donné récemment
une nouvelle édition sous ce titre :
Bihlia sacra latino-polonica vulgalœ
edilionis aucloritate Sixti F et dé-
mentis FUI , pont. max. recos^-
nita , summariis et notis theologi-
cis , historicis et chronologicis il-
lustrata secunchïm exemplar lati-
num R. P. Tliomœ À(]u. Erchardi
Ord. S. Bened. ; poloniciim verb
R. P. Jacohi TFuieki S. J. thco-
logi reimpressa , Bves\au , 1806, '2
vol. in-4^- E» annonçant celte tra-
duction de la Bib!e, le continuateur
de Fleury dit , Hist. ecclés. , xxvi ,
p. 100 : u (7est une sage précaution
d'o|)poser l'Écrituresainte fidèlement
traduite, aux magnifiques promes-
ses que font les hérétiques de ne pro-
poser à croire que ce qui se trouve
évidemment dans 'a parole de Dieu.
En touinant ce moyen contre eux-
mêmes, on en fait voir l'absurdité,
et il n'y a rien qui serve davantage
à la conversion des hérétiques, que
de leur mettre en main un« traduc-
tion de l'Écriture approuvée. On en
trouve luie preuve dans ce que rap-
porte Possevin, de la Bible tradujte
en polonais par les Sociniens , à la-
quelle Jacques Wuiek , célèbre et
savant jésuite, opposa une autre tia-
duction de toute la Bible en la même
langue. » « Comme le dessein des
» unitaires, en publiant ces versions
» polonaises (dit Possevin) , était de
» semer leurs erreurs dans la Polo-
WUI
» gne , Jacques Wuiek, jésuite de
» ce pays- Ici , eut ordre du pape
» Gi-égoire XllI , de travailler à
« une traduction de toute l'Écriture
» en celte langue, ])our l'opposera
» celle des antilrinitaires : il la fit
» sur l'anrienne édition latine; elle
» fut ensuite imprimée à Cracovie la
» dernière année de ce siècle , avec
"l'approbation de Clément VIII;
» et celle nouvelle version fut très-
» utile pour éteindre les erreurs des
» nouveaux Ariens, qui se répan-
» daient dans ce royaume. » L'ar-
chevêque de Gnesne, primat de Po-
logne, fit les frais de l'impression.
Les jésuites, après avoir ditdans le
catalop;ue des auteurs de la société
que Wuiek . en publiant la traduc-
tion des Épî res et Evangiles, avait
fait tomber des mains , en peu de
temps, les traductions des hérétiques,
ajoutent judicieusement que par ce
moyen il «rendit inutiles les artili-
)) ces des hérétiques, à qui rien n'est
» plus ordinaire que d'empoisonner
» les saintes Écritures, qui sont les
» fontaines communes et pub iaues
» de l'Église , et de les corrompre
» par des versions mauva'ses, afin
» que ceux qui puiseront dans ces
» sources n'en puissent boire sans
» s'empoisonner eux-mêmes. Emser
» se proposa ce même but en oppo-
» saut une version fidèle du Nouveau-
» Test.irnent à celle de Luther cor-
» rompue et altérée en tant d'en-
»» droits. » Dans la BibliothecaJ'ra-
triim polonorum , Amsterdam ,
i656, vol. vï , tome second qui
contient les OEiwres de Socin , on
trouve V Anti-Kviiiekiis ou Responsio
ad libellum Jac. JFuitki , tditum
de di^initale filii Dei et Spintûs
sancti , 1 592 , pag. 53 1 . Cet Anli-
wuiekus est en polonais; la version
latine parut en iSgS. On y attaque
WUL
surtout Bellarmin , que Wuiels , d'a-
près CCS Sociniens, n'a fait que co-
pier. G — Y.
WULFADE, circlievéqucde Bour-
ges y était , en H49 , chanoine et éco-
nome de l'e'^lise métropolitaine de
Reims; et en celte qiialiie il assista
au concile qui fut assemble à Querci
contre Gotescaic ; mais ayant clé
ordonne par l'archevêque Ehbon , il
lui fut delVndu, après la déposition
de ce prélat, d'exercer les fonctions
ecclésiastiques; et cette inteidiction
fut conlirmce , en 853, par le con-
cile de Soissons , ce qui n'empêcha
pas le roi Clharles - le-Chauve de lui
conlier rédncation de sou (ils Carlo-
raan, et de l'employer dans des af-
faires imj)ortantes. Pour reconnaître
ses services le prince lui donna , en
85G , l'abbaye de Rebais , et peu
après celle de Saint-lNIcdard à Sois-
sons. En 866 , Charles- le -Chauve ,
ayant jeté les yeux sur lui pour le
siège archiépiscopal de Bourges,
représenta aux évêques de la pro-
vince que, dans cette place emi-
nenle, il avait ])es(>in d'un homme
habile et fidèle, qui pût suppléer
à l'incapacité de son fils (.har-
les , roi d'Aquitaine, dont l'esju-it
était aiïaibli par uneblessiiie à 'a lèle.
Les évêques obéirent; et Wulfade fut
unanimement élu. Mais il fallait au-
paravant le relever de son interdic-
tion ; Hincmar s'y étant lefusé, le
roi é( rivit au pape pour e prier de
permettre que Wiiltade fût ordonné
évê(pie, et qu'il eût |)rovisoirement
l'administration de Bourges. JN'icolas
I*»". refusa également , en disant qu'il
attendrait. la décision du concile qui
était convoqué à Soissons. Hincmar,
qui présidait ce concile, exposa qu'a-
près sa déposition Wulfade avait
promis par serment de ne plus aspi-
fcr à aucune fonction ecclésiastique;
WUL
255
que cependant il avait voulu se faire
ordonner évcque de Langres, et qu'il
s'était lui-mèmeappropriéles revenus
de cette église. Ma'gré ces griefs il
opina pour que l'on se prêtât aux
dcsirs du roi, et que l'on écrivît en
conséquence au pape. Le concile sui-
vit cet avis. Sans attendre la répon-
se de Rome , Charles enjoignit à
son iiis Carloman de conduire Wul-
fade à Bourges , et de le faire ordon-
ner évêque, ce qui fut exécuté. Api es
la mort de Nicolas l^' .^ Wulfade se
hàîa d'envoy(r à Rome, pour gagner
Adrien 11. Ce pontife écrivit aux
évêques de France une lettre très-
avantageuse pour Wulfade, et illui (it
remettre le [)a!lium. Ce prélat assista
aux conciles de Tro\ es, deVerberie,
de Paris, de Douai, et mourut le
i^"". avril 876. JNoMS avons de lui une
[nstritction pastorale , adressée au
clergé et au peuple de son diocèse. 11
y indique aux ecclésiastiques, aux ju-
ges laïques et aux personnes mariées
les devoirs qu'ils ont à remplir de-
vant Dieu et de\ ant les hommes. Se-
lon lui , on ne doit point ccmpter au
nombre des chrétiens ceux qui ne
communient point trois fois l'an, à
Nuél , à Pâques et à la Pentecôte. Les
femmes , celles même du rang le plus
élevé, doivent a'Iaiter leurs euîants,
et ne point les donner à des nourri-
ces. iVlabillon a inséré cette Instruc-
tion dans ses A naît et a. G — y.
WULFEN (François -Xavier,
baron de 1, naturaliste , nafjuit , en
1728, à Belgrade, oix son pcre était
commandant, avec le grade de lieu-
tenant-général. Ses parents le desti-
naient à l'état militaire; mais après
avoir terminésesétudesil obtint d'eux
la permission d'entrer dans la société
de Jésus. Il enseigna la philosophie
àLaybach, et fut envoyé en 1763
à Klagenfurt, pour y occuper la chai--
Q;56
WUL
re de physique et celle de mathe'-
matiqiies. Après la dissolution de son
ordre , il se livra exclusivement à l'ë-
tude des sciences, et surtout à celle
de l'histoire naturelle. Il mourut à
Klagenfurt le 1 7 mars 1 8o5. Afin d'é-
tendre ses connaissances dans l'his-
toire naturelle, il avait fait des voya-
ges pénibles. Il connaissait toutes les
montagnes et toutes les vallées des Al-
pes; et, sa réputation s'étant étendue
au loin , les sociétés de Stockholm ,
de Berlin^ d'Erlangen, d'Iéua et de
Ralisbonne s'étaient empressées de
l'appeler dans leur sein. Il a publié :
I. Description de quelques plantes
de la Carinthie ( ail. ) , dans les Mis-
cellanea aw^^rmca de Jacquin, 1 780
à 1781, '1 vol. II. Mémoire sur les
mines de plomb de la Carinthie{a\\.),
Vienne , 1 785 , in-foi. , avec 1 1 plan-
ches ; traduit en latin par Jos. Eye-
rel , ibid. , 1791 , gr. in-4'^. , figures
coloriées. III. Descriptiones quo-
runidam capensium insectorum, Er-
langen, 1786^ in -4°., avec gravu-
res; Nuremberg, 1790, et Erlangen,
1793 à 1799, 4 livraisons, avec 32
gravures enluminées. IV. Mémoire
sur le marbre à coquillage de la Ca-
rinthie (all.)^ Nuremberg, 1790,
avec gravures; Erlangen, 1793 à
1799, en 4 livraisons; traduites en
latin, ib. , 1794, in-4^« V- Plantœ
rariores descriptœ y Leipzig, i8o3,
in "4°. VI. Cryptogama aquatica^
ibid. , i8o3 , in - 4". Rœmer a inséré
ces deux ouvrages dans ses archives
pour la botanique. VII. Mémoires
sur l'histoire naturelle , insérés
dans les Miscellanea austriaca et
dans les Collectanea ad botani-
cam spectantia. VIII. Descrip-
tiones zoologie œ adAdriatici litto-
ra maris concinnatœ , dans les Nov.
Act. acad. nat. cur., tome viii, p.
235 à 359. Wulfen avait rassemblé
WUL
de riches matériaux pour une Flora
Norica ; il les légua , ainsi que son
herbier , à un de ses amis. Aux ta-
lents littéraires les plus distingués il
joignait un caractère noble et bien-
faisant. Il était le père des pauvres ,
mettant son bonheur à visiter les
malades dans les hôpitaux , les mal-
heureux dans leurs cabanes , enfin à
consoler, à assister tous ceux qui
soufFraient. G — y.
WULF FER (Jean), célèbre orien-
taliste , né , le 7 juin 1 65 1 , à Nurem-
berg, visita l'Italie, l'Allemagne, la
Hollande , l'Angleterre , la France ,
et étant revenu dans sa ville natale
y remplit les fonctions de ministre
évangéllque et de bibliothécaire, de-
puis l'an 1682 jusqu'à sa mort , qui
arriva le 3 septembre 1724. On a
de lui : ï. Schekalim, hoc est, trac-
tatus talmudicus de modo an-
nudque consuetudine siclum mense
Adar ojferendi , etc. , latinitate et
perp étuis commentariis è doctissi-
mis rahbinorum scriptis illustratuSy
Altdorf, 1680, in-4°. II. Theriaca
judaica ad examen revocata , seu
scripta amœhœa Sam.-Frid. Bren-
zii , conversi Judœi et Sal. Zebi ,
Apellœ astutissimi , à viris doctis
hucusque desiderata, nuncprimùm
versione latind justisque animad-
versionibus aucta , etc. , Nuremberg,
1680, in-4*'« J ibid., 17 i5, in- 12
( F. Brenzius). III. De majoribus
Oceani insulis earumque origine ,
ibid. , 1691 , in - 8». L'académie de
Berlin avait nommé Wiilffer un de
ses membres. G — y.
WULFHAD ( Saint ), fds de
l'heptarque Wulfère , fut bapti-
sé secrètement vers Tan 670, ainsi
que son frère Ruffin , par saint
Chad , évêque de Lichtfield. Les
deux frères étant un jour en prière^
leur père , qui était resté paieu ,
WUL
les fit massacrer. I>a reine Emme-
linde , leur mère , les fit enterrer ^
et les Saxons, selon leur coutume,
élevèrent un monceau de pierres
sur leur tombeau j Wulfère s'ëlaiit
converti , la reine fit bâtir sur le
tombeau des deux martyrs une église,
autour de laquelle s'élevèrent dans le
Staiïbrdshire un prieuré, et la petite
ville appelée iSio/ze, ce qui en lan-
gue anglo-saxoiie signifie pierres ou
tas de pierres. La Icte de ces deux
saints se célèbre dans l'église d'An-
gleterre le 24 juillet. Voyez Vlti-
néraire de Léland. G — y.
WULFIN, surnommé Boèce,
qui florissait sous le règne de Louis-
le-Débonnaire , dirigea avec gloire la
célèbre école d'Orléans. Comme il
avait du goût pour la poésie, ses élè-
ves à qui il l'inspirait, quand il les
en trouvait capables , présentaient
quelquefois leurs compositions en
vers à l'évèque Théodulplie qui , en
leur donnant des marques de son
approbation, en ra{)portait la gloire
à leur maître. Ce prélat , dans un
de ses poèmes , loue Wulfin et ses
vers ( i). Un anonyme cité par le P.
Sirmond répondait en vers à Wul-
fin y en louant le talent que ce maître
avait pour la poésie (2). Florus,
diacre de Lyon , lui adressa aussi
mi de ses poèmes (3). Il ne nous
reste de Wulfin que la Fie de saint
Junien , ahhé de Maire , que D.
Mabillon a publiée (4), d'après un
manuscrit qu'il avait découvert dans
l'abbaye de Noaillé. Le P. Labbe
l'avait aussi insérée dans sa Nova
Bibliotheca , tome 11. Wulfin pa-
raît avoir vécu jusque vers le mi-
lieu du neuvième siècle. G-y.
(i) Tiieodulphi caiminn , ]iv. Il, ch. i3.
(2) Ibid.
(3) Mabillon , Aim. , liv. \.
(4) Acl. ont. S. Bened. , loui, lor.
LI.
WUL 257
WULFRAN ( Saint ), arclievê-
que de Sens et apôtre de la Frise ,
était fils d'un officier des troupes du
roi Dagobert. Ayant passé quelques
années à la cour deClotaire 111 et de
sainte Batbilde , sa mère , il embras-
sa l'état ecclésiastique, et fut élevé,
en 68 '2 , sur le siège de Sens. Après
avoir gouverné avec zèle son diocèse
pendant quelques années . il résolut
d'aller dans la Frise , pour s'associer
aux travaux apostoliques des mis-
sionnaires anglais , qui y prêchaient
la foi. Avant de partir, il alla faire
une retraite spirituelle dans le mo-
nastère de Fontenelle ou de Saint-
Vandrille en Normandie , auquel il
avait donné sa terre de Maurilly. Sa
prédication dans la Frise eut les plus
heureux résultats, et il eut la conso-
lation de donner le baptême à un
grand nombre d'idolâtres , parmi
lesquels se trouvait le fils du roi Rad-
bod.Le père de ce jeune prince, s'é-
tant fait instruire , était même entré
dans le baptistère avec d'autres ca-
téchumènes : mais il résolut de diffé-
rer. Plus tard il fit inviter saint
Wulfran à venir le trouver de nou-
veau-mais il mourut avant l'arri-
vée du saint apôtre. Wulfran ter-
mina sa carrière dans le monastè-
re de Saint- Vandrille, le 20 mars
720. La ville d'Abbeville, oii ses
reliques ont été transférées^ l'a choi-
si pour son patron. Sa vie a été
écrite quelques années après sa mort,
par un religieux de Saint- Vandrille ,
et publiée par Mabillon. G — Y.
WULST AN ( Saint ) , évêque de /
Worcester , naquit à Tcentum , d^ns
le comté de Warwick, au commen-
cement du onzième siècle. Son père
et sa mère s'étant séparés d'un con-
sentement mutuel pour embrasser
l'état monastique, il se mit sous la
conduite de l'évèque de W orcester^
iSS
WUL
qui releva au sacerdoce. Peu après
il entra dans la grande abbaye de
Worccsler , où il fnt charge d'ins-
truire les enfants. Ayant successive-
ment rempli les fonctions de grand-
chantre^ de trésorier et de prieur ,
il fut élu évéque de Worcester en
io6"2 , et remplit à la salisfaction pu-
blique tous les devoirs deTépiscopat;
quoique d'autres parussent l'empor-
ter sur lui en savoir et en doctrine, il
avait pour la prédication évangéli-
que un talent distingué. Le Psautier
était son principal livre de prière,
et, les ecclésiastiques n'ayant pas en-
core de bréviaire rédigé dans les for-
mes actuelles , il récitait le Psautier,
même dans ses voyages. Le change-
ment de politique qui survint dans sa
patrie pensa l'éloigner de SQn égli-
se. Guillaume-le-Conquérant s'était
emparé de l'Angleterre , et afm de
mieux, assurer sa conquête il dé-
pouilla le clergé et la noblesse, pour
donner aux Normands qui l'avaient
suivi les premières places de l'Égli-
se et de l'état. Un synode était as-
semblé à Westminster , sous la pré-
sidence de Lanfranc, archevêque de
Gantorbéry. On y fît comparaître
Wulstan , pour lui demander sa
crosse et son anneau, en alléguant sa
simplicité et son incapacité dans les
affaires. « Il est bien vrai, dit le
» saint évêque, que l'épiscopat est
» au-dessus de mes forces; mais ce
» fardeau m'ayant été imposé par
» le roi Edouard, de concert avec
M le Saint-Siège apostolique, c'est à
)) lui que je dois remettre ma cros-
î) se. » Se retirant aussitôt, il alla
dans l'église de Westminster , où
Edouard était enterré , enfoncer
sa crosse dans le tombeau de ce prin-
ce. Guillaume, frappé de tant de
fermeté, rendit ses bonnes grâces au
saint évêque, pour lequel il eut de-
WUN
puis ce temps la plus haute vénéra-
tion. Lanfranc le laissa paisible pos-
sesseur de son évêché, en le priant
même de visiter pour lui le diocèse de
Chester. Quand des Anglais ou des
Saxons se plaignaient au saint évêque
de l'oppression sous laquelle ils gé-
missaient, il leur répondait : « C'est
» un fléau que Dieu vous envoie, pour
» vouspunir devospéchés; souftrez-
» le donc avec patience. » 11 mourut
en 1095, âgé de quatre-vingt-sept
ans, et fut canonisé en i2o3. On a
trois Vies de ce saint , l'une par
Guillaume de Malmcsbury , dans
Wharton , tome 11 ; l'autre par Flo-
rent de Worcester j la troisième
dans Gapgravc. G — y.
WUNDERLIGH ( Jean ), savant
jurisconsulte, naquit ta Hambourg
le 18 février i-joS. Après avoir en-
seigné la jurisprudence à léna et à
l\inteln , il vint occuper, en 1761 ,
une chaire de philosophie dans sa
ville natale, où il mourut le 10 juin
l'j'jS. Parmi ses ouvrages, on re-
marque : I. Commentatio de L.
Volusio Mœciano jurisconsul-
to , itemque jurisconsulto Folu-
siano y Hambourg, 1749? in -4".
II. Liber singularis de usa inscrip-
tionum romanarum veterum inju-
re, Qiiedlinbourg, 1750, in-4*'. lïl.
Gens Aureliana illustrata, léna,
1753, in-4^'. IV. Commentatio de
veterum popinis y léna, 17^6, in-
4°. V. Principes sur lesquels s'ap-
puie l'histoire du droit romain
(ail. ),lena, i ^ 56, m-S^. YL Sur
le droit du change et de la banque
( ail. ), ibid., 1736, in-8^ Vil.
Spécimen additamentorum ad Bris-
sonio-Heineccianum opus dever-
horum significatione y ibid. VIII.
Commentatio de pupillarihus , lé-
na, i7:j6,in-8^. IX. Guil. de Her-
toghc opuscula juridica , colle git ,
WUN
recensait et illuslravit , Hambourg ,
1768.' X. Additamentorum ad
Barn. Brissonii opus de verbonim ,
ijuœ ad jus cii^ile pertinent^ signifi-
catione vnlumen , ibid., 1778, in-
fo!. Ce dernier ouvrage, auquel l'au-
teur avait travaillé pendant trente
ans , est aussi utile qu'important pour
la jurisprudence. G — y.
WUNDERLICH (Jean-George),
surintendant du diocèse de Wunsie-
del dans la principauté de Bayreuth,
né le 8 octobre 1734, et mort le 6
juin i8o*>. , dans cette principauté,
s'est rendu recommandabic par ses
recherches sur l'histoire du margra-
viat de Brandebourg. Nous avons de
lui : I. Explication de la parabole
de ceux qui ont travaillé à la vigne
du père de famille et de leur ré-
compense, en iS. Math, j chap. 20
( ail. ) , Erlangen , 1 764 , in - 4**. II.
De formulis concordiœ in terris
Burgrauiatûs Norici ah ecclesiœ
doctorihus subnotatis , Bayreuth ,
1783 , in - 4"- III' Mémoire sur la
constitution ecclésiastique de TVun-
siedel ^ à l'époque de la reforma-
tions d'après un document de l'an
i528 (alL), Erlangen, 1784, in-
8 '. IV. Mémoires sur V histoire ec-
clésiastique du cercle de Franco-
nie. V. Sur l'Ahornberg ou mon-
tagne des Ornes , et sur la Marche
de Behau (ail.), dans le Journal
de Bayreuth, 1766 à 1769. G — y.
WUNDT ( Daniel-Louis ) , pro-
fesseur de théologie à l'université de
Heidelbtrg, naquit à Kreutznach le
1 2 navembre 1 74 ' • Après avoir étu-
dié à Heidelberg , où son père était
professeur de théologie , il alla fré-
quenter les écoles de Lausanne , de
Genève et de Zurich. En 1788, il
fut nommé à la seconde chaire de
théologie de l'université de Heidel-
berg j et il obtint la première en
WUN 259
1797, avec une place dans le con-
sistoire. Il mourut le 19 février
1 80 5. Moins théologien qu'historien ,
Wundt consacra la plus grande par-
tie de son temps à l'histoire , et sur-
tout à celle du Palatiuat. Ses ou-
vrages les plus remarquables , écrits
en allemand, sont: I. Instruction
chrétienne pour les enfants qui se
préparent à la cène, Heidelberg ,
1782, in-8*^. IL Sermons, ibid.,
1782, in-8**. III. Histoire de la
Fie et du gouvernement de Charles-
Louis, électeur palatin, Genève,
1786 , in-8*>. IV. Leçons sur l'his-
toire du peuple juif, et explication
des livres historiques de V Ancien-
Testament, Heidelberg, 1788, in-
8^*. V. Magasin pour l'histoire ec-
clésiastique et littéraire de l'électo-
rat palatin, Heidelberg, 1789 à
1793, 3 vol. in-8<>. VI. Magasin
pour l'histoire du Palatinat, ibid. ,
1793, 2 vol. VIL Abrégé de l'his-
toire ecclésiastique du Palatinat ,
depuis la fondation du christianis-
me , sur les bords du Bhin et du
JVecker, jusqu'à la mort de l'élec-
teur Charies - Philippe ou jusqu'à
l'année 174^, Heidelberg, 1796,
in-8<>. VI IL Sur les biens qui ap-
partiennent à V Eglise protestante ,
ibid. , 1801 , in-80. Wundt est en-
core auteur d'ouvrages anonymes sur
l'histoire et la géographie du Palati-
nat ;, et il a fourni sur le même sujet
plusieurs articles aux journaux litté-
raires protestants. — Wundt (Fre-
déric-Pierre ) , frère du précédent ,
professeur d'histoire, à l'université
de Heidelberg , né à Kreutznacb le
16 août 1748, fut nommé, en 1779,
professeur d'histoire à l'école supé-
rieure de Kaisers-Lautern , qui fut
transférée , en 1 786 , à Heidelberg. Il
mourut dans cette ville le i3 mars
1808. On a de luij en allemand , des
200
WUN
écrits précieux pour ceux qui veulent
étudier l'iiistoire , la statistique et la
topographie du Palaîinat : ï. Sur
Othon y le Grand, comte palatin
de TVittelshach , fondateur de la
maison palatine de Bavière y Man-
heim et Lautern, 1779, iii-4''. H-
Bibliothèque topographique du Pa-
latinat^ Spire, 1785 à 1802, 3
vol. in-8°. III- Histoire de V univer-
sité de Heidelberg y en particulier^
et Notices sur la restauration de
cette école sous l'électeur Othon-
Henri, en i558^ d'après un manus-
crit , Manlieim , 1786. IV. Services
que Charles- Théodore a rendus à
V histoire du Palatinat du Rhin ^
Manlieim, 1794? in-S^.V. Descrip-
tion de Sinsheim sous ses rapports
économiques, Lautern, 1779. VI.
Injluence que les réfugiés français
ont eue sur l'agriculture et le com-
merce dans le Palatinat , Lautern ,
1780. VIL Description des grands
bailliages de Feldens , de Laden-
bourg, de Boxberg, de Bretten et
de Bacharach y Lautern et Heidel-
berg, 1782 à 1788. VIII. Descrip-
tion du grand bailliage d' Umstadt ,
possédé en commun par V électeur
palatin et le landgrave de Hesse-
Darmstadt , Heidelberg, 1790. IX.
Topographie statistique du grand
bailliage d' Oppenheim dans le Pa-
latinat , Heidelberg , 1 79 1 . X. Ques-
tions à adresser aux baillis et cu-
rés du Palatinat , pour faire une
statistique exacte de l'électoral.
XI. Plan pour V histoire généra-
le du Palatinat du Bhin , Man-
lieim , 179^? in-80. XII. Le com-
té-palatin de Bade , sous ses rap-
ports géographiques , statistiques
et topographiques, Carlsrulie, 1 8o4 ;,
iu-8'^. XllL Histoire et descrip-
tion de la ville de Heidelberg ^
Manhcim , i8o5 , in-S». G — y.
WUN
WUNSCH ( Jean - J acques de ) ,
gênerai jirussien, naquit, en 1717,
dans le pays de Wurtemberg. Il fit,
de 1787 à 1739 , dans les trou-
pes autricliiennes , les campagnes
contre les Turcs , et se trouva aux
batailles de Banjaluka, de Koruia ,
de Méadia , de Kruzka et de Panzo-
wa. Après îa paix de Belgrade, il en-
tra au service de Bavière ( 1 742 ) ,
comme premier lieutenant dans les
hussards de Frarigipani. La paix
ayant été conclue entre l'Autriche et
la Bavière , ce régiment, qui avait
passé au service de Hollande , était
au mois de janvier 1746 à Bruxel-
les /lorsque les Français vinrent faire
le siège de cette vilie. Wunsch sortit
pendant la nuit , et vint rejoindre les
alliés près de Mons. Il prit part en-
suite aux batailles de Rocoux et de
Lawfeld. Quand la guerre de Sept-
Ans éclata , iJ entra dans un corps
franc au service de Prusse ; et il as-
sista , en 17^7, aux batailles de
Breslau et de Leuthen. Frédéric II ,
l'ayant nommé lieutenant-colonel, le
chargea de lever un corps franc, à la
tête duquel Wunsch se distingua telle-
ment^ qu'en 1759 il fut nommé co-
lonel d'un régiment formé de plu-
sieurs corps francs. Il concourut , à
la tête de ce corps, à chasser de
Saalfeld le général Brown ; et lors-
que le prince Henri pénétra en Bo-
hême^ il forma son avant - gar-
de à la tête de cinq bataillons et
de cinq escadrons , enleva les re-
doutes de A'ollendorf, après avoir
foit essuyer aux Autrichiens une gran-
de perte, et revint joindre Farmée
en Saxe. Le prince Henri étant entré
dans la Franconie , Wunsch com-
manda encore Favant - garde , sons
les ordres du général Knobloch. Il
s'avança jusqu'à Bamberg^ et détrui-
sit tous les magasins des Autrichiens.
WUN
Nommé, en 1759, colonel de cava-
lerie, il l'ut envoyé par le prince Hen-
ri, pour faire une reconnaissance'en
Bohême. Le roi fut tellement satis-
fait de sa conduite, que deux jours
avant la bataille de Kunersdorf,
l'ayant nommé major - général, il
l'envoya , avec trois bataillons et
deux régiments de hussards , pour
s'emparer de Francfort -sur -l'Oder.
Wunscli lit mettre bas les armes à
la garnison; mais le roi, ayant perdu
la bataille de Kunersdorf , le rappela
près de lui. Après qu'il eut joint l'ar-
mée à Reitweim , il fut détaché vers
Furstenwald, pour arrêter les cosa-
ques qui se répandaient dans la con-
trée. De là il reçut ordre de s'em-
parer de Wittemberg et de ïorgau.
Après avoir pris et mis en sûreté ces
deux places , il se dirigea à marches
forcées sur Dresde , pour dégager
cette ville importante. Quoiqu'il eût
appris en chemin qu'elle avait ca-
pitulé, il continua sa marche j il
renversa le corps de Vehia , et le
poursuivit jusqu'aux portes de Dres-
de. Malheureusement la capitulation
était signée j il se retira sur ïor-
gau, et jeta dans cette place un ren-
fort de trois bataillons et trois esca-
drons. Attaqué par le général Saint-
André, qui avait avec lui huit ba-
taillons et huit escadrons, il le mit
en fuite, lui enleva son artillerie , et
lit mille prisonniers. Après cet ex-
ploit , il opéra sa jonction avec
Finck , qu'il quitta près d'Eiicn-
bourg , pour se diriger sur Leip-
zig. Le 1 3 septembre , il força le
comte Hohenlohe à se rendre pri-
sonnier de guerre avec la garnison ,
et vint occuper un camp retranché
près de Siebeneichen. Attaqué à l'im-
j)roviste,lc2i septembre, il repoussa
deux lois l'ennemi , et vint faire l'ar-
rière-garde du corps commandé par
WUN
261
le général Fmck. Quoiqu'il eût à se
défendre contre des forces supérieu-
res , commandées par les généraux
Brentano et Buckow , il ne se laissa
])oint entamer. S'étant réuni , près
de Schilda , au général Rebentiscb ,
il marcha vers Torgau , où se trou-
vait le prince Henri. Finck ayant re-
çu l'ordre de marcher contre le gé-
néral Daun, qui avait passé l'Elbe,
Wunsch , en faisant une forte recon-
naissance vers l'aile droite de l'en-
nemi, fit prisonnier l'adjudant du
duc d'Aremberg , dont les dépêches
étaient de grande importance , parce
qu'elles faisaient connaître le plan
de l'ennemi. De là il marcha , avec
six bataillons et un régiment de dra-
gons , sur Wittemberg , pour se réu-
nir au général Rebentiscb , et pren-
dre le commandement des deux corps.
Le 29 octobre , il tomba sur le gé-
néral Brentano , à qui il enleva ses
bagages, sept chariots de munitions
et deux mille hommes. Cette victoire
lui valut l'ordre du Mérite militaire.
Mais bientôt après , il fut enveloppé
dans les malheurs du général Finck
( V. Finck , au Supplément) , et fait
prisonnier près de Maxen. H avait
opiné , dans le conseil de guerre ,
pour qu'on se fît jour l'épée à la main.
Le roi fut informé de cette circons-
tance j et Wunsch ne reparut plus
devant le conseil de guerre. Entière-
ment disculpé, il reçut, en 1763 ,
le régiment de Finck , et fut nommé
lieutenant général en 1771. Lorsque
la guerre delà succession de Bavière
éclata , en 1778, il fut dirigé sur la
Silésie, avec la garnison de Berlin,
s'empara du comté de Glatz , et en-
tra en Bohême. Il était chargé d'en-
tretenir les communications entre la
grande armée et la forteresse de
Glatz , et devait aussi couvrir le
grand parc , les magasins et la bou-
'à6'i
WUJN
lanfjcrk. Quand la paix fut siguce ,
on le chargea de Tcchange des pri-
sonniers. Le roi Frédéric -Guillaume
Il , qui avait pour Wunscli la même
bienveillance que Frédéric II, le nom-
ma^ en 1787, général de cavalerie
et chevalier de l'ordre de l'Aigle-
Noir. Ce général mourut à Prenzlow,
le 18 octobre 1788. G — y.
WUNSCH ( Chrétien-Ernest ) ,
professeur de mathématiques et de
physique à l'université de Fi-ancfort-
sur-l'Oder, naquit à Holienstein, dans
le pays de Schœnberg, vers 1730,
et mourut dans les premières années
du dix -neuvième siècle. On a de lui
quelques ouvrages estimés et des tra-
ductions du français : I. Recueil pris
dans les observations sur la nature
et les arts , par Vahbé Rozier y tra-
duit en allemand, Leipzig, 1775 et
1776, 2 vol. in- 8°. II. Devaletu-
dine vernd ^ ibid., in-4'^. III. Initia
novœ doctrinœ de naturd sonij ib.,
in-4*^. IV. Histoire de V astronomie
ancienne jusquà la fondation de
V école d Alexandrie , par Baill/y ^
traduite en allemand, Leipzig, 1776
et 1777 , 2 volum. in- 8*^. V. Fisus
phœnomena quœdam, ibid., ^77^?
in-4*'. VI. De auris humanœ pro-
prietatihus et vitiis quihusdam, ib.,
1777 , in-4^. VIL Entretiens cos-
jnologiques pour la jeunesse ( ail. ):
premier volume, des Corps célestes y
ibid., 1778, 2'^. édit., 1791-26.
vol., des Phénomènes qui ont lieu
sur notre globe céleste ^ ibid., 1779,
2^. édit. , 1794 ; 3^. volume , sur
l'homme y ibid., 1780 , in-80. VIII.
Lettres sur les productions de la
nature (ail.): i^^-. volume, des M-
nér aux j\h\di. , 1 781 ; 2^.^ du règne
végétal, ibid., 1786, in-80. IX.
Nouvelle théorie de l'atmosphère et
de la mesure des élévations par le
mofen du baromètre (ail.), Leip-
WUN
zig^ 1782 , in - 8'\ X. Réflexions
sur l'origine des langues , sur la
constitution civile , sur les arts, sur
les religions et les sciences ( ail. ) ,
1782, in-8'^. XL Histoire naturelle
des minéraux, par Bujfon, traduite
en allemand , avec des additions ,
Francfort et Leipzig, 1784, in-8<^.
XIL Essai et observations sur les
différentes couleurs de la lumière
( ail. ) , Leipzig , 1 792 , avec gravu-
res. XIII. Entretiens sur l'homme
(ail.): i<^i". volume, de sa culture in-
tellectuelle , de sa figure et de sa
conformation extérieure, ib., 1 796 ,
avec gravures; 2^. vol., de \ai Nais-
sance, du développement et de la
m.ort du corps humain ;, ib. , 1 798 ,
in-80. XIV. Sur les fabriques de
Saxe (ail. ) _, dans le Journal de Ber-
lin, 1784. G — Y.
WUNSCHWITZ ( Mathias-Go-
DEFROi , baron de ) , généra! des
armées impériales , né à Prague, au
mois de février i632 , descendait
d'une famille noble, originaire de la
Misnie , mais médiocrement partagée
du côté de la fortune. Le jeune Wuns-
chwitz entra de bonne heure au ser-
vice , et se rendit utile pendant la
guerre. Mais ce fut surtout comme
conseiller qu'il s'acquit des droits à
la reconnaissance de Léopold I^^^". ,
qui le récompensa en lui conférant
pour lui et pour ses descendants le
titre de baron d'empire ( 20 août
167 1 ). Wunschv^'itz était extrême-
ment instruit non-seulement dans la
jurisprudence et la politique, mais
encore dans la philologie et les scien-
ces théologiques. Il a laissé plusieurs
manuscrits relatifs à l'histoire poli-
tique de l'Allemagne ; mais aucun n'a
vu le jour. — Godefroi- Daniel ^
baron de Wunscuwitz , seigneur de
Ronsperg , de Wasserau et de Berns-
tcin , etc. , iils du précédent , naquit
uit I
WUR
h i4 niai iG-jS. Klevë sous les yeux
de son père, il était déjà parvenu à
un de^^ré remarquable d'instruction ,
lorsqu'il se mit à parcourir l'Europe.
L'Angleterre, la France, l'Allema-
gne, la Hollande , l'Espagne et l'I-
talie l'altirtrent successivement et le
retinrent six ansenfiers. Il y apprit à
fond les difierenles langues, et revint
dans sa patrie avec une ample collec-
tion de tableaux , de médailles , d'an-
tiquités et de manuscrits précieux.
Quoique la plus grande partie de son
temps fût consacrée à des études so-
litaires , il accepta cependant , et il
l'emplit long-temps avec honneur la
place de commissaire inspecteur-gé-
néral du cercle de Beraun en Bohê-
me. Le baron de Wunschwitz mou-
rut à Prague le 'i5 juin 17^ i , lais-
sant plusieurs majinscrits, qui, com-
me ceux de son père, sont restés
inédits. Cependant ces derniers sur-
tout sont extrêmement remarquables;
et plusieurs personnes , qui les ont
compulsés, assurent que comme anti-
quaire , historien et généalogiste ,
l'auteur s'y montre un savant du
premier ordre. — Jean - Antoinc-
Caietan de Wunschwitz, l'aîné des
fils du précédent , marcha sur les
traces de son père, et acquit, comme
généalogiste^ une haute réputation.
P— OT.
WURDTWEIN (Etienne-
Alexandre), évêque sullragant de
l'électeur de Maïence , né , en 1719,
à Amorbach , vint à Heidelberg , en
1 738 , pour y étudier la philosophie
et la théologie. Après avoir rempli ,
dans le diocèse de Maïence^ diffé-
rentes fonctions ecclésiastiques , il
fut nommé successivement chanoine
d'une collégiale, conseiller ecclésias-
tique, fiscal , olïicial du diocèse,
doyen du chapitre métropolitain, et
en 1783, évêque sullragant. H rem-
WUR
263
plit ces diverses fonctions jusqu'au
moment de sa mort , arrivée , le 1 1
avril 1 796 , à Ladeubourg , où il s'é-
tait réfugié par suite des événements
de la guerre. Il passait dans les ar-
chives du chapitre et de l'église mé-
tropolitaine toutes les heures qu'il
pouvait dérober à ses fonctions; et
c'est à cette ardeur pour l'étude que
nous devons la publication d'un
grand nombre de monuments impor-
tants pour l'histoire : I. Concilia Mo-
f^iintina , queis disciplina ecclesiœ
Mogimtinœ sœciili xiF^ xr et xri,
prœcipuè verb ohscura concordato-
rum Germaniœ historia illuslratur ,
Manheim, 1766, in-4". H. Historia
diploinatica abhatiœ Ilbcnstadien-
sis , Manheim, 1766, in - 4*^. îll.
Diœcesis Moguntina in archidiaco-
natus disiincta , conimentationibits
diplomaticis illiistrata commentât.
IX y Manheim , 1768 à 1776, in-
8". IV. Médailles de Maience Ttu
mojen âge et des derniers temps
(ail.) , ibid., 1769, in-40. V. Siibsi-
dia diplomatica ad selecta juris
ecclesiaslici germanici et historia-
rum capita eliicidanda, Heidelberg ,
1772 à 1780, i3 vol. in-8'\ YT.
JVo^a subsidia diplomatica , Hei-
delberg, 1782-1789, i4 vol. in -8^'.
VIL Dilférentes brochures sur la
connaissance des diplômes et des an-
ciens monuments. VIII. Bibliotheca
Moguntina , libris sœculo primo ty-
pographico Moguntiœ impressis ins-
tructa , hinc indè addita invejitœ
trpographiœ historia , Augsbourg ,
1787 , in -4^- IX. Chronicon diplo-
maticum monasterii Schœnau in
sylvd Odoniand ordinis Cistercien-
sis , Manheim, 1793, in-8<^. X. Mo-
nasticon palatinum , Manheim , 6
vol. in-8«. Ce dernier ouvrage est un
recueil de diplômes qui ont rapport
à l'histoire des anciens monastères
a64 WUR
du Palatiiiat • le précèdent avait rap-
port à la merne histoire. XI. Mo-
nasticon fVormatiense. C'est le
dernier travail littéraire de Wurdt-
wein, qui en mourant le laissa prêt
à être donne à l'impression. Il avait
recueilli les diplômes et documents
relatifs aux anciens ctaLlissements
eccle'siastiques dans le diocèse de
Worms. G — y.
WURFFBAIN (Jean-Sigis-
MoisD ) , voyageur allemand , ne le
20 août i6i3 à Nuremberg, pas-
sa, dans sa jeunesse, quelques aii-
D'cs en Hollande. La guerre ayant
détruit en Allemagne toute espèce de
commerce et d'industrie, et person-
ne n'ayant plus le courage de faire
de nouvelles entreprises, Wurffbain
résolut, avec le consentement de ses
parents . d'aller dans les Indes orien-
tales. 11 partit comme simple sol-
dat, en i63.2 ; mais ses services lui
valurent, en i635, la place d'aide-
marchand en chef; et quelques an-
nées après , il devint sous-marchand.
11 fut envoyé, en cette qualité, à Su-
rate, puis^ en i638, à Moca , oii il
ranima le commerce des Hollandais,
qui y était beaucoup déchu. En i Ql\ij
il partit pour Cambaye avec des
marchandises précieuses , surtout de
la joaillerie , et les vendit très -bien.
Pour le récompenser , on le nomma
marchand en chef, distinction qu'au-
cun Allemand n'avait encore obte-
nue. En 1 645 , il revint en Europe
sur un navire dont le commandement
lui fut contié. L'année suivante, il
revit sa ville natale. Il y établit une
maison de commerce, devint adjoint
du tribunal de la banque, et mourut
le 2 août 1 66 1 . Déjà Léonard Wurfï-
bain , son père , homme docte ;, à qui
l'on doit des écrits sur les généalo-
gies, avaitfait imprimer un extraitdes
Lettres de son fils , sous le litre de
WUR
f^qyage aux Indes orientales , Nu-
remberg, 1646, in-4".;mais ce der-
nier peu satisfaitde ce livre, parce qu'il
s'y était glissé beaucoup de fautes ,
acheta tous les exemplaires , afin de
les anéantir. Cependant il a été réim-
primé presque en totalité dans VE-
pistolische Schatzkammer de Mar-
tin Zeiller , Ulm , 1 700 , in-fol. Après
la mort de Jean-Sigismond, son fils
Jean-Paul Wurffbain publia , d'après
son journal, écrit en hollandais et en
allemand , le voyage qui est intitulé
en allemand : Services deJ, -S. W'urff-
hain dans les Indes orientales pen-
dant quatorze ans , comme militai-
re et jnarchand en chef y décrits
dans le journal exact quil a tenu,
et oit Von troui^e plusieurs événe-
ments remarquables , des relations
véridiques de contrées lointaines y
des descriptions agréables de leurs
habitants, des notices précises sur
les végétaux et les animaux étran-
gers , et plusieurs renseignements
utiles pour les affaires commercia-
les, publié à la demande réitérée du
public y par J.-P. W, D., Sulzbach,
1686, in-40., fig. Le fils de Wurff-
bain aurait dû ne pas toucher au
journal de son père : cela valait
mieux que de le faire parler à la troi-
sième personne. Cependant il a res-
pecté le texte. Du reste, ce livre est
aujourd'hui de peu d'intérêt. L'au-
teur n'était pas assez instruit poijr
voyager avec fruit dans les pays
lointains. Son ouvrage n'offre de cu-
rieux que les renseignements sur l'e'-
tat du commerce de cette époque et
la mention de quelques îles qui man-
quent dans nos livres et sur nos car-
tes de géographie. Les remarques sur
les animaux et les plantes ont été
ajoutées par l'éditeur , qui les a ex-
traites des meilleurs ouvrages du
temps. Les figures sont très-médio-
WUR
rres ctcopiëes d'autres livres. Wurff-
LaJu avait assisté , comme comman-
dant^ à l'éxecution de l'ordre donne
par la compagnie des Indes de dé-
truire et d'extirper tous les musca-
diers qui croissaient dans les îles voi-
sines de Banda. Il avait rencontre à
Surate Mandelslo , voyageur renom-
mé.— Jean -Paul Wurffbain a
publié Salamandrologia j Nurem-
Lerg, i683,in-4*^., (ig. , et plusieurs
Mémoires d'histoire naturelle et de
médecine , dans les Ephémérides
des curieux de la nature. E — s.
WURMB (Fréderic-Louis de ) ,
premier ministre de l'électeur de
Saxe, né en 1728, est mort le 18
janvier 1800, après avoir servi son
prince pendant cinquante- deux ans.
Ayant long-temps étudié la cons-
titution de son pays , il a publié ses
Jiiéditations sur cet objet , dans un
ouvrage qui fil une vive sensation,
et qu'on lit encore aujourd'hui
avec intérêt , sous ce titre : le Tom-
beau de Léonidas , dédié aux Sa-
xons qui aiment leur patrie ( ail. ),
Dresde, 1798, in-8"., et réimprimé
en 1 799. Il y expose avec franchi-
se les principes de la constitution
saxonne, ses défauts et les moyens
d'y apporter remède. G — y.
WURMBRAND (Jean-Guil-
laume , comte DE ) , ministre autri-
chien, naquit le 18 février 1670. Il
perdit sa place en 1740? après la
mort de Charles VI , et rentra dans
ses fonctions en 1745, après l'élec-
tion de l'empereur François I*^''. , à
laquelle il avait pris une part très-
active , comme député du royaume
de Bohême. Il mourut, le 17 décem-
bre 1756, avec le litre de ministre
d'état pour les affaires de l'empire.
Il s'est rendu rrcommandablepar ses
recherches sur l'histoire de l'Autri-
che, et a publié : I. Collectanea ge-
WUR
a()5
nealogico-historica ex archivo sla-
tuum J.ustriœ inférions , Vienne,
1703, in -fol.; réimprimé, ibid. ,
1751 , in -fol. II. Commentatio de
hœreditariis prouinciarum austria-
carum officialibus , Leipzig, 1737 ,
in-4'^ , 2^. édition. G — y.
WURMSER ( Dagobert - Sigis-
MOND , comte DE ) , général autri-
chien, naquit en Alsace d'une noble
et riche famille, le 11 septembre
1724, et fit ses premières armes au
service de France. Son éclatante
bravoure , dans les campagnes de
1 745 , 4^ et 47 » ^"^ valut un brevet
de capitaine de cavalerie. Son père
ayant pris, vers 1750, le parti de
renoncera sa patrie, pour se fixer
dans les états autrichiens, le jeune
Sigismond l'y suivit , et recul à la
cour de Vienne l'accueil le plus flat-
teur. Il obtint de l'impératrice Marie-
Thérèse la clef de chambellan , et,
ce qui convenait encore mieux à ses
goûts , un escadron de hussards
avec lequel il fit la guerre de Sept-
Ans contre les Prussiens. La part
qu'il prit aux batailles de Pra-
gue , de Lissa , d'Mochkirchen et
de Lignitz , lui mérita successivement
les grades de major , de colonel , de
général-major, et la croix de Marie-
ïhércse. Bon , loyal , généreux , il
était l'idole des oificiers et des sol-
dats. Après le combat de Gorlitz,
on lui dit qu'un lieutenant sans for-
tune , et qui s'était distingué , venait
de perdre son cheval ; aussitôt il fait
choisir le meilleur de son écurie , et
le lui envoie avec ces mots : « J'ai
» juré que ce cheval appartiendrait
» au plus brave , et j'espère, Mon-
» sieur , que vous me ferez l'hon-
» neur de l'accepter. » En 1 778 , il
devint colonel propriétaire d'un ré-
giment de hussards de son nom , et
à l'époque de la guerre de 1778 il
'266 WUR
fut nomme lieutenant-gëneral. 11 pé-
nétra dans le comte de Glatz , à la
tête d'un corps de douze mille liom-
mes , surprit, le 18 janvier 1779 ,
les Prussiens à Cubelscliwerd , et
leur fit douze cents prisonniers. La
paix de Teschen mit un terme à ses
succès , et le collier de commandeur
de Marie-The'rèse fut le prix de ses
exploits pendant cette courte cam-
pagne. Commandant- général de la
Galicie en 1787 , il s'y fit aimer
des habitants si peu disposes d'ail-
leurs à subir le joug de l'Autriche;
et l'empereur Joseph lui conféra le
grade àc feldzeu^meister ( général
d'infanterie ). En 1789^ il ne fut pas
employé contre les Turcs; mais, au
mois de février i 798 , il eut l'ordre
de rassembler un corps d'armée dans
le Brisgaw : le 3 mars, il se dirigea
sur la Ketsch , entre Manheim et
Spire y il attaqua l'arrière-garde de
Custine , et la poursuivit jusqu'à
Landau ( Vof. Custine ) , qu'il
somma vainement de se rendre. Il se
réunit au corps de Condé à Spire,
et, pour couvrir le siège de Maïen-
ce , ayant opéré sa jonction avec
l'armée prussienne d'observation
commandée par le duc de Bruns-
wick, il établit ses lignes de Ger-
mesheira à Edikoffen jils'y maintint
tout le mois de juillet , malgré de
vives et continuelles attaques ; mais
l'aile droite , formée des Prussiens,
fut entamée. Maïence ayant capi-
tulé, Wurmser se porte en avant; il
parvient à chasser l'ennemi des en-
virons de Landau , attaque brusque-
ment le poste de Jocknum dont il
réussit à s'emparer, ainsi que de
Bienwald , et s'avance jusqu'au pied
des Vosges. De fausses attaques et
des combats insignifiants se succédè-
rent jusqu'au i3 octobre. Ce jour-là,
de concert avec le duc de Brunswick,
WUR
Wurmser se jette sur les lignes de
Weissembourg, qu'il emporte après
une faible résistance. Les Français
se retirent en désordre vers la
Haute-Alsace. Le général autrichien
occupe Haguenau , prend Drunheim,
bloque , bombarde et contraint le
Fort-Louis à capituler le i4 nov. ,
s'établit sur la Sarre, puis étend sa
gauche jusqu'à Wantznau sous Stras-
bourg, Cependant sa droite échoue
contre le pont de Saverne qui la gê-
nait beaucoup. D'un autre coté, les
Prussiens ayant manqué l'attaque de
Bitche et négligé de prendre Landau
qu'ils attaquèrent trop tard, Wurm-
ser se trouva pour ainsi dire livré à
ses propres forces. Harcelé sans cesse
par Pichegru , mal secondé par ses
lieutenants , il se vit bientôt contraint
à se retirer dans les lignes qu'il avait
' établies sur le Mofter. Le point de
Frischweiler, défendu par le contin-
gent palatin , ayant été forcé le 11
décembre , sa retraite précipitée ne
fut plus qu'une déroute; les débris
de son armée ne se rallièrent qu'a-
près avoir repassé le Rhin. En jan-
vier 1794? Wurmser se rendit à
Vienne où son souverain , par de
nombreux lémoignages d'estime, le
vengea de l'injustice de ses ennemis;
et six mois plus tard il lui rendit le
commandement de l'armée du Haut-
Rhin , où le hasard fit découvrir
au général autrichien la correspon-
dance que le prince de Condé en-
tretenait depuis long-temps avec Pi-
chegru. Wurmser s'empressa d'en
instruire le cabinet de Vienne ; mais
il profita peu de cette circonstance
avantageuse ( F. Pichegru , tome
XXXI V, et Condé au Supplément) :
il battit pourtant les Français, le 28et
le 29 octobre , sur les bords du Nec-
ker j et même il entra dans Manheim,
dont la citadelle , au bout de quelques
WUR
jours de bombardement, lui ouvrit
ses portes. La grande croix de Marie-
Thérèse lui fut envoyée le i^"^. jan-
vier 1 796 ; les hostilités ne recom-
mencèrent qu'au moisdemai de cette
année. Wurmser, attaqué par le géné-
ral Moreau, le i5 juin, abandonna
Rebach et Franckenthal. Renonçant à
Tolfensive en Alsace et sur le Rhin ,
l'Autriche lui donna l'ordre d'aller
en toute hâte diriger ses armées d'I-
talie y et d'y conduire trente mille
hommes de ses meilleures troupes.
Une campagne malheureuse, mais
qui ne fut pas sans gloire , attendait
le héros septuagénaire dans cette
contrée où Beaulieu venait d'éprou-
ver échecs sur échecs. Des le 29 juil-
let, Wurmser s'était mis en marche
vers Mantoue; il culbuta les premiers
postes français sur les deux bords
du lac de Garda , mais le général
en chef Buonaparte, ayant quitté le
siège de Mantoue pour se précipiter
à l'improviste sur son adversaire , le
battit complètement à Lonato le 3
août, à Castiglione le 5 , puis à Ro-
veredo , et le 8 au débouché des
gorges de la Brenta ( Voy, Buona-
parte au Supplément). Le général
autrichien toutefois , ne désespérant
pas de la fortune, fit une tentative
sur Vérone; mais , repoussé par le
général Kilmaine , il longea l'Adige
avec un corps de cinq mille fantas-
sins et de quinze mille chevaux;
réussit à donner le change à deux
divisions françaises qui croyaient le
cerner , et , par une marche non
moins savante que pénible , il par-
vint à se faire jour jusque dans
Mantoue. Celte place fut cernée de
nouveau -, de fréquentes et vigoureu-
ses sorties en signalèrent la défense.
Mais les victoires remportées sur
Alvinzy , le manque de vivres c-t les
maladies forcèrent Wurmser à capi-
WUR
367
tuler le 1 février 1797. Le général
Buonaparte se fit un devoir de le
traiter avec générosité , et le laissa
libre de sa personne , ajoutant :
a Qu'il honorait son grand âge , sou
» mérite , et qu'il ne voulait pas
» l'exposer à devenir la victime des
» intrigants , qui sans doute essaie-
» raient de le perdre à Vienne. »
Plein de reconnaissance pour de
tels procédés , Wurmser , instruit
d'un projet d'empoisonnement tra-
mé , dans la Romagne , contre le gé-
néral français , eut la générosité de
l'en informer. Il partit ensuite pour
Vienne , et l'empereur lui confia le
commandement général de la Hon-
grie , avec un traitement de quatorze
mille florins j mais il ne put se ren-
dre à son poste ; il mourut à Vienne ,
dans le mois de juin 1797 , d'une
maladie dont il avait pris le germe à
Mantoue. 11 était à la veille d'obtenir
le bâton de fcld-maréchal. C'est par
erreur que les Biographies françaises
et le Mémorial de Sainte- Hélène
l'en ont gratifié. C'était un homme
excellent et doué de l'ame la plus
élevée. Zélé catholique , il remplis-
sait ses devoirs religieux avec une
grande exactitude • mais il voulait ,
pour les protestants qui servaient
dans les armées autrichiennes ^ la
liberté de culte la plus illimitée. Il
n'a laissé d'héritier qu'un neveu de
son nom ; il ne s'était jamais marié.
St — T.
WURSTEISEN ( Christian ) ,
en latin TFurstisius et Urstisius ( i ) ,
historien de la ville de Bâle , y
naquit , en i544 ? d'une famille
patricienne. Doué d'une ardeur in-
fatigable pour l'étude , il fit de
rapides progrès dans les lettres et
(i) Wursteisen, suivant l'usage des savants de
son (emps , a traduit sou non en urec par celui
iW'îllnisideivs.
'268
WUR
les sciences. A dix-lmft ans , il fut
reçu docteur en philosophie j et, deux
ans après, les curateurs de Façade' -
mie lui confièrent la chaire de ma-
thématiques, qu'il remplit d'une ma-
nière brillante. L'un des premiers ,
il se déclara pour le système de Co-
j)ernic , et il contribua beaucoup à
lui faire des partisans en Italie ( F.
Montucla , Hist. des Mathém, , i,
638). Dans les loisirs que lui laissait
sa place, il cultivait avec un égal
succès l'histoire et la théologie. En
i585 , il joignit à la chaire de ma-
thématiques celle d'explication de
TAncien - Testament j l'année sui-
vante , il fut revêtu de la charge de
secrétaire-d'élat , et de chancelier de
la ville de Baie. Wursteisen ne de-
vait jouir que quelques instants de
tous ces honneurs. Une mort préma-
turée l'enleva le 3o mars i588, à
l'âge de quarante-quatre ans. Valérie
Murer, sa veuve, dont il avait eu
sept enfants , lui consacra une épi-
taphe, qui a été recueillie dans les
Monument. Basil. , 38 ( édit. de
1761, in-4^. }. On a de Wursteisen :
I. Doctrina arithmeticœ ^ Bâle ,
i565, in-8^. II. QuœstionesinPur-
bachii Theoricasplanetarum, ibid.,
i568, in-80. Le P. RiccioU trouve
cet ouvrage savant ( Voy. Alma-
gest. nov. , 82); il a été réimprimé
avec les Théoriques de Purbach , en
iS-yS et 1596. ni. Chronicomna-
jus (en allemand), i58o, in-fol.
Cette histoire est fort estimée. Dan.
Bruckner en a donné la continuation
jusqu'à l'année 1600, Bâle, 1766;
et elle a été réimprimée , en 1778 ,
avec une nouvelle continuation jus-
qu'en i65o. IV. Epilome historiœ
Basiliensis , prœter lotiiis Rauricœ
descriptionem , urhis antiquitates et
episcoporum catalogum complec-
tens , ibid. , 1077 , in-S'*. , réimpri-
WUR
mé, en 1752, par les soins de J.-fï.
Brucker; traduit en allemand , et en-
richi de divers suppléments et addi-
tions , par Jac.-Chr. Beck, 1757.
V. Germaniœ historici illustres ah
imperatore Henrico IF usque ad
annuTii i4oo, Francfort, i585 , 1
tom. in-fol. ; reproduits en 1670.
Cette collection est très-rare. Wurs-
teisen a laissé quelques ouvrages ma-
nuscrits qui sont conservés par ses
descendants, et parmi lesquels on
distingue ses Rhapsodiœ rerum va-
riarum , imprbnis vero Basdien-
sium, etc. Voy. \çsAthenœ Rauricœ,
34-35 ; le Florilegiumlibrorum ra-
riorumàe Dan. Gerdes, page 362;
la Bibliothèque de l'histoire de
Suisse par Hallcr, tom. iv, n^s,
257 et 743-749, et la Fie d'Urs-
titius par J.-Chr. Iselin, dans le
Muséum Helveticum , vu , 4 29- 52.
W— s.
WURTEMBERG ( Émeric IÏI
DE ) est le premier comte de Wur-
temberg , dont l'histoire fasse une
mention authentique. Cependant les
généalogistes allemands , et , à leur
exemple , presque tous ceux qui se
sont occupés de la descendance des
princes de Wurtemberg, s'accordent
à faire remonter son origine à un
ÉmericT , parent ou plutôt allié du
roi franc Ghlot-Wich par sa femme
Clotilde , maire ( major domûs ) de
son palais et général dans les armées
marwingiennes. Il assista avec le
monarque barbare aux batailles de
Tolbiac et de Waiblingen , contri-
bua puissamment, par son intrépidité,
à la déroute des All-Manns , et reçut
en récompense les terres où furent
bâlis dans la suite les châteaux de
Wurtemberg et de Beutdsbach , avec
le titre de gouverneur des pays cir-
convoisins. C'est même à lui que
l'on attribue généralement la fonda-
WUR
tioii de la seconde de ces résidences.
Parmi ses premiers descendants fi-
gurent Émeric II , maire du palais
d'Austrai^ie, sous le roi Dagobert ï^' .,
fondateur de l'église seigneuriale de
Beutelsbacli , oii furent long- temps
enterres les comtes de Wurtemberg,
et Albert l'^i"., un des plus vaillants gé-
néraux de Pépin- le Bref. Ce dernier
fut encore chargé de plusieurs di-
gnités importantes. On ignore s'il
survécut long-temps à l'usurpation
de la race des Héristall , sur les en-
fants dégénérés de Ghiot-Wich ; mais
on sait qu'il fut témoin et sans doute
complice de celte révolution. Éber-
bardl^i'. , son fils, succéda à tousses
emplois sous Pépin et sous Cbarle-
magnc ; rendit de grands services
au dernier pendant les six guerres
de Saxe , et principalement dans la
campagne de 7^5; conclut, au nom
de l'empereur, un traité de paix et
d'alliance à Ratisbonne, avec le duc
de Bavière , Tassillon II , et reçut
en récompense , avec le titre de com-
te et une augmentation de territoire,
la main d'une des filles de Charles.
Il mourut en 8i i , et fut enterré à
Saint- Denis, où l'on a cru trouver
sculptées, sur les pierres funéraires,
les armoiries de lamaison deWurtem-
berg.Ulric I*^i'., son arrière-petit- (ils,
succéda ,à ce qu'il paraît, à son frè-
re aîné Éberhard III , vers l'an 9*20 ,
et joignit au double titre de comte de
Wurtemberg et de comte palatin de
Paris le majorât dupalais de Charles-
le-Simple. 11 se rendit ensuite en Italie
auprès de Béranger , à la fortune du-
quel il s'était attaché, et dont il était
regardé comme un des plus habiles ca-
pitaines. Mais la tyrannie qu'affectait
ce vieux souverain lui déplut, et il
s'unit avec ses ennemis, lorsqu'ils lui
opposèrent un cinquième compéti-
teur dans la personne de Rodolphe II,
WUR 269
roi de la Bourgogne transjuraue. Les
historiens le font mourir dans une
rencontre aux environs de Bresse ;
mais ils diffèrent sur la date de cet
événement, qu'ils placent les uns en
gi3 , les autres en 93 1 . Cette incerti-
tude, d'autant plus étonnante que la
mort de Béranger se trouve entre les
deux époques contestées , empêche
de fixer avec exactitude en quel temps
Emeric III commença à porter le nom
de comte de Wurtemberg. Ce der-
nier était neveu d'Ulric , et fils aîné
d'Ebcrhard llï. Général actif et ha-
bile , il se distingua , comme ses an-
cêtres , par son courage et ses talents,
dans les guerres que l'Allemagne eut
à soutenir contre les Hongrois , leva,
à ses frais , un corps de quatre mille
Souabes avec lesquels il combattit à
la journée de Merscbourg, et fut
proclamé, par Henri l'Oiseleur, un
des héros de la campagne. Ce prince
lui donna en outre le comté de Gro-
ningue , et lui permit de prendre le
titre de baron ( Freyherr ) de Beu-
tclsbach. Émeric vivait encore en
938. — Conrad II, bis-arrière-petit-
fils du précédent, n'obtint d'abord
qu'une modique partie de l'héritage
de son père Albert II , et eut de la
peine à se garantir des embûches que
lui dressaient ses quatre frères. Mais
bientôt ses exploits et sa fidélité à la
cause de l'empereur Henri IV réle-
vèrent au premier rang dans la fa-
veur de ce monarque, qui îe combla
d'honneurs et de marques d'attache-
ment. Conrad agrandit considérable-
ment ses domaines , réunit dans sa
maison les trois comtés de Wurtem-
berg , de Lowenstein et de Beutels-
bach , devint le seigneur le plus riche
et le plus puissant de toute la Souabe,
et fut , selon quelques écrivains , le
premier de sa famille à qui l'empire
accorda la qualification et les préro-
270
WUR
gatives de prince. 11 gouverna ses
sujets avec beaucoup de sagesse , et
mourut en i i'2i , dans un âge très-
avance, laissant quatre iils, dont
l'un , Henri II , continua la branche
régnante de Wurtemberg. — Éber-
HARD V, bis -arrière -petit -fils de
Conrad , succéda avec son frère
Ulric , à son père Henri III
de Wurtemberg , en 1226 , et tous
deux eurent pour tuteur le comte
Hartmann II de Groningue , leur
cousin , qui , dans la gestion des biens
de ses jeunes parents , songea bien
moins aux intérêts de ses pupilles
qu'aux siens propres , et se rendit
coupable de plus d'une infidélité.
Cependant Ulric mourut avant d'a-
voir atteint sa majorité, etÉberliard
resta seul héritier des domaines de
Wurtemberg. Devenu en état de
les gouverner , il ôta au comte
Hartmann toute participation aux
affaires ; puis il chercha à con-
solider son autorité par de nouvel-
les acquisitions , et continua d'aug-
menter la puissance de sa famille ,
tant par des alliances, que par la
guerre. Son mariage avec la duchesse
Agnès de Zàhringen , comtesse douai-
rière d'Urach , porta celte seigneurie
dans sa maison. Il mourut en l'iSS ,
au commencement du grand interrè-
gne. Il eut pour successeur son fils ^
Ulric V, ou Ulric I^i". , dont l'article
suit. — Ulric I*^^. (ou , selon ceux qui
mettent au nombre des priRces ré-
gnants de Wurtemberg tous les aïeux
de celui-ci, Ulric V), surnommé vul-
gairement au gros pouce ( mit dem
Daumen) ou selon quelques-uns le
fondateur^ s'intitula le premier com-
te par la grâce de Dieu , et fut re-
connu à la cour impériale , dans la
diète et les règlements , prince im-
médiat de l'Empire. C'est de cette
époque que date la véritable exis-
WUR
tence politique du comté de Wur-
temberg. Le duché de Souabe avait
échappé aux mains défaillantes des
HohenstaulTen , dont le dernier re-
jeton , l'infortuné Conradin , alla
périra Nap les sur unéchafaud. Avant
ce tragique événement, Ulric avait
obtenu du jeune prince les titres de
bailli de la ville d'Ulm ,etde grand-
maréchal de Souabe; etRichard d'An-
gleterre^ pendant le cours de sa puis-
sance éphémère, et à une de ces
courtes apparitions qu'il faisait de
temps à autre au milieu du chaos de
la monarchie germanique , lui avait
accordé l'inféodation du comté d'U-
rach. Ulric ne se distingua pas moins
par la douceur et la sagesse de son
gouvernement intérieur , que par son
habileté et son adresse dans ses rela-
tions avec les autres parties de l'em-
pire. Il mourut le 25 février 1265.
Il avait épousé une Polonaise , Agnès ,
duchesse de Lignitz , issue du sang
royal des Piast , et en avait eu deux
fils , Ulric et Éberhard. — Éber-
HARD 1^1'. ( ou Éberhard IV ) , sur-
nommé V Illustre, à cause de la haute
naissance de sa mère^, était encore
fort jeune lorsqu'il succéda à son
père Ulric 1*^^'. ; conjointement avec
son frère Ulric II (autrement Ulric
VI ). Il entreprit de tirer ven-
geance du comte de Groningue ,
et, malgré la réputation de bravoure
dont ce prince jouissait à juste titre,
il lui déclara la guerre , força ses
châteaux , s'empara de sa personne,
et l'enferma dans les prisons d'As-
perg. Il fit aussi la guerre à plusieurs
princes de l'empire , et même à Ro-
dolphe de Hapsbourg , ainsi qu'à
deux de ses successeurs, Adolphe de
Nassau et Henri de Luxembourg ;
mais les succès furent partagés ^ sur-
tout pendant la troisième de ces guer-
res; deux fois le célèbre Conrad de
WUR
Weinsberg mit tout à feu et à sang
dans le Wurtemberg ; et Éberhard ,
auquel il avait dispute la couronne
impériale à la diète de Francfort,
eut à trembler pour l'intégrité de ses
domaines 5 il avait trouve un moyen
plus assure de les agrandir dans son
e'conomie et son esprit d'ordre , qui
lui permirent d'amasser des sommes
considérables avec lesquelles il acheta
un grand nombre de villes, de bourgs^
de forts, de châteaux, de seigneuries
et de prérogatives domaniales. Éber-
hard survécut douze ans à son com-
pétiteur, et mourut le 5 juin iSiS ,
après un règne de plus de soixante
ans. Il eut pour successeur Ulric III
( ou VIII ).— Éberhard II (ou VU),
surnommé le Querelleur, succéda,
en i344? à son père Ulric III , à
l'âge de trente-un ans , et régna près
d'un demi-siècle. Ulric IV, son frère,
partagea avec lui le gouvernement
jusqu'en i366 _, époque à laquelle il
mourut sans postérité. Ce fut alors
surtout qu'Éberhard se rendit illustre
et redoutable par ses exploits. Sa ré-
putation militaire rassemblait autour
de lui les plus braves guerriers et
l'élite de la noblesse allemande j c'é-
tait l'époque à laquelle la ligue an-
séatique commençait à prendre un
grand développement , et à comp-
ter parmi les puissances. L'activité
égoïste de Charles IV, et bientôt l'in-
dolence non moins funeste de Vences-
las, répandirent dans toute l'Allema-
gne des principes d'indépendance
dont généralement les villes libres ou
impériales étaient le foyer, et dont les
princes se déclaraient les antagonistes.
Éberhard se dévoua à la cause des
premiers et devint la terreur de
toutes les villes anséatiques.La Soua-
be et la Franconie ayant songé à
former avec la Suisse , qui venait de
conquérir sa liberté , une fédération
WUR
27
républicaine , il anéantit leurs projets
et leurs espérances à la bataille de
Doffingen. 11 fut aussi chargé de plu-
sieurs commissions militaires à exé-
cuter contre l'électeur palatin , et
contre les villes d'Augsbourg et d'Ess-
ling, et revint triomphant de chacune
de ces expéditions. Une fois seulement
il fut vaincu à Reutlingen ( iS-j-^ ) ;
mais il prit bien sa revanche à la
sanglante bataille de Wcil , où il
écrasa l'armée combinée des villes
impériales. Cependant cette victoire
lui coûta cher, et il eut la douleur
de perdre dans le combat son fils
unique, Ulric, qui donnait les plus
belles espérances. Quoique perpé-
tuellement occupé de guerres soit
pour lui, soit pour les empereurs
d'Allemagne, Éberhard suivit les tra-
ces de son aïeul , en ne cessant d'a-
cheter des forts , des villes et des
domaines. Le Wurtemberg devenait,
de jour en jour, tant par son étendue
que par le caractère de ses posses-
seurs , une des principautés les plus
importantes du corps féodal ger-
manique. Venceslas donna au comte
en récompense de ses services vingt-
quatre villes impériales de la Souabe;
Sophie de Wurtemberg , sa fille ,
épousa le prince Louis de Lorraine ,
et son fils Ulric , marié à Elisabeth
de Bavière, était gendre de l'empe-
reur Louis V. Éberhard II mourut ,
âgé de quatre- vingts ans, le i5 mars
iSgS , et laissa le trône à Éberhard
III , le Débonnaire {der Milde) , son
petit-fils , qui mérita par sa justice^
son amour pour les sciences et sa
piété , les surnoms de Nunia et de
Salomoji de son siècle. Cependant
le commencement de son règne fut
troublé par la révolte de ses nobles.
Mais le paciOque suzerain leur mon-
tra , à la bataille de Heisheim , qu'il
savait aussi manier IV'pp'e, et les coU'
272 WUR
traignit de rentrer dans le devoir. Il
ajouta beaucoup à ses états lie'-
réditaires , appela auprès de lui les
plus sages conseillers , devint , par
sa réputation d'equite, l'arbitre de
ses voisins qui eurent recours à lui
dans leurs contestations, et rendit sa
cour une des plus brillantes de l'Al-
lemagne. Lors de la de'position de
Venceslas , en i4oi , plusieurs élec-
teurs le portèrent à la candidature de
la couronne impériale ; mais il fît
lui-même peu d'elïbrts pour seconder
cette proposition qui ne réussit pas.
Il fut un des princes allemands qui
se rendirent , en 1 4 ' 4 5 ^lu concile
de Constance, et mourut trois ans
après , le 1 3 mai \l\\.']. — Ulric V
( ou XI ) , dit le Bien- Aimé j deuxiè-
me fils d'Éberhard IV ; et petit-
fils d'Éberliard III , était en bas-âge
à la mort de son frère , en 1 444 ■> <^t
sembla d'abord devoir rester sans
apanage. Cependant la grandeur de
rhéritagepalerncl etles sollicitations
de sa mère Henriette de Montbeîiard,
qui avait apporte' dans la maison de
Wurtemberg le comte de ce nom, en
décidèrent autrement. Louis l^"^. , son
frère aine' , consentit à partager son
patrimoine, et lui laissa la liberté de
choisir. Ulric se détermina pour le
Bas-Wurtemberg, laissa à son frère,
avec le reste de ce pays , le comte de
IMontbeliard , et fixa sa résidence à
Stuttgard. Alors la maison de Wur-
temberg se divisa en deux bran-
ches , celle de Stuttgard et celle
d'Urach ou Aurach. Mais celle-ci
s'arrêta dès la seconde génération ,
tandis que l'autre devint ducale , et
donna naissance à plusieurs rameaux
secondaires. Ulric possédait la plu-
part des qualités qui peuvent rendre
un peuple heureux , et qui concilient
à un prince l'amour de ses sujets. Il
s'appliqua surtout à faire fleurir ,
WUR
dans sa principauté, les arts et la
paix , encouragea le commerce, ré-
forma plusieurs abus , et embellit sa
capitale. C'est à lui surtout que wStutt-
gard fut redevable de son accroisse-
ment de grandeur et de puissance.
C'est aussi Ulric qui donna le pre-
mier aux députés des villes et de la
bourgeoisie entrée dans les états.
Malheureusement les guerres civiles,
qui faisaient de l'Allemagne le théâ-
tre des tragédies les plus compli-
quées comme les plus sanglantes , ne
pouvaient permettre à un seul des
vassaux de l'empire la tranquillité
et la paix. L'électeur palatin Fré-
déric s'étant déclaré le champion de
Thierri , archevêque de Maïence ^
déposé par le pape, et vigoureuse-
ment attaqué par l'évêque de Metz et
le margrave de Bade , l'inepte et bi-
zarre successeur des Venceslas , des
Sigismond , des Albert d'Autriche ,
Frédéric IV, arracha le paisible Ul-
ric au soin de ses états pour l'en-
voyer faire la guerre sur les bords
du Rhin. On sait comment se termina
cette expédition ; le puissant électeur
pulvérisa ses ennemis à la bataille
de Seickeinheim ( i46^ ) , qui lui va-
lut le surnom de Victorieux , et ,
tandis que le roi des Romains s'oc-
cupait de calculs astrologiques et de
pierre philosophale , les trois princes
confédérés tombaient au pouvoir de
l'armée palatine triomphante. Ce-
pendant la captivité d'Ulric ne fut
pas de longue durée; et, quoique le
vainqueur , mis au ban de l'empire,
ne s'inquiétât pas beaucoup d'une
sentence que personne ne se présen-
tait pour exécuter, il rendit la liber-
té au comte moyennant une somme
de cent raille florins. Dans la suite
Ulric alla en Bavière avec l'armée
impériale dans laquelle il avait le
titre de porte -guidon de l'empire.
WUR
Frédéric lui offrit même de le nom
mer duc ; mais il refusa , prëtendaii
que comme prince, il était au-dessus
(le la dignité ducale, et que cette éle'-
vation prétendue ne servirait qu'à le
rabaisser dans l'opinion de ses sujets
et de l'Allemagne. Nous verrons que
ses successeurs ne pensèrent pas de
même. Ulric mourut le i^^'. septem-
bre i48o_, laissant d'Elisabeth de
Bavière, sa seconde femme, deux fils
qui succédèrent à ses étals et à ceux
de son frère Louis. P — ot.
WURTEMBERG ( Éeerhard
I*^»'. , selon d'autres Éberhard IV ou
Ébekhard IX, duc de) , le premier
qui ait porlé ce titre , naquit à Stutt-
gard, le 1 1 décembre i445 , de
Louis I^i". et de Mathilde de Bavière ;
mais comme il n'était que ie deuxiè-
me fruit de ce mariage , il ne succéda
pas immédiatement à son pèie. Ce-
pendant Louis II , son frère , étant
mort en 14^9, après avoir porté
sept ans le titre de comte, Éberhard
en fut investi , quoiqu'il entrât à
peine dans l'adolescence , et gouver-
na sous la tutelle de sa mère. La
douceur, la justice et le bon ordre
de son administration le rendirent
l'idole de ses sujets. On disait en
Allemagne qu'Éberhard pouvait dor-
mir en sûreté dans la plus épaisse
forêt de ses domaines et sur les ge-
noux de son ennemi le plus achar-
né. Onze ans après sou avènement ,
il alla, selon un usage qui n'était pas
encore tombé en désuétude , visiter
la Palestine , et fut créé , à Jérusa-
lem, chevalier du Saint-Sépulcre. Il
eut aussi le titre de porte-guidon de
l'armée impériale; mai.s il ne Or point
la guerre.Les progrès des études scien-
tifiques et littéraires ,qui alors com-
mençaient à se ranimer, l'occupèrent
plus utilement. Disciple , pendant sa
première jeunesse, du célèbre André
LT.
WUR
273
Nauclerus , il avait puisé dans ses
relations avec ce savant !c goût des
lettres qui ne l'abandonna jamais. Il
appela dans ses états les philologues,
les théologiens et les jurisconsultes
les plus illustres , et fonda , en i477 »
l'université de ïubingue. L'état de la
religion fixa aussi son attention : les
doctrines de Wiclef, de Jean Huss,
et des fanatiques , leurs successeurs ,
avaient déjà porté leur fruit : et le
mouvement intellectuel , créé par la
fuite de la littérature constantinopo-
lilaine dans l'Occident, donnait de
violentes secousses aux dogmes. Loin
d'être en tout favorable aux prin-
cipes de l'Église romaine , Éberhard
se distinguait parmi les princes qui
demandaient une réforme totale ; et,
en attendant l'instant de celte grande
révolution ,i! sécularisa, de sa plei-
ne autorité, plusieurs monastères. Il
fit de plus divers règlements pour
l'administration de ses domaines, et
du consentement de la branche colla-
térale de Stuttgard , étabht dans sa
famille le droit de primogéniture.
Ces institutions et ces travaux répan-
dirent dans toute la Germanie le
nom d'Éberhard , et lui procurèrent
une grande influence. Il s'en servit
en 1488, pour mettre un terme à la
captivité de l'empereur Maximilien
qu'avaientarrêtéou plutôtcerné dans
Bruges les Flamands irrités de sa
profusion et de l'augmenlalion con-
tinuelle des impôts. Celui-ci le ré-
compensa en le faisant déclarer à la
diète de Worms, le 21 juillet 149^7
duc dcWurtemberg et de Teck. Éber-
hard mourut sept mois après celte
déclaration, le 24 février i^gOy sans
laisser de postérité. Éberhard II (ou
V ou X ) , fils d'Ulric le Bien-Aimé,
et son cousin, lui succéda. P — ox.
WURTEMBERG ( Ulric, et se-
lon quelques-uns Ulric II ou même
j8
274 WUR
XII , duc DE ), fils aînc de Henri 1^-. ^
coadjutcur de Maïcnce , et comte de
Montbëliard, mort fou en lôrg,
et d'Elisabeth de Bilsch , comtesse
de Deux-Ponts , naquit le 5 février
1487. Il n'était encore âge que, de
onze ans lorsque les états de Wur-
temberg , mécontents de la prodiga-
lité et de la nonclialance d'Éberliard
II, son oncle, forcèrent celui-ci
d'abdiquer en faveur de son ne-
veu. Une administration organisée
d'avance devait gouverner sous son
nom, et gouverna eiïectivement pen-
dant trois années consécutives (1498-
i5oi ). Au bout de ce temps, Ul-
ric déjà distingué par son habileté
dans les exercices militaires , et mê-
me , s'il faut en croire aveuglément
le diplôme impérial, aussi remar-
quable par la maturité de son juge-
ment que par la vivacité de son es-
prit , obtint de la bienveillance de
l'empereur une émancipation préma-
turée , et reçut l'investiture des do-
maines de son oncle. Trois ans après,
il épousa Sabine de Bavière, nièce
de Maximilien et sœur d'Albert-le-
Sage. I/empereur et les ducs de Ba-
vière étaient alors en guerre avec
rélecteur palatin, Philippe l'Ingénu,
relativement à la succession de Geor-
ge , duc de Bavière-Landshut , mort
sans postérité en i453. Philippe
voulait en assurer la possession à ses
petits-fils ; mais bientôt il vit les
troupes impériales avec de nombreux
alliés envahir et dévaster son électo-
rat ; lui - même , bloqué dans Hei-
delbcrg, fut obligé de se rendre; et
les états de la maison palatine dé-
membrés en partie , devinrent le
prix ou l'indemnité de ses vain-
queurs. Ulric , qui s'était signalé
dans cette guerre, enrichit sa famille
du comté de Lœwenstein et des villes
de Neuenstall, de Weinsberg, de
WUR
Meckmuhl , etc. , et de plus se fit
rembourser en partie par l'électeur
dépouillé les frais de la guerre.
Maximilien lui confia ensuite le com-
mandement de l'armée qu'il envoya
contre la république de Venise, lors-
qu'il mit le doge et le sénat au ban
de l'empire pour lui avoir refusé le
passage. Peu après, les hostilités dix
fois reprises et dix fois suspendues
avec la France ayant recommencé
avec plus de vigueur, Ulric marcha
encore à la tête des forces impéria-
les, entama la Boui^gogne et mit le
siège devant Dijon , que son intrépi-
dité et sa persévérance ne purent
néanmoins contraindre à se rendre
(i5i3). Deux ans après, il se trou-
va à Vienne, avec un cortège consi-
dérable à la conférence des rois Si-
gismondI<^^ de Pologne;, et Ladislas
de Hongrie , avec l'empereur , con-
férence dans laquelle on stipula, outre
les mariages des princes autrichiens
avec les lillcs des deux monarqiieS;, la
réversibilité des trois couronnes de
Pologne, de Bohême et de Hongrie,
à l'Autriche en cas de déshérence.
Pendant qu'au dehors la maison de
Wurtemberg prenait ainsi des ac-
croissements considérables , et parve-
nait au plus haut degré de prospérité,
l'intérieur présentait un spectacle af-
fligeant. Aux talents de l'homme de
guerre Ulric joignait les défauts que
l'on reproche trop souvent aux con-
quérants. Des tournois , des chasses
brillantes absorbaient une partie de
ses revenus j les frais des guerres
qu'il soutenait exigeaient à chaque
instant d'onéreuses dépenses : bien-
tôt ses dettes furent énormes; les
impôts augmentèrent. On murmura ;
les paysans se soulevèrent à Scliorn-
dorif et dans la vallée du Rems; et
bientôt peut-être l'esprit de révolte
aurait armé toute la population , si
WUR
les ëlats du pays , rassembles à Tu-
bingiie, n'eussent mis un terme au
de'sordre en faisant signer au duc un
traite par lequel il diminuait les im-
pôts et pardonnait aux agitateurs. A
peine Ulric eut-il vu la tranquillité
rétablie, qu'il se hâta de la troubler
de nouveau. Des dissipations , des
prodigalités continuelles décréditè-
rent son gouvernement. Des dissen-
sions domestiques se joignirent à ces
ferments de discorde et achevèrent
la ruine du prince. Un comte Jean
de Hutten passait pour être le favori
de sa femme : il le poignarda de sa
main. La famille porta ses plaintes
aux pieds de l'empereur , et Sabine,
irritée , pressa en secret ses parents
de tirer vengeance d'un prince dont
la jalousie déshonorait son épouse.
Maximilien cita le duc ; et , comme
il refusait de comparaître , il le
mit au ban de l'empire. La mort
de cet empereur , arrivée peu de
temps après , l'empccha de pousser
plus loin la vengeance et de mettre
ses menaces à exécution. L'affaire
aurait peut-être été oubliée ou plutôt
négligée au milieu de la confusion
d'une diète électorale et des mouve-
ments qui la suivent , si Ulric n'eût
imprudemment voulu venger la mort
d'un de ses domestiques assassiné à
Reutlingen. 11 fit marcher des trou-
pes sur cette ville. Aussitôt tout fut
en armes ; et, dans cette conflagration
universelle,les Wurtembergeois ayant
invoqué le secours ou la médiation
des états de Souabe , dont le duc de
Bavièrftétait le chef, ceux-ci se réuni-
rent , de l'aveu du nouvel empereur
( Cliarles-Quint ), et non - seulement
ils délivrèrent Reuilinoen^ mais ils
pénétrèrent dans le Wurtemberg ,
qu'ils traversèrent en tous sens , sans
trouver de résistance; caries Suisses,
avec lesquels Ulric avait fait alliance,
WUR 275
refusèrent de le secourir dans cette
cause , et de prendre les armes con-
tre les Souabes. Comme tous les al-
liés occupants, ils dévastèrent le pays
qu'ils venaient pacifier ; et Ulric n'eut
d'autre parti à prendre que celui
d'abandonner ses états et de fuir.
Il resta ainsi quinze ans entiers en
exil , tantôt dans la liesse , tantôt en
Saxe ou dans le duché de Bruns-
v\àck. Pendant ce temps , la ligue de
Souabe , embarrassée de sa conquête
et redoutant l'ambition de Charles-
Quint , lui vendit le duché deux cent
vingt mille florins , à condition qu'il
en investirait son frère Ferdinand.
Les troubles qui bientôt divisèrent
l'Allemagne, la guerre des paysans ,
et le progrès des innovations de Lu-
ther, facilitèrent les démarches d'Ul-
ric pour reprendre le Wurtemberg.
Ayant reçu des secours de François
l*''". , à la cour duquel il venait de
faire un séjour , et s'étant ligué avec
le landgrave de Hesse, Philippe-le-
Magnanime, il remporta , le i3 mai
1 534 , la victoire décisive de Lauf-
fen qui lui rouvrit le chemin de sa
capitale. Ses sujets , déjà lassés
d'une domination étrangère , et deux
fois accablés de tous les maux de
la guerre, le reçurent avec joie jet
l'empereur, assez fortement occupé
ailleurs par la France , l'Italie , l'Al-
lemagne , les Pays-Bas et Luther,
consentit , par le traité de Cadam ,
à rendre au duc vainqueur ses do-
maines héréditaires , à condition
néanmoins que le Wurtemberg , au
lieu d'être regardé comme un fief
immédiat de l'empire , relèverait de
l'Autriche , et, dans le cas d'extinc-
tion de la famille ducale , reviendrait
à la maison de Lorraine. Cette clause
humiliante subsista soixante-cinq ans,
jusqu'à ce qu'enfin l'accord de Pra-
gue , consenti eu iSgg parl'empe-
18..
276
renr Rodolphe II cii faveur du duc
Frcdencl»^^., substituât à la vavassa-
litc du traite de Cadam la vassalité
pure et simple , telle quVlle existait
auparavant. A peine Uhic fut il re-
devenu libre possesseur de ses états,
qu'il chercha ci y etabbr le protes-
tantisme dont il avait suce les princi-
pes aux cours de liesse et de Saxe, et
qui d'ailleurs lui fournissait un moyen
facile de payer ses dettes en s'empa-
rant des biens ecclésiastiques. L'an-
née suivante ( 1 535 ) , il prit part ,
ainsi que toutes les villes delà Soua-
bé , à la célèbre ligue de Smalkalde;
mais l'absence de plan , et la trahi-
son de Maurice de Saxe , ayant iinl
échouer l'entreprise des confédérés
luthériens, Ulric vit le Wurtemberg
livré à la férocité du terrible duc
d'Aibe , et n'obtint la paix qu'en
payant à l'empereur une forte cou-
îribulion. Le reste de son règne n'of-
fre rien de mémorable. Il mourut,
îe G novembre i55o, à Tubin-
gue , ne iais.^ant de Sabine de Ba-
vière, sa femme , qu'un fds qui fut
son successeur. — Christophe, dit
le Pâ;a/ï</ML?, quatrième duc régnant
dé Wurtemberg , naquit le 1 1 mai
1 5 1 5 , quatre ans avant l'exil de son
père, et passa ses premières années
auprès de ses oncles en Bavière, puis
à Inspruck , où Tarchidiic Ferdinand,
alors possesseur du Wurtemberg, lui
lit donner l'éducation qui convenait
à un simple particulier. Charles-
Quint l'appela ensuite à Vienne , et
lui témoigna cette bienveillance polie
qu'il savait si bien feindre à l'égard
de ceux qu'il dépouillait. Mais la fi-
délité de Tiffern , précepteur du jeu-
ne prince, déjoua les plans de l'arti-
ficieux empereur, qui déjà le faisait
enlever et conduire en Espagne , où
il aurait été jeté dans un monastère.
Christophe se sauva en Bavière , et
WUR
quelque temps après , à la cour de
France , où il se trouva avec son pè-
re , et où il se concilia les bonnes grâ-
ces et l'estime de François I^^i'. Aussi
revint-il à Paris, après la bataille de
Lauffcn,qui rendit îe Wurtemberg à
son légitime possesseur ( i534), et
reçut - il du roi l'ordre de lever et
de conduire en Italie deux mille lans-
quenets , pour renforcer l'armée aux
ordres du marquis d'Ilumières. Il as-
sista aussi , en 1 53g , à l'entrevue du
pape Paul III , de Charles - Quint et
de François I*^''. , à Nice. Mais la ja-
lousie des courtisans, qui ne pou-
vaient pardonner à un étranger l'ac-
cueil favorable qu'il recevait de leur
maître , et les désagréments dont elle
fut pour lui l'origine , le déterminè-
rent à quitter le service du roi de
France • et il retourna en Allemagne,
où son père lui confia, en i54'2,
l'administration du comté de Mont-
béliard. Huit ans après, il hérita de
tous les domaines de son père; et
comme presque tous ses prédéces-
seurs il les augmenta considérable-
ment. Mais son vrai titre de gloire
est d'avoir rendu ses sujets heureux
au milieu des circonstances les plus
difïiciles. Il se maintint en paix avec
ses voisins , favorisa les lettres ,
donna de l'extension au commerce,
bâtit , en 1 553 , l'ancien château de
Stuttgard, et releva les murailles
de cette ville, en iSô^. La sagesse
connue de son gouvernement lui pro-
cura la considération dans tous les
partis. En France, pendant la mino-
rité orageuse de Charles IX, il fut
recherché également par la reine Ca-
therine de Médicis,par les princes de
Guise et le prince de Condé, dont les
factions préparaient les guerres civi-
les qui bientôt ensanglantèrent toutes
les provinces. On alla mcme jusqu'à
lui offrir l'administration du royaii-
WUR
itie • mais il eut la sagesse de la refu-
ser , et se contenta de conseiller la
réconciliation et la tolérance aux
parties belligérantes. En Allemagne,
il exerça , par ses ambassadeurs , une
grande intîuencesur la conclusion du
traite de Passau (i552) , avant-cou-
reur de la loi organique d'Augsbourg,
qui fit de la liberté de conscience une
des constitutions de l'empire. Du
reste , il propagea le luthéranis-
me , fit observer à la lettre la for-
mule de V Intérim dans toute l'éten-
due de ses domaines , et envoya des
députés au concile de Trente, pour
faire le tableau de sou administra-
tion, relativement aux affaires reli-
gieuses. Il ne dédaigna pas de des-
cendre lui-même dans la licethéolo-
gique, et vint, en i56i , au colloque
de Poissy , conférer avec le cardinal
de Lorraine. En i564? il présida en
personne , avec l'électeur palatin
Frédéric 111 , le colloque de Maul-
bron. D'ailleurs^ non moins zélé pour
la religion évangélique que les catho-
liques eux-mêmes , il songea à la con-
version des infidèles; et son mission-
naire Truber alla prêcher la foi jus-
que dans la Turquie et le Levant. En-
iin le Wurtemberg lui doit un code
de lois raisonné , qui lui mérita le ti-
tre de législateur de son pays. Ce
prince si sage mourut universellement
regretté, le 28 décembre i5G8, et
laissa la couronne à son fils Louis-
le-Pieux. Les auteurs attribuent sa
mort à un poison qui lui avait été
donné en Italie pendant qu'il y fai-
sait la guerre avec les troupes fran-
çaises , poison dont les médecins
avaient pallié ou sr.spendu , mais non
amorti l'edét. — Eberhard 111 (ou
Vil ) , huitième duc régnant de Wur-
temberg , naquit le 16 décembre
1O14. Il appartenait à la première
branche de xMonlbcliard , qui , lors-
WUR
'in'
que Louis -le -Pieux mourut sans
postérité , succéda au trône ducal
dans la personne de Frédéric 1*='".
Celui-ci était l'aïeul paternel d'Éber-
hard, qui commença à régner après
la mort de son père Jean - Frédéric ,
en 1628, n'étant encore âgé que de
quatorze ans. Son oncle, Louis-Fré-
déric V^\ de Montbéliard , admi-
nistra cinq ans pendant sa minori-
té. En i633 , Eberhard prit part à
la grande coalition des princes luthé-
riens contre la maison impériale
d'Autriche, et s'allia avec la Suède.
Mais la bataille de Nordlingue , où il
avait un corps de troupes de six mille
hommes, porta le coup le plus fu-
neste à sa puissance. Incapable d'op-
poser de la résistance aux Impériaux ,
il se dirigea vers Strasbourg , pour
y attendre des temps plus heureux ,
et laissa ses états à la merci des
vainqueurs, qui s'y conduisirent de
la manière la plus révoltante. En
moins de cinq ans , le Wurtem-
berg perdit ainsi plus de cinquante
mille familles et quarante-huit mil-
lions de florins. Elliayé de cette dé-
population et de ces pertes énormes,
le duc songea enfin à faire sa paix
avec Ferdinand; mais celui-ci ne
l'accorda qu'à des conditions très-
onéreuses ( i638). Elles furent adou-
cies lors de la paix générale de West-
phalie, en 1648. Eberhard ne s'oc-
cupa plus alors que de cicatriser les
plaies publiques 5 et il y réussit telle-
ment par son économie et par la
douceur de son administration vrai-
ment paternelle, qu'en peu de temps
le Wurtemberg, si long- temps en
proie aux envahisseurs , devmt le
pays le plus riche et le plus floris-
sant de la confédération allemande.
Les écoles détruites ou dévastées se
rouvrirent; l'université de Tubingue
se remplit de disciples de toutes les
•278
WUR
contrées de rAllemagne; l'industrie
prit un essor inconnu. Le Wurtcm-
l3erg exerça plus que jamais sur les
aiïaircs du cercle de Souabe la plus
grande influence. L'Espagne et la
France entretinrent à la cour du
prince-duc des légations permanen-
tes 5 et le roi Frédéric 111 de Dane-
mark lui envoya la décoration de
l'ordre de l'Éléphant. Éberhard
III mourut le 2 juillet 16-] 4- Guil-
laume - Louis, son fils , lui succéda.
— Éberhard-Lguis, iils de Guillau-
me-Louis et de Madeleine-Sibylle de
Hesse-Darmstadt , et par conséquent
petit-fils du précédent, naquit le 18
septembre 1676. Il avait à peine
neuf mois lorsque la mort inattendue
de son père mit la couronne ducale
sur sa tète. Le soin des affaires pu-
bliques fut dévolu, pendant sa mino-
' rite, à son oncle, Frédéric - Charles
de Wurtemberg - Wurtemberg , qui
gouverna en son nom avec beaucoup
d'équité et de gloire jusqu'en 1693.
Lorsque la guerre eut été déclarée
par la France à l'Allemagne, il se
mit à la tête de l'armée de Wurtem-
berg, et opposa une vigoureuse ré-
sistance à l'impétuosité victorieuse
des Français. Il eut cependant le
malheur de perdre, en \6ç)i , la ba-
taille de Sforzheim contre le maré-
chal de Lorges. Mais sa réputation
militaire eut moins à souffrir de cet
échec, qu'il ne pouvait éviter, que
les malheureux habitants du Wur-
temberg , qui voyaient encore une
fois leurs campagnes devenues le
théâtre de la guerre. Malgré les sui-
tes ruineuses de cet événement, et
quoiqu'il vît les vainqueurs incendier
ses châteaux et les piller , écraser le
pays de contributions, et détruire tous
les produits du sol ou de l'industrie,
Éberhard resta fidèle à la cause de
l'empereur, pritpart à toutes les affai-
WUR
res, et lit toutes les campagnes jus-
qu'à la paix deRiswick, en 1697. La
guerre ayant de nouveau embrasé
l'Europe, à l'occasion du testament
de Charles II , il prit les armes pour
la défense des prétentions de la mai-
son d'Autriche, et reçut, dès le com-
mencement de la campagne, le titre
de lieutenant- général feld-maréchal
et de général de cavalerie. Comme
tel , il joua un rôle dans la plupart des
affaires importantes de cette guerre
si féconde en événements , se trouva,
tant en 1702 qu'en 1704, au siège
et à la prise de Landau ^ contribua
puissamment au gain de la bataille
de Schellenbourg, en 1703, et se si-
gnala dans plusieurs rencontres par
des prodiges de valeur. II courut
même à diverses reprises le danger
de perdre la vie, et son exemple
seul put empêcher le désordre de
se mettre dans les rangs de ses
soldats. Cette intrépidité lui valut
les félicitations écrites et verbales
de l'empereur. Il ne se distingua pas
moins par sa générosité que par sa
bravoure , en fournissant un contin-
gent d'hommes et de numéraire pro-
portionnellement plus fort qu'aucun
des princes allemands, et en permet-
tant aux alliés de traverser le Wur-
temberg avec leurs troupes pour se
porter à la-fois sur le Rhin et sur le
Danube , et prendre ainsi la position
la plus convenable pour résistera l'ar-
mée française. Dans la suite il quitta
ce point du théâtre de la guerre , n'y
laissant qu'une partie de ses forces,
et se dirigea vers les Pays-Bas et la
Flandre avec environ cinqmille hom-
mes. 11 assistaainsi aux sièges des vil-
les de Tournai , de Mons, de Douai ,
de Béthune, d'Aire, de Saint-Venant ,
de Boucha in et du Quesnoy , qui tou-
tes tombèrent au pouvoir des Impé-
riaux , combattit avec sa valeur or-
WUR
dinaire à l'affaire de Mons , et mit le
comble à sa gloire par le talent mili-
taire et le courage qu'il déploya à la
sauglante journée de Malplaquet , en
1709. Les deux années suivantes il
commanda en chef du coté de la
Souabe, et rendit de grands services
à la cause impériale, jusqu'à la con-
clusion de la paix générale à Rastadt.
Ses talents avaient eu à se déployer
non-seulement contre l'ennemi exté-
rieur , mais encore contre les Impé-
riauxmêmes. Les paysans de la Soua-
be et des cercles voisins s'étant révol-
tés vers la fin de i^oS , il fut encore
chargé de ramener les rebelles au de-
voir, ce qu'il fit avec un plein succès.
Aussi Léopold et ensuite Joseph I*^'".
le comblèrent-ils de témoignages de
leur estime et de leur reconnaissance.
Il fut stipulé, en 1 7 i o , au congiès de
Gertruydenberg , que, pour l'indem-
niser des pertes de toute espèce que
les Wurlembergeois avaient souliértes
pendant les années 1702, 1703,
1704 et 1707 , il lui serait compté
line somme de quinze millions, Daws
la suite l'empereur Charles VI l'em-
ploya encore dans ses armées , en
Hongrie contre les Turcs , et en Ita-
lie contre l'Espagne. Mais enfin tou-
tes les discordes ayant définitivement
cesse en Europe, Éberhard -Louis
revint dans ses états , et put s'occu-
per à loisir du soin d'ailérmir sa
puissance, et de procurer le bonheur
à ses peuples. Il rendit le Necker navi-
gable , éleva à Stuttgard un hôpital
pour les enfants trouvés et le dota
richement , embellit sa capitale, fit
bâtir le magnifique château de Louis-
bourg auquel il donna son nom , ins-
titua le giand ordre de chasse de
Saint-Hubert, se lit restituer par l'em-
pereur plusieurs emplois ou préro-
gatives que ses ancêtres avaient né-
gligés depuis plus d'un siècle, et dont
WUR 279
il semblait dillicile d'obtenir l'inves-
titure qui fut même refusée plusieurs
fois sous prétexte que les réclama-
tions venaient trop tard ^ et enfin en
dépit des protestations et des efforts
des enfants légitimes et naturels du
dernier comte , il réincorpora aux
domaines héréditaires le comté de
Montbéliard ( 175.0) , passé depuis
cent quinze ans dans la deuxième
branche de ce nom. 11 faut convenir
que son administration accordait
quelque chose à l'ambition et au luxe.
Eberhard semblait avoir choisi pour
modèle le grand ennemi de la maison
d'Autriche , celui contre lequel il
avait combattu si long-temps , Louis
XIV : il avait l'ostentation de ce mo-
narque , son amour pour la guerre et
son penchant pour les plaisirs. Ses
liaisons avec la fameuse comtesse de
Wnrben , et la jalousie d'Elisabeth
de Bade-Dourlach, sa femme, moins
pacifique que Marie-Thérèse, troublè-
rent la paix intérieurede sa maison, et
fournirent plus d'une fois des aliments
à la malignité du public et des faiseurs
de libelles. Éberhard-Louis mourut
le 21 octobre 1733. — Charles-
Alexandre , fîls du précédent , on-
zième duc de Wurtemberg , naquit
le 24 janvier 1684. Des études sé-
rieuses au collège de Tubingue com-
mencèrent l'éducation d'un prince
qui devait tirer sa gloire de ses talents
militaires ; mais il les discontinua
de bonne heure , pour aller assis-
ter , en 1695 et 1696 , aux campa-
gnes de l'armée impériale dans les
Pays-Bas j il prit part ensuite à celles
d'Allemagne ( 1697 ), de Hongrie
( 1 698 ) et de Holstein (1699 ), et eut
dans toutes ces circonstances l'avan-
tage d'apprendre la théorie et la pra-
tique de la guerre sous les plus fa-
meux tacticiens de l'Allemagne. Tels
étaient le margrave Louis-Guillaume
'2So
WUR
(le Bade- Bade , le prince Eugène , le
duc Ferdinand-Guillaume de Wur-
temberg ; et eniin son père. Le jeune
Charles-Alexandre se montra digne
des leçons de ces grands maîtres .
et quoique encore dans l'âge de Ta-
dolesceuce il se signala d'une ma-
nière particulière à la prise d'Ébern-
bourg , en 1697 ;, et l'année suivante
à l'action de Temeswar. Quand la
guerre de la succession d'Espagne
agita de nouveau le corps germani-
que , il passa en Bavière avec son
père , et fit preuve d'une intrépidité
extraordinaire aux. deux sièges de
Landau ( 1702 et 1704). 11 prit
aussi une part active à la bataille de
Sclicllenbourg , ainsi qu'au siège
d'Ingoldstadt et à la prise d'Ulm.
Jusque-là il avait servi en qualité
de colonel , mais à partir de cette
époque , il fut décoré du titre de gé-
néral. Eugène étant repassé en Ita-
lie pour y combattre le duc de
Vendôme, Charles-Alexandre le sui-
vit^ et assista, en i 706 , aux com-
bats de Cassano et de Treviglio, co-
opéra aux manœuvres qui firent le-
ver le siège de Turin , et amenèrent
avec la déroute totale des Français
la conquête du duché de Milan et la
prise de Mantoue ( 1706 ). L'année
suivante les armées impériales enta-
mèrent la Provence; le jeune prince
se couvrit de gloire dans cette cam-
pagne, et avança jusqu'à Toulon. 11
accompagna plus tard Eugène du
côté des Pays-Bas _, vit Lille, Gand ,
Tournai et Mons ouvrir leurs portes
et livrer leurs murailles aux aigles
germaniques , commanda une divi-
sion à la bataille de Malplaquet , et
continua encore trois ans de prendre
])art à toutes les opérations militai-
res. 1! redescendit ensuite, à !'( xem-
p!e de son père, vers le midi de TAl-
lemagne , reçut le titre de goin er-
WUR
neur de Landau , et défendit cette
place contre le maréchal de Villars ,
avec un talent , un courage et une
vigueur qui le mirent à côté des plus
illustres capitaines contemporains
( 17 i3). Nommé après la paix de
Rastadt général-feld-marécliai d'em-
pire, il reçut, en 1716, Tordre de
se rendre en Hongrie avec son père
et le prince Eugène, pour s'opposer
aux progrès des Turcs. La manière
dont Charles-Alexandre exécuta les
ordres du prince de Savoie acheva
de déceler en lui un homme ca-
pable de commander en chef , et si
la bataille de Péterwaradin , la prise
de Belgrade et de Temeswar , la
conquête de tout le cours du Danube
entre la Transylvanie et la Servie ,
ajoutèrent surtout à la gloire du
généralissime , l'habileté du jeune
prince obtint aussi les suHrages les
plus honorables comme les plus flat-
teurs. L'empereur le nomma la même
année ( i7r8) gouverneur de Bel-
grade, puis (1719) commandant-
général du royaume de Servie , et
président de l'administration qui
gouvernait cette belle contrée , con-
seiller secret en activité du cabi-
net impérial (1720), et chevalier
de l'ordre de la Toison-d'Or. Le
reste de sa vie n'offre rien de mémo-
rable. Devenu par la mort de son
père, en 1733, possesseur du trône
ducal , il n'eut guères le temps de se
signaler par de nouveaux faits d'ar-
mes , quoique Charles VI l'eût élevé
presque aussitôt ( 1 4 janvier 1734)
à la place de lieutenant-généraî-feld-
maréchal de l'empire et du cercle de
Souabe , et qu'en cette qualité le
commandement en chef de l'armée
du Rhin lui eût été dévolu immédia-
tement après la mort du prince Eu-
gène. Ses exploits se bornèrent à
l'aire rendre par les Français les
WUR
deux places de Philipsbourg et de
Kehl. Il ne survécut lui-même qu'un
an au grand gênerai qui avait été son
ami et son maître , et expira subite-
ment, le 11 mars i'j'S'] , au château
de Louisbourg. Il est à noter que ce
j^rince avait embrassé la religion ca-
tholique ; mais il fut forcé en plu-
sieurs circonstances , soit avant, soit
après son accession au trône , soit
devant les états de la Souabe , soit
devant l'assemblée des théologiens ,
de jiirer solennellement que jamais il
ne chercherait a porter atteinte à la
suprématie de l'église luthérienne ,
dont la majorité de ses sujets fai-
sait partie. On a remarqué aussi que,
bien qu'il soit mort à Louisbourg,
Charles-Alexandre n'avait jamais
voulu faire de celte maison de plai-
sance sa résidence habituelle , et qu'il
était revenu siéger dans sa capitale,
n'imaginant point que le Wurtem-
bti'g dût avoir son Versailles ou
son Escurial. P — or.
WURTEMBERG (Frédéric de),
premier roi de Wurtemberg. P^oj.
Frédéric, au Supplément.
WURTEMBERG (Ulricde),
troisième fils de Frédéric l*^*"., et de
Sibylle d'Anhalt , eut pour frères
Jean-Frédéric I^ï". et Louis-Frédéric
1^^. , et tandis que ceux-ci formaient
les branches dites seconde de Stutt-
gard et seconde de Valois, lui-mê-
me devenait tige de celle de Wur-
temberg->^ewemberg. Ulric est prin-
cipalement connu dans l'histoire
par la supériorité des talents mi-
litaires qui semblent avoir long-
temps été héréditaires dans la mai-
son de Wurtemberg. INé le i5 mai
1617, il suivit de très -bonne heu-
re la carrière des armes , et il
comptait déjà plusieurs années de
service à l'âge ou l'on quitte à peine
les bancs de Técolc. L'Italie , la Ba-
WUR
281
vière , la France , l'Espagne , le vi-
rent successivement commander , et
quelque rang qu'il occupât dans la
hiérarchie militaire, se montrer l'é-
gal des guerriers les plus braves et
les plus expérimentés. Il se trouvait
commandant de l'armée impériale
lorsque les Français , sous les ordres
de Turenne, opérèrent dans la Hesse
leur jonction avec Wrangel et les
troupes suédoises. Dans cette con-
joncture critique, Ulric sauva l'em-
pire par la tactique savante qu'il op-
posa à l'impétuosité des colonnes
franco-suédoises, et par l'art avec le-
quel, après avoir opéré sa retraite,
il plaça son camp dans une position
inexpugnable. Dans cette même an-
née 1648, il lui arriva de tenir tête
avec cinq bataillous à plusieurs régi-
ments , et de soutenir pendant plu-
sieurs heures le feu de l'artillerie
ennemie. Le traité de Munster ren-
dit la paix à l'Allemagne : mais
l'Espagne refusait encore de po-
ser les armes ; les troubles de la
Fronde agitaient la France , et les
princes du sang royal cherchaient
l'appui de l'étranger. Ulric était, en
i65o, dans les Pays-Bas avec Tu-
renne , sous lequel il commandait la
cavalerie , et il vint au secours du
prince de Condé , alors détenu à Vin-
cennes ( Fqy. Turenne). En 1662 ,
il combattit avec le duc de Lorrai-
ne , et l'année suivante il se rendit
au camp d'Arras , où il donna les
idées les plus sages sur la ma-
nière d'attaquer la France. Mais
on ne le voit plus paraître dans
les dernières années de la guerre qui,
en eliét , avait cessé d'intéresser l'Al-
lemagne en paix avec la France et
l'Europe depuis le traité de West-
phahe. Uiric mourut âgé de cin-
quante-quatre ans , le 4 décembre
1671 , à la cour de Stutlgard , ne
28'2
WUR
laissant, de deux mariages qu'il avait
contracte's, qu'une princesse qui mou-
rut en France sans avoir été mariée.
P— OT.
WURTZ ( FÉLIX ), habile chirur-
gien , ne à Zurich, exerça son art à
Baie , dans îe seizième siècle , avec
Ja phis grande distinction. Sujet à
d'horribles douleurs de tête , il ne
s'en débarrassa qu'en se faisant ou-
vrir l'artère temporale , opération
qui, tombée depuis long-temps en
désuétude , lui avait été conseillée
par Conrad Gesner, son contempo-
rain et son ami. Elle eut un succès
complet. On ignore l'époque de la
mort de Wiirtz. 11 ne publia rien de
son vivant. Son ouvrage intitulé
Pratique de chirurgie , écrit en al-
lemand , a été mis au jour par son
frère Rodolphe , et la première édi-
tion a paru à Baie en 15^6, in-8^'.
jjcs autres éditions, au nombre de
huit ou dix j ont été imprimées, les
unes à Baie , les autres à Breslau, k
Wolfenbuttel , à Stettin. Ce traité a
été traduit en français , par Fran-
çois Sauvin, Paris, 167'!, in- 12. Il
renferme cinq livres , dont Trois sur
les plaies , un sur les substances mé-
dicamenteuses • le dernier est con-
sacré aux maladies des enfants. L'au-
teur condamne l'emploi des tentes de
charpie dans le traitement des bles-
sures ; il blâme également la cauté-
risation dont on abusait de son temps
pour se rendre maître des hémorra-
gies 5 il s'élève contre l'indiscrète cu-
riosité des chirurgiens qui , avec
leur sonde , exploraient souvent sans
nécessité le fond des plaies : enfin ,
il rapporte l'histoire d'un grand
nombre de faits chirurgicaux impor-
tants. R — D — N.
WURTZ (Paul , baron de) , géné-
ral du XV 11*^. siècle, né à ïïusum,
dans le duché de Sleswig , apparte-
WUR
nait à une famille d'obscure extrac-
tion , et ne dut qu'à lui-même son
avancement. Engagé de bonne heure
dans la;milice, il se distingua d'abord
parmi les troupes impériales ; mais
ensuite il changea de partie et eut
le bonheur de se distinguer également
dans l'armée suédoise;, sous les yeux
de Gustave-Adolphe, quil'éleva suc-
cessivement aux premiers grades. Sa
prudence et sa bravoure tant en Po-
méranie qu'en Pologne, légitimèrent
la confiance du monarque , et bien-
tôt il mit le comble à sa gloire par la
défense de Stettin, où il sut se main-
tenir si habilement contre les forces
de l'électeur de Brandebourg, qu'il le
contraignit d'enlever le siège. Wiirtz
fut fait baron, et sans doute il n'eût
point tardé à obtenir le titre de feld-
maréchal , dernier terme de son am-
bition , si la ligue ])rotestante n'eût
perdu son chef et son appui par la
mort de Gustave. Wiirtz perdait de
plus un protecteur et un ami. Mécon-
tent de se voir négligé, il quitta le
service, et se retira à Hambourg
pour y passer en paix le reste de sa
vie. Mais les offres du roi de Dane-
mark le tirèrent de sa retraite, et il
consentit à recevoir avec îe rang de
général-feld-maréchal , le gouverne-
ment du Holstein. Dans la suite il ré-
silia ces deux charges pour prendre
du service dans l'armée des Provin-
ces-Unies , qui lui conservèrent son
grade, et de plus mirent à sa dispo-
sition toutes leurs forces de terre. On
sent que celte nomination dut le fai-
re entrer dans le parti anti-orangis-
te , et en effet , il fut un de ceux qui
se déclarèrent avec le plus de force
contre les prétentions du jeune Guil-
laume m , auquel cependant il eut
le chagrin de voir confier la plus
haute autorité militaire avec le titre
de capitaine et amiral-général. Sur
WUR
ces entrefaites , Louis XIV entrait
en Hollande. L'extrême bravoure de
Wiirtz ne put empêcher ce monar-
que de franchir le Rliin à Tolhuys,
et de prendre les villes les plus for-
tes. En même temps, il se voyait
presque continuellement traverse ou
Iinmilië par le stathouder. Incapa-
ble de résister à tant de dégoûts , il
revint à Hambourg , et de là envoya
sa démission aux États, qui l'accep-
tèrent (iG74). Le baron de Wiirtz
mourut deux ans après , le lf\ mai
I (i-^G. C'est de lui que Boileau a dit
( Lpître IV ) :
Ah!
grant
, quel héros , quel Heclor que ce
WiuU!
Sans ce terrible nom , mal né pour les oreilles ,
Que j'allais à tes yeux étaler de merveilles î
P— OT.
WURTZ ( George-Christophe ) ,
médecin, ne à Strasbourg, en 1756,
dans la religion protestante, fut e'ieve
au sein d'ime famille distinguée par
ses vertus philanthropiques. Après
avoir achevé ses cours de philoso-
phie et de médecine dans sa ville
natale , il se livra aux études scien-
tifiques qui en sont la base. Ses ob-
servations relatives aux sciences na-
turelles , et aux méthodes employées
jusqu'alors, lui firent produire ua
Essai de mappe-monde des substan-
ces médicales , rangées selon l'allinité
reconnue de leurs propriétés , sous
le titre de Conamen Jiiappœ ^cne-
ralis medicamentorurn simplicium
secundùm affinitates viriiirn natu-
ralium.novd methodo geographicd
dispositormti y Strasbourg, 1778,
in-4". Cette carte n'est ni une tabîe
systématique où les rapports plus ou
moins généraux <îes substances di-
verses sont désignés par des lettres ou
par des nombres comme dans Junker;
ni un arbre généalogique , dont les
ramifications sont ligurées par des
ligues ou des rayons comme dans
WUR 283
BufTon ; ni enfin un tableau synoptitpe
d'affinités chimiques des corps com-
me dans Geoffroy. La méthode nou-
velle d'aftinité dispose les noms des
médicaments et de leurs qualités re-
latives par genres, espèces et degrés,
dans diverses régions, suivant que les
composés participent plus ou moins
de la terre , de l'eau , do Tair , ou
du feu, ce qu'on nommait alors le
phlogi.stique. Cette Mappa i^eneralis
le fit connaître des savants les plus
célèbres en Allemagne et en France.
11 en reçut le plus honorable accueil,
dans les voyages qu'il fit pour con-
naître l'état de la science médicale
dans les différents pays , et visiter
les établissements qui pouvaient en
favoriser les progrès. A Berlin, il fut
agrégé au nombre des membres de la
société Aes Scrutateurs de lanature.
Pendant son séjour à Leipzig , il y pu-
blia , en 1779, un petit traité alle-
mand sur les eaux de Carlsbad , sous
le titre de Reise , etc. ( Voyage d'un
médecin étranger, de Prague à Carls-
bad ). Les hôpitaux de la ville de
Vienne lui ayant paru dignes de re-
marque par leurs écoles de médecine
clinique, il s'occupa d'appeler l'at-
tention des Français sur ces établis-
sements. S'étant rendu ensuite à
Paris , où il fut nommé secrétaire -
général du Musée, qui comptait parmi
ses membres les Lavoisier , les Vicq-
d'Azyr , etc., il communiqua ses
vues à la société royale de médecine ,
qui les accueillit et qui l'admit au
rang de ses correspondants. Depuis
la publication de son plan pour la
formation des écoles de médecine
pratique à Vinstar de celles de
Vienne { Strasbourg et Paris, 1784,
in-8". ) , ces écoles ont été établies
et organisées de même dans les hô-
pitaux français. Rien de ce qui se
rapportait à l'étude de la nature et
284
WUR
de riiomme n'étant étranger à noire
observateur , niic nouvelle carrière
médicale parut s'oiï'rir à lui. Les
cours dispendieux de la doctrine du
mcsmérisine ne coûtaient point trop
à son zèle pour la science. 11 publia
même le Prospectus d'un cours de
magnétisme animal réduit à des
principes simples de physique et de
c/i/mie ^ Strasbourg , 1787, in-S**.
II y discute , avec une sage critique ,
le système et ses procédés , et cher-
che , en admettant un fluide , à le
ramener au map;néfisme minéral ,
sans prétendre faire de ses eifets mé-
dicaux une panacée. Les sociétés ma-
r.oniques à l'époque de la révolution
s'étaient extrêmement multipliées.
Son Discours sur les moyens de
rendre la franche-maçonnerie plus
utile à l'humanité (Paris, T790,
in-80.) eut pour objet d'en diriger
les travaux vers un but moral prati-
que , l'harmonie et l'unité fraternelle
de tous les membres de l'association.
Mais dans la période d'anarchie ré-
volutionnaire , le docteur Wlirtz se
voua principalement à l'art de gué-
rir par l'application souvent gratuite
de remèdes populaires, qui étaient le
résultat de son expérience et qui en
même temps portaient peu d'om-
brage. Un petit traité contenant des
Observations sur les maladies pro-
venant d'une dcreté ou d'une dégé-
nérescence du sang ou de la lymphe,
avec l'indication ^e5 Propriétés d'un
remède connu sous le nom de Dé-
puratif général , eut plusieurs édi-
tions successives. Une autre brocliure
concernant une Teinture conforta-
tive nerveuse , éprouvée dans les
maladies atoniques , eut aussi du
succès. Le docteur Wiirtz se tourna
de nouveau vers l'amélioration mo-
àaîe, lorsque l'ordre fut rétabli. En
1811 ,il adressa au Consistoire de
WUR
l'église luthérienne un Mémoire sur
une institution pieuse , qui a pour
but de former à-la-fois le caractère ,
l'esprit et le cœur, en distinguant,
comme il l'avait fait pour [sl fran-
che- maçonnerie , les dilïérentes fa-
cultés
qui
mises en harmonie entre
elles, concourent au bien-être phy-
sique , moral et intellectuel de l'hom-
me. Enfin, lorsqu'après le retour des
Bourbons il fut question d'indem-
niser les anciens colons expulsés de
Saint-Domingue . il publia, en 1820,
un Mémoire sur le moyen de répa-
rer les torts faits au commerce de
la France par l'insurrection surve-
nue dans cette île ; et , en \^'ii , un
second Mémoire plus étendu, servant
de suite au premier. Il y répond vic-
torieusement aux objections contre
son projet de dédommager les colons
par l'établissement facile à former à
leur profit dans la partie haute et
saine de la Guiane française , en
s'occupant également d'assainir et
de rendre à la culture les parties
basses et stagnantes, de manière à
faire rivaliser cet établissement , en
peu d'années , avec la colonie hol-
landaise de Surinam. Le détail de
ce projet , qui paraît avoir fixé
l'attention du ministre de la marine ,
doit être lu dans l'ouvrage même ;
l'auteur y a joint, par appendice,
des observations sur le trafic des nè-
gres , dont il attribue le déplorable
sort , non exclusivement à !a traite ,
mais aux cruels traitements que leur
font éprouver leurs propres compa-
triotes. Le dernier écrit du même
auteur est un Mémoire sur la con-
servation des grains , qu'il lut, peu
de temps avant sa mort, à la société
d'agriculture de Seine- et-Oise, dont
il était membre. 11 mourut à Ver-
sailles le 9 septembre i8'23. U Eloge
funèbre du docteur Wiirtz, pronoa-
WUR
ce sur sa tombe , à Groslai , par le
pasteur Boissard , a été imprime.
M. Fremy , secrétaire de la société
d'agriculture du département de Sei-
ne-et-Oise, et V Annuaire nécrolo-
gique de 1824, ont paye un juste
tribut à la mémoire de ce savant
ami de l'immanité. G — ce.
WURTZ (Jean Wendel), né en
Allemagne, vers i-^ôo , dans la re-
liqion catholique , vint de bonne
heure à Lyon , et y fut nommé vi-
caire dans l'église de Saint-Nizier.
Pieux et charitable , il remplit les
devoirs de cette place de la manière
la plus édiliante ; mais les malheurs
de la révolution le jetèrent dans une
exaltation funeste. Sans cesse occu-
pé de ces malheurs , il en chercha
l'origine dans des causes surnatu-
relles , et publia V Apocalypse ou les
Précurseurs de Vantechrist , his-
toire prophétique des plus fameux
impies qui ont paru depuis V établis-
sement de VÉs^lise jusquà Van
1816, ou la révolution fiançais e
prédite par saint Jean l'évangé-
liste , suivie d'une dissertation sur
l'arrivée et le règne futur de Van-
techrist , Lyon , 1816 , in-S^'. ( an-
noncé comme une cinquième édition;
mais on ignore si les autres ont paru).
On y remarquait le passage suivant :
« ]S 'est-ce pas alors ( i68'2) que l'on
» érigea les quatre piliers , qui ser-
» virent depuis à supporter tous les
» échafaudages des ennemis de l'E-
» glise ? » Ce passage et quelques
autres firent accuser l'auteur d'ul-
tramontanisme , et un procès lui fut
intenté sur la dénonciation de M. Du-
pin. Les grands-vicaires de Lyon lui
retirèrent ses pouvoirs , et il fut
obligé de s'éloigner. Après une ab-
sence de quelques années , Wiirtz
revint à Lyon; mais, toujours tour-
menté par les dangers qu'il croyait
WUR 28:1
voir dans les doctrines de l'Église
gallicane , il fit paraître sous sou
nom une Lettre à M. Vabbé de La
Mennais , in-80. , dans laquelle il
prodiguait sans mesure toutes sortes
de louanges à cet écrivain. Cette lettre
ayant paru dans le moment où un
procès se suivait devant les tribunaux
contre les journaux le Constitution-
nel et le Courrier y elle fut annoncée
comme une preuve des progrès que
l'uîtramontanisme faisait parmi les
ecclésiastiques français, et le ministère
public eut ordre de la poursuivre. On
fitdes recherches chez les libraires que
l'on croyait chargés de la vendre , et
l'auteur fut interrogépar le juge d'ins-
truction. Le 18 janvier 1826^ le tribu-
nal de police correctionnelle de Lyon
renvoya l'abbé Wiirtz de la plainte,
et annula la saisie de sa brochure ,
vu qu'il n'était point constant qu'il
eût attaqué la religion de l'état, ni la
souveraineté temporelle du roi , ni
qu'il eût provoqué à désobéir à la
déclaration de 1G82; que certaines
phrases peu mesurées de son écrit
annonçaient, il est vrai, de l'exagé-
ration dans les idées , mais qu'elles
pouvaient s'excuser par l'état de ma-
ladie , dans lequel l'auteur languis-
saitdepuis long- temps. L'abbé Wiirtz
fut vivement alfecté de l'éclat qu'eut
cette artaire. Il se retira à Colongcs,
près de Lyon, où il mourut le i^^'.
octobre 1826. On a encore de lui :
Superstitions et prestiges des philo-
sophes ^ ou lesDémonoldtres du siècle
des lumières , Lyon , 1817, in- 1 2.
L'auteur prétend établir dans cette
brochure que le démon opère les
phénomènes du magnétisme ; qu'il a
produit les prétendus miracles du
diacre Paris , les visions de Caglios-
tro ; qu'il agit dans les ventriloques,
dans les francs-maçons , etc.{F'.VA~
mi de la Religion , n^. 1288). G-Y*
286
WUR
WURZBURG (Conrad de ) , un
des Minucsiugers du treizième siècle,
s'exerça dans les différents genres
de poésie , et se distingua dans quel-
ques-uns d'une manière remarquable.
On connaît peu de circonstances de
sa vie ; mais on le regarde comme
un des premiers poètes de l'époque
appelée des Empereurs Souahes.
On a conserve de lui: I. Dans le Re-
cueil publié par Manessen , Zurich ,
1 758 , in^*'* y et dans le manuscrit
de Colmar, plusieurs pièces , des
fables et des chants. II. Quatre-
vingt-neuf strophes dans le Recueil
de léua. III. Le Départ d'Eggen ,
dont on ne connaît que quelques pas-
sages publiés par Goldast. IV. Poè-
me de saint Alexis. V. Les Poires _,
roman, VI. La Guerre de Troie ,
roman. VII. h^Enclume d'or , à la
louange de la vierge Marie. Tous ces
poèmes se trouvent en manuscrit
dans la bibliothèque impériale de
Vienne y dans celle des lohannites à
Strasbourg y et Oberlin en a inséré
des passages dans sa dissertation :
De Conrado Herbipolitd. VIII. En-
gelhart et Engeldrut , poème épi-
que , qui , vers la fin du seizième
siècle , a été publié , par un anony-
me, en langue allemande de cette
époque. On le trouve à la bibliothè-
que de Wolfenbuttel , sous ce ti-
tre : Belle Histoire d^ Engelhart de
Bourgogne , de Dietherich , duc de
Brahant , son compagnon de voya-
ge , et d' Engeldrut , fille du roi de
Danemark , ce qui leur est arrivé _,
quelles peines et privations ils ont
souffertes, ouvrage très-joyeux à li-
re, Francfort , 1 578 ^ in-B». La pré-
face est en vers, comme tout l'ouvra-
ge. L'auteur y expose le but moral de
son poème j il se propose de relever
la fidélité et la constance dans l'a-
mitié ^ vertus qui, selon lui _, deve-
WUR
naienlj de jour en jour, plus rares.
Bourkard Waldis , dans le seizième
siècle, a retouché d'autres poèmes
des Minnesingers , et probablement
c'est lui qui est l'auteur de cet Eji-
gelhart retouché. Cette publication
est sans doute aussi cause que l'ori-
ginal de Conrad s'est perdu. IX.
6^o/ife5, en manuscrit dans les biblio-
thèques de Vienne et de Strasbourg.
X. \J Empereur Olhon-le-Barbu ou
avec la Barbe , conte qui se trouve
dans la bibliothèque du Vatican.
Voy. le Recueil d' anciennes poésies
allemandes , par Adelung. XI. Les
Niebelungen , la Vengeance de la
reine Chriemhilde , et la Complain-
te, Ces trois poèmes épiques foi ment
un tout qui paraît infiniment au-
dessus des productions épiques ou
héroïques de cette époque. Sifrit ou
Sièges , roi des Pays-Bas et des Nie-
belungen ou de la Norwége , reçoit
en récompense pour ses services de
Gunthar , roi de Bourgogne , sa sœur
Chriemhilde , princesse d'une rare
beauté; mais Bruidiilt ou Brunehaud,
épouse de Gunthar, mécontente de
cette cession , suborne Ha gène , qui
prend Sifrit en traître, le meta mort
et emporte son sabre. Chriemhilde
jure qu'elle se vengera ; ayant enlevé
à Hagène le sabre de son époux ,
elle coupe la tête à ce meurtrier ;
mais Hildebrant surprend cette prin-
cesse et la coupe en morceaux. Il
paraît que Conrad avait sous les
yeux l'original composé dans le
dixième siècle , et qu'il ne fit que le
traduire dans son dialecte souabe.
Le poème des Niebelungen se trouve
en manuscrit dans la bibliothèque de
Strasbourg, dans celle de Saint-Gall
et dans celle des Jésuites à Munich.
Il fut publié d'abord par Bodmer ,
dans son Recueil , Zurich, 1757 ,
et par Millier dans son Recueil ,
burg
WUR
Berlin , 1784. Les Niebelungen , la
Vengeance de Chriemhilde et la
Complainte ont servi de modèle et
de texte à un grand nombre de com-
positions modernes ; elles attestent
le prix que l'Allemagne attache au
poème original de Conrad de Wurz-
G Y.
WURZELBAU (Jean -Philippe
DE ) , célèbre astronome , membre de
racadëmie des sciences de Paris et de
celle de Berlin , naquit à Nuremberg
le 28 sept. i65 I . Après avoir termi-
né ses études j il s'attacha à André
Alexandre , qui donnait à Nuremberg
des leçons particulières de mathéma-
tiques; et eu 1684 et i685 il fut en
état de publier les observations qu'il
avait faites sur les éclipses de lune
arrivées dans ces deux années. Sa
réputation se répandit. En 1687, la
société royale des sciences de Lon-
dres le nomma son correspondant.
A cette époque, il résolut de quitter
les alîaires de commerce, auxquelles
il avait pris part d'après le vœu de
sa famille; et il se livra entièrement
à l'étude des mathématiques et de
l'astronomie. Les savants ayant par-
lé de lui à l'empereur Léopold I*^»'.,
ce prince lui accorda des encourage-
ments; et en 1692 il lui envoya des
lettres de noblesse. C'est alors qu'il
commença à travailler à ses Tabulée
lunares horoccio -Jlamsteedianœ.
L'académieroyaledes sciences de Pa-
ris, ayant reçu , en 1(^99, 'nie nouvel-
le organisation , désigna Wurzelbau
pour son correspondant ; et e^Ji 7 06 il
fut nommé membre de la société roya-
le des sciences de Berlin. Il corres-
pondait avec les plus célèbres mathé-
maticiens de l'Europe, entre autres
avec Tschirnhausen , Leibnitz , Cas-
sini , Lahire , Rœmer , Hévélius ,
etc. Tschirnhausen l'engagea à venir
s'établir à Dresde , où on lui offrait
WUR 287
une place très-avantageuse ; il refusa.
Ses travaux astronomiques consis-
tent en instruments de toute gran-
deur, qu'il inventa ou qu'il perfec-
tionna. Depuis la comète qui parut
en 1680, il ne cessa d'observer les
satellites de Jupiter, les taches du
soleil et les autres phénomènes cé-
lestes. Il établit son observatoire dans
sa maison sur le Spitzenberg , oii ,
avant lui, Bernard Walter avait ob-
servé jusqu'en i5o3. Il y avait des
télescopes de la plus grande dimen-
sion, avec des pendules et d'autres
instruments astronomiques. En mou-
rant, le i\ mars 1725, il laissa
manuscrit , un riche Recueil d'obser-
vations sur les éclipses du soleil et
de la lune, sur les satellites de Jupi-
ter , sur le passage des planètes der-
rière la lune, sur les taches du soleil
et les méridiens, dont il avait obser-
vé près de six mille. Le baron de
Zach , étant à Nuremberg , au mois
de juillet 1807 , acheta la biblio-
thèque de Wurzelbau, oiî se trou-
vaient , entre autres , la Machina cœ-
lestis Hevelii, en deux tomes, et les
autres Heveliana que notre astrono-
me avait achetés, en 1688, de la
veuve de Hévélius. Dans les Eim-
martianis qui, en 1786, ont été
transportés dans la bibliothèque des
Jésuites de Polotcz en Russie, se
trouvent plusieurs manuscrits de
Wurzelbau , dont Nopitsch parle
dans le Dictionnaire des sai^ants de
Nuremberg. On a encore de lui :
Uranica noricœ basis astronomicœ y
sive rationes motus annui ex obser-
vationïbus in solenni hoc noslro et
sœculo abhinc tertio Norimbergce
sub eodem meridiano habitis quant
plurimis deductœ et ampliter de-
monslratœ , 1728, in-fol. « Cet ou-
» vrage , disent les auteurs du Jour-
» nal des savants , n'est pas exempt
■288
WUT
» de mélanges étrangers. Ou y trou-
» ve jnsqu''à des odes et des rébus;
» mais ces défauts n'intéressent en
» rien le fond du livre, où l'on re-
» connaît le travail assidu , l'exacti-
» tude et la pénétration de l'auteur.
» MM. Hévelius et Cassini ont té-
» moigné, par leurs lettres, en faire
)) beaucoup de cas. L'auteur s'est
» attaché pendant trente- six ans à
» vérilîer les observations faites pen-
» dant trois siccies. Il a déterminé
» la latitude de Nuremberg, l'obli-
» quité de l'écliptique et des réfrac-
» tions. Il a donné des tables noni-
» breuses, exactes et commodes pour
» les calculs qui concernent le soleil.»
G— Y.
WUTGENAU ( GoDEFRiD- Er-
nest, baron de) , général d'artille-
rie au service d'Autriche , naquit
le 3i août iG-^S , en Silésie ,
à Biela , seigneurie qui apparte-
nait à son père. Il fut élevé avec
soin ; son inclination guerrière le
portait vers l'étude des mathéma-
tiques et de l'architecture. Après
avoir passé quelques années à la cour
d'un prince de Saxe, il entra au ser-
vice y lorsque la guerre de la succes-
sion d'Espagne éclata. Il en fit tou-
tes les campagnes en Italie et dans
les Pays-Bas , et il eut le bonheur de
servir sous le prince héréditaire de
Hesse - Cassel , qui fut depuis roi de
Suède. S'étant formé à une si bonne
école , il fut nommé adjudant-géné-
ral du prince qui avait su l'appré-
cier. Wutgenau assista au siège
de Pizzighitone , à la prise de Casai
et à l'irruption que l'armée autri-
chienne fit en Provence^ en 1707. A
la recommandation du prince héré-
ditaire , le landgrave de Hesse-
Cassel le nomma gouverneur du jeune
prince George , avec rang de lieute-
riant-colonel dans le régiment de son
WUT
élève , et il fit avec ce corps toutes
les campagnes des Pays-Bas. La paix
étant conclue entre la France etl'em-
jiereur , les puissances alliées du
nord déclarèrent la guerre au roi de
Suède , et pénétrèrent dans la Pomé-
ranie. Le jeune prince George vou-
lut faire cette campagne , et Wut-
genau assista avec lui à la prise de
Stralsund. Cette guerre finit assez
promplement , et Wutgenau , qui vi-
sita la France et l'Italie, eut occa-
sion de connaître à Paris le chevalier
de Folard , de s'entretenir avec lui ^
et de se perfectionner par ses entre-
tiens dans la théorie de l'art mili-
taire. A son retour, l'Autriche ayant
pris à sa solde le régiment du prince
Maximilien de liesse, Wutgenau eu
fut nommé colonel-commandant. Il
assista d'abord , en cette qualité , au
siège de Belgrade , où il reçut un
coup de feu à la tête. Il n'était pas
encore guéri de cette blessure lorsque,
les Turcs ayant voulu attaquer l'ar-
mée autrichienne dans son camp ,
le prince Eugène résolut de les préve-
nir , et marcha lui-même pour les
surprendre. Wutgenau, quelque allai-
bli qu'il fût , voulut paraître à la tête
de son régiment , el il concourut
puissamment à la victoire que les
Autrichiens remportèrent. Après la
paix qui eut lieu , en 17 18 , le régi-
ment de Hesse eut ordre de se rendre
en Lombardie, puis en Sicile. Le
20 juin 17 19, il se battit avec les
Espagnols , près de Francavilla.
Wutg^iau, qui commandait peu de
temps après devant Messine , reçut
au bras gauche deux coups de feu ,
dont il ressentit les suites jusqu'à sa
mort. Après avoir pris cette place ,
il enleva toutes celles que les Espa-
gnols tenaient encore en Sicile , et
en 1720 il les força d'évacuer l'île.
La paix mit fm à cette campagne,
WUT
et le régiment de Hesse revint en Al-
lemagne. Wutgenau fut très - bien
accueilli à Cassel , et, en 1724 j le
landgrave qui l'avait nomme major-
genéral l'envoya avec une mission
secrète en Russie. A son retour il obtint
un régiment d'infanterie, et quelques
années plus tard, à la recommandation
du prince Eugène, il entra au servicede
l'Autriche, avec le rang de major-
ge'néral. Eu i^So , il fut charge de
commander le corps d'armée que
l'empereur fit passer en Italie pour
occu])er le duché de Parme ; et en
1^33 il fut envoyé en Silésie pour
couvrir les frontières de cette pro-
vince , et observer les mouvements
de la Pologne , où l'on s'occupait de
l'élection d'un nouveau roi. Au mois
de novembre Wutgenau firt nommé
gouverneur de Philipsbourg , avec
le rang de feld-maréchal-lieutenant.
Sachant que cette place était mena-
cée , il prit des mesures pour sa dé-
fense. Le maréchal de Berwick
arriva en eiïet devant ses murs le
23 mai 1734, et aussitôt deux batail-
lons suisses montèrent à l'assaut ,
pour s'emparer de la Redoute du
Rhin : ils furent d'abord repoussés j
mais Wutgenau n'ayant que quatre
cents hommes pour occuper ce poste
important , il les fit rentrer dans la
place à l'exception de trente hom-
mes qui furent faits prisonniers. Bien-
tôt les Français commencèrent le
bombardement , et en moins de vingt-
quatre heures ils avaient lancé deux
mille bombes. Déjà ils s'étaient tel-
lement avancés vers la tête du che-
min couvert , que l'on pouvait les y
atteindre avec la baiomif^tte. Le com-
mandant fit des sorties que la fai-
blesse de sa garnisoi) rendit presque
nulles ; cependant il parvint à délo-
ger m instant l'ennemi du chemin
couvert j et c'est dans ces circons-
Lï.
WUT a8o
tances que le maréchal de Berwick
fut atteint d'un coup de canon ( Foy.
Berwick ) ; mais le prince Eugène
ne put secourir la place , et Wutge-
nau se vit contraint de capituler. Il
sortit avec les honneurs de la guerre,
et se rendit à Maïence à la tête de sa
garnison qui , quoique composée pres-
que entièrement de nouvelles recrues,
avait fait une défense très-honorable.
L'empereur lui écrivit pour lui té-
moigner sa satisfaction, et' lui donna
le régiment de Ligneville. La diète
de l'empire lui fit un riche présent
en argent , et il fut nommé comman-
dant de Maïence , puis gouverneur
de Mantoue, avec rang defe!d-maré-
chal-lieutenant. En arrivant dans
cette place, en février 1735, il la
trouva menacée par les Espagnols,
et dans le plus mauvais état de dé-
fense. Les mesures énergiques qu'il
sut prendre firent renoncer les Espa-
gnols au projet de l'attaquer. L'Au-
triche étant alors menacée d'une
guerre avec la Turquie , et l'empe-
reur voulant être bien instruit de
l'état où se trouvaient les places for-
tes de la Hongrie, nomma Wutge-
nau {'20 juin 1736 ), inspecteur-
général de toutes ses fortifications ,
soit dans les états héréditaires , soit
dans l'empire germanique. Après
avoir terminé son inspection , ce gé-
néral était en chemin pour retourner
à Vienne , lorsqu'une indisposition
subite et violente le força de s'arrê-
ter dans un village près de Stuhl-
Weissenbourg. Le lendemain il se fit
transporter jusqu'à Raab , d'où il
fit connaître à son souverain com-
bien il regrettait de ne pouvoir con-
tinuer sa route. Aussitôt le prince
lui envoya un de ses médecins , et
chargea le baron de Seckendorf de
lui remettre une petite pharmacie en
argent , avec un billet où il lui disait :
'9
•igo WYA
« Je prends une part bien vive à
•» l'incommodité qui vous est sur-
» venue. Tâchez de guérir prompte-
» ment , et venez me voir , j'ai be-
» soin d'avoir un entretien particu-
» lier avec vous. » Mais Wiitgenau
sentait ses forces diminuer de jour
en jour, et son épouse , qu'il avait
fait venir en toute hâtc"de la Silésie ,
n'eut que le temps de lui faire ses
adieux j il expira dans ses bras , le
23 décembre 17 36. L'empereur fut
très- afflige de sa mort , et il or-
donna au commandant de Raab de
lui rendre de grands honneurs funé-
raires. G — Y.
WYATT ou WYAT ( sir Tho-
iviAS ) , courtisan et poète anglais ,
naquit en i5o3, à Allington-Castle,
dans le comté de Kent. Henri Wyatt,
son père, avait joué un rôle dans la
guerre civile qui ensanglanta l'An-
gleterre, sous le nom des deux Ro-
ses. La vivacité avec laquelle il s'était
déclaré en faveur de la branche lan-
castérienne des Plantagenets l'avait
rendu suspect aux agents de Richard
III , et il avait été jeté dans un des
cachots de la Tour de Londres , pen-
dant le règne éphémère de l'usurpa-
teur. Peut-être eiit-il perdu la vie
avec la liberté sans la révolution ar-
mée qui mit fin à la tyrannie de Ri-
chard. La catastrophe de Bosworth
fut le signal du salut pour tous les
détenus quela politique avait chargés
de chaînes ( 1 486). Wyatt, délivré un
des premiers , eut Fart de se faire
remarquer du vainqueur, et fut am-
plement indemnisé de quelques mois
de prison par la reconnaissance du
monarque, qui, après l'avoir nommé
chef ou intendant du trésor , le fit
asseoir parmi les membres du con-
seil-privé, et plus tard lui confia le
commandement de l'avant-garde an-
glaise pendant les guerres de France.
WYA
Ce fut en cette qualité que le père de
notre auteur se trouva à la mémora-
ble journée des Éperons. Pendant ce
temps, Thomas Wyatt étudiait les
langues anciennes dans les universi-
tés anglaises. Oxford et Cambridge
revendiqucnlThonneur d'avoir comp-
té notre jeune courtisan au nombre
de leurs disciples, et appuient leurs
prétentions , la première , de l'au-
torité d'Antoine Wood ( Athen.
Oxon.) ; la seconde, de celle de Car-
ter. Quelque décision qu'on admette
sur un point si problématique , et
peut-être la justice veut-elle qu'ici
l'on adopte également les prétentions
des deux villes rivales, il est certain
que Wyatt, immédiatement après
avoir quitté les bancs , se mit , selon
l'usage dès-lors établi en Angleter-
re , cà parcourir les pays étrangers.
Il en revint doué de toutes les grâces
et de l'aisance qui décèlent l'homme
né pour le monde. Le nom de son
père lui ouvrit l'entrée de la cour :
ses saillies et ses bons mots firent le
reste. Bientôt il devint un des favo-
ris du vieux prince, qui, cédant lui-
même à l'amabilité du courtisan ,
le rapprochait continuellement de sa
personne, et semblait rechercher sa
conversation. Il lui confia même le
secret de diverses négociations, et
finit par l'employer dans plusieurs
ambassades. Il l'éleva de plus au
rang de chevalier , ce qui le plaçait
près des lords. Sa faveur s'accrut
encore sous le règne de Henri VIII;,
dont le caractère despotique et altier
ne repoussait nullement la plaisante-
rie , et sur qui une repartie , un mot
spirituel pouvait souvent exercer une
influence à laquelle aurait vaine-
ment prétendu l'argumentation la
plus solide , parée de tous les char-
mes de l'éloquence. Cette influence
fut quelquefois, à ce qu'il paraît , le
WYA
partage de Wyatt. De graves auteurs
racontent que se;> bons mots préci-
pitèrent la consommation du schis-
me anglican , et plus tard la ruine du
fameux cardinal Wolsey. On peut
regretter qu'ils n'aient pas pris la
peine de nous en rapporter quelques-
uns , ou plutôt qu'ils n'aient pas fait
un choix judicieux en les consignant
dans leurs ouvrages. Au reste, de
quelque faveur qu'ait joui Wyatt pen-
dant les premières années du règne
de Henri , il lui arriva , comme à
presque tous les favoris de ce prince
ombrageux et hautain, de déplaire,
et même d'être obligé de quitter le
palais du roi pour la Tour de Lon-
dres. Selon les uns, il aurait olïense
la reine Anne de Boulen, que cepen-
dant il avait contribué à porter sur
le trône. D'autres veulent au contrai-
re qu'il ait été soupçonné d'être avec
elle bien mieux qu'il ne convenait
à hienri VIII. Mais il est probable
que ces deux opinions sont également
hasardées. On voit, par un discours
que Wyatt lui-même prononça devant
les juges, qu'il fut accusé d'entrete-
nir une correspondance secrète avec
le cardinal Pool , et d'avoir laissé
échapper de sa plume des expres-
sions peu respectueuses pour la ma-
jesté royale. Ces incriminations ri-
dicules étaient , selon l'auteur, le ré-
sultat d'une intrigue de cour et de la
jalousie de l'évêque de Londres ,
Konner. Wyatt repoussa avec beau-
coup d'esprit , de force et d'aisance,
les calomnies de ses ennemis. Mais
le roi était prévenu, et la sentence
portée d'avance. Il fut deux fois em-
prisonné et condamné à payer une
amende. Heureusement , ses amis in-
tercédèrent en sa faveur, et prouvè-
rent son innocence. Henri lui rendit
ses bonnes grâces, et pour lui don-
ner un témoignage public de sa con-
WYA
ig]
fiance , l'envoya comme ambassa-
deur à la cour impériale. Wyatt par-
tit sur-le-champ. Mais la précipita-
tion qu'il mit à se rendre vers le port
où il devait s'embarquer , au milieu
des chaleurs de l'été , lui devint fa-
tale; il fut attaqué d'une fièvre mali-
gne , et expira peu de temps après à
Shireboarne dans le comte de Dorset ,
en 1 541. Il n'avait encore que tren-
te-huit ans. C'est principalement
comme poète que Wyatt a droit à
quelque célébrité. Ami intime du com-
te de Surrey , il contribua ainsi que
lui à rendre la langue de ses com-
patriotes un peu moins rude et moins
sauvage. Sa versification a quelque
chose de l'harmonie et de la grâce
italiennes : cependant il s'en faut de
beaucoup qu'il atteigne à la mélo-
dieuse souplesse de Dryden et de Po-
pe. De plus on doit remarquer que
trop souvent la phrase de Wyatt
n'est poétique , disons mieux , ne
forme un vers ^ qu'aux dépens de la
clarté ; et ici l'obscurité ne résulte
pas de l'emploi des mots , des tours
exclusivement réservés à la poésie.
L'imitation des poètes italiens in-
troduisit aussi dans ses vers les con-
cetti et les puérilités à la mode au-
delà des Alpes. On voit d'ailleurs que
Wyatt s'était trompé dans le choix
de ses sujets^ qui roulent presque
perpétuellement sur l'amour, et qui
étaient peu en harmonie avec l'hu-
meur caustique et badine qui était le
fonds de son caractère. Ses sonnets,
calqués sur ceux de Pétrarque , sont
froids , pédantesques, vides de senti-
ment et de passion; ils ressemblent
à leur modèle comme une momie à
un personnage vivant. Surrey l'em-
porte de beaucoup sur lui à cet
égard. En revanche, Wyatt re-
prend la supériorité dans la satire.
C'est avec une fidélité à-la-fois spi-
19..
292 WYA
rituelle et poétique qu'il décrit les
travers et les vices de son temps •
et il est permis de croire que s'il s'é-
tait exclusivement consacré à ce gen-
re, il serait encore loué sans restric-
tion par la postérité , malgré les gra-
ves changements que trois siècles ont
dû apporter dans la langue, les idées
et les mœurs de ses compatriotes. Ce
qui nous reste des poésies de Wyatt
a été publié conjointement avec
celles de Surrey , en 1 557 • 'ïî-4"« 5
etc. ( Fojez Surrey , XLIV ,
282 ). Ses œuvres ont été réimpri-
mées avec cellesdeson ami, par G.-
Fr. Nott, 1812, 2 vol. iu-4*'. Les
auteurs de la Bévue d'Édinbourg ,
en annonçant cette édition, l'ont ju-
gée peu nécessaire, surtout à l'égard
de Wyatt, qui selon eux manquait
absolument de feu poétique. Il
avait composé aussi une paraphra-
se des psaumes en vers anglais.
Surrey donne de grandes louanges
à cette composition. Mais le peu
qui en a été publié dans la dernière
édition de la collection des Poètes
anglais nous donne lieu de ne point
regretter la perte des autres, h' Éloge
de Wyatt, par Surrey, se trouve
dans les œuvres de ce dernier , et
fait autant d'honneur au panégyriste
qu'à l'ami qu'il regrette. Léland pu-
blia vers le même temps un recueil
de pièces en vers latins élégiaquessur
la mort de notre poète, sous Je titre
de Nœniœ in mortem Thomœ Fia-
tiy equitis incomparabilis , Joanne
Lelando Antiquario auctore , un
vol. in-4". P — OT.
^ WYATT ( Thomas ) , fils du pré-
cédent, se distingua dans les trou-
pes anglaises par son intrépidité. 11
était capitaine, lorsque l'avènement
de Marie au trône excita tant de mé-
contentements et d'intrigues dans le
royaume. Cependant un premier sou-
WYA
lèvement avait été étouffé , et l'An-
gleterre était tranquille ^ quand l'an-
nonce du mariage de la reine avec
le roi d'Espagne Philippe II servit
de prétexte aux séditieux pour orga-
niser de nouveaux bouleversements.
Le duc de Sulf'olk était encore l'ame
de cette conspiration; mais Wyatt
en fut lebraS;,et seul, des agents qui
furent mis en avant par le véritable
chef, il obtint quelques succès. Qua-
tre gentilshommes , sir Pierre Croft ,
sir Pierre Carevv , Gibbs et Cham-
pernham , devaient combiner leurs
mouvements avec le sien , et agir
dans le Devonshire , le comté de
Cornouailies et la principauté de
Galles, tandis que Wyatt soulè-
verait le comté de Kent. Nous
examinerons plus lard quel était le
but de cette insurrection. Ce qu'il
y a de certain , c'est que le comte
de Devonshire ( Gourteney ) , soit
que définitivement on lui eût pro-
mis la main d'Elisabeth , soit que
les conspirateurs ne lui eussent don-
né que des espérances , soit enfin
qu'il s'engageât sans motifs d'ambi-
tion parmi les mécontents , devait y
figurer , et que l'on comptait prin-
cipalement sur lui pour faire pren-
dre les armes aux habitants du com-
té de De von. Mais rien ne s'exécuta
conformément au plan qu'on avait
arrêté. Le complot, ourdi à cause de
l'union de la souveraine d'Angleterre
avec le fils du monarque des Espa-
gnes, ne devait éclater que le jour de
la cérémonie nuptiale. Garew se dé-
clara inopinément avec ses deux
amis Champernham et Gibbs :
Courteney qui devait se joindre à
eux balança ; et le peuple , que
sa présence aurait entraîné dans le
parti des rebelles , resta muet. En
vain de pompeuses proclamations
étaicntdistribuées j en vain desadres-
WYA
ses étaient proposées à la signature
des habitants d'Exéter. A peine
quelques hommes perdus de dettes
se joignirent à eux , et peu après
ils furent tous arrêtes ou forcés
de chercher un asile en France.
D'autre part Croft,, dont tous les
pas étaient surveillés, ne fut pas plu-
tôt arrivé dans ses terres voisines
des douze comtés de Galles, qu'il
fut saisi dans son lit. Enfin le duc de
Sufl'olk lui-même ne put, ni par son
influence ni par ses largesses, déter-
miner le peuple des villes à le sui-
vre : un léger engagement dans les en-
vironsde Coventry acheva de le con-
vaincre qu'il fallait se réserver pour
des temps plus heureux ; ethientôtun
de ses tenanciers nommé Underwood
le livra aux soldats qui le cherchaient.
Wyatt seul parvint à donnera la ré-
bellion une apparence formidable j
et quoique forcé d'agir avant le
temps , par la précipitation de ses
complices, il déploya tant d'habi-
leté , et mit tant de secret dans l'or-
ganisation du mouvement qu'il pro-
jetait, que ses ennemis ne lui refu-
sèrent pas des louanges dues à la
vigilance et à l'activité même, quand
elles sont si mal employées. A pei-
ne ce nouveau chef eut - il tiré
l'épée , qu'il vit quinze cents hom-
mes d'élite autour de lui. Cinq mil-
le autres , non moins déterminés ,
étaient encore dans leurs foyers ,
mais se tenaient prêts à voler au
premier signal sous ses étendards.
Le vieux château ruiné de Rochester
lui servit de demeure pendant ses
premières opérations ; un complice
secret , nommé Wintci , commandait
une escadre de cinq voiles sur la
Tamise, et lui fournissait des muni-
tions et de l'artillerie : en même temps
il érigeait des batteries pour défen-
dre le passage du pont et la rive
WYA
293
opposée du fleuve. Néanmoins la
fortime sembla d'abord se déclarer
contre son entreprise. Un détache-
ment qu'il avait envoyé vers Knevet
fut battu au-dessous de cette ville ,
par sir Robert South well. Lord Aber-
gavenny délit de même un renfort
considérable qu'amenait à Rochester
un conspirateur nommé Isley. Le
shérif et les habitants de Cantor-
béry refusèrent de lui ouvrir leurs
portes. Enfin , malgré les assurances
qu'il renouvelait sans cesse, et de la
coopération des Français , et des pro-
grès de l'insurrection sur les autres
points du royaume, le nombre de ses
partisans décroissait de jour en jourj
et peut-être ses forces se fussent-elles
dissipées sans coup férir , si la cour
les eût abandonnées à elles-mêmes.
Mais des troupes royalistes étaient dé-
jà en marche sous la conduite du duc
de Norfolk. Quoique inférieures en
nombre , le chef les mena aussitôt
vers les murs où était renfermé l'en-
nemi ; et, après avoir à haute voix ,
mais vainement, offert le pardon au
nom de la reine , il leur commanda
de forcer le passage du pont. Tout à
coup un of licier appelé Brct , qui,
à la tête de cinq cents habitants de
Londres , s'était volontairement ad-
joint au duc , fit faire halte à sa colon-
ne , et levant son épée, déclara qu'en-
nemi implacable des étrangers il al-
lait verser son sang pour la cause du
brave capitaine Wyatt. Tous ceux
qu'il avait sous son commandement
le suivirent; et Wyatt lui-même ,
passant le pont à la tête de sa cava-
lerie , rejoignit ses nouveaux parti-
sans. Norfolk et ses principaux offi-
ciers , craignant une défection géné-
rale , commencèrent à opérer leur
retraite vers Gravescnd. Mais ils eu-
rent encore à regretter beaucoup de
trajisfuges ; et ils virent sept pièces
294
VVYA
d'artillerie, qu'ils avaient amenées
avec eux, tomber au pouvoir des
rebelles. Ce succès imprévu ouvrit
les yeux aux ministres, et leur prou-
Ta que les conspirateurs s'étaient
ménagé des intelligences jusque dans
]e cœur de la ville. On prit aussitôt
des mesures pour préserver la Cité
et surtout la Tour • les ponts furent
rompus dans un rayon de quinze mil-
les , et l'on s'assura des bateliers de
la rive opposée ; une récompense de
cent livres sterling par an, en biens-
fonds , fut offerte à celui qui ar-
rêterait Wyatt. En même temps
les ministres, effrayés de ses pro-
grès , lui envoyaient un message ,
et le priaient de faire connaître toute
rétendue de ses demandes. Cet aveu
de faiblesse redoubla la confiance des
révoltés , et le chef osa répondre
qu'il voulait que la reine remît entre
ses mains la garde de sa personne ,
que le conseil-d'état fût cassé et re-
composé à son gré, enfin qu'on lui
confiât le gouvernement de la Tour.
Tandis que tout s'indignait et trem-
blait dans le palais , et que les am-
bassadeurs espagnols^ craignant pour
leur vie , se réfugiaient dans des ba-
teaux marchands , Wyatt s'emparait
du faubourg de Southwark. Mais la
populace qu'il s'attendait à voir af-
fluer dans son camp, resta spectatrice
indifférente des événements. La cour
alors reprit courage ; les renforts
qu'elle demandait de tous cotés ar-
rivèrent , et Wyatt , dont l'armée
avait compté jusqu'à quinze mille
hommes , en eut bientôt perdu plus
de la moitié. Le feu des canons
de la Tour le força d'abandon-
ner Southwark , et il perdit encore
du monde dans cette retraite. C'est
alors que résolu à porter un coup
décisif ou à périr victime de son au-
dacieuse entreprise , et comptant sur
WYA
l'assistance de quelques-uns des ré-
formateurs de la Cité , il forma le
dessein de surprendre Ludgate, une
heure avant le lever du soleil. Eu
conséquence , il dirigea sa marche
vers Kingston , passa la Tamise
à la nage^ et fît rétablir le pont qui
avait été démoli en partie. Le gros
des rebelles passa ensuite^ mais bien-
tôt des retards inattendus semblèrent
rendre l'entreprise inexécutable; et
le nombre des insurgés diminua en-
core. Pour comble de malheur , des
transfuges allèrent informer la reine
du coup tramé par Wyatt. Tous les
royalistes disponibles furent immé-
diatement appelés par la cour , et le
lendemain à quatre heures du matin
dix mille hommes d'infanterie, quinze
cents chevaux, de puissantes batteries
de canon couronnaient les hauteurs
opposées à St.- James. Cet appareil for-
midable déconcerta le chef des rebel-
les. Mais il sentait que la retraite serait
sa destruction complète , et qu'une
aveugle intrépidité pouvait seuledon-
ner encore quelques chances de réus-
site. Saisissant un étendard, il se pré-
cipita comme pour charger la cava-
lerie. Celle-ci s'ouvrit , soit par la
violence du choc , soit que l'ordre
en eût été donné d'avance , et laissa
passer environ cinq cents hommes,
puis se refermant tout-à-coup , elle
sépara ainsi en deux corps la masse
des insurgés. Ceux qui étaient éloi-
gnés de leur chef n'apportèrent
qu'une faible résistance , et furent
faits prisonniers à l'exception d'une
centaine qui restèrent sur le champ
de bataille. Wyatt et ses compa-
gnons avancèrent jusqu'aux portes
du palais de Ludgate; lui-même, lais-
sant ses amis à quelque distance , s'ap-
procha jusqu'à l'entrée, et demanda
à être admis devant la reine. Refusé,
il revint sur ses pas , et trouvant le
!
WYA
combat engage, il y prit part jusqu'à
ce qu'il n'eût plus autour de lui que
quarante compagnons. Alors , un
héraut d'armes l'ayant invité à épar-
gner le sang de ses amis et à se ren-
dre prisonnier , il jeta son ëpée et se
remit entre les mains de sir Maurice
Berkely, espe'rant qu'il serait traité
non point en rebelle, mais en prison-
nier de guerre. Il ne fut pas long-
temps à s'apercevoir de son erreur.
Marie, qui lors de la première cons-
piration tramée contre elle n'avait
sévi qu'à l'égard de trois conjurés,
avait adopté depuis les principes sé-
vères de Philippe , et elle crut devoir
déployer en cette circonstance la plus
grande rigueur. Ce fut même vaine-
ment que, dans l'espoir de sauver
sa vie, il laissa échapper des aveux
qui furent autant de charges d'accu-
sation contre Elisabeth , toujours en
butte aux soupçons et à la jalousie
de sa sœur. Déjà le duc de Sufïblk
avait déclaré qu'en levant l'étendard
de la rébellion, son but était de
faire monter sur le trône la fdle
d'Anne de Boulen , en la mariant à
Courteney : Wyatt avoua qu'il avait
à diverses reprises écrit à cette prin-
cesse , et lorsqu'il fut confronté avec
Courteney, il soutint que ce dernier
avait été l'instigateur de cette levée
de boucliers , et que s'il se trouvait
pour l'instant dans les rangs des dé-
fenseurs de Marie , c'était grâce à
une apostasie sinon plus criminelle ,
au moins plus honteuseque sa révolte.
Celte facilité à nommer les compli-
ces ou les auteurs de l'entreprise ra-
baissa Wyatt dans l'esprit de ses ad-
versaires , qui jusqu'alors avaient
conçu la plus haute idée de sa
fermeté et de son courage , et n'a-
doucit ni la sévérité des juges , ni
l'indignation de la reine. Condamné
i périr par la main du bourreau^ il
WYA
295
marcha au supplice le 1 1 avril
1554. Selon quelques historiens , il
se rétracta sur l'échafaud, et procla-
ma l'innocence d'Elisabeth. Mais
cette dernière circonstance est une
hypothèse gratuite à très-peu de cho-
se près , puisqu'elle n'a d'autre base
parmi les documents contemporains
que l''alïirmation de l'ambassadeur
français Noailles. Entraînés par leur
zèle pour la religion anglicane, pres-
que tous les écrivains anglais se sont
efforcés de laver Élisabetli du repro-
che d'avoir trempé dans une conspi-
ration dont le but était sinon de faire
périr , du moins de faire descendre
du trône sa sœur aînée. Que tel fut
le dessein des rebelles ^ c'est ce
que démontrent les proclamations
de Wyatt , proclamations dont l'idée
dominante est celle-ci , que Marie en
prenant possession du diadème de
Henri VIll, avait promis de ne point
rétablir le catholicisme , de ne point
épouser de prince étranger; qu'ayant
violé ses promesses , elle était par le
fait même déchue du trône. Quant à
la connivence, et peut-être à la com-
f)îicité d'Elisabeth , non-seulement
ord Russel , un des conjurés , avouait
lui avoir porté une lettre de Wyatt,
mais une autre lettre par lui adres-
sée à la princesse avait été inter-
ceptée (25 j anv.) quelques j ours avant
que la conspiration éclatât , et fut
dans la suite reconnue par Wyatt.
Trois lettres confidentielles de l'am-
bassadeur français à sa cour expli-
quaient avec non moins de clarté
tout ce qui se machinait dans l'om-
bre : enfin la conduite même d'E-
lisabeth , son éloignement de la
métropole , le soin qu'elle avait;
de remplir sa maison de soldats ,
tout semble être d'accord pour faire
croire à la réalité d'un dessein qui
ne devait que trop flatter un esprit
296 WYA
ambitieux et dominateur. A tout cela
qu*oppose - 1 - on ? l'insuffisance des
aveux de Wyatt? mais , comme on
voit, nous ne faisons point entrer ces
aveux eu ligne de compte ; l'acquit-
tement d'Elisabeth par le conseil de
sa sœur / mais
Gardi
ncr, au couraî
et à l'intégrité de qui elle dut la vie ,
se bornait à faire voir qu'elle ne s'é-
tait compromisepar aucune démarclie
active, et qu'on ne pouvait juridi-
quement lui appliquer la lettre de la
loi ; le témoignage même de l'accu-
sée ? mais jamais Elisabeth n'a passé
pour pécher par excès de sincérité ;
et , si l'on veut examiner scrupuleu-
sement ses paroles , on sentira qu'il
y a bien des aveux sous ces dénéga-
tions. Au reste, cette question est
décidée depuis que le docteur Lin-
gard, dans l'Histoire du règne de
Marie , a consigné les résultats des
Mémoires de Noailles et de Renard.
Il ne nous reste pour achever l'es-
quisse complète de la conjuration
de Wyatt qu'à fixer les yeux des lec-
teurs, d'une part, sur la coopération
secrète du plénipotentiaire français ,
dont l'hôtel était le rendez-vous des
conspirateurs et le centre de tous
leurs conciliabules ; de l'autre, sur la
fm tragique de Jeanne Grey et de son
époux, que Marie fit décapiter quatre
jours après l'action de Ternplebar.
Marie victorieuse leur avait accordé
la vie après son triomphe, et les
gardait comme gages de la fidélité
du duc de Sufï'oik. Ce gage était
racheté par la rébellion du duc ; et
c'est ainsi que le complot de Wyatt
devint funeste , non-seulement à ceux
qui y participaient, mais encore à
ceux qui en avaient ignoré l'existence.
P OT.
WYATT ( Jacques ) , un des plus
célèbres architectes modernes , na-
quit à Burtou , dans le comté de Staf-
WYA
ford , vers Tannée 1743 , et fît ses
premières études dans sa ville natale
oii il resta jusqu'à l'âge de quatorze
ans. A cette époque , lord Bagot ,
ambassadeur de la Grande-BretagnCs
près de Sa Sainteté, étant parti poui"
l'Italie, Wyatt eut le bonheur d'ê-'
tre compris dans la suite de ce
diplomate. Arrivé dans l'ancienne
capitale du monde, le goût qu'il avait
déjà montré dans l'humble cité
de Burton , pour les beautés de
l'architecture , se développa à la
vue des chefs - d'œuvre de l'anti-
quité et des belles imitations des
modernes. Riche d'enthousiasme ,
d'imagination et de patience, il étu-
dia avec le soin le plus minutieux ces
admirables monuments , et se péné-
tra des idées, du génie, du caractère
des artistes qui les ont créés. On l'a
entendu raconter , dans la suite, que
pendant son séjour à Rome il avait
souvent grimpé jusque sur le sommet
delà coupole de Saint-Pierre, et qu'il
mesurait de ses mains la hauteur de ce
gigantesque édifice. De Rome , Wyatt
se rendit à Venise, oh, sous la tutelle
du célèbre Viscentini , il joignit à
l'étude de l'architecture celle de la
peinture, ou du moins des principes
de cet art. Revenu en Angleterre , à
vingt ans , il se trouva capable de
prendre place parmi les maîtres les
plus habiles à un âge où beaucoup ne
peuvent même pas siéger sur le
banc des écoles. Il ne lui man-
quait qu'un grand ouvrage à exécuter.
Le plan du Panthéon de Londres ,
Oxford - Street , fixa sur lui l'atten-
tion publique , et le plaça parmi
les premiers architectes anglais.
Rien n'égale ce bel édifice pour la
grandeur et l'harmonie de l'ensem-
ble, pour la profusion et la sévérité
des ornements. De toutes les parties
de l'Angleterre et bientôt de l'Eu*
WYA
rope , on adressa des demandes , des
projiositions à Wyatt. L'impératrice
de Russie le fit engager par son am-
bassadeur à quitter Londres pour
Pétersbourg : ses appointements en
Bussie devaient être portes à la som-
me qu'il fixerait lui-même. Quelque
avantageuses que fussent ces con-
ditions , Wyatt refusa d'y souscri-
re. Il était d'ailleurs sans cesse et
lucrativemcnt employé' tant par le
gouvernement que par les ])articu-
liers. A la mort de sir William
Chambers , il fut nommé à sa place
inspecleur-general des bâtiments ;et
peu de temps après, Benjamin West
ayant été obligé, par suite d'une con-
testation , de résigner la présidence
de l'académie royale , Wyatt fut élu
pour le remplacer. Il refusa néan-
moins les fonctions honorables qu'on
lui imposait, et ne les accepta enfin
que sur l'ordre formel du roi : encore
les rendit-il à West l'année suivante.
Parmi les nombreux édifices élevés
ou restaurés par Wyatt , les plus
remarquables sont le palais deKew,
l'abbaye deFontliill, l'église d'Han-
worth , le palais des lords , la cha-
pelle de Henri VII , le château de
Windsor, Bulstrode , Doddington-
Hall , etc. , etc. Dans tous , on re-
marque un goût pur et correct , en
même temps qu^m style grandiose ,
large et harmonieux. Il est heureux
surtout dans les compositions où il a
suivi les règles de l'architecture grec-
que : celles oii il s'est abandonné à
ses propres inspirations , celles ou il
a essayé d'imiter le genre gothique
sont loin d'être également admirées
par les connaisseurs. Peut-être est-ce
la faute du genre plus que celle de l'ar-
tiste. Tant detra vaux, la plupart ma-
gnifiquement récompensés , auraient
dû , au bout d'une carrière de qua-
rante-huit ans , donner à Wyatt la
WYC 397
fortune d'un prince \ malheureuse-
ment son économie n'égalait point
ses talents. Il mourut le 5 septem-
bre i8i3 , âgé de soixante -dix
ans , sur la route de Londres , où
il se rendait dans la voiture d'un de
ses amis. Une autre voiture ayant
accroché celle-ci ^ la violence du choc
donna , à ce que l'on suppose, une
commotion violente au cerveau de
notre architecte , et il expira sur-le-
champ. L'aîné de ses fils exerce en-
core l'architecture à Londres avec
succès. P — Oï.
WYGHERLEY. V. Wicherley.
WYCK (Thomas), surnommé le
Vieux f peintre et graveur à l'eau-
forte, naquit à Harlem en 1616.
11 excellait à représenter des ports
de mer remplis de vaisseaux et
fournis de tous les objets qui appar-
tiennent à la marine. Il peignit avec
un égal succès des foires , des places
publiques, des tréteaux de charlatans,
de faiseurs de tours et de bateleurs.
Ses intérieurs de laboratoires de chi-
mistes sont traités avec un soin et
une exactitude rares. Rien, jusqu'aux
moindres détails , n'est négligé par
lui. Son dessin est correct, sa cou-
leur chaude et bien empâtée, son pin-
ceau facile, quoique soigné. Il fit en
Italie un séjour de quelques années,
qui fut profitable pour son talent.
A Naples particulièrement, il peignit
la plupart des ports de ce royaume,
et enrichit ses tableaux, remarqua-
bles par leur vérité , d'une multitude
de figures touchées avec beaucoup
d'esprit et coloriées suivant l'usage
du pays. Dans presque tous ses ou-
vrages, on voit un Turc habillé en
rouge et coiffé d'un turban blanc. Il
tâcha d'imiter la manière de Bam-
boche; et ses tableaux jouissaient
d'une si grande estime , que, même de
son vivant , on les payait des prix
ig^ WYG
exorbitants. Il a grave à l'eau - for-
te, d'une pointe ierrae et légère, di-
vers petits sujets qui ne sont pas
moins rccliercliés que ses tableaux.
Il se trouvait dans la collection de
Marotte quatorze eaux - fortes de
Wyck , qui , àla vente de son cabinet
d'estampes , ont été payés plus de
trois cents francs. Les plus remar-
quables sont : I. Une Femme assise
à terre, avec un bâton entre les
jambes , pièce en cuivre , d'un pouce
de diamètre. II. Un Cavalier au ga-
lop y de même dimension. III. Deux
Cavaliers qui font en courant le
coup de pistolet y de trois pouces de
large sur un de haut. IV, V et VI.
Trois Familles de villageois , dans
nn pciysage orné de ruines, mais
dont les personnages et les fonds sont
diiïérents. VII. Femme assise^ filant
sa c/uejiouille , et ayant son mari
accroupi par terre auprès d'elle,
etc. Wyck , à son retour d'Italie , s'é-
tait fixé à Utreclit ; il mourut de la
peste qui ravagea cette ville en 1686.
— Son fds Wyck (/e«;«) naquit à
Utreclit vers \6^5. Élevé par son
père, ses premiers tableaux le placè-
rent au rang des maîtres. Il peignit
de préférence des cliasses au cerf,
au sanglier, etc. Ses tableaux flattent
agréablement les yeux, par la no-
blesse de la composition, le mouve-
ment, l'air de fête qu'il a su y ré-
pandre : ce sont des femmes en ama-
zones, des chasseurs babilles magni-
fiquement, qui se livrent aux plai-
sirs de la chasse. Il a dessiné avec
talent les animaux , et surtout les
chevaux. Sa couleur est brillante;
son paysage est varié, ses arbres
d'un choix heureux , ses ciels et ses
lointains légers et vaporeux. Appelé
à Londres sur sa réputation , il la
soutint par de nouveaux ouvra-
ges. Ce fut lui que Kneller choisit
WYD
pour peindre le cheval de bataille
sur lequel était monté le duc de
Schombcrg, dont il e'tait chargé de
faire le ])orlrait. Ce tableau a été
gravé par Smith. Jean Wyck de-
meura plusieurs années à Londres ou
dans les villages des environs, tou-
jours occupé. Ses principaux ouvra-
ges, pendant ce séjour, sont : I. La
Bataille de la Bo/ne entre Guillau-
me m et Jacques IL II. Le Siège
de Namur. Il paraissait avoir pris
Wouwermans pour modèle. Ses
compositions en petit sont plus esti-
mées que celles en grand, sous le
rapport du pinceau et de la couleur.
Il mourut à Londres en 1-^02. P-s.
WYDR A (Stanislas) , jésuite et
professeur de mathématiques à l'u-
niversité de Prague , naquit à Koé-
nigsgrœtz le i.S novembre i']f^\ ^ et
mourut à Prague le 3 déc. i8o4.
Nous avons de lui : I. Elementa
calculi differentialis et integralis ,
meletema de regulis arithmetico-
rmn , Prague, 1773 , in-8o. II. An-
notationes in régulas arithmetico-
rum, quas régula aurea ingreditur,
ibid. , 1773, in-80. III. Supplemen-
tum tract atus de sectionïbus coni-
cis, ibid., 1775^ in-B». IV. Histo-
ria matheseos in Bohemid et Mo-
ravia cultœ , ibid., 177B, in-S^.V.
Fita Joseplii Stepling, ibid. , 1779.
VI. Oratio ad monumentum à Ma-
ria - Theresid - Augustd , Josepho
Stepling in bibliothecd Clemen-
tind erectum rituque solemni dedi-
catum , ibid. , 1780, et réimprimé
la même année, in-S*^. VII. Oratio
funebris , dùm almasodalitas latina
major Beatœ Mariœ Firginis ah
archangelo salutatœ Pragœ piis
suorum manibus parentaret , ibid.,
1780, in-8«. VIII. Vie de Bohus-
law Aloys Baldin , de la société
de Jésus y de Kœnigsgrœtz, publiée
WYE
le 29 décembre 1788 (ail.), il)id._,
in-8'^. IX. Sur les masses d'or qiie
Von a découvertes ère 1 7 7 1 ,à Pod-
mokl ( ail. ) , Prague , 1777, in - 8*^.
Le même auteur a publié , depuis
l'an 1773 jusqu'à sa mort;, plu-
sieurs Dissertations sous ce titre :
Tentamina ex mathesipurd et ap-
plicatd, Prapjue, in-8'^. G — y.
WYERMANNouWKYERMAJNN
(Jacques Campo), peintre fameux
par ses aventures, naquit à Brëda
en 1679. Sa mère, Elisabeth de Saint-
Mourel , appelée vulgairement Ljs
Sint-Mourel , avait servi dans les ar-
mées avec distinction ; et, après avoir
assisté à plusieurs batailles , elle avait
eu son congé comme sergent. Elle en
portait encore l'habit et la canne.
Son fils, à l'âge de dix -huit ans,
e'tait excellent peintre en paysage ;,
mais extrêmement débauché. Sa mè-
re j l'ayant un jour surpris avec une
personne de mauvaise vie, les mit à
la j)orte tous les deux à coups de
canne. Le jeune Wyermann se ren-
dit à Anvers , pour se perfectionner
dans la peinture. Delà il alla à Lille
avec une jeune personne qu'il avait
séduite. Ayant résolu de l'abandon-
ner, il écrivit au père, pour lui faire
connaître où il retrouverait sa fille.
A Paris il fréquenta les maisons de
jeu ; et après des aventures honteu-
ses il se rendit en Italie. S'étant ar-
rêté dans un petit endroit , à peu de
distance de Lyon , il se trouva obli-
gé de partager son lit avec un autre
voyageur , et coucha , assurent ses
biographes, avec Cartouche, qui,
ayant pris confiance dans sou carac-
tère, lui proposa d'entrer dans sa
bande. Le peintre refusa ; et Car-
touche, en le quittant, lui donna une
bourse pleine de louis et deux balles
de plomb qu'il devait montrer s'il
venait à être attaqué par la bande.
WYE 299
De nouvelles aventures l'attendaient
à Rome. 11 y trouva Van Dyk ; et,
comme com})atriotes, ils passèrent
quatre mois dans le même logement.
Mais un enlèvement et d'autres tours
forcèrent bientôt Wyermann , qui
avait pris le nom de Campo , à quit-
ter les états de l'Église. Il se rendit
en Allemagne ' et partout il donna
de nouvelles preuves qu'il n'oubliait
ni les conseils ni les leçons de Car-
touche. 11 s'occupait en même temps
de travaux bttéraires. 11 commença
à la Haye à travailler à sa Biogra-
phie des peintres y à son Fojage en
Brahant et à quelques autres petits
ouvrages qui eurent du succès, parce
qu'il savait manier adroitement la
satire. 11 s'enfuit à Londres avec une
riche veuve , qu'il abandonna quand
il eut dépensé ce qu'elle avait empor-
té. Étant revenu en Hollande, il com-
mença à publier son Amsterdamer
Harmans y journal dans le genre du
Spectateur anglais, qui eut du suc-
cès. Ses biographes disent que Pier-
re-le -Grand, pendant son séjour en
Hollande , vint le visiter , qu'il lui
proposa de le suivre en Russie , lui
offrant la place d'historiographe ,
avec le titre de conseiller -d'état, et
que Wyermann refusa , disant que
sa liberté lui était trop chère pour la
vendre. Cependant le journaliste
n'épargnait pas plus ses amis que ses
ennemis* ayant attaqué d'une ma-
nière grossière la Compagnie des
Indes Occidentales, il fut tout-à-coup
arrêté et condamné pour la vie aux
travaux forcés dans la prison de la
Haye , appelée la Cour de Hollande
(1789). Il y mourut en 1747* Parmi
ses écrits, nous citerons ses Lebens-
beschreibungen der Niederlands-
chen Kunfstschilders , ou Vies des
artistes des Paj-s-Bas^ la Haye,
1729, 3 vol. in-4''. Voyez Aventu-
3oo WYK
res singulières de Jacques Campo
TFyennauji ( holl. ) , la Haye, 1 766,
et en ail., Francfort et Leipzig, 1 764,
in-8«. G — Y.
W YKEHAM (William ou Guil-
laume de), chancelier d'Angleter-
re, et fondateur du collège Neuf à
Oxford, mérite la célébrité autant
par la part qu'il prit aux affaires
de son temps , que par ses vertus ,
sa munificence et son amour pour
les lettres. Il naquit, en iS^/j. ,
dans le Hampsliire , au village de
Wykeham. Le nom du lieu de sa
naissance était-il aussi celui de sa
famille ? c'est ce qui nous semble
très-peu probable. Son père et sa
mère ne se trouvent désignés dans les
documents historiques que par les
prénoms de Jean et de Sibylle. Quel-
ques écrivains ont voulu que le nom
de ses parents fût Long ou Per-
rot y mais sans apporter rien qui
ressemble à des preuves. Quoi qu'il
en soit , sa famille n'était pas dé-
pourvue d'illustration. Mais diver-
ses circonstances l'avaient réduite à
une telle pauvreté, que le père de
Wykeham ne put lui donner d'édu-
cation. Heureusement un protecteur
riche s'intéressa à l'enfant dont il sut
apprécier les dispositions. Ce sei-
gneur, appelé Nicolas Uvedale,lord
du manoir de Wykeham et gouver-
neur du château de Winchester , en-
voya l'enfant à l'école de cette ville,
et l'y garda jusqu'à ce qu'il eut ache-
vé ses cours. Wykeham apprit ainsi
tout ce que l'on savait de son temps
en grammaire , en mathématiques ,
en philosophie , en théologie et en
jurisprudence. C'est donc à tort
que quelques modernes , se copiant
les uns les auti-es , ont parlé de
l'ignorance de Wykeham comme
d'un fait hors de doute. Cette as-
sertion répandue dans le temps par
WYK
quelques hommes jaloux de la ré-
putation du célèbre chancelier, ou
opposés à sa manière de voir, n'a pu
être si légèrement adoptée que par
des compilateurs sans critique. 11 est
vrai que , lancé de bonne heure au
milieu des affaires et des intérêts po-
litiques , Wykeham ne put suivre ,
avec le soin que l'on y mettait alors,
toutes les controverses qui avaient
lieu entre les disciples d'Occam et
de Duns Scot. Mais comment penser
que , quoique étranger à l'érudition
scolastique du temps , le fondateur
d'un collège , l'appréciateur éclairé
des services que rendent les lettres
et les sciences , n'en ait point connu
les principes ? Wykeham était en-
core jeune lorsqu'il sortit du collège
de Winchester , et qu'il entra en
qualité de secrétaire au service de
son patron. Il fit alors connaissan-
ce avec lord Edyngdon, évêque de
Winchester, et soit par la recom-
mandation de ce prélat, soit par celle
d'Uvedale, il parvint à se faire dis-
tinguer du roi d'Angleterre Edouard
III. Quoiqu'il n'eût guère alors que
vingt-trois ans , il fut presque aus-
sitotattaché à la cour. On ne sait dans
quel poste il débuta ; mais en considé-
rant le goût du roi pour les beaux mo-
numents d'architecture, et celui dont
Wykeham commença, dès une épo-
que très-peu postérieure , à don-
ner des preuves, on a lieu de penser
que sa place était relative aux bâti-
ments que faisait élever le monarque.
En i356, il fut nommé intendant
de toutes les constructions royales.
C'est d'après son avis qu'Edouard
fit abattre la plus grande partie du
château; et c'est d'après ses plans
que la portion détruite fut rebâtie
à-peu-près comme on la voit actuel-
lement. Un autre grand ouvrage de
notre architecte fut le château-fort
WYR
de Quenborough : et quoique dans ces
constructions , en quelque sorte mi-
litaires , l'artiste ne piit librement dé-
ployer ce génie élevé, sévère et grave,
qu'il lit paraître depuis dans les bâti-
ments de Winchester et d'Oxford ,
on ne peut pas refuser des éloges
à son talent. Il n'est point étonnant
que sous le règne d'un souverain aussi
zélé pour l'architecture , Wykeham
se soit élevé à une haute faveur , et
enfin qu'il ait pris place parmi les
hommes d'état et les grands. Pour y
parvenir cependant il fut obligé de
prendre l'habit ecclésiastique } car
Edouard ^ peu maître chez lui , ne
disposait guère que des dignités de
l'Église. On a soupçonné toutefois
que l'habile archevêque était déjà
dans les ordres, parce que, dans
tous les documents déposés aux
archives d'Angleterre , et oii se trou-
ve le nom de Wykeham , ce nom
est accompagné de la qualification
de Clericus. Mais qui peut dire
que Clericus n'est pas une tra-
duction un peu plate du nom mê-
me de la dignité dont Wykeham
était revêtu ( clerk of the king's
Works y etc.)? Quoi qu'il en soit , le
prêtre intendant des constructions
royales fut nommé, en \35'] , rec-
teur de Pulham, dans le comté de
Norfolk • et, comme la cour de Rome
élevait contre son installation des
dililcultés qui semblaient devoir se
prolonger indéfiniment , le roi lui fit
payer une somme de deux cents liv.
ster!. , don considérable à cette épo-
que , et qui surpassait de beaucoup
les revenus du bénéfice dont la pos-
session était contestée par le souve-
rain pontife. Non content de ce pre-
mier bienfait, Edouard conféra bien-
tôt à son favori la cure de Flixton
dans l'église de Litchfield, cure que
celui-ci échangea l'année suivante
WYK
3oi
contre une autre pins avantageuse.
Il fut chargé ensuite de l'intendance
et de l'inspection générale des châ-
teaux de Windsor , Leeds , Dou-
vres et Hadlam , des manoirs du
vieux et du nouveau Windsor, de
Wichemer, etc. En i36o, il fut
nommé doyen de la chapelle libre
royale ou collégiale de Saint-Martin-
le-Grand, à Londres. Enfin, l'opi-
niâtreté pontificale ayant cédé aux
désirs bien prononcés d'Edouard ,
Wykeham prit tranquillement pos-
session du rectorat de Pulham. Les
années suivantes lui apportèrent en-
core de nouveaux bénéfices , dont le
revenu lui donnait annuellement 842
liv. sterl. ( 2io5o fr. ). Mais l'heu-
reux dignitaire faisait un noble usage
des faveurs de la fortune , et ne re-
cevait d'une main que pour donner
de l'autre. Pendant qu'il était doyen
de la collégiale de Saint-Martin-lc-
Grand, il fit bâtir à ses dépens le
cloître de la maison du chapitre , et
le corps de l'église. Son avancement
civil ne fut pas moins rapide. Char-
gé d'abord du sceau privé ( i364 ),
il devint successivement secrétaire
du roi , chef du conseil-privé, gou-
verneur du grand- conseil , et enfin
chancelier d'Angleterre. Remarquons
cependant qu'à l'exception de la der-
nière , toutes ces dignités ont semble
à quelques historiens n'être que des
quaUfications données à Wykeham,
par la voix publique ou par les cour-
tisans pour indiquer sa puissance
et son crédit auprès de son maître.
Mais cette conjecture nous semble
bien légère et peu vraisemblable ; car
encore est-il plus naturel de supposer
quelques antécédents à un chancelier,
que de le croire porté brusquement
et sans débuts préliminaires à une des
places les plus ém inentes et les plus
difficilesdel'admiiHstration. Aureste,
3oa
WYK
lorsque celte nomination fut portée à
Wykcliara , il y avait déjà quelque
tem|)s qu'il avait succède à son vieil
ami Edyngdou, en qualité d'evêque
de Wincliester ; et il avait reçu de la
cour de Rome les bulles les plus ho-
norables et les plus ilatteuses. Son
apparition dans le parlement fut
remarque'e par la nouveauté et la sé-
vérité du ton qu'il y adopta. Jusque-
là les prélats avaient apporté à la
tribune quelque (--'losede la verbosité
et de la bonlioraie delà chaire. Wy-
keham parlant d'affaires d'état ne
fut qu'homme d'état; et peut-être
est-il juste de dire que c'est à lui
qu'on dut le premier modèle du style
parlementaire. Cependant son admi-
nistration lui attira des ennemis; et
en i3'; I j le parlement ayant adressé
une requête au roi pour l'engager à
retirer à tous les hommes d'église les
dignités civiles dont ils étaient revê-
tus , Wykeham envoya sa démis-
sion , qu'Edouard accepta à regret ,
en obtempérant aux ordres que ses
chambres lui donnaient sous forme
de suppliques. Retiré dans son dio-
cèse, Vykeham réforma les abus, vi-
sita les églises, les couvents, et s'ap-
pliqua à rétablir la sévérité de la dis-
cipline antique. Il s'occupa en même
temps de l'établissement d'une maison
d'éducation; après avoir mûrement
réfléchi à la forme qu'il donnerait à
son institution j il se détermina à
bâtir, d'unepart un collège à Oxford,
et de l'autre , à Winchester , une
école destinée à lui servir de pépi-
nière. Il avait déjà fait beaucoup
d'achats dans la première de ces
villes , et l'école de Winchester, sans
posséder encore tous ses bâtiments ,
commençait à être en activité sous
Richard de Herton, lorsque les in-
trigues de ses ennemis, favorisés par
le duc de Lancastre , vinrent entra-
WYK
ver rexéculion de ses plans. C'était
le temps où Edouard , conliné à
Etham , par le regret d'avoir perdu
le prince Noir, abandonnait totale-
mentaux mains de Jean de Gand les
rênes de l'éfat. Ce prince, docile aux
suggestions d'Alix Pierce, venait de
faire mettre en prison Pierre de la
Mère , et de dépouiller du bâton de
maréchal le comte de March , pour
avoir osé parler de cette femme en
plein parlement avec plus de fran-
chise que de prudence. Wykeham,
coupable du même crime , fut dénon-
cé sous des prétextes frivoles. L*acte
d'accusation dressé contre lui rou-
lait sur huit chefs principaux; mais
sept furent écartés par ses collègues;
et ce fut seulement en considération
du huitième que les pairs décrétèrent
premièrement que Wykeham cesse-
rait de faire partie du parlement et
de paraître à la cour; secondement,
que l'on saisirait tout son temporel.
Une mesure aussi violente ne pou-
vait rester inaperçue et sans récla-
mation. Aussi , dès la séance suivan-
te , l'évêque de Londres ( Guillaume
Courtney ) déclara-t-il qu'il votait
contre tout subside accordé à la cour
( et l'on sait combien à cette époque
les troubles civils et les prodigalités
des princes rendaient les subsides ur-
gents ) jusqu'à ce qu'on eut fait sa-
tisfaction au clergé offensé tout entier
par la conduite que l'on venait de te-
nir à l'égard de l'évêque de Win-
chester. Ce discours hardi trouva des
approbateurs dans la chambre, et
fut appuyé par l'archevêque de Gan-
torbéry et d'autres membres, avec
tant d'énergie , que les partisans de
la faction lancastérienne se virent
obligés de céder au vœu de la majo-
rité , et d'admettre dans leur sein ce-
lui qu'ils venaient de faire exclure.
On sent qu'après cet échec ils ne
WYK
purent pas non plus maintenir long-
temps la saisie de son temporel.
D'ailleurs , l'opinion se déclarait con-
tre eux hors des chambres, bien plus
ëiiergiquement encore, car chacun sa-
vait à quel usage l'ëvêque consacrait
la plus grande partie des revenus ëpis-
copaux. Cependant en le remettant
en possession de ses biens ^ on ajouta
à la sentence de décharge cette clau-
se de'sagre'able, qu'il équiperait trois
vaisseaux de guerre pour le service
du roi, ou qu'il en paierait la valeur
présumée au trésor. Edouard III
mourut le sii juin 13^7, et avec
lui finit la toute -puissance du parti
de Lanca,strequi,dès l'avènement du
jeune roi , vit ses antagonistes plus
capables de lui disputer la victoire.
Un de leurs premiers triomphes fut
de faire complètement acquitter et
réhabiliter Wykeham. Néanmoins
celui-ci eut besoin d'appeler h son
aide toute sa circonspection pendant
la minorité de Richard H. Mais à
peine ce jeune prince fut-il arrivé à
l'âge de gouverner par lui-même ,
qu'il changea le ministère qui jus-
qu'alors avait gouverné en son nom.
Wykeham lit partie de la nouvelle
administration en qualité de chance-
lier , comme sous le règne précédent.
Sa réintégration fut accueillie avec
joie ; et , par son intégrité et sa
modération , il se montra digne de
la confiance de son souverain , au
milieu des circonstances orageuses
qui devaient amener bientôt la rui-
ne de la branche d'York. Il ne
put néanmoins , malgré ses conseils
et ses remontrances , éclairer l'inex-
périence ou l'insouciance du monar-
que sur les malheurs que tôt ou tard
devaient produire ses prodigalités in-
sensées , sa mollesse , son faste et son
éloignementdesall'aires.On sait qu'en
iSgo les ministres, effrayés de la
WYK
3o3
force avec laquelle l'opinion popu-
laire, si puissante dans un pays pres-
que en proie à l'anarchie , se mani-
festait contre la cour, et peut-être
redoutant pour eux-mêmes la respon-
sabilité de ce qui se passait, vinrent
se présenter devant la chambre des
communes , ofi'rant leur démission et
invitant les membres à faire l'examen
de leur conduite. Ce contrôle eut lieu
en eflcî , et les ministres , congédiés
avec éloge de la chambre ;, furent
invités à reprendre le timon des af-
faires. Wykeham consentit à rentrer
dans ses fonctions • mais il n'y resta
que peu de temps. L'année suivante,
il se démit une seconde fois et re-
tourna dans sa ville épiscopale de
Winchester , où il ne s'occupa plus
que de faire fleurir la piété parmi
les habitants , et d'assurer la supé-
riorité du collège qu'il venait enfin
d'élever à Oxford. Cet édifice projeté
si long-temps, était achevé depuis
cinq ans. Les économies considéra-
bles que Wykeham avait faites sur les
émoluments de ses places , et sur les
revenus de son évêché, l'avaient mis
à même de conduire l'entreprise avec
la plus grande célérité. Une parti-
cularité digne de remarque , c'est
qu'il ne fut pas seulement fondateur
dans l'acception vulgaire du mot.
Législateur , il conçut , il rédigea lui-
même les statuts de l'établissement :
architecte, il en dessina, il en sur-
veilla les constructioas. Approuve'
par un acte royal du 10 novembre
1879, et commencé le 5 mars i38o,
le collège avait été livré à l'enseigne-
ment le i4août i386, et portait le
nom de Sainte - Marie , qui fut
dans la suite changé en celui de
Collège - JYeuf. On peut voir dans
V Histoire d' Oxford , par Chalmers ,
tous les détails relatifs à la fonda-
tion de cette école célèbre , ainsi
3o4
WYN
que les statuts que lui donna le pieux
ëvcquc de Winchester. Wykeliara
vécut encore assez longtemps pour
voir prospérer les deux établissements
an'il avait créés. Enfin il mourut en
i4o4 7 dans sa quatre-vingtième an-
née , et fat enterré dans la cathédrale
de Winchester. Le docteur Lowth a
écrit la Fie de cet illustre prélat, sur
lequel on peut consulter aussi V His-
toire de IVinchester , par Milner.
P OT.
WYMPNA. Voy. Wimpina.
WYNANTS (Jean), paysagiste
de l'école hollandaise, naquit à Har-
lem en 1600. Ses ouvrages sont
très-recherchés; mais on connaît peu
les détails de sa vie. En Hollande mê-
me les hommes qui se livrent le plus
à l'étude des beaux -arts ignorent
l'époque et le lieu de sa mort. Ils
savent seulement que la débauche
avait usé sa santé, et qu'il fut enlevé
à ses amis long temps avant que l'âge
eût affaibli son talent. Ce qu'on ra-
conte de son caractère et du tour de
son esprit nous fait, au surplus, sup- ,
poser que les approches du terme
fatal ne durent pas l'épouvanter. Sa
gaîté naturelle n'était presque jamais
en défaut _, et la tradition du pays
rapporte , comme une particularité
curieuse , le récit d'un siège burles-
que dont il avait tracé et exécuté le
plan de la manière la plus originale.
C'était au sortir d'un dîner joyeux :
la place-forte consistant en murs de
gazon, s'élevait sur un monticule en-
touré d'eau. Les combattants avaient
pour artillerie des seringues. Ils ma-
nœuvrèrent si habilement de part et
d'autre , et la résistance du fort fut
si opiniâtre qu'il ne fallut pas moins
de deux heures aux assaillants pour
contraindre la garnison à capituler.
Les paysages de Wynants sont d'un
goût tout particulier, et qui les fait
V\/YN
aisément reconnaître. Ce peintre se
bornait à l'imitation exacte des sites
qu'il avait sous les yeux , mais il
avait le talent d'en faire un choix
piquant , et il excellait surtout à
peindre les cbemins sablonneux , les
cailloutagcs entremêlés de mousse ,
les accidents que présente l'écorçe
raboteuse des troncs d'arbre. Enfin ,
on ne peut rien imaginer de plus fini
et de plus spirituellement touché que
les plantes dont il a orné les devants
de ses tableaux. Mais il ignorait ab-
solument l'art de peindre les figures.
La plupart de celles qu'on trouve
dans ses compositions sont de ses
élèves , Philippe Wouvwermans et
Adrien Vanden Velde. Lingelback ,
Ostade et Van ïhulden lui ont aussi
prêté leurs pinceaux. Wynants gar-
dait à cet égard le plus grand secret.
Plus d'une fois, pressé de terminer
ses paysages sous les yeux des hom-
mes riches qui les lui avaient com-
mandés , il se trouva dans un extrê-
me embarras , n'osant entreprendre
des figures qu'il aurait manquées, et
ne se sentant pas d'ailleurs assez de
courage pour avouer son incapacité.
On lui a reproché cette faiblesse avec
d'autant plus de rigueur , qu'il ne se
piquait pas d'indulgence envers les
autres peintres de son pays. Le Mu-
sée royal possède quatre tableaux de
ce maître : I. Un paysage sur le
devant duquel il a représenté un hom-
me à cheval , tenant un panier. II.
La vue d'un chemin qui sépare un
bois d'une rivière. III. Une ferme.
IV. Un cavalier allant à la chasse
au vol. F. P-^T.
WYNANTZ ( le comte GoDwm
DE ) , né à Bruxelles , en 1661 , d'une
ancienne famille des Pays-Bas , fit
ses études dans cette ville, et se livra
dès sa jeunesse à l'étude du droit et
de la politique.' Devenu membre du
WYN
conseil souverain de Brabant , il se
fît remarquer par son zèle et ses con-
naissances , et fut distingue par l'em-
pereiir Charles VI , qui le nomma
lin de ses conseillers prives. Le comte
de Wynantz vint alors à Vienne,
et il mourut dans celte capitale , en
i6'6i , après avoir rendu de grands
services à son souverain , par ses lu-
mières et son dévouement. On a de
lui une collection utile et très-estime'e ,
qu'il a accompagnée de notes et d'ob-
servations très-judicieuses , sous ce
litre : Supremœ Curiœ Brahantiœ
decisiones recenliores y Bruxelles ,
1744 •> in-fol., et 1 vol. in-8". Z.
WYNDHAM. Voy. Windham.
WYNNE ( Edward ), juriscon-
sulte anglais, né en 1734, était pe-
tit-fils d'Owen Wynne , qui fut soiis-
secrétaire d'état de Charles II et de
Jacques II. Ses moments furent par-
tagés entre les occupations du bar-
reau , et la rédaction de quelques
écrits qui se rattachent à sa profes-
sion , et dans lesquels l'élégance du
style est unie à la profondeur et à la
science. 11 mourut à Chelsea , le a6
décembre 1784, non moins estimé
pour ses vertus que pour ses talents.
On a imprimé de lui : I. Mélan-
ges contenant quelques écrits de
jurisprudence , 17^15, in -8". II.
Eunomus , ou Dialogues concer-
nant les lois et la constitution
d'Angleterre , avec un essai sur le
Dialogue, 1774? 4 '^ol. in-8^.,
réimprimés en 1785 , après la mort
de l'auteur. Suivant Bridgman ,
dans sa Bibliographie légale , ce li-
vre serait plus estimé , s'il était
mieux connu j mais ayant été com-
posé avant et publié après les Com-
mentaires de Blackstone , son mérite
a été obscurci , sans être totalement
éclipsé, par le mérite supérieur de ce
dernier ouvrage. On eu fait cas néan-
WYN
3o5
moins comme ayant éclairci les prin-
cipes des lois et de la constitution
anglaises, et tracé un tableau instruc-
tif et judicieux des diverses branches
entre lesquelles se divise la pratique
du droit, et comme ayant recom-
mandé avec beaucoup de talent ime
méthode libérale et plus étendue pour
l'élude de cette science, en mon-
trant sa connexion nécessaire avec
les autres branches de la littérature.
— Wynne ( John Huddlestone) , lit-
térateur anglais, né en 1743, dans le
midi du pays de Galles, vint exercer
à Londres la profession d'impri-
meur j mais, s'en étant bientôt dé-
goûté, il sollicita et obtint un grade
dans un régiment qui s'embarqua
peu de temps après. Son caractère
difficile éloigna de lui tous les autres
officiers, et se voyant délaisse il
crut devoir retourner en Angleterre.
Il y épousa une jeune femme , dont
la dot fut promptement dissipée;
ce fut alors qu'il recourut à sa
plume pour subvenir aux besoins
de sa famille. Ses premiers es-
sais en littérature ne furent heu-
reux ni dans le choix des sujets,
ni dans le produit; et leur auteur en
recueillit à peine de quoi subsister.
Mais il s'attacha ensuite à un genre
plus relevé , et publia successivement ;
I. Histoire générale de l'empire
britannique en Amérique , compre-
nant tous les pays de l'Amérique
septentrionale et des Indes occiden-
tales cédés par la paix de Paris ,
1770, 2 vol. in-S''. II. Histoire gé-
nérale d'Irlande , depuis les temps
les plus reculés jusqu'à nos jours ,
1772, 2 vol. in-8^\ Le sujet de ce
dernier ouvrage, plus que le mérite
de l'exécution , lui procura quel-
que succès. On y reconnut^ ainsi
que dans ses autres productions ,
des traces d'un talent naturel, mais
20
3o6
WYN
qui n'avait ctc ni siilïisaniment culti-
vé ni bien dirigé. On cite encore de
Wynne : la Prostituée, poème, 1 77 1 ,
in-4^*« ; Choix d'emblèmes physi-
ques, historiques , fabuleux y etc,
en vers et en prose, poui l'amélio-
ration de la jeunesse, T772, in-12;
Les fleurs , fables destinées au
sexe féminin ; Evelina , poème -,
les Quatre Saisons , poème ,
1778^ V Enfant du hasard , ro-
man, 1787. Wynne mourut le 2
décembre 1 788. JPassant sa vie dans
la pauvreté , il repoussait quel-
quefois avec indignation les dons de
la bienfaisance , s'il ne les avait pas
sollicités. — Son oncle , Richard
Wynne, mort en 1799, à quatre-
vingt-un ans , recteur d'Ayot Saint-
Laurent, près Welwyn en Hert-
fordshire, avait publié, en 1764,
le Nouveau- Testament y soigneuse-
ment conféré avec le texte grec , et
corrigé, divisé et imprimé suivant
les divers sujets traités par les écri-
vains inspirés , avec la division or-
dinaire à la marge; accompagné de
notes critiques et explicatives, 2 vol.
in-8«. Z.
WYNPERSSE ( Jacques Thiens
Vanden ) , médecin , né à Gro-
ningue le 17 novembre 1761, était
fils d'un professeur à l'université de
Leyde, auteur de plusieurs livres
élémentaires très estimés. Le jeune
Wynpersse fit ses premières études
sous les yeux de son père , et se voua
de bonne heure aux sciences médi-
cales , surtout à l'anatomie. Reçu
docteur en 1788, il composa une
dissertation inaugurale , intitulée :
De Ankilosi; et dès l'année suivante
il publia une traduction latine de
l'ouvrage anglais du docteur Hewson
sur les vaisseaux lymphatiques, Ley-
de , 3 vol. in-80. ( r. Hewson). Il
concourut ensuite pour différents prix
WYN
académiques, fut couronné en 1786 ,
à Amsterdam , pour un Mémoire sur
la jaunisse , et en 1787 , à Paris ,
par la société royale de médecine
qui l'admit au nombre de ses mem-
bres correspondants, pour un Mémoi-
re sur la maladie appelée muguet, mil-
let oublanchet. Wynpersse se livrait
en même temps avec beaucoup de suc-
cès à la pratique médicale , et tout
annonçait pour lui une brillante car-
rière, lorsqu'une mort prématurée
vint le frapper , à peine âgé de vingt-
huit ans, le 6 avril 1788. Il avait
déjà formé un très-riche cabinet ana-
tomique dont ^université de Got-
tingue fit l'acquisition. La société
provinciale d'Utrecht couronna trois
mois après sa mort un Mémoire sur
la Coqueluche _, qu'il lui avait en-
voyé. Z.
WYNTON , WYNTOWN , on
WINTON ( Andrew) , ancien chro-
niqueur écossais , né vraisemblable-
ment sous le règne de David II , roi
d'Ecosse , au quatorzième siècle , fut
chanoine régulier de Saint- Andrew,
et prieur du monastère de Saint-Serf,
situé dans l'île de Lochleven au comté
de Kinross. On ne connaît pas plus
la date de sa mort que celle de sa
naissance; mais l'époque de quelques
événements mentionnés dans son livre
autorise à étendre son existence au
moins jusqu'à l'an 14^0. La Chro-
nique originale d'Ecosse par Wyn-
ton, joint au mérite de l'exactitude
et de la sincérité l'avantage ;, rare
dans les chroniques antérieures au
dix-septième siècle, d'être écrite dans
la langue du pays , en vers faciles ,
et souvent d'un style animé. L'auteur
avait eu la connaissance immédiate
d'un grand nombre des faits qu'il
rapporte , ou les tenait de ceux qui
en avaient été témoins. Il fut con-
temporain de Barbour {F. ce nom),
WYR
au mérite duquel il se plaît à rendre
hommage; il le fut aussi de Fordun ,
auquel il survécut , et auquel il n'est
pas inférieur dans les qualités essen-
tielles de l'historien. L'ouvrage de
Wynton resta long-temps manuscrit;
et ce n'est qu'en 1795 que David Mac-
pherson donna , de la portion qui se
rattache plus particulièrement aux
affaires d'Ecosse ,une très-belle édi-
tion en deux volumes in-S''. , ajou-
tant au texte , un glossaire , des
notes savantes , et d'autres acces-
soires utiles. A défaut de documents
plus anciens, qui ont péri depuis
long-temps , ce livre peut être con-
sidéré comme une relation originale
des transactions et des événements
d'un âge éloigné. L.
WYON. Voy, WiON.
WYRWICZ ( Charles ) , jésuite
polonais^ né en 1716, était, en
1766 , recteur du collège des Nobles
à Varsovie , et, en 1787 , abbé
commendataire de Habdow. Il mou-
rut à Varsovie en 1793. Nous avons
de lui plusieurs ouvrages savants sur
la géographie et l'histoire des peu-
ples du Nord , entre autres : I. His-
toire des révolutions russes , par B.
Lacomhe, traduite en polonais avec
des observations. II. Chronologie
des monarques russes ^ depuis 879
jusqu'à Van 176:2, servant de suite
à la chronique de Strjikowski ( F.
ce nom) , Varsovie , 1 766. III. .abré-
gé raisonné de V Histoire univer-
selle sacrée et profane , a V usage
des pensionnaires du collège des
Nobles de Varsovie de la compagnie
de Jésus , de l'imprimerie royale ,
1 766 à 1 77 1 , 9. vol. in-8°. L'auteur
pubba le même ouvr.ige en polonais
sous ce titre : Histoire universelle
abrégée , Varsovie , à l'imprimerie
de la cour ( 1 787 ), tome i^i . , compre-
nant l'Histoire du peuple de Dieu ; la
WYS
807
suite n'a point paru. IV. Géogra-
phie des états actuellement exis-
tants ^ avec la description de leur
gouvernement , de leurs lois, de
leur commerce , de leurs manufac-
tures , de leurs mœurs , usages ,
etc., ouvrage destiné à l'instruction
des jeunes gens (polonais ) , Varso-
vie , 1768 , tome i^^r. ^ in-80. Cet
ouvrage classique se recommande
par son exactitude , par la clarté et
l'élégance du style. Le second tome
n'a point paru , et la vente du pre-
mier fut même prohibée, à la réqui-
sition d'un ministre qui sans doute
était celui de la Russie. L'auteur,
ayant fondu les deux tomes ensem-
ble , publia une seconde édition ,
également à Varsovie , à l'imprime-
rie des Jésuites, 1778, in-8*^. V.
Observations sur le Pamientnik^ ou
Mémorial politique et historique ,
journal publié en polonais depuis
1782, Varsovie, 1788 à 1785 , 3
petits vol. in-S*^. La critique sévère
du P. Wyrwicz n'empêcha point le
succès de ce journal qui, ayant cessé
en 1793, fut repris depuis, et se
continue aujourd'hui sous un autre
titre. G — y.
WYSS ( Bernard ) , citoyen de
Zurich , vivait dans le quinzième et
le seizième siècle, si , comme il le rap-
porte, il avait neuf ans en 1472. H a
laissé tant sur les événements con-
temporains que sur quelques-uns de
ceux qui l'avaient précédé , un ma-
nuscrit curieux intitulé : Précis de
quelques faits mémorables arrivés
depuis le comte Rodolphe de Habs-
bourg^ etc. ( Kurtzer Auszug etlicher
dcnkwirdiger Sachen so sid Graf
Rudolf von Habsburg beschehen
sind ) jusqu'en i5i9, in-4"- , dans
la bibliothèque de Zurich j continué
jusqu'à 1700 , et considérablement
augmenté, parUlrich Brennwald,dia-
20..
3o8 WYS
cre. La partie de l'ouvrage composée
j)ar Wyss est une véritable chroni-
que scandaleuse de Zurich • mais elle
a le mérite de faire connaître avec
le plus grand détail , et sans doute
avec la plus grande iidelite, beaucoup
de faits relatifs aux habitudes et aux
mœurs des Suisses du moyen âge. On
ne peut néanmoins douter que beau-
coup de fables ne scient mêlées aux
anecdotes souvent piquantes que con-
tient son recueil, lise plaît à donner
des détails astronomiques, et narre
avec beaucoup de précision tout ce
qui a rapport aux comètes et aux
cch'pses. Les derniers historiens de
la Suisse ont eu souvent recours à
cet ouvrage. — Outre Bernard, trois
autres personnages suisses , du nom
de Wyss , nous ont laissé des ma-
nuscrits relatifs à l'iiistoire de leur
pays. Ce sont : i". Nicolas Wyss,
de Ratisbonne _, citoyen de Bade , et
eu i5i3 bourgeois de Zurich, tué
en i53i à la bataille de Gappeler ,
et auteur d'une Chronique qui con-
tient beaucoup de renseignements
sur l'origine du luthéranisme (Fues-
sli y a amplement puisé pour la
rédaction de ses Bejtrœge ) ; 20.
Hans - Henri Wyss , dont on a une
Histoire de la ville et du canton de
Zurich^ 3 vol. mss. ( on n'en a im-
primé qu'un morceau , intitulé Des-
cription de la bataille de SempacJi ,
Zurich, 1783 , in-80. )j 30. Félix
Wyss , né en i SgG à Zurich , poète
lauréat en 1616, diacre de Wenin-
gen en 1 6 1 8 , professeur de théolo-
gie dans sa ville natale en i638.Ily
mourut en 1666 , laissant, outre des
Sermons, une Analyse du catéchisme
et d'autres ouvrages latins , notam-
ment un morceau en vers hexamè-
tres sur les héros produits paria ville
de Zurich {Uo}au.oypy.fixTiguri7tay
<?tc, ^ i665 ). Gaspard Wyss, son
WYT
frère, fut auteur d'une Dictcriolo^
giagrœca^ et d'une traduction alle-
mande des Meditationes prœparato-
riœ ad sanctam cœnam du ministre
protestant Drelincourt. P — ot.
WYTFLIET (Corneille) , histo-
rien et géographe, né à Louvain vers
le milieu du xvi^. siècle, exerça pen-
dant plusieurs anjiées l'emploi de
secrétaire du roi au sénat de Bra-
bant. On a de lui : Descriptionis pto-
lœmdicœ argumentum ; sive occi-
dentis notitia , hrevi conimentario
illustrata , Louvain , iSgS , in-fol. ,
avec cartes j seconde édition aug-
mentée , Douai , i6o3 ; Arnheim ,
i6i5 , in-fol. , avec cartes. Ptolémée
n'ayant pu faire la description de
l'Amérique qui n'était pas connue de
son temps, Wytfliet voulut donner
un supplément à cet ancien géogra-
phe, et afin que son travail fût plus
utile au public, il y ajouta une no-
tice détaillée sur les pays nouveaux.
Ce livre contient la relation de la
découverte et de la conquête des di-
vers pays de l'Amérique , et des
détails curieux, mais très-succincts ,
sur leurs habitants et leurs produc-
tions. Les cartes sont dressées d'après
l'idée qu'on se faisait alors de la
forme de ces contrées. Cet ouvrage
fut traduit en français sous ce titre :
Histoire unii^erselle des Indes occi-
dentales , où il est traité de leur
découverte y description et conquête
faite tant par les Castillans que
les Portugais^ ensemble de leurs
mœurs, religion, gouvernement et
lois , Douai , 1607 , in-fol. , carte. On
trouve souvent à la suite , dans un
même volume : Histoire universelle
des Indes orientales , divisée en
deux livres , faite en latin , par
Antoine Magin ; la suite de l'His-
toire des Indes orientales : De la
conversion des Indiens : aucunes
WYT
é/dlres notables du pays du Japon:
Discours de la conversion des In-
diens occidentaux , ibid. Ë — s.
WYTTENBACH (Daniel), sa-
vant philologue de l'école hollandai-
se du dix- huitième siècle , naquit à
Berne, le 7 août 174^, de parents
issus Tun et l'autre de familles patri-
ciennes. Son père , ayant le même
prénom , professeur à l'académie de
sa ville natale, théologien distingue'
par ses vertus et son savoir^ mar-
chait avec honneur sur les traces
d'ancêtres de pieuse et docte mémoi-
re , célèbres dans l'histoire de la rë-
formalion helvétique , dont le plus
illustre , Thomas Wyltenbach , natif
de Bienne , avait enseigné la théolo-
gie à Baie, au commencement du
seizième siècle , et compté au nombre
de ses disciples Ulrich Zvvingle et
Léon Judas. Son iils Daniel , destiné
à la même carrière, fréquenta l'école
publique , et se fit d'abord moins re-
marquer par son application que par
sa vivacité et par son goût pour les
combats que se livrait la jeunesse ber-
noise , divisée en partis ennemis, jeux
stratégiques , qui étaient quelquefois
pour les parents une source d'inquié-
tude, par l'acharnement qu'y met-
taient les combattants et les blessures
auxquelles ces expéditions guerrières,
parfois plus que simulées, exposaient
les enfants les plus ardents. Le jeune
Wyttenbach paraît s'y être signalé
par son zèle et son dévouement à la
petite troupe d'écoliers dont il était
un des chefs les plus entreprenants.
La dilférenîe manière dont il fut re-
pris par ses parents, après un dan-
ger imminent qu'il avait couru dans
rintérêt de son parti , laissa une pro-
fonde impression dans son souvenir.
La sévérité avec laquelle il fut traité
à cette occasion , par son père , ne
servit qu'à le révolter, tandis que
WYT
009
les tendres et touchantes représenta-
tions de sa mère l'émurent jusqu'au
fond de l'ame , et y firent germer des
sentiments qui réprimèrent plus effi-
cacement sa témérité que le châti-
ment rigoureux infligé par la main pa-
ternelle, sentiments dont il se plaisait
à retracer l'origine et l'influence sur
sa conduite. La méthode vicieuse de
l'instruction élémentaire qu'il rece-
vait au gymnase de Berne était cor-
rigée par les entretiens de son père ,
qui, à la promenade et dans leurs
courses alpestres , l'exerçait à la
construction de courtes phrases la-
tines. Wyltenbach aimait à se raj)-
pcler que les conseils exprimés en
latin par son père , pour lui re-
commander la frugalité, l'applica-
tion , le renoncement aux jouissances
sensuelles, qui amollissent l'enfant
pour faire de l'homme une proie plus
facile de la corruption, le frappaient
davantage , et lui présentaient un
plus grand caractère de vérité et d'u-
tilité que lorsqu'ils étaient répétés
en allemand. A l'âge de dix ans, Dan.
Wyltenbach changea de séjour et
d'instituteurs , son père ayant accep-
té la place de professeur à l'univer-
sité de Marbourg , dans le landgra-
viat de Hesse-Cassel. \A , comme à
Berne, on ne se contenta pas de l'en-
voyer dans les écoles publiques; son
père lui donna pour précepteur parti-
culier Jacques Jauger, jeune savant
plein de mérite , dont Wyltenbach a
toujours loué le zèle et les connaissan-
ces, mais qui , par une fausse métho-
de, retarda les progrès de son disci-
ple. Au lieu d'exercer sa mémoire
et de lui faire apprendre tout sim-
plement par cœur les conjugaisons
grecques, il se perdait en raison-
nements analyti(pies , pour cxpli-
{[uer à l'enfant la formation des temps
du verbe , manie dont beaucoup d'ins-
3io W'YT
tituteurs furent saisis dans le dernier
siècle. Ils s'étaient imagine' que la sai-
ne pliilosopliielcurprescrivaitdecul-
tivcr surtout la raison de leurs elè-
T€s, et contrariaient ainsi la marche
({ue la nature suit dans le développe-
ment des facultés de l'enfant, en at-
tachant facilité et plaisir aux exerci-
ces qui occupent la mémoire , et
mettent en jeu l'imagination , tandis
que les forces i?itellecttiel!es d'un or-
dre supérieur se refusent encore au
travail qu'on veut leur imposer. Le
père de Wyttenbach , homme plein
de sens, vint à son secours et , le
délivrant de cet enseignement pré-
maturément rationel , lui assura
la pleine jouissance des fruits qu'il
recueillait d'ailleurs de la capacité
de son instituteur et de son goût pour
les écrivains de l'antiquité. A qua-
torze ans , il fut admis aux cours de
l'université^ nommément aux leçons
de Coing , sur la philosophie ; de
SpangenÏDerg ^ sur les mathémati-
ques ; de Schrœdcr^ sur les littéra-
tures grecque et hébraïque , et de
Geiger , sur l'histoire et le style la-
tin. Aucun de ces professeurs ne
manquait d'instruction et de talent;
mais Spangenberg surtout laissa dans
le souvenir de Wyttenbach de pro-
fondes impressions de vénération
et de gratitude. C'était un homme
d'une piété douce et fervente^ et qui ^
quoique mathématicien rigoureux, se
laissait fréquemment entraîner à des
digressions sur la sagesse du géomè-
tre souverain , qui a si merveilleuse-
ment assorti les nombres, poids et
mesures aux besoins de ses créatures
et à l'accomplissement de ses plans
adorables. Wyttenbach aimait à se
rappeler le sourire de joie intérieure
(jui brillait sur les lèvres de l'excel-
lent professeur ^ quand , après avoir
achevé la démonstration d'une pro-
WYT
position , remarquable par son im-
portance et sa liaison avec un ordre
supérieur d'idées , il se retournait du
tableau vers ses auditeurs, comme
tout resplendissant des rayons de la
vérité divine, et conviant leurs jeu-
nes cœurs au partage des sentiments
délicieux qui inondaient son ame.
Wyttenbach faisait des progrès pro-
portionnés à son ardeur et à ses heu-
reuses dispositions, lorsqu'un livre
de piété, qu'il avait trouvé dans la
bibliothèque de sa mère , et dont le
titre avait piqué sa curiosité , vint in-
terrompre le cours de ses études par le
trouble inexprimable où il le jeta : c'é-
tait l'ouvrage de J. Bunyan, intitulé :
le Pèlerinage du chrétien vers une
éternilé bienheureuse. Comparant
le tableau des dispositions que l'au-
teur exige du fidèle avec l'état de
son ame , il se crut menacé de la
damnation éternelle, et tomba dans
un découragement voisin du déses-
poir. Vainement ses parents , ses
sœurs, ses amis, cherchaient à pé-
nétrer les causes du changement qui
s'était opéré dans toute sa personne ,
et de la taciturnité qui avait succédé
chez lui à des habitudes très-commu-
nicatives. Pendant neuf mois il garda
un silence obstiné. Enfin sa mère
réussit , par de tendres sollicita-
tions , à lui arracher son secret j et
son père , aidé de son respectable
collègue Spangenberg , qui avait tou-
te la confiance du jeune homme ,
parvint à ramener le calme dans son
esprit , et à lui rendre la force de re-
prendre ses travaux avec son ancien
zèle. Le biographe de Wyttenbach,
M. Mahne^ nous a conservé la subs-
tance des conversations qui produi-
sirent ce bon résultat; mais, bien
qu'elles soient pleines de sens et de
justes reproches , fondés sur le
mystère qu'il avait fait à ses pa-
WYî
leiils et à ses maîtres de la lecture
de Bunyan et des effets qu'elle
avait eus sur son esprit, on est
fâche de ne pas voir dans ces entre-
tiens l'impression qu'elle avait pro-
duite sur les sentiments du jeune
homme , appréciée avec plus de dis-
cernement, et la part faite, dans les
intérêts d'un avenir sans bornes , à
ce qu'elle contenait de salutaire ,
comme à ce qu'elle pouvait entraîner
de nuisible et d'exagere. Allant au
plus presse , ils s'attachèrent unique-
ment à combattre les terreurs supers-
titieuses dont Wyttenbach avait été
frappé , et à lui recommander une
application redoublée à l'élude de la
philosophie et dos belles-lettres, com-
me propre à guérir plus prompte-
ment les blessures que lui avait faites
une doctrine mal comprise. 11 n'est
pas douteux que la tournure que
prit cet épisode dans le cours de
ses travaux académiques n'ait con-
tribué à le dégoûter de la théologie,
à l'enseignement de laquelle son père
eût désiré qu'il se consacrât. Par dé-
férence pour ce vœu , il suivit pen-
dant quelque temps les leçons des
professeurs de cette faculté j mais
c'est à regret qu'il leur donnait les
heures qu'il aurait préféré employer
à la lecture des auteurs grecs. Ce
goût devint si prédominant , et
son éloignement pour la carrière
à laquelle il était destiné s'accrut
de jour en jour tellement, que son
père, venant au-devant de ses
désirs, finit par l'encourager à se
donner tout entier à la branche de
philologie qui s'était si puissamment
emparée de lui. Cet acte de paternelle
indulgence lui ouvrit sa véritable
carrière, à l'a go de dix-huit ans. Il
faut l'entendre lui-même , retraçant ,
à une époque où ses travaux lui
avaient acquis une renommée impé-
WYï
3i
rissable (Préface de la Chi^stomathie
grecque hislorique, p. xxxi ) , le sou-
venir de ses premiers tâtonnements
dans le genre de littérature où il
s'est illustré : « J'avais , » dit- il , en
s'adressantàla jeunessebatave,« dix-
huit ans • j'étais , pour l'intelligence
des auteurs grecs , tout au plus au
degré que la plupart d'entre vous at-
teignez après avoir assisté quatre
mois à mes leçons. Me voilà maître
de mon temps , et reprenant en main
des livres que j'avais déjà lus : l'e-
crit de Plutarque sur V éducation ,
travail laborieux sans plaisir ; Héro-
dien, un peu d'attrait, mais rien
qui me satisfît. Le hasard me fait
ouvrir les Mcmorahilia de Xéno-
phon, dans l'édition d'Ernesti; ma-
gie irrésistible, dont je n'ai pu me
rendre compte que beaucoup plus
tard. » 7\.près avoir lu et relu les
Oiiuvres de Xénophon,il prit la réso-
lution de lire tous les écrivains clas-
siques dans l'ordre chronologique ,
et de laisser de coté tout autre genre
d'études philologiques, jusqu'à ce
qu'il eût accompli cette tâche. Ainsi
les circonstances et son propre mou-
vement le firent, dès l'entrée de la
carrière qu'il s'était choisie , mar-
cher vers les sommités du domaine
de l'érudition et de la saine critique,
d'un pas ferme , directement et par
la même voie que les grands maîtres
qui en tiennent le sceptre , Hemster-
huys, Ruhnkenius et Yalckenaer, ont
indiquée comme; la seule qui puis-
se mener au but sûrement. On sait
combien , toutes les fois que l'occa-
sion s'en présentait , ils déploraient
les habitudes et les besoins, contraires
aux intérêts de l'enseignement, qui
ont donné aux lettres latines la prio-
rité de temps et la primauté d'im-
portance dans la série des études sco-
laires. La lecture de Démosthène et
3i2 WYT
de Platon, qui succéda à celle de
Xénophon , et la recherclie des se-
cours nécessaires à leur intelligence ,
lui ayant fait connaître les travaux
des meilleurs humanistes^ entre au-
tres les notes de Rulinkenius sur le
Lexique de Timee • ce chef- d'œuvre
de la philologie grecque lui donna
le plus vif désir de se mettre sous la
direction d'un si habile critique. Pour
se rendre digne d'en être accueilli, et
prenant pour modèle le soin avec le-
quel Ruhnkenius retrace les citations
et les imitations de Platon , se repro-
duisant dans tout le cours des siècles
littéraires de la Grèce , il fit impri-
mer à Gottingue , oii il s'e'tait rendu,
afin de s'aider des conseils deHeyne,
un écrit intitule : Epistola critica ad
vir. cel. Davidem Ruhnkenium, su-
per nonmdlis locis Juliani imp., cui
accesserunt animadversioncs in Eu-
napiinnet Aristœnetum , Gottingue,
1 769 , in-8". ; réimprimé , en 1802,
par les soins du savant M. Schœfer.
Cet essai était un coup de maître, et
fut jugé tel , non-seulement par Ruhn-
kenius, mais par le plus grand hel-
léniste des temps modernes , Valc-
kenaer. Wyttenbach, sûr d'un bon
accueil de la part de ces deux il-
lustres disciples d'Hemsterhuys , qui
étaient devenus les objets de sa plus
haute admiration, échangea le séjour
de Gottingue contre celui de Leyde ,
dans l'intention de profiter de l'en-
seignement et des conseils de guides
si éclairés. S'il fallait une preuve de
plus que, sans enthousiasme, on ne
s'élève dans aucun genre au-dessus
de la médiocrité, on n'aurait qu'à lire
ce que le biographe de Wyttenbach
raconte, d'après son maître, des
émotions qui l'agitèrent lorsqu'il ar-
riva à Leyde. Il lui sembla qu'il était
entré dans Athènes, qu'il avait en
face le temple de Minerve. L'ouvrier,
WYT
le portefaix , îe matelot qu'il rencon-
trait lui paraissait un être saci-é^hono-
ré du commerce des Muses. A chaque
mouvement il s'imaginait poser Icpied
sur l'empreinte du pas d'un des héros
de l'érudition classique , de Scaliger,
de Gronov, deHemsterhuys, et sur-
tout des duumvirs dont la renommée
l'avait conduit dans les murs de Ley-
de. Il a décrit lui-même, dans sa Vie
de Ruhnkenius , le charme qu'il trou-
va dans ses relations avec ces deux sa-
vants , et principalement avec Ruhn-
kenius, qui ne tarda pas à lui pro-«
curer l'offre de la place de profes-
seur de philosophie et de littérature
dans le collège des Remontrants
à Amsterdam , et le détermina , en
l'acceptant , à se fixer en Hollande.
Dans ce poste , dont il prit posses-
sion solennelle en prononçant un
discours De conjunctione philoso-
phice cum elegantioribus litteris ,
il se concilia bientôt l'estime du
public d'Amsterdam , non moins
que raifection des jeunes gens qui
fréquentaient ses leçons , et dont
le nombre augmenta de manière à
faire à la fois l'éloge du maître et
du bon esprit des habitants d'une
ville commerçante, vouée en appa-
rence à tout autre culte qu'à celui
des Muses. Le zèle et le talent de
Wyttenbach étaient bien propres à
nourrir le goût des Hollandais pour
la littérature ancienne : mais il serait
injuste de le rapporter entièrement à
son enseignement. Soit que les étroi-
tes bornes de leur patrie, en rapetissant
le théâtre de toute gloire littéraire
indigène , aient fait transporter aux
hommes de talent leur domicile in-
tellectuel au sein de l'antiquité •
soit que l'ascendant de quelques
grands philologues , attirés dans
les universités bataves par des ins-
titutions favorables à la liberté et
par la mimifieence de magistrats ,
amis des lettres , ait imprimé aux es-
prits cette direction particulière; soit
enfin que la nécessité de faire preuve
de connaissances solides dans les lan-
gues anciennes pour obtenir des pla-
ces honorables dans Tordre civil ,
aussi bien que dans le ministère sacré,
aitlà plus qu'ailleurs favorisé ce genre
de savoir : il est hors de doute que ,
depuis la fin du seizième siècle , la
Hollande a été le sol classique des
lettres grecques et latines , et que ses
humanistes leur ont rendu à eux seuls
plus de services que ceux de tous
les autres pays. C'est la gloire de
Wyttenbach de s'être placé, dans
l'opinion des juges compétents , à
côté de Grotius , de J.-F. Grono-
vius, d'Hemsterhuys , de Schultens ,
de Yalckenaer , de Wesseling , de
tous ceux qui tiennent le premier
rang entre les philologues. Sachant
que pour élever un monument du-
rable , il ne faut point gaspiller son
temps et son travail, et préférant la
culture soigneuse d'un coin du vaste
champ de l'érudition à des recher-
ches trop variées , et partant incom-
plètes , il résolut de consacrer sa vie
à une édition critique des OEuvres
de Plutarque. Afin de constater son
aptitude à celte difhcile entreprise,
et d'offrir des garanties aux éru-
dits qui voudraient , par des colla-
tions de manuscrits et des conseils,
l'aider dans son exécution , il publia
à Leyde , en 177^, comme échan-
tillon , le traité De sera Niiminis
vÎTidicta ( in-80. , de 1 48 pages ) ,
accompagné d'un commentaire qui
l'éleva , jeune encore , au rang des
ftiaîtres. Après avoir donné à l'é-
tude de Plutarque, pendant quatre
ans , tout le temps que ses fonctions
académiques lui laissaient, et après
avoir arrêté les points principaux
WYT 3i3
sur lesquels devaient porter désor-
mais ses recherches pour rendre sa
récension digne d'un pareil écri-
vain , il résolut de visiter les prin-
cipales bibliothèques de l'Europe
et d'en examiner les manuscrits.
11 commença par le voyage de
Paris , où il fut accueilli avec dis-
tinction par les amis des lettres,
et se lia étroitement avec Larcher ,
Sainte-Croix et Villoison. Dans plu-
sieurs de ses écrits , il fait , avec re-
connaissance , l'éloge des encourage-
ments qu'il trouva dans la société
des savants parisiens , et des soins
aussi tendres qu'habiles qu'il reçut
du docteur Lorry dans une maladie
grave , soins qui le rendirent assez
prompteraent à ses occupations et à
ses amis d'Amsterdam , parmi les-
quels il a célébré dans ses ouvrages ,
par des dédicaces ou les mentions les
plus honorables , Jérôme de Bosch ,
éditeur de l'Anthologie de Grotius ,
et auteur d'un poème latin de l'Éga-
lité des hommes , dédié à Wytten-
bach , Pierre Fontein, Mathias Tem-
minck et Constantin Gras. En 1779,
les magistrats d'Amsterdam , pour
conserver plus sûrement un profes-
seur qui répandait tant de lustre sur
les établissements littéraires de cette
ville, et que plusieurs princes d'Alle-
magne, ainsi que sa patrie , le can-
ton de Berne, tâchaient d'attirer
par des olFres avantageuses^ créèrent
dans une institution florissante, ap-
pelée V Illustre Athénée, une chaire
de professeur de philosophie dont il
prit possession le 25 octobre 1 779 ,
par un discours, modèle comme tout
ce qui est sorti de sa plume , d'une
latinité élégante et pure : De Fhilo-
sophid y auctore Cicérone, laiidata-
riiin artium omnium procréatrice et
quasi parente. \jes travaux auxquels
il se livra pour satisfaire aux devoirs
3i4 WYT
de cette place , donnèrent naissance
à plusieurs écrits , marques au coin
de la plus saine philosophie et d'une
grande connaissance de ses vicissitu-
des. L'histoire de la science y marche
constamment de front avec son ex-
position didactique. Le principal de
ces écrits est im traite de logique
publié à Amsterdam, en 1781, in-8'\
de 2^5 pag., et deux fois réimpri-
mé à Halle _, par les soins du célèbre
J.-A.Éberhard, etde J.-G.-E.Maas,
sous ce titre : Prœcepta philosophiœ
logicœ , 1794 et 1821. C'est à cetre
même époque que se rapportent deux
Mémoires couronnés par les admi-
nistrateurs des fondations Stolpienne
et Teylerienne, l'un sur la question :
JYùm sold rationis vi , et quibus ar-
gumentis y demonstrari potest ^ non
esse pliires unà Deos ? Et fue-
rimt-ne unquam popilli aut philoso-
phie qui hujus veritatis cognitioneni
sine revelationis divinœ , ad ipsos
propagatœ y auxilio habuerint ?
l'autre sur cette autre question : Qiiœ
fuit veterum philos ophorum , indè
à Thalete et Pythagord usque ad
SenecarUy sententia de vitd et statu
animorum post mortem corporis ?
Cinq leçons sur le dernier sujet ont
été trouvées dans les papiers de
Wyttenbach , et imprimées à Gand ,
en 1824 (in-80. de i43 pag.), avec
les notes de M. Mahne^ qui a pu-
blié, en 1826^ les cahiers dont
Wyttenbach se servait dans ses le-
çons de métaphysique : D. Wyt-
tenbachii brevis descriptio institu-
tionum metaphysicarum y Gand
(grand in - 8°. de 2i6 pages).
La même époque vit paraître les
septième et huitième parties de la
Bibliothèque critique, commencée
en 1777 , et pour laquelle Wytten-
bach s'était associé David Ruhnke-
nius, H. -A. Schultens, van Santcn
WYT
et d'autres philologues estimés. Ce
journal dont la dernière partie, la
douzième, est de 1807, acquitbientôt
une réputation européenne , et survi-
vra à la plupart des livres qui y sont
analysés. Tous les procédés de la
critique verbaley sont appliqués avec
un talent et dans un langage qui en
font une lecture beaucoup plus utile
et agréable que ne peut l'être l'étude
d'un ouvrage méthodique sur les
principes de cet art. On y trouve des
morceaux dont aucun humaniste ne
peut se passer , tels que les notes sur
la première harangue de Julien (dans
les première et deuxième parties du
vol. 3), des jugements très-développés
sur l'Appien de JM. 8chweigha;u£er,
le Cicéron d'Ernesti et de Heusinger,
les Lectiones Andocideœ de Sluiter ,
leLongin deToup, l'Épiclète deHey •
ne, lesAnaîectesdeBrunck, le Phala-
ris de Lennep, l'hymne m Cereremde
Ruhnkenius, IcLibanius deReiske, les
ouvrages de Tiedeman et de Meiners ,
relatifs à l'histoire de la philosophie
grecque , les éditions des tragiques
grecs de Brunck, Musgra ve, etc. Quel-
quefois l'éditeur s'y élève à des con-
sidérations générales, tantôt histori-
ques , tantôt philosophiques, et tou-
jours du plus grand intérêt. La
douzième partie de cette Revue phi-
lologique est précédée d'une Lettre
adressée au baron F. -G. van Lyn-
den , l'un de ses meilleurs élèves ,
dans laquelle il combat les princi-
pes du système de Kant , en latin
d'une pureté cicéronienne , et avec
un enjouement que la matière sem-
blait ne pas comporter. Les per-
sonnes qui se plaignent encore de
l'obscurité impénétrable de cette doc-
trine, pourront y voir exposée, dans
le langage le plus élégant de l'an-
cienne Rome , la ténébreuse théorie
du temps et de l'espace ^ et des ca-
WYT
tegories de rcntcndement , et les
opérations attribuées par le philoso-
phe de Kœnigsberg aux facultés
cognitives , très -plaisamment com-
parées aux procédés des pâtissières
qui vendent dans les mes d'Amster-
dam certains gâteaux qu'elles font
sous les yeux des acheteurs. Les amis
Q une critique same et savante, ayant
vu avec bcaiicoup de peine la fin de ce
Journal ,Wyttenbach en fit paraître
la continuation, mais à des inter-
valles irréguliers, comme les livrai-
sonsde la Bibliottièque critique, sous
le titre de Philomathie ; il n'en a
malheureusement paru que trois de
1 8û8- 1 8 1 8 , à Amsterdam. La troi-
sième contient ( pag. o.g-iog ) de
précieuses corrections de son travail
sur le Phédon. En 1785, lorsque
Yalckenaer mourut, les curateurs de
l'université de Leyde offrirent sa pla-
ce à Wyttenbach. Succéder à Valcke-
naer dans sa chaire , était recevoir
le sceptre de la littérature grecque ;
c'était le terme delà plus haute ambi-
tion d'un helléniste (i). Wyttenbach
lit le sacrifice de cette glorieuse voca-
tion à sa reconnaissance pour les
administrateurs de l'athénée d'Ams-
terdam^ qui venaient de le nommer,
à la place de ïoliiuS;, récemment
attaché à l'éducation du roi actuel
des Pays-Bas, professeur d'histoire,
d'éloquence, d'antiquités , de lettres
grecques et latines. Des attraits par-
ticuliers le retinrent d'ailleurs à Ams-
terdam : il y avait trouvé une se-
conde patrie dans ses institutions ,
dans la gravité et la popularité de ses
(i) Nous iicMis servous ici d'une expressiou très-
impropre, par laquelle on s'ohstine aujourd'hui à
désigner un philologue qui s'occupe phisparticuh'è-
rement delà langue des hellènes, taudis que d^ms
l'antiquité elle n'a jamais signifié autre chose qu'un
juif , devenu étranger à la langue de sa patrie , et
se servant du jargon répandu dans l'Orient depuis
les conquêtes d'Alexandre.
WYT
3i5
magistrats , la simplicité de mœurs ,
les habitudes casanières des habi-
tants , et la jouissance de la plus
complète liberté civile. Ajoutons à
cela le libre choix des matières pour
ses cours académiques dans les li-
mites de ses attributions, sans aucune
surveillance à exercer ou à subir.
Il poursuivit donc le paisible cours
de ses leçons qu'il rouvrit le 18
avril par un admirable discours De
vi et efficacid historiée ad virtutis
studium , et qui rassemblèrent de
plus en plus autour de sa chaire
l'clite de la jeunesse batave. Quant
à ses travaux httéraires , il continua
de donner tout son loisir, d'abord et
avant tout, à Plutarque, ensuite à sa
Bibliothèque critique, et incidemment
à des publications que lui comman-
dait l'intérêt de ses disciples ou celui
de la branche de savoir dont il était
un des principaux ornements. Parmi
ces dernières, nous devons signaler
un choix de morceaux pris dans les
meilleurs historiens grecs , imprimé
quatre fois , d'abord en i-jqS (in-
80. de 4^2 pages ) , puis en 1807
avec un supplément de notes ( 460
pages ) : Scdecta principum Grœcice
Historicorinn. Cette chrestomathie
est surtout remarquablepar une préfa-
ce qui offre d'excellents conseils pour
l'étude du grec , et par le modèle
d'une leçon sur la première phrase
du morceau tiré d'Hérodote , qui
ouvre le recueil. Ceux qui ne savent
pas encore ce que c'est qu'une expli-
cation grammaticale et littéraire du
passage d'un auteur grec , donnée
selon la méthode suivie dans Te'-
cole hollandaise , depuis l'immortel
ïlemsterhuys , ne peuvent s'en faire
une plus juste idée qu'en étudiant le
commencement des notes de Wyt-
tenbach auquel il a conservé tout
exprès la formed'une leçon scolaire.
3iG WYT
En 1795, la démission de Luzac ,
dictée par roccupation française de
la Hollande, avait de nouveau rendu
vacante la chaire de Valckcnaer :
elle fut encore offerte à Wyttenbacli
qui la refusa sur les motifs que nous
avons indiqués, et qui devenaient cha-
que jour plus décisifs par les agré-
ments de sa position à Amsterdam.
Mais le sacrifice de ces avantages
auquel un traitement doublé et les
vives sollicitations de son maître
Ruhnkenius vivant n'avaient pu le
déterminer , l'intérêt de la famille de
cet ancien ami l'obtint de Wytten-
bach y après sa mort , arrivée en
1799. Les curateurs de Tunivcrsité
ayant déclaré qu'un arrangement qui
devait adoucir le sort de la veuve de
Ruhnkenius et de ses deux filles ,
laissées sans ressources par le décès
de ce professeur , n'aurait lieu que
dans le cas où Wyttenbach accepte-
rait la place à laquelle il avait déjà
été appelé à deux reprises , il n'hé-
sita plus, et, dans un âge déjà avan-
cé, il rompit toutes les douces ha-
bitudes qui lui rendaient le séjour
d'Amsterdam si cher , et céda aux
vœux de l'université de Lcyde ,
pour assurer l'existence de la famille
de son ami. Il y fut appelé à titre de
professeur d'éloquence, d'histoire ,
de philosophie , d'antiquités , d'hu-
manités , de lettres grecques et lati-
nes , et aussi en qualité de bibliothé-
caire. Ses premiers travaux , dans
cette nouvelle position, furent des
hommages rendus à la mémoire de
son illustre ami. Son discours d'ou-
verture traita de adolescentid Da-
vidis Ruhnkenii , in exemplura pro-
positd adolescentihus hatavis hona-
rufh artiiim studiosis. Au commen-
cement de l'année suivante parut :
FUulBuhnkcmii (in-8^. de 295 p. ),
qui aurait suffi pour assigner à son
WYT
auteur un haut rang parmi les phi-
lologues, et le premier parmi les
latinistes ses contemporains. Peut-être
moins parfaite de diction et de goût
que l'Eloge de Hemsterhuys par
Kuhnkenius , elle est plus piquante
par la naïveté du style , plus instruc-
tive par la variété des matières que
l'auteur rattache au principal objet
de son écrit , et qui en fout une vé-
ritable histoire littéraire de son temps
et de celui de Ruhnkenius. Le nom
de Wyttenbach et l'attrait de ses
cours ranimèrent l'université qui
avait enfin réussi à se l'attacher , et
réveillèrent le goût des langues an-
ciennes d'une manière d'autant plus
remarquable , que les temps ora-
geux , pendant lesquels il consa-
cra à la jeunesse batave des for-
ces affaiblies par l'âge et le travail ,
étaient singulièrement propres à por-
ter le découragement dans les esprits.
Cependant , à aucune autre époque,
même sous l'intluence des Scaliger ,
des Heinsius , des Perizonius , des
Burmann , nous ne voyons sortir de
l'auditoire d'un professeur d'huma-
nités des élèves plus nombreux et
plus solidement instruits , reflétant
tous, pour ainsi dire, la grâce de
diction , la pureté de goût et l'excel-
lente critique de leur maître. Jamais
aussi un maître n'avait su captiver
ses élèves par des procédés plus at-
tachants, et par des preuves d'un
intérêt plus tendre et plus éclairé.
Pour en avoir quelque idée , il faut
lire les articles de la Bibliothèque
critique et de la Phiîomathie qu'il a
consacrés à l'annonce de leurs écrits;
nommément de ceux de MM. vau
Lynden , Nieuwland , Scholten , Ja-
nus Bakc , G.-L. Mahne^, etc. , etc. ;
la lettre adressée à M. van Heusde ,
aujourd'hui professeur à Utrecht ,
imprimée en tête du Spécimen Pla-
WYT
tonicum , que cet habile critique a
public en i8o3 , et les fragments
de letlrcs insères par M.Mahne dans
sa Vie de Wyttenbacli ^mais surtout
Feloge d'un de ses plus chers disci-
ples , de G.-L. Wassenacr, mort à la
fleur de l'âge , en 1812, éloge que le
maître prononça à la reprise de ses
cours , le l'i sept. , et qu'on trouve
dans la troisième partie de laPhiîoma-
thie. Nous devons , aux soins que Wy t-
tenbach prenait de varier le sujet de
SCS leçons, des notes sur plusieurs des
traites philosophiques de Ciccron ,
sur les Vies des sophistes par Eunape,
et l'édition du Phédon de Platon y
imprimé en 181 0 (in-S». de 366
pag. ), avec un savant commentaire.
Maigre l'importance et l'utilité de
ces soins , son Plutarque formait tou-
jours comyne la base de sa vie litté-
raire, et l'occupait dans tous les mo-
ments que ne kii enlevaient pas les
fonctions académiques et les ména-
gements que lui imposait la faiblesse
de sa vue augmentée par la correc-
tion des épreuves de son Phédon. Ses
travaux, sur Plutarque avaient été
retardés par une foule d'incidents, et
surtout par l'interruption de com-
munications faciles et sûres avec son
imprimeur à Oxford , et enfin arrêtés
par le désastre de Leyde, en 1807 ,
que causa l'explosion d'un bateau
chargé de poudre. Quelques moments
avant ce malheureux événement , il
venait de rédiger une des notes re-
latives au traité de l'EI Delphi-
que (le 28^. dans la série des OKuvres
morales, adoptée par Henri Es-
tienne ) , note se rapportant à la
page 892 du Plutarque , in-fol. de
1624, de Paris, qui correspond à
la page6o4 du tome 11 del'édition de
Wytlcnbach, et il avait quitte sa bi-
bliothèque où ses papiers, et les ou-
vrages auxquels il avait à recourir
V^YT
3
plus fréquemment, se trouvaient éta-
lés sur un grand nombre de tables et
de pupitres. Sa vie fut sauvée , mais le
coup de foudre qui ensevelit cent
cinquante personnes sous les ruines
de leurs habitations , et fit périr deux
des professeurs les plus distingués de
l'université, Kluit et Luzac, dispersa
les livres et les manuscrits de Wyt-
tenbach dans les rues environnan-
tes , et l'obligea de transporter
son domicile à la campagne, sa
maison ébranlée ne lui offrant plus
un asile sûr. Tant de contre- temps
et d'interruptions forcées , surtout
le chagrin que lui causa l'incerti-
tude du sort d'une partie de son
travail sur Plutarque qui resta plus
de deux ans oublié dans un navire
chargé à Hambourg pour l'Angle-
terre^ enfin la perte d'un de ses
yeux , suivie bientôt d'un tel aiïai-
blissement de l'autre , qu'il ne pou-
vait plus réunir ni déchiffrer ses
anciennes notes , encore moins se
livrer à des recherches nouvelles , et
que sa main ne traçait plus que des
caractères informes , ont privé le
monde savant des trois quarts du
commentaire qui devait accompa-
gner l'excellente édition critique des
OEuvres morales de Plutarque , pu-
bliée à Oxford, 1793- 1802, en
V tomes de trois formats , grand et
petit in-8^. etin-4°. , avec la version
latine de Xylander , améliorée par
Wyttenbach , et des notes critiques ,
contenant les variantes recueillies par
l'éditeur et ses corrections conjectu-
rales du texte. La partie achevée du
commentaire, véritable trésor d'é-
rudition , mais peut-être surchargée
de digressions , forme le vi«. tome
qui contient le commencement des
Animadversiones ,ç\\ \1T1 pages {è
Tjpo^raphid Clarendoniand, 1810)
et s'arrête à la fin du i^^. tome du
3i8 WYT
texte grec ( pag. 974 ) , ne s'ctendant
en conséquence que sur les dix-liait
premiers traite's moraux, entre les
quatre-vingt-six attribués àPlutarque.
On trouve une annonce et des recti-
iicalions pour la Préface générale ,
pag. I-4G de la troisième partie du
III''. vol. de la Bibl. critique, de la
main même de Wyttenbach. Le texte
grec a été réimprimé par les soins de
M.Schaefer à Leipzig^ et àTubingue
par ceux de M. Hutten • les Animad-
versiones , en 1821, en 1 vol. Tel
qu'il est , ce travail est un immense
service rendu à la littérature grecque,
puisqu'il rétablit le texte de quel-
ques-uns des plus importants écrits
qui nous restent de l'antiquité dans
sa forme primitive, autant qu'il est
donné à la sagacité et au savoir hu-
mains d'approcîier d'une restaura-
tion aussi difficile. Afin de se pro-
curer plus de ressources pour l'in-
terprétation de Plutarque , et aussi
pour aider ses disciples dans leurs
recherches sur Platon, qu'il s'était
constamment attaché à leur faire
admirer et étudier , il donna , vers
la fin de sa laborieuse carrière ,
beaucoup de temps à l'étude des
commentateurs inédits de Platon ,
Olfinpiodore , Hermias et Proclus,
à Plotin , même à Eunapius ^ dont
le mauvais goût et l'esprit d'em-
prunt avaient d'ailleurs si peu d'a-
nalogie avec le jugement droit et
sain de sou annotateur. Plusieurs de
ses leçons restèrent consacrées à Ci-
céron , surtout à ses œuvres philoso-
phiques : le cours dans lequel, en
1808 , il expliqua le traité De finl-
hus y fut suivi par plus de cent audi-
teurs. Le résultat de ses travaux,
fruit d'elForts qu'on peut considérer
comme les derniers rayons de ses
yeux presque éteints jetés sur
les endroits difficiles de ces écri-
WYT
vains , se trouve dispersé dans les
éditions qu'en ont données les savants
auxquels Wyttenbach abandonna ,
et pour lesquels il rédigea même ex-
pressément ses notes , apportant à
ces généreux soins une main affaiblie
et une vue mourante, mais qui ré-
pandait encore sur les pages obscu-
res de ces auteurs une clarté qu'on
eût vainement demandée à des facul-
tés moius éminentes et moins exer-
cées que les siennes. C'est ainsi qu'il
enrichit les excellentes dissertations
de ses élèves , J. Bake (<;?e Posidonii
Bhodii reliquiis doctrinœ ( 1808),
Tliéod. Netscher ( de Cicerords ora-
tione pro Archid poetd) , etc. , de
précieux suppléments , et qu'il four-
nit des notes aussi savantes qu'utiles
à deux critiques distuigués, à M. Creu-
zer, pour ses éditions du traité de PZo-
tinsur le Beau (Heidelberg , i8i4) ,
et de celui de Cicéron sur la nature
des Dieux ( ibid. , 1818 ), et à M.
Boissonade pour son édition d'^w-
nape , qui n'a vu le jour qu'après la
mort de Wyttenbach , sous ce titre :
Eunapii Sardiani vitas sophistarum
et fragmenta historiarum recensuit
notisque illus t ravit J. -F. Boissona de;
accedit annotatio Danielis PVftten-
hachii j Amsterdam, 1822, 1 vol.
in -8^. ( y^of. sur le mérite des deux
commentateurs les intéressants arti-
cles de M. Cousin , insérés dans le
Journal des savants , novembre et
décembre, 1826, janvier et février,
182^ ). Le commentaire de Wytten-
bach s'arrête à la page gi de l'édi-
tion de M. Boissonade. M. Mahne
qui nous fait espérer d'autres le-
çons de son maître sur différentes
branches de la philosophie et de son
histoire parle Cpag. 'il\i de la Vie de
Wyttenbach) de notes] sur Eunapius
et sur !a Vie de Plotin par Porphyre,
encore inédites. Quoique l'état des
WYT
yeux de Wyttenbach et sa main trem-
blante ne lui permissent plus dé-
crire , il conserva ses facultés intel-
lectuelles jusqu'au commencement de
janvier 1820 , où une attaque d'a-
poplexie le priva de la parole et du
motivement. Il s'éteignit le 17 de ce
mois , tendrement soigné par sa niè-
ce, femme très-distinguée par son
esprit et ses qualités morales , qui ,
depuis long-temps, faisait tout le
charme de son existence par son at-
tachement, et qu'il avaitépousée, en
181 7 ,pour lui assurer sa fortune (2).
11 fut , selon son désir , enterre à l'en-
trée du jardin de la maison de cam-
pagne où il avait passé les dernières
années de sa vie , près des lieux qu'a-
vaient habités Descartes et Boerha-
ave. 11 avait été nommé membre de
l'ordre de la Réunion , institué par
Napoléon en 1812; de celui du Lion
belgique ^ fondé par le roi desfays-
Bas , et de plusieurs sociétés savan-
tes; en 1802, de la société latine
d'Iéna ; en 1808, de l'Institut bâ-
ta vej en 181 1, de la société des
sciences de Gôttingue, et, en i8i4 ,
de l'académie royale des inscrip-
tions. Mais sa véritable gloire , il la
chercha toujours dans ses bienfai-
sants rapports avec la jeunesse hol-
landaise dont il ranima singulière-
ment le goût pour les études classi-
ques , et qu'il préserva de ce découra-
gement et de cette apathie funeste ,
(a) Une femme promue au grade de docteur-ès-
scicnces , est chose si étrangère aux usages fran-
çais qu'on nous permettra de citer ici les termes
dans lesquels la faculté de philosophie de Mar-
bourg a conféré le doctorat à Mn^^. Wyttenbach ,
le 28 juillet 1827 , le jour même où l'université cé-
lébrait la fête séculaire de sa fondation. « Aucto-
« lilnle GuiUelini II , ELèctoiis Hasiire , promolor
irrité constitiUus, C. A. L. Creuzer , Jounnce
» J'Vjttenbach , génère GaHien , D. 17 y Itenbachii
>» vi-iiice immorlali ■vira dignœ , ob doctrinal ele-
>> gantiaiu scrptit prohalam aniiquœ iirbanilalis
« odorem spirantibus , jura et ornunienla docloris
» philosophias artiiimque liberalium magistri , ex
» pliilosopliorum ordinis décréta , hoc ipso die sce-
» cidari Irtbuit. *
WYT
3i9
que pendant un si long laps de temps
auraient si facilement pu produire
l'incertitude de l'avenir , l'anéan-
tissement de toute existence na-
tionale sous l'empire français , la
prédominance des intérêts militai-
res j l'abolition des académies , na-
guère si florissantes , de Franeker,
de Harderwick et d'Utrecht , et
l'épouvantail de l'université impé-
riale , menaçant toutes les institu-
tions de son impitoyable uniformité
et de son niveau destructeur. — Rien
n'est aussi propre à donner une jus-
te idée du mérite et des talents de
Wyttenbach , que de suivre la car-
rière littéraire des plus distingués en-
tre ses élèves , et de voir la pureté
de son goût , l'élégance de son style
latin et la loyauté de sa critique se
réfl^échir et se perpétuer dans leurs
productions. Humanistes , théolo-
giens , jurisconsultes , médecins ,
quel que soit l'état qu'ils aient em-
brassé , leurs écrits respirent tous
cette simplicité gracieuse , cette so-
briété d'ornements , cette lucidité et
cette harmonieuse tournure de phra-
se qui charment l'esprit et l'oreille
dans les ouvrages de leur maître , et
qui les reposent délicieusement quand
ils ont été fatigués et déchirés par
les centons pénibles et le langage
barbare de philologues qui oublient
que , pour se rendre intelligible , il
faut penser dans la langue dans la-
quelle on écrit. Wyttenbach alliait
la grâce deXénophon à l'abondance
cicéronienne. Avec un peu plus de
concision et des nombres plus périodi-
ques, il aurait, comme latiniste, égalé
Facciolati et Ruhnkenius, qui cepen-
dant sont encore , pour la rondeur
et le rhythme , évidemment au-des-
sous de Marc-Antoine Muret. Wyt-
tenbach avait coutume de dire que
la lecture des discours de Muret, ex-
320 WYT
posant en parfait latin antirpic des
idées toutes modernes , lui avait
forme l'oreille et ouvert l'esprit pour
l'appréciation et l'intelligence de Ci-
céron , qu'il n'avait d'abord ni goûte,
ni bien compris. Je crois devoir in-
diquer ici ceux des écrits des disci-
ples de Wyttenbacli , dont je n'ai
pas eu occasion de parler , aux-
quels il a lui-même donne naissance
par ses leçons ou ses encouragements,
et qui sont en partie enrichis de notes
inédites fournies par lui. B, P. van
Wesele Scholten De philosophiœ ci-
cerunianœ loco y qui est de divind
naturd y 1783. P. Nieuwland De
Musonio Riifo y philosopho stoico
(même année). G. L. Mahne De
Aristoxcno , philosopho peripate-
ticOj 1793. ( C'est à l'auteur de cette
excellente dissertation, aujourd'hui
professeur à Gand, un des plus an-
ciens et fidèles disciples de Wytten-
bach, que nous devons les meilleurs
renseignements sur la yie et les tra-
vaux de son maître. Le vol. de 255
pag. in-8^. , intitulé : Fita Danielis
Wjttenhachii , auctore GuiL Léon.
Mahne y Gand, 1823, est le di-
gne pendant de la biographie de
Ruhnkenius par W^'^ttenbach : il ren-
ferme plusieurs lettres inédites ,
oii l'on trouve toujours l'esprit le
plus élégant et le plus judicieux
uni au plus aimable abandon. )
F. G. van Lynden De Panœtio ,
philosopho stoico , 1802, iig
pag. Bernard van Laar De Ro-
manorum ponderibus et mensu-
ris y 1808. L. C. Luzac ( petit- fils
de Valckenaer ) De Hortensio ora-
tore y Ciceronis œmulo ( 1808 ). G.
Th. Baumhaueri spécimen juridi-
cum de lege VIII. C. a Si certum
petatur.^) Cuiaccedunt tria capita
obsen>ationuni in Ciceronis librum
secundum academicarum quœstio-
WYT
niim , 1812. Ahrahami TVillet edi-
tio Protreptici Galeniani , 18 12.
Il manquerait un trait essentiel au
tableau des services rendus par
Wyttenbach à la littérature classi-
que et à la philosophie des lan-
gues, si l'on ne rappelait le soin
qu'il prit de faire servir la théorie
de Hemsterhujs , sur la formation
et la structure du grec , à la so-
lution des diiïicultés que présente
la grammaire de cet idiome. Il
se croyait d'autant moins dispensé
de cette tâche que , de son vivant ,
aucun exposé satisfaisant de cette
théorie , véritable clef du sanctuaire
de la langue grecque,n'avait été offert
aux philologues, h' Etymologicum
de Lennep , publié par Everard
Scheidiuset jugé dans la Bibliothèque
critique avec des ménagements qu'im-
posaient à Wyttenbach ses relations
personnelles , et les bonnes inten-
tions de l'éditeur , n'en avait donné
qu'une idée imparfaite, et , sous plus
d'un rapport , la caricature. Les
critiques allemands , même les plus
instruits, tels que Primisser et G.
Hermann ( De emendandd ratione
grœcœ grammaticœ y Leipzig ,
180 1 ) , ne paraissaient la connaître
que par cet exposé plus qu'incom-
plet. Cependant les philologues hol-
landais savaient par expérience de
quel secours dans l'étude du grec
était l'analogie , pressentie par èlca-
liger et Casaubon , plus clairement
aperçue par le grand A. Schultcns ,
et ramenée à quelques principes lu-
mineux par Tib. Hemsterhuys. Ceux
qui avaient suivi les travaux des
grammairiens philosophes n'igno-
raient pas avec quel succès la mé-
thode de Hemsterhuys avait été ap-
pliquée à l'examen d'autres langues,
quel nouveau jour elle avait jeté sur
les origines du latin , et combien les
WYT
analyses les plus ingénieuses d'autres
idiomes , telles que celles de l'anglais
par Horne Tooke, des dialectes
germaniques par Ten Kate , Fulda ,
Grimm et Rask , du sanscrit par
Bopp,etc., sont loin encore de l'évi-
dence et de la fécondité des vues
de Hemsterliuys sur la formation
du grec, lorsque l'on compare Unirs
principes , tant en eux-mêmes que
dans leur utilité pratique , avec la
simplicité des développements que
l'école hollandaise donne au système
d'analogie d'après lequel elle expli-
que la structure de la langue helléni-
que, et surtout avec l'heureux parti
qu'en ont tiré dans leurs leçons, mais
rarement dans leurs écrits imprimés,
Yalckeuaer et Wyttenbach. Ce der-
nier , préoccupé du tort que la mal-
adresse et la précipitation de quel-
ques lexicologues de l'école hollan-
daise avaient fait à cette admirable
méthode , et craignant d'aggraver ce
tort par un travail disproportionné
avec l'étendue d'une pareille tache,
absorbéd'ailleurs par ses devoirsaca-
démiques et tant d'occupations litté-
raires obligées, s'est contenté , com-
me ses devanciers, de mettre à pro-
fit les ressources qu'ofTre l'analogie
découverte par Hemsterhuys , pour
initier ses élèves dans les secrets de
la belle langue dont il leur facilitait
l'acquisition , et pour leur en faire
presque toucher au doigt les élé-
ments , ainsi que la composition , et
apprécier l'extrême simplicité et les
merveilleuses richesses. Quoi qu'il
en soit, se voyant, après la mort
de Valckenaer et de Ruhnke-
nius , principal dépositaire d'une
doctrine qui n'était encore ni assez
connue ni suffisamment expliquée
dans des écrits qui lui rendissent
Sleine justice, et se sentant appelé ,
ans l'intérêt de la branche de litté-
WYï 321
rature qui lui était confiée, à con-
server la tradition de l'enseignement
de ses illustres prédécesseurs , Wyt-
tenbach mit beaucoup de soins à
remplir cette partie de sa tache, et
profita de toutes les occasions qui se
présentaient naturellement, pour ex-
pliquer les vrais principes de leur
méthode, et en faire voir la justesse
et la fécondité. Ceu\ qui veulent s'en
former une idée peuvent consulter le
commencement desnotes sur les5eZec
ta principum Grœciœ historicorum.
Pour montrer quelle importance il
attachait à la conservation et au dé-
veloppement des idées de Hemster-
huys sur l'analogie de la langue
grecque , nous transcrivons ici ce
qu'il dit dans sa Philoniathie (p. 3,
p. 285 ), <à l'occasion des leçons de
Valckenaer, sur quelques livres du
Nouveau- Testament , publiées par
Ev. Wassenbergh , en 1815-17 :
nln hisscholis, falckenarius illiid
hereditariiun Hemsterhusianœ dis-
cipllnœ et pecuUare Batavoriim bo-
num , Analos!,iœ scîentiam , propa-
g;avit,^^ — On s'étonnera peut-être que,
dans la notice sur un homme distin-
gué par sa naissance et son ascen-
dant sur la jeunesse , et occupant une
place honorable dans un pays qui
lui offrit le spectacle de plusieurs ré-
volutions politiques, accompagnées
de métamorphoses aussi nombreuses
que subites dans les personnes et dans
les choses j de l'abolition et du réta-
blissement du stathoudérat en 1787;
de l'invasion française en «794; de
la fusion des sept jn-ovinces en un
seul état -en i795j de plusieurs
phases de ce nouveau régime répu-
blicain, se succédant en peu d'an-
nées; d'un royaume improvisé en
1807, et de l'incorporation de ce
royaume dans un vaste empire en
i8îo; du rétablissement de Tindé-
21
S'il WYT
pendance nationale en i8i3, et de
la restauration du pouvoir de la mai-
son d'Orange en i8i4 ? sons des for-
mes monarchiques ; on s'étonnera,
disons-nous, que, dans l'expose des
travaux d'un homme célèbre qui a
traverse' des temps si orageux , il
n'ait pas été fait la moindre mention
des rapports de cet homme éminent
avec ies affaires publiques dans un
pays d'une étendue si bornée. Quel-
ques personnes accuseront Wylten-
bach d'avoir enfreint la loi de So-
lon , qui ne permettait pas à un ci-
toyen de rester neutre dans les trou-
bles civils: il leur aurait répondu que
celte loi ne regardait les Athéniens
que comme membres de l'autorité
souveraine , et qu'elle était moins
obligatoire pour ceux qui ne siègent
pas dans les conseils suprêmes des
princes et des peuples. Nous nous
ÎDornerons à dire que Wyttenbach
fut loin d'être spectateur indifférent
des épreuves par lesquelles passa
dans un si court intervalle sa patrie
adoptive. Nous le voyons , dans les
fragments de discours et de lettres
que ses amis ont publiés , s'affliger
profondément de l'intervention étran-
gère dans les affaires du pays, et sa-
luer avec transport le retour de la
liberté ( F'of. dans sa Vie, par M.
Mahne, les pages \^i- i45, i54,
^202, 2o3, 209, '2î6, spécialement,
226 et suiv. , la lettre à son ami F.-
G. Bœrs ) , mais surtout déplorer
l'influence que ces bouleversements
exerçaient sur le paisible cours et la
solidité des études. Aussi se crut-il ,
dans les discordes civiles , appelé à
redoubler d'efforts pour conserver le
feu sacré des sciences et des lettres ,
et comme , dans un vaisseau tour-
menté par la tempête , l'équipage se
partage les soins de diverse nature
qui doivent concourir au salut de
WYT
tous, Wyttenbach pensait que sa tâ-
che était particulièrement de veillei*
à la part du dépôt de la civilisation
qui lui était confiée , convaincu qu'il
ménageait à son pays un des plus
sûrs moyens de restauration et de
prospérité , s'il réussissait à mainte-
nir et à nourrir le zèle de la jeu-
nesse batave pour les lettres , en
dépit de ce que le présent lui op-
posait d'obstacles et de circons-
tances décourageantes. Nous avons
vu que son dévouement fut couronné
d'un succès inespéré, succès qu'il
dut en partie à la prudence, à la
modération et au généreux désinté-
ressement qu'il montra dans toutes
les conjonctures critiques. Pour se
faire une idée de l'esprit mâle et sa-
ge , également éloigné de servilité et
d'humeur, avec lequel il se conduisit
et parla à ses nombreux auditeurs ^
dans ces moments difficiles, on peut
lire l'allocution prononcée à l'ouver-
ture de ses cours, après l'occupation
d'Amsterdam par les troupes prus-
siennes, allocution que M. Mahne a
insérée dans sa biographie ( p. i43
et suiv.), et le discours qu'il adressa,
le 18 sept. 181 G;, aux étudiants de
l'université de Leyde, à l'époque de
la réunion de la Hollande à l'empire
français : Protrepticon instauran-
dis scholis et discipulis ad littera-
rum studium confirmandis dicliim ,
exhortation pleine de mesure, de di-
gnité et de force , bien propre à re-
lever le courage abattu de ceux de
ses auditeurs qui ne ci'oyaient plus
avoir de patrie, et qui songeaient à
abandonner des études désormais
inutiles. Ce discours est , de même
que tous ceux dont nous avons parlé,
compris dans le recueil publié à
Leyde en 1821 : D. TVjttcnhachii
opuscula varii argumenti , orato-
ria , hislorica , critica , nunc pri-
WYT
màm conjanctim édita ( 2 tomes
gr. in-H^\ ). Pour être place au même
rang que les Bentley, les Valckenacr,
les Porson, il n'a manque àWytten-
bacli qu'un sentiment pins vif des
beautés poétiques, et plus d'habitu-
de de porter son attention sur les
modulations rhythmiques et les ri-
chesses métriques de la belle langue
qu'il avait, soit par goût, soit par
suite de la direction particulière de
ses tiav^aux, principalement e'tu-
diëe dans les prosateurs. Ce n'est
pas à dire qu'il ait négligé les poè-
tes de l'antiquité. Non- seulement
il les avait tous lus , mais ce qu'ils
olFrent d'instructif pour l'histoire
de la langue , des opinions et des
institutions helléniques ^ se présen-
tait à son esprit lorsqu'il en avait
besoin pour éclaircir une question de
philologie ou de doctrine philoso-
phique , et jeter un nouveau jour sur
le sens des auteurs qui ont été plus
spécialement l'objet de ses travaux.
Indépendamment de ce que lui doit
Piutarque , pour les œuvres morales
duquel il est désormais ce que Rems-
terhuys est pour une partie de Lu-
cien , Valckenaer pour Hérodote ,
Wesseling pour Diodore , Reiraarus
pour Dion Gassius , etc. , le terme
que la critique dépassera dilHcile-
ment, Wyttenbach commence une
nouvelle èredans l'exposition dessys-
tèmes des philosophes grecs. Avant
lui , et encore de nos jours , les histo-
riens de la philosophie, ceux même
qui alliaient une grande connaissan-
ce de la langue à la profondeur des
vues, rapportaient, à leur insu , les
idées de ces philosophes , plus ou
moins sensibicment au type de Des-
cartes , Bacon , Leibnitz, etc. , et nous
avons eu ainsi des Platons , des Aris-
totes , des Pythagores , des Zénons ,
costumés comme l'étaient les Achil-
WYT
3a3
les , les Hcctors et les Hellènes de nos
anciens théâtres , vêtus en chevaliers
du moyen âge, ou en seigneurs et
dames de la cour de France. Wyt-
tenbach s'était fait contemporain de
Xénophon , de Platon , de Démos-
thènej il vivait dans l'Agora et sur les
bords de l'ilissus. Dans cette atmos-
phère que des études heureusement
spéciales et à -peu -près exclusives
avaient créée autour de lui , il rece-
vait de la lecture de leurs livres l'im-
pression même qu'en avaient reçue
leurs propres concitoyens. C'est ainsi
qu'il s'est mis en état de reproduire
l'image fidèle de ces auteurs , et le
trait sincère de leur physionomie.
Sa gloire immortelle est surtout d'a-
voir ranimé l'étude de Platon , et su
inspirer à ses nombreux élèves sonen-
thousiasme pour le plus grand des
écrivains de l'antiquité. Les élèves
de Wyttenbach ont à leur tour trans-
mis cette admiration à leurs disci-
ples , et nous lui devons plusieurs
écrits remarquables sur les œuvres
de ce philosophe , et sur des points
importants de sa doctrine, tels que
J . L. Gl"". de Geer , Diatribe in Po-
lilices platonicce principia ( 18 10 ,
191 p.); Gl'"'. Qroen van Prinsterer
Ptalonica prosopo^raphia ( 1828,
287 pag. ) , et surtout les excellents
Initia philosophiœ platonicœ , auc-
tore Ph. Gl""'. van Heiisde ( Pars
prior , 1827 ' '-^^^ P^S-)- Dans la
préface , en forme de lettre adressée
au célèbre Creuzer , M. van Heusde
s'est attaché à caractériser le talent
de son maître Wyttenbach, et à mon-
trer l'heureuse influence qu'il a exer-
cée sur la jeunesse batave, et que M.
van Heusde compare à celle queCicc-
ron eut sur la noblesse romaine. Cette
préface ( pag. i-43 ) , écrite dans la
belle latinité de l'école de Wytten-
bach, est digne d'être méditée par
21..
324 XAG
tous les amis de la littérature an-
cienne. Son savant auteur fait voir
que rélégance du style de Wylten-
Lacli tient à ce qu'il pensait en grec
eu même temps qu'en latin , et qu'il
moulait habituellement les expres-
sions latines sur les formes grecques ,
comme firent les auteurs romains du
beau siècle qui tous avaient ces for-
mes présentes à leur esprit, et qui
modiiièrent leur idiome dur et pau-
vre sur le modèle de la langue
des Hellènes. Ce que M. van Heusde
dit de l'accueil que Wytlenbach
faisait aux jeunes gens studieux • des
encouragements et des directions
qu'il leur donnait dans des conver-
sations particulières ; du soin que
prenaient ses disciples de se loger
dans les maisonnettes , et même dans
les huttes aux environs de l'habita-
tion champêtre où Wyttenbach allait
passer les vacances , pour être à
porte'e de ces entretiens socratiques ,
auxquels il les admettait le soir ) en-
fin ce qu'il dit des réunions qu'ils
formaient, pour lire Platon en com-
mun et s'entr'aider dans cette lecture,
fait che'rir la mémoire de cet hu-
maniste , vene'rer son caractère , et
mieux apprécier l'étendue des servi-
ces qu'il a rendus à la philologie.
Il en résulte que , si , par l'universa-
lité et la profondeur des connais-
sances , il n*a pas égalé les Gasaubon
et les Hemsterhuys , il leur a été
XAC
supérieur par l'empire qu'il s*est
acquis sur ses disciples, et l'ar-
deur qu'il leur a inspirée pour l'étude
des plus grands écrivains de l'anti-
quité, surtout de celui qu'elle a ap-
pelé le Dieu des philosophes , et qui
prépare si bien les esprits à recevoir
avec plus de reconnaissance et avec
plus de soumission les enseignements
véritablement divins de l'Évangile.
S— B.
WZABECZ ( Venceslas - Joa-
CHiM ) , professeur de chirurgie à
Bruchsal et à l'université de Prague,
était né, en i']4o ? à Bœlimischbrod
en Bohème. Il fut d'abord attaché
au service de l'évêque de Spire, en
qualité de chirurgien; puis devint
professeur de chirurgie à l'université
de Prague , et médecin du cercle de
Kaurzim. Il mourut à Prague le i3
décembre i8o4. On a de lui, en
allemand : I. Observations adres-
sées à nos chirurgiens , Bruchsal ,
l'y 79, in-8". II. Principes d'ana-
tomie et de chirurgie , ibid. , i 779,
in-4*'. III. Principes pour la patho-
logie chirurgicale , et pour les opé-
rations , ibid., 1780, in-80. IV.
Principes pour la chirurgie pratique ^
ibid., 1781;, in-8^.V. Réjlexions sur
une opération chirurgicale faite à
la partie supérieure du bras , Fri-
bourg , 1 782 , in-8*'. G — y.
WZESLAW. Voy. Vzeslas.
WZÉWOLOD. V. VszEwoLOD.
X
A.ACCA. Voy. Bouddha.
XAGGA ( Erasme ) , littérateur
sicilien, était né en 1648 , dans la
petite ville d'Arca. Doué d'une ar-
deur extraordinaire pour l'étude , il
suivit les cours de phdosophie , de
médecine , de jurisprudence et de
théologie , et reçut le laurier docto-
ral dans ces quatre facultés. Ayant
embrassé l'état ecclésiastique , il fut
pourvu d'un canonicat de la collé-
giale de sa patrie , et employa ses
XAI
loisirs à la culture des lettres. Il
composait avec une égale facilite des
vers en latin et en itaDen. Ses talents
lui méritèrent d'illustres protecteurs.
Il obtint l'abbaye de Sainte-Colom-
be , et fut fait commissaire du saint
office en Sicile. A difFërentes époques,
il reçut des commissions honorables.
On ignore l'époque de sa mort ; mais
Mongitorenous apprend dans la Bibl.
sicula , que Xacca vivait encore en
1708. Cet écrivain est connu surtout
par son poème intitule : Brei^e nar-
razione delV incendio del monteEina
sen Mojigibello, avvenuto nelV anno
1669, etc., Naples, 1(371 , in-B».
On cite encore de lui ; un poème la-
tin sur les fleures ; — une courte
exposition sur les Psaumes de Da-
vid , et sur !e Cantique des Canti-
ques ; — une Traduction en vers
latins hexamètres de la Jérusalem
délivrée du Tasse. Ces trois ouvra-
ges étaient terminés en 1708 ; mais
il est probable qu'ils sont restés ma-
nuscrits. Foj^. la Biblioth, sicula,
W— s.
XAINTONGE. Deux sœurs de ce
nom furent les fondatrices de deux
congrégations religieuses sous la rè-
gle de saint Augustin. Elles étaient
filles de Jean-Baptiste de Xaintonge,
conseiller au parlement de Dijon et
commissaire aux requêtes du palais,
et de Marie Gossard. L'aînée , Anne
de Xaintonge , naquit à Dijon en
1567. Elle mena pendant plusieurs
années une vie très-retirée. Édifiée du
bien qu'elle entendait dire des Ursu-
lines , elle voulut les imiter , et com-
mença par faire des catéchismes dans
les églises j enfin elle prit la résolu-
tion d'assembler une société de filles,
pour instruire les personnes de son
sexe, à l'instar des PP. de la com-
pagnie de Jésus, dont l'institut est
voué à l'enseignement des hommes.
XAI 325
Elle se rendit à Dole, qui était alors
sous la domination du roi d'Espa-
gne; et, malgré des obstacles de di-
vers genres , elle y forma un établisse-
ment, avec l'autorisation del'évêque
de Lausanne, suffragant de Besan-
çon , et qui gouvernait ce dernier dio-
cèse pendant la vacance du siège. Le
parlement de Dole, qui avait fait
d'abord quelques difficultés, donna
son consentement le 16 juin 1606.
Alors la pieuse fondatrice dressa
des règles ; mais la plus puissante
fut l'exemple des vertus qu'elle offrit
pendant vingt -sept ans. Elle eut la
consolation de voir six maisons de
sa congrégation établies à Vcsoul , à
Besançon, à Arbois , à Saint-Hippo-
lyte et à Porentrui. La fin de cet ins-
titut, qui ne lie pas irrévocablement
les sujets, quoiqu'on y fasse vœu de
stabilité, est d'instruire les jeunes
personnes , obligation si essentielle ,
qu'aucune charge n'en peut dispen-
ser même les anciennes religieuses.
Elles ne portent point l'habit mo-
nastique et ne gardent point la
clôture. Le noviciat est de trois
ans (1). Les Ursulines de la mè-
re de Xaintonge , établies aussi
en Suisse, y portaient un costume
un peu plus monastique. Le 6 mai
1648^ Innocent X donna un bref
d'approbation à la maison de Besan-
çon pour les statuts et ordonnances -,
et depuis on a décidé à Rome qu'il
suffisait pour tout l'institut. Anne de
Xaintonge mourut d'apoplexie à Do-
le, le 8 juin 1621. — Françoise de
Xaintonge marcha sur les traces
de sa sœur. Quand ses parents pen-
saient à la marier, elle entendit parler
(1) On voit par l'exposé de cet institut nionasli-
quc qu'il est basé sur le modèle de la compagnie
de Je'sus. La mère de Xaintonge avait tiré ses rè-
gles de «elles de saint Ignace, et cherchait pour
son inslitul la direction des jésuite», autant qu'il
était possible.
32(3
XAI
des Carmélites cfiii s'établissaient à
Paris. Elle désira en établir aussi à
Dijon , et fut secondée par une de
ses parentes qui leur fournit un cou-
vent. Françoise de Xaintonge se
proposait d'y faire profession ; mais
sa mère ne voulut jamais y con-
sentir. La pieuse fille alla cher-
cher quelque consolation auprès de
sa sœur, fondatrice des Ur.sulines
à Dole, 011 elle prit du goût pour la
manière de vivre de ces religieuses ,
et conçut l'idée d'en former un
établissement à Dijon. A son retour,
elle communiqua son projet et son
zèle à une amie, qui résolut aussi
d'embrasser ce genre de vie. Quel-
ques autres filles se joignirent à elles •
et quoiqu'elles vécussent séparément,
elles se réunissaient chez la sœur de
Xaintonge, pour conférer sur leurs
bonnes œuvres. Cette circonstanceleur
attira tant de contradictions, qu'elles
crurent devoir vivre en communauté,
et qu'elles louèrent une maison où
elles entrèrent la nuit de Noël i6o5,
après avoir entendu la messe dans
l'église de la compagnie de Jésus.
Ainsi commença la congrégation des
Ursulincs, dite de Dijon^ et qui a
beaucoup de rap])ort avec celles de
M™<^. de Sainte-Beuve, à Paris, et
de Sainle-Angelle , en Italie. Le cos-
tume est à-pcu-près le même; mais
on n'y fait qu'une année de noviciat.
Cet institut a établi diverses colonies,
et a été approuvé par une bulle de
Paul V, le 23 mai 1619. Aux trois
vœux de religion , elles ajoutent celui
de l'instruction de la jeunesse^ et
suivent la règle de saint Augustin.
Élant allée faire un établissement à
Troyes , Françoise de Xaintonge y
mourut le 4 novembre iG3c). On
peut consulter , sur ces vertueuses
fondatrices, les Chroniques des Ur-
Hilines , Hélyot , tome iv ; le Cata-
XAI
/og-ï^e de Ph. Buonanni, et surtout la
Vie d'Anne de Xaintonge , par le je'-
suite Grosez. B — c — e.
XAI]SÏRâTLLES(Jean Poton,
seigneur de Xaintrailles ou Saintrail-
les , ou Sainle-Treille), était un simple
gentilhomme de Gascogne. Dans les
querelles du duc Jean de Bouigogne
et du parti d'Orléans , qui avait pris
pour chef le jeune Dauphin depuis
Charles VII, Xaintrailles combattait
contre les Bourguignons. Au com-
mencement de i4i9, il était avec
Pierre de Xaintrailles , dont sans
doute il était parent, dans le château
de Couci ; Pierre de Xaintrailles
ayant été surpris et égorgé par la
trahison de sa chambrière , les gen-
darmes de la garnison n'eurent que
le temps de se retirer. Zors ils firent
deux capitaines de deux gentilshom-
mes Etienne de Fignoles dit Lahire
et Poton de Xaintrailles. Dès-!ors
il ne se passa guère aucun fait d'ar-
mes où ces deux noms ne fussent mê-
lés. la même constance dans la cause
du Dauphin , le même courage , la
même activité , les mêmes ressour-
ces d'esprit signalèrent Xaintrailles
et Lahire. Au milieu du décourage-
ment général , lorsque le Dauphin ,
devenu roi , n'était pour les Anglais
que le roi de Bourges , lorsqu'il était
abandonné de tous les grands sei-
gneurs, et s'abandonnait presque lui-
même dans sa propre insouciance y
Xaintrailles et Lahire ne cessèrent
pas un instant de faire bonne et forte
guerre aux anciens ennemis de la
France et aux Bourguignons. Ils n'^é-
taient point les chefs d'une armée
régulière et disciplinée , opérant sur
un plan concerté avec ensemble, rece-
vant les ordres et les ressources d'un
gouvernement. Les choses ne se pas-
saient pas ainsi au commencement
du quinzième siècle , surtout parmi
XAI
tant (le calamités et de desordres.
Xaintrailles était non pas un géné-
ral , mais un vaillant chef de Lande,
ou , comme on disait alors , de com-
pagnie. Ils n'étaient lors , dit une
chronique, qua quarante lances, les-
quelles n épargnaient ni leurscorps,
ni leurs chevaux : c'étaient pour la
phqiart des Gascons qui sont bons
chei>aucheurs et hardis. Ayec de tels
compagnons, Xaintrailles ayant pour
lieu de retraite quelque chàteau-fort
courait la campagne , détroussait les
compagnies ennemies , arrêtait les
convois, et s'en allait piller les villes
du parti contraire. Ce fui ainsi qu'il
acquit la renommée non - seulement
de bravoure , mais de grande habi-
leté dans le métier des armes. Le
comte de Dammartin et les autres ca-
pitaines delà génération suivante se
glorifiaient d'avoir fait leurs pre-
mières armes sous Xaintrailles etLa-
hire , et ils citaient avec complaisan-
ce leurs mots, leurs préceptes, leurs
ruses , les bons tours qu'ils jouaient
aux Anglais. Le nom de Xaintrailles
n'était pas moins célèbre chez les
ennemis, et, à la bataille de Mons
ea Yimeu (i4^i) , où le Sire de
Vilain sauva le duc de Bourgo-
gne et fit de si vaillants exploits ,
sa plus grande gloire fui d'avoir
vu reculer , devant sa hache ,
Xaintrailles qui fut fait prisonnier
ce jour-là. Dans les rares moments
de loisir que Kii laissaient de telles
guerres, il savait aussi se faire hon-
neitr dans les tournois. En 14^3, il
combattit dans une joute solennelle
avec Lionel de Vendôme, devant le
duc de Bourgogne et le comte de Fii-
chemont. Il fut de nouveau fait prison-
nier à Crevant. Racheté à grand prix
parle roi ,qui pourtant n'avait guère
d'argent, il se laissa encore prendre
dans une sortie au siège de Guise. A
XAI
327
la bataille de Verneuil, Lahire et
lui commandaient la cavalerie des
Lombards. L'année suivante , la guer-
re ayant éclaté entre le duc de Bra-
bant et le duc de Glocestcr , on vit
Xaintrailles aller combattre les An-
glais sous la bannière bourguignon-
ne , mais , sans engagement , et dans
l'intervalle de ses entreprises accou-
tumées. Le bon accueil qu'il avait re-
çu du duc de Bourgogne le fit choisir
pour ambassadeur par les habitants
d'Orléans , lorsque , pressés par les
Anglais, ils essayèrent d'obtenir dts
conditions plus douces par l'inler-
vcntion de ce prince. Sa négociation
échoua. C'était le moment où tont
semblait perdu pour le roi , et où il
était si pauvre et si abandonné que
Un jour que Lahire et Poton
Le vinrent voir ; pour festoieuieut ,
N'avilit qu'une queue de mouton
Ll deux poulels tant seulement.
Mais en ce moment apparut la Pucelie,
et dès-lors la fortune changea. Xain-
trailles la seconda devantOrléans et à
Patai , commanda l'avant-gardc lors-
qu'on entreprit le voyage de Reims ,
et assista au sacre du roi. En i43o,
il était de la garnison de Clermont ,
et il envoya défier Pierre de Bau-
fremont sire de Charni , le plus fa-
meux jouteur des Bourguignons. Le
duc de Bourgogne présida à ce pom-
peux tournoi , où cinq chevaliers
français combattirent contre cinq
chevaliers de Bourgogne. Peu après,
Xaintrailles alla s'enfermer dans
Compiègne , pressé par les Anglais ;
en lit lever le siège , et ensuite rem-
porta à Germigni un avantage qui
lut un des plus complets dans une
guerre où l'on donnait peu de gran-
des batailles. Cependant les Anglais
avaient fait périr la Pucelie; Xain-
trailles, qui avait vu quelle con-
fiance elle avait rendue aux sol-
dats , que lie ardeur elle avait ins-
328
XAI
pirëe à tout le royaume , quelle
terreur elle avait répandue parmi
les Anglais , imagina de renouveler
ces prodiges. Il trouva un jeune ber-
ger qui avait des visions, et qui
montrait des stigmates sur ses mains
comme saint François • il l'emmena
avec lui et tâcha de le mettre en
crédit. Ce n'était pas à dire pour
cela que la mission de Jeanne d'Arc
eût été une fable inventée parla po'iti-
que. De si grands ellcts ne se calcu-
lent point et ne s'arrangent point
d'avance ; ils sortent naturellement
de la disposition des esprits. Xain-
trailîes , les autres chefs , les cour-
tisans j les seigneurs avaient bien pu
douter, et railler parfois entre eux
des visions et des miracles de la Pu-
celle , sans toutefois avoii' contre de
telles merveilles l'assurance qu'on
montrerait aujourd'hui ; mais il ne
dépendait de personne de susciter
par artifice un caractère , un cou-
rage , une ame , une noblesse, un
dévouement semblables. 11 y a beau-
coup de degrés et de nuances entre
les visionnaires ; le mélange de la
raison avec le désordre partiel de
Tintelligence n'est pas toujours dans
les mêmes proportions. Guillaume le
Pastourel ne produisit nul eflét , et
la première fois que Xaintrailles
le mena au combat, il fut fait pri-
sonnier avec son prophète. Plus heu-
reux en 1435 , il gagna avec La-
hire le combat de Gerberoi sur le
comte d'Arondel qui y fut tué. Lors-
que les conférences d'Arras furent
commencées, et qu'on eut enfin l'es-
poir d'obtenir la paix du duc de
Bourgogne en le détachant de l'al-
liance des Anglais , il fut difficile de
faire comprendre cette combinaison
politique à Xaintrailles, et surtout à
Lahire. A la tête de leurs compa-
gnies , et sans nul souci des ordres
XAI
du roi , ils continuèrent à guerroyé/
sur les frontières de Picardie , an
risque de troubler les négociations.
Après la paix, quand presque tous
les chefs de compagnies des deux
partis devinrent de véritables bri-
gands sous le nom d'écorcheurs , de
routiers , de tondeurs , et continuè-
rent à ravager !e royaume pour leur
propre compte , Xaintrailles se com-
porta plus honorablement ; sans
obéir bien exactement au roi , sans
imposer une discipline trop sévère à
ses gens, il combattit les Anglais, dé-
fendit le rovaunie et ne le dévasta
point. Il était avec le roi , lorsque ce
prince montra une vaillance cheva-
leresque au siège de IMontereau ; et à
son entrée solennelle dans la ville de
Paris, soumise après vingt ans de
guerre , Xaintrailles portait le cas-
que du roi^ comme écuyerde France.
Deux ans après , quand les efforts
du roi et de ses conseillers, pour met-
tre quekpie bon ordre dans le royau-
me et faire cesser les désordres des
gens de guerre ^eurent excité la sédi-
tion de la Pragucrie , Xaintrailles
demeura fidèle au roi. En i45o, le
royaume commença à recueillir les
glorieux fruits d'un meilleur gouver-
nement , et il fut possible de chasser
les Anglais de la ]Sormandie et de la
Guienne. Jamais conquête ne fut plus
prompte : la valeur et l'expérience
de tant de capitaines, l'esprit guer-
rier de la nation , la fin des discor-
des , l'ordre établi même dans les
finances, triomphèrent facilement des
Anglais , dont la puissance était au
contraire minée par leurs troubles
intérieurs. Xaintrailles était de Tar-
mée qui entra en Guienne , sojis les
ordres de Jean de Blois comte de
PenthièTre , et se montra aussi glo-
rieusement que de coutume. Le roi
n'avait point laissé tant de ser-
XAN
A'ices sans récompenses. Xaintrailles
était bailli de Berri, capitaine de la
tour de Bourges , de Falaise et de
Châîeau-Thicrri. Apres la conquête
de la Guienne, il reçut encore la ville
et seigneurie de Tonneins , la ville et
la seigneurie de Saint-Macaire; puis
on le fit scncchal du Bordelais et
du Limousin, et enfin maréchal de
France, en i^5^. Il survécut j)eu à
Charles VII , et mourut à Bordeaux ,
en {^6i. Les registres du parlement
en faisant mention de sa mort, l'ap-
pellent un des plus vaillants capi-
taines du royaume de France , qui
fut cause avec Etienne de Fignoles
dit Lahire , de chasser les An-
glais de France. C'était consigner
la voix publique qui avait toujours
associé leur nom au salut du royau-
me. Xaintrailles avait épousé Cathe-
rine Brachet, dame de îialigiiac , et
ne laissa point d'enlants. Son f'n re ,
Jean Amadour, avait été tué au siège
de Creil. Sa sœur, Colette de Xain-
trailles , avait épousé Jean de La
Cassa igné , dont elle eut un (ils nom-
mé IS'andonnet, que Xaindailîcs ai-
ma beaucoup , et qui se distingua
dans diverses guerres. A.
XANTHIPPE, fds d'Ariphron ,
général athénien , élait contempo-
rain de Miltiade et de Théraislocle ,
dont il eut peut-être le tort de se
montrer jaloux. On ne sait si c'est
lui qui se rendit l'écho de la calomnie,
en accusant Miltiade , après qu'il eut
échoué devant Parcs ( Voy. Mil-
tiade, XXIX, 59). Les Athéniens
ayant ôté le commandement à Thé-
mistocle choisirent Xanthippe pour
le remplacer. Il contribua beaucoup
à la victoire signalée, remportée sur
la flotte des Perses près de Mycale
( Foy, LÉOTYCHIDES, XXIV, !2o3 ).
Il parcourut ensuite les cotes de la
Chersonèsej s'étant emparé de la
XAN 329
ville de Sestos , il ternit l'éclat de sa
victoire en faisant mettre à mort le
gouverneur Artayctès , sous prétexte
qu'il avait profané le temple de Pro-
tésilas àÉléonle. Le malheureux Ar-
tayctès offrit, en vain, des sommes
considérables pour racheter sa vie-
il périt sur une croix, après avoir
vu lapider son fils. Xanthippe avait
épousé Agarisle, petite-fille de Clis-
thènes , tyran de Sicyone (Voy. sa
généalogie dans Hérodote , vi , 1 3 1 ).
Son plus beau titre de gloire est d'ê-
tre le père de Péri c' es ( F. ce nom ).
Ou voyait encore au temps de Pau-
sanias, dans la citadelle d'Athènes,
la statue de Xanthippe à côté de
celle d'Anacréon ( Fojage en Grè-
ce, 1 , 5t5 ). W— s.
XAN IHIPPE, général lacédémo-
nieu. Foy. Regulus , XXXVII ,
261.
XANTHIPPE. Dans l'article con-
sacré à SocRATE ( tom. XLII, pag.
543 et 55o ) nous avons rapporté
les deux seules traditions relatives
à la femme de Socrate, qui soient
dignes d'attention , son humeur dif-
ficile et sa conduite au jour de la
mort de son mari. Bien que Xan-
thippe ait trouvé des apologistes qui
ont contesté la vérité de tous les ré-
cits défavorables qui la concernent
dans les écrivains de l'antiquité, pos-
térieurs au siècle où elle vécut, on
ne peut douter que son caractère
violent et querelleur n'ait mis la pa-
tience de Socrate à une épreuve dure
et continuelle. Dans le Banquet de
Xénophon ( ch. 2, § 10, p. 124,
éd. Bach .) Antisthène en parle comme
d'une chose connue de tous les amis
de ce sagej et la manière dont So-
crate répond à l'incartade de son
disciple, qui lui reprochait le peu de
soins qu'il avait pris d'adoucir ce
caractère , ne laisse aucun doute sur
33o ,XAN
ropinion qu'avaient d'elle ses amis
les plus intimes. « J'ai, dit - il ,
choisi Xanthippe, pour me donner
des liabitudes de modération et d'in-
dulgence ; convaincu qu'en vivant
Lien avec elle je m'accoutumerais
à supporter tous les autres hommes
et à me plaire dans leur société. »
Ce récit de Xénophon est d'autant
plus digne de confiance , qu'ailleurs
il a mis dans la bouche de son maî-
tre l'éloge de Xanthippe, comme
mère de famille , ayant donné à ses
enfants les marques de la plus vive
sollicitude dans toutes les circons-
tances où ses soins leur avaient
été nécessaires {Memor., 1. '2 , c. 2 ,
V. g, 10, 2100, éd. Schneider).
Le passage du Banquet et les détails
de la conversation de Lamproclès
avec son père, rapportés par Xéno-
phon {Mem., \oc. cit.) et relatifs à
l'état d'extrême irritation dans le-
queirhumeurdeXanlhippe avait felc
son lils aîné, ces deux textes authen-
tiques sufiiraient seuls pour renverser
tout l'échafaudage de citations et de
raisonnements par lesquels un savant
professeur deGottingue, Ghr.-Aug.
Heumann (u4ct. philos., t. i, p.io3
et suiv.), s'est eiforcé de rétablir
la réputation de Xanthippe. Mais ce
qu'il a fort bien prouvé , c'est le peu
de créance que méritent la plupart
des traits d'emportement et d'ai-
greur, que des auteurs d'un âge pos-
térieur racontent d'elle , et qui traî-
nent dans toutes les compilations
d'anecdotes et de mots plaisants.
Tels sont ceux de l'eau sale jetée sur
Socrate, à la suitcd'une bordée d'in-
jures , et comparée par lui à la pluie
après le tonnerre ; de la table renver-
sée par Xanthippe dans un accès de
colère , à la vue d'Euthydème , que
Socrate avait invité à souper sans la
prévenir • du gâteau envoyé par Al-
XAN
cibiade et foulé aux pieds par Xan-
thippe; d'un manteau qu'elle aurait
arraché à son mari en pleine rue ,
d'autres contes de même valeur,
qu'on nous permettra de ne pas ré-
péter dans un ouvrage de la nature
de celui-ci. On voit de reste que le
nom de Xanthippe devint un titre
sous lequel on enregistra toutes les
historiettes qui couraient sur des
femmes acariâtres et méchantes. Aus-
si anive-t-il au grave Plutarque
d'attribuer , dans un de ses Traités
mora.ux.\ De animi tranquilL, ch.
XI ^ p. 9'2i du tome 2 des œuvres
morales, édit. Wyttcnbacli ), à la
femme de Pitlacus, l'acte de fureur,
inspiré par l'aspect de convives inat-
tendus , qu'il avait ailleurs ( De co-
hibendd ira, ch. xni , ibid. , pag.
88'2 ) raconté de la femme de So-
crate. On est affligé de voir les pères
de l'église se faire les échos des ca-
lomnies que les philosophes péripa-
téticiens , Aristoxène , Jérôme de
Rhodes et Satyrus, avaient, par
haine de secte , répandues contre le
maître de Platon. Sur l'autorité de
Porphyre , autre calomniateur de
Socrate , saint Jérôme ( Adv.Jo-
vinian. , liv. i , p. 190 du tom. iv
de l'édit. de Paris) et Théodoret,
évêquedeCyr {Curât, grœc.adfect.
s. ad grœc. infidel. , serm. xi , pag.
1^4 (10)' ^^' Sylburg), nous re-
présentent Xanthippe et Myrto , ses
prétendues épouses simultanées, en
venant, en sa présence , des invectives
aux coups , et finissant par tourner
• toutes lesdeux leurs efforts contreleur
mari , pour se venger de ses éclats
de rire , excités par leurs querelles ,
et du plaisir qu'il témoignait à en
être spectateur impassible. Rien ne
saurait jeter plus de discrédit sur les
contes dans lesquels figure Xanthip-
pe , que d'en trouver un aussi ab-
XAN
surde accole à la fable de la bigamie
deSocrate, et de Yoir cette fable mê-
me adoptée par un si grand nombre
d'auteurs anciens. Discutant avec
une rare sagacité tous les passages
qui s'y rapportent, Jean Luzac a
montré dans ses Lectiones atticœ
( Leyde, i8o9,in-4". de 3 18 p^ig.),
que son origine se rattache au Trai-
té de la noblesse , faussement attri-
bué à Aristote , où, d'après une cor-
rection très-probable, Socrate est
dit avoir épousé Myrto, fille d'A-
ristide , parce qu'il la présumait
animée de sentiments dignes de sa
naissance {Fojr, le Florileg. de Sto-
bée, qui nous a conservé deux frag-
ments ^e ce traité, serm. 84 et
86 ),' mais où il n'est fait aucune
mention de Xantliippe, comme ayant
été femme de Socrate en même tem ps.
Atbénée aiïirme ( 1. i3, pag. 555,
éd. de Gasaub.)que cetteassertiondu
Pseudo-Aristote a donné aux Péripa-
téticiens occasion d'accréditer la pré-
tendue bigamie de Socrate, niée,
ajoute-t-il, parle stoïcien Panœtius
de Rhodes, qui a été cité aussi par
Plutarque ( Fie d' Aristide ^ p. 826
du vol. 2 de l'édit. de Londres ,
i-^sS, in-4**.), comme en ayant plei-
nement démontré la fausseté. Le tex-
te du traité pseudonyme ne dit pas
même, selon la leçon reçue, que So-
crate eût épousé Myrto , mais sim-
plement rpie sa descendance d'un
homme de bien lui fit concevoir une
idée favorable de son caractère. L'o-
pinion qu'il s'en était formée peut
l'avoir porté, comme quelques écri-
vains assurent , à la prendre chez lui
pour la tirer de l'état d'indigence où
elle était tombée. Mais c'est là tout
ce qu'ils nous autorisent à admettre,
nn asile accordé à la fille d'Aristide.
A l'époque de la mort de Socrate,
elle devait être tellement avancée en
XAN 33 1
âge , qu'il est impossible de suppo-
ser qu'elle ait eu de lui Soplironisque
et Ménexène, que Diogène de Laërte
et d'autres prétendent avoir été fils
de Myrto, et dont Xanthippe tenait
le plus jeune sur ses bras, lorsque les
amis de Socrate entrèrent dans sa
prison le jour de sa mort ' Phœdon,
ch. 3 ,p. -j, édit. de Wyttenb.). Aus-
si les diiTamateurs de ce sage, afin
de pouvoir s'appuyer du Traité de
la noblesse, en changèrent le texte,
pour lui faire dire que Myrto n'était
que petite-fille d'Aristide; mais le
Florilegium de Stobée nous offre la
leçon primitive qui renverse leur
principal appui. Luzac fait voir en-
suite qu'ils ne s'étayent pas plus so-
lidement d'une loi d'après laquelle ^
pour réparer les pertes que la popu-
lation d'Athènes avait souffertes par
les guerres du Péloponnèse , les en-
fants , nés d'une étrangère et d'un
Athénien déjà marié avec une ci-
toyenne , auraient été admis à la
jouissance des droits politiques, en
dérogation à la législation établie.
Bien que l'autorité de Jérôme de
Rhodes, sur laquelle seule se fonde
l'existence de ce plébiscite , soit fort
suspecte, il est évident qu'il n'eût
pas rendu la bigamie de Socrate lé-
gitime, puisque Xanthippe et Myrto
étaient l'une et l'autre citoyennes, et
que la loi temporaire dont il s'agit
ne parle que des fds qu'une étran-
gère aurait donnés à un Athénien,
ayant déjà contracté union légale
avec une concitoyenne. Après avoir
démontré la faiblesse des preuves
auxquelles ont eu recours les inven -
teurs de la fable des deux femmes
que Socrate aurait eues en même
temps et en légitime mariage , Luzae
développe, avec autant d'érudition;
que de logique, les nombreuses con
tradictions et les absurdités qu'en-
332
XAN
traîne cette supposition, ainsi que
les arguments indirects qui complè-
tent l'évidence de la dëmonslration ,
tels que l'aversion des Athéniens
pour la polygamie, les circonstan-
ces de la mort de Socrate, qui n'of-
frent pas trace de Mjrto, le silence
et de ses amis, et d'Aristophane et de
ses autres détracteurs , qui n'eussent
pas manqué de tirer parti des scènes
que nous retracent les compilateurs
d'anecdotes, si elles avaient eu le
moindre fondement. Cette dernière
considération est propre en même
temps k augmenter notre méfiance à
l'égard des traditions qui concernent
Xanlhippe en particulier, et des
traits de bizarrerie ou de violence
qu'on a mis sur son compte. On s'est
plu à répéter tout ce que son hu-
meur fâcheuse et emportée avait fait
souffrir de contrariétés à Socrate, et
l'on a passé sous silence ce qui la
montre sous un jour plus avanta-
geux. Meincrs a raison de dire {Hist.
des sciences chez les Grecs ^yoI. i,
p. 520 ) qu'avec le peu d'attention
que Socrate paraît avoir donnée à
ses intérêts domestiques , la mère de
ses enfants a dû posséder , à un de-
gré peu commun, les qualités d'une
bonne ménagère, l'économie, l'acti-
vité et la prudence, pour que sa
très-modique fortune ait pu suflire à
l'éducation de ses fils et à l'entretien
de sa maison. D'autres traits , rap-
portés par les disciples de Socrate
ou par des écrivains parfaitement
instruits de ce qui concernait sa fa-
mille , tel que l'auteur pseudonyme
des lettres attribuées à Xénophon et
à Eschine , dans la collection publiée
par Léo AUatius , font beaucoup
d'honneur à la mémoire de Xan-
thippe, et montrent au moins que
l'exemple de Socrate n'avait point
été San s influence sur les sentiments
XAN
de la compagne de sa vie. Platon
peint en peu de mots pleins d'éner-
gie (i) l'excès de sa douleur dans la
matinée du jour où périt Socrate; et
le passage suivant d'une lettre d'Ès-
chine à Xanthippe , contenu dans le
recueil que nous venons d'indiquer
(i)j prouve que cette affliction ne
fut pas celle d'un jour. « Cesse en-
fin, 6 bonne Xanthippe, déverser
des larmes ; il ne te servira à rien de
nourrir obstinément ta tristesse; tâ-
che de te conserver à tes enfants.
— Prends courage , et n'abandonne
aucun des biens que Socrate t'a lais-
sés. — Apoliodore et Dion te louent
de ne vouloir rien accepter des dons
qui t'ont été offerts : tu as fait une
digne réponse en déclarant que tu te
croyais assez riche. Tant que moi et
tes autres amis serons eu état de t'ai-
der, tu ne manqueras de rien. » Il
n'est , à la vérité, plus permis, après
les recherches de Bentley , de soute-
nir l'authenticité du recueil où Ton
trouve cette lettre; mais on ne sau-
rait contester aux auteurs de cette
correspondance socratique une gran-
de connaissance des temps de Socra-
te et de la position de sa famille. M.
Guil. Groen Van Prinsterer qui , dans
un savant ouvrage {Platonica Pro-
sopographia^ Leyde, 1823 , 2 3 -y
pag.), a passé en revue les personna-
ges nommés dans les Dialogues de
Platon, et qui a réuni tous les rensei-
gnements qui peuvent les faire con-
naître , pense que la manière dont il
est parlé de Xanthippe dans le Phé-
don n'annonce pas beaucoup de
considération pour elle de la part de
Platon. J^avoue que je ne puis voir
dans ses expressions aucui; indice
(i) Phœdon, cli. 3 , et les notes de Wyttenbaeb,
pages i?.i et SaG.
^2) Episl. Socr. , XXI, pag. 46.
XAN
d'une opinion défavorable à la veuve
de Socrale , et la condition des fem-
mes chez les Grecs , dont M. G. Van
Prinstercr rappelle lui-même [l. cit.,
p. 5'2 ) l'infériorité relativement au
rang qu'elles tiennent dans notre or-
dre social , expliquerait surtisamment
ce qu'on pourrait apercevoir de dé-
prisaut et de sec dans les termes
dont Platon se sert , si tant est qu'ils
offrent une nuance de blâme ou de
manque de considération pour Xan-
thippe , ce qui est au moins douteux.
Quoi qu'il en soit ;, le désespoir de
Xanthippe , lorsqu'elle perdit Socra-
te,et la crainte, manifestée, quelque
temps après , par ses amis , qu'elle
ne succombât à sa douleur , témoi-
gnent d'un attacliement véritable et
d'un juste sentiment de l'excellence
de celui qui lui était enlevé. Si l'on
objecte qu'une aussi déchirante scène
que celle de la fin de Socrate devait
remuer le cœur le plus insensible, et
que la vivacité de la douleur de
Xanthippe, dans un pareil moment,
ne donne pas le droit d'en conclure
qu'elle appréciât à sa valeur l'hom-
me qui lui était uni , nous citerons
une anecdote conservée par Élien,
qui nous semble du moins prouver
que Xanthippe se plaisait à rendre
justice aux vertus dont elle avait eu
si long-temps le spectacle sous les
yeux, a Xanthippe, dit cet écrivain
exact et instruit ( Far. hist. , 1. ix^
eh. 7 , p. 1 10 de l'édition de M. Co-
raï ) , attestait que dans toutes les ré-
volutions qu'Athènes subit de son
temps . elle n'avait jamais aperçu le
moindre changement d'expression
dans les traits de Socrate, constam-
ment empreints de cahne, de conten-
tement et de bienveillance. Il sortait
de la maison et y rentrait , disait-
elle, toujours serein et supérieur à
toute crainte, jugeant les hommes et
XAN
333
les choses avec une équité et une
modération qui ne se démentirent
jamais. » Selon Valère- Maxime (1.
VII , ch. 2 , p. 447 de l'édition de
Kapp), ce n'est pas à Apollodore
( Foy. Socrate , X LIT , 5^9 ) ,
mais à Xanthippe se lamentant de
l'injustice des Athéniens, que Socra-
te, tenant déjà la coupe fatale à la
main , adressa un des mots qui ca-
ractérisent le mieux l'élévation de
son ame; cette version, au surplus ,
est inconciliable avec le récit du
Phédon. S — R.
XANTflUS DE LYDIE, un des
plus anciens historiens de la Grèce.
L'époque précise à laquelle il a vécu,
a paru diiiicile à déterminer : toute
la difficulté tient à une expression
équivoque du lexicographe Suidas,
mais dont le vrai sens peut être fixé
avec certitude. Selon cet auteur, Xan-
thus de Lydie Jlorissait ( -ysyovùg ,
expression qu'il emploie le plus sou-
vent en ce sens), au temps de la prise
de Sardes. Cette désignation est bien
vague ; car, dans l'intervalle de temps
où doit avoir vécu cet historien , la
ville de Sardes fut prise deux fois , la
première par les Perses , sous la con-
duite de Cyrus , en 545 avant Jésus-
Christ; la seconde, en 5o3, lorsque
les villes ioniennes entreprirent de
recouvrer leur liberté , en secouant
le joug des Perses. Or, quand même
on s'arrêterait à cette dernière épo-
que, l'assertion de Suidas serait bien
difficile à concilier avec les témoi-
gnages fort graves de Denys d'Hali-
carnasse et de Strabon. En eiTet , le
premier de ces auteurs distingue
Xantlîus de Lydie des plus anciens
historiens , telsqu'Eugéon de Samos^
Déjocus deProconèse, Eudème de
Paros, Démodés de Phigalie, Hé-
catée de Milet, Charon de Lamp-
saque. Il le place parmi ceux qui ont
334
XâN
XAN
immëdialemcnl précède l'époque àc
Tliucydide , et furent de peu de
temps antérieurs à la guerre du Pélo-
ponnèse ( De Thucjd. jud., p. 1 38 ,
Sylb. ). Ceci ne peut guère s'appli-
quer à un auteur qui ^ ayant fleuri
vers 5o3 , a dû naître vers 54o, ou
environ soixante-dix ans avant Thu-
cydide.D'un autre côte', Strabon [lih.
1 ,p. 49, éd. de Cas. ) , cite Xanthus
de Lydie pour un fait qui se rappor-
te au règne d'Artaxerce: les tra-
ducteurs français de ce géographe
ont regarde la date assignée à ce fait
comme contradictoire avec ce que
nou^ savons de l'époque de Xanthus
( Traduct, franc, de Strahon , i ,
p. 1 15, n^. '2). Mais leur scrupule
paraît peu fonde. Sans aucun doute,
il s'agit ici d'Artaxerce I^^". ou Lon-
gue-Main _, qui monta sur le trône
en 464 avant Je'sus-Cbrist ; dans ce
dernier cas même, Xanthus a dû vi-
vre au moins jusqu'à l'an 460 ou
455, époque qui s'accorde fort bien
avec ce qu'a dit l'historien Denys
d'Halicarnasse. M. Fr. Creuzer a
proposé de lever la difficulté, en li-
sant la pme d'Athènes , au lieu de
]a prise de Sardes j dans le passage
de Suidas ; ce qui rapprocherait d'en-
viron vingt-cinq ans la naissance de
Xanthus. Mais cette correction est
un peu forcée. Sans rien changer
au texte, il n'y a simplement qu'à
donnera l'expression équivoque y s-
70V&JÇ le sens de qui naquit , au lieu
de qui fleurit; et l'on peut citer bien
des pa.ssages où , dans le même Sui-
das, les mots ysyovwç etyéyovs ont
évidemment cette signification (Voy.
Sturz , ad Pherecfd.fragm. , pag.
56). Tout s'explique alors. Xanthus,
né à l'époque de la prise de Sardes,
en 5o3 , n'avait que sept ans à la
naissance d'Hellanicus de Lesbos,^ix-
neuf à celle d'Hérodote , trente-
et
deux à celle de Thucydide ,
trente -sept à l'avénemcnt d'Arta-
xerce Longue-Main. Ainsi il était
contemporain d'Hellanicus et d'Hé-
rodote , qiîoique un peu plus âgé que
tous les deux; ce qui suffit pour
expliquer le passage où Éphore di-
sait de lui que ses histoires aidaient
servi à Hérodote ( Ephor. , ap.
Athén., XII, p. 5i5, E. ). Né en
5o3, il n'aurait eu qu'environ soi-
xante-onze ans au commencement de
la guerre du Péloponnèse : il a pu
voir ce commencement. C'est donc
avec raison que Denys d'Halicarnais-
se l'a rangé parmi les historiens qui
ont précédé immédiatement cette
guerre. Ainsi tous les auteurs an-
ciens qui ont parlé de Xanthus
sont conciliés entre eux, et son épo-
que est définitivement fixée. — Sui-
das assure que cet historien était de
Sardes j mais Strabon avoue qu'il
ignore si Xanthus , qui était bien cer-
tainement de Lydie, avait pris nais-
sance à Sardes même (Strab. , xiii_,
p. 628 ., Cas. ). Il faut en conclure
que , du temps de Strabon , Xanthus
passait pour être de Sardes, mais
que le fait était regardé comme dou-
teux. — Xanthus est auteur d'un ou-
vrage, maintenant perdu, qui ne nous
est connu que par quelques citations
des anciens. Il avait pour titre : les
Lydiaques ; et il était divisé en qua-
tre livres. Cet ouvrage comprenait,
outre l'histoire de Lydie depuis l'épo-
que héroïque jusqu'au temps de l'his-
torien, la description de cette contrée
et le détail de toutes les particulari-
tés, relatives à sa géographie physi-
que. H était rédigé à la manière
d'Hérodote, mais borné aune seu-
le contrée ; et c'est peut-être en ce
sens qu'Éphore a dit qu'Hérodote
s'était servi de l'ouvrage de Xan-
thus y ces expressions d'Éphore
XAN
manquent de clarté ; et de Irès-ha-
l)iles critiques ont pense' qu'elles
signifient seulement que cet ouvrage
a donné l'idée et a été l'occasion de ce-
lui d'Hérodote (conf. Wessel., Prœf.
ad Herod. ; Creuzer , Hist, grœc.
antiq.fragm. , p. 1 4^ ) ; ce sens nie
paraît un peu restreint. Elles peuvent
très-bien signifier aussi que Xanthus
avait suggéré à Héj-odote Vidée et
Icplan de son ouvrage ; en sorte que
celui-ci aurait appliqué à l'histoire
générale de son temps la méthode
que Xanthus avait suivie pour l'His-
toire de Lydie. On voit par un pas-
sage d'Athénée ( à Vendrait déjà ci-
té) qu'un écrivain , Artémon de Cas-
sandrée, attribuait les Lydiaqiies à
DionysiusScytobrachion;maisÉpho-
re, Strabon etDenysd'Halicarnasse,
pour ne parler que des plus anciens,
ne doutaient point que Xanthus n'eu
fût l'auteur ; et leur opinion a un
tout autre poids que celle d'un écri-
vain obscur. C'est donc fort inutile-
ment qu'un savant italien, M. Bruni ,
a pris la peine de la réfuter dans un
Mémoire spécial ( Nuova collezione
d'oposcoli Litterar., Bologne, 1824).
Du reste, cet ouvrage de Xanlhus
avait été abrégé par un certain Mé-
nippe, dont parle Diogène de Laër-
îe (vi, ici). Clément d'Alexandrie
attribue à Xanthus de Lydie un ou-
vrage intitulé les Magiques {Strom.^
m , p. 5 1 5 ) j et il paraît que Diogè-
ne de Laërte l'avait eu sous les yeux
{Proœm. ^ ^ 1). Mais le sujet mê-
ïTie de cet ouvrage annonce un auteur
d'une époque plus récente que celle
de notre Xanthus. Il était vraisem-
blablement d'un autre écrivain de
ce nom, sans doute le même qu'un
certain Xanthus de Lydie , dont
Clément d'Alexandrie cite l'opinion
relativement à l'époque du poète
Leschès , qui aurait vécu , selon
XAU 335
ce Xanthus , vers la dix-huitième
olympiade {Strom.^i, pag. 398,
Pott. ). Or_, nous savons par le
témoignage de Polybe ( Histor. ^
xïi, i'2) que Timée fut le premier
historien qui se servit de l'ère des
olympiades. Ce Xanthus est donc né-
cessairement postérieur à Alexandre.
On a cru que c'est l'Athénien Xan-
thus y contemporain de Théophraste
( Jonsius , Script, hist. philos. , i ,
19); et l'on a pensé en conséquence
que l'épithète lydien qui accompagne
son nom dans Clément d'Alexandrie ,
est une erreur due , soit à cet écri-
vain , soit à ses copistes. Cette con-
jecture a de la probabilité. Tous les
fragments de Xanthus de Lydie ont
été recueillis avec soin et commen-
tés avec beufiicoup d'érudition par
Frédéric Creuzer , dans l'ouvrage
ayant pour titre : Historicorum grœ-
corumantiquissimorumfragjnenta^
etc. , Hcidelberg , 1806, in- 8*^. —
Xanthus, poète lyrique , antérieur à
Stésichore, et dont ce dernier, au
témoignage d'Athénée , avait em-
prunté beaucoup de sujets , en les dé-
naturant, entre autres, V Orestéide
(Athén., XII, p. 5i3, A.; Élien,
Hist. Var.y iv , 26 ). On ignore quel
pays lui avait donné naissance. Il
n'en reste aucun fragment. L — ne.
XAUPI ( l'abbé Joseph ) , littéra-
teur , naquit le 1 6 mars 1 688 , à Per-
pignan y d'une famille noble. Ayant
achevé ses études , il embrassa l'état
ecclésiastique , et se fit recevoir doc-
teur en Sorbonne. Nommé chanoine
de la catliédrale de Perpignan , il
prit la défense des droits de son cha-
pitre contre les prétentions de quel-
ques autres églises , et publia plusieurs
Mémoires qui lui méritèrent l'estime
de ses confrères. La cul lui e des let-
tres charmait ses loisirs j il s'appli-
qua particulièrement à l'étude de
336 XAU
Tespagnol et du catalan , et fit plu-
sieurs voyages à Barcelone et dans
les villes voisines pour visiter les bi-
bliothèques et les archives , d'oii il
tira de nombreux documents. 11 s'é-
tablit ensuite à Paris , oîi il devait
trouver des ressources d'un autre
genre pour les travaux qu'il méditait.
Admis dans le cercle littéraire de
M'»e. Doublet ( F. ce nom ), il de-
vint un des cooperateurs des Nou-
velles à la main , qui donnèrent nais-
sance aux Mémoires de Bachau-
mont ( F. ce nom ). Il possédait
l'abbaye de Saint- André' de Jare ,
dont les revenus joints à sa fortune
personnelle lui permettaient de satis-
faire son penchant pour la bienfai-
sance. Parvenu à l'âge le plus avan-
ce', l'abbé Xaupi conservait toutes
ses facultés ; il montait en carrosse
lorsqu'il se cassa la cuisse en tom-
bant j et il mourut des suites de cet
accident , le 7 de'c. 1778 , à l'âge de
quatre-vingt-onze ans. On se flattait
de trouver dans ses manuscrits des
documents précieux pour l'histoire
contemporaine ( Voy. Mémoires de
Bachaumont , xii , 111 ). Outre une
Oraison funèbre de Louis XI F ;
des Mémoires pour son chapitre , et
des Compliments ou des Discours
au nom de la faculté de théologie de
Paris, on a de l'abbé Xaupi ; I.
Dissertation sur l'édifice de l'église
primatiale de Saint- André de Bor-
deaux. — Dissertation sur Vélec-
tion a V archevêché de Bordeaux ^
faite par le chapitre de cette église,
en iS^-g, en faveur de Gabriel de
Gr amont j depuis cardinal, Bor-
deaux, 1751 , in 4°. L'auteur avait
adressé ces deux pièces à l'académie
de Bordeaux , dont il était associé
correspondant (i). II. Becherches
(i) Cette seconde dissertation est indiquée dans
les Diclionnuires , sons ce litre : Disserlalion sur
XAU
historiques sur la noblesse des ci-
toyens honorés de Perpignan et de
Barcelone , connus sous le nom de
citoyens nobles , Paris , 1 763 , in- 12;
ouvrage instructif et plein de recher-
ches savantes. L'auteur y a joint
deux dissertations : l'une sur la clause
de transmission auxdescendantsdans
les anoblissements ; la seconde sur
la juridiction universelle du conseil
de Roussillon. Ce volume est terminé
par un inventaire des pièces dont l'au-
teur s'est servi, et par des notices sur
les écrivains qu'il a consultés , dont
plusieurs avaient échappé jusqu'alors
aux recherches des bibliographes.
C'était un travail immense , et qui
exigeait les recherches les plus labo-
rieuses; il fallait pour l'entreprendre
joindre à l'étude du droit féodal et
de l'histoire du moyen âge , la con-
naissance des auteurs qui ont écrit sur
la noblesse, l'inlelligence des langues
catalane et espagnole , celle des lois
et des usages de la principauté de
Catalogne. Ces dillicultés n'arrêtè-
rent point l'abbé Xaupi ( F. les Mé-
moires de Trévoux , 1764 , p. 987-
ioi3 ). Son ouvrage ayant été atta-
qué par la corporation des avocats
de Perpignan, Xaupi le reproduisit
en 1776, et y ajouta deux autres
volumes ; l'un contient des additions
aux recherches historiques, et l'au-
tre l'inventaire des pièces justifica-
tives avec une table des matières
pour les deux volumes. En 1777,
parut un Mémoire pour l'ordre des
avocats de Perpignan , contenant
l'entière réfutation des recherches
de M. l'abbé Xaupi , sur la préten-
due noblesse des bourgeois majeurs
de Perpignan et de Barcelojie , par
le prétendu épiscopal de GnhrUl de Gramonl ,
en i5a() , raais l'épiscopat de Gabriel de Gramont
est très-réel ; c'est ce que l'auleuv a prouvé sans
réplique ( r. Gramont, XVllI, 280 ).
XAV
François Tossa, bâtonnier de Tordre,
et professeur-doyen de la faculté des
àro\isdePùv\)\^uaiU AU. Consultation
avec le docteur Billette , en faveur
des curés de Cahors , contre le cha-
pitre de r église cathédrale de cette
ville. Ces cures lui avaient adressé
un Mémoire dans lequel ils élevaient
certaines prétentions qui choquaient
le chapitre de Cahors. ils envoyèrent
ce Mémoire à l'abbé Xanpi , qui de
concert avec Billette y répondit par
une consultation favorable. Les cha-
noines ayant adressé les mêmes ques-
tions au docteur Riballier , syndic
de la faculté de théologie , lui et le
docteur Legrand , après avoir exa-
miné les deux Mémoires , trouvèrent
les prétentions des curés exagérées.
Il en fut référé à la Sorbonnc qui ju-
gea en faveur de la dernière consul-
tation. Xaupi se désista , quoique
deux canonistes , tenus alors pour
fort célèbres , Piales et l'abbé Mey ,
eussent décidé en sa faveur ( f^oj.
Riballier , XXXVIf , 498 ). On a
le portrait de l'abbé Xaupi, in-fol. ,
d'après un dessin de Carmontelle.
L— Y et W — s.
XAUPI. roj. Ghaupi, au Sup-
plément.
XAUREGUI ( Jean ). F. Jau-
REGUI , XXI , ^IÇ).
XAVIER ( Saint François), sur-
nommé V Apôtre des Indes :, et l'un
des premiers disciples de saint Igna-
ce de Loyola , naquit le 7 avril 1 5o6^
de Jean Jysse, gentilhomme de Na-
varre, et de Marie Azpilcueta, dans
le château de Xavier , au pied des
Pyrénées. Il était , par sa mère , ne-
veu du fameux docteur Navarre ( F.
Navarre, XXX, 610 ) , et le der-
nier des enfants d'une famille nom-
breuse , qui presque tous embrassè-
rent l'état militaire. Quant à Fran-
çois , ses parents^ lui voyant du goût
LI.
XAV
337
pour l'étude , favorisèrent cette in-
clination. Il fit ses humanités dans
son pa3's. Après les avoir terminées ^
il vint à Paris faire ses cours au col-
lège de Sainte-Barbe. Il y passa maî-
tre-ès-arts ,etil enseignaitla philoso-
phie au collège de Beauvais, lors-
qu'Ignace de Loyola se rendit dans
le même collège pour recommencer
ses études, et s'y trouva avec Xavier,
compagnon de chambre , ejusdem
cuhiculisocius. Ignace était déjà oc-
cupé de son projet d'un institut des-
tiné à porter la foi chez les infidèles.
11 se lia d'abord avec Pierre Le Fê-
vre ou Favre (i), homme pauvre
et vertueux , qui exerçait dans le col-
lège les fonctions de répétiteur , et
qu'il jugea propre à seconder ses
vues. Il essaya aussi de gagner Xa-
vier, mais celui-ci, à qui sa naissan-
ce et les succès qu'il avait eus dans
ses études laissaient l'espoir de s'a-
vancer dans les dignités ecclésiasti-
ques , ne céda pas si facilement. Ce-
pendant l'exemple de Le Fêvre,
qu'il estimait et aimait tendrement ,
le toucha, et il se rendit. Ces con-
quêtes ne tardèrent pas à être suivies
de quelques autres. Trois Espagnols ,
Laynez, docteur d'Alcala, et pro-
fond théologien- Salmeron , qui n'a-
vait encore que dix-huit ans ; Nico-
las-Alphonse , surnommé Bobadilla,
qui avait enseigné la philosophie k
Valladobd^ et Rodriguez, Portugais
envoyé à Paris par son souverain
pour s'y perfectionner dans les étu-
des , tous jeunes, ardents, et d'une
piété exemplaire , s'associèrent à
Ignace et à ses desseins. Les voyant
bien décidés, il crut utile d'assurer
leur résolution par un acte solennel ,
qui ne leur permît plus de revenir
(i) C'est le nom sous lequel liC Fèvre est désigné
dans la Biographie universelle ( Foj. FavRE,
XIV, r>.3 ).
'2 '2
338
XAV
sur leurs pas. Le jour de l'Assomp-
tion , (le J'aimce i534, il les con-
duisit dans l'cglise de l'abbaye de
Moutmarlre; et là, dans la clia-
pellc souterraine, tous d'un com-
mun accord prononcèrent le vœu de
pauvreté et de chasteté , auquel ils
joignirent celui de faire le voyage de
la Terre-Sainte , et de s'y dévouer à
la conversion des infidèles , ou , s'ils
ne pouvaient pas y pénétrer, d'aller
se jeler aux pieds du pape , et de lui
otî'rir leurs services , pour telle œu-
vre de charité à laquelle il jugerait
à propos de les employer. Le Fêvre
depuis peu ordonné prêtre , leur dit
la messe, à laquelle tous commu-
nièrent {J^oy. 1gnack,XXI, 188
et siiiv. ). Plusieurs n'ayant pas en-
core achevé leurs études, il fut con-
venu que pendant un voyage qu'Igna-
ce avait à faire en Espagne, ils les
continueraient, et qu'au plus tard au
commencement de l'année loS-j,^ on
se réunirait à Venise. Tous furent
fidèles au rendez- vous , et s'y trou-
vèrent à la fin de i536. Leur nom-
bre même s'était augmenté de trois.
Xavier alla se loger à l'hôpital des
Incurables , où il se dévoua au ser-
vice des malades. Ignace , étant de
retour, envoya ses compagnons vers
le pape Paul III , qui les reçut avec
bonté, et permit à ceux qui n'étaient
pas encore engagés dans les ordres ,
de les recevoir où ils voudraient.
Xavier s'y disposa , et après avoir
été ordonne prêtre , se prépara à di-
re sa première messe par une dure
retraite et de grandes austérités. Il
la célébra à Vicence , où il alla re-
joindre Ignace , qui l'envoya à Bo-
logne avec Bobadilla. Quelque temps
après, il fut appelé à Rome, où il
prêcha dans l'église de Saint-Lau-
rent in Damaso. L'institut commen-
çait à prendre quelque développe-
XAV
ment, lorsque Jean III, roi de Por-
tugal , qui voulait favoriser la pro-
pagation de l'Évangile dans ses états
de l'Inde , fît demander à Ignace
quelques-uns de ses missionnaires.
Xavier se dévoua à cette œuvre. Il
se rendit à Lisbonne , et le 8 avril
1 54 1 il s'embarqua avec le gouver-
neur des Indes pour cette destina-
tion. Il aborda vers la fin d'août au
port de Mozambique , où il passa
l'hiver , et arriva heureusement en
1542 à Goa , siège du gouverne-
ment. Il s'y logea à l'hôpital, et,
après avoir salué l'évêque et pris ses
ordres , il commença sa mission. 11
parcourait les rues la sonnette à la
main, pour avertir les pères et les
mères d'envoyer leurs enfants et
leurs esclaves au catéchisme. Il prê-
chait assidûment , attaquant les vi-
ces et travaillant à la réformation
des mœurs. Il existait à la côte de la
Pêcherie de nouveaux chrétiens ,
alors sans secours spirituels. Xavier
s'empressa d'aller les visiter, et tra-
duisit pour eux le catéchisme dan*
la langue du pays. 11 fit détruire les
temples des idoles qui se trouvaieni
encore sur la côte, et construire l
leur place des églises. De là il passé
dans le royaume de Travancor , où
en neuf mois , il baptisa de sa maii
dix mille idolâtres. Le zélé mission
naire se transporta ensuite à Melia-i
pour^ appelée aussi la ville de Saint-J
Thomas , parce qu'une tradition
rapporte que ce saint y fut mar-
tyrisé. Il y fit quelques conversions
éclatantes , visita le tombeau où
avaient reposé les restes du saint
apôtre , et se mit en route pour Ma-
îacca, où il arriva le 25 novembre
1545. Selon sa coutume, il alla st
loger à l'hôpital, où ses soins poui
les malades et sa douceur lui conci-
lièrent tous les esprits. Ses prédicat
XAV
lionsiiefurentpasmfructiieuses.il eut
la consolation de convertir non seu-
lement un grand nombre d'idolâtres,
mais encore des juifs et des maho-
metans. Ayant reçu de nouveaux,
missionnaires , envoyés par saint
Ignace , il partit le i^"". février pour
les îles de Banda. En route , il con-
vertit l'équipage , et après six se-
maines de navigation il prit terre à
Amboine , d'où continuant à se diri-
ger vers Macassar il arriva à Ter-
uate, la principale desMoluques, où
sept villages cbrétiens manquaient
absolument de prêtres, le seul qui y
fût étant decéde peu de temps au-
paravant -y Xavier crut se devoir à
ce troupeau abandonne'. Il y ranima
la foi , réforma quelques désordres
qui s'y étaient introduits, et y admi-
nistra les sacrements. DeTernate, il
passa en mai i5^6 aux îles du
More, habitées par un peuple encore
barbare. 11 parvint cependant à ap-
privoiser ces sauvages, et il en bap-
tisa plus de vmgt-cinq mille. Il re-
vint ensuite à Ternate , où il établit
quelques missionnaires , s'arrêta à
Amboine , dont il confirma les habi-
tants dans la foi , et arriva , en 1 547,
à Malacca. En passant à Ceylan il y
convertit le roi de Candi et un grand
nombre de ses sujets. De Cocbin , il
écrivit à Rome pouravoirdu secours^
et au commencement de mars i548
il fut de retour à Goa. Déjà un col-
lège et un séminaire de la compagnie
de Jésus y étaient établis j il y fut
reçu comme le père commun , y ré-
gla les affaires de la chrétienté des
Indes , distribua dans les provinces
du continent. et des îles ceux de ses
confrères nouvellement arrivés qui
étaient sans emploi, et marqua la
place de ceux qu'on attendait. Son
projet, quoiqu'on lui fît envisager
les dangers de ce voyage , était dcre-
XAV
339
partir pour le Japonl'année suivante.
Il avait eu occasion de convertir
quelques Japonais , entre autres un
nommé Auger , homme assez consi-
dérable de Canguxima , ville du
royaume de Saxuma au Japon. Xa-
vier s'en lit accompagner, et y arriva
en 1549. Auger alla trouver le roi
de Saxuma , dont il était connu. S'é-
taut assuré de dispositions favora-
bles de sa part, il lui présenta Xa-
vier que ce prince reçut assez bien,
mais sans vouloir entendre parler de
religion. Voyant qu'il ne recueillaitau-
cun fruit dans ce lieu, où dominaient
les bonzes , prêtres du pays , Xavier
s'achemina vers Firanda, autre ville
du Japon. 11 y obtint la permission
de prêcher , et y opéra de nombreu-
ses conversions. Encouragé par ce
succès , il prit le chemin de Meaco ,
capitale de l'empire. 11 fallait tra-
verser le royaume de Nangara, dont
Amangucchi est la capitale. Le bruit
des prédications de Xavier y était
parvenu , et l'on y desirait l'entendre.
11 n'y fit pourtant que très-peu de
conversions. 11 seremiten route pour
INIeaco, où il ne fut pas plus heureux.
Il ne lui avait pas été possible d'ap-
prendre la langue de cette contrée ,
comme on le voit dans les Lettres
qu'il écrivit alors en Europe. « Je
» n'entends point ce peuple , disait-
» il , il ne m'entend point. » Xavier
attribua aussi le peu de succès de sa
mission, dans cette circonstance, à la
simplicité de son costume , qui n'était
queceluid'unpé!eiin,etdan,d'intérêt
de la religion il résolut d'adopter un
autre système. 11 reprit alors le che-
min d'Amangucchi,etse présenta au
roi dans un appareil imposant. Il se
vêtit d'un habit de riche étoffe , prit
quelques valets à sa suite , et parut
devant le monarque^ muni de lettres
du vice-roi des Indes , et de Tévêque
22..
34o
XAV
de Goa , mais surtout de riches pré-
sents. Cet innocent artifice lui réus-
sit très-bien. Il obtint du roi non-
seulement la permission de prê-
clier , mais encore un cdit qui
permettait à qui le voudrait d'em-
brasser la religion du père Xavier.
Il laissa dans ce lieu plus de trois
mille chrétiens , si attachés à leur
nouvelle croyance que vingt-cinq ans
après on trouva qu'ils l'avaient
conservée dans son intégrité, « quoi-
qu'ils fussent sans maîtres et sans
guides, et même inquiétés par de
mauvais princes. » Plus tard d'autres
missionnaires obtinrent dans cette
contrée des succès encore plus grands.
11 restait à Xavier une tâche bien
importante, c'était d'aller évangé-
liser la Chine; il en avait un ex-
trême désir , mais il y avait peine
de mort pour tout étranger qui s'y
introduirait sans en avoir la per-
mission. 11 fit en sorte qu'une am-
bassade à la suite de laquelle il se
mettrait y fût envoyée. On la confia
à Jacques Pereyra , homme pieux ,
riche et ami de Xavier , qui voulut
bien y employer une partie de sa
fortune. On arriva en peu de jours
à Malacca. Xavier y fut reçu avec
joie ; mais don Alvarez qui en était
gouverneur , et qui avait contre Pe-
reyra quelque sujet de mécontente-
ment , ne permit pas à la légation
d'aller plus loin. INi prières , ni me-
naces , ni même une excommunica-
tion qu'on lança contre lui , ne le
firent changer d'avis. Xavier, qui
ne voulait pas renoncer à son des-
sein , fut obligé de partir seul , sur
un vaisseau portugais qui faisait
voile pour l'île de Sancian, à vingt-
cinq lieues de la terre ferme , vis-à-
vis de Canton. Quelque risque qu'il y
eût à mettre le pied sur le sol chi-
nois, Xavier y était décidé, et il
XAV
avait déjà pris quelques mesure»
pour cette périlleuse entreprise ,
lorsqu'il tomba malade. Après de
longues souffrances , il mourut
dans cette île le 2 décembre i552 ,
n'étant âgé que de quarante-quatre
ans, dont il avait passé dix et de-
mi dans ses laborieuses missions.
On l'enterra sur le rivage après avoir
mis beaucoup de chaux dans son
cercueil pour consumer les chairs ;
mais lorsqu'on le déterra , vers le—
milieu de février de l'année suivantejB
on les trouva aussi fraîches que s'ifl
eût été vivant; on rapporte même
qu'une odeur suave s'exhalait de*
tout son corps. Il fut mis dans:«
cet état sur le vaisseau , et trans-
porté d'abord à Meaco , où Pereyra ,
qui s'y trouvait encore, lui fit fai-
re de magnifiques obsèques. Quel-
ques mois après on l'envoya à Goa ,
où il fut déposé dans la grand
chapelle de l'église de Saint-Paul
Des miracles , dit - on , se firent
son tombeau. Ses historiens , sur
tout le P. Bouhours, en rapportent d
nombreux et d'éclatants qu'il fit dan
le cours de ses missions , et qui du
rent contribuer beaucoup à leur suc
ces. Un des plus remarquables al
été le sujet d'un tableau capital ,'
fait par le Poussin , pour le novi-
ciat des jésuites de Paris, et qui est
aujourd'hui au Musée du Louvre
(2). Xavier fut béatifié par Paul V^
en 1619, et canonisé par Grégoire
XV , en 1622. On a de lui : I. Cinq
(2) La renaissance d'une jeune fille , operce aa
Japon, y est représentée: elle produit l'impre.ssio»
la plus vive sur les assistants; et la puissaucc du
(liiist qui apparaît au saint ne permet point de
douter de la vérité de ce miracle. C'est là sans
doute un trait de génie du peintre : l'école de
Vouet seule , loin de l'admirer , fit éclater sa ja-
lousie. Vouet n'était point mort à cette époque
( en 1(147. ) ! n mourut même , non en 1648 , com-
me nous l'avions dit à l'article du Poussin , mais,
eu 1649 , comme l'attestent les registres, que uoiu -, 1
avons cousultés, de Saint-Jean en Grève. G-CE."
1
XAV
Vivres à' Epures , Paris , 1 63 1 , in-S*^.
II. Un Catéchisme. III. Des Opus-
cules. Le P. Bartoli, jésuite , a écrit
en italien la Vie de saint François
Xavier , laquelle a e'ie traduite en
]atin par le P. Jannin , 1709. Celle
du P. Bouhours, Paris, i6'ii ,in-4°-^
est la p!us estimée ( Foy. Bou-
hours ). Enfin Gaspard Xuarès a
publie : Fida iconolo^ica del apos-
tol de las Indias S. Francisco Xa-
vier, Rome, 1 798 , in-80. Le P. Fran-
çois Oudin, jésuite, a compose un
petit Office de ce saint , dont les
hymnes passent pour un chef-d'œu-
vre de poésie latine. L — y.
XAVIER (Jérôme) , de la mcme
famille que le précédent , mais non
son frère, comme le dit un supplé-
ment du Dictionnaire de Ladvocat ,
était né dans la Navarre et sujet du
roi d'Espagne. Il entra chez les Jé-
suites à Alcala , le 7 mai i568, et
commença par y être employé dans
l'enseignement. Animé pour la con-
version des infidèles , du même zèle
dont son illustre parent avait donné
tant de preuves , il demanda à ses
supérieurs , et en obtint la permission
d'aller dans les Indes se consacrer
au même ministère. Il se rendit à
Goa en i57 1 , et s'y lia à la société
par les quatre vœux. Il fut chargé
de divers emplois , d'abord du soin
des novices , et ensuite des fonctions
de supérieur ; il fut même pendant
•quelque temps recteur de la -mais on
professe de Goa. Cette fonction ne
suffisant point à son zèle , il réso-
lut d'aller porter la foi au Mogol, et
fut le premier missionnaire , après
Rodolphe Aquaviva , qui pénétra
dans cette contrée. Il y courut sou-
vent de grands dangers , et faillit être
lapidé à Lahore, 011 il fîtnéanmoins
de nombreuses conversions , et bap-
tisa quatre proches parents du roi.
XAV
341
Il y avait à la cour du monarque un
Arménien qui jouissait , près de lui,
d'une grande faveur. Sa femme étant
morte , il voulut épouser sa belle-
sœur. Le P. Xavier crut devoir s'op-
poser fortemeut à cet inceste spiri-
tuel. L'Arménien s'en plaiguit au roi
qui supporta impatiemment le refus.
Son mécontentement néanmoins n'eut
pas d'autres suites. Le P. Xavier
continua de paraître à la cour, et
même de suivre le roi partout où il
ïe transportait. Il retourna à Goa
en 1617 , et y mourut le 17 juin de
la même année. Philippe III , roi
d'Espagne , instruit de ses travaux
apostoliques, voulut les récompen-
ser , en le nommant à l'archevêché
d'Angamalé. Prévenu par la mort y
le P. Xavier ne jouit point de cette
grâce. Il a laissé des écrits en latin
et en persan. On a de lui : I. Traité
des mystères du christianisme sous
le titre de Fons vita3 , contre le ma-
hométisme , 1600. II. Abrégé du
même oui^rage. III. De la vie , des
miracles , et de la doctrine de notre
Sauveur Jésus- Christ. IV. Fie des
apôtres. V. Histoires et faits desSS.
martyrs, VI. Directoire des rois
pour le gouvernement de leurs états.
VII. En persan, Histoire de Jésus-
Christ et Histoire de saint Pierre.
Ces deux derniers ouvrages furent
traduits du persan en latin , par
Louis de Dieu , protestant , profes-
seur et principal du collège Wallon
de Leyde , et imprimés chez les Elze-
virs. Le traducteur y a joint des
Notes critiques, où il s'égaie, non
sans quelque malignité , aux dépens
du P. Xavier, au sujet de quelques
faits apocryphes puisés dans des sour-
ces peu sûres. A raison de ces faits
et de ces notes , le livre a été mis à
V index en vertu de trois décrets des
années 1641 et 1G45. Le P. Xavier
34^ XEN
a aussi laisse des Lettres touchant
ses missions. L — y.
XÉNOCLÈS, fils de Carcinus,
poète tragique grec , sur lequel on
a très-peu de renseignements, était
d'Athènes, et florissait sous le rè-
gne de Philippe de Macédoine. Dans
j'a quatre - vingt - onzième olym-
piade , dit Élien ( Hist. dwers. ,
livre ir, 8), oii Excnète d'Agri-
ç;ente fut vainqueur à la course ,
Xénoclès remporta le prix de la Té-
ïr^/ogie sur Euripide ( /^. XIII, Sig
(i)), si souvent malheureux dans
ces luttes littéraires. Les quatre
pièces présentées parXénoclès étaient
OEdipc , Lycaon y les Bacchantes ,
et Athamas , drame satirique. On
n'en connaît plus que les litres j mais
il ne paraît pas qu'on doive regretter
Leaucoup la perte de ces pièces ,
Suisqu'Élien accuse d'ignorance ou
e prévarication les juges qui n'a-
vaient pas rougi de les préférer à
celles d'Euripide : Alexandre ou
Paris , Palamède _,les Trojens, et
Sisyphe. Aristophane, dans la co-
médie des Grenouilles , fait dire à
Hercule ( vers 86 ) : Oii est donc
Xénoclès ? à quoi Bacchus répond :
Par Jupiter ^ qu'il périsse ! L'an-
cien Scholiaste remarque sur ce pas-
sage que Xénoclès est critiqué com-
me un mauvais poète , et surtout
obscur par le fréquent usage des allé-
gories (^r^^. d'Élien par M. Dacier,
pag. 49 )• Cependant , suivant Lor.
Crasso , Démoslhène cite Xénoclès
comme un poète estimable ( Storia
de' poeti greci ) ; mais on doit re-
marquer qu'il y eut deux poètes du
nom de Xénoclès, et que nous ne
savons pas si c'est du même que par-
lent Aristophane et Démoslhène.
W— s.
•ni
(i) Loi-, c/7, , notre poî'le est mal nommé Xcno-
c•/fl^', par une faute d irupressiuii.
XEN
XÉNOCRATE , fds d'Agathénor,
fut un des plus illustres philoso-
phes de l'ancienne Grèce. Il naquit
à Chalcédoine, vers l'an 4o6 avant
J.-G. , et fut de bonne heure le dis-
ciple et l'admirateur de Platon, pour
lequel il eut toujours le même res-
pect et le même attachement. 11 l'ac-
compagna dans son voyage de Sicile;
et comme Denys le tyran menaçait
un jour Platon, en lui disant que
quelqu'un lui couperait la tête :
Personne , répondit Xénocrate , ne
le fera avant d^ avoir coupé l
mienne ! Il étudia sous Platon en
même temps qu'Aristote , mais non
pas avec les mêmes succès; car il était
d'un esprit lent et d'une conception
dure , au lieu qu'Aristote avait l'es-
prit vif et pénétrant ; ce qui faisait
dire à Platon que le premier avait
besoin d'éperon, et Vautre de bride;
et Xénocrate disait lui-même à ci
sujet qu'il ressemblait aux vases qui
ayant le goulot étroit, reçoivent diffi,
cileraent , mais retiennent bien mieux
Un jour on vint dire à Platon qu
Xénocrate avait mal parlé de lui
« Je ne le crois pas , » répondit-il
On insista ; il ne céda point. 0:
ofirit des preuves : « Non , répliqua
t-il; il est impossible que je ne soi*
pas aimé de quelqu'un que j'aime s
tendrement. » Si Xénocrate était infé
rieur à Aristote du côté de l'esprit
il le surpassait beaucoup danslapra
tique de la philosophie morale. T
était grave , sobre , austère , et d'u
caractère si sérieux et si éloigné d
la politesse des Athéniens, que Plato:
l'exhortait souvent à sacrifier am
grâces. Il y a cependant de la grâo
et de la bonté dans ce mot qu'on lu
attribue. Un moineau, poursuivi pa
uuépervier, se réfugia dans sa robe
il l'y retint , le sauva , et lui rend
ensuite la liberté, eii disant : « II
XEN
V faut pas trahir un suppliant- »
ïl souffrait très-patiemment les re'-
primandes de Platon ; et lors-
qu'on Tcxcitait à se défendre : Il ne
me traite ainsi , rcpondait-il , que
pour mon profit. On le loue surtout
pour sa cliaslete. Il avait acquis un
tel empire sur ses passions , que
Phryne', la plus belle courtisane de
la Grèce , ayant gagé de le faire suc-
comber, n'en put jamais venir à
bout, qiioiqu'elle fût allée le trouver,
et qu'elle eût employé tous les moyens
imaginables. Comme on se moquait
d'elle, en voulant l'obliger de payer
la gageure , elle répondit quelle na-
çaitpoint perdu, parce quelle avait
parié défaire succomber un homme ^
et non point une statue. Xénocrale
lit paraître en tout la même tem-
pérance. Il n'aima ni les plaisirs, ni
les richesses, ni les louanges. Il était
d'une si grande sobriété, qu'il se vit
quelquefois obligé de jeter ses pro-
visions, parce qu'elles étaient moi-
sies et trop vieilles • ce qui fai-
sait dire aux Grecs , proverbia-
lement , le fromage de Xénocraie ,
lorsqu'ils voulaient faire entendre
qu'une chose durait long temps. Il
remplaça dans l'académie d'Athè-
nes , Speusippe , successeur de Pla-
ton, 339 3vant J.-C. , et il fut
le chef de l'académie pendant
vingt - cinq ans. Il voulait que ses
disciples sussent les mathématiques
avant de venir à ses leçons ; et
il renvoya un jeune homme qui ne
les savait pas, en disant qu'il n'a-
idait point la clef de la philosophie. \\
s'acquit une si grande réputation de
franchise et de probité , qu'il fut le
seul que les magistrats d'Athènes
dispensèrent de confirmer son témoi-
gnage parle serment. Polémon , jeune
homme riche , mais si dissolu , que
$a femme l'avait accusé en justice , à
XEN 343
cause de ses mœurs infâmes , ayant
un jour bu outre mesure , et courant
par les rues avec ses compagnons de
débauche , entra dans l'école de
Xénocrate à dessein de s'en moquer
et de l'insulter. Tous les auditeurs
s'indignèrent de cette insolence; mais
Xénocrate, sans se troubler, tourna
aussitôt son discours sur la tempé-
rance , et parla de cette vertu avec
tant de force , de dignité et de no-
blesse , qu'il fit naître tout-à-CQ.up
dans l'ame du débauché la résolu-
tion de renoncer aux voluptés , et de
s'attacher à la sagesse. Polémon de-
vint , dès ce moment, un discijde de
la vertu ; il ne but plus que de l'eau,
et succéda , dans la suite, à Xéno-
crate dans la chaire de philosophie.
Cette conversion fit grand bruit , et
elle ajouta beaucoup au respect que
le philosophe s'était acquis. Dès-lors,
quand il passait dans les rues, la
jeunesse débauchée s'éloignait pour
éviter sa rencontre. Alexandre-lc-
Grand lui envoya cinquante talents,
somme considérable pour ce temps-
là. Mais les députés de ce prince étant
arrivés à Athènes avec ce trésor ,
Xénocrate les invita à manger , et
ne leur lit servir que son repas ordi-
naire. Le lendemain , comme ces dé-
putés lui demandaient à qui il voulait
que les cinquante talents fussenlcomp-
tés : Le souper d'hier^ leur répondit-
il, 7ie vous a-til point fait compren-
dre que je n'ai pas besoin d'argent ?
voulant marquer par-là qu'il se con-
tentait de peu , et que l'argent est
nécessaire aux rois et non pas aux
philosophes. Les députés lui firent
néanmoins de si vives instances ,
qu'il prit une petite partie de la som-
me, de peur de montrer du mépris
pour celui qui l'offrait. « Ainsi , dit
Va 1ère Maxime, un grand roi vou-
lut acheter l'amitié d'un phiiosophei
Iî4
XEN
et le philosophe refusa de vendre
son araitic' au grand roi. » Les Athe'-
niens , qui l'avaient envoyé en am-
bassade vers Philippe , roi de Macé-
doine , l'envoyèrent encore , long-
temps après , vers Antipater ; et il
fut charge' , ainsi que Phocion , de
traiter avec le prince qui menaçait
d'envahir l'Attique ; mais il ne put
en obtenir que des conditions fort
dures , ce qui lui Ht dire en pré-
sence d' Antipater , que pour des
esclaves, il traitait les Athéniens
assez doucement, mais que pour un
peuple libre, il se montrait bar-
bare. La conduite qu'il tint , la
probité et le courage qu'il montra
dans cette ambassade , lui firent
encore une grande réputation. On
s'étonne que^ les Athéniens aient
pu laisser traiter un philosophe de
ce mérite aussi indignement par
les fermiers et les receveurs de
leurs impots ; car, quoiqu'ils les eus-
sent une fois condamnés à l'amende
pour avoir voulu mener Xénocrate
en prison y faute de payer un certain
impôt mis sur les étrangers, il est
constant que ces mêmes collecteurs
ou receveurs le vendirent une autre
fois , parce qu'il n'avait pas de quoi
])ayer. Mais DémétriusdcPhalère ne
put souffrir une action si odieuse j il
acheta Xénocrate , le mit sur-le-
champ en liberté , et paya la dette
aux Athéniens. Quelques jours après,
ayant rencontré le fils de son libéra-
teur, ce philosophe hii dit: « Votre
n père est payé avec usure du bien
» qu'il m'a fait, car je suis cause
» qu'il est loué de tout le monde. »
On attribue aussi à l'orateur Ly-
curgue l'acUon de Déraétrius. Xé-
nocrate mourut vers l'an 3i4 avant
J. - C. , à l'âge d'environ quatre-
vingt-dix ans , pour s'être heurté
de nuit à un vase de cuivre. Con-
XEN
sidéré comme philosophe , Xé-
nocrate, ainsi que Speusippe, son
prédécesseur ^ ne fit faire que peu de
progrès à la science, et s'occupa
moins de modifier ou de développer
ses théories platoniciennes, que de
les concilier avec le pythagorisme.
Aussi entendit-il la doctrine du phi-
losophe de Samos dans le sens des
dernières modifications qu'on lui
avait fait subir, et regarda-t-il l'unité
comme le principe actif, et le duel
comme le principe passif, seul sens
dans lequel les deux systèmes puis-
sent se rapprocher. Plularque rap-
porte un grand nombre de ses maxi-
mes et de ses paroles remarqua-
bles , entre autres : on s'est souvent
repenti d'avoir trop parlé , mais ja-
mais de s^ctre tu : — les vérita-
bles philosophes sont les seuls qui
font de bon gré et de leur propre
mouvement ce que les autres nef ont
que par la crainte des lois : — c'est
un aussi grand péché de jeter
les jeux sur la maison de son pro-
chain , que d'y mettre le pied : —
il faut mettre des lames de fer
aux oreilles des enfants pour les
rendre sourds aux propos corrup-
teurs y plutôt que d'en mettre aux
athlètes pour les garantir des coups,
etc. Xénocrate, dit- on, ne reconnais-
sait point d'autre divinité que le ciel
et les sept planètes , ce qui faisait huit
dieux. Cicéron , dans son livre i^»'.
de la Nature des dieux , réfute
très-bien un tel système ; mais il n'est
guère probable que l'école de Platon
se fût déjà autant éloignéedeses doc-
trines. Plutarque a loué Xénocrate de
ce que la pesanteur de son esprit ne
lui fit pas perdre courage dans le
cours de ses études, et il le cite pour
exemple , afin d'encourager les es-
prits qui ont peu de facilité. Il avait
composé , à la prière d'Alexandre ,
XEN
un traité de V^rt de régner ; six
livres de la Nature; six de la Phi-
losophie; un autre des Richesses^
etc. Mais ces ouvrages ne sont point
parvenus jusqu'à nous. On trouve ,
sous son nom , un Traite de la morty
dans Je JamLlique d'Aide, 1497 ?
in-fol. M. Denis Van den Wynpersse
a publié à Leyde , en 1822, une
Dissertation sur Xénocrate , in-S".
— Pline fait mention de deux autres
Xénocrate, dont l'un avait écrit sur la
Toreutique , et l'autre , habile pein-
tre et sculpteur, avait composé un
traité de Ja peinture. On trouve aussi
un Xénocrate parmi les poètes de
\ Anthologie. M — d j.
XÉNOCRATE , médecin grec , vi-
vail vers le milieu du premier siècle
de l'ère vulgaire. Il était né à Aphro-
disé. Plusieurs villes portaient ce
nom; et on ne peut aujourd'hui dé-
terminer précisément celle à laquelle
il appartenait. Il avait composé un
ouvrage, qui ne nous est pas parve-
nu , sur l'utilité médicale des ani-
maux. Galien l'accuse d'ignorance
et de superstition; et il est difficile
d'être d'un autre avis quand on lit
les étranges recettes que Galien , au
commencement de son dixième livre
sur l'efficacité des remèdes simples ,
a extraites du Traité de Xénocrate.
Toutefois il faut dire qu'à côté de ces
indications puériles et absurdes, Xé-
noct-ate avait placé des prescriptions
sages et rationnelles. Oribase nous a
conservé de cet ouvrage un fragment
qui le prouve ; et il nous reste encore
une autre preuve du bon sens et de
l'expérience de Xénocrate , dans son
Tiaité De la nourriture tirée des
poissons. Ce livre, dont nous devons
aussi la conservation à Oribase, a
été assez souvent imprimé. La pre-
mière édition fut donnée , en 1 559 ->
par Conrad Gcsner ; mais elle était
XEN
345
incomplète des deux tiers. Fabricius ,
aidé d'un bon manuscrit, le réimpri-
ma en entier , dans le tome ix de-sa
Bibliothèque grecque. Le nouvel édi-
teur de Fabricius ne l'a pas conservé,
jugeant avec raison que cette réim-
pression était rendue inutile par les
éditions que Franz avait publiées à
Leipzig, en 1774 et 1779, et par
celle de Gaétan d'Ancora (Naples,
1 794 ). La meilleure édition est celle
du docteur Coray (Paris, i8i4)j
elle forme le tome troisième des
Hors - d*œuvres de sa Bibliothèque
grecque. Xénocrate se trouve aussi
dans le recueil d'Oribase, publié à
Moscou, par M. Matthœi. B — ss.
XÉNOPHANE , fondateur de l'é-
cole d'Élée , naquit , de l'aveu de tous
les auteurs, à Coiophon, colonie Io-
nienne de l'Asie mineure. Les uns le
disent fils de Dexius ou Dexinus, les
autres d'Orthoraène ; cette dernière
opinion a pour elle les meilleurs et
les plus nombreux témoignages, et
elle a généralement prévalu. Quant à
la date précise de sa naissance ,
parmi bien des contradictions ap-
parentes ou réelles, nous trouvons
pourtant trois auteurs qui , malgré la
dilïércnce d'écoles et d'époques, sont
unanimes à cet égard. Sotion, au
rapport de Diogène de Laerle , fait
Xénophane contemporain d'Anaxi-
mandre , ce qui placerait à-peu-près
sa naissance vers la quarantième
olympiade; or, Sotion, qui vivait
près de deux siècles avant notre ère ,
qui avait voué toute sa vie à l'étude
de l'histoire des premiers âges de la
philosophie grecque, et qui était en-
touré, à Alexandrie, des plus riches
documents historiques, est une auto-
rité grave. Apollodore^, qui était,
comme Sotion , très-versé dans l'his-
toire de la philosophie^ et vivait
comme lui à Alexandrie, un siècle
plus tard , fait aussi naître Xcno-
pliane , selon saint Clément d'A-
lexandrie , à la quarantième olym-
piade. Enfin , deux siècles avant
notre ère, Sextus, qui s'est beau-
coup occupe du fondateur de l'é-
cole d'Éle'e et nous en a conservé de
précieux fragments, met sans hési-
ter sa naissance à la même épo-
que. Voilà donc trois auteurs dignes
de confiance , qui , s'accordant sur
ce point , forment une autorité im-
posante. De plus , il ne faut pas ou-
blier que Xénophane a vécu très-
long-temps. Lucien le fait vivre qua-
tre-vingt-onze ans , et encore est-ce
trop peu ; car Diogène nous a con-
servé des vers dans lesquels Xéno-
phane nous apprend lui-mcme quel
était son âge au moment où il les
composait; et cet âge est celui de qua-
tre-vingt-douze ans. Et comme rien
ne prouve que Xénophane soit mort
immédiatement après avoir fait ces
Yers , on peut très-bien , avec Censori-
iius , le faire vivre un siècle entier ,
un peu plus ou un peu moins.
Or , en partant de la date de la
quarantième olympiade , avec So-
tion, ApoUodore et Sextus, et en
nous donnant un siècle entier d'aprçs
Xénophane lui-même, nous avons
assez d'espace pour y placer tous les
récits des auteurs et résoudre leurs
contradictions apparentes. En effet ,
mi homme né à la quarantième olym-
piade, et qui a vécu à -peu -près un
siècle, a dû voir la soixante-cinquième
olympiade. Par conséquent il a très-
bien pu venir à la soixante-unième
olympiade, comme l'attestent tous les
auteurs , lui , Ionien d'origine , s'éta-
blir à Elée ,dansune colonie Phocéen-
ne de la Grande-Grèce , colonie ré-
cemment fondée, dont les habitants
échappés aux désastres de toutes les
autres colonies de l'Asie mineure ,
restés seuls libres , à force de courage
et de dévouement au milieu de la
commune servitude , offraient un
asile et une patrie à tous ceux de
leurs compatriotes qui fuyaient le
joug des Perses. 11 a pu , à l'âge de
quatre-vingt douze ans, c'est-à-dire^
à la soixante-troisième olympiade,
composer les vers rapportés par Dio-
gène. Et quand ce même Diogène
dit que Xénophane fleurit vers la
soixantième olympiade, rien de plus
facile à admettre, en prenant la
quarantième pour date de sa nais-
sance; car dans ce cas , il aurait fleu-
ri à l'âge de quatre-vingts ans , ce qui
devait être en effet la plus belle épo-
que de son talent et de sa gloire, à
l'en croire lui-même. ApoUodore,
dans le passage cité par St. Clément ,
après avoir dit que Xénophane na-
quit vers la quarantième olympiade,
ajoute qu'il prolongea sa vie jusqu'au
temps de Darius et de Cyrus ; et le
faux Origène dit à-peu-près la même
chose. Rien encore de plus facile à
concevoir ; car Cyrus était dans toute
sa puissance vers la cinquante-huitiè'
me olympiade ; et Darius étant mon-
té sur le trône à la fin de la soixante-
quatrième , Xénophane a pu voir les
commencements de son règne. D'ail-
leurs le faux Origène ne fait mention
quede Cyrus. Cependant on fait dire à
Eusèbe que Xénophane est né dans la
cinquante-sixième olympiade; et sur
cette base on élève un long écha-
faudage chronologique que nous ren-
verserons d'un seul mot : Eusèbe n'a
jîas dit que Xénophane naquit, mais
qu'il fleurit à la cinquante - sixième
olympiade, clarus hahelui% ce qui
est tout différent, et si dilTérent que
l'autorité d'Eusèbe est alors pour
nous , et détruit l'opinion même que
jusqu'ici elle paraissait a]>puycr. Ou
cite encore des vers de Xénophane ,
XEN
rapportes par Athenëe , où il parle
de l'invasion des Perses^ et de ces
vers ou tire la nécessite de le faire al-
ler jusqu'à labalaille de Marathon et
même au-delà , c'est-à-dire jusqu'à la
soixante-quinzième olympiade. Mais
nous contestons le sens que l'on veut
donner aux vers de Xënophane.
Selon nous , ces vers ne font pas
allusion à l'invasion du continent de
la Grèce , mais bien à celle des côtes
de l'Asie mineure^ qui eut tant d'in-
fluence sur la destinée de sa premiè-
re et de sa seconde patrie et sur l'his-
toire entière de sa vie: — Foici ce
qu'il faut dire auprès du f m pen-
dant l'hii^er , — Couché mollement
et bien repu , — En Imitant du vin
délicieux , et en mangeant des pois
chiche S: — Qui es - tu ? d où es-tu ?
quel âge as-tu, mon cher? — Quel
dge avais-tu quand le Mède arriva?
— Tels sont les vers deXénophane
que nous a conservés Athénée. On y re-
connaîtun Ionien de cœur et d'habitu-
de,qui, s'adressant à un habitant de
la nouvelle colonie, relève le charme
de la sécurité' présente du souvenir
de l'infortune passée , et tranquille à
Élée , s'entretient des désastres de
Phocée avec un homme qui a grandi
depuis ces malheurs , et dont il me-
sure l'âge actuel sur celui qu'il pou-
vait avoir quand le Mède arriva.
Quelle pouvait être l'invasion du Mè-
de qui importât si fort à un homme
d'Élée, sinon celle qui le regardait^
c'est-à-dire, l'expédition contre les
colonies grecques de l'Asie mineure,
et particulièrement contre Phocée ,
la mère-patrie d'Élée? Hérodote, qui
raconte cette expédition , la défense
désespérée de Phocée ., la fuite noc-
turne des Phocéens, leurs aventures
en Corse et en Sardaigne , et leur dé-
faite par les Carthaginois^ qui les
força de se jeter sur les côtes de l'I-
XEN
347
talie et d'y fixer leurs pénates, Héro-
dote ajoute qu'Harpagus, général de
Cyrus et chef de l'expédition, quoi-
qu'il commandât les Perses, était Mè-
de de nation. H n'est donc pas im-
possible que l'expression : le Mède
arriva , désigne tout simplement cet
Harpagus , auteur des maux de
Phocée et d'Élée. Mais il est plus
probable que c'est une expression
générale qui désigne les Perses eux-
mêmes , que l'on apj)elait alors Mo-
des , témoin l'exjJression de guerre
médique et les expressions latines
dérivées de celle-là. Or , nous conve-
nons bien que les Grecs du continent
devaient appeler invasion médique
celle qui fut suivie de la bataille de
Marathon et de Salaraine^ mais ce
n'est point ici un Grec du continent
qui parle à un Grec du continent :
c'est un Grec de l'Asie mineure qui
parle à des Grecs de l'Asie mineure,
pour lesquels le Perse ou le Mède ne
peut être que celui qui les attaqua et
leur enleva leur patrie, événement
terrible et mémorable, par lequel il
était naturel que les hommes échap-
pés à ce grand désastre, une fois
tranquilles à Elée , comptassent les
années de leurs enfants. Les vers de
Xénophane, faits à Élée , et adressés
à unÉléate , ne peuvent donc désigner
que l'invasion des Perses dans l'Asie
mineure, et nullement la guerre mé-
dique proprement dite , celle qu'ap-
pellent ainsi les historiens et les poè-
tes du continent. Cette interpréta-
tion , qui nous semble incontestable,
résout les difficultés que l'on pourrait
tirer contre nous des vers de Xëno-
phane cités par Athénée; et parla
tombe le seul argument plausible
sur lequel repose, avec la fausse au-
torité d'Eusèbe, tout l'édifice chro-
nologique de Casaubon , de Bayle, de
Dodwell, de Feuerlin, de Brucker
348
XEN
et de Hcirles. Nous avons vu que les
témoignages en apparence les plus
opposes, bien examines, se conci-
lient et concourent au même résultat.
Ce résultat, si bien appuyé, ne peut
plus être ébranlé par la seule autori-
té de Timée , qui , selon St. Clément
d'Alexandrie , fait naître Xénopliane
au temps de fliéron , tyran de Sicile,
etdupoèteÉpicliarme. Nous ne dissi-
mulerons pas qu'il y a dans lesApopli-
tliegmes de Plutarque une anecdote
qui se rapporte à l'opinion de Ti-
mée. Xénophane, dans Plutarque,
se plaignant à Hiéron de ne pouvoir
nourrir deux serviteurs, celui-ci lui
répondit : « Homère , que tu déchi-
res , en nourrit , après sa mort , plus
de dix mille. » Nous trouvons
aussi dans la métaphysique d'Aris-
tote un passage duquel il résulterait
qu'Épicbarme avait dit de Xénopha-
ne : « H a l'air d'avoir raison, mais
» il a tort. » D'abord il ne suit nul-
lement de ce passage d'Aristote qu'É-
picbarme ait connu Xénophane, mais
seulement qu'Épicbarme a vécu dans
un temps oh la gloire de Xénophane
remplissait encore assez la Grèce ^
pour qu'Épicbarme mît de l'intérêt à
lui lancer quelques traits satiriques.
Pour l'opinion de Timée, elle est
si étrange qu'elle se détruit elle-mê-
me. En efïèt, Hiéron et Epichar-
me sont à -peu -près de la soixante-
quinzième olympiade. Ajoutez un
siècle pour la durée de la vie de Xé-
nophane , et vous le faites aller jus-
qu'à Périclès et Socrate , ce qui n'a
pas besoin d'être réfuté. Aussi , nul
critique n'a-t-il adopté l'opinion de
Timée , mais elle a eu du moins cette
autorité, de faire méconnaître celle
que nous avons exposée, et qui a pour
elle l'accord et l'unanimité de tous
les autres témoignages ^ en sorte que,
comme terme moyeu , la plupart
XEN
des critiques ont pris la fausse date
d'Eusèbe. Quant aux historiens de
la philosophie, ils sont en généraltrop
négligents des questions de chronolo-
gie, pour s'être embarrassés de celle-
là. Mais les questions de chronologie^
en apparence indifférentes, tiennent
intimement à l'histoire approfondie
des écoles, puisque bien résolues elles
montrent les rapports que les écoles
ont pu avoir entre elles , les em-
prunts qu'elles ont pu se faire ré-
ciproquement;, et leurs liens histo-
riques qui renferment tant d'autres
liens. — La date de la naissance de
Xénophane, ainsi fixée, on s'oriente
assez bien dans le reste de son his-
toire et de sa vie. Né à Colophon^ à
la quarantième olympiade (617 ans
avant notre ère ) , tous les au-
teurs attestent qu'il quitta sa pa-
trie , mais on ne sait trop à quel-
le époque, ce qui est sans impor-
tance, ni s'il la quitta volontaire-
ment ou malgré lui. 11 n'est pas im-
possible que Xénophane , comme Py-
thagore , ait fui bù-même le specta-
cle de la servitude et de la corrup-
tion de son pays. Cependant, il est
plus probable qu'il fut exilé, l'ex-
pression de Diogène de Laërte , ré-
pétée par tous les auteurs, supposant
une perte que l'on n'a pas faite vo-
lontairement , et qui nous est impo-
sée par le sort. Le même Diogène
nous apprend qu'après avoir quitté
sa patrie, Xénophane vécut en Sici-
le, à Zancle et à Catane. Plus tard ,
et déjà vieux, il vint s'établir dans
la colonie nouvelle d'Élée, sur les
cotes de l'Italie , et l'établissement
de cette colonie ayant eu lieu dans
l'olympiade soixante-une (536 avant
J.-C.) , d'après notre calcul , Xéno-
phane ne devait pas avoir moins de
quatre-vingts ans, lorsqu'il se fixa à
Élée. 11 eut des enfants qui mouru-
XEN
rent avant lui. Dëinetriiis de Phalè-
re, dans son traite de la vieillesse,
et le stoïcien Panœlius, dans son
traité de la tranquillité, rapportent
tous deux , selon Diogène de Lacr-
te, qu'il ensevelit ses lils de ses pro-
pres mains, comme le firent Anaxa-
goras et les pythagoriciens Parraenis-
cos et Oresladès, selon Phavorinus
dans le premier livre de ses com-
mentaires. Brucker voit dans ce fait
une preuve de la pauvreté de Xéno-
pliane j mais Casaubon remarque
fort bien que c'est une preuve de for-
ce morale, une pratique pythago-
ricienne , et que c'est pour cela que
Philostrate prétend qu'Apollonius de
Tyane,le second Pythagore, ense-
velit lui-même son père. L'anecdote
racontée par Plutarque , réduite à sa
juste valeur, prouve d'ailleurs assez
bien quelle était la pauvreté de Xé-
nophane. Il paraît qu'il vivait du
métier d« rhapsode , comme Homère
et Hésiode ; c'est ainsi du moins que
nous entendons la phrase tant con-
troversée de Diogène. H est même
probable qu'en sa qualité de rhap-
sode il alla chanter ses vers dans
les cours de la Sicile^ car outre l'a-
necdote de Plutarque , qui le met en
rapport avec un poète de cour et un
prince, Diogène nous a conservé un
mot de Xéuophane, qui atteste une
certaine expérience des grands et des
princes : a H faut ne pas approcher
des tyrans , ou le faire avec une ex-
trême douceur. » Enfin, Timon,
qui n'était pas facile en ce genre,
loue sa bonne foi et son indépendan-
ce , et l'absout entièrement du repro-
che d'entêtement dogmatique qu'il
fait à tous les philosophes. — On a
souvent agité la question de savoir si
Xénophane avait eu des maîtres, et
quels avaient été ces maîtres. Selon
Diogène, il n'en eut aucun; selond'aii-
XEN
34î)
très , il prit des leçons de Boton l'A-
thénien j et même quelques auteurs
pensent qu'il étudia sous Archelalis.
Lucien appuie cette dernière opinion.
L'Athénien Boton est parfaitement
inconnu. Pour Archelaiis, il s'agit
de savoir si l'on adopte sur la date
de la naissance de Xénophane l'opi-
nion de Timée ou celle de Solion,
d'Apollodore et de Sextus. Dans l'o-
pinion de Timée, Xénophane aurait
très -bien pu entendre Archelaiis,
un des maîtres de Socrate, car il
aurait été le contemporain de ce
dernier. Mais dans notre calcul, la
chose est absolument impossible.
Diogène déclare qu'il s'écarta de
Thaïes et de Pythagore, et qu'il cri-
tiqua sévèrement Épiménide. H con-
naissait donc leurs systèmes s'il
les rejeta. H est en effet presque im-
possible qu'un hotnme né six cent
dix-sept ans avant Jésus-Christ, et
qui vécut un siècle entier sur les cô-
tes de l'Asie mineure , en Sicile et
dans la Grande- Grèce, n'ait pas
connu les philosophes dont la gloire
remplissait et cette époque et ces
contrées. Si , avec son caractère in-
dépendant et sa vie errante, Xéno-
phane n'eut pas de maîtres , à pro-
prement parler , il s'instruisit à la
grande école de son siècle, et de
tous les systèmes répandus dans ce
siècle. Quant à ses rapports directs
avec Tinstitut pythagorique dont
parlent plusieurs modernes , nous
ne trouvons dans l'antiquité au-
cun passage »ù il en soit fait men-
tion, si ce n'est peut-être celui que
nous avons déjà cité , où Diogène dit
qu'il enterra ses enfants de ses pro-
pres mains. Mais si c'était là en ef-
fet une coutume pythagoricienne , elle
était aussi pratiquée comme un exer-
cice moral par des philosophes d'une
école difFérenle , et Diogène au mê-
35o XEN
me endroit raconte la même chose
d'Anaxagoras. Xenophane connut
donc toutes les doctrines contempo-
raines , mais il ne s'asservit à aucu-
ne , et fonda lui-même une doctrine
qui suppose l'existence et la connais-
sance préalable de deux autres, en par-
ticipe et s'en éloigne également. En
clFet , nous verrons plus tard que le
système de Xenophane tient du py-
thagorisme, et qu'il résume en même
temps toute la philosophie Ionienne
antérieure et contemporaine , et re-
présente merveilleusement la desti-
née de cet homme de Colophcn , qui ,
après avoir passé la plus grande par-
tie de sa vie dans l'ionie, vint ache-
ver sa carrière en Italie, et joindre
à l'empirisme et aux habitudes de
son premier pays quelque chose de
l'esprit idéaliste de sa patrie adopti-
ve. Quand on voit ainsi le rapport
de la doctrine d'un philosophe avec
les circonstances fondamentales de
sa vie, on n'est plus tenté de mé-
priser la biographie : au lieu de la
négliger, il' faut la féconder et l'a-
grandir en la mettant au service
de l'histoire. Dates, lieux , événe-
ments , tout contient des idées pour
qui sait les reconnaître , quelles que
soient leurs formes ; rien n'est indif-
férent , car rien n'est arijitraire ;
tout est à sa place , tout se rap-
porte au rôle assigné à chaque
philosophe et à chaque systè-
me. Que ce soit là notre excuse
pour les détails , trop étendus peut-
être, où nous sommes entrés sur
la chronologie et la biographie de
Xenophane. — On sait qu'il avait
fait plusieurs ouvrages , tous en
vers, mais ils ont péri avec tant
d'autres monuments de la même
époque. Quelques débris ont à peine
échappé au naufrage, et l'on ne con-
naît pas même avec précision les ti-
XEN
très des écrits auxquels ils appar-
tiennent. On avait cru long-temps,
sur la foi de Strabon, d'Eustalhe et
du scholiaste d'Aristophane , tpie Xe-
nophane avait composé des Silles ;
mais maintenant il est démontre'
que les silles qu'on lui avait attri-
bués sont de Timon , le fameux
sillographe , qui dans un ouvrage
divisé en trois livres , oii il fai-
sait la satire des philosophes de son
temps et des temps antérieurs , avait
imaginé , au second et au troisiè-
me livre , un dialogue entre Xe-
nophane et lui. 11 y interrogeait
Xenophane , qui lui répondait. On
conçoit quels silles acres et mor-
dants Timon avait dû mettre dans
la bouche de Xenophane. Plus tard,
ces vers , détachés du corps de l'ou-
vrage, auront été mis sur le comptedu
personnage qui les débitait,ce qui aura
trompé Strabon , Eustathe et le scho-
liaste d'Aristophane. Telle est l'hy-
pothèse de Stanley, d'abord com-
battue et ensuite adoptée par Fabri-
cius , et généralement admise. Quant
aux iambes contre Homère et Hésio-
de, que Diogène prête à Xenophane,
nul autre auteur ancien n'en dit un
mot, et la phrase de Diogène est visi-
blement corrompue; mais, faute de
documents, toute tentative pour la
rectifier serait arbitraire et super-
flue, et il est impossible sur une au-
torité aussi douteuse d'asseoir aucu-
ne opinion critique pour ou contre
l'existence d'iambes de Xenophane
contre Homère et Hésiode. Nous ne
voudrions pas non plus admettre
sans aucune réserve , d'après un seul
passage du seul Athénée, que Xeno-
phane eût composé des Parodies.
Nous nous contentons de rapporter
ici qu'Athénée fait mention d'un frag-
ment de Parodies^ qu'il lui attribue.
Diogène de Laërte dît positivement
XEN
qu'il écrivit près de deux mille vers
sur la fondation de Coloplion et sur
celle d'Elce. Il n'en reste pas un seul.
Mais dillërents auteurs s'accordent à
attribuer à Xénophane des Elégies.
Atlicnée en cite même plusieurs fraj^-
ments assez étendus , et qui parais-
sent tout-à-fait authentiques. Leur
naïveté, le mélange de rudesse anti-
que et de grâce naissante , le goût de
la liberté et du plaisir, le mépris des
exercices du corps, la critique des
fictions mythologiques , et l'éloge in-
génu de lui-même, y caractérisent par-
faitement Xénophane et son siècle,
et l'esprit de l'ionie déjà mé!é de lé-
gères teintes pythagoriciennes. Mais
ce n'est là que la partie littéraire pour
ainsi dire des ouvrages deXéuophane;
celui qui contenait son système phi-
losophique j et qui a immortalisé son
nom , était un poème en vers hexa-
mètres , intitulé : De la Nature, On
reconnaît ici cette première époque de
la philosophie grecque , oii la pensée
trop faible pour se prendre elle-mê-
me pour objet de ses recherches, ab-
sorbée dans la contemplation du
monde extérieur, essayait de se ren-
dre compte de ce grand phénomène,
à l'existence duquel la sienne propre
paraissait attachée. C'était là telle-
ment la matière nécessaire du travail
philosophique de cette époque, que,
dans les ouvrages qu'elle produi-
sait, l'identité du sujet amenait celle
du titre. La plupart sont intitulés :
De la Nature , comme celui de
Xénophane. Et même , comme ,
avant Xénophane , nous ne ren-
controns aucun oîivrage qui porte ce
titre devenu depuis si commun, nous
sommes tentés de le regarder com-
me le premier qui ait mis dans le
monde et dans la circulation des
idées , toutefois sans l'écrire, une
composition régulière sur ce sujet et
XEN
35i
sous ce titre. Cette composition non
écrite , condamnée à exister un mo-
ment dans la mémoire et à pé-
rir , a péri en effet , sauf un petit
nombre de fragments arrachés à
l'incertitude et à la fragilité de la
tradition , très-postérieurement il est
vrai , mais sans qu'on ait aucune
raison de suspecter leur authenticité.
En même temps les auteurs attribu( nt
à Xénophane, sans citer ses propres
paroles^ des opinions qui se rappor-
tent fort bien à ces fragments , de
sorte que sur le même point l'autorité
des fragments appuie celle des té-
moignages , lesquels de leur côté
ajoutent à celle des fragments. Quel-
quefois aussi les fragments tombent
sur des points où manquaient les té-
moignages j quelquefois ce sont les
témoiguages qui suppléent à l'ab-
sence de tout monument. Ainsi la
critique , tout en regrettant de ne pas
avoir plus de matériaux , peut ce-
pendant en recueillir un assez grand
nombre, pour rétablir, sans le secours
d'aucune hypothèse, et reconstruire
à-peu-près l'ensemble du système de
Xénophane. C'est ce que nous allons
essayer de faire avec le soin et l'éten-
due que réclament l'importance de
ce système , l'influence qu'il a exer-
cée sur l'école d'Élée et par l'école
d'Élée sur la philosophie grecque
tout entière , et la haute admiration
ou les attaques violentes dont il a été
l'objet à toutes les grandes époques de
l'histoire de la philosophie. — Nous
croyons pouvoir tirer le système de
Xénophane des fragments qui nous
en restent et des témoignages des
auteurs. Mais quelle était la place
relative de ces fragments , et le plan
du poème sur la Nature , et dans
quel ordre Xénophane y dévelop-
pait-il ses idées? C'est ce qu'il nous
paraît à-peu-près impossible de dé-
352 XEN
terminer aujourd'hui. Force's donc
de renoncer à retrouver et à repro-
duire Tordre de l'ouvrage original ,
condamnes à une exposition arbi-
traire , nous choisirons celle qui a
l'avantage de mettre le mieux en lu-
mière le vrai caractère du système
de Xcnophane. Or, selon nous, ce
système n'a pas l'unitë qu'on lui
prête généralement. Nous avons vu
que Xénopliane est un Ionien ,
qui , après avoir passé la plus gran-
de partie de sa vie dans l'ionie
ou tout près de l'ionie, est allé vers
l'âge de quatre-vingts ans s'établir
dans un pays habile en grande par-
tie par les Doriens , et soumis à leur
influence. De même la philosophie
de Xénopliane a en quelque sorte
deux parties, l'une ionienne, l'autre
dorienne et pythagoricienne. C'est
mi mélange de deux philosophies qui
se rencontrent sans se fondre vérita-
blement,de sorte que, malgré leur ac-
cord momentané , il est évident que
l'avenir doit les séparer et faire pré-
valoir l'une ou l'autre. Or , à Élée ,
dans la Grande-Grèce , au milieu des
établissements de Pythagore , ce
qui devait prévaloir était l'élément
pythagoricien. De là Parménide ,
Mélisse et Zenon. Mais il faut bien
se garder d'attribuer à Xénophane
le système simple et un de ses suc-
cesseurs; il faut lui laisser le système
mixte e( complexe qui le carac-
térise et constitue son originalité. —
La partie du système de Xénophane
qui porte l'empreinte de l'esprit io-
nien est et devait être sa partie cos-
mologiqûe et physique. Mais qu'est-
ce que l'esprit ionien ? le sensua-
lisme en toutes choses; l'amour du
plaisir dans la vie; en politique ,
des goûts démocratiques et des
mœurs serviles ; dans l'art, la pré-
dominance de la grâce; dans la reli-
XEN
gion, l'anthropomorphisme, et dans
la philosophie, qui est l'expression
la plus générale de l'esprit d'un peu-
ple , un empirisme plus ou moins in-
génieux, une curiosité assez hardie ,
mais toujours dans le cercle et sous
la direction de la sensibilité. Or,
qu'enseignent les sens? ce qui paraît,
non ce qui est. Que peuvent donc en-
seigner les sens sur l'ordre du mon-
de > le système des apparences. L'ap-
parence pour l'homme est que lui-
même, et avec lui cette terre qu'il
habite, est le centre de toutes cho-
ses. Selon l'apparence encore , la
terre, étant solide et immobile, doit
être infinie dans sa partie infé-
rieure. Au contraire, le soleil, la
lune et tous les astres se meuvent ,
et tournent autour de la terre ,
non pas au-dessous de sa base, qui
semble infinie , mais autour de son
sommet et de sa surface, de ma-
nière que le ciel entier n'est qu'un ap-
pendice de la terre. Voilà ce que di-
sent les sens et l'apparence ; c'est là
le fond de la cosmologie ionienne et
de celle de Xénophane. Il est si vrai
que Xénophane fait mouvoir le soleil
et tous les astres , que même , selon
lui , le soleil, la lune et les astres en
général ne sont que des nuages en-
flammés, dans un mouvement per-
pétuel. Selon lui, c'est la condensa-
tion des nuages qui donne aux astres
l'apparence de la consistance ; c'est le
plus ou moins d'inflammation des
nuages qui fait le plus ou moins de
lumière des astres, détermine leur
lever et leur coucher : les éclipses ne
sont que des extinctions momenta-
nées de nuages. Les auteurs oii nous
puisons ces résultats sont, il est vrai,
très-postérieurs; mais leur unanimité
leur donne une autorité irrésistible.
Ce sont : Plutarque , DcPlac. PhiL,
II, T3;Galien, xiii; Stohce, Ed.
XEN
PhfS.y I , 'i5 ; ëdit. Heeren , p. 5 1 '2 ,
et Acliilles Talius, sur Aratus,chap.
II. Nous nous contenterons de rap-
porter le passage de ce dernier au-
teur : Xénophane dit que les astres
sont composés de nuages enflam-
més ; qu'ils s'éteignent et se rallu-
ment comme des charbons; que
lorsqu'ils s'allument , nous nous fi-
gurons qu'ils se lèvent , et qu'ils se
couchent lorsqu'ils s' éteignent. En-
fin Stobëe, Ed. y p. 5oo, en parlant
des comètes , dit que Xënophane re-
garde tout cela comme des assem-
blages et des moui>ements de nua-
ges enflammés. Nous cioyons que
par-là Stobee fait plutôt allusion à
l'opinion connue de Xënophane sur
les astres, qu'il ne sigualeson opinion
sur les comètes en particulier. Du
moins nous ne retrouvons ailleurs
aucune trace d'une opinion quelcon-
que de Xënophane sur les comètes.
Si les astres sont des nuages en-
flammes , il suit qu'ils brillent d'un
éclat qui leur est propre , et que par
consëquent la lune n'emprunte pas
sa lumière au soleil. Xënophane s'é-
cartait eu cela du système dëjà bien
plus profond de Thaïes, poursuivre
celui d'un autre Ionien , Anaximan-
dre, système en harmonie avec son
opinion sur la nature de la substan-
ce de la lune et des astres , et plus con-
forme à l'apparence immédiate. Les
astres rëduits à des nuages , reste à sa-
voir d'oii viennent les nuages qui for-
ment les astres. Plutarque, Plac.
Phil. , II, 20 j Galien,et peut-être
Stobëe, Ecl.^ \j 26 , sur l'autoritë de
Thëophraste. attribuent à Xënopha-
ne l'opinion que les feux dont se
composent les astres viennent d'exha-
laisons humides , c'est - à - dire , des
exhalaisons qui s'échappent de la ter-
re et de l'eau. Voilà donc , en der-
nière analyse, le ciel entier établi , non
LI.
XEN 353
plus seulement comme un appendice,
mais comme une émanation de la
terre, laquelle est à-la-fois le centre
et le principe de l'univers. La cos-
mologie de Xënophane se résout ain-
si dans sa géologie. On n'est pas
d'accord sur la doctrine des éléments
qu'il avait adoptée. Les uns lui font
admettre quatre éléments, les au-
tres deux, d'autres un seul. Tou-
tes ces contradictions ne sont qu'ap-
parentes. Selon lui , la terre ve-
nait de l'eau ; et dans ce sens , l'eau
était le principe de toutes choses; mais
une fois que la terre est sortie de
l'eau et constituée, c'est la terre qui
produit tout ce qui est , tout ce que
nous pouvons connaître : dans ce sens
la terre aussi est le principe des
choses. De cette manière voilà deux
principes liés ensemble et également
nécessaires. Il y a plus; comme il
paraît d'après Plutarque et Galien
que pour constituer la terre, la
durcir et lui donner de la solidité ,
Xënophane admettait l'intervention
nécessaire de l'air et du feu, c'est
de là probablement que sera venue
l'opinion de Diogène de Laërte que
Xënophane admet quatre éléments.
Quant à la forme et aux bornes de la
terre , Xénophane comme pour tout
le reste n'allait pas plus loin que
l'apparence et le jugement grossier
des sens. De ce que l'œil croit aper-
cevoir la fin de la terre au bout de
l'horizon , Xénophane concluait que
la surface de la terre est finie; et, de
ce que la terre semble stable et im-
mobile , il concluait qu'elle est in-
finie dans sa partie inférieure. Sur ce
point nous avons les témoignages
les plus positifs d'auteurs graves, dont
l'autorité est ici décisive. Aristote, de
Cœlo, 11^ i3, lui attribue l'infinité
de la partie inférieure de la terre.
Simplicius, en commentant ce pas-
23
3^4 XEN
sage , affirme que Xënophane in-
venta cette hypothèse pour ex-
pliquer la fixité' de la terre. C'est
ainsi que l'interprète encore George
Pachymère , page ii8. Propter
quietem et stabilitatem id quod
deorsùm vcrgit in terra , Infinitum
esse ait. Voyez aussi Plutarque ,
de Placit philos. , m, 9, 11, et
Galien , xxi. Quand Piularque ,
dans Eusèbe , Prœp. evang. , page
23, et Origcne, edit. Wolf , page
98 , font dire à Xënophane t/îv yr/j
ânstpov slvat , il faut entendre et
suppléer t/}v y.dzcù y^v. Acliilles
Tatius sur Aratus , édit. Junt. ,
page 84 , rapporte deux vers où
Xënophane s'explique nettement à
cet égard : — La borne de la
terre par en haut se voit à vos
pieds y — Elle est tout près de vous;
mais par en bas elle s'enfonce dans
V infini. Aussi Achilles Tatius conclut-
il de ce passage que Xënophane ne
croyait pas la terre suspendue dans
l'air', et Cosmas remarque très-
bien que , puisqu'il pose la par-
tie inférieure de la terre comme in-
finie , il ne peut admettre qu'elle soit
une sphère. Cette conclusion néces-
saire , tirée par Cosmas , est très-
importante , et nous prions le lecteur
de s'en bien souvenir. Si la base de
la terre est infinie, il suit que la
terre ne peut être environnée d'air
par tous les cotés , il suit donc que
l'air ne peut être infini. Cepen-
dant l'auteur et le commentateur
du traité de Cœlo prêtent à Xëno-
phane l'opinion que l'air est infini ,
opinion appuyée par l'auteur de
rouvruge sur Xënophane, Zenon et
Gorgias, lequel dit expressément que
Xënophane admet l'infinité de la
terre et de l'air , et cite un vers d'Em-
pédocle contre l'infinité de la terre et
de Tair, qui ne peut guère être di-
XEN
rigé que contre Xënophane. Voilà
donc deux infinis , ce qui semble
contradictoire. Mais en effet , il n'y a
pas contradiction , si l'on suppose
que l'infinité de la terre ne s'appli-
que qu'à la base de la terre , et que
l'infinité de l'air ne s'applique qu'à
la partie siipéricure de l'espace ; de
sorte que la terre serait une espèce
de cône dont la base se perdrait dans
l'infini , taudis que le sommet serait
environné de l'air infini dans lequel
s'agiteraient les astres , le soleil , la
lune , émanations de la terre qui lui;
serviraient pour ainsi dire de cou-
ronne. On dira que deux infinis sont
une étrange métaphysique : c'est
celle des yeux et des sens , celle de
l'enfance de la raison humaine. Tâ-
chens de nous faire une idée claire
du système de Xënophane. I! paraît
avoir admis que le fond de notre
terre est ferme et se déroule dans une
étendue sans bornes en régions et en
mondes infinis et innombrables. Ainsi
au-dessous de la terre pas de change-
ments ; la surface seule est sujette à
des révolutions. Mais cette surface
est naturellement couverte d'eau ; de
là la terre et l'eau comme éléments
de toutes choses. L'eau se retire et
revient ^ voilà le principe des révo-
lutions , le principe de tous les chan-
gements des formes extérieures de la
terre. Mais sans air et sans feu pas
de durcissement possible de la sur-
face de la terre. L'air et le feu sont
donc nécessaires pour la constitution
de la terre habitable; voilà donc
deux nouveaux principes , et en tout
quatre principes , comme le veut
Diogène de Laërte. Sans admettre
l'infinité de l'air dans toutes les di-
mensions, et sans le faire circuler
autour de la terre , on peut admettre
son infinité en hauteur au-dessus de
la terre et autour de son sommei
I
XEN
infinité dans le sein de laquelle se-
ront les astres , le soleil , la lune ou
même plusieurs lunes , considérées
comme des vapeurs terrestres. On
voit alors tout le reste suivre de la
manière la plus simple: tous les êtres,
plantes et animaux, sortant du limon
de la terre, l'homme expose sans
cesse à voir le fruit de ses travaux
détruit par le retour de la mer sur
cette terre qu'il possède à peine, de-
vant tout au temps et au travail ,
faisant des dieux à son image , et les
prêtres et les poètes consacrant et
répandant dans leur intérêt ces dé-
lires de l'imagination. C'est là ce
qu'on peut tirer des fragments de
Xénophane , que nous allons mettre
successivement sous les yeux du lec-
teur. On connaît le vers où il re-
présente le soleil comme échauf-
fant et fe'condant la terre. Voilà
le principe de la production. *Au
milieu de tous les êtres l'homme se
distingue à peine de l'animal , son
ame n'est qu'un souffle de feu : Xéno-
phane n'a pas d'autre psychologie.
Il était impossible qu'un philosophe
qui tirait toutes choses de la terre et
de l'eau , admît l'opinion populaire
que les dieux ont doté l'homme à sa
naissance des plus riches trésors en
tout genre qu'il a dissipés peu-à-peu.
L'hypothèse que l'homme est né par-
fait , et que l'âge d'or est le com-
mencement des choses , devait pa-
raître à Xénophane une extravagance
des poètes , et il devait se prononcer
fortement pour l'opinion opposée qui
fait naître l'homme faible et dépour-
vu, et considère la civilisation, l'ordre,
le bonheur et rintelligcuce comme
des conquêtes lentes et progressives
du travail et du temps. C'est ce
qu'expriment ces vers depuis imités
et répétés tant de fois : — Non ,
les dieux n'ont pas tout donné
XEN
355
aux mortels dans l'origine • —
C*est l'homme qui avec le temps
et le trai^ail a amélioré sa desti-
née. La guerre que Xénopha ne a
faite à la mythologie résulte néces-
sairement de tout ce qui précède.
Si le mouvement naturel de l'anie
est de se projeter pour ainsi di-
re hors d'elle-même et de trans-
porter les qualités du sujet de la
pensée à ses objets , aussitôt que
l'expérience arrive et aborde directe-
ment le monde extérieur , elle le
dépouille des caractères qu'une in-
duction irréfléchie lui avait prêtés,
et remplace la mythologie et l'an-
thropomorphisme par des explica-
tions physiques. Ainsi bientôt : — Ce
quon appelle Iris est un simple nua-
ge — Qui présente à l'œil une ap-
parence rouge et verte, l.es Dios-
cures , ces fils de Jupiter qui prési-
dent à la navigation , se réduisent à
des nuages que le mouvement fait
étinceler au-dessus des vaisseaux ,
comme des astres. On ne peut pas
se prononcer plus fortement contre
l'anthropomorphisme que Xénopha-
ne ne le fait dans les ^er?, suivants :
— Ce sont les hommes qui semblent
avoir produit les dieux _, — Et leur
avoir donné leurs sentiments., leur
voix et leur air ; et encore : Si les
bœufs ou les lions avaient des mains ^
— S'ils savaient peindre avec ces
mains et faire des ouvrages comme
les hommes : — Les chevaux se ser-
viraient des chevaux et les bœufs
des bœufs, — Pour représenter leurs
idées des dieux , et ils leur don-
neraient des corps — Tels que
ceux qu'ils ont eux-mêmes. L'ad-
versaire de l'anthropomorphisme et
de la mythologie devait être celui
d'Hésiode et d'Homère. Cela suffit
pour expliquer les critiques sévères
qu'il en fit , et dont plus tard peut-
23..
356
XEN
{*tre y on n'aura pas compris Tin-
tention purement philosophique : —
Homère et Hésiode , dit-il , ont
attribué aux dieux ^ — Tout ce qui
est déshonorant parmi les hom-
mes : — [^e vol y r adultère , la trahi-
son. Aulu-Gelle prétend que Xéno-
phane préférait Hésiode à Homère ;
il n'en dit pas la raison , mais il est
probable que c'était parce que la
mythologie d'Hésiode a un caractère
plus philosophique que celle d'Ho-
mère , et n'est pas aussi anthropo-
morpbiqiie. H nous semble impossi-
ble de méconnaître dans ces frag-
ments, sur chaque point comme dans
l'ensemble , le caractère de l'esprit
ionien, et une tendance absolument
opposée à la philosophie pythago-
ricienne. Selon les pythagoriciens le
soleil est au centre du monde et
immobile , et la terre tourne autour
de lui ; elle est si loin d'être infinie
par aucun côté , qu'elle est sphéri-
que. Les éléments du monde sont des
nombres dont les combinaisons tou-
tes mathématiques constituent l'or-
dre universel. La physique pythago-
ricienne est entièrement mathéma-
tique y et par conséquent idéale. Au
contraire chez Xénophane tout est
matériel. Comme les Ioniens , il s'ar-
rête à l'apparence sensible j au lieu
de remonter à ses principes intellec-
tuels , il part de cette apparence et
il n'en sort pas. Le point de départ,
la route et le but , la méthode et les
résultats , chez lui tout est emprunté
aux sens et à la matière , tout est
profondément ionien. Et non-seule-
ment l'esprit général de son système
physique rappelle le pays où d na-
quit , et passa les trois quarts de sa
vie, mais toutes les parties de ce sys-
tème attestent qu'il connaissait les
doctrines diverses qui depuis Thaïes
avaient successivement paru dans
XEN
rionie. On retrouve dans sa physi-
que l'eau de Thaïes , l'air d'A-
naxiracne , le feu d'Heraclite; car
son long âge a très-bien pu lui faire
connaître ce philosophe. Sa psycho-
logie _, si opposée à celle de Pythago-
re , est tout ionienne. Quant à son
antipathie pour l'anthropomorphis-
me et la mythologie , elle lui est
commune avec les Ioniens et les
pythagoriciens , l'idéalisme et le
matérialisme se réunissant contre
l'idolâtrie. En cela donc Xénopha-
ne reproduit encore et rappelle les
idées de son pays j et en mê-
me temps , dans toutes ses atta-
ques contre la mythologie, il y a
quelque chose de grave et de reli-
gieux , qui fait sentir que son systè-
me entier ne se réduit point à la cos-
mologie et à la physique ioniennes, et
qu'un souffle pythagoricien a passé
par -là. — Nous demandons, par
exemple , s'il serait possible de trou-
ver dans quelque philosophe ionien ,
avant Anaxagoras , des vers qui res-
semblassent le moins du monde à
ceux-ci : — Un seul dieu, supérieur
aux dieux et aux hommes , — Et
qui ne ressemble aux mortels ni par
la fleure ni par l'esprit. Saint Clé-
ment , qui nous a conservé ces vers ,
les caractérise fort bien en disant
que Xénophane y enseigne l'unité et
la spiritualité de Dieu. Où trouverait-
on aussi dans un philosophe ionien ,
avant Anaxagoras , ce vers : Sans
connaître la fatigue , il dirige tout
par la puissance de l'intelligence.
Ces deux fragments précieux sépa-
rent déjà leur auteur des philoso-
phes ioniens. Mais des témoignages
bien plus précis et plus étendus ne
laissent aucun doute à cet égard , et
nous avons ici un avantage que nous
n'avons pas toujours eu pour la phy-
sique de Xénophane y c'est de mar-
XEN
cher sur un sol plus ferme , et ap-
puyés sur des autorités d'un tout
autre poids. Précédemment nous
étions réduits, la plupart du temps ,
à des renseignements puisés dans les
écrivains d'un âge inférieur et dépour-
vusde critique: ici nous avons toujours
pour guides Aristote et Simplicius,
et encore avec ce singulier avantage
que ces deux excellents esprits ne
nous rapportent pas seulement les
opinions de Xénophane y mais la
manière dont il les établissait ; non-
seulement la lettre, mais l'esprit
de ces opinions. Or , on y voit
à découvert le plus pur et le plus
noble théisme y c'est-à-dire une
doctrine qui ue se trouvait alors
que chez les pythagoriciens de la
Grande - Grèce. Et ce qui est de
la plus haute importance , Aristote
et Simplicius , en reproduisant l'ar-
gumentation de Xénophane , nous
apprennent par-là que s'il avait
profité de l'esprit nouveau qu'il
rencontra sur les côtes de l'Ita-
lie, il resta fidèle à l'esprit de liberté
qui caractérisait les Ioniens. En ef-
fet, au lieu de poser simplement des
dogmes , comme aurait fait un pytha-
goricien ordinaire, s'il eût même osé
enfreindre le secret prescrit aux mem-
bres de l'institut pylhagorique , au
lieu de prononcer des sentences et
presque des oracles, et de parler par
symboles , Xénophane raisonna. Les
Ioniens l'avaient fait en physique ;
mais la plus haute difficulté est de
donner à la pensée une direction ré-
gulière alors même qu'elle s'élance
hors du monde _, et de porter l'ordre
et la lumière là où tout semble sim-
ple pressentiment , intuition immé-
diate et révélation. On peut dire
que Xénophane a l'honneur des pre-
miers essais de dialectique. Aristote
dans son livre sur Xénophane y Sim-
XEN 357
plicius dans son commentaire sur la
physique d' Aristote, et Théopliraste
dans Bessarion , nous ont conservé
le corps de l'argumentation par la-
quelle Xénophane démontrait que
Dieu n'a pas eu de commencement
et n'a pas pu naître. Il est impossi-
ble de ne pas éprouver une impres-
sion profonde et presque solennelle
en présence de cette argumentation ,
quand on se dit que c'est là peut-être
la première fois que , dans la Grèce
au moins , l'esprit humain a tenté de
se rendre compte de sa foi , et de
convertir ses croyances en théories.
Il est curieux d'assister à la nais-
sance de la philosophie religieuse :
la voilà ici au maillot, pour ainsi
dire; elle ne fait encore que bé-
gayer sur ces redoutables problè-
mes; mais c'est le devoir de l'ami de
l'humanitéd'écouter avec attention et
de recueillir avec soin les demi-mots
qui lui échappent, et de saluer avec
respect la première apparition du
raisonnement. Voici l'argumentation
de Xénophane, telle qu' Aristote et
Simplicius nous l'ont conservéc.Aris-
tote, ch. 3: « Il est impossible d'ap-
» pliquer à Dieu l'idée de naissance,
» car tout ce qui naît doit naître né-
» cessairement ou de quelque chose
» de semblable, ou de quelque chose
» de dissemblable. Or ici l'un et l'au-
» tre est impossible , car le sembla-
» ble n'a pas d'action sur le sembla-
» ble, et ne peut pas plus le produire
» qu'en être produit. . . . D'un autre
» côté le dissemblable ne peut naître
» du dissemblable : car si le plus
» fort naissait du plus faible , ou le
» plus grand du plus petit, ou le
» meilleur du pire , ou bien tout au
» contraire le pire du meilleur, l'être
» sortirait du non-être , ou le non-
» être sortirait de l'être , ce qui tsX.
» impossible. Il faut donc que Dieu
358
XEN
» soit éternel. » Il importe de lire la
même argumentation abre'gée dans
Simplicius , de la lire re'duite encore
dans Bcssarion; il ne faut pas même
négliger le passage de Plutarque dans
Eusèbe, passage qui, au milieu d'er-
reurs graves , contient d'heureux
e'claircisscments au morceau d'Aris-
tote , et où Plutarque reconnaît posi-
tivement queXcnopliane a pris ici un
chemin qui lui est propre ; et en ef-
fet Diogène assure que Xcnophane
le premier démontra que tout ce qui
naît périt. C'est ici qu'on voit poin-
dre à son aurore le principe qui doit
un jour devenir si célèbre : l'être ne
peut sortir du non-être , le non-être ne
peut rien produire, c'est-à-dire, rien
ne se fait de rien. Voilà la première
expression peut-être du principe de la
causalité. Xcnophane n'a point in-
venté ce principe j il est inhérent à
Tesprit humain qui le possédait ,
s'en servait et l'appliquait, ou plutôt
était dominé et gouverné par lui dans
toutes ses démarches , mais à son insu j
car ce qui échappe le plus à l'intelli-
gence est précisément ce qui lui est
le plus intime. Tirer ce principe des
profondeurs et des ténèbres, où il agit
spontanément et se développe d'une
manière concrète _, vivante et ani-
mée, le dégager à la lumière de la
réflexion, et le transformer en une loi
et en une formule abstraite et généra-
le, dont l'esprit acquiert la conscien-
ce, et qu'il exa«nine en quelque sorte
com'me un objet extérieur : telle est
la gloirede la philosophie. La conclu-
sion de celte argumentation dans
Aristote est , « que puisque Dieu ne
)) peut pas naître , il ne peut pé-
» rir , tout ce qui est né périssant
» nécessairement, tandis que ce qui
» n'est pas né, c'est-à-dire, ce qui
)) ne devient pas un être parle moyen
)> d'un autre, mais ce qui est un être
XEN
» en soi-même, est éternel. » Ce n'est
plus là seulement le principe de cau-
salité* c'est la conception distinc-
te de l'accident et de la substance, de
l'être phénoménal et de l'être en soi,
et l'altribiition de la notion de cor-
ruptibilité à l'un, et de la notion
d'incorruptibilité et d'éternité à l'au-
tre, c'est-à-dire le principe de la
substance avec tout son cortège.
Voici une autre argumentation où
Xénophanc déduit l'unité de Dieu
de sa toute-puissance et de sa tou-
te-bonté. Sans doute , avant lui ,
les notions de l'imité , de la bonté et
de la puissance de Dieu ne man-
quaient point aux hommes , et on les
avait même exprimées avec toute la
force et l'éclat du sentiment; mais
personne^ que nous sachions, n'a-
vait essayé de trouver le rapport
qui unit ces idées entre elles ;, de ma-
nière à en faire la matière d'un rai-
sonnement , et à en construire la
théorie qu'Aristote nous a conser-
vée, a Si Dieu est ce qu'il y a de plus
M puissant, Xcnophane dit qu'il doit
» être un 5 car s'il était deux ou plu-
» sieurs , il ne serait pas ce qu'il y a
» de plus puissant et de meilleur. Ces
» diflérents dieux étant égaux entre
» eux, seraient chacun ce qu'il y a
)) de plus puissant et de meilleur j
» car ce qui constitue un Dieu , c'est
» d'être le plus puissant, et non d'ê-
» tre surpassé en puissance, de sorte
» que si Dieu n'est pas ce qu'il y a
» de plus puissant, il n'est pas par
M cela même. Si l'on suppose qu'il y
» en a plusieurs , ou il y a entre eux
» des inférieurs et des supérieurs , et
)) alors il n'y a pas de Dieu , car la
» nature de Dieu est de ne rien ad-
» mettre de plus puissant que soi ; ou
» ils sont égaux entre eux, et alors
» Dieu perd sa nature , qui est d'ê-
» tre ce qu'il y a de plus puissant ;
XEN
» car Tëgal n'est ni meilleur ni pire
» que son égal ; de sorte que s'il y a
» un Dieu, et s'il est tel que doit
» être un Dieu , il faut que Dieu soit
» un; car si l'on admet plusieurs
» Dieux , Dieu ne pourra pas tout ce
» qu'il voudra. » Il faut voir dans
Simplicius tout ce raisonnement abrè-
ge' : « Xënopliane conclut l'unité de
» Dieu de sa toute puissance; car
» s'il y a plusieurs Dieux, dit-il, il
» faudrait nécessairement que tous
i) eussent également la suprême puis-
» sauce , car la toute-puissance et la
» louie-Lonté est le Cviractère essen-
» tiel de la Liivinilé. » II faut voir aus-
si dans Bessarion l'extrait de Tliéo-
pliraste. C'est là la première ten-
tative qui ait été faite de porter la
dialectique jusque dans les qualités
essentielles de Dieu , de soumettre
ces qualités à une dépendance ré-
ciproque , et d'en former une théo-
rie. Et celle théorie est restée
dans la philosophie non-seulement
comme un exemple respectable des
premiers efforts de la raison , mais
comme un modèle que Ton a depuis
sans cesse imité en le surpassant, et
comme la source de tous les raison-
nements du même genre. Voilà donc
dès l'origine de la philosophie grec-
que, Dieu conçu et établi comme
souverainement puissant, souverai-
nement bon , et par cela même com-
me essentiellement un; ce n'est plus
seulement la cause et la substance
de toutes choses, comme nous l'a-
vions vu précédemment , c'est la
cause et la substance sous un point
de vue plus intellectuel, c'est la sa-
gesse et la bonté, c'est déjà un Dieu
moral. Or, où Xrnophane aurait-il
trouvé le plus faible germe de cette
doctrine dans ses devanciers ou dans
ses contemporains de l'Ionie avant
Anaxagoras? Au contraire, l'esprit
XEN
359
qui pouvait l'y conduire e'tait dans
les pythagoriciens de la Grande-Grè-
ce, il faut donc supposer que cette
doctrine n'a aucun antécédent histo-
rique , ou la rapporter à sa cause
la plus probable , le voisinage de
l'école de Pylhagore. La présence
de deux esprits opposés , dans
la physique et la théologie de
Xénophane, est évidente, et elle
atteste deux sortes d'antécédents,
à travers lesquels il a passé ,
et dont il forme le point de réu-
nion. Mais comment a-t-il allié les
contraires ? Comment la physique
ionienne se mêle-t-elle dans Xénopha-
ne à la théologie pythagoricienne,
et quel tout résulte de cette combi-
naison ? C'est ce qu'il s'agit de re-
connaître, car c'est précisément cet-
te combmaison qui caractérise la
doctrine propre de Xénophane , lui
donne une physionomie particulière
et lui assigne un rôle original dans
l'histoire de la philosophie de cette
époque. — L'école ionienne et l'école
pythagoricienne ont introduit dans
la philosophie grecque les deux élé-
ments fondamentaux de toute philo-
sophie^ savoir : la physique et la
théologie. Voilà donc la philosophie
en possession des deux idées sur les-
quelles elle roule , l'idée du monde
et celle de Dieu. Les deux termes ex-
trêmes , et pour ainsi dire les deux
pôles de toute spéculation étant don-
nés , il ne reste plus qu'à trouver
leur rapport. Or , la solution qui se
présente d'abord à l'esprit humain
préoccupé qu'il est nécessairement de
l'idée de l'unité, c'est d'absorber l'un
des deux termes dans l'autre , d'iden-
tifier le monde avec Dieu ou Dieu
avec le monde, et par-là de tran-
cher le nœud au lieu de le résoudre.
Ces deux solutions exclusives sont
toutes deux bien naturelles. Il est na-
36o
XEN
turel , quand on a le sentiment de la
vie et de cette existence si variée et
si grande dont nous faisons par-
tie, quand on considère Tétendue
de ce monde visible et en même
temps l'harmonie qui y règne et la
beauté' qui y reluit de toutes parts ,
de s'arrêter là où s'arrêtent les sens
et l'imagination , de supposer que les
êtres dont se compose ce monde sont
les seuls qui existent, que ce grand
tout si harmonique et si un est le
vrai sujet et la dernière application
de l'idée de l'imite', qu'en un mot ce
tout est Dieu. Exprimez ce résultat
en langue grecque , et voilà le pan-
théisme. Le panthéisme est la con-
ception du tout comme Dieu uni-
que. D'un autre côté, lorsque l'on
découvre que l'apparente unité du
tout n'est qu'une harmonie et non une
unité absolue, une harmonie qui ad-
met une variété infinie , laquelle res-
semble fort à une guerre et à une ré-
volution constituée , il n'est pas
moins naturel de détacher de ce
monde l'idée de l'unité , qui est in-
destructible en nous , et ainsi déta-
chée du modèle imparfait de ce
monde visible, de la rapporter à
un être invisible placé au-dessus et
en dehors de ce monde, type sacré
de l'unité absolue, au-delà duquel il
n'y a plus rien à concevoir et à cher-
cher. Or , une fois parvenu à l'unité
absolue , il n'est plus aisé d'en sor-
tir, et de comprendre comment l'uni-
té absolue étant donnée comme prin-
cipe, il est possible d'arriver à la
Pluralité comme conséquence j car
unité absolue exclut toute pluralité.
Il ne reste donc plus , relativement
à cette conséquence , qu'à la nier ou
tout au moins à la mépriser, et à re-
garder la pluralité de ce monde visi-
ble comme une ombre mensongère
de l'unité absolue qui seule existe,
XEN
une chute à peine compréhensible,
une négation et un mal dont il faut
se séparer pour tendre sans cesse au
seul être véritable , à l'unité absolue,
à Dieu. Voilà le système opposé au
panthéisme. Appelez-le comme il
vous plaira , ce n'est pas autre chose
que l'idée d'unité appliquée exclusi-
vement à Dieu, comme le panthéisme
est la même idée appliquée exclusi-
vement au monde. Or, encore une
fois, ces deux solutions exclusives du
problème fondamental sont aussi na-
turelles l'une que l'autre, et cela est
si vrai , qu'elles reviennent sans ces-
se à toutes les grandes époques de
l'histoire de la philosophie , avec les
modifications que le progrès des
temps leur apporte , mais au fond
toujours les mêmes , et que l'on peut
dire avec vérité que l'histoire de leur
lutte perpétuelle et de la domination
alternative de l'une ou de l'autre a
été jusqu'ici l'histoire même de la
philosophie. C'est parce que ces deux
solutions tiennent au fond même de
la pensée qu'elle les reproduit sans
cesse dans une impuissance égale
de se séparer de l'une ou de l'autre ,
et de s'en contenter. En effet, l'une
ou l'autre prise isolément ne suiFit
point à l'esprit humain , et ces deux
points devue opposés, si naturels , et
par conséquent si durables etsiviva-
ces, exclusifs qu'ils sont l'un de l'au-
tre, sont par cela même également
défectueux et insulfisanls. Un cri
s'élève contre le panthéisme. Tout
l'esprit du monde ne peut absoudre
cette doctrine , et réconcilier avec
elle le genre humain. On a beau
faire, si l'on est conséquent, on n'a-
boutit avec elle qu'à une espèce d'a-
me du monde , comme principe des
choses , à la fatalité comme loi
unique , à la confusion du bien et du
mal , c'est-à-dire, à leur destruction
XEN
dans le sein d*ime unité vague et
abstraite, sans- ^ujet fixe; car l'u-
nité absolue n'esi certainement dans
aucune des parties de ce monde
prise se'parement ; comment donc
serait-elle dans leur ensemble? Com-
me nul effort ne peut tirer l'absolu
et le nécessaire du relatif et du
contingent, de même de la plura-
lité' , ajoutée autant de fois qu'on a ou-
dra à elle-même, nulle généralisa-
tion ne tirera l'unité. mais seulement
la totalité. Au fond, le panthéisme
roule sur la confusion de ces deux
idées si profondément distinctes.
D'une autre part, l'unité sans plu-
ralité n'est pas plus réelle que
la pluralité sans unité n'est vraie.
Une unité absolue qui ne sort pas
d'elle-même ou ne projette qu'une
ombre , a beau accabler de sa gran-
deur et ravir de son charme mys-
térieux, elle n'éclaire point l'esprit,
et elle est hautement contredite par
celles de nos facultés qui sont en
rapport avec ce monde et nous at-
testent sa réalité , et par toutes nos
facultés actives et morales , qui se-
raient une dérision et accuseraient
leur auteur , si le théâtre où l'obli-
gation de s'exercer leur est imposée
n'était qu'une illusion et un piège.
Un Dieu sans monde est tout aussi
faux qu'un monde sans Dieu : une
cause sans effets qui la manifestent ,
ou une série indéfinie d'effets sans
une cause première j une substance
qui ne se développerait jamais , ou
un riche développement de phéno-
mènes sans une substance qui les sou-
tienne j la réalité empruntée seule-
raentau visible ou à l'invisible .-d'une
et d'autre part égale erreur et égal
danger , égal oubli de la nature hu-
maine, égal oubli d'un des côtés
essentiels de la pensée et des choses.
Entre ces deux abîmes , il y a lo«g-
XEN 36 1
temps que le bon sens du genre hu-
main fait sa route; il y a long-temps
que , loin des écoles et des systèmes,
le genre humain croit avec une égale
certitude à Dieu et au monde. Il croit
au monde comme à un effet réel, cer-
tain , ferme et durable , qu'il rappor-
te à une cause, non pas à une cause
impuissante et contradictoire à elle-
même , qui , délaissant son effet , le
détruirait par cela même, mais à
une cause digne de ce nom , qui, pro-
duisant et reproduisant sans cesse, dé-
pose , sans les épuiser jamais , sa
force et sa beauté dans son ouvra-
ge ; il y croit comme à un ensemble
de phénomènes , qui cesserait d'être
à l'instant où la substance éternelle
cesserait de les soutenir ; il y croit
comme à la manifestation visible
d'un principe caché qui lui parle
sous ce voile , et qu'il adore dans
la nature et dans sa conscience.
Voilà ce que croit en masse le genre
humain. L'honneur de la vraie phi-
losophie serait de recueillir cette
croyance universelle , et d'en don-
ner une explication légitime. Mais
faute de s'appuyer sur le genre hu-
main _, et de prendre pour guide le
sens commun , la philosophie , s'é-
garant jusqu'ici à droite ou à gauche,
est tombée tour-à-tour dans l'une ou
l'autre extrémité de systèmes égale-
ment vrais sous un rapport , égale-
ment faux sous un autre , et tous
vicieux au même titre , parce qu'ils
sontégalementexclusifset incomplets.
C'est là l'éternel écueil de la philo-
sophie. Ces deux tendances exclusi-
ves sont représentées en grand dans
l'histoire de l'humanité , par l'Orient
et par la Grèce, et particulièrement
en Grèce par la philosophie de la ra-
ce ionienne et par celle de la race
dorienne. La tendance panthéiste est
évidente dans la philosophie ionien-
ne , qui, disciple des sens et de Tap-
parence , s'occupe de ce monde , mais
ne croit qu'à lui , et ne clierclie rien .
au-delà , prenant tour - à - tour pour
principe des choses l'eau , la terre ,
l'air ou le feu sépares ou reunis,
mais ne s'ëlevant jamais à un prin-
cipe invisible et idéal. Au conlrai-
re, la philosophie pythagoricien-
ne idéalise tout, et part de princi-
pes invisibles. Xënophane, Ionien et
Italien à-la-fois , qui participa de
ces deux philosophies , les combina-
t-il de raaiiicre à les fondre ensemble,
et à les tempérer l'une par l'autre
dans le sein d'un sage éclectisme,
qui , s'élevant en esprit jusqu'au Dieu
un et invisib'e, aurait su le recon-
naître aussi dans la vie et la variété
de ce monde, et admettre le tout,
non pas comme Dieu, mais comme
divin? Xéno[)hane releva-t-il lepan-
théisme en le rattachant au théisme,
comme l'eflét à la cause , et vivilia-
t-il le théisme en en tirant le pan-
théisme, comme du sein de la cause
sort et se développe la série indéfi-
nie des effets ? Devança-t-il ainsi
l'ordre des temps et son siècle ?
IN on : personne ne devance son siè-
cle ; chacun fait son rôle 5 et Xë-
nophane n'a pas dérobé à Pla-
ton celui qui avait été assigné à ce
grand homme , à son siècle et à
Athènes. Mais Xénophane y préci-
sément parce qu'il fut l'homme et le
philosophe de sa situation et de son
temps, ne devait pas tomber et n'est
tombé en etïet ni dans l'une ni
dans l'autre des deux tendances ex-
clusives qui se combattaient alors j
mais , ayant participé de l'une et de
l'autre , il en fit une combinaison qui
le sépare à-la-fois et le rapproche
des pythagoriciens et des Ioniens^
mêla les deux esprits de ses deux pa-
tries , et sans garderune mesure par-
XPN
faite entre l'un et l'autre , les ad-
mit assez tous lesd;'Mx pour qu'il soit
injuste de l'accuser d'une tendance
exclusive prononcée;, et surtout de
panthéisme. Cependant l'accusation
de panthéisme pèse depuis des siè-
cles sur Xénophane. Examinons cet-
te accusation. Pour qu'on eût le droit
de Taccuser de panthéisme , il fau-
drait de deux choses l'une, ou nier
tout ce que nous avons rapporté de
son théisme , sa démonstration de
l'éternité de Dieu , et de son unité
tirée de sa puissance et de sa
bouté suprême , c'est-à-dire nier ce
qu^il y a précisément de plus au-
thentique et de plus certain dans
les anciens témoignages ; ou pré-
tendre que ce qu'Aristote et Sim-
pljcius font dire à Xénophane sur
Dieu , qu'il est éternel , un , tout-
puissant et tout bon , il l'a dit du
monde et de l'ensemble des choses vi-
sibles. C'est ce qu'on a prétendu.
Faute de bien entendre les passages
d'AristotCj et attribuant à Xénopha-
ne une opinion exclusive pour le
comprendre plus aisément , car rien
n'est plus clair et plus précis que
l'exclusif, des écrivains postérieurs ,
dépourvus de critique, ont fait
dire du monde et du tout à Xé-
nophane ce qu'Aristote et Simpli-
cius lui font dire de Dieu et de l'u-
nité. Plutarque, de Plac.phil. , II ,
4 : « Selon Xénophane le monde n'a
» pas eu de commencement, il estéter-
» nel et incorruptible. » Stubée, Ed.
Phys.ycà. Heeren , p. 4 1 6, lui prctela
même opinion. Théodoret, deJJJect.
cur. , IV : « Le tout est un , il est
» sphérique. » Origène, p. g5 : « Le
» tout n'a pas été produit et ne peu
y) être détruit , il est immuable, u
» et en dehors du changement.
Plutarque, dans la Prép. ^P'.d'Eusè
be: c( Le tout est un et toujours ëga
«
«
XEN
» à lui-même. » Si ces témoignages
étaient certains, ils contiendraient
l'identité de Dieu et du monde , c'est-
à-dire le plus mauvais panthéisme.
Mais il n'en est rien , et il est prouvé
au contraire par l'autorité d'Aristote
que Xéiiophane n'attribue l'cteinité
et l'unité qu'à Dieu, à celui auquel
il attribue en même temps la suprê-
me puissaijce et la suprême bonté.
En ièg!e générale , on ne .^aurait ad-
mettre avec trop de réserve les asser-
tions non motivées , courtes et obscu-
res des écrivains des siècles infé-
rieurs, ni accorder trop de coniiance
à Aristote qui non- seulement rap-
porte les opinions de Xenophane ,
mais en développe et en commente
les motifs. 11 y a plus , les idées de
Xénopliane sur le monde , telles que
nous les avons rapportées en traitant
de sa physique, et la phipart du
temps, d'après Stobée , 'Ihéodo-
ret , le faux Plutarque et le faux
Origène , sont absolument incompa-
tibles avec celles que ces mêmes écri-
vains lui attribi:enl maintenant. Par
exemple, une des choses qui ont pa-
ru le mieux démontrer le panthéisme
de Xenophane est sa célèbre assimi-
lation de Dieu à une sphère; mais
c'est précisément de cette expression
bien comprise que l'on peut déduire
avec le plus de certitude la distinc-
tion de Dieu et du monde. îSi Xeno-
phane eût admis en physique que le
monde est une sphère, dire ensuite
que Dieu est spheiique , serait une
confession évidente de panthéisme ;
mais nous avons vu que, loin d'ad-
mettre la forme sphérique de la terre,
il prétend le contraire, ci que le con-
traire résulte nécessairement de son
système entier sur la terre , dont il
pose la partie inférieure comme in~
linie , ce qui détruit toute sphéricité
possible, ainsi que plusieurs auteurs ,
XEN 363
et entre autres Cosmas , Font très-
bien remarqué. Si donc le monde ne
peut être sphérique , dire que Dieu
l'est, ce n'est pas les confondre.
L'épithète de sphérique est tout
simplement une locution grecque
qui désigne la parfaite égalité et
l'unité absolue qui ne conviennent
qu'à Dieu , et dont une sphère
peut donner quelque image. Il n'est
pas étonnant que Xenophane, poè-
te aussi bien que philosophe , écri-
vant en veis , et peu capable en-
core de trouver les expressions mé-
taphysiques qui répondaient à ses
idées , ait emprunté à la langue de
l'imagination l'expression qui pou-
vait le miei:x rendre sa pensée pour
lui-même et la faire entendre aux au-
tres , et représenter à l'entendement
encore enveloppe dans les sens celui
qui est un , égal et semblable à lui-
même. Voilà bien ce que disent les
plus anciens auteurs. Aristote, ibid. :
a Dieu en tant qu'absolument sem-
» blable à lui-même est sphérique ,
» car il n'est pas semblable à lui-
» même par un colé et dissemblable
» par un autre, il est absolument
» semb'able et identique. » Cicéron,
Acad.yiv , 3>'j : « Unum ideniDciim^
neque natuin miquam, et sempiter-
num , con^lobata figura. nl\ esiéyi-
dent que dans ces deux passages l'ex-
pression dont nous nous occupons
n'est là que comme une comparai-
son et une métaphore, et qu'elle té-
moigne d'un théisme sévère. Sextus
hmpiricus ccmmencedéjà à dépraver
l'exjiression de Xenophane, et à la rat-
tacher indirectemeiit à un point de
vue panthéiste. //;^'/?of. /. ; « Dieu ha-
bite dans le tout ; il est sphérique. »
J/jpot. III : « Dieu est une sphère
impassible. » Diogène lui fait dire
d'une manière plus vicieuse encore et
même absurde : « L'essence de Dieu
estsphérique. » Et Théodoret, déjà
cité : <c Le tout est un; il est sphe-
rique. » Sans poursuivre plus long-
temps ces citations, nous croyons
avoir suiFisamment de'montré que la
conclusion que l'on a voulu tirer de
cette expression est : i». en contra-
diction manifeste avec le système
physique de Xënopliane, qui fait du
tout et du monde non une sphère ,
mais un cône dont la base est infinie
et le sommet couronné par les astres;
2». en contradiction avec l'interpré-
tation des auteurs les plus dignes de
confiance. Ce même Aristote, auquel
on revient toujours comme au guide
le plus sûr dans les anciens systèmes
philosophiques, nous a conservé de
Xénophane une opinion qui montre
assez bien l'état de son esprit , le
désir de ne point identifier Dieu avec
le monde , et cependant de n'en pas
faire une abstraction. Or , l'Ionien
dans Xénophane est toujours un peu
porté à regarder comme une abs-
traction et comme n'existant pas ce
qui n'a pas d'existence visible et ap-
préciable. L'idée d'un être infini, et
qui serait en dehors du mouvement ,
lui paraissait une idée purement
négative , qu'il craignait d'appli-
quer à Dieu , en même temps qu'il
lui répugnait j comme pythagori-
cien , d'en faire un être fini , mobile
et uniquement doué des qualités de
ce monde, a Dieu est éternel , un et
» sphérique , il n'est ni infini ni fini,
w car être infini c'est n'être pas, c'est
» n'avoir ni milieu , ni commence-
» ment, ni fin , ni aucune autre par-
» tie , c'est ainsi qu'est l'infini ; or ,
» l'être ne peut pas être comme le
» non-être.D'un autre côté, pour qu'il
» fût fini_, il faudrait qu'il fût plu-
» sieurs ; or , l'unité n'admet pas
» plus la pluralité que la non-exis-
» tence : l'unité n'a rien qui la li-
XEN
» mite. » SimpHcius dans son com-
mentaire dit exactement la même
chose, ainsi que Théophraste dans
Bessarion. Cette opinion était trop
délicate et trop complexe pour ne
pas s'altérer en passant des mains
d'Aristote dans celles des critiques
postérieurs. Comme il est plus aisé
de comprendre le système qui fait de
Dieu un être fini ou un être infini ,
les critiques se sont partagé l'opinion
de Xénophane , et ils lui font dire, les
uns que Dieu est fini, les autres qu'il
estiniini. Ainsi il paraît qu'Alexandre
d'Aphrodise , trompé par l'expres-
sion de sphérique , faisait dire à
Xénophane que Dieu est fini. Ori-
gène et Galien le répèlent ainsi que
Jean Philopon et ce même Sim-
plicius que nous avons vu tout-
à-l'heure commenter si exactement
Aristote sur l'unité de Xénophane.
D'un autre coté d'autres critiques, se
jetant à l'extrémité opposée , ont
prétendu qu'il fait de Dieu tout
ce qui est infini. C'est ce que dit
Gicéron, de Nat. Deor., l, i, et ce
que répète Minucius Félix. Simpli-
cius nous rapporte que Nicolas de
Damas prête à Xénophane l'opinion
que le principe des choses est infini
et immuable. Mais il est impossible
de savoir si Nicolas de Damas parle
ici de Dieu ou de la terre , dont en
effet Xénophane faisait la base im-
muable et infinie. Enfin Théophraste
dans Bessarion dit que Xénophane
prétend dans un sens que Dieu n'est
ni fini^ ni infini, et que dans un autre
il est fini et même sphérique. Les
mêmes raisons qui faisaient rejeter
à Xénophane l'idée de fini et d'in-
fini , appliquée à l'unité , lui firent
aussi séparer de l'unité la mobilité
et l'immobilité. Aristote ( ibid. ) lui
fait dire que Dieu , en tant qu'un
n'est ni mobile ni immobile; qi
1
XEN
l'immobilité est une non - existen-
ce j que d'un autre côté le chan-
gement suppose la relativité et
la divisibilité ; et que l'unité ne
tombe ni sous l'une ni sous l'au-
tre de ces deux suppositions d'u-
ne immobilité abstraite qui est une
négation d'existence, ou d'une mo-
bilité destructive de l'unité. Sim-
plicius dans sou commentaire déve-
loppe très chiircment cette idée. Ce-
pendant Gicéron, (lalien et Pliilo-
pon attribuent à Xénophane l'opi-
nion contraire, et Simplicius nous en
a conservé deux vers qui semblent
bien admettre l'immobilité du pre-
mier principe : — // reste tou-
jours en lui - même sans aucun
changement; — Une se transporte
pus d'un lieu à Vautre , car il est
identique à lui-même. Quoi qu'il en
soit de ce point particulier, il ne reste
pas moins incontestable que c'est le
mélange indécis de théisme et de pan-
théisme qui caractérise le système
de Xénophane. Veut-on y trouver le
théisme ? qu'on se rappelle tous les
passages que nous avons cilés^ et
de plus cette phrase de Diogène de
Laërte : a Dieu est toute intelligence
» et toute sagesse; » et cette autre
dumêmeauteur: « Toute pluralité est
» inférieure à l'intelligence. » D'un
autre côté veut-on trouver le pan-
théisme dans Xénophane? Outre les
passages d'Aristote sur la non-infi-
nité et la non-immutabilité de Dieu ,
et les assertions des écrivains d'un
âge postérieur , on n'a qu'à prendre
ces expressions de Sextus , Hjpot. :
« Dieu habite dans le toutj » enfin
le vers célèbre qui semble bien faire
du Dieu de Xénophane l'ame du
monde du panthéisme : « Il est toute
» vision j toute intelligence y toute
» ouïe. » Mais il serait profondé-
ment injuste déqualifier de panthéis-
XEN 365
me le système total deXénophane,car
ce serait le caractériser par une seule
de ses parties. Sachons voir le passé
comme il a été ; ne prêtons pas à un
philosophe du sixième siècle avant
l'ère chrétienne les combinaisons sa-
vantes et les systèmes précis des
Shilosophes des siècles suivants et
es temps modernes. Encore une
fois , Xénophane est un homme de
l'Ionie et de la Grande-Grèce , qui
comme les Ioniens a philosophé sur
la nature, et s'est principalement
occupé du monde extérieur , mais
qui j n'étant pas resté étranger aux
spéculations pythagoriciennes, sut
voir dans ce monde de l'intelligen-
ce , de l'harmonie et de l'unité, et
appela Dieu cette unité telle qu'il
la voyait et la sentait, c'est-à-dire
en rapport intime avec le mon-
de, ne niant pas qu'elle n'en soit
essentiellement distincte , mais ne
l'aiîlrmant pas non plus. C'est cette
indécision qui constitue le systè-
me de Xénophane , et ici nous
sommes heureux de pouvoir nous
appuyer sur l'autorité d'un passa-
ge de la Métaphysique, où Aris-
tote résume avec sa justesse et sa
profondeur ordinaires l'opinion du
fondateur de l'école d'Elée. Aris-
tote , dans ce qui précède et suit ce
passage, divise et subdivise tous les
points de vue possibles de la ques-
tion de l'unité , les rapporte aux
différents personnages de l'école
d'Élée , et termine ainsi : « Xë-
» nophane qui le premier parla de
» l'unité , car Parménide passe
» pour son disciple , n'a pas eu
» de système précis ; il ne paraît pas
» s'être prononcé sur la nature de
» cette unité ( si elle était matérielle
» ou spirituelle ) , mais en contem-
» plant l'ensemble du monde, il a dit
» que l'unité est Dieu. » Méi. ^ édi-
l
366 XEN
tion Brandis, I, pag. i8. Tel est le
jugement auquel , selon nous, il
faut s'arrêter. En essayant de donner
plus de précision au système de Xëno-
phane, on le fausse. Xe'nophane eut
donc le premier Tidëc de l'unité ,
mais plutôt par intuition que par
réllexion, et sans s'être pose à lui-
même et sans avoir résolu toutes les
questions que renferme celle de Tu-
nité des choses^ sans aucune subti-
lité , et sans grande méthode, comme
le dit Aristote au même endroit. La
nature entière lui parut pleine d'har-
monie et d'unité , et il appela cette
miité Dieu, mettant à-la-fois la phi-
losophie sur la route d'un théisme
absolu , ou d'un absolu panthéisme.
On sait ce qu'ont fait Parménide et
récole d'Élée. Sans doute Xéno-
hane est le maître de Parménide et
e fondateur de l'école d'Élée^ mais
celui qui commence n'est point
celui qui finit. Le premier qui met
une idée dans le monde , non- seule-
ment n'en voit pas l'accomplisse-
ment, mais n'en connaît pas la por-
tée; cette idée même est toujours
indécise à sa naissance. N'attribuons
donc pas à Xénophaue l'œuvre de
Parménide ; mais en même temps
convenons que le germe du système
de Parménide est dans Xénophane ,
non dans la partie ionienne de ce
système, mais dans sa partie pytha-
goricienne. Et cela est si vrai , que
l'unité qui pouvait être dans son
successeur matérielle ou spirituel-
le , selon la prédominance de l'é-
lément ionien ou pythagoricien , a
été spirituelle et exclusivement spi-
rituelle dans Parménide; que pouvant
devenir entre ses mains celle du
monde ou celle de Dieu, elle est de-
venue l'unité divine , unité solitaire
et retirée en elle-même , devant la-
quelle le monde disparaît et n'est
XEN
plus qu'une apparence insignifiante.
Le monde , le tout est si peu l'unité
et le Dieu de Parménide , que , selon
Parménide , en partant de l'unité, on
ne peut arriver au tout et au monde.
Loin d'être panthéiste, Parménide
distingue tellement la totalité de l'u-
nité , le TÔ Tràv du To ev , qu'il nie la
totalitéetle ro Tràv , et s'enfonce dans
l'abîme d'une unité absolue qui seule
existe , unité sans nombre , existence
sans contenu et sans réalité, qui n'est
plus qu'une abstraction sublime , et
ressemble au néant de l'existence.
Xénophane n'était pas allé jusqu'à
cette extrémité ; mais il faut avouer
que l'idée de l'unité implantée par
lui dans le sol spiritu iliste d'I^'-
lée , devait y produire ce qu'elle
a produit. Qu'on juge maintenant
de la folie de ceux qui , répé-
tant , sans aucune critique histori-
que ni philosophique , des assertions
fondées sur des textes indignes de
foi de mauvais écrivains du Bas-
Empire , ont peu- à -peu compose
à Xénophane une réputation de
panthéisme , aujourd'hui si bien
établie et si bien accréditée au -
près de la foule philosophique, qu'en
attaquant ce préjugé ridicule , et en
substituant ici l'autorité d'Âristote à
celle de Théodoret, du faux Plutar
que et du faux Orig'^ne, c'est nous qui
passerons pour téméraires et aurons
l'air d'avancer un paradoxe. — Une
accusation encore plus mal fondée et
plus étrange que celle de panthéisme
a été portée et renouvelée sans cesse
contre Xénophane , l'accusation du
scepticisme universel. Chose admira-
ble , tous les historiens s'accordentà
lui attribuer l'invention du scepticis-
me universel, en même temps qu'ils
exposent tout au long son système
sur l'unité absolue , et l'accusent de
panthéisme , entassant ainsi pèle-
XEN
mêle trois contradictions. Il est trop
bizarre en vérité de commencer par
prêter à un homme mi dogmatisme
outré, pour finir par lui reprocher
d'avoir introduit dans la philosophie
la doctrine de l'incompréhensibilité
de toutes choses. Cet étrange préjugé
repose , en dernière analyse, sur quel-
ques vers de Xénophane contre la my-
thologie, que Sextus rapporte, et dont
il généralise arbitrairement la con-
clusion dans un sens sceptique , au
profit de son école. Une fois celte
interprétation de Sextus mise eîi
avant , elle a passé , détachée des
vers qui eussent pu la rectifier, de
l'ouvrage même de Sextus dans ceux
d'écrivains postérieurs , historiens
olliciels, mais trôs-peu sûrs, des sys-
tèmes philosophiques , oii pourtant
il a paru plus commode aux histo-
riens modernes d'aller chercher des
opinions toutes faites que de s'en
former à eux - mêmes par l'étude
approfondie d'écrivains d'un accès
plus difficile, mais d'une autorité tout
autrement grave, comme Platon , et
surtout Aristote. Or , ici Aristote, qui
a si souvent parlé de Xénophane, ne
dit pas un mot de son prétendu scep-
ticisme universel. Platon n'en parle
pas davantage* et il faut reléguer cet-
te opinion parmi les nombreux mal-
entendus qui remplissent encore l'his-
toire de la philosophie. En résumé,
nous trouvons queXénophTne,né6 17
ans avant notre ère, et dont la vie
remplit tout un siècle, Ionien de nais-
sance, est resté Ionien dans une gran-
de partie de ses idées, et qu'arrivé,
dans sa vieillesse, au milieu des co-
lonies de la Grande-Grèce, il y puisa
quelque chose de pythagoricien , qui,
se combinant avec ses autres idées ;,
en composa ce système si bien ca-
ractérisé par Aristote, comme un
système indécis , ou le théisme et le
XEN 367
panthéisme coexistent, avec une pré-
dominanceassez marquée de l'élément
pythagoricien et théiste, qui, peu-à-
peu s'accroissant et se développant ,
finit par absorber l'élément panthéis-
te et ionien dans l'unité absolue et
l'idéalisme exclusif de Técole d'É-
lée. Il ne faut pas oublier non plus
un des meilleurs titres de gloire de
Xénophane. Il commença la dialec-
tique , et fonda cet art de raisonner
que l'école d'ÉIée , fidèle à Xéno-
phane , a porté depuis si loin. — Aris-
tote est le seul philosophe de l'anti-
quité qui ait consacré un livre parti-
culier à l'école d'ÉIée. C'est du moins
à lui que l'on attribue le livre sur
Xénophane , Zenon et Gorgias,
Ce livre est précieux en ce que , non-
seulement il rapporte toute la méta-
physique et la théologie de Xéno-
phane , mais aussi l'argumentation
par laquelle ce dernier essaya de dé-
montrer et de lier entre elles les gran-
des vérités qu'il exposait, et en ce
qu'il donne des arguments de Xéno-
phane une critique qui contribue
beaucoup à les mettre en lumière.
Malheureusement cet écrit est si cor-
rompu que les efforts des critiques les
plus habiles sont loin de l'avoir en-
tièrement éclairci. Les travaux les
plus distingués dont il a été l'objet
sont ceux de Fiilleborn : Commenta-
tio qud liber de Xénophane , Ze-
none et Gorgid passim illustratur ,
Halle, 1789; celuideSpaldiug: Com-
mentarius in primam partem libel-
li de X en. y Z . et G., prœmissisvin-
diciis philosophorum megaricorum ,
Berlin , 1793 ; et celui de M. Bran-
dis , dans son excellent écrit : Com-
mentationum eleaticarum pars pri-
ma, Altona, 181 3. Il faut lire avec
une extrême précaution Diogène
de Laërte , le faux Plutarque , le
faux Origène , Galien , Théodoret ,
368
XEN
etc., auteurs sans critique comme
sans intelligence ; le meilleur , de
beaucoup , est encore Diogène. Sextus
est précieux pour les fragments qu'il
nous a conservés. Simplicius e'clair-
cit , en l'abrégeant , l'ouvrage d'A-
ristole. Chez les modernes , toutes les
histoires de la philosophie où Xe'no-
phane trouve sa place, présentent en
général ces deux défauts : i**. de ne
point le séparer assez de Parmé-
nide et de l'école d'Élée ; i^. de trop
rapporter au monde ce que Xéno-
phane ne dit que de l'unité et de Dieu.
Parmi les écrivains qui se sont occu-
pés spécialement de ce philosophe,
il faut compter : yV Miev j Eroefnete
Eleatische Graeher ji^. éd. , 1724;
Fœverlin, Diss. historicophilos. de
Xenophane y Altdorf, 17 "29, in-4".j
Tiedemann, Xenophanis décréta,
nov. Blblioth. ph'dol. et crit., vol.
I , fasc. 1 ; — Fiiîleborn , Beitrage
zur Geschichte der Philosophie ; le
7^. cahier contient une collection,
mais incomplète, des fragments de
Xénophane, et le i ^^. cahier, un essai
sur sa philosophie ; — Buhle, Com-
mentât, de or tu et progressa pan-
theismi à Xénophane Colophonio ,
primo ejus auctore _, usque ad Spi-
nosam, Gôtt., 1790, in-4^. , et aus-
si dans les Mémoires de l'académie
de Gott., tome x ; — Brandis _, Com-
ment. Eleat, pars prima , 181 3.
V. G— N.
XÉNOPHILE, sculpteur grec,
qui , de concert avec Straton, fit un
Esculape cité par Pausanias , comme
étant de son temps , à Argos , la statue
la plus remarquable de cette divinité.
La figure du dieu en marbre blanc
était accompagnée de celle d'Hygie ,
qui était debout, et des figures assises
de Xénophile et Straton , auteurs de
cet ouvrage. Cet ensemble de figu-
res^ selon M. Quatremère de Quincy ,
XEN
qui en a restitué une légère idée en
gravure dans son Jupiter Olympien ,
planche xix, n». 6_, devait être une
de ces nombreuses compositions qui ,
sous le nom de trônes, ornaient les
sanctuaires de presque tous les grands
temples, et dont l'auteur cité a re-
cueilli les notions^ en redonnant, par
la critique et le dessin , une sorte
d'existence à cette partie si brillante,
et jusqu'ici méconnue de l'art des
Grecs et de leur luxe religieux. Quant
à la composition renfermée dans le
temple d'Esculape à Argos , le même
critique élève quelque doute sur la
dénomination des deux figures assi-
ses, que Pausanias donne comme
ayant représenté en réalité les sculp-
teurs Xénophile et Straton, qui au-
raient placé là eux-mêmes leur pro-
pre image. Il soupçonne que Pausa-
nias aura fort bien pu ne rapporter
qu'une de ces traditions populaires,
dont il y a beaucoup d'exemples. Il
aura suffi que les sculpteurs , comme
cela est souvent arrivé , aient intro-
duit dans le visage de ces statues
quelques traits de leur propre phy-
sionomie , pour faire naître et per-
pétuer l'opinion qu'elles étaient éri-
gées en leur honneur. M, Quatremère
de Quincy soupçonne qu'elles ont dû
représenter deux personnages mysti-
ques , dont peut-être on ne disait pas
le nom à tout le monde , et qui au-
raient pu être Machaon et Podalyre,
les deux fils d'Esculape. Toutefois
ce n*est encore là qu'une conjecture.
L — s — E.
XÉNOPHILE, historien dont
on ignore la patrie et l'époque ,
n'est cité qu'une seule fois , dans l'an-
tiquité , comme auteur d'une Histoi-
re de Lydie. Voy. Anonym. de mu-
lierib. quœ bello clar. ^ dans la Bi-
hliothek der acten litter. und kunst ,
vi*^. part. , inéd.f p. 20. Z.
XEN
XÉNOPHON , historien, philoso-
phe et gëiie'ral athénien , était lils de
Grylhis , et vit le jour à Erchie ,
bourfjade ou dème de la trihu Égci-
de. Nous possédons probablement
tous les ouvrages qu'il avait compo-
sés, ou. du moins, qui furent publiés
de son temps ; et nous pouvons nous
faire une idée exacte de ses talents et
de son caractère j mais les diverses
circonstances de sa vie ne nous sont
connues que très-imparfaitement. Il
ne nous reste en etlet qu'une seule
biographie de Xénophon, celle de
Diogène de Laërte , rédigée , comme
toutes celles de ce compilateur, sans
méthode ni critique j elle a d'ailleurs
fort peu d'étendue , et laisse des lacu-
nes considérables dans plusieurs par-
lies importantes delà vie de ce grand
homme. Quelques renseignements ,
épars dans les autres auteurs anciens
et dans les écrits de Xénophon lui-
même, sont insuffisants pour remplir
ces lacunes; en sorte qu'il est à-peu-
près impossible d'écrire , d'une ma-
nière suivie , sa biographie , sans
avoir recours à des conjectures plus
ou moins probables , pour classer
certains faits de sa vie, ou déterminer
la date de ses divers ouvrages. Cette
notice , rédigée d'après les sources
originales , contiendra , du moins ,
tous les faits positifs que l'antiquité
fournit , et les principales inductions
que peut faire naître une étude ap-
profondie de ses ouvrages. — Dès
les premiers pas, le biographe de
Xénophon setrouve arrêté. Avant
d'aborder l'exposé des événements de
la vie de ce grand écrivain , il est
obligé d'en fixer les termes extrêmes ,
parce que les renseignements à cet
égard sont en contradiction, soit les
uns avec les autres, soit avec ses
écrits. L'époque de sa naissance n'est
établie par aucun texte; mais ou
LI.
XEN 369
pourrait la conclure de celle de sa
mort, fixée par Stésiclès d'Athè-
nes (1) à la première année de la
I o5^. olympiade (36o avant J.-C. ) ;
combinée avec la durée de sa vie,
que Lucien estime à plus de quatre-
vingt-dix ans (2); sa naissance se
trouverait donc ainsi portée à l'an-
née 45 1 ou45o avant J.-C. Mais l'as-
sertion de Stésiclès est combattue et
détruite par une autorité irréfraga-
ble, celle de Xénophon lui-même,
qui, dans les Helléniques, fait men-
tion de l'assassinat d'Alexandre ,
tyran de Phères (3); événement qui
eut lieu la 4*=. année de la loS®.
olympiade ( 357 av. J.-C). En ou-
tre, plusieurs détails du traité des
revenus de l'Attique se rapportent
à l'année suivante (4). Ainsi , il
a vécu au moins jusqu'à l'an 356;
mais il a pu difficilement dépasser
leterme de 355 ou 354- En eiîét , Dio-
gène de Laërte (5) et Strabon (6)
rapportent que Socrate lui sauva la
vie à la bataille de Délium, en l'an-
née /^'i^. Or , on sait que les jeunes
Athéniens , enrôlés à dix-huit ans
pour garderies frontières de l'Attique,
ne sortaient de leur pays qu'à vingt
ans révolus. Xénophon avait donc
au moins vingt ans en 4^4 J ce qui
porte sa naissance à 445 ou 444 ^ ^^^
sa mort à 355 ou 354. Cette anec-
dote, il est vrai, serait fort suspecte
si l'on s'en rapportait à l'assertion
d'un certain Démocharis, cité par
Athénée (7), qui prétend que Socra-
te n'a jamais porté les armes , et que
Platon a eu tort de lui attribuer une
(1) Ap. Diog. Laert., Il, 56.
(2) Jn Macrnh. , § 21 .
(3) VI, 4, 35.
(4) Boeckb , Staats/iauili. cUr Alhen. , I, p.
(5) H, 22, 28.
(6) IX, p. 4o3.
(-) V, p. 210, c. n.
•24
3-]. XEN
parlicipatlon à trois expéditions guer-
rières, celles dePotidée, d' Amphipolis
ctdeDélium. Mais on n'hésitera pas ,
je pense , entre cette assertion d'un
inconnu et le témoignage formel de
Platon, qui n'avait nul intérêt de
mentir, et qui d'ailleurs n'aurait cer-
tainement trompé personne à Athè-
nes. Quant à l'afTaire de Délium , la
seule qui se rapporte à notre sujet,
flérodicus (S) et Gicéron (g) attes-
tent aussi la part que Socrate y avait
prise. Il nous paraît donc impossi-
ble de ne point admettre l'anecdote,
d'autant plus qu'elle se trouve en
harmonie avec le fait conclu du tex-
te même de Xénophon , et de celui
de Lucien. Hutchinson, Schneider et
d'autres critiques ont déjà répondu
à des objections qu'on peut tirer de
deux textes de l'Anabase. Dans l'un ,
Phalinus ( i o) traite Xénophon de;>M-
ne homme {vccf.via/.Q(;), bien qu'il dut
avoir alors quarante -trois ou qua-
rante-quatre ans; mais on a prouvé
que v£ayt(7>toç, coinmc adolescens en
latin, a été quelquefois appliqué à
des hommes qui avaient passé qua-
rante ans. On peut ajouter que Xéno-
phon, dont les anciens vantent l'ex-
trême beauté( 1 1 ), pouvait bien paraî-
(8) Âp. Athen. , V, p. ai5, F.
(ci) Div., I, 54. — Ajoutez, Simplicius {inEpict.,
p. i53 , A , Heins. ; 346 , Schw. ).
(10) Anab., II, I , i3.
• (11) Laërt. , II, 48. L'auteur d'une des lettres,
supposées écrites par Je philosophe Chion d'Héra-
clée , disciple de Platon (Ep. m , 6 Orcll.) , parle
de la beauté et de la grâce des traits de Xéno-
phon, auquel il donne l'épithète de y.OU'ÔTYJÇ,
le chevelu. Cette lettre, d'uu néoplatonicien du 4*'
siècle, n'a pas grande autorité; cependant, rien
n'empêche de croire que cet auteur n'ait donné ces
indications d'aj>rès quelque portrait de Xénophon.
Nous n'en connaissons pas d'authentiques ; et il
n'est peut-être pas inutile d'avertir que ceux qu'on
voit en tête de quelques éditions ou traductions
de cet auteur sont des images de pure fantaisie.
Winckelmann {^Mon. ined. , n". 171; Hist. de
/'Art, II, part. 7., p. 33t3 ) avait cru reconnaître
un portrait de Xénophon ( représenté au moment
eu il apprend la mort de son fils ) dans une belle
tète c«ur«iinéc d'»li\itr, jadis à la villa Aibani ,
I
XEN
trc avoir quelques années de moin
que son âge. Dans l'autre texte (12)
Xénophon dit qu'il ne s'excusera'
pas sur son âge, pour refuser les
fonctions de chef; mais cela ne si-
gnifie autre chose , sinon qu'il ëtaiti
plus jeune que d'autres, qui avaient ^1
en conséquence , plus de droits au
commandement. D'ailleurs , quand»
Seuthès , roi de Thrace , pour l'en-
ager à le secourir, ofïre de lu
onner sa fille , ou d'épouser h
sienne , s'il en a une ( 1 3 ) , il noui
montre bien que Xénophon parais-
sait d'âge à avoir une fille nubile :
ce qui suppose environ quarante ans
Rien ne s'oppose donc à ce que nous
regardions comme fixées définitive-
ment la naissance de notre auteur à
445 , et sa mort à 355 avant J.-G
Ces deux termes extrêmes établis , il
faut maintenant essayer d'en remplir
l'intervalle. — On ne sait rien ni desl
parents de Xénophon , ni des cir-
constances de sa première jeunesse,
Il devait avoir atteint l'âge dequinza
ou seize ans , lorsqu'il fit la connais-!
sance de Socrate. Ce philosophe, ren-
contrant ce jeune hommC;, fut frappé
de sa beauté modeste (i4); il lu"
barra le passage avec son bâton ,
lui demanda où l'on pourrait achetei
les choses nécessaires à la vie : a
marché, répondit Xénophon. So-
crate lui demanda de nouveau : où
peut-on apprendre à devenir honnête
homme? Le jeune Athénien hésitait
à répondre : « Suis-moi , lui dit So-
maintcnant au Musée royal ( n». 56o ). Mais Vis-
couti ( Musto Pio Clément, , VI, pi. i3, p. 37. ) »
prouvé que cette tête est celle d'Hercule, vain-
queur aux jeux olympiques ( Voy. encore Ânt. du
Mus. Napol. , par T. Piroli , Il , pi. 33 , et Icon.
grectfue , I, p. a37 ).
(la) ylnah. , III , l , 7.5.
(i3) Anal/., VII, 2, 8.
(l4) AlrJiôf^twv V.CÙ sùst^étTruTQç sic
XJTttp^ollhv. Laért. , II, 4».
3
XEN
ft crate, et tu l'apprendras. » Dès
cemoment, il devint son disciple ( 1 5).
Sans garantir absolument cette anec-
dote , on peut dire au moins qu'elle
est parfaitement dans le caractc'ie et
les habitudes de Socrate. D'ailleurs
comme il en résulte qu'il connais-
sait ce jeune homme depuis plu-
sieurs années , lors de la bataille
de Dclium , elle explique tout na-
turellement pourquoi il se trouvait à
ses côtés , et put lui sauver la vie. 11
semble que Xénophon dans quelque
autre engagement , dont l'histoire
n'a point parlé , tomba au pouvoir
des Béotiens qui le retinrent prison-
nier; car, selon Philostrate (i(3) , il
reçut des leçons de Prodicus de Céos,
pendant qu'il était prisonnier en
Béoiie. Il serait ditiicile de trouver
une autre époque pour rendre compte
de ce fait, en le supposant exact ,
que celle de la guerre des Athéniens
et des Béotiens. On ignore absolu-
ment ce qu'a lait Xénophon , depuis
cette bataille jusqu'à son départ pour
l'armée de Cyrus ^ espace de vingt-
trois ans. Mais on ne saurait douter
qu'il n'ait servi dans une des expédi-
tions de la guerre du Péloponnèse.
Outre qu'on ne concevrait pas qu'un
homme de son âge et de sa force eût
été laissé dans l'inaction , l'expé-
rience consommée qu'il montra lors
de la retraite des Dix-Mille suppose
une habitude de la guerre qu'il n'a
pu acquérir que dans plusieurs cam-
pagnes 11 est également impossible
que , dans cet intervalle qui se ter-
mine à sa quarante-troisième ou qua-
rante-quatrième année , il n'ait pas
e'crit quelqu'un de ses ouvrages, sous
les yeux et par les conseils de son
maître. Je placerais, par exemple,
(i5) Laërt., Il, 48.
(16) VU. Soph.j I, 13.
XEN 371
à cette époque , la rédaction du Ban-
quet , dont le but a été de faire res-
sortir dans un dialogue animé , où
les leçons graves de la morale se
mêlent à une aimable plaisanterie,
les vrais principes deSocrate sur l'a-
mour. Plusieurs savants ont cru, d'a-
près Athénée, que notre auteur avait
composé le Banquet pour l'opposer
au dialogue de Platon qui porte le
même titre. Dans ce cas , on serait
obligé d'en rapporter la composition
à une époque bien plus récente j car
le Banquet de Platon , selon la re-
marque de Wolf (17), a été com-
posé après la troisième année delà
g^^. olympiade ( 386 avant J.-G. ).
Mais une comparaison attentive des
deux ouvrages montre que celui de
Platon est d'une date postérieure à
l'autre (18). Quelques savants ont re-
gardé le Banquet comme un des ou-
vrages que Xénophon avait écrits à
son retour d'Asie , pour défendre les
doctrines deson maître. Cette opinion
est fort soutenable. Toutefois , com-
me rien , dans ce dialogue , ne sent
l'apo'ogie , je ne vois pas ce qui
empêcherait d'en placer la composi-
tion avant la mort de Socrate. En
elï'etjla conversation rapportée dans
ce Banquet eut lieu , d'après l'auteur
lui-même, à l'occasion de la victoire
d'Autolycus qui avait remporté le
prix du Pancrace (19): or, selon
Athénée (20) , ce prix fut gagné sous
l'archontat d'Aristion, la quatrième
année de la 89^. olj'mpiade, ou 421
avant J.-G. Le début de l'ouvrage
me semble annoncer une composition
rédigée peu de temps après la scène
qui s'y trouve racontée, et, en quel-
(i:)Prqfat.Sfmp.,^.-LV.
(18) Boeckh, De simultate quce PLatoni ciun
Xenoph. intercess.Jertur, p. 8.
(19) I, 2.
(20) V, p. ai6, B.
.4.
que sorte , dans tonte la fraîcheur de
la piemicre impression. Dans ce
cas, l'auteur n'aurait eu que vingt-
quatre à vingt- cinq ans, lorsqu'il
aurait commence' la composition de
ce dialogue, quatre ou cinq ans après
la bataille de Délium. Ce serait là
son premier ouvrage, écrit sous les
yeux mêmes de Socrate, mais dont
il revit sans doute plus tard le style
et les détails. — C'est entre 4^6
et 4^* <î"'^^ ^^^^ prendre les le-
çons d'isocrate , dont il fut le dis-
ciple , selon Pliotius ('2 1 ). Isocrate ,
né en 436 , était plus jeune que son
disciple de dix à onze ans : mais il
fut connu de bonne heure pour un
écrivain habile ; et rien n'empêche
qu'à l'âge d'une trentaine d'années
il ait pu avoir un auditeur xel que
Xénophon. Ce n'est pas la seule
fois qu'en Grèce le maître s'est
trouvé plus jeune que le disciple.
Peut être V Hier on est-il l'ouvrage de
notre auteur où l'on trouve le plus
de cet artifice de la parole , qu'on
devait puiser dans l'école d'isocrate;
et je ne sais si cet excellent ou-
vrage ne se ressent pas plus qu'au-
cun autre de l'inlhience immédiate
de ce rhéteur. On peut encore es-
sayer de rattacher la composition
de ce morceau à une circonstance
qu'Atiiénée seul nous a conservée.
\J Hier on est , comme on sait , un
dialogue entre Hiéron , tyran de
Syracuse, et le poète Simonidede
Céos : le premier y montre tous les
dangers du pouvoir suprême, et tous
ses inconvénients , comparés avec la
tranquillité et le bonheur dont jouis-
sent les simples particuliers : le se-
cond indique au tyran les moyens de
bien gouverner et de rendre le peu-
ple heureux, en l'étant lui-même. 11
t:»i)P. /,86, 37, éd. Btkk.
est bien possible que le choix d'un
tel sujet se rattache au voyage quel
l'auteur a dû faire en Sicile, puisque'
Athénée rapporte \\n mot de Xéno-
phon,fils de Grjllus , à la table de 1
Denys leïyran(2'2). C'est, il estvrai, 1
la seule trace qui existe d'un tel
voyage ; mais, comme il n'a rien que
de très- vraisemblable à cette époque
où tant d'A théniens visitaient Syra-
cuse, nous n'avons réellement aucun
motif de le rejeter. Athénée nomme
Denys le Tyran, sans autre dési-
gnation : cela peut s'ap])liquer éga-l
lemeut bien aux deux Denys : oUi
croira dilïicilement toutefois qu'il s'a-
gisse de Denys le jeune, qui n'a suc-
cédé à son père qu'en 867 • car Xé-
nophon avait alors soixante dix-sept
à soixante-dix-huit ans ; or, ce n'est
pas à près de quatre-vingts ans qu'on
entreprend un voyage de ce genre, à
moins d'une nécessité absolue : et la
suite des événements nous montrera
qu'elle n'a pas dû exister. Denys l'an-
cien a régné de 4o6 à 867 ; dans le
cours de ces Sq années , il n'y a guère
que deux intervalles qui conviennent , "
ce voyage, celui de4o5à 4oi, année
du départ de Xénophon pour l'Asie
et celui de 899 à 894 , qui comprenc
l'espace entre son retour d'Asie et
son départ pour aller rejoindre Agé-
silas. 11 est assez diliicile de se déci-
der entre l'un et l'autre : je penche
néanmoins pour le premier ; mais
quelque opinion qu'on adopte à cet
égard , il me paraît assez probable
que la rédaction de l'Hiéron doit se
rattacher à ce voyage. Xénophon ,
de retour de Syracuse , l'ame en-
core toute remplie du spectacle des
inquiétudes de Denys , et des moyens
violents qu'il employait pour mainte-
nir son autorité naissante , a pu con-
(")x,i). 427-^28.
XEN
cevoir l'idée de ce dialogue , l'un des
plus parfaits écrits qui soient sortis
de sa plume , sous le rapport de la
diction et de l'enchaînement des pen-
sées. Dans cette hypothèse, l'Hiéron
aurait été composé entre 4o46t 4^1,
sous les yeux et peut-être par les
conseils même de Socrate. L'auteur
était alors âgé de quarante ans. Son
talent devait avoir acquis toute sa
maturité. — C'est également entre
l'année 4o3 et celle de son départ
pour l'armée de Cyrus qu'il a du pu-
blier l'histoire de Thucydide. Diogè-
ne de Laërte rapporte en effet qu'il
mit au jour l'ouvrage encore incon-
nu de Thucydide^ lorsqu'il ne te-
nait qu'à lui de le supprimer ou de
se r attribuer (23). Ce fait a été géné-
ralement révoqué en doute ^ d'après
des raisons très-plausibles fondées
sur l'opinion de Dodv^^ell , relative à
l'époque de la mort de Thucydide ,
qu'il fixe à l'an Sgi. D'après cette
opinion , en effet, il était impossible
de comprendre comment l'histo-
rien , revenu de l'exil en 4o4 ou 4o3,
au plus tard , n'aurait pas , dans
l'espace de treize ans , terminé son
ouvrage , et n'en aurait pas répan-
du assez la connaissance , pour qu'il
ne fût plus au pouvoir de personne
de l'anéantir ou de se l'approprier ?
D'ailleurs, en Tan 391 , Xénophon
était en exil à Scillonte. Com-
ment aurait -il seul comm l'histoire
de Thucydide ? comment serait-elle
parvenue secrètement en sa pos-
session ? voilà bien des difficultés.
Dodwell , qui veut accorder l'anec-
dote avec son système , suppose que
le manuscrit fut apporté à Xénophon
par sa femme et ses enfants , lors-
qu'ils vinrent le rejoindre à Scillonte.
C'est là une supposition tout-à-fait
XEN
373
gratuite. L'anecdote est donc réelle-
ment inconciliable avec l'époque de
la mort de Thucydide ^ fixée à l'an
391 ; mais si cette époque elle même
est fausse, l'anecdote pourrait bien
être véritable. Assurément la gloire
de Xénophon n'a rien à gagner ni à
perdre à ce que le fait soit vrai ou
faux. Qui pourrait songer à lui faire
un mérite de ne s'être pas approprié
l'ouvrage d'un autre? Mais comme
ce point se rattache à une question
d'histoire littéraire assez curieuse , il
est bon de s'y arrêter un moment
pour établir : i**. que Thucydide est
mort à Athènes peu de temps après
son retour de l'exil ; i'\ qu'il a laissé
son ouvrage imparfait j 3^*. que Xé-
nophon était encore à Athènes à cette
époque , et conséquemment qu'il a pu
être son éditeur. — Aucun auteur an-
cien n'a donné l'époque de la mort de
Thucydide; on pourrait la conclure
de l'année 47 1 ■> fixée pour sa nais-
sance d'après Pamphila , si l'on sa-
vait combien d'années il a vécu. Son
biographe , Marcellin , lui donne ,
il est vrai ^ em^iron cinquante an-
nées dévie ; mais cela est impossi-
ble : ou l'auteur se trompe grossiè-
rement, ou son texte est altéré. Dans
l'un et l'autre cas , il n'y a rien à en
conclure. Dodwell a donc essayé, par
un autre moyen , sinon de détermi-
ner l'année précise de la mort de
Thucydide , du moins d'obtenir la
preuve qu'il a dépassé l'année 395 ;
ce qui rendrait assez probable qu'il
a poussé sa carrière jusqu'en 391.
Cet historien (24), à l'occasion de
l'éruption de l'Etna, qui ravagea Ca-
tane , la sixième année de la guerre
du Péloponnèse (en 426), rappelle
qu'il y a eu trois éruptions de ce vol-
can depuis l'arrivée des Grecs en Si-
(23) II , 5;.
374 XEN
cile. Dodwell a pense que la troisiè-
me , dont voulait parler Thucydide ,
est celle qui eut lieu, selon Diodore,
la première année de la quatre-vingt-
seizième olympiade ( en Sqj ) , d'oii
il résulterait déjà que Thucydide
aurait vécu au-delà de cette année.
Mais , quoique son opinion ait été
adoptée par plusieurs habiles criti-
ques (25), il est certain cependant
que ce savant a mai compris le
texte de l'historien. La troisième
éruption est bien celle de l'an 4^6.
La seconde avait eu lieu cinquante
ans auparavant, selon Thucydide.
Quant à la première, il l'indique sans
en donner la date^probablcmeut parce
qu'il l'ignorait. L'historien veut dire
(pie depuis l'arrivée des Grecs jusqu'à
la sixième année de la guerre du Pélo-
ponnèse_, il y avait eu trois éruptions
de l'Etna , dont celle de cette année
était la troisième. C'est ce qu'avaient
déjà compris d'Orville (lÙ) , Heyne
(27), Voss (28) et Mannert (29) , et
ce qu'a très-bien expliqué tout ré-
cemment le dernier éditeur de Thu-
cydide , M. Goeller (3o). Dodwell
s'appuie d'un autre fait , qui n'est
pas mieux fondé. Dans un passage
du biographe Marcellin , il est dit
que Thucydide n a point eu de répu-
tation tant qu'a vécu Archélaûs.
Dodwell prend cet Arcliéiaiis pour le
roi de Macédoine , mort en 898 ; et
de là une preuve que Thucydide a
vécu plusieurs années après l'an 4oo.
Mais Visconti a déjà observé (3i)
(55) Enire anlres, M. Gosselliç, sur Strabon ,
i, 109, et l'auteur du savant article Thucydide ,
dans la Biographie universelle.
(9.6) S'icula, p. 241.
{t.-^) Ad Mneid , m , Exe. , xv.
(28) T'Veltkundc, XI, x.
(21.9) Geo/g. der Allen, Ix, part, x , p. 295.
{3o) In Ad Monac. , 11, 243, et in Thucvd. ,
p. 9-10.
(3i) Icono^r. grecque, l, 23o,
XEN
quecenomd'Archélaiis, qui n'est ac^
compagne d'aucune indication quel-
conque
fait nul sens en cet en-
droit ; qu'il a été évidemment trans-
posé de la ligne précédente • qu'il
faut le retrancher ; et que la phra-
se du biographe signifie tout simple-
ment que Thucydide n a point eu de
réputation de son vivant ( comme
historien) • ce qui a dû naturellement
arriver , s'il est vrai que son ouvra-
ge n'ait été publié qu'aj)rès sa mort.
11 ne reste donc réellement aucune
preuve qu'il ait vécu au-delà de
l'année 4oo. Au contraire , des in^-
dications positives , et surtout l'état
dans lequel son ouvrage s'est trou-
vé à sa mort , montrent qu'il n'a pas
même été jusqu'à ce terme. Thu-
cydide, qui avait employé les vingt
années de son exil (32) à en rassem-
bler les matériaux , déclare , à la
vérité , dans le cinquième livre ,
qu'il a écrit l'histoire de la guerre
du Péloponnèse , jusqu'à la prise
d'Athènes , dans une durée de
vingt-sept ans (33). Mais le temps
passé yiypaf^s (34) ne fait pas né-
cessairement entendre qu'il avail
achevé son ouvrage. En se mettant
k la place d'un auteur qui rédige eu
paix un ouvrage avancé, on con-
çoit que l'expression peut ne se
rapporter qu'à l'intention formelle
où Thucydide était de le terminer,
quand il écrivait ces mots , et à sou
espérance de toucher bientôt le terme
de ses longs efforts. 11 parlait comme
fait d'un livre (i\i'\\ faisait encore. Ce
(?9.) 11 est presque indubitable que Thucydide
pendant son exil , parcourut le theâlre des divers
événements qu'il avait à décrire. Quand on lit
description du siège de Syracuse , il est bien dil
cile de croire qu'il n'avait pas acquis une connais-
sauce personnelle des lieux. Par là s'explique l'as-
sertiou erronée deTimée, qui prétendait que Thu
cydide avait son tonibeati en Italie (Ap. Marcell.
^ 33.- Cf. GœUini^. gel. Anzeigeii , iSv.a, 11
p. io47)-
(;33} V , 26. — (3h) Cf. I , 1-V , 20 , passtin.
XEN
passage a été écrit , après la vingt-
septième année de la guerre, lorsque
Thucydide , dans le feu de la com-
})Osition , se croyait sûr d'atteindre
c but. Or , il est certain que son es-
pérance a été trompée , et que son
histoire n'a jamais été terminée, puis-
que Je huitième et dernier livre , com-
me on sait, finit à la 'ii^, année
de la guerre, en 4iï« Mais, dira-
t-on , ce livre était peut-être suivi de
plusieurs autres. Tout prouve le
contraire. Je n'insiste pas ici sur
l'opinion des anciens eux-mêmes,
qui regardent le huitième livre com-
me indigne des précédents, ni sur
celle des meilleurs critiques moder-
nes, qui reconnaissent dans ce livre
un morceau inachevé, où l'auteur n'a
pas eu le temps de répandre la vie
et le mouvement qui animent le reste
de son ouvrage j d'où il résulte que ,
loin d'avoir pu achever entièrement
son histoire , il n'aurait pas même eu
le temps de terminer ce huitième livre.
Sans insister sur ce point , une preu-
ve indubitable que Thucydide , ainsi
que le disent d'ailleurs formellement
Diodore de Sicile (35) et Denys d'Ha-
licarnasse (36) , n'avait point rédigé
son ouvrage au-delà de la 2i«. au-
lîée de la guerre, c'est que les Hellé-
niques de Xénophon commencent
tout juste où finit le huitième livre;
il n'y a ni lacune ni solution de con-
tinuité. Le iisTccrïs raÙTa (après cela),
qui forme le début si brusque ( ou ,
comme les anciens disaient , acépha-
le ) des Helléniques , se rapporte pré-
cisément au fait qui termine ce livre
de Thucydide. H est donc certain
que Xénophon n'a connu de cet ou-
vrage que ce que nous en connaissons
nous-mêmes ; ce qui équivaut à dire
XEN
StS
(35) xm, 42./
(36) Ep. ad Pomp. , p.
i3*.
que Thucydide n'en avait pas rédigé
davantage, à moins d'admettre, com-
me ona été tenté de le faire (87), que
Xénophon aurait supprimé le reste;
supposition étrange, et que je rap-
pelle ici uniquement pour montrer
toute la force de l'argument qui se
tire du début des Helléniques. Si
l'on rapproche maintenant ce fait
incontestable des paroles de Thucy-
dide , citées plus haut , ou sera na-
turellement conduit à dire que Thu-
cydide , revenu de l'exil , en 4o3 ,
après l'expiration de la 27*^. année
de la guerre, continua de rédiger son
histoire , dont tous les matériaux
avaient été rassemblés et la rédac-
tion commencée pendant les vingt an-
nées de son bannissement : de plus, que
cette rédaction était déjà fort avancée
lorsqu'il a écrit ces paroles. Dès-lors
l'auteur , marchant avec confiance
au but , et se croyant sûr de l'attein-
dre, puisque l'achèvement de l'ouvra-
ge ne pouvait lui demander plus d'un
an ou deux, a dû s'exprimer com-
me il l'a fait. Ceci suppose que la
mort vint , peu de temps après son
retour de l'exil , l'arrêter au moment
où il se croyait près de terminer son
ouvrage. Concevrait-on que s'il avait
encore vécu treize ans , il n'eût pas
plus avancé sou Histoire^ et l'eût
laissée dans un état si imparfait? Or ,
tous les auteurs qui ont parlé de la
mort de Thucydide s'accordent à
dire qu'il mourut assassiné ; ils va-
rient seulement sur le lieu de sa mort.
Selon Plutarque, ce fut en Thrace
(38); selon Pausanias , ce fut en re-
venant de l'exil (89). Zopyre et Cra-
tippus , cités par Marcellin, disaient
qu'il avait été tué à Athènes , après.
(37) Gail, Philologue , Ul , 3i/i-3ie.
(38) In CimoKe, § 4.
f39)i,a3, lu
376
XEN
son retour (4o). On peut deviner d'où
proviennent ces contradictions. Thu-
cydide , revenu dans sa patrie , dut
cire appelé en Thrace pour des inte'-
rêts de famille, puisqu'il y avait ses
biens; et ce fut sans doute en reve-
nant une seconde fois à Athènes
qu'il fut assassiné. De là l'opinion
qu'il était mort en revenant d'exil ,
ou même qu'il avait péri en Thrace.
Il semble pourtant que le témoignage
de Pausanias, qui avait vu son tom-
beau y et que celui de Zopyre et de Cra-
tippus , qui étaient ses contemporains
(4i),nepermettentpasdedouterq'u'il
ne soit mort à Athènes, et n'y ait été
enterré. Mais, dans tout cela, rien qui
indique combien de temps il a vécu
après son exil. Seulement tout sem-
ble se réunir pour annoncer que
sa mort violente suivit de près
l'époque de son retour ; résultat
auquel orx est d'ailleurs invincible-
ment conduit par l'examen de toutes
les autres circonstances. Il suflil de
voir dans quel état Thucydide a lais-
sé son ouvrage pour trouver bien dif-
ficile qu'il ait poussé sa carrière au-
delà de l'an 4o^; et comme il faut
bien que quelqu'un ait publié ce qu'il
avait achevé de son Histoire, puis-
qu'à coup sûr il ne l'a pas publié lui-
même , quelle raison de rejeter le ré-
cit de Diogène de Laërte , lorsqu'on
est certain qu'en 4o2Xénophon était
encore à Athènes? Rien n'empêche
de croire que l'ouvrage de Thucydi-
de, non terminé, lui fut confié par
l'auteur lui - même , en mourant , ou
par ses héritiers. Ainsi , le dire de Dio-
(4o) § 32, 33. Dans le second passage, M. Pop-
po corrige avec raison la leçon gv ©OaXÏ) ,
«:onfradictoire avec ce qui précède.
(4i) Selon Denys d'Halicarnasse ( de Thncyd,
idioni., p. 143, 1. 4' )' ^'ralipjjus était contemporain
et continuateur de Thucydide ( cf. Plut., de (,lor.
yit/i.^ p. 345^; or on voit, par un passa;;e de Mar-
cellin (§ 3H), que ce Cratippus avait cité Zopyre,
XEN
gène de Laërte, loin d'être invrai-
semblable , se coordonne au contraire :
parfaitement avec les circonstances
de la vie des deux historiens et avec
l'état d'imperfection où était restée
l'histoire de la guerre du Péloponnè-
se. Il n'y a donc plus aucun motif
d'enlever à Xénophon l'honneur d'a-
voir été le premier éditeur de Thucy-
dide.— Ce fut immédiatement après
avoir rendu ce service signalé aux ^
lettres qu'il dut partir pour la cour ■
deCyrus le jeune ^ en 4oi. Il raconte ■
lui-même les motifs qui l'y détermi-
nèrent {^1). Un Béotien, nommé
Proxène , autrefois disciple de Gor-
gias de Léontium , alors attaché à la
personne de Cyrus,luiavaitécritpour
l'engager à quitter son pays, en lui
promettant l'amitié de ce prince. Xé-
nophon consulta Socrate sur ce voya-
ge. Celui-ci , craignant que son ami
ne se rendît suspect aux Athéniens
en se liant avec Cyrus , qui avait paru
empressé à aider les Lacédémoniens
dans leur guerre contre Athènes , lui
conseilla d'aller à Delphes , consulter
Apollon. Xénophon, résolu d'avan-
ce, ne demanda pas au Dieu s'il devait
ou non entreprendre le voyage , mais à
quelle divinité il devait sacrifier, pour
qu'il fût honorable et avantageux: et
c'est un reproche que lui fit Socrate.
Le philosophe finit cependant par
lui conseiller de partir, après avoir
fait ce que le Dieu lui avait prescrit.
Xénophon s'embarqua , et trouva
Proxène à Sardes ; son ami le pré-
senta à Cyrus qui l'accueillit fort bien,
l'engagea à rester auprès de lui, lui
promettant de le renvoyer , quand la
guerre qu'il préparait, disait- il ^
contre les Pisidiens , serait terminée.
Xénophon , croyant que l'expédition
n'avait pas d'autre but , consentit à
(49.) Anab., m, I.
XEN
en faire partie , de même que Proxè-
ue qui fut trompe également ; car , de
tons les Grecs , Cléarque seul était
dans le secret des intentions de Cy-
rus. La bataille de Cunaxa , la vic-
toire d'Artaxerce, la mort deCyrus,
le massacre de Cléarque et des vingt-
quatre autres chefs de l'armée grec-
que , dont Tissa pherne s'était rendu
maître par trahison ( V. Cléarque ,
IX , 4 ) ? sont des événements trop
connus pour que nous devions y in-
sister ici. Ce ne fut qu'après cette
dernière catastrophe qui compromit
si gravement le salut de l'armée,
que Xénophon commença à jouer
un rôle important dans la retraite
des Grecs ; et , quoiqu'il se soit
nommé trois fois dans les deux pre-
miers livres , pour des mots ou des
actions de peu d'importance (/p), et
toujours comme s'il s'agissait d'une
^ personne dilïérente de celle de l'au-
teur , ce n'est qu'au commencement
du troisième livre qu'il se met en
scène, et s'annonce lui-même en ces
termes : « 11 y avait à l'armée un
)) Atliénien , nommé Xénoj)hon, qui
» ne la suivait ni comme général , ni
» comme lochage, ni comme soldat.»
L'armée était plongée dans le décou-
ragement et le désespoir , lorsque
Xénophon , tourmenté de cette situa-
tion pénible, alla trouver les locha-
ges ( ou chefs de bataillon) du coips
de Proxène , auxquels il communi-
qua ses idées sur le moyen de sauver
l'armée: ensuite , il parla avec tant
de force et de raison dans l'assem-
blée formée par ceux d'entre les
chefs qui restaient encore , qu'on
le choisit , avec quatre autres ,
peur remplacer les généraux que
Tarmée avait perdus. Dès ce mo-
ment, il devint Tame de toutes ces
XEN 377
belles opérations militaires qui , en
moins de huit mois, ramenèrent les
Grecs , à travers tant de dilbcultés
et d'obstacles , depuis les bords du
Tigre jusqu'à ceux du Pont-Euxin.
C'est dans cette retraite, à jamais
mémorable , qu'il déploya une fer-
meté , un sang - froid , un coura-
ge , toujours réglé par la raison ,
qui le placent au rang des plus grands
capitaines. Arrivé à Chrysopolis ,
en face de Byzance , il cherchait les
moyens de se rendre dans sa patrie,
lorsqu'il fut sollicité par Seuthès, roi
de Thrace, de lui amener ses trou-
pes pour le rétablir sur le trône.
Xénophon, dont l'armée était dé-
nuée de tout , y consentit ; mais
après que Seuthès eut obtenu le service
qu'il desirait , il ne voulut pas don-
ner la somme dont il était convenu.
A force de négociations pourtant , le
général grec en obtint une partie. Ce
fut alors que Thymbron, chargé par
les Lacédémoniens de faire la guerre
aux satrapes Pharnabaze et Tissa-
pherne, envoya solliciter les troupes,
sous la conduite de Xénophon , de ve-
nir le joindre pour l'aider dans cette
guerre, moyennant une forte solde.
Xénophon se disposait à retourner
dans sa patrie; mais les Grecs le
prièrent de ne les point abandonner
encore , et de ne les quitter que lors-
qu'il aurait remis lui-même l'armée
à Thymbron (44) qui était enlonie.
Il y consentit. Depuis cette époque
( 3()9 ) , jusqu'au moment oii il alla
rejoindre Agésilas en Asie ( 3g5 ou
394 ),il s'écoula quatre ou cinq ansj
aucun texte ne nous apprend ce
qu'il a fait dans cet intervalle : mais
heureusement diverses inductions
probables nous amènent à pouvoir
le remplir en partie. On doit croi-
C43)
io;5,
(44) Anal., V, 7.
37»
XEN
re , en effet , qu'après avoir remis
son arme'e à Thymbron , il cxe'cuta
son dessein de retourner à Athènes ,
d'où il n'était pas encore banni , ainsi
qu'il nous l'apprend lui-même (45).
Arrive dans sa patrie, en Sgg, il n'y
trouva plus son maître que les Athe'-
niens avaient fait mourir. Du vivant
de Socrate, il a^ait pris des notes
(46) sur tout ce que ce philosophe di-
sait de remarquable. 11 dut alors re'-
diger ces notes. On peut donc , avec
vraisemblance , reporter à cette épo-
que la composition de plusieurs des
ouvrages qui ont pour objet la justi-
fication de son maître , par exem-
ple les Dits mémorables et V apo-
logie ^ si toutefois cet ouvrage est
réellement de lui ; ce qui est fort dou-
teux. Dans le premier de ces écrits,
on aperçoit le besoin de justifier So-
cratedes accusations de «es ennemis.
Quelques e'crivains anciens ont dit que
les Athéniens s'étaientbientot repentis
de leur iniquité , qu'ils avaient ren-
du de grands honneurs à la mémoire
de Socrate , et accablé ses accusa-
teurs de leur indignation. S'il est dif-
ficile de rejeter le témoignage de ces
auteurs , il est à présumer du moins ,
d'après le silence des disciples de
Socrate ;, que ce repentir fui tardif :
par là même, s'expliquent tant d'ef-
forts de ces disciples pour ramener
l'opinion à l'égard de leur maître.
Croit-on , par exemple , que Platon
et Xénophon eussent pris tant de
peine pour le justifier, s'ils n'avaient
pas eu à combattre des préventions
(45) Anab., V, 7 fin.
(46) Voilà le vrai sens du mot hltoarilieiM-
GÛfJLS'JOÇ «îont se sert Diogène de liaërte (II, 48).
Une fausse interprétation de ce mot a fait croire son-
■vent qu'il désigne une é< riline en noies, espèce de
/achjgiaphie, analogue à ceîle de Tiron , dont on
a attribué la connaissance et même l'invention à
notre auteur ( yoy. l'art. TlRON ] . Cett« opinio»
n'a aucun fondement.
XEN
toujours subsistantes? Le ton apolo-
gétique qui règne dans les Mémora-
bles de notre auteur, et dans plusieurs
écrits de Platon, mesemble,à luiseul,
une preuve de la nécessité oii ils se
trouvaient de défendre leur maître , en
faisant mieux connaître sa doctrine ,
sa méthode d'enseigner les jeunes
gens , qui avait donné lieu à tant de
calomnies, son caractère, son désin-
téressement, toutes ses vertus enfin.
Pour moi , je pense que ces écrits
des disciples de Socrate ont dû beau-
coup contribuer à inspirer aux Athé-
niens les vifs regrets qu'ils éprou-
vèrent. S'il en est ainsi , on a une
époque très-probable pour la rédac-
tion de plusieurs dialogues de Platon,
et , en particulier, pour divers écrits
socratiques de Xénophon, qui doivent
dater du moment de son retour. Je
rapporte au même temps la rédaction
àeV Économique. Plusieurs critiques
modernes croient que cet écrit faisait
originairement partie des Mémora-
bles , dont il formait, selon eux , le
cinquième livre : opinion assez vrai-
semblable. Dans tous les cas , il est
certain , d'une part , que cet ouvrage
fut écrit à Athènes , com.me les Mé-
morables ; et , de l'autre, que l'auteur
était de retour de l'expédition d'Asie,
puisqu'il met, dans la bouche de So-
crate , l'éloge de Gyrus le jeune, et la
mention de sa mort (47 )• ^^ même
temps, appartient la rédaction du
Maître de la cavalerie, traité com-
posé certainement à Athènes, comme
le prouvent plusieurs passages (c. 2 et
3 ), et l'ensemble même du morceau.
Ce traité ne me paraît être que le
développement d'une conversation
(47) Œconomic. , IV , 16, a5. Socrate était mort
avant Cyrus ; c'est un genre d'anachronisme dont
les exemples sont très-fréquents dans Platon {f^ov.
mon Méinniie sur les Dialogues socratiques , daii&
le Journal des saitmls, non. 1820 , p. 673-683 ).
I
XEN
que l'auteur attribue ailleurs à son
maître (48) , et des conseils que le
philosophe donne à un jeune homme
récemment nommé hipparque. Xe'-
nophon ne pouvait guère résister au
désir d'étendre ces conseils, que So-
crate indique en termes généraux,
et de faire part à ses concitoyens de
l'expérience qu'il avait acquise _, lors
de la retraite des Dix-Mille, dans les
grandes manœuvres de la cavalerie.
On doit remarquer qu'un des pré-
ceptes qu'il donne, celui de propo-
ser des prix pour les manœuvres et
exercices ( 49 ) 7 fut mis en prati-
que par Agesilas, dans son expé-
dition d'Asie (5o), probablement
d'après les avis de Xénophon lui-
même ( 5i ). — Diogène de Laërte
(52) et Hégésandre, cité par Athé-
née (53), ont parlé d'une espèce
de jalousie entre Xénophon et Pla-
ton. Si elle a existé réellement , elle
(48J M cm., m, 3.
(4.,) Hipparch., 1, 5,6. — (5o) HelUn., m, 4 , ,6.
(5i) Courier place la rédaction de cet opuscule
beaucoup plus tard , lors de la première inyasiou
de la Laconie par les Tliébains , c'est-à-dire \ ers
368 ( du Conim. rie la Caval., p. 28 ) ; il se tonde
sur un passage où Xénopiion semble établir un pa-
rallèle entre les Athéniens et les Béotiens, comme
si l'on cr ignait une invasion de la part de ces der-
niers. Mais ce passage ne prouve rien pour qui-
conque se souvient de la conversation de Socrate
«t du fils de Périclès , dans les Mémorables , où
l'espèce deparaMèle entre les forces des Béotiens et
Celles des Athéniens revientavec bienpiusde détails
(ni .5,3 seq ) ; ce qui ne se rapporte qu'aux af-
faires de l.ébadée et de Délium. Depuis lors, les
Béotiens furent toujours un sujet d'inquiétude pour
le-s Athéniens dont ils touchaient les frontières ; et
c'est pour cela que Xénophon, soit dans les Mé-
morables, soit dans i'Hipparchique , les prend pour
terme de comparaison. L allusion que Courier croit
trouver ( Vlll , 10 ) a une faute d'Iphicrnte ( en
371 ) est fort douteuse, puisque cette faute a pu
être commise par d'autres que ce général. L'allu-
sion aux bannis de Thespies et de Platées (ix , 7) est
encore plus incertaine; quant au passage ou il est
dit que la cavalerie lacédémonienne se fit remar-
quer lorsqu'on y eut joint des corps étrangers , il
»e prouve pas que l'écrit soit postérieur à l'expé-
dition d'A«ésilas en Asie; du moins, je ne vois
rien qui nous oblige de croire que les Lacedémo-
niens n'eurent pas, avant cette époque, de cavalerie
étrangère dans leur armée. La circonstance que cet
opuscule a été écrit à Athènes me paraît s'arran-
ger difficilement avec toute autre époque que celle
que j'ai choisie.
(52) II, 5;; —ni, 34. (53) Jp. Ath., XI, 5o7,B. C54) Mem., ni, G, i.
XEN 3,3
a pu naître vers cette époque et à
l'occasion même des écrits relatifs
à Socrate. 11 faut convenir avec M.
Boeckh, que les faits cités par Athénée
et d'autres auteurs anciens ^ en preuve
de cette prétendue jalousie, ne sont
pas fort concluants; mais il en reste
une impossible à nier_, c'est que Pla-
ton n'a cité nulle part son condisciple
dans tous ses ouvrages j et que celui-ci
n'a cité Platon qu'une seule fois, et à
propos d'un fait très-insignifiant (54).
Que ce silence ne soit pas un indice
certain de jalousie, cela est pos-
sible ; mais on conviendra du moins
qu'il annonce fort peu de bienveil-
lance mutuelle. Que d'occasions les
deux condisciples auraieiit eues, s'ils
avaient voulu les saisir , de se donner
quelque marque d'un souvenir hono-
rable ! Il n'est pas besoin d'une gran-
de connaissance du cœur humain ,
pour deviner que ces deux écrivains ,
d'un talent etd'un esprit sidifTerents,
devaient avoir peu de penchant l'un
pour l'autre. Or , il est rare que le
défaut de sympathie entre deux hom-
mes qui se rencontrent dans la même
carrière n'engendre que l'indifTérence,
et leur permette de s'apprécier mu-
tuellement à leur juste valeur. Pla-
ton , si supérieur à son condisciple,
comme penseur et comme écrivain,
était sans doute fort enclin à traiter
de faiblesse ce calme de raison^
cette sagesse de pensée et de style,
cette modération en tout, qui distin-
guent le talent et le caractère de
Xénophon ; et celui-ci éprouvait
peut-être, à l'égard de son condis-
ciple , cet éloignement secret et invo-
lontaire que nous sentons presque
toujours pour ceux dont nous nous
croyons mal appréciés. — Il est à pré-
sumer encore que ce fut dans cet in-
38o
XEN
tervallcqueXeiîoplioii se maria (55);
du moins, cette cpoqiic cadre fort bien
r^
g^ q
ne devaient avoir ses
iils, Gryllns et iJiodoie, dans les
diverses circonstances où il en est
fait mention, et dont nous parlerons
plus bas. Ces deux fils étaient sur-
nommes Dioscures [^Q]. Cette déno-
mination se rapporte t-elle à leur at-
tachement mutuel? ou ferait-elle en-
tendre qu'ils étaient jnmea MX? ou bien
que, comme Castor et Pollux , ils
étaient habiles dans l'equiîation, les
jeuK de la palestre? Je l'ignore. C'est
à la même époque, et peut-être lors
de quelque voyagea Sparte, que Xe'-
nophon dut connaître Age'silas , dont
il resta toute sa vie l'ami et l'admi-
rateur (57). Lorsque ce prince partit
pour son expédition d'Asie , en 3g5
{F. Agï'silas , !_, 287 ), il fit pro-
mettre sans doute à son ami de le ve-
nir joindre. Ce dernier ne tarda pas
à remplir sa promesse, et partit en
3g4. Selon Diogène de Laërte , il mit
à la solde d'Agësilas les troupes
grecques qui avaient servi Cyrus le
jeune. C'est une inadvertance (58).
Le biographe a confondu Age'silas
et Thymbron ; car les troupes que
Xenophon avait amenées à ce der-
nier passèrent à Dercyllidas son suc-
cesseur (59),etensuite se retrouvèrent
naturellement sous le commandement
du roi de Sparte (60), dans l'arméedu-
(55) Diogène de Laërte, d'après Démetrius de
Map^?sie (n, 5?. ), sç sert du mot •V'jvatOV^ en
parlant de la femme de Xenophon : StTTSTO §S
aùzM yuvaiov, ovoi^x ^llvi^liX. Ce dimi-
rilitif, comme \emiiliprrida des Latins, semLlerait
plus propre à designer une concnbine , une maî-
tresse, qu'une feiiune légitime. Mais comme Suidas
dit formellement qu'il eut de cette Pliilésie ses
fils Grylluspt Diodore, on ne doit pas s'allarher trop
rigoureusement il l'expression de Démetrius : peut-
être n'a-t il voulu dire autre chose, sinon que Phl-
Jésie était une très-jeune femme.
(.16) Laërt., If, Sa. — (,'Ï7)Cic., de oral., m, 34.
(58) Brucker ( i , S?» ) ne s'en est pas aperçu.
(5()) Hellen., Ht, l . 8. — (()o) Ead., UI, 4, so.
XEN
quel elles formaient un corps distinct ,
dont il est fait une mention spéciale
lors de la bataille de Coronec(Gi).
Quoi qu'il eu soit, ce fut, je pense, celte
démarche de Xe'noplion qui motiva
son bannissement. Dcjcà , les Alhe'-
nicns avaient été' mécontents de
lui voir prendre parti dans l'armée
de Cyrus j mais cette preuve mani-
feste d'un attachement si vif pour un
Lacédéraonien dut les irriter davan-
tage encore , et les décider à le ban-
nir d'une patrie qu'il quittait toujours
pour suivre des étrangers. Diogène
de Laërte place en eifet à cette épo-
que son exil (62) , pour cause de la-
conisme , c'est - à - dire , d'attache-
ment à Lacédémone. Pausanias , à
la vérité , dit qu'il fut banni pour
être entré dans l'armée de Cyrus.
S'il en était ainsi , ce bannissement
aurait suivi de près son départ. Or,
Xenophon nous apprend lui-même
que lorsqu'il remit ses troupes à
Thymbron , deux ans après , Athènes
ne l'avait point encore banni (63).
Le récit de Diogène de Laërte mé-
rite donc ici la préférence. Xeno-
phon resta auprès d'Agësilas , tant
que dura l'expédition d'Asie • et
quand l'or du grand roi , en exci-
tant une coalition contre Lacédémone,
eut forcé celte république à rappeler
l'armée d'Agësilas , il continua de
le suivre. Disposé à s'associer à tous
ses périls , et dans l'incertitude du
sort qui l'attendait au mi lieu des com-
bats , il déposa , dans les mains du
Mégabyze (64) du temple de Diane
(Ft^ Pseudo-Xenoph. , Encom. Ages. , II, ii.
(6->.) Il, 5.1. —(63) Anah., vu , 7 fin.
(04) Les commentai eurs sont incertains si le
mot Mé^ahjze est employé par Xénojihon comme
nom propre on comme un nom commun auxprêlres
de Diane àÉphèse, selon Hésychins etThomas Ma-
gister ; M. Sturz. est de ce dernier avis. Cependant il
me paraît que noire auteur a pris ce mot pour un
1
nom propre , soit qu'il faille lire Mégabaze
oue l'on conserva la leçon Métialiyie. Si c'él
fpie l'on conserva la leç<
était lui
XEN
à Éphèse , la portion du bulin
cTu'il avait fait vœu de consacrer à
cette déesse ; et lui recommanda
d'accomj)lir son vœu , s'il venait
à succomber. Il se trouva en per-
sonne à la bataille de Coronce , et
combattit aux cotes d'Agcsilas : c'est
Plutarque qui nous l'apprend (65).
En songeant que les Athéniens fai-
saient partie de l'armée ennemie ,
on aimerait à croire que Plutarque
s'est trompé, et que Xénophon ne
prit aucune part à un combat où il
se trouvait dans la nécessité de por-
ter les armes contre ses concitoyens;
mais il détruit lui-même la possibilité
de toute interprétation bienveillante.
Il dit, dans l'Anabase, qu'il l.iissason
dépôt à l^pliëse, pansant cjuil allait
courir des dans^ers à Coronée avec
Agésilas{66). Certainement, lorsque
Xeuophon confia son dépôt au Mega-
byze, il ignorait 011 l'armée d'Agésilas
serait obligée de combattre en Grèce.
11 n'était sûr que d'une chose, c'est
qu'elle livrerait des combats, et qu'il
était résolu cày prendre part. La men-
tion de Coronée est ici une prolepse;
mais 1« pfirasc , écrite long-temps
après la bataille, montre clairement
qu'il y prit part , et qu'il dut même y
courir des dangers. Les Athéniens qui
étaient dans l'armée des Thébains
n'ignorèrent sans doute pas que leur
compatriote se trouvait au nombre de
leurs ennemis : et de là très- proba-
blement l'extrême retard qu'éprouva
nom appellalif, Xt'uophon aurait mis l'article de-
vant; et, au moins la seconde fois qu'il en parle, il
aurait dit : à^f/.VctTat 0 tZSyâÇu^OÇ slç
Olv IXTZ LOLV , et non pas (X.ft'JC.V£lrXt MsjÔ.-
Ou'^OÇf comme porte son texte : l'absence de l'ar-
ticle serait "une faute de langue intolérable , si
Msvaê^U^OÇ était ici uu synonyme de LSOSUÇ»
Diogène de Lacrte me paraît avoir entendu de
même les passage» de notre auteur.
(nà) In Ages.,^ in.
(66] Anab., V, 3, 7.
XEN
38 1
son rappel de l'exil. Son banaisse-
ment, qui dura près de trente années,
prouve assez la gravité des torts
qui lui fiuent attribués dans sa pa-
trie. Après la bataille de Coronée ,
il accompagna Agésilas à Sparte
[Gn): il ne tarda pas à se rendre
à Scillonte en Élide, ville située sur
la route de Sparte à Olympie , et
éloignée de vingt stades seulement de
ce lieu célèbre. Cette retraite doit
être de l'an '6ç)'i environ. Sa femme
Pliilésie et ses enfants vinrent l'y
joindre (6S); mais, sur les conseils
d'Agésilas (69) , il envoya ses fils à
Sjiarte , pour y apprendre la plus
belle des sciences , disait le roi de
Lacédémone^ celle de commander
et d'obéir. Selon notre calcul, ces
enfants devaient alors avoir sept
et huit ans, et leur père cinquante-
deux à cinquante-trois ans. A cette
époque, il renonça , pour toujours,
à la carrière militaire qui lui avait
valu la gloire et l'exil ; il se renfer-
ma dans la vie paisible et indépen-
dante d'un homme qui ne désire
plus rien. Déjà les Lacédémoniens
lui avaient accordé le droit de proxé-
nie. En reconnaissance de l'attache-
ment qu'il leur avait montré , et
peut-être aussi en considération des
motifs de son bannissement , ils lui
iirent présenta Scilîonle d'une mai-
son et de terres considérables (-jo) ,
et le Spartiate Philopidas bii en-
voya des esclaves pris à Darda-
nus , en lui disant d'en disposer
comme il voudrait. Selon Pausanias
(71), qui paraît rapporter la tradi-
(67) Plut., in A'^es., § 20.
(68) Laërt., n,52.
(69) Plutarch. , Ages. , § 20. — Simson , trompé
par l'ambiguité du texte et de la version latine, a
cru y voir qu'Agé.silas avait chargé Xénophon de
l'éducation de ses eui.iuts \Ad ann. 36io, p. 8o3 ),
(70) Dinarch., ap. Diogen. Lacrt., U , 62 , 53-.
(71) V, 6, 4; Siebclis.
382 XEN
tioj^ conservée chez les Eléens^ ils
lui donnèrent la ville de Scillon-
te ; ceci n'est pas fort vraisem-
blable. On voit, par le texte mê-
me de notre auteur, que les Lacë-
demoniens avaient envoyé une colo-
nie dans cette ville ; or, le moyen de
croire qu'ils lui eussent donné cette
colonie ? Tout au plus , pensera-t-
on qu'ils lui en avaient conlie la di-
rection et le gouvernement. Au reste,
Xenophon, qui a raconte en détail
son établissement à Scillonte(7'2), ne
dit rien de pareil. Combien de temps
lui fut-il permis de jouir de celte
paisible retraite ? En fut-il chasse ?
ou bien y termina -t- il ses jours?
Ce sont là autant de questions assez
difficiles à résoudre , parce que les
textes anciens ne sont pas d'accord
entre eux. L'examen de ces textes
fournit cependant des motifs pour
préférer les uns aux autres , et se
décider sur les faits qu'ils énon-
cent. D'après le même Pausanias ,
les Exégètes Éléens disaient qu'il
avait été cité au tribunal olympi-
que pour avoir accepté ce don des
Lacédémoniens (73) j mais que, les
(72) yinab., V, 3 fin.
(73) Paus., V, 6,4- Il n'est pas vrai cependant
<jue, par arrêt de ce tribunal, Xenophon se soit
vu exclu lies jeux olympinues, pour avoir accepte
ce don, comme le dit M. Pouqueville [^t^ojage
en Grèce, t. v, pag. 43o, not. , 2® édit. ), citant
Epictèle [Enchirid. , c. 3i ) qui n'en parle pas. Il
ne l'est pas davantage que Xenophon ail été pro-
clamé aux jeux olympiques , pour avoir sauve les
Orecs , comme l'assurent Larcher ( Table chron.
d'Hérod. , t. VII , p. 680 ) et d'autres, d'après
lui. Ces deux faits contradictoires sont fondés sur
«n même passage deSiiiiplicius, dans son commen-
taire sur Epictète. Simplicins vient de dire que
Xenophon a sauvé les dix-mille et les a lamenés
en Grèce; immédiatement après, on lisait , dans
toutes les éditions et manuscrits , un seul excepté ,
les mots : AC/X TWV olu^TttMV k^SV-floÛ/Qf}
( et il fut exclu des jeux olympiques ) , qui parais-
saient devoir naturellement se rapporter à Xeno-
phon; mais il y avait réellement, en cet endroit,
une lacune occasionnée par la perte d'un feuillet:
M. Schweigha;user fils trouva ce passage dans le
manuscrit de Paris, et le fit imprimer à part, avant
que son père l'insérât dans son édition de s'impli-
cjufl. C«s njots s« Irouveiil maintenant sépar«s par
XEN
Eléens lui ayant pardonné^ il continua
d'y vivre en paix -, ils prétendaient
même qu'il était mort parmi eux,
et l'on monlr;iit un tombeau qu'on
disait être le sien. Ceci est tout-à-
fait contradictoire avec ce que rap-
porte Diogène de Laërte. Selon ce
biographe : « les Éléens marchèrent
» contre Scillonte; comme les La-
» cédémoniens tardaient à arriver, ils
» ravagèrent le pays et s'en empa-
» rèrent ; les fils de Xenophon se
» sauvèrent à Lepréum avec quelques
» esclaves: Xenophon lui-même se
» rendit d'abord à Elis , de là à
» Lepréum pour retrouver ses fils •
» et enfin à Corinthe , où il s'éta-
» blit (7 4) y et où il mourut , selon
» Démétrius de Magnésie (75). » Il
me semble difficile qu'un récit aussi
détaillé ne soit pas vrai : et je ne
doute point , quant à moi , que les
Eléens, honteux de leur conduite en-
vers ce grand homme, n'aient plus
tard cherché à déguiser leurs torts ,
en accréditant la tradition qu'ils
lui avaient pardonné , et lui avaient
permis de demeurer à Scillonte ,
où il finit ses jours, et où l'en mon-
trait même son prétendu tombeau.
Nous nous attacherons en conséquen-
ce au dire de son biographe. Il est
impossible au juste de sa voir combien
de temps il demeura à Scillonte ; on
peut croire cependant que les Éléens
profitèrent du moment où les Lacé-
démoniens étaient le plus occupés
dans leurs guerres contre les Thé-
bains j et, dans ce cas,, on pourrait
placer cet événement à l'époque de
trois pages de texte du passage où Xenophon est
mentionné et n'ont plus aucun rapj)ort avec lui {f'^.
l'édition de M. Schweighaeuser , t. I, p. 9.4t)-a5o ,
et les notes t. Il , p. 34f)). Quoique cette erreur
soit détruite sans retour, nous avons dix rappeler
sur quel fondement elle repose , puisque des ou-
vrages récents la reproduisent encore.
(74)11,53.
(75) II, 56.
I
XEN
rcxpëdition d'Épaminondas en La-
conie , c'est-à-dire vers Tan 368.
Xcuophon aurait donc passé près de
vingt-quatre ans dans celte retraite,
d*où il aurait été chassé à l'âge d'en-
viron soixante -dix-sept ans. Dans
l'Anabase, il trace un charmant ta-
bleau de son séjour à Scillonte, et
de la vie qu'il y menait. Jouissant
de beaucoup d'aisance et de liberté ,
il put se livrer en paix à tous ses
goûts : son temps fut partagé entre
l'étude et les plaisirs de la chasse
qu'ilaimait passionnément. Sa situa-
tion aisée lui permettait en outre de
recevoir et de traiter honorablement
ses amis et ceux que sa réputation
attirait à Scillonte, surtout à l'épo-
que de la célébration des jeux olym-
piques. C'est là qu'il composa ses
Histoires , dit Diogène de Laérte -,
ar-là il faut entendre VAiiabase ,
es Helléniques et la Cjropédie. Le
premier ouvrage fut certainement ré-
digé à Scillonte ; mais il ne termina
les deux derniers qu'après son éta-
blissement à Corinthe , comme on le
verra plus bas. Je rapporte à la mê-
me époque de sa vie la composition de
plusieurs autres ouvrages. Tels sont les
Qynége'tiques qui renferment tant
de précieuses observations sur les
habitudes des chiens de chasse , et
des différentes espèces de gibier , et
sur les moyens de les chasser avec le
plus d'avantage. Sa passion extrême
pour cet exercice se montre dans le
magnifique éloge qu'il en fait au der-
nier chapitre. Si les deux traités des
républiques de Sparte et d'Athènes
sont de lui , comme je le pense, c'est
encore dans sa retraite de Scillonte
qu'il dut les écrire , peut-être pour
l'instruction de ses fils. Un autre
fruit de sa retraite fut le petit ouvrage
sur VEquitation :ce traité, qui a peu
de rapport à l'art militaire , est évi-
XEN
383
fe
demment postérieur à V Hipparchi-
que , puisque celui-ci est cité vers la
fin ; il a été composé hors d'Athè-
nes (-^6) , et n'a pu l'être qu'après le
bannissement de l'auteur. Xénophon
y parle de sa longue habitude du
cheval ( 7 -j); il veut, dit-il, enseigner
l'art de gouverner les chevaux à ses
jeunes amis. Je crois qu'il désigne
par-là les jeunes gens qui venaient le
visiter dans sa retraite , et prendre
part , avec ses deux fils, aux plaisirs
de la chasse. On a vu , plus haut ,
qu'après son expîdsion de Scillonte , il
se rendit d'abord à Élis : ce fut sans
doute pour plaider sa cause , et se
faire restituer au moins le terrain con-
sacré à Diane qu'il avait acheté de
ses propres deniers. Mais il faut que
ses représentations aient eu peu de
succès , puisqu'il revint à Lepréum
retrouver ses fils qu'il emmena à Co-
rinthe , oii il se fixa , et oîi il finit
ses jours , quoique les Athéniens
l'eussent rappelé de l'exil. Ister ,
cité par Diogène de Laërte, disait que
Xénophon avait été banni par un
décret d'Eubulus , et rappelé par un
autre décret du même (78). 11 y a ici
quelque confusion. Eubulus eut diffi-
cilement assez de crédit à Athènes ,
pour faire exiler ou rappeler un ci-
toyen avant la io!2<=. ou la io3«. (79)
olympiade ; et Xénophon fut exilé
peu après son départ pour aller re-
trouver Agésilas, en 394, la troi-
sième année de la 96^. olympiade.
Or, il est à remarquer que, précisé-
(76) Je crois pouvoir conclure ce fait de la phrase :
« c'est Simon qui a érigé le cheval d'airain , dans
X l'EIeusinium à Athènes ( Proœm, ). » Si Xéno-
phon eût écrit à Athènes, il aurait dit simplement :
dans l'EIeusinium; l'addition était inutile. Ainsi,
d:tns l'Hipparchiqne , quand il cite des parti-
cularités de la topographie d'Athènes , il n'a-
joute jamais le mot A^'ïjvyjo't.
(77) ', I-
(78) Laërt., Il, § 59;— Cf. Siehclis, ad Phant^d.
fragm. , p. 55.
{•]Ç))Bnt:cVh^StaalshausIiatlungfierAlh,, II, p.i44>
su
XEN
ment celte année 394 (80), l'a rclionle
eponyme à Athènes s'appelait Eu-
hulide , selon Diodore (Bi) , et Eu-
bulus^ selon Lysias (82); ce qui re-
vient au même , puisqu'il arrivait
souvent cliez les Athéniens qu'un
double nom primitif et patronymi-
que était donne au même individu
(83). Ister avait dit, sans doute,
que Xcnophon fut exile' par un de'-
cret de l'archonte Eiihidus , et rap-
pelé' par un décret de l'orateur Eu-
bulus , etDiogcne de Laërte aura cru
par inadvertance qu'il s'agissait du
mme personnage. Par ce qui vient
d'être dit , on voit que Xénophon ne
dut pas être rappelé de l'exil avant la
102*^. ou la io3^. olympiade. Je
pense que son rappel dut suivre de
peu de temps son expulsion de Scil-
lonte : il est vraisemblable qu'appre-
nant le malheur que venait d'éprou-
ver cet homme illustre , sa patrie
consentit enfin à révoquer l'arrêt de
son bannissement : je placerais cet
événement , vers la première an-
née de la I o3«. olympiade. 11 est cer-
tain du moins que son rappel a
précédé la bataille de Mantiiiée (troi-
sième année de la io4*^.)r car ap-
prenant qu'Athènes avait pris le
parti de Sparte dans la guerre contre
Thèbes , il saisit cette occasion unique
de voir ses fils combattre sous les
drapeaux athéniens en faveur de sa
chère Lacédémonej tous deux il les
envoya à Athènes , où ils furent en-
rôlés dans le corps d'Athéniens qui
combattit à Mantinée (84) , ce qui
suppose qu'alors leur père n'était plus
banni. 11 avait quatre-vingts ans^ et
(80) Corsini, FnU. An., u, p. a8G.
(81) IX, 85.
(8?.) l>. i54; 28, Sleph.; — ,,. (JSî. Reiske.
(^83) Ileinst., ad Luriaii. Timon. % !\\. Ad
Aristiipb., Plut. i>. 39.5, Lips.
(84) Lncrl., Il, 54.
'XEN
son exil en avait duré environ trente,
ou dix de plus que celui de Thucy-
dide. Ce long bannissement montre
combien était grave aux yeux des
Athéniens l'accusation de laconisme
qu*il avait encourue. A l'époque de la
bataille de Mantinée, il n'était pas en-
core revenu à Athènes; on ignore s'il
y retourna jamais ; du moins est-on
sûr qu'il ne vint pas s'y lixer. Devons-
nous en chercher la cause dans le
ressentiment d'une si longue disgrâce ?
oubien faut-il l'attribuer à la dilliculté
qu'éprouve toujours un vieillard à
quitter le Heu où il a pris ses habitu-
des? Ce dernier molif est probable-
ment le véritable ; car , bien loin de
conserTcr, sur ses vieux jours , au-
cun ressentiment contre sa patrie, il
lui consacra le tribut de son expé-
rience dans le petit écrit sur les re-
venus de l'Attique, qui respire le pa-
triotisme le plus vif et le plus éclairé.
Or , cet écrit n'a pas été terminé avant
la première année de la 106*^. olym-
piade (85) , c'est-à-dire , qu'il a été
achevé peut-être l'année même de la
mort de son auteur. Xénophon pas-
sa donc le re.>te de ses jours à Co-
rinthe. C'est là qu'il apprit que sou
fils Gryllus avait perdu la vie en
combattant à Mantinée, a près avoir,
disait-on , blessé à mort Épaminon-
das. On rapporte que lorsque celte
funeste nouvelle arriva , Xénophon^
la couronne sur la tête , célébrait
un sacrifice. Il ota sa couronne ;
mais apprenant que son lils était
mort vaillamment, il la remit sans
verser de larmes , et se contenta
de dire : « Je savais bien que j'avais
pour fils un mortel » , mot qui a été
attribué tantôt à Solon , et tantôt à
Anaxagoras (86). Malgré cette rési-
(85) Bocckh, Stria(s/tausfiii//., etc., H , p. i^6.
(8fi) Laeil., il, i3.— Cic. Tiisc. Qucvsl., m, i3.
M
XEN
^nation à la volonté des Dieux , sa
douleur fut profonde -, ou en juge du
moins par le grand nombre d'éloges
et d'ëpitaplies qui furent composés
en l'honneur de Gryllus , pour com-
plaire à Xénophon (87) , c'est-à-
dire , pour cliarmer sa douleur par
le tableau des regrets universels qui
suivaient son filsdans la tombe (88).
Hermippe, cite'parDiogènede Laërte,
disait que Socrate fut un de ceux
qui composèrent l'éloge de Gryllus;
mais Socrate était mort depuis
trente - huit ans, Diogène ou ses
copistes auront confondu les noms.
Sans doute qu'au lieu de Socrate
Hermippe avait écrit Isocrate. Rien
de plus croyable, en effet, que ce
rhéteur ait donné cette preuve d'atta-
chement à un disciple et à un ami
dans la douleur. Le grand âge de
Xénophon , les fatigues et les cha-
grins qu'il avait éprouvés , n'é-
teignirent point l'activité de son es-
prit : car c'est à Corinthe quM ter-
mina la Cyropédie ( s'd est vrai ,
comme je le pense, que l'épilogue de
cet ouvrage soit de lui ) , puisqu'on
y trouve rappelé un fait qui se rap-
porte à ran36i(/^.plusbas,p.39o);
" et les ffelléniques , ouvrage au-
quel il travaillait encore en l'an-
née 357. Ce fut à -peu -près à la
même époque , ou même un an plus
tard, qu'il rédigea son traité des re-
venus de l'Attique, son dernier et
peut-être un de ses meilleurs ou-
vrages Schneider conjecture qu'il
le composa en faveur et sur la de-
mande d'Eubulus , qui l'avait rappe-
lé : cette conjecture paraît fort
(87') Arislot., ap, Laërt. II, S/j,
(88) Dans le tableau de la bataille de Mantine'e ,
qu on voyait au Céramique , Euphranor avait re-
présente Gryllus au moment où il frappe Épami-
uondas(Paa5, i, 3, 9; IX, i5 ). Cette scène
paraîtrait avoir été la principale du tableau.
LI.
XEN
385
vraisemblable, quand on rapproche
les principes qui y sont développés ,
de la conduite administrative d'Eu-
bulus (89). Quoi qu'il en soit, l'au-
teur y montre le patriotisme le plus
vrai ; et il exprime , dans les termes
les plus touchants , ses vœux pour la
prospérité d'Athènes ; « Avant de
» descendre dans la tombe, que je
» voie, du moins, ma patrie tran-
» quille et florissante(9o). » On di-
rait qu'il a voulu, par cet écrit, dé'
fendre d'avance sa mémoire du
reproche de Laconomanie , que sa
conduite et ses autres écrits lui
avaient si justement attiré; ou, tout
au moins, prouver que son admira-
tion pour les institutions et les grands
hommes de Sparte n'avait jamais
étouffé dans son cœur l'amour de la
patrie. ( /^ojr. ci-après , p. 38G, le
tableau de la vie de Xénophon,
d'après les faits et les inductions
réunis dans cette notice. — J'ai dit,
en commençant , que nous pos-
sédons très -probablement tout ce
que Xénophon avait composé ou
du moins livré au public. Cependant,
selon Diogène de Laèrte, il aurait
laissé eni^iron quarante lii^res ( |3t-
Qta); or, les ouvrages qui nous res-
tent , ne sont qu'au nombre de quin-
ze , en comptant tout ce qui porte
son nom : i". quatre Historiques ^
V Jnabase , ou Expédition des Dix-
Mille, les Helléniques et la Cyro-
pédie , si toutefois on peut ran-
ger ce livre parmi les histoires; et
la Vie à' A^ésilas y 2°. trois Di-
dactiques , V Hipparchique ou le
Maître de \diQ,Si\ai\Q.ne ^VEquitation ^
les Cynégétiques ; 3», trois Poli-
tiques , lés Républiques de Sparte
et d'Athènes, et les Retenus de VAt-
(89) Boeckh , StaulshiiishalUatg , etc., t. II,
p. 144.
(90) VI , I.
-^5
386
XE^
XEN
OLYMPIADES.
ANKÉES
avant
ÉVÉNEMENTS.
AGE.
l'ôre vulg.
LXXXIII,4
445. . . .
Naissance de Xénoplion -
LXXXVII, 3. . .
43o. . . .
Il fiùt connaissance avec Socrate. . . .
i5
LXXXVI1I,2. . . .
427 —
Est enrôlé parmi les 7î'£ptTfo)^ot
18
LXXXIX, I
424. . . .
Se trouve à la bataille de Délium.
21
xc, I. ...:.. .
XCIII,3.-XCIV, 4-
420. . . .
406-401.
riniTinn»»*» 1p T^nnniiPt .....
23
Prend des leçons dTsocrate. Voyage
en Sicile. Compose l'Hiércn. Se ma-
rie. Publie l'ouvrage de Thucydide.
Éciit les deux premiers livres des
Helléniques
39-44
xcïv, 4
401. . . .
Part pour l'année de Cyrus
44
XCV, 2 ,
XCV, ^.-XCVI, 3.
399 —
399-394.
46
46-5i
Composeles Mémorables , l'Economi-
que , le Maître de la cavalerie. Com-
mence la Cyropédie et FAnabase. .
394. . . .
Part pour rejoindre Agésilas. Banni
d^ Athènes sous Eubulus ou Eubulide.
xcvi, 4
393 —
Revient en Grèce. Bataille de Coro-
née. Suit Agésilas à Lacédémone.. .
'^ll
XCVII, I
392. . . .
Se retire à Scillonte , où il reste 24 ans,
J
Envoie ses fils à Sparte. Rédige l'Ana-
base et la Cyropédie. Continue les
Helléniques. Ecrit les Républiques de
Sparte e^t d'Athènes , les Cynégéti-
ques , l'Équitation
cm, I
368. . . .
Xénophon expulsé de Scillonte. Se re-
tire à Lepréum , puis à Corinihe. .
11
cm, 2
367. . . .
Rappelé par un décret d'Eubulus. . . .
78
CIV, 3
362.. . .
Mort de Gryllus , à la bat. deMantinée.
83
CV, I
36o.. . .
Achève la Cyropédie
85
CV, 4
35'7. . . .
88
89
90
CVI, I
356. . . .
Compose le traité des finances des
Atnéniens.. ....... ..
CVI, 2 ou 3. . . . .
355 ou 354
XEN
tique i 4**- chiq^PHiLOSOPHiQUEs ou
Moraux, les Dits Mémorables de
Socrate , V Economique , le Ban-
quet et VHiéron , V^pologie de So-
crate (91). Je ne parle pas des cinq
lettres, ou fragments de lettres, qui lui
sont attribuées, parce que ces ])ro-
ductions ne lui appartiennent certai-
nement point. On pourrait donc
croire ( et en elFet on l'a cru ) qu'il
s'est perdu près des deux liersdes ou-
vrages de notre auteur , si !a liste qu'en
donne ensuite Diogène de Laërte ne
contenait pas les seuls que nous
posse'dions encore. II s'ensuit que, par
livres ( /3to)./a ), le biographe a vou-
lu parler , non d'ouvrages distincts ,
mais des livres ou divisions de tous
les ouvrages de l'auteur. Les Hel-
léniques sont divisées en huit livres ,
ainsi que la Cyropédie : l'Anabase
en a sept , et les Mémorables en ont
quatre : eu comptant ces quatre
ouvrages pour vingt -sept /5t6).ia,
on en trouve trente-huit pour toutes
les œuvres de Xénophon. Cela est
bienprès de quarante : etlu petite dif-
férence s'explique facilement , puis-
que Diogène de Laërte ajoute que
tout le monde n'admettait pas les
mêmes divisions. — Il est deux de ces
ouvrages que l'antiquité elle-même
n'a pas reconnus unanimement pour
être de Xénophon; ce sont les traités
sur la République de Sparte et d'A-
thènes , qui étaient attribués à un au-
tre auteur, par le grammairien Dé-
métrius de Magnésie (92) , Tarai
d'Atticus (93). Plusieurs critiques
modernes ont partagé cette opinion ,
entre autres Schneider; mais les ar-
guments qu'ils ont employés sont
(91 j Outre ces ouvrages. Suidas cite une vie des
Philosophes; mais il est prouve que ce lexicographe
a conclu l'existence de ces ouvrages d'une phrase
de Diogène de Ijaërte qu'il a mal comprise.
(92) Lacrt., II, 57.
(93)Cic.. Auic, »V, II ; VIIT, n.
xp:n 3S7
loin d'être péremptoires (94) , com-
me l'a montj'é M. Boeckh. Sous le
rapport du style et des principes, ils
n'ollrent rien de contradictoire avec
les autres écrits de l'auteur ; l'un
respire une grande admiration pour
Lacédémone , et une sorte de prédi-
lection en faveur de l'art militaire ;
l'autre, une haine contre le gouver-
nement démocratique, et un éloigne-
ment pour la constitution d'Athè-
nes (95), également conformes aux
goûts et au caractère du disciple de
Socrate. Eniin l'authenticité de l'un
d'eux. ( la République de Sparte )
était reconnuç par Plutarque (96), et.
à ce qu'il paraît, par Polybe (97);
or,ies deux ouvrages sont évidem-
ment de la même main. Quel motif
reste-t-il donc, au fond, pour par-
tager les doutes de Uémétrius de
Magnésie? — Un autre ouvrage que les
anciens ne lui ont point contesté , l'clo -
ged'Agésilas,l'a été par lesmodernes;
Valckenaer d'abord (98) , ensuite
Wyltenbach (99), et bien d'autres
critiques , ont regardé cet ouvrage
comme indigne de Xénophon ; et,
malgré les elforts de M. VVeiske (100),
pour combattre leur sentiment , il est
bien difficile de ne pas reconnaître
avec eux , comme peu digne de ce
grand maître, cet éloge, espèce de
pasticcio y composé, en grande par-
tie, de lambeaux copiés textuelle-
(04) Boeckh , Staalihaiishall. der Ath., i , 48 .
344.
1^95) Brp, Alh., II, 9.0; III, r.
(96) In Lycurg., §1.
(97) Vi , 45, I. Polybe nomme Xénophon parmi
ceux qui ont compilé la conslilulion de Crète à
celle ne Sparte. Ritn de tel n'existe dnns le traité
de Xénophon. Polybe cite à Taux, jiatce qu'il cite
de mémoire : mais celle erreur elle-même montre
qu'il regardait le traité du gouvernement de Spar
te comme appartenant à notre auteur.
(98) yld Herodot., Hl , i34; IX , 27. — Jd Xe-
noph., Mem., III , 3 , 9 ; — Diulrib. in Eurip. trn^.,
dep., p. aôfi Ë.
(99) Adhûinu. Orat., i, p. 16:, 190, éd. Schaet.
— yi<i Plutarchi op. tnor., p. 3i, C.
(100) Xenovh, Sciipla, t. IV, p. ^o5-^-if,
25..
388
XEN
ment des Helléniques et de ses autres
ouvrages. ValclwCnacr et Schneider
ont élevé les mêmes doutes sur V^-
pologie de Socrate , morceau , à
vrai dire, extrêmement faible, et qui
tient mal ce que le titre promet.
Mais un doute plus important , et
qui vient des anciens eux-mcmes ,
porte sur le principal ouvrage de
Xcnophon, pour ne pas dire son
chef-d'œuvre , V Histoire de la re-
traite des Dix-Mille. Suidas l'attri-
bue formellement à The'mistogène de
Syracuse. Cette opinion est fondée
sur un passage des llellcniques , oii
l'auteur s'exprime ainsi : « Quant
» aux moyens qu'employa Cyrus
» pour avoir une armée et la con-
» duire dans l'intérieur de l'Asie,
» contre son frère; quant au récit de
» la bataille, de sa mort et de la re-
» traite des Grecs jusqu'au Pont-
» Euxin (loi); c'est ce qu'a écrit
» ïhémistogène le Syracusain. » Ce
passage a paru sufïisant à Usséiius ,
à Kuster et à Dodwell , pour établir
que l'Anabase n'est pas de Xéno-
phon. Peut- on douter, disent -ils,
que , s'il eût rédigé , comme ce
Themistogène l'avait fait, l'Histoire
de la retraite des Dix-Mille ;, il eût
renvoyé à cet auteur pour en connaî-
tre les détails? Tout au moins au-
rait-il dû dire : « C'est ce que j'ai
écrit dans un autre ouvrage , ainsi
que Themistogène. » Cet argument
est très-fort et a entraîné d'autres
critiques habiles. Pour l'affaiblir ,
Schneider et M. Weiske répondent
que Xénophon, ayantsans doute écrit
l'Anabase après les Helléniques, a dû
citer l'ouvrage de Themistogène ,
puisqu'il n'avait pas encore composé
le sien. Mais tout prouve au contrai-
re que les Helléniques sont un de ses
(loi) lU,
XEN
derniers écrits , puisqu'il y tra-
vaillait encore en 35-], c'est-à-dire
dans la 88^. année de son âgej tan-
dis que l'Anabase a été écrit et ache-
vé pendant le séjour de l'auteur
à Scilionte, comme le prouve l'épi-
sode du v*'. livre (plus haut, p. 383).
Ce fait certain réduit à rien la réponse
des deux critiques ; et la dilïiculté res-
te dans toute sa force. Cependant , à
n'examiner que l'ouvrage en lui-mê-
me , il est presque impossible de dou-
ter qu'il ne soit de Xénophon. \n-M
dépendarament d'une foule d'indi-J
calions diverses, relevées par Morus
et M. Weiske, quel autre que lui se se-
rait étendu avec tant de complaisan-
ce sur les moindres actions de Xéno-
phon, l'aurait montré toujours en
scène ^ aurait rapporté fidèlemenl
toutes ses paroles les plus insigni-
fiantes , et ses discours même leî
plus longs, aurait enfin pris à tâch<
de nous mettre dans la confidence d(
ses pensées les plus secrètes? Ce son
là des caractères qui ne sauraientnou:
tromper sur le véritable auteur di
livre. Mais, comment donc explique:
ce que Xénophon dit de Thémistogè
ne ? On peut indiquer deux solutions
La première, qu'on n'a pas trouv«
très probable, est donnée par Plutar
que; il dit que Xénophon a mis soi
ouvrage sur le compte de Thémistogè
ne, afin qu'on eût plus de confiance
à ce qu'il y disait de lui-même (lo'i)
Il s'ensuivrait que cet historien an*
rait d'abord fait paraître son ouvra'
ge sous un nom supposé, et que soi
propre nom n'y aurait été mis quifl
plus tard ; c'est en effet ce que dit le'
scholiaste cité par Kuster (io3).
L'autre solution que je propose coii^
(lo?.) De glor. Alhen., p. 345, E.— Cf. BibliolA
Cru. nov., it, 7,S8, Leyde, 187.6.
(io3) Ad Suid., voce SsvO'iJ,
XEN
slste à admettre i*^". qu'en effet
il a existe un ouvrage de Tliémisto-
gène qui comprenait l'Histoire de la
retraite des Dix-Mille seulement jus-'
qu'au Pont-Euxin; i2".queXenoplion
a compose' et publié les Helléniques
en deux fois. Dans mon bypollièse,
notre historien aurait d'abord publié
le complément de l'ouvrage de Thu-
cydide ^ c'est-à-dire, l'histoire de la
guerre du Péloponnèse , jusqu'à la
prise d'Atlùnes, et l'aurait poussée
jusqu'à l'an 3^9, époque de son re-
tour à Athènes , ce qui comprend les
deux premiers livres ,t et le premier
paragraphe du troisième, où se trouve
le passage sur Thémistogène. Celle
partie, commencée avant qu'il allât
joindre Cyrus, aurait étéachevée^
soit dans l'intervalle entre son retour
d'Asie et son départ pour l'armée
d'Agésilas , soit dans les premiers
temps de sa retraite à Scillonte, épo-
que à laquelle, n'ayant sans doute pas
encore composé l'Anabase, il a dû ci-
ter l'ouvrage déjà publié et connu de
Thémistogène. Le reste des Helléni-
ques aurait été composé plus tard, et
publié peut-être seulement après sa
mort par son filsDiodore ou son petit-
iilsGryllus. — Uneautre question qui
a été agitée parmi les critiques est de
savoir si la Cyropédie est une histoire
ou mi roman politique. Plusieurs au-
teurs anciens eux-mêmes ont été de
cette dernière opinion. Cicéron le dit
formellement : Scripta non ad his~
toriœ fideni , sed ad effi^iem justi
imperii {10^)^ et Ausone plus claire-
ment . . . Xenophon j4ttice ^ . . tu
qui ad Cfri virtutes exsequendas
votum potiùs quàm histcriam com-
modasii , cùm diceres , non qualis
esset , sed qualis esse deheret ( i o5).
(io4) I. Qn'uit. Fr., I, 8.
(io5) Jii Grat, rtcr.j p, JI7.8.
XEN
38q
Deuys d'Halicarnasse ( i o6) a été du
même avis , ainsi que plusieurs his-
toriens, puisque ni Diodore de Sicile,
ni Trogue Pompée n'ont suivi Xeno-
phon dans le récit de la mort de
Cyrus. Cette opinion a été adoptée
par î^rasme , Vossius , Louis Yives,
Scahger , Calvisius , Simson, Fra-
guier, Dcsvignoles , Fréret , Larcher ,
Sainte-Croix , Weiske , etc. • tous
s'accordent à ne voir dans la Cyro-
pédie qu'un traité politique , dont
l'auteur a eu en vue d'exposer les
moyens de former des citoyens jus-
tes et courageux , et de mettre en
action un général également sage et
habile dans l'art de la guerre. Quel-
ques vérités historiques s'y trouvent
mêlées, mais plus ou moins altérées:
la plupart des personnages , tous
peut-être , Cyrus et ses parents ex-
ceptés , sont d'invention ; les faits
qu'on leur attribue sont ou fictifs
(107), ou arrangés; et les usages
qu'il prêle aux Perses sont emprun-
tés le plus souvent à la Crète , et
surtout à Lacédémone. Voyez la note
que j'ai insérée dans la nouvelle édi-
tion de Rollin (t. 1 1 , p. 98 ) , et qui
n'est que le résumé des opinions de
tous les critiques. Comme ouvrage
historique, la Cyropédie est donc
d'une autorité d'autant plus faible ,
qu'il est plus dilîiciîe de distinguer
le petit nombre de faits réels qui
peuvent s'y trouver ; mais, considérée
comme ouvrage politique , elle est
peut-être le plus parfait de tous ceux
de Xenophon , et celui auquel il pa-
raît avoir donné le plus de soin. Il a
dû y travailler long-temps , et ne le
publier que fort tard , puisque , dans
l'épilogue , il est question d'événe-
(106) Epïst. ad Poiiip., p. 46.
(107) Comme lorsque Xéuophou allribue m Cy-
rus la conquête do VEgyple.
ogo
XEN
mcnts qui tombent à Tan 36 1 avant
notre ère. Cet épilogue a pour objet
de montrer que les Perses avaient ,
sous tous les rapports , beaucoup dé-
génère depuis \a mort de Cyrus. Il a
etc cite , comme étant de Xénophon ,
par Athe'née et d'autres auteurs , ce
qui n'a pas empêché des critiques mo-
dernes tels que Valckenaer, David
Scluilz ( 1 08) , Sclineider , lieindorff,
etc. , de le regarder comme une ad-
dition de quelque faussaire- mais on
ne voit pas pourquoi (109) ce mor-
ceau ne serait pas de Xénophon lui-
même ; il ne me semble pas impossi-
ble qu'il ait voulu aller au-devant
de l'objection tirée du contraste
entre le tableau qu'il avait tracé
des mœurs et des vertus des Perses
sous le règne de Cyrus, et l'état
où ils se montraient aux Grecs. —
Les deux seuls ouvrages vraiment
historiques de notre auteur sont donc
V^Anahase et les Helléniques^ Le
premier de ces ouvrages est divisé
eu sept livres ; et il contient toute
l'histoire de l'expédition des Grecs
à la suite de Cyrus , et de leur
retraite après sa mort, jusqu'au
moment oii Xénophon eut ame-
né ses troupes à Thymbron , ce
qui comprend un intervalle de deux
ans. On peut le diviser en deux par-
ties : la première comprend la mar-
che de l'armée de Cyrus , la bataille
de Cunaxa , et la retraite des Grecs
à travers la Babylonie , l'Assyrie et
l'Arménie^ jusqu'à leur arrivée à
Cotyoresurles bords du Pout-Euxin;
intervalle de quinze mois, qui forme
le sujet des quatre premiers livres ;
là seconde partie se termine à la
jonction des troupes avec l'armée de
(ïo8) De Cyrop. epilogo Xcnophoiiit ahjudican-
tiv, etc., Halle, i8ob.
(ioq) Cf. Fr. Aug. I>ai-netimnn, Fpilog. dcr Cy-
t 'f.a'dif , H. s. H'., Leipzig, 1819.
XEIS
Thymbron, et comprend un inter-
valle d'environ huit mois. Ces deux
parties de l'ouvrage ne sont ni d'un
égal intérêt, ni peut-être d'un égal
mérite : la seconde est naturellement
moins attachante que la première y
011 l'intérêt croît à chaque page , en
faveur de cette armée qui se fraie
une route à travers les obstacles de
tout genre qui entravent sa marche
et compromettent son existence : on
peut ajouter aussi qu'outre la moin-
dre importance des faits , la narra-
tion , dans la 'i^. partie, se traîne da-
vantage sur dé!& détails d'un médiocre
intérêt. Ce n'en est pas moins , dans
son ensemble , unmorceau à-peu-près
achevé,qui(i lo) renferme decurieux
détails sur la géographie des contrées
que l'armée avait parcourues^ et des
précieux documents pour l'art militai-
re. Les Helléniques, comme on l'a vu,
font suite à l'histoire de Thucydide.
Cet ouvrage comprend un intervalle
de quarante-huit ans , qui se termine
à la bataille de Mantinée, la troisiè-
me année de la io4®- olympiade-
ce qui n'empêche pas que l'auteur
n'y intercale la mention de l'assas-
sinat d'Alexandre, tyran de Phères,
qui eut lieu la 4^- année de la loS*'.
Xénophon , comme Thucydide , di-
visé le temps en saisons; si l'on
trouve en quelques endroits l'indica-
tion d'olympiades , d'archontes et
d'éphores, ce sont des interpolations
évidentes, comme l'ont prouvé Mar-
sham, Dodwcll et Schneider (i it).
Les Helléniques sont un ouvrage de
beaucoup inférieur à l'Anabase. Les'
fiio) Le major Rermell~et le lieutenant-colonel
Leake outrepeudant trouvé des erreurs, soit dans
l'évaluation de certaines distances , soit dans la po-
sjtiou de certains lieux; i! faut les attribuer à ca
que l'ouvrage a elé rédige long-Icrups après l'cvë-
nemeut , sur des notes dans lesquelles il a pu
s'introduire quelque confusion.
^11^) Ad Hellen., ,, ■}., i.— CR Idelcr, liafid
buch der m
idtechn. ChronoL, i, p. 377.
XEN
événements y sont présentés avec or-
dre ; la narration en est rapide ,
mais presque partout (n^) sè-
che , dénuée de couleur et de déve-
loppement, rarement mêlée, com-
me dans Thucydide , de ces réflexions
qui éclairent sur les causes et les con-
séquences des événements , de ces
vues profondes qui annoncent dans
l'historien la faculté de généraliser
les laits, talent que Thucydide pos-
sédait à un si haut degré. D'ailleurs
Xénophon , tout entier à ses alléc-
tions^ et uni:juenicnt occupé de re-
produire ses impressions ])ropres ^
met souvent une dis[)ro|)orlion cho-
quante entre l'iuiportance des événe-
ments et l'étendue de la place qu'il
leur consacre (ii3). (/est ainsi
que la paix d'Antalcidas , événe-
ment qui changea les rapports es-
sentiels de la confédération hellé-
nique , est racontée avec une briè-
veté excessive. Il en est de même
de quelques-unes des batailles les
plus décisives , comme celles de
Leuctres , des Arginuscs et d'^gos
Potamos , quoique celle - ci ait eu la
plus grande influence sur la destinée
d'Athônes. Enfin on en peut dire au-
tant des actions des généraux les plus
renommés de son temps, tels qu'É-
paminondas, Pélopidas, Alcibiade,
Conon , Ipliicrate, Timolhce. On a
dit, pour excuser l'historien , que son
ouvrage était moins une histoire que
des Mémoires. Cette excuse est peu
valable. Par là on expliquerait bien
la sécheresse et la nudité de son récit,
mais non ce défaut choquant entre
l'étendue de la narration et l'impor-
tance des faits. D'ailleurs les anciens
(lia) Il faut exrepter l'épisode delà condamna-
tion des généranx qui avaient combattu aux Argi-
uuses; i] est touchant et dramatique.
(ii3) Frid. Creuxer , die historische Kunst ,
p. îA)4, ff.
XEN Sgi
auteurs , entre autres Diodore et Po-
lybe , citent cet ouvrage comme une
véritable histoire, comme une conti-
nuation de Thucydide ; et en effet , il
est bien peu probable que l'auteur,
continuant l'ouvrage de cet historien,
ait eu l'intention de faire autre chose
qu'une histoire , comme son prédé-
cesseur. Dira-t-on qu'il n'a pas eu le
tcm ps de Tac liever? Cette supposition
n'est pas non plus admissible, quand
on songe que l'auteur a travailléàcet
ouvrage pendant son exil à Scillonte
et après son établissement à Corin-
the , et n'a cessé de l'avoir sous les
yeux presque jusqu'à sa mort. — Lu-
cien, ])ar!ant de Xénophon comme
historien, l'appelle par excellriice,
rUy-ULOç nuyy pxfcûç ( m4). Cette
épithète div.'x.toç donne ici l'idée
d'une sincérité de caractère et d'une
rectitude de jugement dont le résul-
tat , chez rhi>torien , doit être l'im-
partialité. Xénophon mérite cet élo-
ge dans l'Anabase , que Lucien pa-
raît, en cet endroit, avoir spéciale-
ment en vue. Tout ce qu'on pourrait
trouver , c'est qu'en deux circons-
tances il ne s'est pas tenu assez en
garde contre ses aflections. Ainsi,
dans ses portraits de Cyrus le jeune
et de Cléarque , il ne les montre que
du beau côté, et ne met aucune om-
bre au tableau , tandis qu'il résulte
clairement de son propre ouvrage
qu'on peut reprocher à Cyrus une
ambition excessive, de la dissimula-
tion et de l'ingratitude; à Cléar-
que de l'orgueil , de l'égoïsme et de
la dureté (i i5). Du reste, rien n'é-
gale le ton de candeur qui règne dans
cet écrit , où l'autour , presque tou-
jours en scène , dès le troisième
livre , ne laisse pas un instant naître
(ii4) De Conscr. H ht., § Sf).
(ii5) Manso , Sparla ,I1I, i th., p. 7.
Sga XEN
l'idée qu'il a pu altérer le moindre
fait à son avantage. Il faut convenir
qu'en lisant les Helléniques ^ on
se sent à -peu -près obligé de faire
beaucoup de restrictions à l'éloge
de Lucien. On y voit percer , plus
qu'en aucun autre de ses ouvrages,
cette lacoîioinanie qu'il avait mani-
festée par sa conduite. Selon l'obser-
vation du savant auteur de l'article
Socrate (XLII, 545 ), Xénopbon ,
de même que son condisciple Platon ,
hérita des opinions anti-démocrati-
ques de son maître. De là, un pen-
chant marquépour les institutions et
les hommes de Sparte, penchant que
développèrent encore l'étroite amitié
qui l'unit à Agésilas et son admira-
tion profonde pour les vertus rigides
de ce grand homme. Cette disposi-
tion égara plus d'une fois son ju-
gement, et lui fit taire, sinon alté-
rer, la vérité à l'avantage des La-
cédémoniens , et en général des ob-
jets de ses affections particulières;
les exemples assez nombreux que les
Helléniques présentent (i 16) mettent
le fait hors de doute , et forcent au
moins d'avouer qu'il avait quelque
difficulté à se défendre d'une certaine
illusion sur les défauts ou les torts de
ses amis; ce qui fait certainement l'élo-
ge de son cœur, mais ce qui neprouve ni
une grande supériorité de raison, ni
mie grande force de caractère. Ajou-
tons que son attachement presque
sans bornes à la religion populaire ,
sa confiance explicite aux songes et
à tous les genres de pronostics , qui
sont un trait caractéristique si re-
marquable dans un disciple de So-
crate, limitent sa vue, et rétrécissent
pour lui le champ de l'observation
liistorique. Au lieu de réfléchir pro-
fondément , comme Thucydide , à
(116) Manso , Spcirla , lU , zw.ili., p. 1-14.
XEN
renchaînement des causes et des ef-
fets y il a recours à l'intervention im- ,
médiate des Dieux , et trouve ainsi , ,
sans aucune peine , une solution com-
mode , que son prédécesseur aurait
laborieusement cherchée dans les pas-
sions , les talents , les défauts ou les
qualités des hommes. Quant à son
style, les anciens en vantent unani-
mement la grâce et la douceur. Ci-
céron (117) le trouve plus doux que
le miel {melle dulcior); on dirait
que les muses elles-mêmes ont parlé
par sa bouche (118). Selon Quinti-
lien , les Grâces semblent avoir pé-
tri son langage (119);, et la per-
suasion s'être assise sur ses lèvres
(120). On le surnomma en consé-
quence V Abeille attique. Ces éloges
des anciens , dans leur forme hyper-
bolique , attestent le cas qu'ils fai-
saient de son style. Denys d'Ha-
licarnasse lui accorde toute la dou-
ceur possible ; mais il prétend qu'il
n'a pas toute la beauté désira- ^
ble (121). Si le critique entend par,
là que ce style n'a ni la profondeur
ni le nerf de celui de Thucydide ,
dans les ouvrages historiques, ni l'é-.
lévatiou, la variété et l'entramement
de celui de Platon , dans les ouvrages
philosophiques , il a pleinement rai-
son ,• car ce qui distingue ce style _,
c'est une clarté parfaite , une grande
simplicité, la grâce et l'abandon;
c'est - à - dire , les qualités mêmes du
caractère de l'auteur. Xénophon, en
effet, de quelque coté qu'on le consi-
(117) Orat., § Ç).
(1,8) W. ,§ 19.
(119) Inst. Oral., X, i, 8i.
(120) Td. Jb., ce. qu'on avait dit de Periclès, et
ce qui le fut de bien d'autres ensuite (Cf. Boisson.,
iii Eunap., 9.9.0, 287).
(121) ll^éuç pt.£V^ MÇ £Vt fxdUlÇOCj OÙ
(jLYîV y.(x'kôi)ç y s , icp' ocrov eâîu ^c Comp.
verh., p. ii5, éd,Sch.
I
XEN
dère, ne présente aucune faculté trans-
cendante ; une re'union très - rare de
facultés diverses y à un degré ordi-
naire, et dans un parfait équilibre
entre elles, voilà son caractère dis-
tinctif. Il n'a été doué ni de la puis-
sance de réflexion, ni de cette acti-
vité intérieure qui entraînait Platon
à s'élever sans cesse aux spéculations
les plus sublimes, ni de cet esprit
d'observation qui révélait à Thucy-
dide les causes les plus secrètes des
événements, et lui faisait pénétrer
les intentions les plus cachées des prin-
cipaux acteurs du grand événement
dont il avait entrepris l'histoire. Ce
qu'il a possédé, par-dessus tout, c'est
le talent d'exposer et de narrer. Aus-
si , quoique Xénophon ait écrit sur
l'histoire et la philosophie , si l'on
disait qu'il ne fut , à proprement
parier, ni historien ni philosophe,
ce paradoxe pourrait bien n'être
pas très - loin de la vérité. Ce
qu'il y a de sûr, c'est qu'il ne
s'était point formé, par ses mé-
ditations propres , une opinion à
lui sur une branche quelconque de
la science philosophique : ses ouvra-
ges en ce genre sont d'admirables
narrations, des conversations aima-
bles, une exposition claire, une dé-
fense noble et simple des opinions
de son maître, plutôt que des traités
de philosophie, composés pour obéir
à ce besoin impérieux de répandre
au dehors les créations ou les com-
binaisons de la pensée. Dans ces ou-
vrages , il s'attache pas à pas aux
idées de Socrate; on dirait souvent
qu'il reproduit jusqu'à ses paroles :
à peine y supposerait-on d'autre mé-
rite que celui d'une rédaction pleine
de grâce et de charme. Ce n'est point
unpenseur profond qui prend de loin
et de haut le parti d'approfondir ,
comme Platon, les grandes questions
XEN 393
de la morale et de la philosophie ,
ou de reproduire , comme Thucydide,
le tableau complet d'une époque his-
torique : c'est un homme essentielle-
ment pratique , mêlé aux hommes et
aux choses de son temps j et qui ,
lorsque l'occasion l'y conduit , se
met à raconter les événements dont
il a été témoin, et les impressions
qu'il a reçues , ou rédige' les obser-
vations qu'il a faites sur les che-
vaux , la chasse , l'agriculture, l'é-
ducation , le gouvernement , les linan-
ces. Tous ses ouvrages ont plus ou
moins ce caractère. C'est ce qui a
fait croire aux anciens eux-mêmes
qu'il a dû reproduire, avec plus de
fidélité que Piaton , les opinions de
son maîtrej et cela est très-probable-
ment vrai , en ce sens, qu'il n'y ajou-
te rien ; mais en donne-t-il une idée
complète? On peut en douter : du
moins , le Socrate de Xénophon ne
nous représente qu'imparfaitement
l'homme qui a eu une si grande in^
fluence sur l'esprit de ses contempo-
rains; et il serait possible que Pla-
ton, dans la partie dramatique du
Phédon, dans le Criton et l'Apologie
surtout , nous donnât , de cette gran-
de figure de l'antiquité, un portrait
plus ressemblant, quoique peint avec
plus de largeur et de liberté. — Quant
à ses ouvrages historiques ils ne sont
pas non plus le résultat d'un plan for-
mé long-temps d'avance: il ne prend
pas, comme Thucydide, la résolu-
tion de consacrer vingt années de sa
vie à recueillir les matériaux d'une
histoire, à interroger tous ceux qui
en ont eu connaissance , à voyager
exprès sur le théâtre des événements
pour en bien connaître les détails et
pour en mieux pénétrer les causes^
Ces ouvrages sont a menés, en quelque
sorte, par des circonstances fortuites.
Ainsi, acteur principal dans la mer-
304
XEN
veilleuse retraite des Grecs , il éprou-
ve, à son retour , le besoin de racon-
ter un e'vënement dont personne ne
devait connaître mieux que lui les
détails , et n'était plus interesse' à
présenter une narration complète ,
puisqu'elle devait être un tableau de
ses talents stratégiques. Appelé par
la confiance de Thucydide ou de ses
héritiers à faire connaître l'ouvrage
incomplet de cet historien, il est na-
turellement amené à l'idée de conti-
nuer cet ouvrage jusqu'à la fin de la
guerre du Péloponnèse , c'est-à-dire
jusqu'au point où Thucydide voulait
pousser son histoire, ])artie qu'il ré-
digea sans doute en premier lieu ,
comme nous l'avons déjà dit; puis il
ajouta successivement dans sa retrai-
te à Scillonte et à Corinthe le reste de
l'histoire de son temps , jusqu'à la
bataille de Mantinée. — On trouvera,
dans la Bibliothèque grecque de Fa-
bricius, et dans le tom. vu du Xé-
noplion de M. Gail , le catalogue de
toutes les éditions et traductions
complètes ou partielles des OEuvres
de Xénophon: nous devons nous
contenter d'indiquer ici les prin-
cipales ( F. Pekrot ). Les Hellé-
niques sont le premier ouvrage qui
aitparuen grec : il fut imprimé, par
Aide, en i5o3, sous le titre de Pa-
ralipomènes , faisant suite au Thu-
cydide (i5o2). La première édition
des œuvres est due à Ph. Giunta( Flo-
rence, i5i6); mais elle n'est pas
complète , puisqu'il y manque V A^é-
sïlas , V Apologie y les lievenus , et
une partie de la République d'A-
thènes. Dans la seconde édition , en
1 5^5 , donnée par André d'Asola ,
il ne manque que l'Apologie. La
première édition entièrement com-
plète est celle de i54o, à Halle
en Souabe , avec une préiace de Ph.
Mélanchthon. En i54.'>, parut à
I
XEN
Baie, par les soins de JNic. Bry-
linger , la première édition grec-
que-latine. Ces diverses éditions fu-
rent effacées par celles d'Henri Es-
tienne, i56i et i58i , toutes grec-
ques j mais à la dernière , qui est la
meilleure , se joint la version latine , «
imprimée à part. Le texte de ces édi- ■
tions, le meilleur qu'on eût jusqu'à- ■
lors possédé, fut établi par ce grand
helléniste sur les éditions antérieures
et sur quelques manuscrits , et épu-
ré, dans une foule de détails , par
une critique fine et ingénieuse. Ce
texte fut reproduit dans les trois édi-
tions de Jean Loew enklau, |d!is connu
sous le nomdeLeunclaveouLeuncla-
vii:s, Bâle , i SGg et i S-yQ; Francfort,
1 594 , accompagnées de la version la-
tine. L'éditeur, parl'envieet la préten-
tion de faire plus et mieux qu'Henri
Estienne,a donné, dans ses notes, une
foule de conjectures futiles ou inad-
missibles , annoncées d'un ton tran-
chant qui ne les rend pas meilleures.
L'édition de Loev^'enklau^, de i 5g4 ,
fut réimprimée à Paris en i625.
Depuis, il ne parut plus de nouvelle
édition critique de Xénophon, avant
celle de d'Kd. Wels ( Oxford , 1 708,.
5 vol. iu-8^. ),qui a plutôt altéré
qu'amélioré le texte, en y introdui-
sant avec trop de légèreté tantôt des
corrections d'Henri Estienne , tantôt
des conjectures de Loewenklau. Cet-
te édition fut réimprimée par leS'
soins de Thième, Leipzig, 1763,
4 vol. in-8*^. 'y mais cet éditeur mit de
plus à profit le travail d'Hutchinson
sur la Cyropédie et l'Anabase. L'é-
dition de Ben j. Weiske (6 vol. in-S^.,
Leipzig, 1798-1804 ) est remar-
quable par les dissertations histori-
ques et littéraires qui raccompa-
gnent. Le texte n'est pas le fruit d'une
nouvelle récension. La plus volumi-
neuse de toutes les éditions de Xéno
XEN
pliou est celle qye M. Gail a publiée ,
sous le titre d' OEui^res complètes
de Xénophon f traduites en fran-
çais ^ accompagnées du texte, de
la version latine , et de notes cri-
tiques , 6 vol. in-4°. , de 1797 à
1804 ; plus un septième volume en
trois parties, dont l'une ( 1808) con-
tient les variantes des manuscrits j
l'autre (181 4), les notices des ma-
nuscrits, et des obseivations litté-
raires et criticpies ; la 3*^^ un atlas
de cartes et plans. M. Gail a
adopté l'ancien texte , et ne s'est
point servi , pour l'améliorer , de
sa collection des variantes j c'est
un soin qu'il a laissé aux éditeurs
futurs. Ses observations littéraires
et critiques , où il discute un certain
nombre de passages dilliciles , sont
plus utiles à l'intelligence de Xé-
uophonqu'à l'amélioration du texte.
La division en paragraphes, si com-
mode pour les rechcicbes, n'a été
malheureusement adoptée que dans
le dernier volume, contenant les Mé-
morables, les Cynégétiques et l'Éco-
nomique. La version latine est celle
de Loewenklau, corrigée en quel-
ques endroits. Quant à la version
française , elle n'est nouvelle qu'en
partie : l'auteur avoue n'avoir fait
que reproduire celles de la Cyropé-
die, des Mémorables et de l'Anabase
de MM. Dacier, Leveque et Lar-
cher , sauf quelques légers change-
ments , dont il exprime ainsi le mo-
tif : « J'étais tenté de copier ces trois
» versions; mais, le libraire de l'un
» de ces traités m'ayant annoncé
» des prétentions , pour éviter toute
» discussion , je (is des changements
» (i'2!2). » Il y a des tables alphabé-
tiques des matières à chaque volume^
excepte au premier qui n'a qu'une
•;,i22> T.Aîi. -î". part., â* sè^t.,p.*ta, n<» -?..
XEIN 395
table des chapitres , très-insuffisante.
On aurait désiré une table générale
à la fin de l'ouvrage. Cette édition pè-
che par le défaut de plan et d'en-
semble : et elle est loin d'être d'une
utilité proportionnée à son étendue , à
sa beauté et à tout ce qu'elle a dû
coûter de peines et d'argent. Zeune ,
professeur à Wittemberg, donna suc-
cessivement les divers traités de Xé-
nophon, de 1778 à 1785 , en 5 voL
in-8*^\ La mort l'empccha de publier
les Helléniques. Ces éditions se distin-
guent plutôt par les notes qui les ac-
compagnent que par la cri tique verba-
le. Schneider se chargea de revoir ces
éditions, et il a publié les Helléniques
en 1791; les Mémorables en 1790
et 1801; la Cyropédic en 1800^
l'Économique , l'Agésilas , etc. , en
i8o5 j l'Anabase en 1806; et les
Opuscula polit ica en 181 5. Les
commentaires de ces éditions sont
très- estimés et méritent de l'être. Au
nombre des éditions qui donnent une
nouvelle récension du texte, il faut
distinguer surtout celle du Maître de
la cavalerie , et de VÈquitation ,
parP.-L. Courier. L'emploi des Mss.
pour la constitution du texte est un
modèle , et montre tout ce qu'il reste
à faire pour avoir un texte de Xéno-
phon aussi épuré que possible. Il
faut encore citer , sous ce rapport ,
l'édition de la Cyropédie parM.Ern.
Poppo, Leipzig, 1821; celles de
l'Anabase par L. DindorIF, Leipzig,
1824; Frédéric Jacobs ^ ibid. ,
i825; et M. Ern. Poppo,ib. , 1827
(i23). — Diogène de Laërte (124)
compte encore six personnages qui
ont porté le nom de Xénophon : le
premier est un Athénien , frère de
JNicostrate ou Pithostrate, qui avait
(i7.3) On a de M. l'ortia d'Url)^u, une Vie de
Xénophon , 179.5 , in-8°
(la/,! n,5()."
396 XEN
composé entre autres ouvrages his-
toriques , les vies d'Épaminondas et
de Pelopidas; et un poème épique
intitulé Théséide , qui a été cité par
PlutarquedanslaviedeTliésée(i25).
— Le second avait écrit une vie d'An-
nibal : on n'en sait pas davantage.
— Le troisième était un thaumatur-
ge , dont parle Athénée ( 1 26) : il fai-
sait jaillir du feu à volonté , et opé-
rait divers autres prodiges de magie
blanche , qui étonnaient beaucoup les
Athéniens. — Le quatrième était un
excellent sculpteur de Paros : ce n'est
cependant pas le sculpteur du même
nom dont parle Pausanias , puisque
celui-ci était Athénien (127) ( P^oj,
Particle qui suit). — Le cinquième
est un poète de l'ancienne comédie.
— Enfin , le sixième est un médecin
de Cos , le même dont parle Tacite
(128). Selon cet historien, il était de
la famille des Asclépiades : a Reçu
» dans le palais des Césars , sous le
)> règne de Claude , il y jouit d'une
» faveur si distinguée, qu'un sénatus-
» consulte, sollicité par l'empereur
)) lui-même, déclara la patrie du
» médecin, exempte à perpétuité de
)) tout impôt. » Un si grand bienfait
n'empêcha pas que Xénophon ne con-
tribuât à la mort de Claude, à l'ins-
tigationd'Agrippine; il lui mit, dans
le gosier, comme pour le faire vomir,
une plume enduite d'un poison très-
subtil. Voir dans le cabinet de Vien-
ne (129) une médaille. — Outre les
six persoimages que cite Diogène dé
Laërte, Suidas nous fait connaître
encore un Xénophon d'Antioche qui
avait écrit des Bahjlonica : un Xé-
(12.T) %-f.'j. — Cf. Heyn. Ad kpdttoà., III, 16.
. — Heeren. défont, -vit. paraU'. Plut. , p. 12.
(iî6) I, 19, E,
(127) viii,3o//i. — IX, iG, (•«.
(1V..8) Annal., Xlï , 61, (l;.
{i7.r)) Visconli, Icono^r. grecque, i, 281-282,
XEN
nophon de Cypre , auteur des Cy-
priaqucs : ces deux ouvrages parais-
sent avoir été un recueil d'histoires
amoureuses. Il faut ajouter Xéno-
phon de Larapsaque, auteur d'un Pé-
riple , que citent Pinie et Solin : on en
ignore absolument l'époque : on peut
présumer, d'après les citations de
Pline , que ce Périple embrassait les
cotes septentrionales de l'Europe.
L NE.
XÉNOPHON , sculpteur athénien,
a dû vivre vers la 120°. olvmpiade,
puisqu'il a travaillé, de concert avec
Céphisodore ou Céphisodote, fds de
Praxitèle ( Foj-. Céphisodore ) , au
trône de Juj)iter à Mégalopolis ; le
dieu y était représenté assis , ayant
à sa droite la ville de Mégalopolis
personnifiée, et à sa gauche Diane.
Le monument était en marbre penté-
lique. Un ouvrage , plus célèbre
encore , était la statue de la Fortune
à Thèbes.La Fortune portait dans ses
bras le dieu Plutus enfant j mais
Xénophon n'avait exécuté que la
tête et les bras de la déesse j le reste
était l'ouvrage deCallistonicus, thé-
bain. On en conclut avec apparence
de raison , que cette statue apparte-
nait à la sculpture polychrome , et
qu'elle était composée de matières
diverses. L — s — e.
XÉNOPHON à'Éphèse, ou com-
me on l'appelle vulgairement Xéno-
phon le Jeune , un des neuf roman-
ciers grecs dont les ouvrages ont été
publiés , ne nous est absolument con-
nu que par ses Epliésiaques ou
Amours cCHabrocome et cl' AntJiia.
Long-temps ignoré des modernes, il
paraît qu'il n'eut aussi qu^uie très-
raédiocrc célébrité chez les anciens ;
car, à l'exception de Suidas, aucun
auteur ne fait mention de lui , pas
même Photius, qui dans sa Bi-
bliothèque a enregistré tant d'ccri-
XEN
Tains médiocres. 11 est vrai que ni
l'ëlégante pastorale de Longus, ni
les anecdotes de Partlienius ne sem-
blent être parvenues à la connaissan-
ce de ce Savant patriarche de Gons-
tantinople, et que vingt autres lacu-
nes non moins importantes prou-
vent combien son travail est loin
d'être complet. Quant à la notice de
Suidas, elle est d'une brièveté qui
décèle l'ignorance complète du lexi-
cographe. 11 se borne à nous appren-
dre que Xénophon d'Kphèse , histo-
rien{ tel est le litre que l'on donnait
en Grèce aux auteurs de romans ),
composa outre les Éphésiaques , un
traité sur la ville d'Ephèse, et quel-
ques autres ouvrages. Encore la pre-
mière partie de ce paragraphe con-
tient elle une erreur palpable. Selon
Suidas , les Ephésiaques se compo-
sent de dix livres, et l'ouvrage que
nous po'-sédons n'en a que cinq. Peut-
être va t-on s'écrier que nous pre-
nons des fragments pour l'ouvrage
entier, et que de deux choses Tune ,
ou le roman n'est point fini , ou il
s'y trouve des lacunes considérables.
Mais il suffit de parcourir les Ephé-
siaques, pour s'assurer que ni l'une
ni l'autre de ces hypothèses n'est ad-
missible. On pourrait tout au plus
supposer, et cette conjecture, que
personne n'a encore risquée , ne man-
que pas de vraisemblance; on pour-
rait, dis-je , supposer qu'un conti-
nuateur anonyme ait ajouté à l'his-
toire d'Abrocome et d'Anthia cinq
autres livres d'aventures qui auront
couru sous le titre d'Ea^scriaxà via, et
que dans la suite on se sera habitue'
à croire l'ouvrage en dix livres.
Cette explication est plus naturelle à
coup sûr que l'idée de ceux qui
croient que Suidas aura réuni sous
le chilFre lo la totalité des ouvrages
de notre auteur , ou que les copistes
XEN 397
se sont trompe's en laissant e'chapper
un iota (signe numéral delà dixaine)
pour un epsilon. Ne pourrait-on pas
aussi soupçonner que l'erreur de Sui-
das a pour cause la ressemblance des
noms de quelques autres romanciers?
En effet , il résulte de plusieurs docu-
ments anciens que deux Xénophons,
l'un d'Antioche, et l'autre de l'île
de Gypre, avaient composé le pre-
mier des Baby Ioniques , et le second
des Cj'priaques ( f^oj^. l'article pré-
cédent à la fin). Il serait possible que
l'une de ces histoires ou même que
toutes les deux se composassent de
dix livres, et que Suidas, avec cette
précipitation, qui a introduit dans
son lexique tant d'inexactitudes et
de faussetés de tout genre, ait trans-
porté à l'écrivain d'Ephèse, ce qui
ne convenait qu'a ceux de Gypre ou
d'Antioche. Au reste, celte question
n'est que d'un faible intérêt : les
Éphpsiaques existent dans un état
d'intégrité à peu de chose près par-
fait ; et elles ne contiennent que cinq
livres. Il serait plus curieux d'ap-
profondirleproblème indiquépar Pa-
ciaudi,qui, dans ses Prolégomènes
de l'édition de Longus , donnée par
Bodoni, Parme , 1786, frappé de
l'homonymie des trois romanciers ci-
tés plus haut , prctend que le nom
de Xénophon n'est autre chose qu'un
pseudonyme placé par chaque au-
teur en tête de son livre, pour lui
procurer des acheteurs. Le baron de
Locella ne repousse point cette sup-
position ; et il nous semble que légè-
rement modifiée, elle aurait pour
elle tous les caractères de la proba-
bilité. Voici comment un des trois
Xénophons , le plus ancien , TÉphé-
sien par exemple, n'aurait choisi le
nom sous lequel son ouvrage nous^est
parvenu qu'en pensant à l'auteur de
la Gvropédie et du Banquet. Mais
3g\i
XEN
bientôt ses Éphésiaques auraient e'té
lues pour clles-uiêraes , et l'écrivain
devenu une des notabilités littéraires
d'une cj:)oque pauvre en chefs-d'œu-
vre, loin d'avoir besoin de spéculer
sur une erreur de noms, aurait été
utile aux gens curieux de repioduire
des spéculations de ce genre. De
cette manière les prosateurs eroti-
ques d'Antiocbe et de l'île de Cypre,
pour donner de la vogue à leurs
compositions, auraient emprunté le
nom du romancier d'Kplièse, et non
celui d'un historien, philosophe, gé-
néral et homme d'ctat. Il resterait
maintenant à fixer l'époque , ou ,
comme on le dit en termes d'école, l'â-
ge de Xénophon. Cette tâche difficile
ne peut être accomplie que par l'ins-
peclion attentive des détails histori-
ques , géographiques ou archéologi-
ques de son livre,qui se réfèrent déci-
dément à un siècle plutôt qu'a un au-
tre. Malheureusement ces détails sont
si peu nombreux dans les Éphésia-
ques, que Salvini désespérait d'en ja-
mais pouvoir tirer une conclusion.
Aussi les autres savants, en différant
de lui , ont - ils néanmoins long-
temps varié sur ce point. Fabricius,
dans sa Bibliothèqiic, suppose Xé-^
nophon plus ancien qu'Heliodore,
mais sans dire sur quels arguments
il se fonde. Dorville,, au contraire
( dans sa Préface à la tête de Ghari-
ton ), le fait plus jeune qu'Hcliodore,
Achille Tatius et Longus. Paciaudi ,
dans ses Prolégomènes déjà indiqués,
le porte jusqu'à la fm du cinquième
siècle de l'ère chrétienne. Nous ne
parlons ici ni de Burmann, qui se bor-
ne à dire que le style des Éphésia-
ques a quelque chose de l'atticisme
de Lucien, ni du Marseillais Jour-
dail, qui croit l'auteur de très-peu
postérieur à Sénèque, à cause des
pointes semées dans son récit. Nous
XEN
verrons plus tard ce qu'il faut pen-
ser de cette appréciation littéraire
de l'ouvrage, et par conséquent de
la conjecture qui l'accompagne. Pro
litons de cette occasion pour libérer
Salvini d'une absurdité dont le gratifie
de son chef le même Jourdan , fort
riche en ce genre : à entendre ce bel-
esprit provençal , Salvini place sou
Xénophon sous Jules-César. Impu-
dentissimuin mendacium ! s'écrie
Locella en citant cette assertion : et
en effet Salvini était trop conscien-
cieux dans son travail pour ne point
remarquer qu'on parle à diverses
reprises dans les Éphésiaques du pré-
fet d'Egypte , et trop habile pour
ignorer que l'Egypte ne devint une
préfecture romaine qu'aprè» l'extinc-
tion de la dynastie des Lagides dans
la personne de Cléopâlre, l'an 3i
avant Jésus-Christ. D'autre part il
est question en deux endroits de l'ou-
vrage du préfet de la paix en Cilicie,
périphrase qui ne peut désigner que
V Irénarque de cette contrée. Or , il
est aujourd'hui démontré par une
dissertation ex-professo deSchvvartz
que rirénarchie ne fut instituée que
sous le règne d'Adrien , c'est-à-dire
de l'an 1 17 à l'an i38 de notre ère.
Il est donc désormais impossible d'ad-
mettre que Xénophon ait vécu anté-
rieurement à celte époque, et proba-
blement on ne risquerait rien en le
reculant d'un demi -siècle, puisqu'ea
nommant les Irénarques , il parle de
leur magistrature comme d'une ins-
titution ancienne, et en quelque sorte
universellement connue au moins en
Asie. Maintenant, ne peut-on avancer
encore plus vers les siècles posté-
rieurs , et voir , par exemple , dans
notre romancier un contemporain de
Dioclétien ou de Julien ? Plusieurs
raisons s'y opposent. D'abord l'au-
teur emploie toujours des noms géo-
XEN
graphiques qui au commencement du
quatrième siècle, avaient disparu delà
langue usuelle comme de celle du gou-
vernement. Ainsi Héraclée en Thracc
est Perinthe ^ Cesaree de Gappadocc
s'appelle encore Mazaca ; enfin , et
ceci est formel, Byzance n'est jamais
nommée Gonslantinople , et d'ailleurs
il n'en est parle que comme d'une
ville ordinaire. Le choix du supplice
de la croix pour faire périr Habro-
come à Alexandrie , prouve non
moins victorieusement que la com-
position desÉphèsiaques précéda l'an
3 1 1 , puisque à cette e'poque Cons-
tantin , vainqueur de Maxence et ca-
téchumène , abolit un genre de mort
dont le Sauveur avait sanctifie l'igno-
minie. Nous rétrograderons encore
plus , si nous songeons au ton avec
lequel l'auteur parle de l'oracle d'A-
pollon à Claros , oracle dont les an-
ciens cessent totalement de faire men-
tion depuis le troisième siècle , et
qui probablement cessa alors d'exis-
ter faute de dupes. xAutre particula-
rité : le célèbre temple de Diane à
Éphèse fut brûle et pille en 'iG'i, par
les ordres de Gallien , et l'histoire
nous atteste qu'il ne se releva pas de
celte dévastation. Cependant Xéno-
phon parle des cérémonies et du
temple comme si les unes existaient,
et comme si l'autre était debout j
c'est même dans une des processions
en l'honneur de la protectrice d'É-
phèse , qu'Habrocome et Anthia se
rencontrent et conçoivent l'un pour
l'autre un amour qui est la base ou
le nœud de l'ouvrage. De ces rap-
prochements dus généralement à la
sagacité de Casjyérius {Spécimen Dis-
sertationum de Xenophonte Ephe-
siaco j 1 7 4o> quoique sans date),
il résulte que le romancier éphésien
vécut entre les années 1 1 7 et 262 de
l'ère chrétienne. Nous croyons que
XEN 399
l'on peut arriver à une plus grande
précision chronologique. Déjà ci
dessus par une remarque qui nous
est propre , nous avons rapproche'
la publication de l'ouvrage de la
fin du second livre d'une cin-
quantaine d'années , pour donner
quelque ancienneté à l'Irénarchie, ce
qui place l'auteur vers 167, et en
fait un contemporain de Marc-Au-
rcle et de Commode. Nous n'ose-
rions le renvoyer beaucoup plus loin
parce qu'après l'assassinat du der-
nier de ces princes ( 3 1 décembre
192), ce que l'on peut appeler
l'anarchie militaire commença : en
moins de trois mois , Pertinax passa
du trône aux Gémonies : Didius
acheta et ne put payer l'empire qui
lui fut arraché avec la vie : trois ar-
mées créèrent alors trois empereurs :
ce fut en Asie qu'eut lieu la lutte de
Sévère et de Pescennius , et cette
lutte terminée enfin aux plaines d'Is-
sus , après avoir , pendant près de
deux ans , rem|^li l'Asie de sang et
de larmes, ne fut que le prélude de
vingt guerres civiles dont l'Orient fut
le théâtre, surtout dans la première
partie du troisième siècle. Comment
le spectateur de tant de désastres ,
de tant de scènes de désolation et de
carnage , ne nous retracerait-il que
les talileaux de l'opulence , de l'in-
dustrie et de la paix ? Comment, vou-
lant nous peindre ses personnages en
proie à tous les malheurs , ne profi-
terait-il pas des ressources que lui
présenteraient en foule des guerres ,
et surtout des guerres civiles ? Com-
ment pour faire enlever son héroïne
serait-il obligé d'avoir recours à des
corsaires? Tout s'explique dès qu'on
suppose les Éphésiaques publiées
long-temps avant que ces tristes ré-
sultats de l'ambition eussent ensan-
glanté l'Orient. Nos conjectures arri-
4oo XEN
veroiil à la certitude , si Ton songe
plus specialcmeut à la manière dont
l'auteur présente Byzance. Chez lui
c'est une cité libre , riche , floris-
sante , populeuse , brillante ])armi
les villes de province par son com-
merce et sa grandeur , et gouvernée
par ses propres magistrats. Telle fut
Byzance en effet, depuis les temps
de Milhridate jusqu'à l'avènement de
Sévère. Mais lors des troubles qui
s'élevèrent pour la succession de
Didius , non-seulement Byzance ,
ainsi que le reste de l'Orient , se
déclara pour l'antagoniste de Sé-
vère ; elle tint contre l'armée vic-
torieuse, trois ans après que tou-
tes les provinces avaient reconnu
sa loi. Enfin pourtant , il fallut se
rendre j mais la ville rebelle vit ses
murailles rasées , ses maisons rédui-
tes en cendres, ses habitants vendus, et
sesprivi'éges,ses franchises à jamais
anéantis. Quelques édifices seulement
furent conservés à la sollicitation de
Caracalla , et forn^j^rent une misé-
rable bourgade, jusqu'au temps où
Dioclétien alla habiter Niromédie.
C'est donc dans un espace d'environ
vingt-cinq ans , de 167 à 192, que
nous placerons la publication du ro-
man qui nous occupe. Quant au style
de l'auteur , quoique celte considéra-
tion ne soit point à dédaigner pour
établir l'âge d'une composition, néan-
moins elle prête trop à l'arbitraire
pour que l'on appuie sur elle seule
une décision. D'abord on peut ne
point tomber d'accord , soit sur le
caractère général de la diction , soit
sur ses nuances. Ensuite, combien de
fois , dans cette période de décaden-
ce, qui comprend, pour la Grèce,
tous les siècles écoulés d'Auguste à
Justinien , les auteurs les plus élé-
gants se sont-ils proposé pour modè-
les les écrivains qui les avaient pré-
XEN
cédés, et ont -ils reproduit, sinon
leur génie , du moins leurs formes de
style ! Quant à notre romancier , nous
ne voyons pas qu'il ait été attaqué
de celte manie épidémique; et rien
en lui ne décèle l'imitation servile
d'un grand homme préférablement à
tous les autres. Généralement son
style est pur , simple , élégant , dé-
nué de toute affectation et d'enflure.
C'est donc à tort que le traducteur
français , Jourdan , croit y trouver
quelque chose qui ressemble aux
concettl de Séuèque, et que Leclerc,
trop prompt à croire sur parole, pré-
tend ( Bihliothèq. ancienne et mo-
derne , vol. '26, pag. 4'^^) que l^s
Éphésiaques sont souvent écrites
avec un peu d'enflure. Burmann ,
meilleur juge en cette matière, re-
connaît au contraire o^we rien n'est
plus sévère et plus simple que la dic-
tion de cet ouvrage. Hemsterhuys ,
Abresch, Locella et les plus savants
comme les plus judicieux hellénistes
se sont rangés de cet avis, et com-
parent le style de notre Xénophon ,
tantôt à celui de Lucien , tantôt à ce-
lui de Longus. Cocchi seul ne lui dé-
cerne que des louanges médiocres
sous ce rapport. Mais cette réserve
indique ici la conscience que ce tra-
ducteur avait de son peu d'aj)titude
à prononcer sur des matières aussi
délicates , et non le peu de mérite du
romancier. Outre ces éloges, on peut
donner à Xénophon celui de faire
marcher l'action avec rapidité, de
ne point multiplier à l'infini les res-
sorts et les incidents , enfin de rester
constammeut vraisemblable et d'ac-
corda vec la nature.Ses narrations mé-
riteraient d'être citées dans les cours
de rhétorique des plus sévères pro-
fesseurs, comme des modèles de con-
cision et de vivacité. Enfin il retrace^
avec assez de bonheur et de fidélité'
XEN
le costume de son époque et de son
pays. Quant aux taules de gc'ogra-
piiie dont on Ta accuse, nous nous
bornerons à remarquer qu'en ce gen-
re, les Grecs et les Romains ont pres-
que tous rivalise à qui saurait le
mieux transposer les lieux, et estro-
pier les noms. Au reste , ces fautes
doivent être en partie attribuées aux
copistes 'y et il est peu douteux que
s'il nous restait plus d'un manuscrit
de Xenophon, cet écrivain serait
bientôt reconnu innocent de la plu-
part d'entre elles. Il n'existe des
Épliesiaques qu'un seul exemplaire
manuscrit. Ce manuscrit , ense-
veli avec tant d'autres trésors lit-
téraires dans la fameuse biblio-
thèque des moines de Sainte-Marie,
à Florence , et par conséquent très-
rarement feuilleté , avait été proba-
blement sous les yeux d'Ange Poli-
tien , qui en a traduit et insère un
passage dans ses Miscellanea , ch.
5 1 ( P^oy. Gruter , Thésaurus criti-
eus , tome i, p. 63 ) , en louant l'e-
légance et la pureté du style. On doit
même penser qu'il avait lu l'ouvrage
entier ; car le caractère de Jules ,
dans les stances qui font partie de la
collection dite Stanze di diversipoe-
tiilluslri, par Lodov. Doice, Veni-
se , 1 553 , in - 1 2 , semble une imita-
tion de celui d'Habrocome. Ce manus-
crit dans la suite passa sous les yeux
du P. Bernard de LMontfaucon , qui
dans son Diarium italicum , en fait
une mention assez détaillée. Selon
lui , l'antiquité de cet exemplaire re-
I monte au treizième siècle, comme
j l'indiquent et la forme carrée et la tem-
I te jaune pâle des caractères, presque
j totalement rouilles de vétusté. L'é-
criture en est d'une finesse extraor-
dinaire. Aussi le volume se compose-
t-il de vingt-trois opuscules différents,
la plupart relatifs aux affaires théo-
LI.
XEN
4oi
logiques ou à l'histoire Byzantine, et
les cinq livres des Éphésiaqucs n'oc-
cupent-ils que dix -huit pages, du
feuillet 9 au i^e. C'est donc à tort
que Vossius ( De historicis grœ-
cis et latinis ) , Grotius ( Not. in
Nov. Testam. . ii ,p. 281 , ad Epist.
ad Ephes. , cap. iv , vs, 2g ; , et
Huet ( Origine des romans , p. loi
et suiv. ), s'accordaient à dire que
le roman de Xenophon n'existait
plus. Cependant Salvini fit paraître
la première traduction italienne
(Londres, 1723 ), rédigée sur une
copie grecque , primitivement trans-
crite par lui à la bibliothèque de Sain-
te-Marie , ou plutôt sur une transcrip-
tion de cette copie, au reste peu
exacte _, et déparée en quelques en-
droits par des lacunes. Da venant ,
chargé d'affaires d'Angleterre euTos-
cane , ayant acquis à Florence plu-
sieurs manuscrits précieux, se fit céder
aussi la copie autographe de Salvini,
qui d'ailleurs paraît avoir été faite à
sa sollicitation , et il la porta à Lon-
dres, où il la livra à un philologue
italien , Antoine Cocchi ou Coccliius,
qui fit paraître l'édition princeps
dans cette ville , 1726, in-4°., avec
une version latine, vantée dans le
temps, quoique ne s'élevant que
fort peu au-dessus du médiocre. Les
autres éditions desEphésiaques sont:
i». celle de Fr. Buonsignori , Luc-
ques, 1781 , in -40.; elle contient,
outre le texte grec de Veditio prin-
ceps, les versions latine, italienne
et française de Cocchius, de Salvini
et de Jourdan : fort jolie , si on la
considère typographiqnement^ elle
n'a aucune importance sous les rap-
ports critiques ou littéraires. 2». Celle
de Polyzoïs , indiquée par les ini-
tiales n. K. (no).u^&j/3çKôvTou), Vien-
ne en Autriche , 1 793 , in - 8». Outre
les fautes dont elle fourmille , on
26
402
XEN
y remarque à chaque instant des
interpolations ridicules. Apres d'aussi
audacieuses modifications , on ne
doit pas être étonne que l'éditeur
se permette de semblables interpo-
lations dans la version italienne de
Salvini , qu'il a jointe à son texte. 3».
Celle du baron de Locella , Vienne ,
1-^96, in - 4°. Cette dernière réunit
toutes les qualités : excellente tra-
duction latine, texte habilement et
soigneusement rectifié, même dans
la partie si minutieuse de la ponc-
tuation, notes philologiques, histo-
riques , exégétiques , les unes de Bur-
mann , Abresch , Albcrti , Hemster-
huys, les autres de lui-même ; index
et notice aussi savante que détaillée,
soit sur l'auteur , soit sur ses inter-
prètes , telles sont les diverses par-
ties d'un travail qui annonce dans
Locella un éditeur consciencieux et
habile. C'est ici le lieu de rappelerune
anecdote célèbre dans l'histoire de
la critique conjecturale. Les correc-
tions et même les suppléments pro-
posés par Hemsterhuys , pour rem-
plir les lacunes laissées dans Veditio
prmceps , conjectures qui se trou-
vent rapportées dans les Ohserva-
tiones miscellaneœ Batavœ ( vol.
i-vi )y ont été reconnus être presque
identiques avec le manuscrit ^ col-
lationné postérieurement à Florence
avec plus d'exactitude. Ajoutons
que le texte des Éphésiaques se
retrouve aussi dans la collection des
Scriptores erotici grœci. Quant aux
traductions, il en existe deux en al-
lemand ( Antliia und Ahrokomes
aus dem Griechisclien des Xeno-
phons von Ephesus, Leipzig, 1775,
in-80. ; et Etwas von Ephesus, oder
Geschichte eines jungen Ehepaars ,
ûbersetzt durch H*** jHâusiU, i ']']'] y
in-80.); une en anglais, par Rooke,
Londres, 1727, in -8°., et deux en
XER
français , l'une par un anonyme, Pa-
ris (la Haye), i-j36, petit in- 12;
l'autre par un Marseillais appelé
Jourdan ( nom qui au reste est ca-
ché, sur le titre, par l'initiale J)^
Paris, 1748, in- 12. Celle-ci four-
mille de fautes , de contre-sens et de
phrases à prétention. La première ,
quoique la simplicité du style dégé-
nère quelquefois en platitude , est
moins mauvaise. Elle s'attache d'ail-
leurs au texte grec avec plus de fidé-
lité. Jourdan, qui en l'appréciant
dans sa préface, déclare que le tra-
ducteur est un de ces Allemands qui
vont apprendre le français en Hol-
lande, aurait fort bien pu aller à son
école pour apprendre le grec. INous
avons parlé ci-dessus de la traduc-
tion italienne de Salvini , qui l'em-
porte de beaucoup sur toutes celles-
ci , par l'extrême fidéhté, par l'élfr
gance et la hardiesse. On en trouv
des exemplaires avec un frontispi
dont le millésime est Florence, I7'i3
mais qui n'est probablement qu'u
rafraîchissement de l'édition de Loa
dres. Elle a été imprimée dans 1
collection des Romanzieri Greci
Florence , 1 792 , in- 1 2 , tome i^i'
séparément par A.-A.Renouard, Pa
ris , 1 800. La préface annonce qu'ell
a été revue par le célèbre Visconti
qui l'a corrigée dans plus de deu
cents endroits , en sorte qu'elle peul
passer pour une traduction nouvelle,
et souvent même servir de commen-
taire. P OT.
XERCÈS T'^^'. , cinquième roi dJ
Perse , succéda, en l'an 485 avand
J.-C. , à son père Darius qui , se pré-
parant à partir pour une seconde ex-
pédition contre la Grèce, l'avait dé-
signé pour son successeur , le préfé-
rant à Artabaze, son fils aîné, parce
que celui-ci était né avant son avène-
ment au trône , et que Xercès , petit-
II
XER
iî!s deCyrusparsa mcre Atossa, était
venu au monde lorsque Darius était
déjà roi ( V^oy. Darius , X, 549 )•
Dès qu'il fut monté sur le trône ,
Xercf's s'occupa de réduire l'Egypte.
Il se rendit lui -même dans celte con-
trée , et après l'avoir soumise à sa
puissance , dans une seule cara-
])agne , il y laissa pour gouver-
neur son frère Acliémène. Il fit en-
suite un voyage à Habylone pour y
voir le tombeau de Béliis. Ou lit dans
Élien que, l'ayant fait ouvrir, il vit
d'un coté le cadavre de cet ancien
roi, dans un cercueil cpii était j)resque
plein d'huile , et de l'autre côté une
inscription qui menaçait des plus
grands malheurs celui qui ne rempli-
rait pas l'espace vide. Xcrcès le tenta
vainement , et, comme ses malheurs
en Grèce survinrent peu de temps
après , on ne manqua pas de les at-
tribuer à la colère de Bélus. Il réso-
lut ensuite de poursuivre l'entreprise
de son père contre la Grèce , et de
venger les injuresqu'ii avaitreçiiesdes
Spartiates (i). Après avoir continué
pendant plusieurs années les prépa-
ratifs de guerre commencés par Da-
(i) Les Sparliales, ayant fait périr les hérauts
que Darius leur avait envoyés pour deniaiider la
terre et l'eau eu .signe d'hommage, s'imaginèrent
que celle violation du droit des gens avait aUiré
sur eux la colère de Tallhybiiis , héraut d'Aga-
merauon , qui avait un temple à Sparte. Oo/ant
voir celte colère se manifester |)ar dit! rents signes,
ils pensèrent que le seul moyen d'apaiser Talthy-
bius était d'envoyer deux d'enlre eux au succes-
seur de Darius. En conséquence, ils deuiaudèrent
dans l'assemblée du peuple s'il s'y trouvait deux
personnes qui voulussent se dévouer à la mort
fiour le salut de l'élat. Bulis et Sperihiès, qui, par
eur naissance et leur fortune, tenaient le premier
rang de la ré])ublique , se prese aèrent alors pour
aller auprès de Xercès , et expier par leur mort
le crime commis envers son père. Ils se rendirent
a Suze auprès de ce prince, qui les renvoya en
disant qu'un crime ne s'expiait p.i.s par un autre
crime. On crut que la colère de Tdîthybius s'était
apaisée à l'égard des Lacédémoniens ; mais qu'elle
» était appesantie surla famille de ceux qui s'étaient
dévoués, parce que les deux lils de Bulis etdeSper-
thics , étant partis de Sparte pour aller en ambas-
sade auprès du roi de Perse , furent pris à leur
passage dans la Thrace , par Sitalcès , qui les livra
*ux AUiéniens , et que ceux-ci les firent mourir.
XER
4o3
rius, Xercès assembla un conseil,
et y montra la nécessité de réta-
blir l'honneur du nom persan , si
malheureusement compromis aux
champs de iVîarathon. 11 Unit en
disant : « Je traverserai les mers ,
» je raserai les villes coupables ;
» j'emmènerai les citoyens captifs
» dans les fers. » Cette ré.solution ne
trouva de contradicteur dans le con-
seil que l'oncle du roi Artaban , qui^
en la désapprouvant hautement, s'at-
tira de sanglants reproches. Tous les
autres furent eniraînés par Mardo-
nius qui , le premier , applaudit à la
proposition du monarque. La guer-
re étant résolue, Xercès ne son-
gea plus qu'aux immenses prépa-
ratifs de l'expédition. Des cour-
riers partirent de Suze pour toutes
les parties de l'empire ; et ils y por-
tèrent l'ordre de faire de nombreuses
levées et d'immenses approvisionne-
ments. En mijme temps le grand roi
cherclia partout des alliés. Enfin il
forma une ligue générale; et l'on vit
l'Asie, l'Europe et l'Afrique se réunir
pour marcher contre un coin de terre
aussi petit , aussi peu considérable
que la Grèce. Les Carthaginois signè-
rent un traité d'alliance avec Xercès,
et lui amenèrent des Gaulois , des
Italiens , qu'ils avaient pris à leur
solde; les Macédoniens même lui en-
voyèrent des troupes ; la Phénicie et
l'Egypte lui fournirent des vaisseaux ;
enfin il réunit un million d'hommes
dansles plaines deDoriscus(2). Avant
de quitter l'Asie , Xercès voulut se
donner la satisfaction de contempler
toutes ses troupes; et il monta pour
cela sur un édifice construit dans cette
intention. Un tel spectacle , loin de le
(a) Ctésias fait monter les forces de Xercès à
huit cent mille hommes et à mille voiles. Hérodote
les porte à 788 mille hommes et à douze cents
voiles.
26..
4o4 XER
charmer , lui ht verser des larmes ,
quand il vint à penser que de tant de
milliers d'hommes il n'en resterait
pas un seul dans moins d'un siècle. A
l'apin-oche de forces si formidables,
plusieurs provinces de la Grèce se
rangèrent du cote' des Perses ; et l'on
vit la Bcotie y l'Argolidey la Thessa-
lie et plusieurs îles de la mer Lgee
joindre leurs efforts à ceux des enne-
mis de leur patrie. Xercès établit
alors sur rUellcspont un immense
pont de bateaux- mais, lorsque l'ar-
mée fut passée, une tempête le ren-
versa en un instant , et le grand roi
furieux fit cliâlier la mer par trois
cents coups de fouet donnés grave-
ment aux flots révoltés. Il perça en-
suite l'isthme du Mont-Athos, et ses
innombrables cohortes pénétrèrent
dans l'Attique au printemjis de l'an
480 avant J.-C. On voyait à leur
tête les rois de Tyr , de Si don et de
Ciîicie , la reine Artémise et les guer-
riers les plus célèbres de cette époque.
Tout d'abord céda à l'impulsion d'un
si grand elfortj les ïhermopyles fu-
rent franchies ( Fof. Léonidas),
et les remparts de Thèbes , de Pla-
tée et de Thespies tombèrent devant
le vainqueur. Cependant tant de na-
tions différentes de caractère , de
mœurs et de langage, ne pouvaient
marcher long-temps sous les mêmes
bannières ; et le grand roi , bientôt
effrayé des obstacles qu'il avait ren-
contrés sur la mer et aux Thermo-
pyles, autant que de l'aspect vérita-
blement imposant que lui offrait la
Grèce assistant tranquillement aux
jeux olympiques en sa présence, com-
mençait à faire de sérieuses réflexions
sur les suites de son entreprise. Il
réunit dans un conseil les chefs de
son armée , et leur exposa sans dé-
guisement ses craintes et ses espé-
rances. Le roi de Sidon opina pour
XER
une attaque immédiate de la flot-
te athénienne ; la reine d'Halicar-
nasse pensa au contraire qu'en traî-
nant la guerre en longueur les Grecs
succomberaient infailliblement; mais
ce dernier avis fut rejeté , et l'on se
prépara au combat. Ne doutant
pas de la victoire , Xercès se fît
placer sur un trône élevé ; envoya
des troupes dans les îles voisines,
afin qu'aucun des Grecs ne pût se
sauver de la destruction générale ; et
donna le signal du combat. Son frère
Ariabignez qui avait le commande-
ment général des galères , s'étant J
maladroitement engagé dans un dé-"
troit , ne put offrir aux Grecs qu'un
front très-resserré , et perdit ainsi
tout Ta vanta ge du nombre. Lesfl
Athéniens attaquèrent les Phéniciens ■
avec impétuosité, et le premier choc
fut très violent. Ariabignez s'étanti
élancé sur une galère ennemie , y de-
meura percé de coups. Dès-lors b
confusion fut générale dans les flot-l
tes alliées; leur nombre ne servit
qu'à l'augmenter , et bientôt cett«
multitude prit honteusement la fuit<
{Foy. Thf'mistocle ). Après cette
défaite le grand roi repassa en Asiei
fugitif sur une petite barque , et i||
laissa les débris de son armée soui
le commandement de Mardonius, soi
cousin , qui fut complètement balti
l'année suivante à Platée Foy. M ar«
DONius ) , au moment même où I(
reste de la flotte persanne subissaii
une nouvelle défaite près de Mycale^i
Ces revers abattirent singulièrement
le courage et l'orgueil de Xercès , et
il ne songea plus qu'à s'en dcdora-
magcr dans la débauche et les plai-
sirs de toute espèce. On prétend que
ce fut alors qu'il rendit un édit pai
lequel il promettait une très-grand<
récompense à celui qui inventerai
un plaisir nouveau. Le voyant ains
XER
plonge dans les délices , son capitaine
des gardes, Artaban , conçut l'idée
de s'emparer du trône , et conspira
contre lui. Ayant fait part de son
projet à l'eunuque Miliiridate , son
parent , qui avait toute la confiance
de Xercès , il s'introduisit pendant
la nuit dans la chambre de ce prince
et le tua ( an 4^^ avant J.-C. ). Il
courutaiissitôtaprèsà Artaxercès,fils
de Xercès, lui dit que Darius, sou
frèrcaînë, venait detuer leur père , et
lui conseilla de venger ce parricide.
Artaxercès le crut , alla sur-le-champ
avec ses gardes attaquer Darius qui
ne s'y attendait pas , et le lit mourir.
Artaban, voyant que tous ses projets
réussissaient , pensa qu'il lui serait
trcs-i'acile de sedefaire d' Artaxercès,
etayant rassemblé ses (ils, il fondit sur
ce prince, et lui porta un coup d'épécj
mais la blessure étant légère, Ar-
taxercès se défendit , et tua Arlaban.
( F. Artaxercès, 11,5). Ctésias ne
raconte pas ce fait absolument de la
même manière : il dit qii' Artaxercès
étant sur le trône par les intrigues
d'Arlaban , ce dernier conspira con-
/tre lui, et communiqua sou projet à
Mégabyse qui le dénonça , etqu'Ar-
taxercès fit mourir Artaban. Plusieurs
poètes tragiques, entre autres Cré-
billon. Métastase, Lemierre, et plus
récemment M. Delrieu , ont mis cet
événement sur la scène. L'expédition
contre l'indépendance de la Grèce a
fourni à Eschyle le sujet d'une tra-
gédie intitulée les Perses , et dans
laquelle il présente le grand roi re-
venant à Persépolis seul et un carquois
vide à la main. Comme ce poète n'a
fait que des trilogies héroïques , on
ne peut douter qu'il n'ait trouvé
la matière de deux tragédies dans
cet événement capital pour les Grecs,
et le titre les Salaminiens ( ot.
Ssda^t'vioi ), qu'où retrouve dans le
XI
4o5
catalogue de ses pièces, est probable-
ment un de ces deux ouvrages. C-r.
XERCÈS II , roi de Perse , était
fils d'Artaxercès Longue-Main , et
par conséquent petit -lils du précé-
dent. Il succéda à son père en l'aif-
née 4^5 ans avant J.-G. Un an
après il fut assassiné par son frère
Secundian ou Sogdian , qui s'empara
du trône. — XercÈs, roi d'Arsamo-
sate, ville capitale de la Grande-Ar-
ménie, ne doit l'honneur d'être con-
nu de la postérité qu'à une médaille
qui d'un côté offre la tête d'un prince,
et de l'autre une victoire avec cette
légende : BASIAEnS SEPEOT , re^is
Xercis , du roi Xercès. C — r.
XÉRÈS ( François ) , historien es-
pagnol, suivit Pizarre à la conquête du
Pérou, et remplit ensuite près de lui
l'emploi de secrétaire. Il adressa par
ses ordres à l'empereur Charles-Quint
le récit détaillé de celtegrande expé-
dition. L'ouvrage de Xérès parut à
Salamanque , en l547 , infol. , sous
ce litre : Conquista del Piru : Fer-
dadera relacion de la conquista del
Piruy^provincia del Cuzco llamada
la Nueva Castilla, etc. On le trouve
quelquefois à la suite de V Histoire
naturelle des Indes , par Ovicdo
( Foy. ce nom , XXXIl , 3 1 1 ) ; il
a été traduit en italien , et inséré par
Ramusio dans le troisième volume
de son Recueil des Foyages. Mal-
gré la partialité de Xérès pour le
conquérant du Pérou , cette histoire
est très-importante , l'auteur ayant
été témoin oculaire de tous les faits
qu'il rapporte , et ayant pris une part
active à la guerre qui décida du sort
de ce beau pays. — Ferdinand Pe-
rez de Xeres a traduit Ilérodien
en espagnol sur la version latine de
Politien , i54^> , in-fol. W — s.
Xl-HOAM-TI ou XIUS. Fofez
Thsik-Chi-Houang-Ti,
4o6
XIM
XIMEINES (Don Roderic), ar-
chevêque de Tolède et cardinal , était
issu d'une famille noble de la Na-
varre , dans les dernières années du
douzième siècle. Il fit ses premières
études dans la Castille, puis à Paris;
revint dans sa patrie , et fut reçu
novice dans le couvent de Saint-
François à Tolède. Il s'ëleva ensuite
par son mérite et ses vertus à la
dignité d'archevrque de cette ville ,
et à celle de cardinal. Inviolablement
attaché à la famille royale de Cas-
tille, et très-zélé pour les intérêts de
la religion, il fit souvent la guerre
contre les Infidèles , et selon l'usage
de ces temps-là , il combattit en per-
sonne à plusieurs batailles, notam-
ment à celle de Talaraca. Dans les
circonstances les plus dilïîciles , il fut
l'ame et le conseil de son souverain ;
et l'Espagne lui dut en grande partie
l'expulsion des Maures. Ces impor-
tantes occupations ne rempêcbnient
pas de se livrer avec beaucoup d'exac-
titude à l'administration de son dio-
cèse. Dans toutes les occasions il se
montra fort jaloux des droits de son
siège. L'archevêque de Tarragone
l'ayant excommunié, p.irce que, en
sa qualité de primat d'Espagne, Xi-
menès avait marché la croix levée _,
dans le territoire de sa métropole ,
celui-ci se rendit à Lyon , auprès du
pape Innocent IX , qui y tenait un
concile , pour se plaindre de cet af-
front. Le pontife l'accueillit avec
beaucoup d'égards, et prononça en sa
faveur une décision qui ne le satisfit
cependant pas entièrement. Ximenès
tomba malade , en retournant en
Espagne , et il mourut sur le Rhône,
le 9 août 1247, dans un bateau où
il s'était embarqué. Ses restes lurent
transportés au monastère des Bernar-
dins à Huerta sur les frontières de
l'Aragon, où ron voit encore son
XIM
tombeau avec Tépitaphe dont voici
la traduction : La Navarre est ma
mère ; la Castille ma nourrice /
Paris mon école ; Tolède ma de-
meure ; Huerta ma sépulture ; le
ciel mon repos. On a de Roderic
Ximenès une Histoire d^ Espagne en
neuf livres , qui se trouve dans le
recueil des historiens de ce royaume,
avec des remarques du P. André
Scliott. Cet ouvrage finit à la vingt-
sixième année du règne de saint
Ferdinand , roi de Castille. C'est un
monument precieuX; mais on doit se
défier en le consultant du zèle pa- I
triotique et religieux de l'auteur. ■
Ximenès a encore donnéune Histoire
des Ostrogoths, une Histoire des Huns
et des Vandales, une Histoire des
Arabes , de 770 à i i5o ; et enfin
une Histoire de Rome , depuis Janus
jusqu'à l'an de la répub'ique 708.
Tous ces ouvrages ont été publiés
par André Schott, à la suite de l'His-
toire d'Espagne de Roderic, dans le
tome H de V Hispania illustrata.
L'Histoire des Arabes a été publiée
par Th. Erpenius , à la suite de
VHistoria saracenica d'Elmacin ,
Leyde, i625 , in - fol. et in-4°.
— Ximenès ( François ) ;, né à Gi-
ronne , à la fin du treizième siècle ,
fut évêque d'Elvas , et fit imprimer
un ouvrage remarquable sous ce ti-
tre : De vitdangelicd. M — d j.
XIMENÈS DE CISNEROS
(François), archevêque de Tolède,
cardinal et régent d'Espagne pendant
la minorité et l'absence de Charles-
Quint, naquit dans une petite ville de
la Castille en i4'7« E^ noblesse de
sa famille est contestée; et la jalou-
sie excitée par son élévation lui fit
souvent un reproche de l'obscurité de
sa naissance. Cependant il apparte-
nait, par sa mère, à une ancienne et
honorable maison ; mais une place de
d
XIM
receveur des décimes e'iait la seule
ressource qu'eût son père pour élever
une nombreuse famille. Destine d'a-
bord à succe'der à cet emploi, Xime-
nès eût été enseveli dans la mrme
obscurité , si son caractère ne se fût
déclaré par son aversion pour l'état
auquel il semblait appelé, et surtout
par un noble désir d'apprendre, qui
Je conduisit à l'université de Sala-
manque, la plus savante qu'il y eût
alors en Espagne. A l'étude de la phi-
losophie et de la théologie, du droit
civil et du droit canon, il joignit
celle des langues orientales. Après
avoir reçu les ordres sacrés, il pro-
fessa quelque temps le droit j et ,
lorsque ses ressources pécuniaires lui
permirent d'entreprendre un voyage
à Rome, il partit plein d'espoir
pour une fortune que lui révélait son
génie, mais qui devait se faire ache-
ter par bien des traverses. Dépouillé
d'abord par des voleurs, il dut à un
ancien condisciple les moyens d'a-
chever son voyage et de subsister
jusqu'à ce qu'il pût lui - même pour-
voir à ses besoins, en plaidant les
causes des Espagnols devant les tri-
bunaux ecclésiastiques de Rome. La
réputation qu'il acquit dans cet em-
ploi lui valut du pape Sixte IV une
bulle d'expectative pour le premier
bénéfice vacant dans lediocèsede To-
lède. Rappelé en Castille par la mort
de son père, Ximenès saisit bientôt
l'occasion que lui oOritla vacance de
l'archiprêtréd'Uceda pour s'en met-
tre en possession , en vertu de la bul-
le qui lui avait été donnée. L'arche-
vêque, qui déjà en avait disposé,
refusa son consentement ; mais le
jeune ecclésiastique, fort de son bon
droit et de son caractère , entreprit
la lutte. Il fut enfermé daus la tour
d'Uceda, oùl'on raconte qu'un vieux
prêtre, depuis long - temps prisou-
XIM
407
nier, lui prédit qu'un jour il serait
archevêque de Tolède. Mais loin de
ces rêves de fortune , il fallait , pour
arriver à la possession du bénéfice
qui lui était dû , supporter des épreu-
ves qui eussent certainement lassé
tout autre courage. Ce fut après six
années d'inutiles persécutions que
l'archevêque se vit enfin obligé de
céder; mais Cisneros permuta aussi-
tôt cet archiprêtré , pour deve-
nir grand-vicaire de Siguença, sous
le cardinal Gonzalès de Mendoza ,
dont la réputation l'attirait. L'esti-
me et la confiance de ce prélat mi-
rent les talents de Ximencs dans un
très-grand jour ; et sa fortune parais-
sait déjà s'avancer , lorsqu'il l'arrêta
lui-même , en résignant ses bénéfices
à l'un de ses frères , pour faire pro-
fession chez les Cordeliers de Tolède.
Mais il ne pouvait échapper à la cé-
lébrité; on accourait à ses sermons ^
on voulait se ranger sous sa direc-
tion. Pour se soustraire à ces em-
pressements, il se retira dans le cou-
vent du Castagnar, situé au milieu
des bois. Là une cabane de feuillage
fut souvent le lieu de ses méditations;
et dans sa plus haute fortune, on l'a
entendu regretter sa solitude de Cas-
tagnar. Ximenès était déjà âgé de
cinquante-six ans lorsque, sur la pro-
position du cardinal de Mendoza ,
alors archevêque de Tolède , la reine
Isabelle de Castille le choisit pour con-
fesseur. Ses relus modestes ne cédè-
rent qu'à de longues instances, et
surtout à la condition de ne pas de-
meurer à la cour ; ce qui ne put em-
pêcher que la confiance d'une prin-
cesse si digne d'apprécier le mérite
ne l'appelât à la connaissance de tou-
tes les affaires, à tel point, qu'il n'y
en eut aucune qui , avant d'être por-
tée au conseil , n'eut été d'abord sou-
mise à son avis. Ce crédit,, que tous
4o8
XIM
les soins deXimenès ne pouvaient en-
tièrement cacher, détermina les cor-
deliers à le choisir pour provincial.
On le vit alors entreprendre à pied la
visite de toutesles maisons de l'ordre.
Suivant la règle de Saint-François il
mendiait sa subsistance • mais le
jeune frère qui l'accompagnait lui
reprochait , dit-on , le peu de succès
qu'il avait en ce genre, l'assurant
avec gaîte que , pour peu qu'il s'y
obstinât , ils mourraient de faim
tous les deux. Cet abaissement chre'-
tien ne diminuait en rien l'air de
supériorité , dont la nature avait fait
comme le signe des grandes qualite's
de Ximenès. Sa démarche et le son
de sa voix imposaient autant que
l'austéritéde son caractère el la gran-
deur de ses talents. Témoin du relâ-
chement qui s'était introduit dans les
maisons de son ordre , il conçut dès
ce moment le projet d'une reforme.
On dit qu'à la vue de la côte d'Afri-
que il forma aussi le pieux dessein de
porter l'Évangile aux peuples bar-
bares qui habitent cette contrée :
mais il en fut détourné par les pré-
dictions d'une de ces dévotes que les
Espagnols nomment des béates , qui
lui annonça qu'il était appelé à ser-
vir plus utilement la religion en
Espagne. Le cardinal de Mendoza ,
qui avait toujours conservé pour Xi-
menès la plus haute estime y le dési-
gna en mourant pour son successeur
au siège de Tolède. De ce moment
la reine Isabelle destina à l'humble
disciple de saint François cette pre-
mière dignité de l'église d'Espagne
alors ambitionnée par le roi Ferdi-
nand pour un de ses fils naturels^
mais pressentant les difiicultés qu'op-
poserait la modestie de Ximenès , la
princesse garda ses intentions se-
crètes jusqu'à l'arrivée des bulles du
papcj précaution qui ne surmonta
XIM
pas entièrement la résistance qu'elle
avait prévue , et qui ne céda enfin
qu'à un ordre du chef de l'Église.
11 fallut recourir à la même autorité
poiirfaire renoncer l'humble religieux
à la stricte observation des austérités
de son ordre. Près des magnifiques
appartements quilui étaient destinés,
Ximenès occupait une cellule ; il
couchait sur la dure, et, faisant por-
ter aux malades les mets qui lui
étaient servis , il se nourrissait des
aliments les plus grossiers. Alexan-
dre VI, plus sensible aux pompes de
l'église que touché de ses humilités,
exigea , sur la demande de la reine
de Castille, que l'archevêque de To-
lède prît une manière de vivre plus
convenable à sa haute dignité; et le
prélat, dont la vertu combattait sans
doute avec effort, se soumit au faste
qui lui était imposé. Il le porta même
plus loin qn 'aucun de ses prédéces-
seurs mais , dit-on , sans renoncer
dans le secret aux privations que lui
prescrivaient ses vœux. Partagé entre
les affaires de l'état , le soin de son
église et celui de son ordre, le vaste gé-
nie de Ximenès avait à lutter contre
les oppositions des intérêts particu-
liers , qu'il voulait dans toutes les
occasions sacrifier à ses grandes vues
de bien public , et à son amour pour
la justice. Les abus introduits dans
la perception de l'impôt doublaient
le fardeau pour les peuples , sans que
le trésor en retirât plus d'avantage.
La plus grande difficulté n'était pas
dans le choix d'un mode plus équi-
table : il fallait surmonter des préju-
gés , froisser des intérêts , vaincre les
résistances du conseil et des grands.
Ximenès eut besoin d'adresse et de
persévérance : mais enfin il réussit ,
et la reconnaissance publique , les
bénédictions du peuple fiu-ent la ré-
compense d'un changement si utile.
XIM
Ses projets de reforme pour les cor-
deliers, long-temps mûris dans le
secret , avaient cependant été' péné-
trés ; et l'ordre ellraycchercbaittous
les moyens de ieséUider. Le général
appelé d'Italie vint inutilement en
Espagne, ])!us inutilement encore il
tenta d'abaisser dans l'esprit de la
reine un crédit trop solidement établi
pour ê(re ébranlé. L'activité, la pé-
nétration de l'archevêque , la persé-
vérance de sa volonté , le pouvoir
dont -il jouissait furent à peine sulll-
sants pour combattre , tant à Rome
qu'en lispagne, les efforts de l'ordre.
L'animosité fut portée à un tel point,
qu'un de ses frères, engagé comme lui
parmi les franciscains , non content
de l'avoir déchiré dans un libelle, et
sans reconnaissance pour le pardon
généreux qu'il en avait reçu , attenta
à ses jours dans un accès de fureur.
Mais l'archevêque, secouru à temps,
arrêta tontes les procédures ; il voulut
que les rigueurs du cloître fussent la
seule punition du coupable, qui mê-
me par la suite obtint une pension
du frère dont il avait été l'assassin.
Depuis trois ans Ximenës était arche-
vêque de Tolède, et la reine dont la
confiance le retenait toujours auprès
d'elle , ne lui avait point encore laissé
la liberté d'aller prendre possession
de ce siège. Il y était attendu par
des honneurs qui ne parurent pas
l'étonner , et dont il se montra vrai-
ment digne par toutes les choses
grandes et utiles qui signalèrent sa
présence. La visite qu'il fit de toutes
les églises de son diocèse lui donna
de fréquentes occasions de dévelop-
per son amour pour l'ordre et la jus-
tice , la grandeur de ses vues et celle
de sa charité. Partout il rétablissait ,
rccdifiait, dotait. La cathédrale de
Tolède lui dut un accroissement con-
sidérable^ le gouvernement ecclésias-
XIM
4og
tique et même la justice, qui se ren-
dait au nom de l'évêque , furent
puissamment réformés , des synodes
diocésains établis, et les plus sages
réglenienls donnés à toutes les par-
ties de l'administration. Après avoir
richement doté l'université d'Alcala,
l'archevrquey aj)pela les hommes les
plus habiles de l'Europe, pour leis
charger d'une entre])risc dont l'idée,
conçue dès sa jeunesse, avait été le
motif d'une grande partie de ses étu-
des. C'était une Bible FoWgJotte ,
c'est-à-dire , en plusieurs langues.
Lui-même s'adjoignit à ce travail.
Les textes hébreu et chaldaïque ,
la version des Septante, les travaux
de saint Jérôme et d'autres anciens
auteurs, y étaient réunis. Ce monu-
ment , le plus complet qui eût été
élevé jusqu'alors, devint le type et
le modèle des Bibles polyg'ottes qui
ont été publiées depuis. Bien de ce
qui pouvait contribuer à la gloire de
la religion, et maintenir l'autorité
des anciennes traditions , n'échap-
pait aux soins de Ximenës. L'ancien
rituel des églises d'Espagne, connu
sous le nom de M osa^abique , par-
ce que , depuis l'adoption des rites
romains, il n'était resté en usage
que dans les églises soumises à
la domination des Maures, ce vieux
monument de l'uniformité des prin-
cipes de l'Église depuis un temps
si reculé allait périr de vétusté avec \
les anciens manuscrits qui en étaient
dépositaires; l'archevêque en fit pu-
blier une édition très soignée, dont
les exemplaires furent déposés non-
seulement dans les églises d'Espa-
gne, mais encore au Vatican et dans^
toutes les grandes bibliothèques de-
l'Europe. 11 voulut aussi que des cha-
pelains établis à cet efl'et conservas-
sent à perpétuité ces rites antiques
dans une des cliapelles de la.cathé'
4 10 XTM
drale de Tolède. Entre plusieurs mo-
nastères fondés par le même prélat ,
celui d'Alcala > auquel par reconnais-
sance il donna le nom de la reine
Isabelle, mérite nnc mention parti-
culière. Il était destiné à l'éducation
gratuite des filles de la noblesse pau-
vre. Les principes de leur institution
devaient être dirigés vers les devoirs
de famille et de société. Un fonds
considérable, qui fut depuis fort aug-
menté par la muni licence des rois
d'Espagne, était destiné à doter ces
jeunes personnes. Il est impossible
de méconnaître dans celte belle insti-
tution le modèle de celle de iSaint-
Cyr, si honorable pour la mémoire
de M"^^. de Maintenon , et pour le
règne de Louis-le-Grand. Mais ces
travaux, si dignes d'employer la vie
d'un prélat et les revenus de son ar-
chevêché, ne snifisaient pas à l'acti-
vité d'un zèle qui semblait s'étendre
avec les circonstances. Le royaume
de Grenade , nouvellement conquis
par les armes de Ferdinand , n'était
pas encore converti à la foi ; des fer-
ments de révolte s'y manifestaient.
La présence des souverains, accom-
pagnés d'une cour nombreuse et mi-
litaire, contint les esjirits : c'était un
moyen conseillé par Ximcnès , qui,
mettant à profit cette circonstance
favorable, travaillait durant ce temps,
avec une infatigable ardeur, à la
conversion de ce peuple infidèle. Se-
condé par l'archevêque de Grenade _,
employant tour-à-tour la persuasion,
les égards , les promesses ou la con-
trainte , il gagna d'abord lesalfaquis
ou prêtres. 11 fit pour le peu-
ple des prédications, à la suite des-
quelles on le vit en un seul jour bap-
tiser par aspersion trois ou quatre
mille personnes. Mais après le dé-
part de la cour , son esprit naturelle-
ment impérieux et décisif lui sug-
XIM
gérant de frapper un dernier coup ,
il fit brûler publiquement tous les
exemplaires du Coran , que de gré
ou de force il avait pu se procurer.
Une exécution si hardie amena un
soulèvement dont Ximcnès, malgré
la fermeté de son courage, eût été
probablement victime , sans le se-
cours d'un prmce maure, qui avait
été nouvellement contraint d'embras-
ser la foi , et qui pourtant resta fidè-
le. A peine délivré , le prélat ne crai-
gnit point de venir à la cour, où
il savait qu'il était vivement accusé j
il y reparut sous le rôle d'interces-
seur , et en rapporta une amnistie
absolue pour tous ceux qui rece-
vraient le baptême. Étrange mode de
conversion , auquel les deux arche-
vêques joignirent avec un zèle vrai-
ment apostolique des instructions et
des soins qui purent rendre sincèri"
une partie de ces conversions foi
céesl Cette concession faite aux mœurs
du temps ne pouvait néanmoii
porter Ximcnès jusqu'à meVonnaîtl
tous les droits de l'iiumanité, alo^
si cruellement violés en Amériqi
parles Espagnols, Quelques religiei
arrivés de ce pays exposaient les soi
frances des peuples indigènes , et
annonçaient déjà la prochaine des-
truction. L'archevêque obtint que
des commissaires fussent envoyés sur
les lieux. Il eut soin de les choisir;
et ces hommes sans autre force que
la délégation royale , et la justice âàl
la cause qu'ils venaient défendrdji
arrêtèrent le mal , du moins pour un
temps. La condamnation du gouver-
neur d'Hispaniola , qu'ils renvoyèrent
chargé de chaînes , mit en évidenci
que, sous le ministère d'un homi
équitable ^ il n'est point de rang qi
puisse soustraire un coupable
châtiment. La mort de la reine Ls£
belle, arrivée en i5o4, bien loin
i
XIM
diminuer le crédit de Ximenès y l'ac-
crut de l'importance que chaque par-
ti mettait à se l'attacher. La grande
prépondérance qu'il avait acquise
le rendit comme arbitre entre le roi
Ferdinand et l'archiduc Philippe ,
époux de l'infante Jeanne , héritière
de la couronne de Castille. Choisi
paries deux princes pour médiateur,
le prélat chercha tous les moyens de
se concilier, et, ce qui est fort rare, il
conserva la coniiance de l'un et de
l'autre parti. Mais à peine deux ans
s'élaient-ils écoulés, lorsque la mort
de l'archiduc et l'élat malheureux où
la douleur plongea sa veuve ouvri-
rent un nouveau champ aux ambi-
tions, aux intrigues des partis, et
aussi une nouvelle diieclion à la po-
litiquedc Ximenès, L'empereur INlaxi-
miiien, et le roi d'Aragon , tous deux
aïeuls du jeune Charles d'Autriche,
prétendaient avoir des droits égaux
à la régence de la .{]astd'e. La crain-
te d'une domination étrangère, et
sans doute une juste prévention na-
tionale l'emportèrent dans l'esprit du
ministre sur les sujets de plainte que
lui avait souvent donnés Ferdinand;
il se déclara ouserlement pour lui.
JVIais ce prince était haï de la no-
blesse castillane, il en était craint,
parce qu'elle avait toujours soutenu
contre lui l'indépendance du pouvoir
delà reine, et en dernier lieu les jus-
tes droits de l'archiduc Philippe. Il
ne fallait pas moins que l'habileté
de Ximenès et le crédit qu'il avait
sur le clergé et sur le peuple , pour
surmonter tant de diiiicultés. Il en
vint à bout; et Ferdinand, qui se
trouvait alors dans le royaume de
Naples , confirma toutes les promes-
ses que l'archevêque avait faites en
son nom; lui envoya les pouvoirs les
plus étendus pour gouverner en son
absence, et avant de quitter l'Italie
XTIVI
4ii
obtint pour lui le chapeau et le titre
de cardinal d'Espagne. Mais l'exer-
cice de toute cette puissance deman-
dait des forces qui manquaient au
prélat. A cette époque les rois d'Es-
pagne n'entretenaient point d'armée
permanente : ils ne pouvaient que
dillicilement réunir des troupes sans
le concours de la noblesse , et c'était
contre les empiétements de celte mê-
me noblesse que le ministre avait à
soutenir les droits du prince. Son
génie fertile en ressources lui suggé-
ra l'idée d'opposer les villes aux sei-
gneurs. 11 donna aux communes le
pouvoir de lever des troupes, et par
ce coup hardi sa politique com-
mença i'airranchissement du trône.
En i5o9, la porte d'une armée pres-
que entièrement détruite par les Mau-
res sur la côte d'Afrique, le préju-
dice que leur établis.'^ement d'Oran
portait au commerce espagnol, et
plus que tout cela sans doute l'espoir
de propager la foi chrétienne, firent
concevoir a Ximenès l'idée d'une ex-
pédition que, sur le refus de Ferdi-
nand , il olïiit de diriger et de solder
lui-même , à la seule condition du
remboursement des frais . lorsque la
conquête serait assurée. On vit alors
une armée rassemblée sous les dra-
peaux d'un prêtre septuagénaire. Il
est vrai qu'un ch.ef habilement choisi,
Pierre Navarre, avait sous ses ordres
la direction de l'entreprise. Mais ce
guerrier secrètement blessé de l'auto-
rité que s'était réservée le cardinal ,
traversa ses pians par tous les moyens
que la mauvaise volonté et l'intrigue
peuvent mettre en usage. Ce fut par
ses intrigues qu'au moment de l'em-
barquement l'armée se révolta : mais
Ximenès, sans paraître s'en étonner,
lit , à la vue des troupes , transpor-
ter sur les vaisseaux l'argent destine'
à la solde; et l'on vit aussitôt y
13
courir ceux qui un instant aupa-
ravant refusaient d'y monter. La
forte volonté du prélat assura ensui-
te le succès de i'enlrepi ise , en pre'-
cipitant l'attaque. Oran , surprise
avant l'arrivée des secours , fut ra-
pidement enlevée, la ville saccagée,
et les habitants presque entièrement
massacrés. A la vue de tant d'iior-
rer.rs, on assure que Ximcnès repro-
cha à Pierre Navarre d'avoir si peu
ménagé des hommes qu'il venait pour
convcrtir.il n'y avait rien là qu'il n'eût
dû prévoir; mais à cette époque, les
plus alï'reuses barbaries étaient trop
souvent exercées par les Esj)aguols ,
au nom d'une religion de paix. Le
caractère ambitieux et dillicile de
Pierre Navarre avaijL été plusieurs fois
obligé de plier sous la fermeté impé-
rieuse d'un vieillard, d'un prêtre,
qu'une volonté inflexible et l'amour
des soldats rendaient tout- puissant.
Il est probable cependant que ces
diiïicultés empêchèrent le cardinal de
pousser plus loin une entreprise si
étrangère au sacerdoce. Il revint en
Espagne à l'instant où Ferdinand ,
toujours plein de duplicité , écrivait
à Navarre de retenir le honhonnne en
Afrique, afin d'user sa personne
€t son argent. De grands honneurs
attendaient Ximenès dans sa patrie.
II entra en triomphe dans Alcala , se
faisant précéder par des esclaves et
des chameaux chargés des richesses
enlevées à Oran, et dont il offrit en-
suite au roi tout ce qu'il ne réserva
pas pour les églises et les bibliothè-
ques. Ce noble usage de la victoire
ne l'empêcha pas cependant de pour-
suivre le remboursement des avances
qu'il avait faites , avec une fermeté et
une persévérance qui confondirent
tous les artifices par lesquels Ferdi-
nand espérait éluder l'exécution de
SCS promesses. Mais la probité sévè-
re de Ximenès ne lui permettait d'em^
ployer les biens de l'Église qu'à de^
objets d'utilité publique. Les sommes
qui lui rentrèrent furent destinées à
l'établissement de greniers d'abon-
dance , qui , remplis à ses frais , du-*
rcnt à l'avenir préserver son diocèse
de tous les maux qu'entraînent les
cherlés et les disettes. Lorsque le roi
d'Aragon mourut, en i5i6, il nom^
ma, par son testament, le cardinal
d'Espagne régent du royaume dé
Castille pendant l'absenGe de son pe
til-(ils Charles d'Autriche. Le jeum
priuce était alors âgé dKî seize ans. I
confirma les pouvoirs du ministre
mais impatient de porter le titre d<
roi , il désira que les états de Castil"
le lui donnassent conjointement aveé
la reine sa mère , qu'une sombre mé
lancolie mettait hors d'état de pieiH
dre les rênes du gouvernement. Le
grands du royaume n'étaient poiii
disposés à cette condescendance. Xi
menés , dont les représentatioi
avaient été sans eflet sur le jeun
prince , craignit que l'opposition ne \
disposât défavorablement , et voyai
que la discussion traînait en longueul
il Ht proclamer Charles avant qu'e
le fût fermée. Tant que dura soi
pouvoir , il s'attacha toujours
abaisser l'orgueil de cette puissant
féodalité , dangereuse rivale des tro£
nés, dont elle était pourtant l'appu
Ce système , qui fut aussi , plus tare"
en France, celui de Richelieu , serai
ble lui avoir été enseigné par un m
nistre qui avec autant de hauteur
mais plus de droiture, autant de foi?
ce , mais plus de clémence , prépar
le règne de Charles - Quint , comm
le prélat français celui de Louis XH
Mais sans développer ici un para
lè!e, certainement honorable aU
vertus de Ximenès , et qui a fai
d'ailleurs le sujet d'un ouvrage c
XIM
les faits, constamment en rapport ,
laissent çiu lecteur toute la liberté du
jugement , il siiilit de montrer le ré-
gent de Castille réprimant les hautes
prétentions, confondant les intri-
gues , maintenant tout par la seule
force de son caractJ^re , et saisis-
sant l'instant où les députations de la
noblesse l'accusaient auprès du prin-
ce, pour demander un accroissement
presque illimité du pouvoir qu'il exer-
çait avec tant de plénitude et de hau-
teur. Jean d'Albret, qui avait cru le
temps d'une régence plus favorable
pour recouvrer la Navarre que lui
avaient enlevée les armes de Ferdi-
nand , fut défait dès l'ouverture de
la campagne. Les Génois , alarmés
pour leur commerce, désavouèrent
d'indiscrètes entreprises ; les habi-
tants de Malaga révoltés rentrèrent
dans le devoir ; et les grands , obligés
de plier, posèrent les armes qu'ils
avaient déjà prises. A tant de titres
à la reconnaissance publique et à celle
du prince , Ximenès en joignit un
encore, qui lui attira les bénédictions
du peuple; la reine Jeanne, que l'ou-
bli de tous et la négligence du roi,
son père, avaient laissée tomber dans
une sorte d'abrutissement , fut enfm
rendue par ses soin^ à une vie plus
honorable. Ghièvrc , qui de gouver-
neur de Gharles-Qiiint était devenu
son ministre dans les Pays-Bas,
cherchait à profiter du caractère de
Ximenès pour rejeter tout l'odieux
des actes de répression et de sévérité
sur un rival qu'il se proposait bien
■ de supplanter. Le cardinal sentait
mieux que personne la nécessité des
réformes ; mais il ne voulut pourtant
accepter ce ministère de rigueur qu'à
la condition d'y joindre une entière
liberté sur les dédommagements et les
grâces à accorder. Dès-lors les mesu-
res furent prises avec tant de sages-
XIM
4i3
se , et leur exécution fut accompa-
gnée de tant de ménagements , que
sans exciter trop de murmures, il
parvint à faire rentrer dans le do-
maine royal tout ce qui en avait été
aliéné. Les pensions aussi furent res-
treintes, beaucoup d'abus redressés ,
une grande partie des administra-
teurs changés j enfin les ordres reli-
gieux militaires , si forts de leur
union et du crédit de leurs membres ,
se virent obligés de restituer à la
couronne les droits qu'ils avaient
usurpés. Mais de si grands succès
éveillaient de plus en plus l'envie ;
Gharles-Quint, excité par un conseil
soupçonneux et jaloux, voulut ad-
joindre à Ximenès le doyen de Lou-
vain , son ancien précepteur , qui
dans la suite fut pape sous le nom
d'Adrien VI, et successivement deux
hommes habiles , le seigneur de la
Chaux {F. PoupET , XXXV , 555 )
et le hollandais Amerstofs. Lesunset
les autres furent reçus avec de grands
honneurs , introduits par le cardi-
nal lui-mcrae dans le conseil^ mais
ainsi que tous ceux qui en faisaient
partie, ils restèrent spectateurs d'une
autorité qu'ils venaient partager et
surveiller. Leurs efforts pour secouer
un joug, qui était appuyé par une
véritable siipériorité, sur la confiance
du peuple , et l'éloignement des Es-
pagnols pour toute domination étran-
gère, fiuTnt toujours inutiles. Une fois
en se hâtant de signer des dépêches ,
ils crurent forcer Ximenès à placer
son nom au-dessous des leurs. Mais
l'impérieux prélat ordonna froide-
ment de déchirer l'expédition , en fit
faire une autre qu'il signa seul , et
depuis il en usa toujours de même,
Gette hauteur de caractère bien pro-
pre à faire des ennemis au cardinal ,
ne l'était pas moins aussi à lui atta-
cher ceux dont il prenait la défense.
4i4 Xiivi
Le clergé castillan lui dut Texemp-
tioii d'un décime imposé par Léon
X, mais dont le prétexte, en sa
qualité de régent , ne lui parut pas
assez, fondé pour qu'il l'admît. Ce-
pendant comme chef suprême de
l'inquisilion , il soutenait en même
temps les droits de ce tribuna I terri-
ble , près d'im jeune prince ébranlé
par les plaintes des Juifs et des Mau-
res. Sa sévérité inflexible voulait la
justice ; mais, non content de soute-
nir les droits du trône et ceux du
peuple , il se croyait chargé selon
l'esprit du temps de venger encore
ceux de la Divinité. D'après les rele-
vés de Llorente , plus de cinquante
mille condamnations furent pronon-
cées pendant les onze années que
Ximenès exerça les fonctions de
grand-inquisiteur, et deux mille cinq
cents victimes périrent dans les flam-
mes. Cependant le même auteur dont
les témoignages favorables ne doivent
pas être suspects , assure que de con-
cert avec le cardinal de Mendoza et
l'évêque de Grenade , Ximenès s'é-
tait opposé à l'établissement de l'in-
quisition en Espagne. Il convient
encore qu'en étant devenu le chef
il destitua plusieurs inquisiteurs qui
avaient abusé de leur pouvoir ; qu'il
protégea l'innocence et fit des règle-
ments pleins de sagesse pour ralen-
tir l'activité du tribunal , et diminuer
le nombre de ses victimes. Le même
Llorente attribue à Ximenès un ma-
nuscrit conservé dans la bibliothèque
des études royales de Saint-Isidore à
Madrid. L'ouvrage dédié au prince
des Asturies, Charles d'Autriche , est
intitulé du Gouvernement des prin-
ces. On y traite , sous une forme al-
légorique, des différentes parties de
l'administration ; les abus de l'inqui-
sition , et particulièrement le secret
de ses procédures , y sont discutés
XIIM
avec beaucoup de sagesse ; et de
grandes réformes y sont proposées.
Quoi qu'il en soit, on ne saurait nier
que cette ame forte et hautaine ne
fût touchée de l'amour du bien ; on
peut croire même qu'elle s'ouvrait à
la pitié, témoin la grâce qu'il accor-
da rà quatre jeunes sei;;neurs, qu'il
avait réduits par la force, et qu'il
s'attacha par la reconnaissance. Mais
le parti flamand apportait des obs-
tacles à tous ses desseins ; les trésors
de la Castille , transportés cà Gand,
devenaient la proie des courtisanS;
du jeune prince ; et Ximenès , adres-
sant de continuelles réclamations ,
était l'objet contre lequel se diri-
geaient tous les efl'orts de la malveil-
lance et de rintrigue. En vain près- il
sait-il le roi de venir en Espagne ;1
la Flandre, à la veille de n'être plus
qu'une province de cette vaste mo-
narchie , retardait par tous lej
moyens le dcpart du souverain. Leî
intérêls de l'infant Ferdinand, jeun(
frère de Chailcs , et qui né en Es
pagne y était toujours demeuré
servaient sourdement de prétexte aui
intrigues des grands ; Germaine d
Foix , veuve en secondes noces du ro
d'Aragon , se montiiiit disposée à s
joindre à ce parti. Le cardinal
dont la prudence ne sVndormai
point, avait plusieurs fois déjoui
toutes ces menées. Il crut nécessair
de changer les officiers qui compo
saient la maison du jeune prince: se
vives réclamations, les p'aintes d
la cour , les menaces, tout fut sani
effet sur une détermination que h
sûreté de la couronne avait seul
dictée. Quelques seigneurs lui deman-
dant raison de ces actes d'autorité^
Ximenès les conduisit sur un balcon,
leur montra des détacliements de sa
garde, et après avoir ordonné une
décharge d'artillerie : « Voilà , dit-
XIM
il, la dernière raison des rois {Hœc
est ultima ratio regurn ). » Puis ,
remuant avec la main son cordon de
Tordre de Saint-François : v Cela me
sullit, ajouta-t-il , pour mettre à
la raison des sujets rebelles. »
Mais celui qui devait jouir du fruit
de tant de travaux, prévenu s.ms
cesse par tout ce qui l'entourait ,
et peut-être atteint d'une secrète ja-
lousie de pouvoir , ne vit jamais un
homme dont on avait trop de rai-
' sons de craindre l'ascendant. Déjà
attaque' d'un mal dont la source
e'tait attribuée au poison , Ximenès,
qui semblait ne survivre que pour
montrer jusqu'à quel point une ame
forte peutétre indépendante des souf-
frances du corps, s'était mis en route
pour al'er au-devant du roi ; enfin ,
débarqué en Espagne, arrêté par la
maladie , il insistait dans ses dépê-
ches pour que les seip;neurs flamands
fussentrcnvoyés dans leur pays avant
la tenue des états ; et cet avis décida
sa disgrâce. On ne voulut point at-
tendre que la mort éteignît ce flam-
beau ; il jetait un trop grand jour
sur les intérêts du prince. Charles-
Quint fit écrire à Ximenès qu'il était
temps qu'il allât prendre dans son
diocèse le repos dont il avait besoin.
On dit que, blessé de tant d'ingrati-
tude, et d'autant plus que la lettre
était écrite de la main d'un ami qui
lui devait son élévation, le cardinal
mourut peu d'heures après l'avoir
reçue. D'autres assurent qu'étant déjà
à l'extrémilé il ne put l'ouvrir , et
n'en connut jamais le contenu. Xime-
nès termina sa carrière le 8 nov. 1 5 1 -j
à l'âge de quatre vingt-un ans. Son
extérieur était noble , la sagesse et
l'élévation se montraient dans tout
son ensemble. « Il s'expliquait nette-
» ment et en peu de mots , dit Flé-
» chier y ne sortant jamais du sujet
XIM
4i5
» dont on lui parlait , et soit qu'il
» fût joyeux de quelque grande pros-
» périté , soit qu'il fût obligé de me-
» nacer et d'être en colère , il était
» toujours également précis et mé-
» nagé dans ses paroles. » Il a laissé
à douter, dit le même écrivain , s'il
avait le plus excellé dans la pénétra-
tion à saisir les affaires , ou dans le
courage à les entreprendre ; dans la
fermeté à les soutenir ou dans la
sagesse et le bonheur à les ache-
ver. On dit qu'au lit de mort Xi-
menès se rendait le témoignage de
n'avoir par passion vexé ni favori-
sé personne, de n'avoir surtout rien
détourné des trésors de l'église pour
des objets étrangers au bien public,
ou pour l'élévation de sa famille, à
laquelle dans la vérité il ne procura
que des établissements très-modérés.
Habitué de bonne heure à se vaincre
lui-même, il est peu d'hommes sur
qui la passion paraisse avoir eu
moins de prise. Dans un différend
très-vif qu'il eut avec le duc de l'In-
fantado, le chapelain de ce seigneur
vint de sa part accabler le cardinal
des injures et des menaces les plus ou-
trageantes : Ximenès, après avoirde-
man-lé à cet homme avec beaucoup
de sang-froid, s'il n'avait rien à ajou-
ter, lui dit de retourner vers son
maître, qu'il trouveraitbien honteux
de la commission qu'il lui avait don-
née , et, peu après, le duc passa en
effet de l'emportement à la plus en-
tière soumission. Dans tout ce qui
n'attaquait pas la foi, Ximenès épar-
gna toujours le sang. Il écrivait à
Charles -Quint, qu'il fallait regarder
les crimes des grands , lorsqu'ils en
témoignaient du repentir , comme
des occasions d'exercer sa clémence;
que ceux qui pouvaient troubler l'e'-
tat pouvaient aussi le servir , et que
l'orgueil étant le principe de leur
4i(>
XIM
faute il siifTisait que rbumilialiou
en fût le châtiment. Dans sa plus
haute fortune, le rogent de Gastille
suivit toujours la règle de Saint-Fran-
çois , sans que l'importance des af-
faires lui fît rien retrancher aux
heures destinées à la mëdilalion et à
la prière. On raconte qu'un cordelier
lui ayant reproche le luxe de ses ha-
bits , pour toute réponse , il lui mon-
tra que dessous il portait un cilice.
On donne aussi pour preuve de sa
simplicité y dans ses voyages , la re'-
ponse d'un muletier, qui, voulant
s'excuser de l'avoir fait attendre, dit
qu'il ne pouvait pas être aussitôt prêt
que Monseigneur , dont toute la toi-
lette consistait à secouer sa robe , et
à resserrer la corde qui l'attachait.
L'histoire du cardinal Ximencs fut
écrite en espagnol, par Gomcz de
Castro , à une époque où toutes les
particularités pouvaient encore être
recueillies des personnes qui avaient
vécu avec lui. Cet ouvrage, vérita-
ble monument de la reconnaissance
de l'université d'Âlcala , dont l'au-
teur faisait lui-même partie, pour-
rait être taxé de partialité , si les
faits consacrés par l'histoire ne par-
laient ouvertement; tous les témoigna-
ges sont uniformes , et ni le ressenti-
ment des intérêts blessés, ni les pré-
ventions de la philosophie n'ont pu
jamais reprocher à Ximenès qu'une
hauteur trop supeibe , une sévérité
qui est la suite ordinaire de l'austé-
rité des mœurs , et, dit-on, quelque
penchant à des superstitions qui ,
chez un tel homme, prouvent à un
point très -remarquable l'influence
de l'éducation et celle du siècle. Deux
écrivains français , Fléchier et Mar-
soUier , publièrent , à peu de distance
l'un de l'autre, l'histoire de cet ha-
bile ministre. Tous deux puisent aux
mêmes sources^ et s'éloignent peu
XIM
dans l'ordre des faits. Cependant la
supériorité du style ne distingue pas
seulement l'éloquent évêque de Nî-
mes : chez lui le principal personna-
ge est dessiné d'une manière plus fer-
me; ses lettres, ses propres expres-
sions souvent citées semblent l'offrir
lui-même au jugement du lecteur, et
le faire mieux connaître. Robertson ,
dans l'histoire de Charles- Quint,
trace avec habileté le caractère et la
vie de ce grand homme d'état. 11 est
à remarquer que la dissidence des
opinions religieuses ne l'empêche pas
de rendre aux vertus qui accompa-
gnèrent de si rares talents le même
témoignage que Fléchier. Leibnitz a
fait de Ximenès le plus magnifique
éloge, en disant que, si les grands
hommes pouvaient s'acheter , l'Es-
pagne n'aurait pas payé trop cher
par le sacrifice d'un de ses royau
mes, le bonheur d'avoir un parei:
ministre. M~s — n.
XIMENÈS (Pierre), né à Mid
delbourg , de parents portugais , ei
T 5 1 4 , ht ses études à l'université d^
Salaraanque, sous la protection d
l'évêque de cette ville qui était so:
parent , et voyagea ensuite pour so
instruction en Italie et en France. Il
séjourna quelque temps à Paris, e
se rendit à Louvain , puis à Liège,
oii il se livra avec beaucoup de suc
ces à l'étude des langues et delà thé
logie. Ce fut dans cette dernière vill
que, voulant réfuter les fausses doc-
trines qui agitaient alors toute l'Euro-
pe, il commença son excellent traité
intitulé : Démonstratif catholicœ
veritatis. Il acheva cet ouvrage à
Cologne , où les troubles des Pays-
Bas l'avaient obligé de se réfugier ,
et l'ayant fait imprimer il l'envoya
à Liévin Torrentius, évêque d'An-
vers. Cet habile théologien mourut
en iSgS. — Ximenès ( Joseph-
i
XI M
Albert ) , espagnol , ne , en 1 7 1 g ,
d'une famille noble , se iit car-
me en 1734 , et fut professeur
de théologie. Il se distingua par
ses talents pour la prédication ;
devint théologien du nonce en Espa-
gne , et après avoir rempli diflércnts
emplois dans son ordre , en fut nom-
mé prieur-général en 1768, et mou-
rut dans CCS fondions en 1774- ^» '"i
doit les deux derniers volumes du
Sullaire des Carmes , in-fol. , où il
a inséré les brefs et les bu'lles qui
concernent cet ordre. Z.
XI M EN ES ( Jacques ) , poète es-
pagnol , né vers le milieu du seiziè-
me siècle , à Arcos de la Frontera
dans l'yXndalousie^ fit imprimer, en
1579 , à Alcala de Hénarès, un
poème héroïque en langue espagnole,
sur les expéditions de V invincible
cavalier le Cid rity Dias de Bivar
ou Fibar, vol. in-4^-, dédié au duc
d'Albe, sous qui l'auteur avait fait
la guerre des Pays-Bas. Suivant
Baillet et Rapin , cet ouvrage est une
très- mauvaise imitation de poème
e'pique. Jacques Xi menés a encore
fait imprimer, en 166g, un volume
de Sonnets, qui sont également ou-
bliés. — XimenÈs {François), pein-
tre, naquit à Saragosse en i5g8,
apprit les principes de la peinture fa
Espagne , et se rendit à Rome, pour
étudier les ouvrages des grands maî-
tres de l'art. C'est là qu'en appro-
priant à son talent ce que chacun
avait de plus remarquable , il par-
vint à se faire une manière qui était
pour ainsi dire l'extrait des dilFcrents
genres qu'il avait étudiés. De retour
dans sa patrie, Ximenès mit en pra-
tique les grandes leçons qu'il avait
été puiser en Italie. Les plus beaux
nionuments de Saragosse furent en-
richis de ses ouvrages. Il est facile
ie reconnaître, en voyant ses ta-
LI.
XIM
417
bleaux , à quelle école il s^est formé j
ils ont tout l'appareil des grandes
machines italiennes, et la simplicité
des compositions espagnoles. 11 y a
quelque analogie entre ses tableaux
et ceux de Lebrun j tous deux pei-
gnent avec une espèce de magni-
ticence qui leur est partictdière.
On voit dans la chapelle de Saint-
Pierre de Saragosse trois composi-
tions de Ximenès , dont chacune a
plus de quarante pieds; elles sont si
h'ian remplies par le sujet qu'elles re-
présentent, que la grandeur du ca-
dre ne s'y fait sentir que par l'admi-
ration qu'inspire le pinceau qui a su
l'animer de tant de vie, d'éclat et de
noblesse. Les petits tableaux de Xi-
menès ne sont pas moins estimés en
Espagne , que ses grands ouvrages
d'apparat. Ce peintre mourut à Sa-
ragosse en 1666. A — s.
XIMENÈS DECARMONA
(François), médecin espagnol, né
vers la fin du seizième siècle à Cor-
doue , acheva ses études à l'uni-
versité de Sala manque , et après y
avoir reçu le degré de docteur fut
pourvu de la chaire d'anatomie qu'il
remplit avec distinction. Il pratiqua
depuis la médecine à Séville avec
beaucoup de succès. On lui doit un
ouvrage très - curieux , intitulé :
Tratado de la grande excelencia
de la a^ua f de sus maravillus j vir-
tudes , calidades , y' eleccion jj- del
buen uso de enjricar con nieve , Sé-
ville, 1616, in-4^- C'est le sujet traité
par Macquart ( V. ce nom, XXVI ,
76), dans le Manuel sur les pro-
priétés de l'eau dans Vart de gué-
rir ; mais le médecin français n'a
pas pu profiter des remarques du
docteur espagnol, puisqu'il n'a point
connu son ouvrage. La ])lupart des
biographes attribuent encore à Xi-
menès de Carmona : Quatro ïibros
27
4i8 XIM
de la naturaleza de las plantas j
animales que csian recehidos en el
uso de la medecina en la Nueva Es
■pana y Mexico, i6i5.^ iii-4". C'est
une traduction du latin de Fr. Her-
naudez ( Voj. ce nom^ XX , '268 ; :
le traducteur est le père François
XiMENÈs,cordelier et missionnaire au
Mexique , où il mourut vers 1620,
laissant en manuscrit une Gram-
maire et un Dictionnaire de la lan-
gue des naturels du pays. Les mêmes
biographes ont encore confondu le
médecin de Cordoue , avec un autre
de ses homonymes François Xime-
]yÈs GuiLLEN , médecin à Sévillevers
la jQn du seizième siècle. On doit à
cekii-ci une dissertation indtnlée :
Quid sit per sapientiam mori apud
Pliniiim ^ in-4°. , et quelques autres
opuscules en réponse à son confrère
JeandeLema. — X imen Es (/ero me),
médecin , était né dans le seizième
siècle à Épila, bourg de l'Aragon,
et pratiqua son art avec succès à
Saragosse. Il est auteur des deux ou-
vrages suivants : Institutionum me-
dicarum lihri iv , Tolède , 1 583 ,
in-fol.j Épila, iSgô, in-4''. Quœs-
tiones me2?icce , Epila , in-fol. W-s.
XïMENÈS ( Léonard ) , célèbre
géomètre et astronome, naquit le 27
décembre 1 7 16 , à Trapani , dans la
Sicile, de parents nobles _, originaires
d'Espagne. Dès sa plus tendre en-
fance , il montra des dispositions
étonnantes pour l'étude , et en même
temps un grand éloigncment pour les
vanités du monde. A quinze ans, il
embrassa la règle de saint Ignace ;
mais après avoir terminé son novi-
ciat, et professé quelque temps la
rhétorique et la philosophie , il sol-
licita de ses supérieurs la permission
de passer en Italie, où il devait trou-
ver toutes les ressources nécessaires
pour perfectionner ses connaissances
XIM
et en acquérir de nouvelles. Chargé
d'abord d'enseigner les belles-lettres
à Florence et à Sienne , il alla ensuite
à Home faire son cours de théologie
au collège de la Sapience. 11 venait
de l'achever , lorsque le marquis
Vinc. Riccardi , genlihomme floren-
tin, ayant demandé au provincial des
Jésuites un sujet pour enseigner les
mathématiques à ses enfants , on lui
accorda le P. Ximenès.Dans ce non-
veau poste , il sut profiter de ses
loisirs pour se livrer avec ardeur^
l'étude des sciences ; et , aidé des cofl
seils de quelques-uns de ses confrè-
res , il fit de rapides progrès dans la
géographie et les hautes mathémati-
ques. Quelques opuscules qu'il pub'ia
vers le même temps , l'ayant fait
connaître de la manière la plus avan-
tageuse , il obtint , avec le titre de
mathématicien de l'empereur , la
chaire de géogra})hie à l'académie
de Florence. Les ravages causés par
le débordement du P6 et du Reno ,
sujets continuels de contestations ei
tre les divers états de la Basse-Itaîi
fournirent bientôt au P. Ximeu
l'occasion de signaler ses talents pc
riiydraulique.il fut choisi par l'ei
pereur pour régler les difficultés
s'étaient élevées entre la Toscane
\\ ré])ublique de Lucques , dont le
commissaire était le P. Boscovich(^^.
ce nom ) ; et il s'acquitta de cette tâ-
che avec tant de zèle j les moyens
qu'il indiqua pour prévenir de nou-
veaux débordements furent jugés si
supérieurs à tous ceux qu'on avait
employés jusqu'alors, que depuis on
n'agita dans l'Italie aucune question
d'hydraulique sans la lui soumettre.
11 n'est pas en Italie un seul état qoêa
n'ait eu recours aux lumières dull
Ximenès , et qui n'ait pu s'applanl-
dir d'avoir suivi ses conseils. 11 fut
consulté par la cour de Rome si
XIM
moyens de dessécher les marais Pon-
tins , et de régulariser le cours des
fleuves dans le Bolonais ; par les Vé-
nitiens, au sujet des dégâts causés
par la Brenta- par les Lucquois , sur
le lac Sextus ou Bicntina ^ par les
Génois , sur des af{ueducs à cons-
truire, des routes à percer, et d'au-
tres objets importants. Mais les tra-
vaux qu'il a fait exécuter en Toscane
suffisent pour lui assurer une répu-
tation immortelle. Il serait trop long
de rappeler ici tous les plans et les
projets dressés par le P. Ximenès ,
tous les travaux entrepris sous sa di-
rection^ et achevés par les ordres du
grand-duc Léopold. Il suilira de citer
le Fal de la Chiusa y la Maremme
de Sienne , et la route de Pistoie.
Les obstacles sans nombre qu'il ren-
contra dans l'exécution de ces beaux
ouvrages ne servirent qu'à montrer
la puissance et le triomphe de l'art.
Le seid pont de Sestajone , jeté
sur des précipices horribles , entre
des montagnes désertes, égale les
plus superbes monuments des Grecs
et des Romains. Quoique occupé pres-
que sans relâche par les travaux dont
on vient de parler , le P. Ximenès
trouva cependant le loisir de faire
une foule d'observations astrono-
miques importantes , et de publier
un grand nombre d'écrits très -esti-
més. Il était fréquemment consulté
par les savants ainsi que par les aca-
démies qui s'étaient empressées de
se l'associer ; et telle était son acti-
vite presque incroyable, qu'il ne lais-
sa jamais aucune lettre sans réponse.
Il consacra les traitements qu'il re-
cevait de ses divers emplois, et les
revenus de son patrimoine , à déco-
rer !a ville de Florence d'un des plus
beaux monuments qu'rlle possède
pour les sciences. C'est l'observatoire
AeSan Giovannino ^ fameux surtout
XIM
419
par son grand cadran mural , et par
le gnomon de Paul Toscanelli {Voy.
ce nom, XLVI , 3o3 ), ç^we le P.
Ximenès y rétablit; il y joignit une
bibliothèque choisie , et un grand
nombre d'instruments de mathéma-
tiques. Enfin , après une vie dont
tout le cours avait été rempli par la
pratique des vertus chrétiennes y et
par l'exercice des plus nobles talents,
il mourut d'apoplexie, à Florence, le
3 mai 1786, à l'âge de soixante-dix:
ans. Par son testament ^ il fonda
deux chaires , l'une d'astronomie et
l'autre d'hydraulique , qui devaient
être remplies par deux religieux Pia-
ristes auxquels il léguait sa biblio-
thèque et son cabinet , sous la con-
dition de les remettre aux Jésuites ,
s'ils étaient rétablis en Toscane. Il
laissa tous ses manuscrits au sénateur
J.-B. Nelli, qui possédait déjà ceux
de Galilée et de plusieurs autres sa-
vants dont la Toscane s'honore à
juste litre. Le P. Ximenès s'était
composé cette épitaphe :
Qui didici astioruinqite -vias , unlnsque Jliienles ,
Hoc cinis exiguus nunc jaceo in lumuto .-
Parte lamen meliore met super astra vocatus
Gralulor ceUrni Numinis orefrui.
A beaucoup d'érudition , il joignait
le talent de mettre ses découvertes à
la portée des intelligences les plus
vulgaires. Toujours clair, précis et
méthodique, il parlait avec éloquen-
ce et captivait l'attention de ses au-
diteurs. Placé dans un poste impor-
tant , il ne pouvait manquer d'en-
vieux , mais il compta parmi ses amis
les hommes les plus distingués de
son temps. Son noble désintéresse-
ment, sa prodigieuse activité, la
constance avec laquelle il poursuivit
l'exécution des projets qu'il avait
conçus pour l'utilité publique , lui
assurent une place parmi les plus
grands hommes de l'Italie au dix-
huitième siècle. Il était associé des
27..
4^,0 XI M
académies des sciences de Paris et de
Petersbonr^ , et membre de celles
de Ye'roneet de Sienne. Ses ouvrages
sont : ï. Osscjvazione delV aurora
boréale del dl 3 fehhrajo \']^o ,
a cui s'aggiiigne lo sciogUmento
d'un nuovo problemaper calcolarne
le distanze y secundo Vipotesi del
Mayer , etc. — Osservazione delV
aurora boréale comparsa la notte
del dï 26 agosto 1756. Ces deux
observations ont été pubbees dans
la première Décade des Symbol,
Litterar. de Gori. II. Notizia de'
tempi , de' principali fenomcni del
cielo nuovainente calcolati , etc. ^
Florence, 1751 , in-80. Cet ouvrage,
fait sur le plan des Ephémérides , a
été continue pour les années 17 52 et
1753. III. Prhni elementi délia
geometria piana , Venise _, 1751 ,
in-8*^. IV. Dissertazione meccanica
di due stromenti che posson servire
alla giusla stima del viaggio ma-
ritimo , e délia velocità delV acque
e de' venti , Florence, 1752. V.
Disserlatio de maris œstu ^ acprœ-
sertim de viribus lunœ solisque
mare moventibus , ibid. , 1755 , in-
4". de 58 pag. VI. Del vecchio e
nuovo gnomone fiorentino , e délie
osservazioni astronomiche , etc. ^
faite nelverificarne la coiistruzionc
lib. IF, ibid. , 1757 , grand in-4". ,
fig. Cet ouvrage, précède d'une his-
toire de l'astronomie en Toscane ,
et rempli d'observations curieuses
sur l'astronomie^ la physique et l'ar-
chitecture , acquit à Ximenès une
grande réputation. VU. Ossen^a-
zionedelpassagio di Venere sotto il
disco solare , accaduto la matina
del dï 6 giugno 1 76 1 , ibid. , iu-4''.
de 8 p. VIll. Dissertazione intor-
no aile osservazioni solstiziali del
1775 , Livourne , 1776 , in-4'\ de
127 pag. Dans cet ouvrage il a
XIM
corrigé et perfectionné son traité !)<?/_
vecchio gnomone , auquel on doit
le réunir. « L'auteur, dit Lalande
trouve la diminution séculaire de l'o-
bliquité de l'écliplique d'environ 35^'
au lieu de 5o'' que supposaient ]i
plupart des astronomes ; et j<
crois que son résultat est plus vrai-
semblable. » Bibliog. astronomiq .
55 1. IX. Nuowe sperienze idrau-
liche Jatte ne' canali e ne' fîu-
miper verificarne le principali leg-
gi e fenomcni delV acque corren
ti , Sienne , 1780, in-4". Cet ou-
vrage est très - estimé. X. i?/5^ref^c
delV osserwazione delV ecclissi so-
lare del dï «7 octobre 1781 ^Ro-
me , in-4°. de 8 p.ng. , iuséré dans le
Journa des savants , mars 1782
i85. XT. Teoria e pratica délie
resistenze de' solidi ne' loroattriti
Pise et Florence, 1782, 2 vol. in-
4°. XII. Raccolta di perizie et
opuscoli idraulici^ etc. , Florence
1781-86, 2 vol. 'm-f\^. Ce granc
ouvrage^ enrichi d'un grand nom-
bre de planches , devait formel
six volumes dont le dernier aurai
contenu un dictionnaire hydrauli-
que ; mais l'auteur n'a pas donn(
suite à ce projet. On trouve encor<
divers opuscules de Ximenès dani
les journaux scientifiques , et danj
les Mémoires des académies dont il
était membre , principalement de
Vérone et de Sienne. Les ouvrages
que l'on peut consulter sur ce grand
mathématicien sont: 1*^. son Eloge
par l'abbé Louis Brenna , dans le'
Giornale di Pisa , lxiv , 91 ; 2^.
un autre Eloge par Palcani dans
les Memorie délia società ital. , Vé-
rone, 1790; réimprimé séparément,
Bologne, 179» ; cl Nuov. Dizioni
istorico , Bassano , 179G , et enfii
le Supplem. Bibl. soc. Jesu , par h
P. Caballero , 284-86. W— s.
XIM
XI MENÉS ( Augustin -Marie,
marquis de ) , mort eu 1817, doyen
des colonels et des poètes français,
naquit à Paris ^ le 26 février 1726 ,
d'une ancienne famille originaire
d'Espagne. Joseph , comte de Xiuie-
nés (1), son a'ieul, entra au service
de France en 1657 , et mourut lieu-
tenanl-ge'nëral des armées du roi , en
1706. Il eut deux fils, dont l'aîne
fut tue à Oudenarde , en 1 708 , à la
tête de son régiment : le plus jeune,
Augustin, marquis de Ximenès , se
distingua à Oudenarde, à Malpla-
quet, à Denain, fut nomme maré-
chal de camp en 1734 , fit, comme
maréchal-general-des-logis, les cam-
pagnes de 1733, 1734 et 1735 à
Tarmée du Rhin . et mourut en 1 746,
à Vblin en Bohême. Le fils de ce
Lrave oillcier, Augustin- Marie, sui-
vit d'abord , comme ses aïeux , la
carrière des armes ; il se distingua
il Fonlenoi , sous les yeux du ma-
réchal de Saxe, dont il était aide-
de-camp , et parvint au grade de
mcstre-de-camp ; mais dès que la
mort de son père lui permit de se
livrer à ses goûts d'indépendan-
ce, il quitta le service sans avoir
obtenu la croix de Saint-Louis , et
devint un poète médiocre, un habi-
tué de coulisses, de cafés et d'aca-
démies : c'était un triste lot pour un
homme qui avait la perspective assu-
rée de devenir oiïicier- général. Il n'é-
tait cependantdoué d'aucundes avan-
tages qui constituent l'homme à bon-
nes fortunes : il avait au contraireen
partage les désagréments de la lai-
deur et de la malpropreté portés au
dernier point. C'est à Ximenès, in-
décis sur la manière dont il ferait
mourir un de ses héros tragiques ,
([ue le comte de Thiars dit en se bou-
i) On pi-QKunce Cbiuiène.
XIM 421
chant le nez: a Je le sais bien , moi:
» vous l'empoisonnerez. » Ximenès
avait la manie dujeu des échecs, com-
me celle des vers ; et c'est ainsi qu'avec
delà naissance, de la fortune, avec
une véritable instruction et un goût
bttéraire très-pur, il ne fut jamais
qu'un personnage ridicule. Après
s'être ruiné avec des comédiennes, il
voulut réparer les brèches de sa
fortune par un mariage d'argent. Il
se mésallia et n'eut pas l'esprit de
s'enrichir ( avril 1 76H ). Celle qu'il
épousa était la fille d'un Lyonnais,
nommé Jourdan, auteur de quelques
romans peu connus. La marquise de
Ximenès se prétendait parente de
M. Berthier de Sauvigny , qui n'é-
tait pas au reste d'une extraction
bien relevée. Avant ce mariage,
Ximenès avait songé à profiter de
l'alïection que lui témoignait Vol-
taire, pour épouser Mn^e. Denis, la
nièce de ce grand poète , dont il con-
voitait la succession ; mais elle eut
le bon esprit d'échapper à ce péril !
Les liaisons de Ximenès avec M^l^.
Clairon , qui finit par se moquer de
hâ, le couvrirent d'un nouveau ridi-
cule; et si l'on en croit Voltaire
( Lettre à d'Argental ) , le marquis
eut trois rendez-vous avec l'actrice ,
perdit partie, revanche et le tout,
Ses relations avec l'auteur de la
Henriade ne laissaient pas cepen-
dant de lui donner quelque relief. Par
une espèce d'adoption très-honora-
ble , Voltaire fit insérer plusieurs
fois dans ses éditions des vers du
marquis ; et les éloges qu'il lui pro-
digiia furent quelquefois mérités. En
1760, Ximenès présenta au concours
de l'académie un discours où Toa
trouve ces vers, que Voltaire lui-mê-
me n'aurait pas désavoués :
H est des rois sans force et nés dans l'indolente,
Que la mollesse endort, que l'intérêt encense.
Tl
XIM
Taiitôuies élevés sur un liùrifi avili,
il.s passent c-omme nu songe, et tombcut dans
l'oubli.
Sous ces règnes de denil , le mérite inutile
Languit, découragé, dans un obscur asile;
Et des hommes divins y vivent méconnus,
Mais laissent eu mourant un nom qui ne meurt
plus.
Illustres malheureux ! vos ombres consolées
Abandonnent aux rois l'orgueil des mausolées;
i.a mort y foule aux pieds le faste qui les suit :
Votre empire commence oii leur règne finit.
« Je conserve votre poème , qui me-
» ritait le prix , écrivait Voltaire à
» Ximenès ; c'est le sort des Xime-
» Iles d'être vengés de l'académie par
» le public (2). » En i "^52 , le mar-
quis osa briguer les palmes dramati-
ques. Sa tm^édie à' Epicharis y don-
née sur le Théâtre-Français , n'eut
qu'une représentation. Le comte du
Luc, ami de l'auteur, mais qui per-
dait rarement l'occasion d'un bon
mot , applaudissait de toute sa force
au milieu des huées générales. Quel-
qu'un lui en témoignant sa surprise :
« Moi , Messieurs _, dit-il , je suis
très-content , je n'en attendais pas
tant du marquis. » Voltaire cepen-
dant n'avait pas conçu une si mau-
vaise idée de cette tragédie, dans
laquelle il trouvait de beaux vers.
Avant cette malencontreuse épreu-
ve, Ximenès avait déclaré que si
sa pièce réussissait il n'en ferait
point d'autre • mais que si elle n'ob-
tenait pas de succès il tâcherait de
mieux faire une seconde fois. 11 don-
na donc, dès l'année suivante, Don
Carlos y tragédie, qui, sans être
meilleure que la première, eut plus
de succès. Le style a du naturel ,
mais il est sans force. On en peut ju-
ger par celte faible imitation d'un
des plus beaux vers de Virgile ;
Ilaud igjiara mali , miseris succur-
rere disco :
Les cccurs des malheureux n'eu sont que plus
sensibles.
^) Ailuiiion i) la CLinùuG du CiJ.
XIM
^on Carlos fut joué sur le thëât
de Lyon en 1761. Amalazonte
représentée au théâtre de la cour ei
1754 , avait suivi de près Don CaA
los. Ximenès fit cette troisième fois
encore moins bien que la seconde.
Les épigrammes et les bons mots ne
tarissaient ni sur l'auteur , ni sur ses
tragédies. On fit au sujet de la pre-
mière et de la dernière cette épi
gramme imitée de Boileau :
Après Epicharis
Les ris ;
Après Amalazonte
La honte.
Ces différentes pièces ont été impri-
mées j et quelques scènes peuvent s^
lire avec plaisir. La versification est
de la bonne école. Malheureusemenl
l'auteur , qui avait bien lu nos grands
poètes , consultait trop sa mérnoire eij
composant. Un jour qu'il lisait uiM
de ses tragédies à l'abbé de Voisenon,
celui-ci , copiant une des plaisanterie
de Piron , se levait à tout instant pou
faire une profonde révérence. A qi
diable en ai^ez - vous y avec toute;
vos salutations! lui dit à la fin I
poète impatienté. — Encore faut-i
être poli y repartit l'abbé , et salue]
les gens de sa connaissance quani
ils passent. Aguerri contre les trait
de la satire , Ximenès se prêtait ai
bonne grâce à la raillerie; mais il ne
laissait pas, quand il voulait s'en
donner la peine, de repousser les
agressions avec d'heureuses reparties
On lui avait un jour emprunté sa pe
titc maison pour une partie de plai-
sir : on craignit qu'il ne voulût en
être y et l'on cherchait différentes
tournures pour lui donner à entendi
qu'il fallait faire les choses au mieul
et n'y pas venir. Après avoir joi
quelque temps de l'embarras avec 1(
quel on lui faisait ces insinuations,
dit enfin : Soyez tranquilles , Mes\
sieurs^ j'use de ma petite mai soi
XIM
comme de ma petite loge à V Opé-
ra ; je n'y vais que quand les bons
acteurs jouent. 11 serait trop long et
assurément fort peu intéressant de
suivre Xiinenès dans la foule d'infri-
f;ues dramatiques et de querelles lit-
icraires auxquelles il prit part dans
sa longue carrière. Ceux qui sont
curieux de ce genre d'anecdotes
lieuvent consulter surtout les Mé-
moires de Bachaumont. La cor-
respondance de Voltaire nous ap-
prend qu'avant que d'Argental fût
chargé de ce soin , Ximencs voulut
aussi se mêler de protéger les pro-
ductions de ce grand poète , bien que
celui - ci ne l'en priât nullement.
Lors des obstacles qu'éprouva la
représentation des Guèbres , il se
porta d'oiïice l'avocat de cette
tragédie auprès de l'autorité. Ses
démarches indiscrètes déplurent ;
et Voltaire fut obligé de les désa-
vouer. « S'il était permis de vous par-
» 1er sérieusement , écrivait-il au duc
» de Richelieu, je vous dirais que je
« n'ai jamais chargé M. de Ximenès
» de vous parler des Guèbres ni de
)) vous les présenter. Il a pris tout cela
» sous son bonnet, qui ne vaut pas
» celui du cardinal de Ximenès , dont
») il prétend pourtant descendre en
» ligne droite. Je lui suis très-obligé
» d'aimer les Guèbres; mais je ne
» l'ai assurément chargé de rien. »
Ximenès n'avait pas été ainsi désa-
voué lorsque , se faisant l'instrument
des animosités de Voltaire , il s'était
déchaîné contre J .-J. Rousseau , dans
quatre Lettres en prose sur la Nou-
velle. Héldise (1761). Le patriarche
de Ferney lui en sut au contraire un
gré infini. « Il (Rousseau) ne mé-
)> rite pas le mépris dont M. de Xi-
» menés daigne l'accabler » (Lettre à
Daniilaville , i']6i). — « M. le
» marquis de Ximencs , ajoutait - il
XIM
423
» dans une autre lettre au même, a
» daigné s'abaisser jusqu'à couvrir
» de ridicule son ennuyeux et imper-
» tincnt roman. » On a peine à con-
cevoir aujourd'hui le langage inju-
rieux de Voltaire envers Rousseau
qui , malgré les torts qu'on peut lui
reprocher, n'en est pas moins un
grand écrivain. L'auteur à'Epi-
charis était destiné à survivre de
près d'un demi - siècle à l'espè-
ce de célébrité que lui avaient va-
lue ses tragédies et quelques pièces
de vers assez bien tournées , dont le
principal mérite était celui de la
circonstance. Lui-même porta un
coup mortel à sa petite renommée
littéraire, en réunissant dans un vo-
lume, sous le titre A' OEuvres , tou-
tes les études , tous les essais poéti-
ques de sa j eunesse ( 1 7 72). On y trou-
ve quelques héroïdes et plusieurs mor-
ceaux de l'Iliade traduits en vers
alexandrins. Vingt ans après, Xime-
nès donna un nouveau recueil de ses
poésies , sous le titre de Codicille
d'un vieillard ( 1 79^2 ) ; et sa renom-
mée poétique n'y gagna pas davan-
tage. Il vivait alors dans l'obs-
curité, fréquentant toujours, mais
seulement encore comme amateur
de l'art , car il était très - pauvre ,
les actrices et les beaux - esprits
du dernier ordre; passant ses jour-
nées à jouer aux échecs au café de la
Régence, et ses soirées au balcon dans
les foyers des spectacles , où il avait
ses entrées. De temps en temps il pu-
bliait quelques articles dans le Jour-
nal de Paris ;«t ses petits vers étaient
toujours au service de la circons-
tance. Il se montra partisan de la
révolution, mais avec désintéresse-
ment et sans fanatisme. Il ne prit
aucune part aux événements, et ne
remplit aucune fonction publique. Au
temps de Robespierre, il n'échappa
XIM
à la persécution qu'en prenant la
qualité de doyen des poètes sans-cu-
lottes. Il fut aussi le poète des llieo-
pliilantropes. Quand le pouvoir de
Napoléon remplaça les gouverne-
ments révolutionnaires, la muse sep-
tuagénaire de Ximcnès lui inspira
quelques vers bien louangeurs, qui
lui valurent une pension. Il en fut de
même au rétablissement des Bour-
bons, en i8i4- Du reste, ces varia-
tions étaient sans conséquence. En
politique il était toujours de l'avis
de toui le monde. Apres la restaura-
tion, il fut décoré de la croix de Saint-
Louis (iHiCi). Il avait alors quatre-
vingt-onze ans; ce qui fit dire que, le
jour de sa réception, il était à-la-fois
le plus jeune et le plus vieux des che-
valiers de cet ordre. 11 était en outre
alors le doyen des chevaliers de Mal-
te. Le 1 1 mai de l'année suivante, il
lit des vers sur le soixante-douzième
anniveisaire de la bataille de Fonte-
noi , et mourut vingt jours après,
dans la quatre-vingt-douzième an-
née de son âge , après avoir reçu
les secours de la religion. On a
du marquis de Xiraenès , outre les
tragédies dont on vient de parler :
I. Essai de quelques genres d'wers
de poésie, 17.., in - 8^. IL Les
Lettres ont autant contribué à la
gloire de Louis XIV qu'il avait con-
tribué à leurs progrès, poème, i -- 5o.
III. Ode sur l'inoculation , 1756.
IV. César au sénat romain , poème,
17 59. V. Lettres portugaises , en
vers ( publiées sous le nom de M^^«.
Dol*** ) , Lisljonne ( Paris ) , 1 709 ;
réimprimées à Francfort-sur-le-Mein,
en 1760, à la suite des Quatre par-
ties du jour de l'abbé de Bernis.
C'est une imitation en vers de la pre-
mière et de la quatrième des fameu-
ses Lettres d'une religieuse portugai-
se à un oflicier français ( F". Guil-
XIM
LERAGUES , SUBLIGNY ). VI. PoèmC
sur VJmour des lettres, 1771. VII.
Discours en vers, à la louange de
Voltaire, suivi de quelques autres
Poésies , et précédé d'une Lettre à
l'auteur , 1 784 , in - 8°. VIII. Mon
Testament , en vers et en prose ,
Bouillon et Paris, 1787. Les opus-
cules de Ximenès en prose sont^
outreles Lettres sur la Nouvelle Héloï-
se, 1°. Lettre sur Oreste , 1748;
2<>. Lettre à J. - J. Rousseau sur
l'effet moral du théâtre, 17585
3». De l'influeTice de Boileau
sur son siècle ^ 1786. Il y avait
quelque mérite à faire l'éloge de^
Boileau , à cette époque , où , suivant
l'exemple de Marmontel , tant d'é-
crivains se faisaient un jeu de déni-
grer le législateur du Parnasse. Aussi
le clievalier de Cubières adressa à^
Ximenès une lettre dirigée contre
Boileau , et qui est un monument dé
délire et d'audace. Ximenès préten-
dait savoir tous les vers de la langue
française , et surtout des pièces de
théâtre. Sa mémoire en eflét était
prodigieuse. M"^*^. Denis, pour l'em-
barrasser , composa sur-le-champ
un vers , et lui demanda dans quelle
pièce il se trouvait : Dans la Cher'
cheuse d'esprit^ lui dit Ximenès. 11
avait eu, en 1772, le désir d'être
de l'académie française; et il se con-
sola facilement de n'avoir pas réussi.
Palissot^ dans ses Mémoires litté-
raires , cite, à cette occasion, des
vers très-piquants que Ximenès fit
sur sa mésaventure. On lui a attribué
faussement le Fojage autour de ma
chambre de M. de Mestre ( P^. de
Mestre , au Supplément). D-r-r.
XIMENO ( VicENTE ), savant
biographe, était né vers la fm à\i
dix-septième siècle , à Valence , ca-
pitale du royaume de ce nom , d'une
famille honorable. Ayant achevé ses
études avec succès y il embrassa l'é-
tat ecclésiastique , se fit recevoir doc-
teur en théologie, et fut pourvu d'un
Le'nelice de la cathédrale, qui lui
donnait rang parmi les chanoines.
Son goût pour les lettres et pour les
recherches d'histoire lui valut , avec
l'amitié de ses compatriotes les plus
distingues, tels que Gregor. Majano
et le P. Buriel , une place à l'acadé-
mie de Valence. Le P. Jos. Rodii-
guez, religieux trinitaire, avait laissé
une Bibliothèque de Valence ( Bi-
hliolhcca valentina ) ,. dont l'im-
pression était commencée lorsqu'il
mourut en l'^oS. Depuis cette épo-
que, ses confrères refusaient obsti-
nément de faire paraître un ouvrage
qui devait ajouter à l'illustration du
pays. D. Vicente, cédant aux instan-
ces de ses amis , résolut de dédom-
mager les savants de la privation
que leur imposait le caprice de quel-
ques moines , en publiant une histoi-
re littéraire du royaume de Valence.
Il employa quatorze ans à visiter les
archives des chapitres et des ab-
bayes, pour recueillir les matériaux
qui lui étaient nécessaires , et , aidé
des recherches du P. Rodriguez , il fit
paraître enfin son travail sous ce ti-
tre : Escritores del regno de Fa-
lencia , chrojiologicanieiite ordena-
dosdesde el anno i '238 de la chris-
iiana coîiquista de la misma ciu-
dad liasta el de 1747» Valence,
1747-49? ^ vol. in-fol. En têle du
premier volume est une dissertation
sur l'état des lettres dans le royau*
me de Valence, sous les Romains,
les Goths et les Maures. Vient en-
suite la notice chronologique des
écrivains depuis la conquête de ce
royaume sur les Arabes, par Jayme
ou Jacques , roi d'Aragon , dit le
Conquérant {F. ce nom , XXI, l^i'i).
Parmi leurs ouvrages , l'auteur a
XIP 425
soin de distinguer les manuscrits de
ceux qui sont imprimés, dont il in-
dique les dilïérentes éditions, le nom-
bre de volumes et le format. Plusieurs
points d'hisJoire littéraire y sont dis-
cutés avec beaucoup d'érudition et
une critique judicieuse. Les Escrito-
res de Falcfici a ïoi ment une histoire
complète de la littérature de ce royau-
me, et méritent d'être placés dans
les cabinets des curieux à côté de la
JSibl. hispana de Kicol. Antonio
( Foy. ce nom ) , dont ils sont le
complément nécessaire et presque in-
dispensable. Cet ouvrage est assez
rare en France. On en trouve deux
extraits intéressants dans les Mé-
moires de Trévoux f 1750, 11 , ^3o-
57 , et 1040-57. W — s.
XIPHILÏN (Jean), patriarche
de Constantiuople, était d'une illus-
tre famille de ïrébizonde. Sa nais-
sance l'appelait à siéger un jour par-
mi les sénateurs j mais désabusé
prompteracntdes vanités du monde,
il embrassa la vie monastique, et se
retira dans une des solitudes du mont
Olympe , résolu d'y passer le reste de
ses jours entre la prière et l'étude.
Cependant après la mort de Lichude^
en io()G, il fut élu son successeur
sur le siège de Constautinople. Forcé
de céder aux vœux du peuple et du
clergé, il gouverna pendant douze
ans l'Eglise d'Orient avec beaucoup
de zèle, et mourut en 1078. Quel-
ques courtisans lui ayant |)ersuadé
qu'on pensait à mettre son frère sur
le trône, il consentit à supprimer la
promesse qu'avait signée la princesse
Eudoxie de ne pas se remarier ( F.
EuDOXiE, XIII, 47^); °i^'S <^'^st
la seule faiblesse que lui reproche
l'histoire • et il serait facile de l'ex-
cuser. On a de ce prélat : Oratio in
crucem seu in tertiam jejunioruin
hebdomadcm ; le P. Gretzcr l'a pu-
4'i6
XIP
bliëe en grec et en lal'in ,dans son re-
cueil De crucc, ii, i449î — ^<^'
creta duo de sponsalihus , dans le
Jus grcpco-roman. de Leunclavius ,
111 , 2 T I ; — Decretum de iniptiis
prohibitis , ibid. , iv, 266. Trois
Constitutions sur des matières ecclé-
siastiques. La première, en date du
26 avril 1066^ faite dans un concile
auquel assistèrent vingt-huit métro-
politains ou archevêques, contient
un règlement canonique sur les fian-
çailles. D'aj)rès cette constitution, les
liançadles , légitimement contracte'es,
produisent, quand même elles n'ont
point ètè suivies du mariage , le mê-
me effet que l'empêchement d'af-
finité 'y de sorte que les parents
des fiances sont inhabiles à con-
tracter mariage entre eux. Ce règle-
ment , qui n*est point comui dans l'É-
glise romaine , fut confirme, en 1080,
par une bulle d'or de l'empereur Ni-
cèphore Botoniate. La seconde cons-
titution de Xiphilin confirme la pré-
cédente. Dans la troisième, qui est
du 16 février 1070, le patriarche
dit : (( Voyant que plusieurs ecclé-
siastiques et religieux plaident les
causes d'autrui devant les tribunaux
ecclésiastiques , cet usage étant con-
traire aux lois de l'Église, nous or-
donnons qu'à l'avenir _, il sera défen-
du aux religieux et ecclésiastiques
de plaider devant un tribunal, quel
qu'd soit 'y car la plaidoirie est évi-
demment une action mercenaire, que
nous ne laisserons point impunie.
Notre ordonnance sera lue aux juges
séculiers , afin qu'ils n'admettent au-
cun ecclésiastique à plaider devant
eux. La bibliothèque du Vatican
possède un recueil manuscrit des
Homélies de Xiphilin, pour tous
les dimanches de l'année. Voy. Ca-
ve , Script, ecclesiast. Histor. lit-
ter., I, 146. G- Y etW-s.
XIP
XIPHILIN vJean), neveu du
précédent ( i ) , avec lequel on l'a sou-
vent confondu , vivait sous le règne
de l'empereur Michel Ducas. C'est à
lui qu'on doit V Abrégé de Dion
Cassius , que la perle d'une grande
partie de l'ouvrage de cet historien
rend très-précieux. Cet abrégé com-
mence au trente- cinquième livre de
Dion , et contient la suite de l'his-
toire romaine depuis les guerres de
César et de Pompée jusqu'à la mort
d'Alexandre Sévère. Xiphilin n'a
guère fait que retrancher de l'original
les digressions qui lui paraissaient em-
barrasser la marche des événements.
Il conserve d'ailleurs les expressions
mêmes de son auteur, comme on peut
en juger par la comparaison de son
travail avec les livres qui nous res-
tent de Dion. Ainsi les éloges ou
les critiques qu'on a faits de son
style doivent se rapporter à Dion,
dont il n'est que le copiste. On a
reproché très - injustement à Jeai
Xiphilin d'avoir, quoique chrétien,
transcrit tous les prodiges que -rap-
porte son auteur (2) j mais il
pris soin lui-même de repousser c(
reproche , qu'il ne pouvait cependani
pas prévoir. Toutes les histoires an-
ciennes sont remplies du récit deî
merveilles qui précédèrent la ba-
taille de Philippes , oii fut décidé 1(
sort de la liberté romaine. Dans ui
temps où les croyances religieuseî
étaient dans toute leur force , per-
sonne n'aurait osé penser qu'un s;
grand événement avait pu s'accom*
(1) Voy. son Abrégé, liv. 53.
{11.) « Cet abrégé , dit Cliawlon , est assez, l'iei
fait; mais le style manque de pureté et d' élégance
et l'aliréviateur, quoique chrétien, copie tous U
prodiges que rapporte son auteur. Il semble mèi
qu'il donne la préférence à ces puérilités : ce q^
ne donne pas une grande idée de la justesse de so
esprit. >> IjC lecteur est à même d'apprécier le jq
gemenl de Cltaudon , copié suivant l'usage pi'
tous les Diclionnaires qui se sont succédé depi
cinquante ans.
XUA
plir sans rintenention de la Divini-
té. Xi;iliilin déclare qu'il ne répétera
point le récit de ces merveilles. « Je
laisse , dit-il , à ceux qui sont curieux
de pareils faits le soin de les recueil-
lir. Quant à moi, je pense que Dion
aurait dû ne s'y pas tant arrêter , et
suivre en cela l'exemple de Poly-
be » ( Voy. liv. 4? )• L'Abrégé de
Xiphilin fut imprimé pour la pre-
mière fois , à Paris , par Rub.
Estienne, i55i, in-4"'., avec la
traduction latine de Guill, Blanc
d'Alby. Cette édition est rare et re-
cherchée. On fait aussi beaucoup de
cas de celle de H. Estienne , 1 5ç)2 ^
in-fol., avec les corrections d'Es-
tienne lui-même et de Xylander. Fa-
bricius a donné dans la Bibl. grceca,
la liste des éditions de Dion et de
Xiphilin. Freytag a décrit les plus
estimées avec son exactitude ordinai-
re dans V Apparat, litterar. j ii ,
i3io- 23. V Abrégé de Xiphilin a
çté traduit dans les principales lan-
gues de l'Europe; il l'a été en fran-
çais par Bois-Guillebert(/^. ce nom,
V, '10 )^ Paris, 5674, ^ vol. in- 12:
et par le président Cousin, ibidem ,
1678, in - f\^.j et 1686, 2 volumes
in- 12. Cette dernière édition est plus
rare et plus recherchée que celle
in-4°. ( Voy. le Manuel du libraire
de M. Brunet). W— s.
XISTE^ pape. V. Sixte.
XIUS , empereur de la Chine. V.
ÏHSIN-Cni-UOUANG-TI.
XUARÈS ou SUARÈS (Rode-
Ric ) , célèbre jurisconsulte espagnol,
florissait dans le quinzième siècle,
sous le règne de Ferdinand et d'Isa-
belle. Il avait fait ses études d'une
manière brillante à l'université de
Salamanque, sa ville natale. Cepen-
dant il ne voulut prendre aucun autre
degré que le baccalauréat , disant
qu'il valait mieux être le premier ba-
XUA 427
chelier des Espagnes que le dernier
des licenciés ou des docteurs. Ayant
choisi sa résidence à Valladolid , il
s'acquit une grande réputation par
son savoir et par le talent qu'il dé-
ploya dans la défense des causes dont
il était chargé. Devenu membre de
l'audience royale de cette ville, il
apporta dans l'exercice de ses fonc-
tions beaucoup de zèle et d'intégrité.
Il paraît que sur la fin de sa vie,
Xuarès revint habiter Salamanque,
puisqu'on sait que Ferdinand l'en
nomma décurion. Les jurisconsultes
espagnols les plus distingués , tels
qu'Ant. Quesada, Did. Cuvaruvias ,
Gasp . de Ba ëza , citent tou j ours Xua-
rès avec éloge , et s'appuient fré-
quemment de son opinion. On a de
lui : I. Allegationes et consilia
xxriii , Médina del Campo , i555;
Madrid, iSng, in-fol. II. Repetitio-
nés sive lecturœ in quasdam leges
fori legum, Salamanque , 1 556. III.
Divers Opuscules de droit. Ses ou-
vrages ont été recueillis et imprimés
avec des notes de Did. Valdes, Val-
ladolid, iSgo, Francfort, i594,
Douai , 1614 , in-fol. Voy. la Biblio-
thec. hispan. nov. d'Antonio, 11,
271-72. W — s.
XUARÈS (Gaspard), botaniste,
né, le 9 juillet 1781,3 San - lago
del Estero , dans le Tucumau , pro-
vince du Paraguay, entra jeune dans
l'ordre des Jésuites , et professa plu-
sieurs années la philosophie et la
théologie dans divers collèges. Après
la suppression de l'institut, il par-
tagea le sort de ses confrères , qui fu-
rent amenés en Europe et transpor-
tés eu Italie. Il s'établit aux envi-
rons de Rome, et partagea son temps
entre la culture des lettres et celle de
la botanique , science pour laquelle
il avait toujours senti du penchant.
Quelques écrits dans lesquels il ren-
4'^o XYL
dait compte des plantes qu'il avait
observées dans ses excursions le fi-
rent connaître avanlagousement des
uaturalistcs ; et l'on peut conjecturer
qu'il aurait poussé plus loin ses tra-
vaux en ce genre si les événements
de la guerre ne l'eussent forcé de les
interrompre. Le P. Xiiarcs mourut à
Rome le 3 janvier i8o4. On a de
lui : I. Trois opuscules intitulés : Os-
servazioni Jilologiclie soprà alcune
plante esotiche , Jatte nel 1788,
1789 et 1790, Rome, 1789-92, in-
4". 11. Elogio de lajeriora Maria -
Josephe Biistos Americana , ibid. ,
1797, in-8^. III. Fida iconologica
del apostol de las Indlas S. Fran-
cisco Xavier , ibid., 1798 , in-8^. Il
a laissé manuscrites V Histoire de la
province de Buenos- Jjres , et des
Dissertations sur le droit de la na-
ture, le droit des gens et le droit de
la piiix et de la guerre. Voy. Cabal-
Icro : Bihl. soc. Jesu supplément. ^
286. W— s.
XYLANDER ( Guillaume
HoLTZMANN ( 1 ) , couuu sous Ic nom
de ) , l'un des plus savants hommes
du seizième siècle , naquit le 26
décembre i53'2 , à Augsbourg , de
parents très -pauvres. Les disposi-
tions étonnantes qu'il annonça de
bonne heure pour l'étude, auraient
été perdues si Wolf.Rolinger, patri-
cien d'Augsbourg , ne se fut cliargé
de l'instruire , en attendant qu'd
pût être admis dans les écoles publi-
ques. Ses progrès dans les langues et
la littérature anciennes surpissèrent
encore l'attente de ses maîtres. A l'âge
de seize ans, il traduisit vers pour
(i) Deux inolsalleiiiiiids qui s.'gnifienl hontine de
bois, et que , suivant l'usag<- des savants de IVpo-
que, il a traduit en grec par Xylander. Ce nom
s'est conservé en Allemagne jusqu'à nos joins. Un
M. de Xylandîr, lieulenant-gôiiéral bavarois, jm-
l)liait en février i8;>.o,avec M. d'Aretin , le i^r.
cahier d'un journal d'opérations inililjiires , eu al-
lemand , Munich , TLii
XYL
vers le poème de Trjphiodore (^.cc
nom ) , et cet essai fut imprimé à soi
insu par Oporin (Voy. VEpitomeX
Bibl, Gesneri y éd. de Fries , 3i5
Plus tard il alla perfectionner ses]
connaissances à Tubingue et à Baie y
et se rendit très-babile dans l'his-
toire , la théologie , la philosophie
et les mathématiques. En i558, n'é-
tant âgé que de vingt-six ans, il fut
choisi pour succéder à Jacq. Micyl-«
lus(r. cenom,XXVÏlI,6oo)dansi
la chaire de la langue grecque à l'aca-
démie de HeidellDerg. 11 venait de
se faire connaître des savants par une
traduction latine de V Histoire àe Dion
Cassius ( F. ce nom). Elle lui valut
de la part des libraires des proposi-
tions qu'il aurait dû rejeter dans
l'intérêt de sa gloire, puisque son
traitement comme professeur le met-
tait à l'abri du besoin. Doué d'une fa-!
cilité prodigieuse, il traduisit en peu
d'années un grand nombre d'ouvra-
ges ) et quoique ses versions se res-
sentent nécessairement de la piécipi-
tation avec laquelle il les a faites
elles n'en ont pas moins obtenu h
suffrage des philtlogues qui se sou
bornés à les retoucher. Xylandei
fut honoré de l'estime de l'électeuj
Palatin Frédéric III , qui le nomma
secrétaire des assemblées convoquées
à l'abbaye de Maulbrun, pour sta-
tuer sur des points controversés par
mi les protestants. Les gratifications
qu'il reçut de ce prince ainsi que du
duc de W lirtembeig , et le produit
de ses ouvrages, auraient dû l'enri
chir; cependant il })assa sa vie dans
la misère; mais ce fut sa faute , si,
comme le dit Scaliger, il s'enivrait
tous les jours (2). Épuisé par l'ex-
cès du travail , et par l'abus des li
queurs fortes^ il mourut le 10 fé-
L-ueinauti ,
(■/) (^uolies ciiU cl
Scali^erana.
I
XYL
viier 15^6, à l'âge de quarante-
trois ans. De Tlioii , Is. Wossius ,
Huet, Wyttenbach , etc. , parlent de
Xylander avec éloge. Outre des édi-
tions de la version latine à' Euripide
parlMelanchthon^ de Théocriteayec
des scolies grecques et des notes ,
Baie, i558,in-8«.; d'Etienne de
Byzance , de urbibus , 1 568 , in fol. ,
et à' Horace , avec des notes ,1575,
in-8^. , on doit à Xylander des ver-
sions latines : 1. De l'ouvrage de
Psellus : De quatuor disciplim s ma-
thematicis opusculum , avec des no-
tes , Baie , 1 55() , in~8". II. De V His-
toire de Dion Cassius, ibid.^ i558 ,
in-fol. y avec la traduction corrigée
dé V Abrégé de Xylander , par Guill.
Leblanc , accompagnée dénotes cour-
tes, mais utiles. 111. Des Réflexions
de Marc Aurèle , Zurich , 1 538 , in-
8°.; Lyon , iS^g, in- 12 ,gr. et lat. ;
Baie , i5G8 , in-8". ; à cette édition
revue et corrigée , Xylander a joint
des traductions d'Antonius Libe'ralis^
de Phlëgon et d'Antigone Carystius ,
de mirabilibus. IV. Des Fies et des
OEuvres morales de Plufarque ,
Baie, 1561-70, 2 vol.in-foi. V. De
la Chronique de Cedrenus^ avec le
texte grec, ibid. , i565, in-fol. VI.
DeStrabon, avec le texte grec, ibid, ,
157 1 , in-fol. Yll. De Diophante ,
gr. et lat. , ibid. , 1 675 , in foi. ( F.
DioPH ANTE , XI , 4 06 ). Cette version
lui valut du duc de Wiirleaiberg un
présent de cinquante ecus. On doit sa-
voir gré de ce travail à Xylander ,
dit Montucla ^ quoique vicieux en
l)!usieurs endroits, tant par le mau-
vais état du manuscrit (3) que par
la difficulté de la matière et la hâte
avec laquelle son indigence l'obli-
geait de travailler ( Hist. des ma-
thémat. , 1 , 566 ). C'est à Xylander
(3) 11 tenait ce manuscrit ti'Andté Dudilb.
XYS
4^9
qu'on est redevable de la première
traduction allemande des six premiers
livres d'Euclide, Bàle , 1572; il a
traduit d?ins la même langue VHis-
toire de Polybe et le Nouveau- Tes-
tament. Enfin ses ouvrages sont : I.
De philosophid et ejus partibus
Carmen , et nonnulla alia car mina
dii^ersi argumenti j Baie, 1 556 ,
in-80. , à la suite de la trad. de Psel-
lus, citée plus haut. IL Schediasma
de astronomico horologio Argento-
ratensi , Strasbourg, 1575, in-4^.
III. Institutiones aphoristicœ Lo-
gicœ Aristotelis y ità scriptce , ut
adolesceutihus proponi commode ,
eorumque ad Aristotelea perd-
pienda acuere ingenium et memo-
ri(im juvare possint , etc. , Heidel-
berg , 1577 , '"■4''' (4- IV. Une trad.
en vers du poème de Trjphiodore ,
ditïérente de ce! le dont on a parlé ,
imprimée à la suite de Diodore de
Sicile ; Baie , 1578 , info!. Il avait
entrepris un Dictionnaire géogra-
phique que «a mort piématuree l'em-
pêclia de termii»er. On a recueilli
quelques pièces de Xylander dans
les Deliciœ poetar. germanor. , vi ,
1 1 Sç). Outre les auteurs cités dans le
cours de cet article, on peut consulter
Melch. Adam, Fitœ philosophor. ;
Freher , Theatrum viror. doct. ,
1471 ; l<'s Eloges des hommes il-
lustres àe Teissicr ; le Dict. de Bayle^
et les Mémoires de Niceron , xix ^
397 4 08. Le portrait de Xylander est
gravé dans la Bibl. chalcogr., tome
IV , de J.-J. Boissard ( Foj. Xi-
p^ihn). V^ — s.
XYSTE y que quelques savants ont
confondu avec le pape S. Xiste ou
Sixte It'r, est auteur d'une Litur-
gie imprimée en syriaque , dans le
Missel des Maronites , en 1 594 ,
(/)) Cet ouvrage n'a pas c'tc connu de Niceron.
43o
YAG
et en latin , dans le premier to-
me des Liturgies orientales , par
Renaiidot. On pense qu'il avait le ca-
ractère cpiscopal , les evéqnes, ciiez
les Syriens, ayant seuls le droit de
composer et de publier des liturgies.
YAC
cours ascétiques, qui n'ont point ëtc
rendus publics. Voy. Jssemani hi-
bliotheca orientaîis, tome i^i"., et Ca-
talogus librorum chaldœoruin, auc- 1
tore Hebcdiesus metropolitd Sohen- %
si , publié par Abraliam Ecbellensis ,
On attribue au même Xyste des Dis- Rome , i653 , in-8"
G— Y.
ï ACOUB Ibn - Leïts ou LaÏth ,
surnomme Al-Soffar ( le chau-
dronnier ou V ouvrier en cuivre ) ,
à cause de la profession de son père ,
qui fut aussi la sienne^ suivant plu-
sieurs auteurs, a été, dans la Perse
orientale, le fondateur de la dynas-
tie des Sojfaridcs , Tune des premiè-
res qui sapèrent les fondements de
l'empire des khalifes abbassides.
Leïts et ses tiois fds , Yacoub , Am-
rou et Aly, habitaient un village du
Seïstan , province que sa position et
son éloignement de Baglidad ren-
daient depuis long-temps le foyer des
révoltes. Sobre et ennemi des plai-
sirs^ Yacoub trouvait dans ses éco-
nomies un moyen de satisfaire sa gé-
nérosité envers ses camarades. Mais
appelé par instinct à de plus hautes
destinées , i! rougissait de son obs-
curité : il endurcissait son corps aux
exercices les plus violents, et s'habi-
tuait à braver les plus grands périls.
Son caractère ne se démentit pas
un instant, et le conduisit enfin au
but qu'il s'était proposé. Ses discours
et son exemple ayant déterminé ses
frères et ses compagnons à embras-
ser un état plus convenable à des
gens de cœur , et qui n'est point ré-
puté infâme chez les orientaux, il en
lit des brigands , se mit à leur tcte ,
et attaqua les caravanes. Mais plus
stimulé par l'amour de la gloire que
par l'intérêt , il laissait aux voya-^
geurs une partie de leurs bagages ,
distribuait le reste à sa troupe, et ne
gardait rien pour lui. Vers ce temps-
là , Salih , fils de Nasr , Arabe d'une
illustre naissance et d'une grande ré-
putation , vivait à Bost, ville du
Seïstan , et méditait d'enlever cette,
province aux Thahérides , qui gou-
vernaient, au nom des khalifes, toute
la partie orientale de l'empire mu^
sulman. Le pillage de sa maison pa-
rut à Yacoub une entreprise digne dei
lui. 11 y pénètre de nuit , enlève les
objets les plus précieux ; mais , en se
retirant, il fait un faux pas, croit
avoir laissé tomber quelque bijou,
cherche dans l'obscurité ce qui a pu
le faire trébucher , et trouve mi
morceau de sel. Saisi de respect pour
cette matière , que les musulmans,
regardent comme le symbole de;
l'hospitalité, il jette son butin, et
s'éloigne au plus vite d'une maison
qui lui semble sacrée. Cette aventure
devint l'origine de sa fortune. Salih,
soupçonnant la vérité, voulut en en-
tendre le récit de la bouche même
du fils de Leïts. Ce mélange d'auda-
ce, de religion, de bravoure et de
franchise , lui plut dans un chef de
voleurs. 11 l'attacha à son service,
et lui donna le commandement dej
^
YAG
troupes avec lesquelles il s'empara
du Seislan, Tau 'Ï6'] de i'heg. ( 85*2
(le J.-C. ). Mais Salih périt bientôt
dans une bataille contre Tliaher II ,
c'mir du Klioraçan , ou survécut
peu à sa défaite. Yacoub continua
de servir Darham, son frère, qui
lui avait succédé, et il reprit le
Seïstan^qui était rentré sous l'obéis-
sance des Tbahérides. Darham , prin-
ce faible et sans capacité , s'ctant
demis du pouvoir suprême, ou ayant
été fait prisonnier par les troupes du
khalife, Yacoub lui succéda par les
suflrages de l'armée, que ses larges-
ses avaient gagnée (i). Aussitôt que
Yacoub fut maître du Seïstan , l'an
•248 ( 862 ) , il fit sur llerat une
tentative dans laquelle il échoua
complètement ; mais pour réparer
son imprudence il s'appliqua à for-
tifier ses états , à étoufïér tous les ger-
mes de troubles et de discordes, et à
se concilier , par sa douceur et son
' équité, Tatrectiou de tous ses sujets.
Pour consolider et sanctionner son
usurpation , il lui fallait encore Tad-
bésion de l'émir du Khoraçan, et
le diplôme du khalife. 11 ne put les
obtenir que par la force. La circons-
tance était favorable : les milices
turkes , véritables gardes prétorien-
nes , ensanglantaient le trône des
Abbassides , dont l'empire perdait
chaque jour de ses anciemies limites ,
par suite des révoltes qui éclataient
dans les provinces les plus reculées.
Yacoub entre dans le Khoraçan , l'an
'253 ( 867 ) , s'empare de Herat, de
Fouscheng , et ne les rend à Tindo-
lent Mohammed , fils de Thaher ,
qu'en le forçant à renoncer au Scïs-
(ij Les auteurs orientaux ne s'aocordeut pas sur
ces i'ails; les uu.s attribuaut à l.eits ce que nous
vcuous de rapporter de sou tils Ywcoub , les aulres
lie laisaul aucune laenlion de Salih, ou lie le pla-
i;aut qu'après Darliaiu.
YAC 43 1
tan. Tranquille de ce cote, il enva-
hit le Keruian , deux ans après, bat
et fait prisonniers successivement le
lieutenant du gouverneur de Chiraz ,
et ce gouverneur lui-même. Cette
double victoire lïTi soumet toute la
])rovincc de Farsistan, et lui ouvre
les portes de Chiraz, sa capitale.
Mais ne voulant qu'elî'rayer le khali-
fe , sans rompre avec lui, il lui en-
voie des présents aussi riches que ci'.-
rieux , accompagnés d'une lettre
remplie de protestations d'obéissan-
ce et de respect; puis sans attendre
le succès de sa démarche, il évacue
ses conquêtes , et retourne dans ses
états , emmenant avec lui ses deux
prisonniers comme otages. Bientôt il
obtint du khalife Motamed la ces-
sion authentique du Seïstan. Après
avoir déjoué une conspiration tra-
mée par les parents de Darham, et
])ar quelques familles puissantes, qui
s'indignaient d'obéir à un homme
d'aussi basse extraction, Yacoub fit
une nouvelle invasion dans le Farsis-
tan , l'an 'iS-j ( 87 i ) , afin d'arra-
cher encore quelques concessions au
khalife. En eiret, Mowafek, frère et
lieutenant-général de ce prince , pour
éloigner le fiis de Lcïts. lui abandon-
na Balkh et ses dépendances , à con-
dition qu'il irait sans retard en pren-
dre possession. Yacoub s'y rendit
aussitôt, réunit à ses états cette par-
tie du Khoraçan , y recruta son ar-
mée , porta la guerre chez les prin-
ces idolâtres de Kaboul et de Ro-
khadje, et les ayant vaincus, fit
charger de chaînes le premier , et
mettre à mort le second , qui pous-
sait l'orgueil jusqu'à se faire adorer
sur un trône d'or. Il rétablit l'isla-
misme dans ces contrées^ et les ido-
les , qu'il ravit à la vénération des
peuples, accompagnèrent lesmagui-
liqucs présents dont sa politique of-
432 YAC
frit encore l'hommage nn k])alife.
A peine de retour de cette brillante
et fructueuse expédition , Yacoub
tourna ses armes contre l'émir iha-
liëridc, qui avait refuse de iui livrer
les émigrés du Séistan ( F'. Moham-
MEDBiiNTHAHT:R,XXIX^ 234). Maî-
tre de Herat, pour la seconde fois , il
marche sur î^icliabour. Au lieu de
combattre ou d'apaiser ce superbe en-
nemi, Mohammed lui envoie deman-
der stupidcnuiit de quel droit il enva-
hit leKhoraçan. .(Voilà mes titres, »
répond fièrement Y'acoub , en tirant
son épée. Cependant à l'approche
des enseignes solFarides, Mohammed
montre de l'énergie et du courage;
mais ses troupes désertent, ses cour-
tisans le trahissent , et les habitants ,
pour échapper aux horribles suites
d'un assaut, implorent la clémence
du vainqueur. Mohammed , arrêté
dans sa fuite, est conduit à son en-
nemi, qui le retient prisonnier, et
met lin, en 209 (B^S) à la dynastie
des Thahérides. Yacoub signala son
entrée dans JNichabour, par un grand
acte de justice : il fit mourir tous
les traîtres, et combla de faveurs
Ibrahim, le seul qui tut resté fidèle
à son maître. Les réfugiés scïstaniens
avaient trouvé un asile auprès du
prince alide Haçan , fils de Zeïd,
souverain du ïhabaristan. Yacoub ,
les ayant réclamés en vain^ court à la
vengeance. Il entre dans les états
de ce prince en 260 ( 874 )? taille en
pièces sou armée , s'empare de Sari
et d'Amoul ^ et se dispose à poursui-
vre Haçan, jusque dans le Deylem;
mais des pluies qui tombèrent pen-
dant quarante jours, inondant tout
le plat pays , firent déborder les
nombreux torrents dont il est entre-
coupé, et forcèrent Yacoub de re-
tourner dans le Khoraçan , après
avoir perdu quarante mille hommes,
YAC
emportés par les flots ou par l'insa-
lubrité du climat. Malgré le mauvais
résultat de celte expédition , il se fit
un mérite auprès du khalife , d'a-
voir combattu un prince hérétique,
et demanda l'investiture de toutes
les provinces dont il s'était emparé.
Mais Motamed, aux yeux de qui le
fils de Le'its était un rebelle, un en-
nemi bien plus redoutable encore que
Haçan, ne lui tint point compte de ce'
prétendu zèle. Ravi de son désastre,
et le croyant abattu pour longtemps ,
il dépêcha partout des ordres de ful-
miner contre lui des malédictions
dans toutes les mosquées , et excita
ses voisins à lui faire la guerre. Ya-
cuub perdit en effet Balkh, Termed,
le Djouzdjan et quelques autres de ses
dernières conquêtes , en 261 ( B-jS ).
Ces revers ne le rendirent que plus
implacable dans sa haine contre le
khalife. Le Farsistan venait de tom-
ber au pouvoir d'un autre ambitieux
qui n'avait lutté avec avantage con-
tre les forces abbassides, qu'en épui-
sant les siennes. Yacoub l'attaqua , le<
vainquit, le tua dans une bataille,
s'empara de ses trésors , et subjugua
le Farsistan et l'Ahwaz. Enflé de ses
prospérités , il ne met plus de bor-
nes à ses prétentions , et marche sur
Baghdad. Le khalife essaie en vain
de le fléchir^ en lui envoyant la pa-
tente d'investiture du Khoraçan, du
Farsistan et du ïhabaristan. Ce prin-
ce et son frère Mowafek se décident,
enfin à défendre la capitale, et s'a-
vancent contre le rebelle, qui vient
à leur rencontre, le 9 redjeb 262
( 9 avril B^ô ) , dans les environs de
Waseth. La fortune abandonna Ya-
coub dans cette journée. Sa valeur,
son expérience , ses efforts ne purent
résister aux talents, aux savantes
manœuvres de Mowafek. Percé de
trois flèches, dont une l'avait atteint
YAC
h la gorge , il fat oJjlige de fuir avec
les débris de sou armée , et d'aban-
donner son camp aux vainqueurs.
Les ravages commis par les Zendjes,
dans l'Irak , firent une diversion fa-
vorable aux projets du fils de Leïts,
empcclièrent '^[u'il ne fût poursuivi ,
et lui laissèrent les moyens de répa-
rer ses pertes, et de rentrer, dès
l'année suivante, dansl'AliwaZj éva-
cué par ces barbares, avec lesquels
il avait vraisemblablement contracté
alliance. A la tcte d'une armée formi-
dable qui semble menacer et Bagli-
dadetla famille des Abbassides d'une
entière destruction , il arrive enfin à
Djondiscliabour. C'est là que la Pro-
vidence avait fixé le terme de ses
jours. Une colique inflammatoire
causée par l'excès de ses fatigues ,
plus encore que par les ardeurs d'un
soleil brûlant, le force de s'arrêter.
En vain les hommes de l'art pres-
crivent les remèdes propres à calmer
le feu de ses entrailles. Yacoub , infa-
tué du préjugé delà prédestination,
s'y refuse obstinément. Sur ces en-
trefaites , arrivent des ambassadeurs
du klialife. Au bruit de l'approche
du conquérant solTaride , Motamed ,
entouré d'ennemis , avait pris le par-
ti d'entrer en négociation avec celui
qui lui paraissait le plus redoutable.
Il lui envoyait donc une lettre pleine
de témoignages de bienveillance et
déconsidération, avec un diplôme
qui lui conférait la souveraineté de
toutes les provinces qu'il avait con-
quises, en exigeant seulement qu'il
s'éloignât de l'Irak. Le fils de Leïts_,
loin d'être touché de cette démarche
humiliante dont il connaissait le peu
de sincérité, demeure inébranlable
dans sa résolution; et, pour oter au
khalife tout espoir de paix et de ré-
conciliation, il fait introduire ses
imh.issadeurs, 11 était couché;, ayant
LI.
YAC 433
devant lui son épée avec des oignons
et un pain d'orge et de son. « Voici ,
» leur dit -il , ma dernière réponse :
» le mal qui me dévore peut seid dé-
» livrer votre maître de la terieur
» que mon nom lui inspire. Qu'il
» tremble, si je recouvre la santé;
» cette épée terminera nos querelles ^
» et assurera ma vengeance. Mais si
M je succombe dans la lutte, alors
» j'irai dans le désert, où, reprenant
» la frugalité de mon premier mé-
:) tier , ce pain noir et ces oignons
» suffiront à ma subsistance. » Avant
que les ambassadeurs fussent de re-
tour à Baghdad , Yacoub expira au
mois de chav^al 265 ( juin 879 ). Il
avait régné dix ans dans le Seïstan,
et six dans le Khoraçan. Son frère ,
Anirou, lui succéda (^. AmpxOU , 11 ,
6Sy etKnAT.AF, XXII, 342). Tous
les historiens orientaux font reloge
de Yacoub. 11 posséda éminemment
toutes les qualités nécessaires à un
conquérant, à un fondateur de dy-
nastie, et plusieurs des vertus qui
caractérisent les bons rois. L'équité
et la modération présidaient à ses
jugements. 11 n'abusa jamais de la
victoire , et se montra humain à l'é-
gard des vaincus. Doué d'une gran-
deur d'ame peu commune chez les
hommes de basse origine, il ne se
laissa jamais abattre par les revers;
et son zèle pour la propagation de
l'islamisme ne l'empêchait pas d'ê-
tre tolérant en matière de religion. Il
n'avait ni conseillers ni ministres, et
ne communiquait à personne ses se-
crets ni ses projets, tant pour ses af-
faires particulières que pour celles
de l'état. 11 couchait seul dans sa
tente, où l'on ne voyait d'autres
meubles que ses armes et son tapis.
Persuadé que les nombreux équipa-
ges embarrassent une armée, il vou-
lait, par son exemple, accoutumer
28
434 YAG
SOS oflliciers à se contenter en campa-
gne d:i strict nécessaire. Ce prince ,
si simple sur sa persoime , était ma-
gnifique dans son état militaire. II
avait une cavalerie excellente, dont
les chevaux lui appartenaient et
étaient nourris à ses dépens. Sa gar-
de se composait de deux mille cava-
liers d'élite, divisés en deux briga-
des , et distingués par leur masse
d'arme; les mis la portaient d'or
massif, et les autres d'argent. Sévère
pour le maintien de la discipline mi-
litaire, il plaçait sa tente sur une
émincnce ou sur un échafaudage,
d'où il voyait aisément tout ce qui
se passait dans son camp. On ne
peut reprocher à Yacoub que son
ingratitude envers la famille de ses
bienfaiteurs, sa conduite peu géné-
reuse envers les princes thahérides",
un orgueil excessif et une ambition
démesurée qui nuisirent à l'affermis-
sement et à la durée de sa puissance.
Nul doute qu'il n'eût changé la face
de l'empire musulman, si la mort ne
l'avait pas surpris au moment où il
allait opérer cette grande révolution.
A — T.
YACOUB I^'-.Al-Mansour, roi
de Maroc {F. Mansour, XXVI ^
5-25 ).
YACOUB II AL - MANSOUR-
BÏLLAH ( Abou Yousouf ) , cin-
quième prince de la famille des Me-
riiiides en Afrique , et premier roi
de Maroc de cette dynastie , dont
on peut le regarder comme le fonda-
teur, succéda à son frère Abou-Bekr ,
l'an 656 de l'hégire (i25B de J.-C),
et fut proclamé roi de Fez , à l'âge
de quarante-huit ans. Beau et bien
fait, il était affable, juste , pieux et
libéral. Heureux dans toutes ses en-
treprises , il ne fut jamais vaincu. Il
commença son règne par des actes
de bienfaisance , fonda un hospice
YAG
pour les malades et les fous , et as-
signa des pensions aux indigents ,
aux aveugles etaux orphelins. Ayant
appris en l'an 658 ( 1260 ) que les
chrétiens avaient surpris la ville de
Salé , dont ils avaient massacré ou
réduit en esclavage la plus gragiide
partie des habitants _, il marcha avec
tant de diligence , qu'il les attaqua
sans leur laisser le temps de s'y for-
tifier , et leur enleva cette con-
quête qu'ils n'avaient occupée que
vingt-quatre jours. Yacoub lit cons-
truire une forte muraille du côté
du fleuve , pour garantir cette ville
d'une seconde invasion ,et, afin d'ac-
célérer les travaux , il encouragea
les ouvriers en portant lui-même des
pierres. La même année , il conclut
la paix avec Omar al-Mourteda ,
roi de Maroc , et la rivière Omme;^
Piabia fut fixée pour limite
leurs états. Mais, en ôSg, Om^
recommença les hostilités. Il
d'immenses préparatifs , et d^
peupla sa capitale pour lever ui
armée formidable ; cependant, qu(
qu'il eût parmi ses troupes un corj
d'auxiliaires portugais , elles furej
totalement défaites. L'annéesuivanl^
Yacoub marcha sur Maroc , dans
dessein d'en former le siège ; maiï
ayant perdu un de ses fils dans une
bataille que lui livra Omar , il re-
tourna à Fez. En &^i ( 1 264 ) , il
envoya un corps de trois mille hom-
mes faire la guerre aux chrétiens d'Es-
pagne. Ce furent les premières trou-
pes merinides qui se montrèrent dans
la Péninsule. Le roi de Maroc ayant
conçu des soupçons sur la fidélité
d'Abou Dabbous , son général, celui-
ci se réfugia auprès du roi de Fez, et
en obtint des secours par le moyen
desquels il fit la guerre à son maître
le détrôna et le fit périr en QQS
( I iQÇi). L'usurpateur avait promis ii
YAG
Yacoub (le lui cc'der la moitié des
états dont il devait s'emparer. Mais,
loin de tenir sa promesse, il renvoya
l'ambassadeur de ce prince avec une
réponse hautaine et menaçante. Le
roi de Fez , indigné , allait tirer une
vengeance éclatante de ce prince in-
grat et perfide, lorsqu'il fut rappelé
dans ses états par une diversion qu'y
opéra Yaghmourassen , roi deTelme-
sen, allié du roi de Maroc. Yacoub
repoussa ce nouvel ennemi , le vain-
quit, mit ses provinces au pillage ,
revint, avec toutes ses forces, tomber
sur AbouDalibous, qui, en montant
sur le Ironé , avait pris le titre à' Al-
TFathek-Billah , et ravagea impu-
nément ses étals. Mais , voyant que le
roi de Maroc , pour arrêter ces dé-
vastations , s'était mis à la tcte d'une
armée , il feignit de fuir, et lorsqu'il
eut attiré Wathek loin de sa capi-
tale il fit volte-face, et l'attaqua
vigoureusement. Après un combat
sanglant, le roi de Maroc fut vaincu ;
étant tombé de cheval en fuyant, il
fut tué i^et l'on [)orta sa tête à Yacoub
qui la lit exposer à Fez. Cet événe-
ment qui arriva le g moharrem668
( 8 septembre l'î.ôg) mit fin à la dy-
nastie des Al-Mohades , fondée par
Mohammed al MahdybenToumtrt,
et devenue si puissante sous ses trois
premiers successeurs ( /^. Toumebt,
Abd-el Moumen , Mansour, XXVI,
5^5, et YousouF II, ci-après ). Le
vainqueur se rendit à Maroc , et y
fut reconnu souverain de toute la
Mauritanie. Il traita ses nouveaux
sujets avec justice et bienveillance ,
et affermit sa domination par les
soins qu'il prit de détrinre les bri-
gands et les petits tyrans qui , sous
les faibles princes de la dernière race,
avaient troublé la tranquillité de l'é-
tat et produit l'anarchie. Sollicité
par le roi de Grenade , Yacoub se
YAC
435
préparait à passer en Espagne , mais
il fut retenu en Afrique , par une
guerre qu'il fit malgré lui au roi de
Telmesen. Après en avoir triomphé,
il revint à son premier dessein • mais
pour traverser le détroit, il fallait
être maître de Tanger et de Ceuta
qui formaient, depuis quelques an-
nées, un petit état. Il prit d'assaut
l'une de ces places , en 672 (1273) ,
et reçut les soumissions et le tribut du
prince qui résidait dans l'autre. La
ville et l'état de Sedjelmesse, ancien-
nes dépendances du royaume de Ma-
roc,étaiei}t un motif de guerre contre
le roi de Telmesen qui les avait enle-
vés aux Al-Mohades. Yacoub en fit la
conquête en 678 , et ayant conclu la
paix avec Yaghmourassen il se rendit
aux vœux de Mohammed II ^ roi de
Grenade , qui , pour le déterminer ,
lui avait cédé Tarifa et Algeziras.Ce
fut le 21 safàr 674 ( ï(> août 1275 )
que le monarque africain s'embar-
qua avec une armée de cinquante
mille fuitassins et de dix-sept mille
cavaliers. Un de ses fils l'avait pré-
cédé , depuis trois mois , à ia tête
d'un corps de cavalerie. Yacoub,
ayant réconcilié le roi de Grenade et
le wali de Malaga , et concerté avec
eux le plan de campagne , s'avan-
ça dans les plaines de l'Andalousie,
et porta le ravage jusqu'aux bords
du Guadalquivir. Son arrivée avait
répandu l'épouvante en Espagne.
Avant que les princes chrétiens eus-
sent réuni leurs forces , le gouverneur
d'Andalousie , don Nuno de Lara ,
eut la témérité de se mesurer avec
l'armée africaine, près d'Écija^ le
i5 rabi i«^'. 674 (8 septembre 1275).
Il périt sur le champ de bataille avec
la plupart des siens. Leurs têtes , au
nombre de dix-huit mille , furent
empilées , par ordre du vainqueur ,
en forme de pyramide , du haut de
28..
/t35
YàC
laquelle les Muezzins appelèrent les
musulmans à la prière. Le roi de
Maroc envoya dans tous ses c'tats la
relation de cette mémorable journée,
et emmena à Algeziras nn immense
butin et une foule de captifs des deux
sexes j mais ayant échoué devant
Écija et Séville , ne pouvant faire
subsister son armée dans un pays
dont il avait détruit les récoltes , et
craignant que la flotte cL rétienne
n'empêcliât son retour en Afrique,
il conclut une trêve de deux ans avec
Alphonse X , roi de Castille, et aban-
donna l'Espagne, après un séjour de
six mois. Quelques révoltes , et sur-
tout la fondation de la nouvelle ville
de Fez, dont il accéléra les travaux
par sa présence , et la construction
d'un château et d'une mosquée à
Mékinez , l'occupèrent en Afrique.
Il revint en Espagne; mais à l'ex-
ception d'une victoire qu'il remporta
le i^rabi i^^'. 676 ( i3 août 127 -y ),
sur les Castillans , près de Séville, et
de la prise d'Alcala , de Guadaïra ,
de Zahra et de quelques châteaux ,
ses hostilités ne furent en général
qu'une suite continuelle de dévasta-
tions. Elles déterminèrent cependant
Alphonse à demander la paix, qui
fut conclue avec le roi de Grenade ;
Yacoub la ratifia seulement comme
auxiliaire. Après avoir pris posses-
sion de Malaga que lui céda le wali ,
ennemi du roi de Grenade _, ce prince
retourna en Afrique j mais il y apprit
bientôt qne le gouverneur qu'il avait
laissé dans cette place venait de la
vendre au roi de Grenade , et qu'Al-
.phonsc ayant rompu la trêve assié-
geait Algeziras par terre et par mer.
Retenu dans les environs de Maroc ,
par le serment qu'il avait fait de ne
point en partir , qu'il n'eût châtié ou
soumis im rebelle qui troublait celte
contrée , il chargea son fils Yousouf
YAC
de secourir Algeziras. Yousouf se
rendit à Tanger , et y rassembla une
flotte de soixante vaisseaux , aux-
quels se joignirent douze navires
équipes par le roi de Grenade. Il
aborda à Gibraltar, et ayant atta-
qué la flotte chrétienne, le 12 rabi
i^^". 678 (23 juillet 1279), il rem-
porta une victoire complète. L'in-
fant don Pèdre qui commandait l'ar-
mée de terre, épuisée par les mala-
dies, leva le siège en abandonnant
ses tentes , ses machines et ses muni-
tions. Algeziras fut ainsi délivré d'un
blocus qui durait depuis un an. Le
prince Yousouf y fit bâtir la ville
actuelle sur l'emplacement qu'avait
occupé le camp des chrétiens. Il
accorda au roi de Castille une trêve
que son père refusa de ratifier. Le
roi de Maroc se retira même à Sous ,
pour ne pas recevoir les ambassa-
deurs castillans que son fils lui ame-
nait. Comme sa mésintelligence avec
le roi de Grenade était favorable
aux chrétiens , il invita ce prince à
lui rendre Malaga, et à resserrer les
nœuds de leur ancienne amitié. Loin
de répondre â ces avances, Moham-
med fit alliance avec le roi de Tel-
mesen , et l'engagea à tomber sur
les états de Maroc. Yacoub employa
vainement encore les voies de la
conciliation envers Yaghmourassen.
Forcé de combattre , il le vain-
quit sur les bords du Tafnet , en
680 ( 1 28 1 ), etle poursuivit jusqu'aux
portes de la capitale ; mais il s'en re-
tourna sans en former le siège. L'in-
fant don Sanche s'était révolté con-
tre son père. Alphonse, abandonné de
tous les potentats de TEurope , im-
plora le secours du roi de Maroc.
Yacoub se rendit à Algeziras, l'an-
née suivante , et s'avança jusqu'à
Zahra , où il eut une entrevue avec
le roi de Castille qui lui offrit sa
YAG
couronne eu gage. Il traita ce prince
avec les plus grands égards , lui
donna cent mille dinars, et se joi-
gnit à lui pour assiéger Cordoue , où
don Sanclie s'était renferme • mais
ils levèrent le siège à l'approche du
roi de Grenade ., allie de l'infant. Au
total, les exploits du monarque afri-
cain , pendant cette campagne et la
suivante _, se bornèrent à des dégâts
affreux dans l'Andalousie et dans
une partie delà Castille, et à la prise
de quelques bicoques. Il enleva aussi
quelques places à Mohammed , avec
lequel il ne tarda pas à s'accommo-
der. Il en résulta de la froideur entre
Yacoub et Alphonse qui mourut avec
le regret d'avoir appelé un si dange-
reux auxiliaire. Sanche, son succes-
seur , ayant grossièrement refuse la
paix que le roi de Maroc lui fit offrir,
celui ci reparut en Espagne eu 684
( 1285 ) , et assiégea vainement Xé-
rès. Mais ses ravages forcèrent enfin
le roi de Castille à demander la paix.
Yacoub mourut dans son palais d'Al-
geziras , le i-i moharrera G85 ( 'lo
mars i'286), âge d'environ soixante-
dix-sept ans, après eu avoir règne
vingt- trois comme roi de Fez , et
dix-neuf comme roi de Maroc. Ce
prince fut le plus puissant de sa race;
quoiqu'il passât sa vie à la tête des
armées , il protégea les lettres , et
fonda des académies et des collèges.
Il eut pour successem' son fils You-
souflV. A — T.
YAGHIVIOURASSEN (Arou-Ya-
uiA BEN Zeïan ) , fondateur de la dy-
nastie des Zeïanides et du royaume
de Telmesen (Tremecen) en Afrique,
appartenait à la puissante tribu des
Zenates , et faisait remonter sa généa-
logie jusqu'à Aly , gendre de Maho-
met. Profilant de la décadence de la
dynastie des Al-Mohades eu Afri(|ue
€t en Espagne , et de lu faiblesse des
YAG 437
derniers i*ois de cette famille, il se
révolta contre eux, et leur enleva
Telmesen , Alger , Budjie, etc., dont
il forma un état indépendant. Dé-
daignant le titre de roi, il prit, eu
raison de sou illustre origine, celui
de khalife : mais il ne fut reconnu
pour tel que dans ses états ; et cette
qualité ne lui donna aucune supréma-
tie religieuse dans les autres pays
musulmans. Ce fut vers l'an G/^'i de
l'hégire (1*244 dq J.-C.) qu'il se ren-
dit indépendant. Il eut d'abord à
lutter contre un autre ambitieux ,
Abou Hafs, fondateur de la dynastie
des liafsides et du royaume de Tu-
nis, et il fut sur le point de succom-
ber; mais un intérêt commun les unit
bientôt; et ils vécurent depuis en
paix. Trois ans plus tard, Yaghmou-
rassen fut attaqué par le roi de Ma-
roc , Abou'l Haçan Aly al Saïd , qui
le força d'abandonner sa capitale, et
de se renfermer dans la forteresse de
Tagcrart, avec sa famille cl ses tré-
sors. Il y fut bientôt assiégé; mais
Al Saïd , s'ctant imprudemment
avancé, avec son vezir, pour recon-
naître les fortifications de la place ,
fut surpris et tué , le 29 safar 646
( 'Ï6 juin i2/|8), par les avant-pos-
tes du roi de Telmesen , qui le lit en-
sevelir honorablement. L'armée ma-
rocaine , privée de sou souverain ,
décampa aussitôt, laissant ses tentes,
ses armes , ses munitions et ses tré-
sors au pouvoir de Yaghmourassen.
Parmi le butin que fit le vainqueur,
se trouva un exemplaire du Coran ,
écrit de la main du khalife Osman ,
le troisième des successeurs de Ma-
homet. L'ambition de Yaghmouras-
sen luifitperdre,dèsraiuiee suivante ,
le prix d'une victoire si facile. Il osa
attaquer Aboubekr, quatrième roi
de la dynastie des Meriiiides, établie
à Mequinez et à Fez ; mais il fut corn-
plètcment défait près de Woudjda et
du fleuve Elsly, et abandonna au
vainqueur un immense butin. L'an
655 ( 1257 ), il voulut enlever Sed-
jelmesse au roi de Maroc ; mais il
fut en concurrence avec le roi de Fez,
qui, plus heureux que lui;, le battit,
et s'empara de celte ville. Elle tom-
ba cependant^ en 662 , au pouvoir
du roi de Telraesen , qui la posséda
onze ans. Yaghmourassen , ayant
plus à redouter de la puissance nais-
sante des Merinides , rois de Fez , que
de la puissance expirante des Al-
MobadeS;, lit la paix avec le dernier
roi de Maroc de cette famille, et en-
treprit de le soutenir contre les forces
de Yacoub, roi de Fez. Il envoya
faire le dégât dans les états de celui-
ci* mais il eut bientôt sur les bras le
prince merinide, perdit sur les bords
du Telag une troisième bataille ,
dans laquelle Omar, son fils aînc, fut
tuë,lei2djouraadi icr ()66(29Janv.
1268 ), et regagna sa capitale dans
un dénuement absolu.Deux ans après ,
Yacoub, ayant établi à Maroc la do-
mination des .Merinides sur les ruines
de celle des Al - Moliades , devint
pour Yagîimourassen un voisin re-
doutable j mais, sollicité de porter
secours aux Musulmans d'Espagne,
il envoya proposer la paix au roi de
Telmesen , qui repondit qu'il ne ces-
serait de faire la guerre aux Merini-
des , jusqu'à ce qu'il eût vengé la
mort de son fils. Les deux armées
se rencontrèrent en redjeb 670 (fé-
vrier 1272 ) dans les environs de
Woudjda. Yaghmourassen y es-
suya une quatrième défaite , d'autant
plus cruelle . qu'il y perdit encore
un de ses fds. Toujours malheureux
dans ses guerres avec Yacoub, il se
vit enlever Sedjelmesse, en 678, et
consentit à faire la paix, et à pren-
dre part à la guerre de religion con-
YAG
tre les Chrétiens d'Espagne. Une pa-
raît pas cependant qu'il ait fourni
son contingent de troupes : mais il
entretenait des relations intimes avec
le roi de Grenade • et, lorsqu'il apprit
que celui - ci était brouillé avec le
roi de Maroc, il fil alliance avec lui
contre son éternel ennemi. Yacoub
eut vainement recours aux négocia-
tions pour amener ce prince à une
politique plus conforme à l'esprit de
l'islamisme. Il fallut encore le com-
battre- et Yaghmourassen, suivant
sa coutume, perdit une cinquième
bataille^ sur les rives du Tafnet, en
680 (1281). Il mourut, l'année sui-
vante , dans un âge fort avancé ,
après avoir régné environ quarante
ans. Ce prince, que les auteurs orien-
taux dépeignent comme incompara-
ble pour les talents militaires et po-
litiques et pour la bravoure, s'était
trouvé , dit - on , à soixante - deux
combats. Jamais abattu par ks re-
vers et toujours prêt à les réparer ,
il conserva le royaume qu'il avait
formé, et le transmit à son fils Omar,
qui éprouva de plus grands mal-
heurs. Le tumulte des armes n'empê-
cha pas Yaghmourassen de cultiver
les lettres et d'attirer à sa cour un
grand nombre de savants et de poè-
tes. Le royaume de Telmesen , affai-
bli par ses guerres continuelles avec
les rois de Maroc , qui le conquirent
plusieurs fois, n'a pu jouer un rôle
important dans l'histoire. Diminué
dans ses limites par les fameux pi-
rates Oroutch et Khaïr-eddin Bar-
berousse, qui de ses débris formè-
rent le royaume d'Alger en 920
( 1 5 1 4 ), il fut enfin détruit par un
de leurs successeurs , ainsi que la
dynastie des Zeïanides , en g58
( 1 56o) , malgré les secours de Char
les-Quint et de Philippe 1 1, après avoii^
duré plus de trois cents ans. A — t;
YAH
YAHIA AL-BARMEKI ( Abou-
Al Y ) , personnage aussi illustre par
sa naissance que par son mérite y
appartenait à la famille des Barme-
kides , vulgairement nommés Bar-
mecides dans les romans et au théâ-
tre. Feu Jourdain, qui a fourni aux
premiers volumes de cette Biogra-
phie plusieurs articles orientaux ,
n'en a donné aucun qui fût relatif à
quelque personnage de la race de
Barmek. 11 a renvoyé tout ce qu'il
avait à en dire à Tarticle de Yahia ,
où il aurait donne un ahréj;é de
l'histoire des Barmekides , d'après
un travail plus étendu qu'il se pro-
posait d'insérer dans les Mines de
l'Orient. La cessation de cette im-
portante collection et la mort de
Jourdain ont empêché la publication
d'un ouvrage qui, Lien qu'annoncé
long-temps à l'avance, était peut-
être à peine commencé, ou n'existait
même que dans la pensée et dans
les extraits de cet orientaliste. Quoi-
que nous ignorions ce qu'est devenu
le travail de Jourdain , et que nous
n'ayions pas eu l'occasion de nous
livrer aux mêmes recherches , nous
allons tâcher de le suppléer de ma-
nière à satisfaire la curiosité des.
lecteurs , en donnant une notice sur
les Barmekides, d'après ce que nous
en avons trouvé dans d'Herhelot,
Abou'Ifeda, Elmakin , Abou'lfaradj,
et surtout dans la Chrestomathie
arabe de M. Silvestre de Sacy. — La
famille de Barmek était une des plus
illustres de la Perse , et quelques au-
teurs pensent qu'elle descendait des
anciens rois du pays. Ce qui paraît
plus certain, c'est que les Barme-
kides étaient originaires delà ville de
Balkh , où ils avaient occupé le ve-
zirat et les charges les plus impor-
tantes. Suivant d'autres , ils avaient
fonde dans cette ville une superbe
YAH 439
mo?>(\\xéQ nommée Neu-Bahar , sur
le modèle du temple de la Mekke.
Comme l'administration de cette mos-
quée était un droit que s'étaient ré-
servé les fondateurs^ celui d'entre
eux qui était revêtu de cette char-
ge portait, dit-on _, le nom de Bar-
mek, comme qui dirait intendant de
la Mekke, et par suite le nom de
Barmek resta à cette f.imille. Cette
étymologie est , il faut l'avouer,
très-peu vraisemblable. On en trou-
ve encore une autre dans d'Herbe-
lot , mais elle ne mérite guère plus
decroyance.Le ])lus ancien Barmeki-
dedont les auteurs musulmans fassent
mention paraît avoir été un certain
Djâfar, qui vint à Damas où tenait
sa cour le khalife ommeyade Solei-
man, fils d'Abd'ei-IVieltk. Mais ce
Djâfar ne figure que dans une his-
toire romanesque, rapportée en abré-
gé par d'Herbelot , et dont le texte
aralDese trouve en entier aux manus-
crits de la Bibliothèque du roi, avec
une traduction française , par un
jeune de langue, sous ce titre : His-
toire de Soliman et de Muslim ,
n»^. 8'^ des traductions in 4*^. Pour
s'en tenir à ce qui appartient réelle-
ment à l'histoire, on doit commencer
celle des Barmekides à Khaled fds
de Barmek , qui , s'étant attache'
à la fortune des AbbassidesJ dont
l'élévation avait commencé dans
le Khoraçan , devint _, suivant l'his-
torien El - Makin , vezir d' Abou'l
Abbas Al - Safîah , premier khalife
de cette maison , et le fut encore
du khalife Aboj-Djâfar al-Mansour,
suivant Fakhr-cddin Razi. Abou'Ifeda
nous apprend seulement que Khaled
était un illustre Persan, qui , lorsque
le khalife Al-Mansour fonda Bagh-
dad , dissuada ce prince d'embellir
cette villeaux dépens de Mad-aïn, an-
cienne résidence des Khosroès Man-
44o
YAH
sour désapprouva ce conseil , et re-
procha même à Khaled d'avoir plus
à cœur la gloire de ses ancêtres que
celle de son souverain actuel. Mais
lorsqu'après avoir commence la de'-
molition du palais de Mad-aïn , le
khalife fit suspendre ce travail ,
parce que les frais surpassaient la
valeur des matériaux ( V, Mansour,
XXVI, 5i4 ), Khaled lui conseilla
de continuer , de peur qu'on ne dît
qu'Ai Mansour n'avait pas été assez
puissant pour détruire les monu-
ments de ces anciens monarques. Le
khalife ne suivit point encore ce con-
seil, et laissa subsister les restes de
la capitale des Sassanides; mais il
ne sut point mauvais gre à Khaled de
sa hardiesse, car il lui donna le gou-
vernement de Mossoul, l'an de l'he-
gire i4B ( de J.-C. 760 ), année re-
marquable par la naissance du célè-
bre Haroun Al-Raschid, l'un des pe-
tits fils du khalife, et deFadhl, l'un
des petits-fils de Khaled. Comme il
n'y avait que sept jours de diffe'-
rence pour l'âge des deux enfants ,
les mères leur présentaient mutuelle-
ment la mamelle ; ce qui prouve que
de'jà la famille des Barmekides était
en grande faveur à la courdesAbbas-
sides. L'an 161 (778), le khalife
Mahdy confia l'éducation de son fils
Haroun au sage Khaled, qui mourut
probablement peu d'années après.
Yahia , fils de Khaled , est repré-
senté par tous les écrivains musul-
mans comme un personnage doué de
toutes les vertus , de tous les talents
civils et militaires. D'abord secrétai-
re du prince Haroun, il contribua
beaucoup à lui assurer le khalifat ,
en dissuadant fortement le khalife
Hady , son frère , du projet de déshé-
riter ce prince des droits que lui don-
nait le testament de Mahdy, et de
faire reconnaître son propre fils , en-
YAH
core enfant , pour son successeur. C(
fut Yahia qui annonça la mort de
Hady à Haroun ; el celui - ci , étant
monté sur le tronc, l'an 170 (7 86),
donna la charge de vezir à son fidèle
secrétaire. Yahia se montra digne;
de ce poste éminent. A la sagesse, à^
l'éloquence, aux lumières, il joignait
le rare talent de se faire craindre
aimer et respecter, en employant à-i
propos la fermeté, la douceur, et sur-
tout la libéralité, qualité héréditain
et tellement prédominante dans la fa:
mille des Barmekides, qu'elle étail
passée en proverbe , et que les exem-
ples qu'on en cite surpassent tout»
croyance (i). Yahia pourvut à la
sûreté des frontières , maintint la
tranquillité dans l'intérieur , remplit
le trésor public , fit fleurir l'agricul-
ture et l'industrie dans les provin-
ces , protégea les lettres et les arts ,j
dirigea toutes les affaires de Tempircy
porta au plus haut point l'éclat du
tronc, et eut la principale part au^
actes du règne heureux et brillant de
Haroun Al-Raschid. Il eut quatre
fils : Fadhl, Djâfar, Mohammed el
Mousa , qui ne dégénérèrent pas d(
la vertu de leur père et de leur aïeul
{2). Fadhl fut le plus généreux d(
tous les hommes , s'il faut en jugera
par les traits qu'en rapportent les
auteurs extraits et traduits pard'Her-
beîot et M. de Sacy. Ses libéralités
étaient excessives j les revenus d'ua
(i) Nous n'ea rnpportcroris qu'un Irait
moins étonnant et le plus court : YaLia
montait jamais à cheval sans être muni de bour-j
ses qui contenaient chacune loo pièces d'argent,
et il les distribuait aux personnes qui s'oSraienlJ
sa rencontre.
(a) Une note de l'édition d'Aboul'feda , donnce~F
par AdJpr, avec la traduction de Pveiske , fait re-
gretter que l'histoire n'ait i>as transmis plus de
détails sur Khaled , père de Yahia. On J'^oit qu'il
surpassa son fils et ses petits-lils dans les vertus qui
riistiiiguaient particulièrement chacun d'eux. Il
(ut pins hiibile et plus prudent que Yahia ; plus
lihéial quR Fadhl ; il eut uu style plus élégant que
niâfar ; plus de douceur que aïoîiammed , el plus
de courage «jne Mor.sa.
YAH
prince auraient eu peine à y suffire.
Il donnait des maisons , des terres ,
des millions , comme un autre aurait
donné un diamant. Mais ce qui aug-
mentait le prix de ses largesses , c'est
qu'il y mettait autant de délicatesse
et d'esprit que de magnificence. Il
semblait se faire un jeu de causer les
surprises les plus agréables à ceux
dont il était le bienfaiteur. Avec une
qualité si précieuse et qui supplée à
tantd'aulres,Fadhl n'étaitpas exempt
de défauts : il avaitde l'orgueil et l'hu-
meur fâcheuse et difficile. Aussi, quoi-
qu'il fût le frère de lait du khalife
Haroun Al-Raschid, ce priuce avait
plus de penchant pour le fils puîné
de Yahia. En effet Djâfar ne se dis-
tinguait pas moins par son humeur
douce et facile et par ses manières
nobles et agréables, que par son élo-
quence^ son esprit et son jugement.
Il était le compagnon, l'ami, le con-
fident de son maître ; et c'est comme
tel qu'il est si souvent représenté
dans les Mille et une nuits ( car le
Giafar de Galland n'est autre que
Djâfar). Le khalife lui avait confié
l'éducation de son fils aîné , qui fut
le célèbre Al-Mamoun. On trouve
chez les auteurs orientaux plus d'a-
necdotes que de faits historiques sur
la famille des Barmekides. On voit
cependant que vers l'an 17a ( 788),
FadhI devait épouser la fille du khan
des Turks Khozars, et que cette prin-
cesse étant morte à Berdaâ en Armé-
nie, tandis qu'elle venait en Perse
trouver son futur époux , les gens de
sa suite publièrent à la cour du khan
qu'elle avait été assassinée j ce qui
dans la suite occasionna une invasion
des Turks dans l'empire musulman,
il paraît que FadhI était dès - lors
cjouverncurde Reï, do l'Irak Adjem,
HuDjordjanct duThabaristan. Ij'an
Ï76 (792), uu prince de la maison
YAH
441
d'Aly, Yahia, fils d'Abdallah , ayant,
en sa qualité de descendant du pro-
phète des musulmans , ren ouvelé les
prétentions de sa famille , se fit pro-
clamer khalife dans le Deylera.
FadhI marcha contre lui , par or-
dre de Haroun Al-Raschid , avec
une armée de cinquante jmille hom-
mes j mais , au lieu de recourir aux
armes _, il envoya de riches présents
au prince alide , avec une lettre rem-
plie de témoignages de bienveillance
et de politesse, par laquelle il l'enga-
geait à se soumettre , et lui promettait
de le prendre sous sa sauvegarde.
Il lui envoya même , à sa demande ,
un sauf- conduit écrit de la propre
main du khalife , et signé d'un grand
nombre de témoins , choisis parmi les
personnages les plus importants de
la cour et de la capitale. Yahia licen-
cia ses troupes , et se rendit auprès
de FadhI , qui le conduisit à Bagh-
dad , et le ])résenta au khalife. Ha-
roun accueillit d'abord favorable-
ment son infortuné rival; mais dans
la suite il le fit charger de chaînes ,
et donna à Djâfar la commission de
le faire périr. Si FadhI fut indigné
de ce qu'un serment solennel avait
été violé par le khalife , celui-ci ne
fut pas moins courroucé de l'inexé-
cution de l'ordre qu'il avait prescrit à
Djâfar. Mais ces motifs réciproques
de refroidissement entre les Barme-
kides et leur souverain n'éclatèrent
que plusieurs années après. FadhI
était le lieutenant de son père Ya-
hia ; aussi le nommait -on le petit
vezir. Mais le monarque ayant de-
mandé cà Yahia de donner à Djâfar
un département dans l'administra-
tion , le vezir lui confia la surinten-
dance du palais du khalife, et de-
puis ce temps, Djâfar fut aussi ap-
pelé le petit vezir. Plus tard, Ha-
roun chargea Yahia de retirer à
442
YAH
Fadhl le ministère du sceau, pour le
donner à Djâfar. Le vezir écrivit
donc à son fils aîné en ces termes :
« Le prince des croyants t'ordonne
d'oter ton anneau de la main droite,
pour le mettre à ta main gauche. »
Fadhl comprit le sens de ces paro-
les, et rëpoijdit : « J'obéis à l'ordre
du khalife. Je ne crois pas être privé
d'une faveur quand elle passe à mon
frère , et je ne pense pas avoir perdu
une place quand il en est investi. »0n
ne cite qu'une expédition militaire
de Djâfar j ce fut lorsqu'en l'année
180 ( 'jÇ)6 ) il conduisit une armée
en Syrie , où il parvint à comprimer
des factions qui déchiraient cette
province depuis quelques années. Le
crédit de ce personnage à la cour du
Mialife était tel , qu'un jour , dans
une partie de débauche , ayant pro-
mis à un particulier, qui appartenait
à la famille des Abbassides, de payer
ses dettes, qui montaient à un mil-
lion de drachmes, et de procurer à
son fils le gouvernement d'Egypte et
la main d'une fille du khalife, il rem-
plit aussitôt la première partie de sa
promesse, et obtint, dès le lende-
main, du monarque, la ratification
des deux autres points. Les Barme-
kides étaient parvenus au faîte de la
gloire et de la puissance, lorsque la
fortune les abandonna tout-à-coup.
Mais leur chute était préméditée, com-
me on peut en juger par une anec-
dote que nous empruntons de l'ou-
vrage précité de M. de Sacy, et qui
est rapportée par Bakhtischou, mé-
decin de HarounAl-Baschid. <( J'en-
trai, un jour, dit-il, dans l'appar-
tement du khalife , dont le palais , à
Baghdad, n'éfait séparé de celui des
Barmekides que par la largeur du
Tigre. 11 remarquait la foule qui se
])ressait à la porte de Yahia , fîîs de
Khafed , et la mulliludc de chevaux
I
YAH
qui y étaient arrêtés : v Que Dieu ré-
compense Yahia , dit-ilj en se char-
geant seul de tout l'embarras des af-
faires , il m'a soulagé de ce soin, et
m'a laissé le temps de me livrer aux
plaisirs. » Quelque temps après, je
me trouvai encore chez ce prince ,
qui regardant par les fenêtres de
son palais, et observantla même af-
fluence d'hommes et de chevaux que
la première fois, devant celui des
Barmekides , laissa échapper ces
mots , qui me parurent le pronostic-
de leur disgrâce : « Yahia s'est em-
paré de toutes les affaires; il me les
a toutes enlevées; c'est lui qui exerce
lekhalifat, et je n'en ai que le nom. »
On attribue plusieurs motifs à la ca-
tastrophe de cette famille. La haine
de ses envieux qui ne cessaient de la
desservir et de la calomnier; le soup-
çon plus ou moins fondé que les Bar
mekides favorisaient et pratiquaient^
secrètement le Zendikisme , secte qu*
avait quelques rapports avec la reli
gion des mages qu'avaient suivie leur
ancêtres ; l'ombrage que portaien
au khabfe leur puissance et leurs ri-
chesses , enfin le tort impardonna
ble que leur donnait à ses yeux la su
périorité de leurs talents. A ces eau
ses générales se joignirent deux griefi
personnels à Djâfar, et qui lui atti
rèrent un traitement plus cruel qu'à
son ])ère et à ses frères. Loin de fairç
périr le prince alide Yahia , il l'a^
vait traité avec beaucoup d'égards
et lui avait rendu la liberté. Le kha
life, informé de sa désobéissance par
des malveillants , lui demanda cq
qu'était devenu son prisonnier. Djâ-
far répondit qu'il était toujours ren-
fermé. « En ferais-tu serment sur ma
vie? demanda Raschid. Non, certes
dit Djâfar, devinant qu'il était tra-
hi : je l'ai laissé aller, parce qu'i
n'était point coupable. » Le khalift
YAH
feignit d'approuver la conduite de
son favori ,* mais à peine fut- il sorti,
qu'il s'écria : « Que Dieu m'extermi-
ne, si je n'ai ta vie. » Quoique Djâ-
far^, dans cette circonstance, eût con-
sulte les lois de l'honneur et la foi
ducaux serments, sa desobéissance
à son souverain ne pouvait man-
quer de lui attirer une disgrâce écla-
tante. Mais s'il en faut croire l'opi-
nion la plus commune, le grief qui
servit de prétexte à l'arrêt de sa
mort, et à la proscription de toute sa
famille, a répandu le plus grand in-
térêt sur la mémoire des Barmeki-
des, et souillé la gloire d'un monar-
que qu'on s'était trop hâté de sur-
nommer Baschid ( le juste ). Dans
le temps où les Barmekides étaient
le plus en faveur, ce khalife avait
une sœur nommée Abbassa,qui par-
tageait avec Djâfar toutes ses ailec-
tions. Ne pouvant se passer un ins-
tant de la société des deux êtres qui
lui étaient les plus chers au monde,
et les mœuis de l'Orient ne permet-
tant pas qu'il réunît auprès de lui
deux personnes d'un sexe différent ,
Haroun lit épouser la princesse à
Djâfar, pour qu'elle pût' décemment
se montrer devant lui sans voile;
mais il avait préalablement exigé de
lui la promesse qu'il n'userait jamais
avec elle des droits du mariage. Djâ-
far promit tout; il ne connaissait pas
l'épouse qui lui était destinée. 11 la
vit, et l'amour, la jeunesse, la natu-
re lui firent oublier son serment. La
princesse devint enceinte, et mit au
monde deux jumeaux , qui furent éle-
vés secrètement en Arabie. Le kha-
life pénétra ce mystère . soit par le
moyen d'une esclave qui trahit le se-
cret d'Abbassa , soit dans le pèlerina-
ge qu'il lit à la Mekke, l'an 186
: 802 ). En revenant, il dissi^nula
ses projets de vengeance, et ne cessa
YAH
443
pendant toute la route d'envoyer des
présents à son favori. Ce fut à An-
bar, sur l'Euphrate , qu'arriva le
dénouement de ce terrible drame. Le
i^'". safar 187 (29 janvier 8o3 ),
Djâfar passait la soirée à boire avec
le médecin Bakhtischou, et un poète
aveugle qui le divertissait par ses
chants, lorsque l'eunuque Mesrour ;,
son ennemi , entra brusquement sans
se faire annoncer, et lui demanda sa
tête de la part du khalife. Djâfar ,
croyant que cet ordre avait été don-
né dans un moment de colère ou de
débauche, se flattait de fléchir son
maître. 11 obtint qu'avant de remplir
sa commission , Mesrour le condui-
rait à l'entrée du lieu où se trouvait
le khalife , auquel il annoncerait que
son ordre était exécuté. 11 espérait
que ce court délai, et la nouvelle
supposée de la mort de son ami , fe-
raient naître le repentir dans le cœtr
du monarque irrité. Mais son attente
fut déçue. Haroun réitéra l'ordre,
et l'eunuque a|jia aussitôt couper la
tête de Djâfar , la présenta au kha-
life , sur un bouclier , et lui apporta
ensuite le corps enveloppé dans un
cuir. La tête et le tronc furent en-
voyés à Baghdad , et exposés au
haut d'un pal , sur les deu^i ponts
principaux de cette capitale, lis en
furent retirés , au bout de deux ans ,
pour être brûlés , et l'on remarqua
que les funérailles du malheureux fa-
vori n'avaient coûté que quelques piè-
ces de monnaie , tandis que peu de
temps avant sa disgrâce, il avait reçu
du prince un habillement d'honneur,
qui valait quatre cent mille dinars.
Djâfar n'était âgé que de trente-sept
ans quand il périt (3). La vengean-
ts) Ebn-Rhaldouii , historien dislingué pnr une
critique très-rare cher, les écriTaiti» orieiitaiij,
n'hésite point à traiter de fable l'avcnfure de Djû-
Var et d'Abbawa. S- D- S— Y.
444
YAH
ce de Haroun s'cteudit sur toute la
famille des Barmekides. Des ordres
furent cxpcdie's tant à Baghdad que
dans les autres parties de l'empire,
pour les arrêter et confisquer leurs
biens. Quelques auteurs aj outent qu'ils
furent exterminés ; mais il ne faut pas
prendre ce fait à la lettre , car il est
certain que Yahia et ses fils, Fadlil,
Mohammed et Mousa, furent envoyés
prisonniers à Racca en Me'sopotamie ,
où ils finirent tristement leurs jours^
le premier, l'an 191 (807)^3 soixan-
te-dix ans ^ et le second, deux ans
après, à l'âge de quarante-cinq ans.
La mère de Fadhl , qui avait allaite
Haroun , n'avait pu obtenir de lui la
liberté de son fils et de son époux ; il
n'y eut d'excepté de la proscription
que la brandie de Mohammed , fils
de Khaled, qui, n'ayant pas égalé
en crédit et en faveur la branche de
l^hia , n'avait eu ni les mêmes torts
ni des ennemis aussi puissants. Il pa-
raît aussi que quelques rejetons de
Yahia échappèrent Lia catastrophe
générale. Le poète Demeschki, se
trouvant un jour au bain , y chantait
des vers qu'il avait composés autre-
fois pour la naissance d'un fils de
Fadhl , et en récompense desquels il
avait reçu dix mille dinars. Tout-à-
coup le garçon qui le servait s'éva-
nouit. Il s'ensuivit une explication,
et le poète apprit que ce jeune hom-
me était ce même fils de Fadhl. 11
voulut lui faire donation de ses biens,
mais il ne put parvenir seulement à
lui faire accepter la plus faible mar-
que de reconnaissance. « A Dieu ne
plaise, dit le jeune Barmekide , que
je reprenne ce que mon père vous a
donné. » Les opinions varient sur le
sort qu'éprouva Abbassa , épouse du
malheureux Djâfar. Chassée du pa-
lais , selon les uns, elle traîna une
existence misérable avec ses enfants :
YAH
suivant d'autres, ils moururent etL
prison, ou furent précipités dans ui
puits, que le khalife fit combler \m<
médiatement. Mais cette dernière ver
sion, quoique la plus répandue, esl
la moins vraisemblable. La gloire el
le souvenir des Barmekides survécu-'
rent à leur disgrâce. Leur mérite
leurs rares qualités brillèrent avec
plus d'éclat qu'au temps de leu
puissance, et ils ont trouvé presque au'
tant d'historiens que les conquérantî
et les monarques de l'Orient. Soil
honte, soit remords, Haroun Al-RaS'
chid avait défendu, sous peine d<
mort, de publier leurs louanges, el
de prononcer leur nom ♦ mais il ne
put faire taire la reconnaissance des
peuples. Deux hommes furent arrê-
tés , l'un chantant une complainte
sur la chute de Yahia et de ses fils
qui l'avaient comblé de bienfaits
l'autre racontant leurs belles actioni
et faisant leur éloge. Le khalife, émi
malgré lui , ne put s'empêcher de par
donner au premier , et de récompen
ser le second , qui osa lui rappelé
les obligations qu'il avait lui-mêm
aux Barmekides, el les services qu'il
avaient rendus à l'état. Ce dernier
en recevant une assiette d'or que lu
donnait le khalife, s'écria : « Voil
encore un présent que je reçois de
Barmekides. » Les malheurs de cett
famille , ainsi que les amours de Djc
far et de la sœur du khalife , sont I
sujet d'un roman de M'^*^. Fauque
intitulé Ahhassdi, histoire orientale
1752, in-i'i. Laharj)e a donné, a
Théâtre-Français^ une tragédie re
présentée et imprimée en 1778, sous
ce titre : Les Barmecides. Mais les
faits connus ne forment que l'avant -
scène j le reste est de l'invention de
l'auteur. Contre toute vraisemblance,
il y ressuscite Djâfar, qu'il nomme
Barmecide, Gii\ le fa il paraître poui
YAH
arrêter et découvrir une conspiration
tramée par son fils contre le khalife,
qu'il suppose mal- à-propos apparte-
nir à la race d'Aly, et qiîi pardonne
comme Auguste. M. de Hammer a
aussi composé en allemand une tra-
gédie dont le sujet est la chute des
Barraekides. - A — t.
YAHIA AL-MOTALY , seizième
roi de Cordoue , et troisième khalife
delà dynastie des Hamoudidcs, était
fils d'Aly ben Hamoud , qui se pré-
tendant issu du prophète des musul-
mans , par les Édrissides , anciens
rois de Fez , et héritier, par la dis-
Sarition et le choix de Hescham II ,
u trône de Cordoue , usurpé succes-
sivement par deux princes ommeya-
des ( Fof. Mahdy , XXVI , i55 ,
et SoLEiMAN, XLIII, 1 1 ), avait quit-
té son gouvernement de Ceuta , l'an
4o5 de l'hég. ( ioi5 de J.-G. ),
prisMalaga, vaincu et tué Soleiman,
en 407 ( 1016), et usurpé la cou-
ronne avec le titre de khalife , qui
lui furent disputés par Abd-el-Rah-
raan IV, de la race des Ommeyades.
Aly ayant été assassiné dans le bain
Car ses esclaves , en 4o8 ( 1018 ) ,
ahia partit de Ceuta , avec toutes
ses forces , s'empara de Malaga , et
n marcha sur Cordoue , où son oncle
Cacem , gouverneur d'Algeziras ,
avait été reconnu souverain. Après
plusieurs combats sans résultats
décisifs entre l'oncle et le neveu ,
celui-ci resta maître de Cordoue,
en 4iîi ( 1021 ) , fournit des troupes
à Cacem pour faire la guerre au parti
d'Abd-el-Rahman, et convint de par-
tager l'Espagne avec lui. Mais , au
mépris de ce traité, Yahia s'attribua
la souveraineté sans partage , et dé-
clara que son oncle n'y avait aucun
droit : celte déclaration fut signée
par tous les cheikhs , les khatibs
et les généraux de Cordoue, qui
YAH 445
préféraient la douceur et l'affa-
bilité du neveu au gouvernement
tyrannique de son oncle. Cacem ,
qui venait de conduire à Ceuta
le corps de son frère Aly , ayant
appris à Malaga la perfidie de son
neveu , négligea la guerre contre
Abd-el-Rahman , et réunit tous ses
efforts contre Yahia. Celui-ci , privé
d'une partie de ses troupes , et ne
pouvant opposer qu'une faible résis-
tance à son oncle ^ se replia sur AI-
geziras , à la fin de 4^3 (février
I o'23). Cacem rentra dans Cordoue •
mais , irrité de ne voir sur son pas-
sage que la populace , il se vengea
de ce froid accueil par de nouvelles
cruautés qui le rendirent plus odieux.
Une conspiration excitée par les pre-
miers citoyens ayant éclaté contre
lui , il parvint à sortir de Cordoue ,
à travers mille périls _, au commen-
cement de l'an 4^4 f avril io23 ) , et
se relira à Xerez , où l'alcaïde le livra
aux troupes de Yahia qui le fit ren-
fermer dans une étroite prison. Yahia
se maintint dans la souveraineté de
Malaga , d'Algeziras , de Tanger ,
de Ceuta, etc. , qu'il gouverna avec
autant d'équité que de modération ,
jusqu'à la fin de l'année suivante :
cédant alors aux vœux de ses parti-
sans , plus qu'à son ambition , il alla
reprendre possession du royaume de
Cordoue , livré à l'anarchie, depuis
la mort tragique des deux princes
ommeyades, Abd -el - Rahman V,
et Mohammed lïl , qui avaient ré-
gné successivement après Cacem.
Yahia y fut reçu au bruit univer-
sel des acclamations et des ap-
plaudissements. Ses vertus et ses
talents faisaient espérer un règne
fortuné ; mais ayant marché contre
le wali de Séville , Aboul Cacem
Mohammed ben-Abad , qui refusait
de lui rendre hommage , il donna ,
446
YAH
près de Ronda , dans une embuscade
où il périt le 7 moharrem 4^7 (^^
février 1026 ). Il eut pour successeur
Hescliam III , le dernier des princes
ommeyades, après l'expulsion du-
quel le trône de Cordoue fut occupé
par deux, princes d'une autre famille,
avantd'ètre conquis parle troisième
roi de Séville , l'an 45'2 ( 1 060). Mais
les Hamoudides , issus de Yahia ,
régnèrent à Malaga età Algeziras, jus-
qu'en 472 ( 1079). Le dernier d'en-
tre eux fut dépouillé par le roi de
Séville , et se retira en Afrique.
A — T.
YAHIA AL-DHAFER-BILLAH,
roi de Tolède et ensuite de Valence ,
était fils ou petit-fils d'Yahia J«=^ al-
Mamoun _, qui , l'ayant désigné pour
sou successeur, l'avait mis sous la pro-
tection d' Alphonse VI, roi de Léon
et de Castille {F. Mamoun , XXVI ,
439). Mais comme Yahia I^^^'. était
mort à Séville ou à Cordoue, dont
il avait fait la conquête , et que
sou petit - fils était probablement
auprès de lui , les habitants de
Tolède, craignant que le nouveau
souverain ne choisît une de ces
deux: villes pour sa résidence, re-
connurent pour roi son frère ou son
oncle Hescham al-Gader-Billah , qui
prit possession du troue l'an 4(>9 de
l'hég. (1077 de J.-C), et s'y main-
tint sans doute au moyen de quelques
concessions qu'il lit au roi de Castil-
le. Les auteurs chrétiens le représen-
tent comme un prince juste , sage et
habile ; mais les historiens arabes qui
ne le nomment pas , donnent lieu de
croire qu'il était ce roi voluptueux et
efféminé que les habitants de Tolède
chassèrent de leur ville, en 47^
(1080), après avoir massacré une
partie de ses ministres et de ses gar-
des. Ce fut probablement alors que
Yahia monta sur le trône ; mais il ne
YAH
put s'y maintenir. La haine de Mo-
tamed ben-Abad , roi de Séville,
contre les Dzoulnounides se ré-
veilla lorsqu'il vit l'héritier de leur -
puissance menacé par les Castil-
lans , qui le regardaient comme un
usurpateur , comme un tyran , parce
qu'il n'était pas leur créature , et
qu'il refusait d'être leur vassal. Les
ambassades , les intrigues , les pré-
sents du roi de Séville étouffèrent ai-
sément dans le cœur de l'ambitieux
Alphonse la voix delà reconnaissance
qu'il avait jurée à l'aïeul du roi de
Tolède. 11 déclara la guerre à ce der-
nier, se ligua avec Motamcd son
ennemi , et dès l'année 474 ( ^^^0 »
fît deux excursions par an sur le^
terres de Yahia, les dévasta pen-
dant trois ans , et mit ensuite le
siège devant la capitale, tandis
que son allié attaquait les provin-
ces du midi. Si Yahia eût été un
monstre avide, impudique et cruel,
comme le dépeignent les historiens
espagnols; si ses sujets , pour en être
délivrés , se fussent adressés en mê-
me temps aux rois de Castille et de
Séville ;, ils n'auraient pasmanquéde
se soulever contre leur tyran , dès la
première apparition des troupes
étrangères sur leur territoire. Leur
dévouement , leur fidélité , leur résis-
tance contre les efforts des Castillans,
démentent les calomnies qui ont flé^
tri la mémoire de ce prince. Aban-'
donné par les autres dynastes mu-
sulmans de la péninsule , excepté par
le roi de Badajoz, la famine qui ra-
vageait Tolède le força de capituler,
le 27 moharrem 478 (^5 mai io85).
Il stipula que les musulmans qui vou-
draient y demeurer conserveraient
leurs biens, leurs juges, leurs mos-
quées et l'exercice public de leur cul-
te. Il en sortit avec sa famille, ses
trésors , ses sujets les plus distingués;
YAH
Ctayantobtenu îles secoursd' Alphon-
se, dont il s'était reconnu tributaire,
il se retira à Valence , et se mit en
possession , dès la même année , du
ttonede cette ville, que son père avait
conquise. Plus sensible à la perte de
la couronne que le Castillan lui avait
enlevée , que reconnaissant d'en
avoir obtenu une autre par la protec-
tion de ce prince , il entra dans la coa-
lition des princes musulmans de la
péninsule , envoya des députés à la
junte de Cordoue , et donna son adhé-
sion à la funeste délibération dont le
résultat fut de recourir au roi de Ma-
roc, fondateur de la dynastie des Al-
Mora vides ( /^. Yousouf ben Tasch-
fyn). L'année suivante, il amena ses
troupes au camp de ce monarque, et
assista à la bataille de Zaiaka ; mais
démêlant les intentions de ce dange-
reux auxiliaire , il retourna dans ses
états , et resserra son alliance avec le
roi de Castille. En effet, Yousouf ,
ayant réduit les royaumes de Gre-
nade, de Séville, d'Almérie et de
Murcie , envoya des troupes qui sou-
mirent Dénia, Schatibah et Mour-
viedro , dont les princes s'étaient
aussi ligués avec les Castillans, pour
résister aux Al-Moravides. Réunis
sous les drapeaux du Cid , qui com-
mandait les chrétiens, ils s'enfermè-
rent dans Valence , où Yahia fut bien-
tôt assiégé par les Africains. Aban-
donné de ses alliés , ce prince conti-
nua de se défendre vigoureusement ;
mais les portes de la ville ayant été
ouvertes aux assiégeants par le ca-
dhi Ahmed ben Djahaf al-Moafery,
le roi périt glorieusement , en com-
battant à la tête de sa garde , en 48f>
( 109*2 ) , après avoir régné sept ans
à Valence. 11 fut le dernier prince
de sa race. A — t.
YAHIA ( Abou - Zakharia Ben
Aly Ben -Ghani a), fameux capitaine
YAH 44^
maure , que les historiens espagnols
ne désignent que sous le nom de Ben
Gama , était allié à la famille sou-
veraine des Al-Moravides qui régnait
sur les deux Mauritanies et sur la plus
grande partie de l'Espagne ( /^qr.
Yousouf ben Tascufyn ). Il était
wali ou gouverneur de Lérida . Tan
528 del'hég. ( ii34 de J.-C ) ,
lorsqu'ayant intercepté les convois
destinés à l'armée d'Alphonse 1er. ^ roi
d'Aragon , qui assiégeait Fraga , il
remporta , le 7 juillet, une victoire
complète sur ce prince qui périt sur
le champ de bataille , suivant les au-
teurs arabes , ou cinquante jours
après , suivant les historiens espa-
gnols. Un tel exploit valut à Yahia
ben-Ghaniale gouvernement de Cor-
doue, après qu'Aly, roi de Maroc ,
eut rappelé son iils Taschfyn en
Afrique; et lorsque ce dernier eut
succédé à son père l'an 53»] ( r i43) ,
il chargea Yahia du commandement
général de toutes les forces des Al-
Moravides en Espagne. Mais les re-
vers que ïaschfyn éprouva en Afri-
que ( f^oj^. Taschfyn ) rendirent la
position de son lieutenant très-péni-
ble dans la péninsule. Les Maures
d'Espagne ne supportaient qu'en fré-
missant le joug odieux des princes
Al-Moravides. Aussitôt qu'ils appri-
rent les succès obtenus sur leurs ty-
rans en Afrique, par les Al-Mohades
( /^. Abd-el-Moumen) , ils prirent
les armes de toutes parts. La pre-
mière révolte éclata dans l'Al-Garb ,
au mois de safar 53g (août 1 144).
Yahia marcha contre les rebelles
qui menaçaient la ville , les tailla en
pièces et les força de repasser la
Guadiana ; mais tandis qu'il assié-
geait Niebla , depoiis trois mois , il
apprit que les Cordouans avaient
assassiné leur cadhi et s'étaient don-
né un roi ( mars 1 1 45 ). Il leva le
4i8 Y AH
sic'gc, et marchait pour les réduire ,
lorsqu'il reçut successivement la nou-
velle que Valence , Malaga , Alican-
te , IVIurcie, etc., avaient suivi l'exem-
ple de Gordoue. Désespérant alors
d'apaiser les troubles de l'Al-Garb ,
et même de conserver l'Espagne aux
Al-Moravides , il manda à son frère
Mohammed d'abandonner Sëvilie^
d'en emmener les troupes etles vais-
seaux disponibles , et d'aller se for-
tifier dans les îles Baléares. Le départ
de Mohammed fit alors tomber Sé-
ville au pouvoir d'un autre rebelle.
La mort du roi de Maroc , arrivée
sur ces entrefaites , affaiblit encore
le parti des Al-Moravides en Espa-
gne. Son cousin Aly ben Aboubekr ^
chassé de Grenade par les habitants,
fut tué en défendant la citadelle oii
il s'était réfugié. Abd-allah, neveu
d'Yahia ben-Ghania , forcé d'aban-
donner Valence ;, s'était retiré à
Schatibah , oii il résista quelque
temps aux révoltés. Mais , réduit à
capituler, il se rendit à Almerie, oii
il se maintint encore , et s'embarqua
dans la suite pour aller trouver son
père Mohammed à Maïorque. Ce-
pendant Yahia , par sa valeur et son
habileté , soutenait les débris de la
puissance des Al-Moravides. Il par-
courait les provinces y rappelait les
peuples à la concorde^ à l'obéissan-
ce envers leurs légitimes souverains ,
employait la force et la ruse à dé-
faut de la persuasion , et excitait la
rivalité entre les divers ambitieux
qui s'étaient érigés en souverains
( Vojez Seif - Eddaulah XLT ,
487 ). Mais ces divisions ^ utiles à
son parti, favorisèrent les entre-
prises des Al-Mohades ^ ses ennemis.
Abd-el-Moumen, leur chef, maître
des Mauritanies ^ envoya des troupes
en Espagne^ et soumit Algeziras,
Xerez et Scville jl'an 54 1 (i 146-7).
YAK
Dans le même temps , Yahia , avec
le secours d'Alphonse-Raimoud , roi 1
de Gastille , recouvrait Andiijar ,
liaeça et Gordoue j mais il paya chè- '
rcment ce service en cédant à son
auxiliaire la seconde de ces places, et
en l'aidant l'année suivante à s'em-
parer d'Alraerie. Ayant affaibli son
armée pour envoyer des renforts
aux habitants de Geuta , révoltés
contre Abd-el-Moumen , il fut assiégé
dans Gordoue par les Al-Mohades j
après une longue et inutile résistance,
il en sortit et laissa un de ses lieu-
tenants qui ne tarda pas à capituler.
Yahia ^ retjré à Grenade , continua
de lutter contre les Al-Mohades, avec
des succès balancés , jusqu'à ce que
ceux-ci, maîtres de toute l'Anda-
lousie , allèrent l'attaquer dans son
dernier asile. Soutenu par un corps
de chrétiens , il risqua encore une
bataille à la fin de décembre 1 148,
ou au commencement de janvier
1 1 49 ; mais il y fut blessé mortelle-
ment et expira trois jours après à
Grenade. Avec lui s'anéantit la puis-
sance des Al-Moravides en Espagne.
Les historiens espagnols disent qu'il
fut massacré à Jaen par les siens ,
pour avoir usé de perfidie envers
Alphonse, auquel il avait promis de
livrer cette place. A — t.
YAKOUT ( Sciiéhab-eddin Abou-
Abd- ALLAH ) était Grec d'origine çt
de naissance. Fait captif , et enlevé
de son pays dans un âge encore
tendre, il fut conduit à Bagdad, et
acheté par un ne'gociant nommé
Asker , natif de liamah , mais qui
avait {ïJ^é sa résidence et le centre de
ses affaires dans la capitale de l'em-
pire des khalifes. A raison de ces
circonstances , on a donné à Yakout
les surnoms de B.oumi , Hama\vi et
Bagdadi qui indiquent son origine ,
la patrie du maître par qui i! fut
YAK
affraiiclii , et le lieu de sa résidence.
Asker eut soin de son éducation^ et
lui lit entreprendre divers voyages
dans l'intérêt de son commerce. Plus
tardYakout^ ayant obtenu sa libelle,
gagna sa vie à copier des livres ;
mais il ne tarda pas à rentrer comme
associe ou commis inte'resse dans
les affaires , au service d' Asker. Ce-
lui-ci étant mort, Yakout rendit
compte, des fonds qu' Asker lui avait
contiés, à sa veuve et à ses enfants :
et , de la somme qui lui resta après
la liquidation de leurs dlÉÉfis respec-
tifs , il forma un capital avec lequel
il se mit à faire le commerce , et par-
ticulièrement le commerce de livres.
Il changea son nom de Yakout ,
Tun de ceux qui ne sont portés
que par des esclaves ou des af-
franchis, en celui de Yakouh ;
mais il est demeuré connu sous ce-
lui de Yakout. Une mauvaise af-
faire qu'il s'attira à Damas , en te-
nant des propos injurieux à la
mémoire d'Ali , l'obligea de quitter
cette ville, et de changer souvent de
domicile j et après avoir résidé suc-
cessivement à Alep , à Mosul , à Ar-
belles, puis dans le Khoiaçan , à
Mérou et à ISisa ;, il se trouvait dans
le Kharizme, en l'année 6i6derhég.
( 1 2 1 9-20), lors de l'invasion des Tar-
tares. Fuyant devant l'armée dévas-
tatrice de ces conquérants , et dans
un dénuement extrême , il revint ha-
biter Mosul , puis Sandjar , et enOn
,un faubourg d'Alep, où il demeura
jusqu'à sa mort, arrivée en 626
( 1228-9 ) : il était né en 5^4
( 1178-9) ou 575 C 1179-80).
Yakout a composé un assez grand
nombre d'ouvrages qui prouvent sa
vaste érudition. Le premier , qui
forme quatre gros volumes et qui est
.intitulé : Irschad elalibba lia mari-
Jet elodéba j est une histoire litle-
LI.
YAK
4t9
raire qui embrasse tous les person-
nages qui se sont distingués dans les
diverses parties des sciences gram-
maticales , les historiens, les généa-
logistes , les hommes célèbres par la
beauté de leur écriture, etc. Le se-
cond est une histoire des poètes an-
ciens et modernes : le troisième et le
quatrième sont , comme l'indiquent
leurs titres : Moadjem clschoara et
Moadjem elodéha ^ deux diction
nd^s historiques , l'un des poètes ,
l'autre des hommes de lettres. Le
cinquième et le sixième sont des dic-
tionnaires géographiques : le pie-
mier, qui porte le titre àe Moadjem
alholdan^ jouit d'une grande célé-
brité ; les exemplaires en sont rares
en Europe , et l'on rendrait , en le pu-
bliant, un service éminent à la lit-
térature de rOrient ; le second, qui
est extrait de celui-là , est intitulé :
Kitah elmoschtaric ivadhaîi , eZ-
mokhtelif saJcan , ou Dictionnaire
des homonymes géographiques ,
c'est-à-dire , des noms qui sont com-
muns à divers lieux : c'est un livre
indispensable à ceux qui s'occupent
d'histoire ou de littérature arabe. Il
est plus connu que le précédent , sur
lequel il faut consulter principale-
ment M. Fraehn , dans l'ouvrage
qu'il a publié ;, en allemand , à Pé-
tersbourg , en 1828 , sous ce titre :
Ihn Foszlans und anderer Araher
Berichte ûher die Russen œlterer
Zeit. Yakout a encore composé quel-
ques autres ouvrages , notamment
une préface ou des prolégomènes
pour le Kitab clagani ou Recueil
de chansons d'Abou'lfaradj Ali Is-
fahani. La vie de Yakout , écrite par
Ebn-Khilcan , dans sa Biographie
des hommes illustres , a été publiée
et traduite par M. Hamaker , pro-
fesseur à Leyde, dans le volume in-
titulé : Spécimen Catalogi codicum
29
45o YAK
mss. orient, hihlioth. Jcademiœ
Lugduno-Batapce. Elle est d'autant
plus intéressante que le biographe y
a inséré eu entier une lettre de Ya-
kout , dans laquelle il raconte une
grande partie des événements d'une
vie fort agitée. Le grand Dictionnaire
géographique de Yakout a été abré-
gé , sous le titre de Kitab mérasid
elittild ala asma elamkinet ouel-
hikd : on ignore quel est l'auteur de
cet abrégé , livre très-utile , et ddft la
publication , moins dispendieuse que
celle de l'ouvrage original de Yakout ,
serait favorablement accueillie par
tous ceux qui mettent quelque intérêt
aux progrès de la littérature orien-
tale. La bibliothèque du roi possède
un exemplaire de cet abrégé.
S. D. S — Y.
YAKOUT (Emin-eddin-Abou'l-
dorr) , iils d'Abd-allali , et surnom-
mé Méliki , parce qu'il avait été au
service du suithan de Perse Abou'l-
fath Mélicschali , et Mausili ^ en
raison de ce qu'il établit sa ré-
sidence à Mosul y se rendit cé-
lèbre dans le sixième siècle de l'hé-
gire par la beauté de son écriture : il
avait pris pour modèle le célèbre
Ebn-albawwab, mais i! le surpassa
encore. Il lit plusieurs copies du
Dictionnaire arabe de Djewahari,
intitulé Sihah , en un seul volume.
Ebn-Khilcan , qui assure avoir vu
quelques-uns de ces exemplaires^ dit
qu'ils se vendaient au prix de cent piè-
ces d'or. Yacout acquit une grande
célébrité, et forma beaucoup d'élèves:
ion venait de contrées fort éloignées
pour prendre des leçons de lui. Il
parvint à un âge très-avancé , et son
écriture éprouva , par Teftet des an-
nées , une grande altération. Il mou-
rut eii 6i8 ( 1 221-9. ). S. D.S — Y.
YAKOUT ( MOHEDDHIB-EDDIN
Abou'ldobr ) , Roumi , avait été
YAL
esclave d'un négociant. Il cultiva
avec soin la littérature, et surtout la
poésie y et;, quand il y eut obtenu des
succès , il prit le nom à' Ahdalrah-
rrCan. Il résidait dans le collège fondé
par Nizam-elmoulc à Bagdad. On a
de lui des poésies, principalement
dans le genre erotique , qui étaient
très-connues dans l'Irak , en Syrie ,
et dans les contrées orientales de
l'empire musulman. Il fut trouvé
mort dans sa chambre à Bagdad, en
622 ( 1225 ). On dit que ses poésies
ont été r(É|iiies , et qu'on en a formé
un recueil. S. d. S — y.
YALDEN ( Thomas) , poète an-
glais _, naquit à Exéter en 16-^1.
Après avoir reçu l'instruction pre-
mière dans une école qui dépendait
du collège de la Madeleine , à Ox-
ford , il fut admis comme élève de
seconde classe , dans ce même col-
lège^ sous la direction spéciale du
docteur Pullen , qui a laissé une ré-
putation honorable , dans cette ce
Icbre université. Le jeune Yalden
avait alors neuf ans : l'année suivan
te il passa au grade à* étudiant , et
ne tarda pas à se faire remarquer par
une aventure où le hasard le servit
au-delà de ses vœux. Son tour était
venu de prononcer la Déclamation
d'usage : le docteur Hough^ qui pré
sidait la séance , jugea la composition
supérieure aux forces du jeune ora-
teur. Il ne témoigna rien de ses soup-
çons; mais l'occasion se présenta
bientôt de les éclaircir. Ayant surpris
Yalden à la bibliothèque du collège ,
dans un moment où le règlement le
défendait , il lui imposa pour puni-
tion un nouveau sujet de composi- '
tion ; et pour mieux s'assurer qu'elle
serait bien son ouvrage , il le laissa
seul , et enfermé sous la clef. Par un
hasard heureux, Yalden avait fait,
peu de jours auparavant^ des lee
I
YAL
res analogues au sujet propose'; aussi
s*en tira-t-il avec autant de facilité
que de succès : le président, agréable-
ment surpris , lui fit l'aveu de ses
premiers soupçons, et lui voua dès
cet instant même une bienveillance
qui ne se démentit plus. Devenu agré-
gé en 1700 , Yaîden entra dans les
ordres l'année suivante ; et un petit
bénéfice dans le comté de Warwick_,
joint au revenu de l'agrégation , et
de son cours particulier de Philoso-
phie morale , lui assura une exis-
tence très-honorable. H fut l'ami
de Congrève , d'Addison , de Hop-
king, d'Atterbury, de Saclieverell
et de beaucoup d'autres savants.
Yalden embrassa d'abord la cause
des Stuarts ; mais, la voyant définiti-
vement perdue , il changea d'opi-
nion y devint le partisan de Guillau-
me, et composa, en l'honneur de ce
prince , une Ode pour célébrer la prise
de Namur ; puis une autre sur la mort
du duc deGlocester(i70i).Il obtint
alors une prébende, et fut nommé à
la chaire de philosophie moralede l'u-
niversité d'Oxford. Lorsque la reine
' Anne monta sur le trône , il célébra l'a-
vénement de cette princesse dans une
pièce de vers , et son zèle fut récom-
pensé par le rectorat de Ghalton , et
celui de Gleanville dans le Hertford-
shire. Il obtint encore les prébendes
de Déans, de Hains, et de Pendles
dans le Devonshire. Depuis l'an
1698 il avait succédé à Atter-
bury , dans la place d'aumônier de
l'hôpital de Bridwell , et il jouissait
paisiblement de tant de bénéfices
accumulés sur sa tête , lorsqu'il fut
accusé d'avoir pris part à la conju-
ration d'Atterbury ( Foy, Atter-
BURY , 11 , 6*23 ) , et mis en prison
( 1 7 2i3 ) . 11 subit un interrogatoire très-
sévère, et dans lequel on lui présenta
, sa correspondance avec Kelly , se-
YAN
45
crétaire d'Atterbury, qu'il reconnut,
mais dont il s'excusa , disant que
rien n'y annonçait l'intention de tra-
hir son souverain. On ne trouva
chez lui aucun écrit qui pût le com-
promettre , si ce n'est les mots sui-
vants : Doctrine de la résignation
parfaite. Les juges qui desiraient le
trouver coupable , l'ayant interrogé
sur ces expressions , il répondit qu'il
avait honte de s'expliquer sur une
pareille demande , et ne put indi-
quer que fort imparfaitement dans
quel sens il avait autrefois écrit ce
peu de mots insignifiants sous le rè-
gne de la reine Anne. Comme rien
d'ailleurs ne prouvait qu'il fût cou-
pable , on le mit en liberté. Il ve'-
cut ensuite dans la retraite , privé
de ses bénéfices , et mourut le 1 6 juil-
let 1736. Parmi ses poésies on loue
M Hymne à la lumière. C'est la con-
tre partie de celui que Cowley avait
adressé aux ténèbres. Le grand cri-
tique Samuel Johnson y trouvait de
rimaginalion,dela vigueur dans l'ex-
pression , et une rare propriété dans
les termes. Quant aux autres pièces
de Yalden , elles sont déparées par
des taches qui semblent plutôt des né-
gligences de paresse que des omis-
sions d'enthousiasme. L'auteur est
surtout trop peu scrupuleux pour la
rime. Samuel Johnson et Anderson
ont inséré un choix de ses OEuvres
dans leurs Becueils. A — D — r.
YANEZ DE LA BARBUDA
( Dom Martin ) (i), capitaine por-
tugais , doit la place qu'il tient dans
l'histoire à^sa folle et malheureuse
entreprise contre les Maures de Gre-
nade. Né d'une des premières familles
du Portugal , d embrassa , jeune, la
profession des armes , signala sa
(i) Ce capitaine est nommé, dans les Dictionnai-
res, Yvan-Beruda.
29.
459. Y AN
valeur dans différentes renconlrcs ,
et parvint à la dignité de clavero
(grand-trésorier) de l'ordre d'Aviz.
Après I4 mort du roi Ferdinand
( 1 3B3 ) , le grand - maître d'Aviz
s'étant fait déclarer régent de Por-
tugal , Yaîicz resta fidèle à la reine ,
et suivit cette princesse , obligée de
chercher un asile en Caslille. Tous
les biens qu'il possédait en Portugal
furent confisqués, et il se serait trou-
vé réduit à l'état le plus déplorable ,
si le roi de Castille ne l'eût fait élire
grand-maître de l'ordre d'Alcantara.
Dans la guerre contre les Portugais ,
Yanez eut de nombreuses occasions
de signaler son courage ; il assista à la
bataille d'Aljubarota; mais tous ses
efforts ne purent décider la victoire
( Foy. Jean I^^, XXI , 457 ). Les
Portugais, maîtres des principales
places de la Castille , dictèrent les
conditions de la paix. Le repos ne
s'accordait pas avec le caractère
aventureux et entreprenant d'Yanez.
Dans le voisinage d'Alcantara vivait
un ermite nommé Jean Sago. Ce per-
sonnage, que le peuple vénérait com-
me un saint , vint trouver Yanez et
lui persuada qu'avec une poignée
d'hommes il pourrait conquérir le
royaume de Grenade , et expulser
les Maures de l'Espagne. Yanez , sé-
duit par les promesses de l'ermite ,
envoya un cartel au roi de Grenade;
et , dans le cas où il ne lui convien-
drait pas de l'accepter , lui proposa
de faire combattre vingt , trente , et
même cent chrétiens contre le dou-
ble de Maures , à la condition que
la religion des vainqueurs serait dé-
clarée la seule véritabie. Le roi mau-
re retint prisonnier l'envoyé d'Yanez,
et ne répondit point à son défi. In-
(W^né de cette double infraction aux
lois de la chevalerie , le grand- maî-
tre d'Alcantara fit un appel à Thon-
YAN
neur castillan , et bientôt il vit se
ranger autour de lui six mille hom-
mes animés du désir d'exterminer les
Maures. Le roi de Castille, instruit
des préparatifs d'Yanez , le conjure
de renoncer à des projets qui peu-
vent ramener le fléau de la guerre
dans ses états. Emporté par son en-
thousiasme chevaleresque et reli-
gieux y il méconnaît la voix de son
souverain , et s'avance sur les fron-
tières du royaume de Grenade , ac-
compagné de l'ermite , premier mo-
teur de l'expédition , et portant une
croix au bout d'une lance. La tour
de Leguada, dont il veut s'emparer,
oppose une résistance inattendue.
Tandis qu'il fait des préparatifs pour
une nouvelle attaque, les Maures ,
plus nombreux et mieux armés que
les soldats d'Yanez , fondent sur eux à
d'improviste , et les taillent en pièces.
Abandonné de la plus grande partie
des siens , le grand-maître d'Alcanta-
ra continua de se défendre , et , après!
avoir fait des prodiges de valeur ,,
tomba percé de coups sur les corpsl
de ses ennemis qui lui formaient uni
rempart. Cette bataille mémorablel
eut lieu le 26 avril 1874 ' les restes!
de ce capitaine , réclamés par les]
chrétiens , furent ensevelis avec pom-l
pedans l'église deN.-D. d'Alcantara.
Son tombeau était décoré de l'épita-
plie suivante _, qu'il avait, dit-on ,■
composée lui-même :
Hic silus est Martinus Yvanicus ,
In onini periculo expeHi limoris animo (a).
On raconte qu'un seigneur castillan
ayant rapporté cette épitaphe à
Charles-Quint , ce prince lui dit : « 11
faut que ce p-rand -maître n'ait ja-
mais essayé de moucher un flambeau
(2) C'csl-à-dirc : Ci-gît Martin Yvan , dont le
cœur n'éprouva jamais de crainte dnns le danger.
il
YAN
avec les doigts. » Voyez Mariaua ,
Hist. d'Espagne , liv. xix. W — s.
YAJNG-TI, empereur de la Chine ,
était fils d'Owen-ti , fondateur de la
dynastie des Soui. Il succéda l'an
6o5 à son père , dont on le soupçonna
d'avoir avancé la mort. Il obligea
son frère aîné, Yang-wang^ de s'é-
trangler lui-même, cassa les minis-
tres qui s'étaient montrés opposés à
ses vues ambitieuses, et les exila dans
des provinces éloignées. Après avoir
rendu les honneurs funèbres à son
père , il visita Lo-yang où il avait le
dessein de transporter sa cour j et ,
ayant déterminé le lieu et le plan du
palais qu'il voulait y faire construire ,
chargea son frère Yang-sou de la sur-
veillance des travaux. Ce palais , qui
surpassait en magnificence tout ce
(ju'on avait vu jusqu'alors , n'était
point achevé , lorsque l'empereur
ordonna de creuser des canaux pour
faciliter le transport des marchan-
dises dans l'intérieur de l'empire.
Profitant des richesses immenses que
son père avait accumulées , il bâtit
quarante palais au voisinage de Lo-
yang, et établit à l'ouest de cette
ville un jardin de deux cents ly de
tour. Ce jardin, le plus vaste qui ja-
mais ait existé, renîérmait deux lacs
dont un très-grand , et plusieurs col-
lines de cent pieds de hauteur, toutes
ornées de bâtiments et de salles ou-
vertes qui communiquaient par des
galeries. 1/ empereur parcourait à
cheval ces lieux enchanteurs, suivi
de mille femmes qui chantaient et
jouaient de divers instruments. Dans
un voyage qu'il fit à Kiang-tou , sur
l'eau , il montait une barque dans
l'intérieur de laquelle on avait pra-
► tiqué , outre une salle d'audience et
des logements pour les eunuques de
service , cent vingt chambres , toutes
enrichies d'or et de pierreries. La
YAN
453
barque impériale était entourée d'un
si grand nombre de nacelles de tou-
tes les grandeurs , que l'on comptait
plus de quatre-vingt mille bateliers,
dont l'uniforme réglé par l'empereur
consistait en un très-beau brocard ,
orné de dragons et de fleurs. Yang-
ti, malgré son goût excessif pour les
plaisirs , aspirait à la réputation d'un
conquérant. Il agrandit son empire
de plusieurs provinces ; mais il
échoua dans toutes ses entreprises
pour s'emparer du royaume de Co-
rée. Non moins jaloux delà gloire ijue
donnent les lettres aux princes qui
les protègent , il fit venir à sa cour
les hommes les plus instruits , et leur
enjoignit de composer des ouvrages,
chacun dans le genre qu'il avait cul-
tivé le plus particuhèreraent. Ayant
voulu visiter les provinces septentrio-
nales de l'empire , il s'avança près
de la grande muraille. Investi par
le khan des Tartares , il se réfugia
dans un fort, et ne dut son salut
qu'à l'adresse d'une princesse chi-
noise, femme du khan , qui, pour
obliger son mari à se retirer , lui fit
donner de faux avis sur des troubles
imaginaires dans ses états. Le luxe de
Yang-ti ne se soutenait que par l'a<î-
croissement des impots. Ils étaient
devenus si onéreux que le peuple ne
pouvait plus les payer. Dans la
seule année 6i6 il éclata jusqu'à six
révoltes. Li-chi-min , plus connu
sous le nom de Thaï-tsoung ( F. ce
nom , XLV , 23 1 ) , réussit à s'empa-
rer du pouvoir. Il fit déclarer son
père empereur , laissant à Yang-ti le
titre aussi fastueux qu'inutile de
suprême empereur. Retiré dans son
palais à Kiang-tou, Yaug-li conti-
nua de s'y livrer à ses goûts effémi-
nés , se montrant insensible aux maux
qui désolaient l'empire. Un de ses
officiers , indigné de servir un prince
m YAO
si méprisable y Tëtrangla Tan 617.
L'histoire impartiale, en flétrissant
les vices de Yang-ti, ne doit point ou-
blier qu'il rendit un service im-
mense à la Chine, en faisant creuser
des canaux dont plusieurs subsistent
encore. Son règne est mémorable
par les rapports nouveaux que la
Chine eut alors avec quelques pays
e'trangers, et notamment avec les îles
Lieou-Kliieou, d^ont on place la dé-
couverte à l'an 610. Trois ans aupa-
ravant, dans la vue de servir le goût
que l'empereur montrait pour les re-
lations des pays lointains , on dressa
une carte de l'Asie centrale , depuis
Chu-tcheou jusqu'à la mer Caspienne,
accompagnée d'une description en
trois livres , qui sont un témoignage
remarquable des progrès que les
Chinois avaient faits dès-lors dans
l'étude de la géographie. F. Mailla ,
Ilist. de la Chine y v , 5o2-53. W-s.
YAO, l'un des premiers empe-
reurs de la Clnne. C'est au règne de
ce prince que commence le Chou-
king ; mais il ne faut pas en con-
clure , comme l'ont fait quelques sa-
vants , qu'avant lui l'histoire de la
Chine ne présente qu'un ramas con-
fus de fables et de traditions obscu-
res. Yao était fils de Ti-ko et de
Kian-ti, sa deuxième épouse. Dans
sa jeunesse il porta le nom de Y-ki.
Après la mort de Ti-ko ( l'an 2366
avant l'ère chr. ) Tché ou Ti-tchi ,
son fils amé, fut choisi pour lui suc-
céder. Le prince Y-ki , alors âgé de
treize ans, reçut en apanage le pays
de Tao , ensuite celui de Tang. Les
vices grossiers de Ti-tchi l'ayant
fait déclarer indigne du trône, Y-ki
fut élu à sa place ( 0.35-] avant l'ère
chr.). A son avènement , il changea
son nom contre celui de Yao , établit
sa résidence à Ping-yang dans le Ki-
tcheou^ et prit \efeu pour symbole
YAO
de son règne. Un de ses premiers
soins fut d'encourager l'étude de
l'astronomie et l'observation des phé-
nomènes célestes. Il avait à sa cour
quatre astronomes , deux du nom de
Hiy qui étaient frères ^ et deux du
nom de JIo , également frères, 11 les
envoya aux quatre extrémités de son
empire, pour en déterminer l'étendue
et les limites. A leur retour, il les
chargea de dresser un nouveau ca-
lendrier, ou du moins de rectifier les
erreurs que la négligence avait lais-
sées s'introduiredans celui deHoang-
ti ( Fof. ce nom , XX , ^id ). Yao ,
persuadé que le devoir d'un prince
est de veiller sans cesse au bonheur
de ses sujets , visita toutes les pro-
vinces, pour recueillir les plaintes des
malheureux , et pour remédier aux
abus. Les pauvres étaient l'objet
constant de sa sollicitude. « Si le peu-
ple , disait-il souvent , a froid , c'est
moi qui ensuis cause. A-t-il faim? c'est
ma faute. Tombe-t-il dans quelque
crime? jedoism'en regarder comme
l'auteur. » Les vertus de Yao étendi-
rent au loin sa réputation , et l'on vit
des princes étrangers venir à sa
COU" lui demander des conseils sur
l'art si difficile de régner. C'est à
la soixante-unième année du règne
de ce grand prince ( 2298 av. l'ère
chr. ) que se rapporte la fameuse
inondation de la Chine qu'on ne
doit pas confondre , comme l'ont
fait plusieurs savants, avec le déluge
universel (i). Elle est décrite dans le
Chou-kmg en ces termes : ft Les eaux
» baignent le pied des montagnes,
» couvrent entièrement les collines, et
(i)M. deFortia d'Urban a prouvé, dans ses Me-
moires sur l'ancienne histoire du globe , que ce
déluge est le même que celui d'Ogigès; et ce fait
vient d'être démontré par la découverte d'un mo-
nument de ce déluge et d'un au cien mauuscnt
grec qui eu donne l'histoire. ^<
YAO
» semblent vouloir s'élever jusqu'au
» ciel.MYao prescrivit sur-le-champ
les mesures nécessaires pour procurer
l'écoulenientdes eaux , et pour répa-
rer les dégâts qu'elles auraient occa-
sionnés. D'après l'avis de son conseil ,
il dçsigna Pé-koiien pour dresser les
plans d'assainissement, et diriger les
ouvriers chargés de leur exécution.
Pé-kouen , quoique habile et actif, «e
vit forcé d'avouer, au bout de neuf
ans , qu'un si grand travail était au-
dessus de ses talents. L'empereur
avait un fils nommé ïan-tchou;
mais ne lui trouvant pas les qualités
convenables pour assurer le bonheur
des peuples , il avait invité ses mi-
nistres à lui désigner quelqu'un qui
pût gouverner l'empire après lui.
L'affaiblissement de ses forces lui
faisant éprouver de plus en plus le
besoin du repos , il pria de nouveau
ses ministres de lui désigner celui
qu'ils croiraient le plus capable de
l'aider à supporter le poids du gou-
vernement. Alors on lui proposa
Chun ( Foy. ce nom^ VIII , Sot) ).
Le respect que Chun avait toujours
eu pour ses parents, malgré l'injus-
tice de leur conduite à son égard ,
décida le choix de l'empereur. Il lui
donna ses deux filles en mariage,
l'établit inspecteur - général des tra-
vaux publics , et le chargea de faire
observer parmi le peuple les cinq
devoirs de la vie civile. La manière
dont Chun s'acquitta de ses em-
plois lui valut toute la confiance de
l'empereur qui le nomma son pre-
mier ministre, çt finit par l'associer
au trône ( 2285 avant Tère chr. )
Yao vécut encore vingt-huit ans en-
touré des hommages de ses sujets. Il
mourut l'an 2258 (avant l'ère chr.),
âgé de cent quinze ans j il en avait
régné quatre-vingt-dix-neuf. Les peu-
ples le pleurèrent comme un père^ et
YAR
455
portèrent son deuil pci;clant trois ans.
Son nom est resté en vénération .\ la
Chine , et son exemple est un de ceux
qui sont offerts à ses successeurs. On
attribue à ce grand prince l'inven-
tion de la musique Ta-tchoun^ ré-
servée pour les fctes religieuses et
pour célébrer !e mérite des grands
hommes. Voyez les Mémoires des
missionnaires sur les Chinois , m ,
1G-18 ; et V Histoire de la Chine ,
parle P. de Mailla, i , 44-85. W-s.
YART ( Antoine ) , littérateur
estimable, naquit à Tlouen le i5 dé-
cembre i-jio , et fut destiné par ses
parents à l'état ecclésiastique. Ayant
achevé ses cours de théologie, il re-
çut les ordres sacrés , et fut pourvu
de la cure de Saint-Martin du Vivier,
qu'il échangea, dans la suite , pour
celle du Saussay dans le Vexin. La
culture des lettres charmait ses loi-
sirs ) il faisait de petites pièces de
vers très- agréables , ou composait
des dissertations dont il enrichissait
les journaux. L'uw des fondateurs de
l'académie de Rouen (1744):» il en
devint l'un des membres les plus la-
borieux. Mais la réputation de l'abbe
Yart n'avait point franchi les bor-
nes de sa province , lorsqu'il pU'
blia : Idée de la poésie anglaise , ou
traduction des meilleurs poètes an-
glais qui n'ont point encore paru
dans notre langue , Paris , 1749-56,
8 vol. in-i2. C'est un recueil de tra-
ductions en prose de différents poè-
mes , précédés de discours histori-
ques et littéraires sur chaque auteur
et chaque ouvrage. Tous les genres
de poésies y sont rassemblés au ha-
sard et sans aucun ordre. Le traduc-
teur, qu'on a souvent accusé d'infidé-
lité , se montre plus fidèle à l'expres-
sion du poète qu'à sa pensée, et il en
rend plutôt le sens que la grâce. Mal-
gré ces défauts , l'ouvrage eut un
I
456
YAR
grand succès, parce que c'était le seul
dans lequel un Français pût prendre
une teinture des beautés poétiques de
nos voisins ; mais la Poétique an-
glaise de Henuet rend inutile l'ou-
vrage de l'abbé Yart dans lequel on
trouve cependant quelques morceaux
intéressants^ entre autres une Disser-
tation sur la fahle. On attribue à
i'abbé Yart un opuscule , très-rare ;
Mémoire ecclésiastique et politique,
concernant la translation des fêtes
aux dimanches , en faveur de la
population, Philadelphie (Rouen) ,
1765 , in- 12 de 1212 pag. Après en
avoir cité plusieurs passages dans ses
Mémoires biographiques ( 11 , ^^'j
et suiv. )? M.-Guilbert (i) ajoute:
« On ne saurait plaider avec plus
d'esprit , de raison et de philosophie
la cause delà religion et des mœurs. »
L'abbé Yart eut pour amis les hom-
mes les plus distingués de sa pro-
vince , tels que Fontenelle^ l'abbé
du Resnel , Cideville , etc. Il mourut
au Saussay, en 1791 , dans un âge
avancé. Il avait exercé quelque temps
les fonctions de censeur royal. Com-
me poète il a réussi surtout dans la
Table et dans l'épigramme ; sa fable
du Chat et la souris , imprimée
dans divers recueils , est un petit
chef-d'œuvre. Parmi ses épigrammes
on cite celles qu'il fit sur V Histoire
secrète de Dubois , et sur le Para-
dis perdu de Mnie.duBoccage. On a
rapporté la première à l'art. Serviez
( XLII , 1 28 ). La seconde n'est pas
moins piquante :
Sur cet écrit , charmante du Boccage
Veux-tu savoir quel est mon sentiment?
Je compte pour perdus, eu Jisant tou ouvrage,
).e Paradis, mou temps , ta peine et mon argent.
On trouvera la liste des différents
-„V') L'ouvrage de M. V. GuilLert est intitule :
Mtnioues biographiques et liuéraires sur les hommes
i/iu se soiiljail reman/uer dans le département de
LtiSeiiic-InJérieuie, l'ai is , 1812, a vol. ia-8"
YBE
opuscules de l'abbé Yart , avec l'ex-
trait de son éloge par Haillet de
Couronne, dans le Précis des travaux
de l'académie de Rouen, y, 33 1-
34. Outre des Odes , des Épîtres , un
Eloge de Marc-Aurèle , des Remar-
ques sur Perse et Juvénal, etc. , on
citera de lui des Observations sur
le sentiment et l'intérêt qui doivent
entrer dans les tragédies , Mercure ,
décembre 174^. — Sur la comédie ,
ibid. , mai 1743- — Sur le Hue-
tiana , mars 1744- — Sur l'usage
de la critique , septembre , même
année. W — s.
YBERVILLE (Lemoyne d'), fds
de Charles Lemoyne de Longueil ,
gentilhomme de Normandie , qui
s'était établi au Canada en 1640,
naquit à Montréal en 1662. Il
entra dans la marine dès l'âge de
quatorze ans , et fit plusieurs voya-
ges longs et périlleux. En 1686, il
fut chargé de construire des forts
dans la baie d'Hudson , où il courut
de grands dangers • mais son entre-
prise eut un plein succès , et il fut
nommé gouverneur du fort qu'il avait
établi. En 1 688 , les Anglais envoyè-
rent trois bâtiments avec cent vingt
hommes d'équipages pour surprendre
d'Yberville , et s'emparer du fort
dont la garnison n'était que de
quatorze hommes. Non-seulement il
leur résista , mais il îès tua ou les fit
tous prisonniers et se rendit maître
de leurs bâtiments. L'année suivante
il prit à l'abordage^ avec une cha-
loupe armée de neuf hommes , un
bâtiment anglais qui venait attaquer
un de ses forts. En 1690 , il fut nom-
mé commandant-général de tous les
postes que les Français possédaient
sur la baie d'Hudson ^ et de tous les
bâtiments qui navigueraient dans cette
baie. Les Français avaient établi , en
1 68 1 , sur les cotes de la baie d'Hud?
YBE
son , le fort Bourbon. Deux ans après,
il fut livre par trahison aux Anglais,
qui lui donnèrent le nom de fort Nel-
son, et en firent un fort régulier avec
quatre bastions et des fossés pleins
d'eau , et une nombreuse garnison.
Eu iO()i, d'Yberville eut ordre de
l'attaquer avec les équipages de deux
frégates, et s'en empara après un com-
bat meurtrier , dans lequel il perdit
un de ses frères. En 1696 , il enleva
avec trois cents liommes déterminés
les établissements que les Anglais
avaient formés dans l'île de Terre-
Neuve , et après des prodiges de va-
leur il prit un fort , et fit dix-
luiit cents prisonniers. En son ab-
sence les Anglais avaient repris le
fort Bourbon j on le chargea de
l'attaquer , en 1697 , avec quatre
bâtiments que l'un de ses frères lui
avait amenés de France. Une tem-
pête ayant dispersé sa division ,
il se trouva seul avec le Pélican
de quarante -six canons qu'il mon-
tait, et soutint contre trois bâti-
ments anglais , pendant quatre heu-
res , un des combats les plus terri-
bles dont îa mer ait été le théâtre.
Le pont du Pélican fut couvert de
morts ; mais l'un des vaisseaux an-
glais fut coulé , l'autre pris , et le
troisième mis en fuite. A la suite de
ce combat, le Pe7/cara qui se trouvait
dans l'état le plus déplorable fit nau-
frage; d'Yberville perdit encore plu-
sieurs hommes par le froid et la fati-
gue; il sortit le dernier de son bâti-
ment , fut rejoint peu de temps
après par son frère Sérigny , qui
avait aussi beaucoup souffert; et,
malgré l'état de dénuemerjt dans le-
quel ils se trouvaient , ils osèrent
attaquer le fort Bourbon qui avait
une garnison quadruple de leurs for-
ces , et qui aurait pu résister à une
armée. Ce fut Sérigny qui par son
YBE 457
courage et son grand caractère en
obtint la reddition, le 1 1 septembre
1697. En 1698, d'Yberville partit
de Rochefort avec deux frégates et
un transport, pour aller reconnaî-
tre l'embouchure du Mississipi que
Lasalle n'avait pas pu trouver en
1684. 11 y entra heureusement ,
remonta le fleuve jusqu'à plus de
cent lieues , construisit un fort sur
ses rives , et , dans les années sui-
vantes , il établit la première colonie
à la Louisiane , et en fut nommé
gouverneur. Le 7 mars 1706, d'Y-
berville arriva à la Martinique avec
une division de six bâtiments. Il y prit
onze cents matelots , et plusieurs fli-
bustiers , et le 2 avril suivant , il
s'empara de l'île de Nièves. Les An-
glais s'étaient retirés dans une excel-
lente position; mais, après une atta-
que très-vive , d'Yberville les força
de capituler ; toute la garnison fut
faite prisonnière ; on lui remit sept
mille nègres et trente bâtiments, dont
quelques-uns étaient armés en guerre
et les autres chargés de marchan-
dises. La perte de l'ennemi fut esti-
mée à plus de quatre millions. Après
un tel succès , d'Yberville s'occupait
à rassembler des forces pour con-
quérir la Jamaïque , lorsqu'il fut at-
teint d'une maladie dont il mourut à
la Havane, le 9 juillet 1706. Ce brave
officier avait été secondé dans la
plupart de ses expéditions par plu-
sieurs de ses frères. L'un d'eux , Le-
moyne de Bienvilie , qui comman-
dait une batterie dans le fameux com-
bat du Pélican, avait rempli des
missions importantes auprès des sau-
vages de l'Amérique; et c'est lui qui
fonda la colonie de la Nouvelle-
Orléans , en 17 17. Il fut gouverneur
général de la Louisiane pendant plus
de vingt ans. Il a publié , sur les na-
tions sauvages de cette colonie, un
458
YDE
Mémoire qui a ctc insère dans les Mé-
moires de Trévoux. Lemoyne dcSéri-
gny qui avait partagé la gloire de son
frère d'Yberville , en s'eraparant du
fort Bourbon , fut aussi gouverneur
de la Louisiane , et devint capitaine
de vaisseau, en 1720, après s'être
distingué dans plusieurs combats. En
1700 , Louis XïV , voulant récom-
penser les services de celte famille ,
érigea pour elle en baronnie la terre
de Longueil en Canada. La branche
de Sérigny s'est fixée en France, et
elle a continué ses services dans la
marine. Z.
YDELEZ ( Etienne ) , prêtre , né
vers iv54o, àPort-Lesné, bailliage
de Qiringey, se dévoua au service
des pauvres malades , et fut peurvu
de l'emploi de chapelain ordinaire
des pestiférés de la cité impériale de
Besançon. Il se rendait dans les diffé-
rentes villes 011 ses soins devenaient
nécessaires ; et il nous apprend
qu'en i58i il était à l'hôpital Saint-
Laurent de Lyon , remplissant les
fonctions 4fc serviteur des affligés.
On ignore l'époque de sa mort. Il est
auteur d'un opuscule très-rare , in-
titulé : Des secrets souverains et
vrais remèdes contre la peste ,
livres deux , Lyon , Stratius , 1 58i ,
in - 8°. de 187 pages. C'est un
recueil de recettes vulgaires. L'au-
teur définit la peste une vapeur
produite par l'horrible conjonction
des planètes , comme de Mars el de
Saturne , ou par tremblement de
terre. Il conseille (p. 62) à toutes
personnes qui se trouvent dans une
ville infectée , de manger , avant de
sortir j une rôtie trempée en bon
vin , et saupoudrée de gentiane. C'est
là, dit-il, de quoi je me suis évité
la peste régnant à Dole en 1 58o , et
m'en suis bien trouvé. Mais de tous
les remèdes qu'il indique , le meil-
YEA
leur à son avis est l'urine : prise in-
térieurement , dit-il ( p. 67 ) , elle a
telle vertu, qu'elle ne permet jamais
aucun poison à l'entour des parties
nobles du corps: car c'est la maîtres-
se-garde d'icelles. Brief , elle réussit
contre toutes les maladies du corps.
Ydelez en avait fait lui-même l'é-
preuve , ayant été atteint de la fiè-
vre pestilentielle, et non pas em-
poisonné par ses ennemis, comme
le dit le Dict. universel. W — s.
YEARSLEY (mistriss Anna),
Anglaise , était fille d'une laitière de-
meurant à Clifton, près de Bristol.
On pense aisément que son éducation
fut négligée. Cependant son frère lui
ayant enseigné à lire et à écrire , elle
nourrissait son esprit par la lecture
de quelques livres , heureusement
bien choisis. Les Nuits d'Young ,
!e Paradis perdu , la Lettre d'Hé-
loïse, par Pope, quelques drames de
Shakespeare, une traduction des
Géorgiques , composèrent d'abord ,
avec la Bible , tout le fonds de sa lit-
térature. Mariée de bonne heure , elle
eut , en sept années , six enfants. Elle
était enceinte d'un septième , et par
l'effet de malheurs multipliés , se
trouvait presque dénuée de moyens
d'existence, lorsqu'un homme bien-
faisant vint alléger son infortune.
Mais ce secours inespéré devint fa-
tal à sa mère , qui , infirme , épuisée
par des privations , ne put soutenir
la joie qu'elle ressentit en ce moment.
Anna continua d'aller vendre du lait
de porte en porte dans les rues de
Bristol. Dans ses instants de loisir,
elle exhalait en vers incorrects, mais
pleins de poésie , le sentiment de ses
peines. Anna Yearsley avait alors
vingt-huit ans; elle ne connaissait
pas une règle de la grammaire , et
n'avait jamais ouvert un dictionnai-
re. Miss Hanna More , auteur de plu-
I
YEA
sieurs ouvrages estime's , vit quelques
fragments des poèmes de la laitière ,
et fut frappée de ce talent inculte.
Elle l'engagea à réunir pour l'im-
pression les divers morceaux qu'elle
avait composes; et, par des démar-
clies auprès de ses amis et de ses opu-
lentes connaissances , obtint, pour le
recueil projeté , au-delà de raille sous-
criptions. Un premier volume, in-4".,
parut, en 1785 , sous le titre de Poè-
mes sur divers sujets , par Anna
Yearsley , laitière de Bristol , pré-
cédés d'une lettre de miss More à mis-
triss Montagne , auteur de V Essai
sur Shakespeare. On y trouve de
l'originalité dans la pensée et dans
l'expression , un style fertile en ima-
ges; quelquefois de l'obscurité, mais,
ce qui est remarquable , un goût
constamment pur. La couleur des
pensées se ressentait de la situation
de l'auteur et de la perte douloureuse
qu'elle venait d'éprouver. Elle revient
fréquemment sur ce triste sujet. Un
second volume de ses poésies parut
en 1787. On lit, dans la préface,
qu'elle eut à se justifier du repro-
che d'ingratitude envers ses bienfai-
teurs ; elle le repousse avec la vi-
vacité d'un bon cœur et l'énergie d'un
poète oiTensé. L'année suivante vit
paraître son Poème sur Vinhuma-
nité du commerce des esclaves , où
son indignation s'exprime sans mé-
nagement. En 1791 , son talent s'es-
saya dans un nouveau genre de litté-
rature, en produisant une tragédie
intitulée le Comte Godwin, drame
historique C'était une double singu-
larité qu'une tragédie sans amour ,
écrite par une femme née dans la plus
humble classe. Elle fut représentée sur
le théâtre de Bristol , avec quelque
succès. On y reconnut une imitation
de Shakespeare quelquefois assez heu-
reuse. Miss Yearsley a publié depuis
YEL 459
quelques autres écrits, notamment les
Augustes captifs , fragment d'his-
toire secrète , copié d'après un an-
cien manuscrit, ^79^? ^ ^ol. in- 12
(tiré de l'histoire du Masque de fer) ;
la Ljre champêtre ^ recueil de poé-
sies, 1796, in -4^.; Poésies, 1796 ,
3 vol. Elle mourut à Melkham, le
8 mai 1H06. L.
YEBRA (Melchior de), reli-
gieux de l'ordre des frères mineurs
de Castille , mort vers la fin du sei-
zième siècle , se distingua par sa
piété, et composa un ouvrage esti-
mé , de morale religieuse , en espa-
gnol , sous ce titre : Befugium in-
firmorum , en el quai se contienen
muchos avisos espirituales para so-
corro de los ajligidos enfermos , y
para ajudar a bien morir a los que
estan a lo ultimo de su vida , im-
primé après la mort de l'auteur ,
Madrid , 1596, in-S». V — g — r.
YELIU-ÏHSOU-THSAI, surnom-
mé Tsin-khing, célèbre ministre au
service des premiers princes de la fa-
mille de Tchingkis-khan , descendait,
à la huitième génération , de Thou-
yo , prince de la race des Khitans ou
Liao, dans le pays qu'on nomme
Liaoîoun2;il était fils d'un minis-
tre , vice-chancelier des rois delClP,
ou de la dynastie d'Or^ et il naquit
le 20 de la i^*^. lune, en 1 190, dans
le pays de Y^an. Son père était âgé
de soixante ans , quand un fils lui fut
donné; et comme il jugea , d'après
certains présages, que ce fils rendrait
un jour d'importants services à des
princes étrangers, il lui fit prendre
le nom de Thsou-thsaï et le surnom
de Tsin-king , par une double allu-
sion à un passage de la chronique de
Tso-khieou-ming , qui rappelait une
circonstance de la même nature.
Thsou-thsaï perdit son père à l'âge
de trois ans; mais sa mère Yang-chi
46o
YEL
pourvut si bien à son éducation,
qu'il surpassa bientôt les jeunes gens
2)lus à'^és que lui, par la connaissan-
ce qu'il acquit de toutes sortes de li-
vres, et notamment de ceux qui trai-
taient d'astronomie , de géographie ,
du calendrier et de l'arithmétique.
Ces études le conduisirent à penser
que la marche des planètes était
mieux connue dans les pays occiden-
taux qu'à la Chine, et il composa en
conséquence, sous le nom de Matha-
pa y des tables conformes au système
des'ïartares musulmans. Vers l'an
1 SI 1 3 , il obtint un premier emploi ,
qu'il quitta ensuite pour la charge
de gouverneur de Yan-king ( Peking).
Lorsque Tchingkis-khan se fut em-
paré de cette ville, il appela à lui les
princes de la famille des Khitans,
entre autres Thsou-thsaï. Quand ce-
lui-ci lui fut présenté, le conquérant,
frappé de sa taille avantageuse, de
sa belle barbe, et de sa voix sonore,
lui dit : « Les Kin étaient ennemis
0 des Khitans , et c'est vous que je
» suis venu venger. » — « Mon pè-
» re , mes aïeux et moi - même , ré-
» pondit Thsou-thsaï , nous avons
» toujours été au service des Kin :
» peut-on être l'ennemi de son prin-
»||e et de son père ? » ïchingkis
goûta sa réponse , et le retint par-
mi les gens de sa suite. En i2ig, à
la 6e. lune, en été, Tchingkis partit
pour aller conquérir le pays des
Tartares musulmans ou le Kharisme.
Le jour même où se célébrait le sa-
crifice du départ , il tomba de la nei-
ge jusqu'à une épaisseur de trois
pieds. Tchingkis parut irrésolu , et
consulta Thsou-thsaï : « Cette pré-
» dominance de l'influence du dieu
w des eaux sur la température habi-
» tuelle de l'été est , dit-il , un gage
» assuré de la victoire. » L'année
suivante, en hiver , il y eut un grand
YEL
bruit de tonnerre , et on interrogea
de nouveau Thsou-thsaï : il répondit
que ce phénomène présageait la mort
du roi de Kharizme : ces deux pré-
dictions furent également vérifiées
par l'événement. 11 y avait à la cour
un Tangutain qui avait gagné les
bonnes grâces de l'empereur par son
habileté dans l'art de fabriquer des
arcs. Cet homme , fier de la faveur
dont il jouissait, demandait souvent
à quoi, chez une nation toute guer-
rière, pouvait être bon un lettré
comme Yeliu. « On a besoin d'où-
» vriers pour fabriquer des arcs,ré-
» pliqua Thsou-thsaï; mais s'il s'a-
» git du gouvernement des empires ,
» comment se passerait-on des ou-
» vriers qui en connaissent le manie-
» ment? » L'empereur apprit cette
réponse, l'approuva beaucoup^ et
de ce moment il employa plus que
jamais celui qui l'avait faite. Les
Mongols, depuis le commencemeni
de leur puissance , n'avaient pas en
core songé à se donner une astrono*
mie. Des gens venus de l'occiden
présentèrent à Tchingkis un calen
drier,d'aprèslequel il devait y avoir
à la 5«. lune , la nuit de l'opposition
une éclipse de lune : « Il n'y en aurj
» pas , dit Thsou-thsaï, » et effecti-
vement l'éclipsé annoncée n'eut pai
lieu. L'année suivante, à la lo^. lu
ne, Thsou-thsaï prédit une éclipse
de lune : les astronomes occidentaus
assurèrent qu'il n'y en aurait pas, e1
cependant au temps fixé la lune fui
éclipséedehuitdixièmes.Cefut,seloi
quelques historiens, au retour de l'ex
pédition d'occident , que Thsou-thsà
composa les tables de l'an 1 2 1 o_, qu'i
offrit à l'empereur. D'autres récit
jettent des doutes sur la réalité des pré
dictions d'éclipsés faites par Thsou-
thsaï, en donnant à entendre qu(
puisque jusque-là il s'était servi de
à
*
YEL
taLles composées sous les Kin pour
le climat du nord de la Chine , lui
qui se trouvait alors dans la ville de
Tlîsinssekan , en Boukliarie, ne pou-
vait annoncer le moment des éclip-
ses, sans tenir compte de la distance
des lieux et de la différence en heu-
res qui y correspond. En 1 222 , à
la 8*^. lune , une longue traînée de lu-
mière se montra du côté de l'occi-
dent : « Les Joutchi vont changer de
» maître,» ditThsou-thsaïjct efïéc-
tivement, leur prince Siouan-tsoung
ne tarda pas à mourir. Toutes les
fois que Tchingkis entreprenait une
expédition , il avait soin de consulter
Thsou-thsaï, et lui-même, prati-
quant un ancien usage mongol , em-
ployait les présages tirés d'une omo-
plate de mouton torréfiée, pour con-
trôler les opérationsde Thsou-thsaï,
avant d'en faire la règle de sa con-
duite. L'an 1 224 7 Tchingkis porta
ses armes jusque chez les Hindous
orientaux. Comme ses troupes étaient
arrêtées au défilé de la Porte de Fer,
il y vit un animal semblable à un
cerf, avec une queue de cheval , le
corps vert et la tête armée d'une
corne unique, animal merveilleux,
doué de la faculté d'imiter la voix
humaine , et qui cria aux gardes de
l'empereur ; « Que votre maître se
» retire au plus vite I » Tchingkis ,
étonné de ce prodige , consulta Thsou-
thsai, qui lui répondit : a Cet ani-
» mal merveilleux se nomme Kio-
» touan ; il entend les langues de tou-
» tes les parties du monde. Il aime
y> les êtres vivants , et il a horreur du
» carnage. Son apparition a pour
» objet d'avertir V. M. Vous êtes ,
» prince, le fils aîné du ciel, mais
» les peuples sont aiissi vos enfants ,
» et ils attendent de voms les senti-
» racnts que le ciel inspire pour leur
» salut... » L'empereur , sur cet avis_,
YEL
4Cn
fît rentrer son armée. Deux ans après
cette expédition, l'armée mongole fut
attaquée par une violente épidémie.
Les généraux n'avaient pensé qu'à
amasser de l'or et des étoffes. Thsou-
thsaï lui seul s'était borné à recueil-
lir des livres ; et, entre autres produc-
tions naturelles, une certaine quanti-
té de rhubarbe , drogue dont il con-
naissait la propriété. Il en fît usage
en cette occasion , et le nombre de
ceux qui durent la santé à la rhubar-
be fut de plus de dix mille. Jusqu'à
cette époque , Tchingkis qui avait
passé sa vie dans les camps , tout en-
tier à ses expéditions dans les con-
trées occidentales , n'avait pas eu le
temps de songer à établir dans cha-
que district des magistrats et des ju-
ges : la vie et la mort avaient dépen-
du du caprice et des passions des
hommes puissants. Il y avait à Yan-
king un général d'un caractère cruel
et sanguinaire, qui avait jonché de
cadavres tous les lieux publics. A
cette nouvelle _, Thsou-thsaï ne put
retenir ses larmes; il alla trouver
l'empereur , et , à force de représen-
tations , il obtint de lui qu'à l'avenir
le pouvoir ne serait exercé que par
ceux qui auraient reçu une patente ;
que les coupables attendraient en pri-
son le sort qu'ils auraient mérité, et
que ceux qui enfreindraient ces dis-
Ïiositions seraient punis de mort. Par
à , dit un auteur chinois , le vent du
carnage commença à s'arrêter. On
voyait alors dans le pays de Yan un
grand nombre de brigands, qui, même
avant la nuit, enlevaient les bœufs et
les chars , marquaient les maisons
opulentes qu'ils avaient intention de
piller, et faisaient périr ceux qui
leur résistaient. Thsou-thsaï , s'étant
fait donner leurs noms, reconnut que
c'étaient des parents du dernier
gouverneur, ou des gens dans sa dé-
/l6-i
YEL
pcndaiice. Il les fit arrêter tous , et
ordonna que les plus criicls eussent
la tcte traucliec sur la place publi-
que. De cet instant , les peuples de
Yan commencèrent à goûter quelque
repos. En i^'iQ, Ogodaï , fils de
Tcliingkis , succéda à son père. Le
jour fixé pour son couronnement
était le 11 de la 8°. lune. Les prin-
ces, assemblés dans cette circons-
tance ,n'avaientpas pris leur derniè-
re détermination : ïouli , autre lils
de Tcliingkis , alors chargé du com-
mandement, consulta Tlisou-tlisaï :
a Tout n'est pas encore prêt , lui dit-
» il. Ne conviendrait-il pas de remet-
î) tre la cérémonie à un autre jour?
)) — Passé celui-ci, répondit le mi-
» nistre fidèle, il n'y aura plus de
» jour heureux pour la faire. » Et,
sur-le-champ, il prit sa place à côté
d'Ogodaï , en l'engageant à monter
sur le trône à l'instant même. Puis,
s'adressant àTchakhataï, qu'on avait
un instant pensé à élever à l'em-
pire : « Prince, lui dit-il, vous êtes
» l'aîné, mais en même temps vous
)) êtes sujet. Voici le moment de se
» prosterner devant l'empereur. Don-
» nez l'exemple , et personne n'osera
» refuser de le suivre. » Tchakha-
taï se rendit à cet avis, et dans le
même moment _, tous les princes ,
les dignitaires, les courtisans se pros-
ternèrent devant la tente impériale.
C'est dans cette occasion importan-
te, et, comme on voit 3 par l'influen-
ce de Yeliu-thsou-thsaï , que prit son
origine une cérémonie qui fut depuis
répétée au couronnement des empe-
reurs mongols , et qui attirait un con-
cours immense d'étrangers, parmi
lesquels on sait qu'il s'est trouvé
quelquefois jusqu'à des Européens
envoyés par les princes d'occident.
A l'époque de l'avènement d'Ogodaï ,
les peuples étaient livrés à toutes
YEL
sortes de désordres , et l'empire n'a-
vait pas de lois pour les réprimer.
Thsou-thsaï fut le premier qui récla-
ma des règlements pour remédier à
ces maux. 11 voulut que les habitants
eussent des magistrats pour protéger
leurs personnes et leurs biens , et qu'il
fût institué des officiers pour veiller
à la conservation des richesses de
l'état • que ceux qui , sans mission du
gouvernement , se permettraient des
actes d'autorité, ou qui dissiperaient
les revenus publics , fussent punis ;
que tout Mongol , Tartare , Tibétain
ou autre , dont les .terres cultivées
n'auraient pas payé le tribut , encou-
rût un châtiment; que tout officier
pris en malversation fût puni de
mort. Ces règlements portaient sur
dix-huit chefs principaux; ils furent
tous adoptés par l'empereur. Au mo-
ment oi^iTchingkis était revenude son
expédition d'occident, Yeliu-thsou-
thsaï avait eu occasion de rendre aux
peuples de la Chine un service enco-
re plus important. Les greniers se
trouvaient vides : on n'avait pas
un boisseau de grain, ni une piè-
ce d'étoffe. Il fut alors représenté
dans le conseil que les Chinois n'é-
taient d'aucune utilité pour le servi-
ce de l'état , et qu'en exterminant
toute la population des provinces
conquises , on ferait de ces pays
d'excellents ^pâturages , qui seraient
du plus grand secours. Thsou-thsaï
seul peut-être pouvait faire rejeter
cette épouvantable proposition. Il fit
remarquer à l'empereur qu'en s'a-
vançant vers le midi de la Chine ses
armées auraient besoin d'une infini-
té de choses qu'il serait aisé de se
procurer , si l'on voulait asseoir sur
une base équitable les contributions
territoriales et les taxes commercia-
les, l'impôt sur le sel, le fer, le vin,
le vinaigre, le produit des monta-
I
YEL
gties et des lacs ; que de celte maniè-
re on pourrait retirer par an cinq
cent mille onces d'argent, quatre-
vingt mille pièces d'étoffes , plus de
quarante mille quintaux de grain,
en un mot, tout ce qui serait néces-
saire à l'entretien des troupes. « Com-
)> ment, ajouta - t-il, peut - on
» dire qu'une telle population ne
» soit d'aucune utilité' pour le service
» de l'état? » La philosophie aurait
pu fournir des raisons plus éloquen-
tes contre un projet d'une barbarie
extravagante : mais il était diillcile
d'en trouver de plus propres à faire
impression sur l'esprit des Mon-
gols; et, si l'on pouvait estimer numé-
riquement les services rendus à l'hu-
manité, on devrait peut-être accor-
der à Yeliu - tlisou - thsaï la gloire
d'avoir sauvé la vie au plus grand
nombre d'hommes; car il ne faut
pas oublier qu'il s'agissait du mas-
sacre de plusieurs millions de Chi-
nois ; et ce que les Mongols firent ail-
leurs prouve qu'ils étaient gens à
l'entreprendre et à en venir à bout.
La province de Yan-king dut son sa-
lut à son gouverneur ; et depuis ce
temps elle fut, ainsi que dix autres
provinces, administrée selon les prin-
cipes d'ordre et d'équité qu'il avait
su inspirer aux conquérants , et par
des lettrés qu'd avait recommandés.
En i23i j à l'automne ^ ces provin-
ces avaient fourni exactement leur
contingent de grains. L'or et les étof-
fes avaient été rangés dans les salles
du palais. L'empereur fut satisfait
de ce résultat, et dit à Thsou-thsaï :
« C'est vous qui sans sortir d'auprès
)) de moi, savez amasser ainsi des
M trésors d'argent monnayé et d'é-
» toffes. » A cette occasion , il le créa
vice- chancelier, avec ordre d'exami-
ner le premier toutes les affaires , de
quelque importance qu'elles fussent.
YEL
4G3
Tchin-haï et Nian-ho-tchoung-chan
furent nommés ministres d'état pour
l'assister. Mais les hommes puissants
et les courtisans en crédit ne purent
se plier aux règles qu'il avait éta-
blies ; et il y eut un certain Hiante-
pou qui , nourrissant un vieux res-
sentiment contre Thsou -thsaï , l'ac-
cusa auprès desprincesd'user de par-
tialité en faveur des siens , et de mé-
diter quelque trahison , demandant
qu'il fût puni de mort. Les princes
transmirent cettedénonciation à l'em-
pereur, qui n'en tint aucun compte;
et Hiantepou fut blâmé généralement.
L'empereur voulait que Thsou-thsaï
le mît lui-même en jugement. « Cet
» homme, dit le ministre, est un
» présomptueux , qui accueille toutes
» sortes de calomnies. Nous avons au-
» jourd'hui beaucoup d'affaires des
» contrées du midi : il sera temps de
» nous occuper de lui quelque autre
» jour. » Ogodaï ne put s'empêcher
de louer la générosité de son minis-
tre et l'indifférence qu'il montrait
pour ses ennemis personnels. Un sei-
gneur, nommé Khosse-bouga, avait
proposé de rassembler des ouvriers
en or et en argent, des laboureurs
des contrées occidentales, et notam-
ment des familles de gens qui sussent
planter la vigne. L'empereur, goû-
tant ce projet, avait assigné, près
d'une de ses capitales , un lieu où
l'on avait transporté plus de dix
mille familles. Mais Thsou-thsaï fut
d'une autre opinion. « Ceux que les an-
» ciens empereurs, dit-il, appelaient
» à eux étaient des hommes simples,
» et non de ces étrangers qu'il faut à
» tout prix satisfaire. D'ailleurs il
» n'est pas bon de commencer de ces
» sortes d'entreprises qu'on est ensui-
w te obligéde laisser tomber. «Ogodaï,
partant pour la conquête de la Chi-
ne , et prêt à passer le fleuve Jaune ,
464 YEL
annonça, par une proclamation, que
ceux des habitants fugitifs qui vien-
draient se soumettre auraient la vie
sauve. Thsou-thsaï proposa de faire
faire quelques centaines de bannières,
qu'on distribuerait à ces troupes de
fugitifs, afin qu'ils pussent retourner
rn sûreté dans leur lieu natal. Au
commencement , quand les Mongols
attaquaient une ville , un seul coup
de flèclie décidait de la vie des ha-
bitants j car lorsque la ville était pri-
se, on ne manquait pas de les met-
tre tous à mort. La ville de Pian
(Khaï-fomig) étant sur le point de
succomber , le général Soupoutaï ,
qui en faisait le siège , annonça
à la cour que depuis bien des jours
les assiégés résistaient à son ar-
mée, et qu'il se proposait de les
exterminer tous. A cette nouvelle,
Thsou -ihsaï se rendit (n hâte à la
cour, et représenta que la férocité
du général se faisait voir dans une
pareille résolution. « Ce qu'on cher-
» che depuis dix ans par tant de
•» combats , ajouta-t-il , ce pays qu'on
» veut conquérir , c'est le peuple qui
î) l'habite qui en fait le prix. Si on
» obtient le pays sans le peuple ,
» quelle utilité en pourra- 1 -on reti-
» rer? » L'empereur hésitait à lui
accorder sa demande • mais il insis-
ta : « Que d'habiles artisans de toute
» espèce, s'écria-t-il , que de riches-
î) ses accumulées dans les maisons
« de cette ville , que de trésors vont
» périr , si vous n'en sauvez les ha-
» bitants! ); Ogodaï se rendit à la fin
à ces représentations : on pardonna
aux assiégés ; et le nombre de ceux
qui furent sauvés de cette manière
est porté à un million quatre cent soi-
xante-dix mille familles , nombre
énorme , et qui pourrait sembler in-
croyable , si l'on ne savait que la ter-
reur inspirée par les Mongols avait
lit
YEL
engagé la plupart des habitants du
Ho-nan à se réfugier dans la vaste
enceinte de Khaï- foung. Le nombre
des prisonniers qui furent faits dans
cette expédition du. Ho - nan était
très-considérable ; mais on comp-
tait dix -huit corps de troupes de
cette province qui avaient pris la
fuite. Ogodai ordonna de poursuivre
ces fugitifs , et, toutes les fois qu'on
les pourrait prendre, de les faire
mourir , eux , leurs familles et ceux!
qui leur auraient donné asile. De cet-,
te manière beaucoup de fugitifs fu-
rent réduits à mourir de faim sur h
routes. Touché de tant de calamités,
Thsou-thsaï alla trouver l'empereur J
et lui représenta que puisque le Ho-
nan était maintenant soumis, les ha-
bitants étaient devenus ses enfants.
« Oi^i peuvent-ils fuir? ajouta t-il, et
» que sert , pour un seul homme fai
» prisonnier, d'en mettre à mort des
» dixainesetdes centaines?» L'empe-
reur se rendit à ces raisons, et relirj
son décret. La chute de la dynastù
d" Or venait d'être consommée ; et i
n'y avaitplus qu'une vingtaine dédis
tricts qui résistassent encore. Thsou
thsaï soutint que la crainte seule avai
peuplé ces districts de fugitifs qui re
doutaient la mort, et qu'ils se sou
mettraient à l'instant si on leur pro
mettait de ne pas les exterminer
Ogodaï suivit le conseil de son minis
tre , et en vit immédiatement les bon
effets. Un dénombrement général dei
habitants de la Chine septentrional^
fut ordonné en i'234. Tous les minis
très étaient d'avis qu'il devait ctr«
fait par individus. Thsou-thsaï s'j
opposa , et prouva qu'il valait mieuî
le faire par familles, afin que les im
pots ne souffrissent pas de déficit
le chef de famille était du nombr
des fugitifs ; mais sa véritable raiso)
pour insister sur ce point était qu
YEL
par un brigandage fort commun alors,
les généraux et tous les hommes en
place enlevaient et faisaient escla-
ves les habitants des districts voisins .
En établissant un état de toutes les
familles et du nombre des membres
qui les composaient, un tel abus de-
venait impossible , ou s'il se repro-
duisait , ceux qui en seraient recon-
nus coupables devaient être punis de
mort. A la même époque , le conseil
suprême proposa d'envoyer de pré-
férence les troupes turques contre le
Kiang-nan, et de faiieservirles trou-
pes chinoises dans les expéditions en
Tartarie.ïhsou-lhsaï combattit celte
proposition. Ildémontra que la Glii-
ne et les contrées d'Occident étaient
séparées par une si grande distance,
qu'elles n'avaient rien à démêler en-
semble; que les hommes et les che-
vaux ne pourraient supporter une
aussi grande fatigue, non plus que la
diirérence des eaux, des productions,
des climats , qui leur causerait des
maladies mortelles, et qu'il valait
mieux employer chaque peuple aux
entreprises pour lesquelles il était
comme destiné par la nature. On tint
une grande assemblée de tous les
princes, au printemps de l'an ii36.
L'empereur , au milieu du festin ,
prenant un vase à vin, le donna à
Thsou-thsaï, en disant : a Sans ce
» ministre , la Chine ne serait pas à
» nous ; mais aujourd'hui même on
» m'a proposé de créer un papier-
» monnaie. — Di; temps de Tchang-
» tsoung , de la dynastie d'Or, reprit
» ïhsou - thsaï , on a commencé à
» mettre du papier en circulation,
» concurremment avec la monnaie.
» Il y avait alors un ministre qui ga-
» gna beaucoup dans l'émission de
» ce papier ; et le surnom de Sei-
» gneur ~ Billet lui en est resté. Les
» choses en vinrent au pomt que
LI.
YEL
46:
» pour dix mille billets on ne pou-
» vait acheter qu'un gâteau. Le peu-
» pie souffrit beaucoup , et l'état fut
)) ruiné. C'est un exemple qu'il faut
» avoir devant les yeux. Si l'on frap-
» pe maintenant du papier-monnaie,
» il ne faut pas en émettre pour plus
» décent mille onces d'argent. » Ces
conseils judicieux furent suivis; et il
ne tarda pas à s'offrir une autre oc-
casion, non moins importante, d'en
profiter. L'empereur avait formé le
projet départager les terres de l'em-
pire entre les princes de sa famille et
les autres grands personnages de sa
cour. L'habile ministre s'opposa à
ce projet, qui eût fait naître en Chi-
ne une nouvelle féodalité. 11 repré-
senta que ces partages de terres et de
ceux qui les cultivent ne pouvaient
que produire toutes sortes do mécon-
tentements , et qu'il était bien plus
convenable de faire des largesses en
or et en effets. — « Ma parole est cn-
» gagée : que puis-je faire? dit Ogo-
» daï. — Que V. M. ordonne qu'on lui
» présente l'état des revenus d'une
» année, etqu'elle les distribue. Vous
» épargnerez au peuple toutes sortes
» d'exactions et d'abus de pouvoir.»
L'empereur adopta ce plan et régla
dès-lors que toutes les terres de l'em-
pire et les tributs qu'elles paieraient
seraient partagés en trois classes. Les
conseillers du monarque ne manquè-
rent pas de trouver que ces imposi-
tions étaient trop légères. « La loi
» doitêtreéconomc,ditThsou-thsaï :
» l'avarice n'y pourvoira que trop.
» Ces impositions sont trop pesantes,
» si leur produit doit enrichir les
» hommes avides. » Un grand, nom-
mé Touhouan, avait proposé à l'em-
pereur de réunir dans son ])alais les
filles des principales maisons de la
Chine; et le décret avait été rendu.
Thsou-thsaï osa rintercepteretTem-
3o
A66
YKL
pêcher d'avoir son cxeciUion;p>iis,
s'adressaiit à l'ompereiir irrité: « Dc-
» jà, Ait-il ,voiis avez fait choix de
» vingt-huit jcimes filles : ce nombre
1) ii'cst-ilpas suffisant? J'ai craint, si
» vous vouliez aller plus loin, cjue cette
» mesure n'excitât des mécontente-
» ments et n amenât même des irou-
» hles: tel a ëtc le motif de ma con-
» duite. » L'empereur s'arrêta long-
temps à réfléchir, et finit par approu-
ver le procédé de son ministre ; mais
il voulut au moins qu'on rassemblât
toutes les cavales qui pourraient ap-
partenir aux peuples soumis. Thsou-
thsai objectait que la Chine n'était pas
un pays riche en chevaux. Le décret
ne laissa pas d'être rendu , malgré
son opposition, au grand préjudice
des habitants de l'empire. 11 y avait
longtemps que les affaires étaient
eu souifrance , et Thsou-thsaï vou-
lant en hâter rex])édition lit à ce
sujet des remontrances à Ogodaï.
« Quand on veut fabriquer des vases,
» on réunitd'habiles artisans, lui dit-
» il un jour. Pour la conduite des af-
» faires,iln'y a que les lettrés qu'on
» en puisse charger. Si l'on n'em-
w ploie pas ces sortes de gens, nous ne
» viendrons pas à bout en dix ans de
» celles qui sont déjà accumulées. »
— « Eh bien ! dit l'empereur, qui
» vous empêche d'appeler ces hom-
» mes aux emplois ? » Ainsi fut ar-
rêtée , sur la proposition d'un minis-
tre lettré lui-même, une mesure qui
faisait rentrer les vaincus dans le
droit de prendre part aux fonctions
publinues , et qui , par l'ascendant
méviîabledu talent et des lumières^
devait un jour détruire tous les effets
de la conquête. Thsou-tlisaï fit bien-
tôt l'essai de son nouveau système
de gouvernement. Il chargea plu-
sieurs lettrés de parcourir les pro-
vinces et d'v établir des examens
Y EL
réguliers sur le sens des livres clas-
siques, et sur l'art de composer ci'
prose et en vers. Ceux mêmes qui
avaient été faits prisonniers et réduits
en esclavage furent admis aux exa-
mens , et il fut défendu à leurs maî-
tres , sous peine de mort , de les em-
pêcher de s'y présenter. Il y eut à
cette occasion quatre mille trente
lettrés qui furent pourvus d'emplois,
et qui recouvrèrent en même temps
leurs biens et leurs familles. Un quart
de ceux qui avaient été réduits à la
condition d'esclaves fut rendu à
la liberté. Les premières places aux-
quelles on nomma des lettrés, furent
celles de magistrats et de juges des
départements et des districts. Le
nombre des voleurs qui infestaient
les provinces était alors si considé-
rable, que les relations commer-
ciales étaient presque entièrement
interrompues. Un ancien usage vou
lait que si les voleurs n'étaient pj
arrêtés dans le courant de l'année
valeur des objets dérobés fût payi
par les habitants du lieu où le cri
avait été commis. En pareil cas ,
avait recours à mille expédients poi
trouver de l'argent, et les magistral
locaux s'adressaient ordinairemei
aux Tartarcs musulmans qui leur
prêtaient ; mais l'année révolue ,
somme qu'on leur devait était doi
blée par les intérêts. Un an apri
la dette égalait le capital et les ai
rérages échus. Bientôt en était coi
traint de vendre le bétail des pai
vres gens 5 leurs femmes, eteux-m^
mes étaient réduits à l'esclavage. Des
familles étaient dispersées^ des mai-
sons ruinées par ces dettes usuraires.
Thsou-thsaï demanda à l'empcreiu-j,
que les intérêts fussent mis à un taifl
convenable , et que les sommes duer
aux musulmans fussent remboursée
par le trésor public. Ce que l'éta*
YEÎ.
eut à payer dans cette occasion s'e-
Icvaà 'jGoyOOO onces d'argent. D'au-
tres abus vinrent ensuite appeler
son attention. Les commandants et
ofliciers des provinces s'étaient par-
tout ari'oge le droit de fabriquer , se-
lon leurs caprices, des étalons de
poids et de mesures , et des sceaux.
Ils levaient aussi des chevaux de
poste , fct ils dépassaient , à cet égard ,
tonte espèce de règle et de modéra-
tion. Le ministre demanda d'abord
que l'on astreignît les marchands à
n'employer que des sceaux et des
poids fondus dans les ateliers de la
chancellerie : ensuite les oliiciers du
gouvernement , et même les gens de
la cour, et les princes du sang , qui
vexaient le peuple , en exigeant ar-
bitrairement des chevaux , des pro-
visions , et en recourant aux mauvais
traitements pour peu qu'on tardât à
les satisfaire, furent obligés de se
munir d'une patente qui constatât
leur mission et réglât leur droit. Les
abus furent diminués, et le peuple
commença à re>pirer. Deux religieux
s'étant pris de querelle , le plus âgé
accusa l'autre à faux d'êlre un dé-
serteur déguisé. Celui-ci, qui se nom-
mait Kitchoungkoue'i eut la cruauté
de tuer son adversaire. Thsou-thsaï
fit faire le procès au coupable. L'em-
pereur vit ce procédé de mauvais
œil , et lit arrêter son ministre; mais,
revenant bientôt à de meilleurs sen-
timents , il lui accorda sa grâce.
Thsou thsaï la refusa et ne voulait
pas sortir de prison : a Vous m'a-
» vez nommé votre chancelier pour
» administrer les affaires de l'état ,
» dit-il à Ogodaï. Vous m'avez fait
» arrêter : j'étais donc coupable.
» Vous me rendez la liberté : je suis
» donc innocent. Il vous est aisé de
•» faire de moi un jouet ; mais com-
» ment puis-je diriger les affaires de
YEL
467
)) l'empire ? » — a II m'échappe
» mille paroles en un jour_, reprit
» l'empereur , en lui adressant des
» consolations pleines débouté. Vous
» êtes innocent , et vous devez être
» rétabli dans votre rans;-. » Thsou-
thsai se prosterna pour remercier
l'empereur. Il ne s'en attacha que
plus fortement aux maximes qu'il
s'était faites de récompenser et de
punir avec équité, de régler les ap-
pointements et les gratifications sur
les services rendus , d'observer la
plus stricte justice dans les examens
et dans les promotions qui en étaient
la suite, d'honorer par-dessus tous
les artisans ceux qui se livrent à
l'agriculture , de tenir un ordre
parfait dans les impôts y d'avoir
tout prêts les moyens de faire
des distributions de grains selon les
besoins. En 1288, une grande fa-
mine ravagea l'empire. Thsou-thsaï
fut d'avis de modérer les contribu-
tions de cette année : les administra-
teurs craignaient qu'elles ne fussent
plus suflisantes pour le service de l'é-
tat ; mais le ministre fit voir que les
caisses et les greniers étaient remplis
pour plus de dix ans. Jusqu'à cette
époque la population de l'empire
avait été évaluée à un million quatre
cent mille familles payant le tribut ;
mais sur ce nombre il y en avait un
dixième en fuite ^ et, les redevances
continuant d'être fixées sur la même
base, les peuples souffraient beau-
coup. Le ministre obtint que le nom-
bre d'hommes entre lesquels l'im-
pôt était réparti serait diminué de
trois cent cinquante mille. L'inten-
dant en chef des revenus publics en
Chine était un nommé Liu-tchîn ;
son adjoint ou lieutenant était Lieou-
tseu. Le premier disparut avec la
caisse. « Ministre , dit Ogodaï , vous
» vantiez l'école de Confucius et les
3o..
46B
YEL
» vertus qu'elle met cii pratique.
» Sont-ce là les hommes qu'elle pro-
» duit? » — « Lcsaintiiomme(Conrii-
» cius) afoudc son enseignement sur
» la connaissance des vertusetdesde-
» voirs , et il n'est pas de souverain
» dont le pouvoir ne repose aussi sur
» cette base. Ces Alertas sont dans
» l'empire ce que sont au ciel le soleil
» et la lune. Que signifient les torts
» d'un particulier qui manque aux
M lois de tous les temps et de tous les
» pays ? Et notre gouvernement est-
» il donc le seul où de semblables
» fautes puissent être commises ? »
Ce discours satisfit l'empereur. Quel-
que temps après , il y eut à Yan-king
une compagnie d'hommes opulents
qui olïrirent de se charger du recou-
vrement des impôts pour une somme
d'un million d'onces d'argent. Ces
sortes de fermes avaient déjà ete'
établies en Chine vers l'an 970.
ïhsou-thsa'i s'opposa à cette spécu-
lation qu'il jugea aussi contraire aux
intérêts du prince qu'onéreuse pour
les sujets , et qui lui semblait une
calamité pour l'état. Il supplia l'em-
pereur d'y renoncer. Sa maxime fa-
vorite était qu'il valait mieux écar-
ter un malheur qu'obtenir un gain j
qu'il valait mieux expédier une affaire
que d'y donner occasion, a Je suis ,
» disait-il , de l'avis de Phantchao :
» la paix avant tout. J'y ai toujours
» travaillé , et si l'on a un jour quel-
» que reproche à me faire , ce ne
» sera pas d'avoir professé une
» vaine maxime. « Ogodaï aimait le
vin : un jour qu'il était à boire avec
ses courtisans, Thsou-thsaï, qui l'a-
vait plusieurs fois repris inutilement,
lui apporta un vase de fer , dont le
vin avait rong ; le bord : « Si le vin
» a !a force de corroder ainsi le fer,
» dit il, jugez de ce qu'il peut pro-
» duire sur les entrailles. » Ogodaï
YEL
fut frappé de cette leçon , et depuis
lors , dans les repas qu'il faisait avec
ses courtisans , il se borna à prendre
trois coupes de vin. Les revenus de la
partie de la Ciiine soumise aux Mon-
gols avaient d'abord été fixés par
Thsou-thsaï à cinq cent mille onces
d'argent par an. Après la soumission
du Ilo-nan , ils s'accrurent jusqu'à
un million d'onces. Un ministre d'O-
godaï, turc et musulman, nomme'
Abderrahman_, proposa de les affer-
mer pour deux millions deux cent
mille onces. Thsou-thsaï ne cessa de
s'opposer à ce projet. Les efforts qu'il
fit pour en dissuader Ogodaï, lui alté-
rèrent le teint et la voix. Ses paroles
éta ient entrecoupées par des sanglots :
« Êtcs-vous prêt à combattre ? lui
» demanda l'empereur, et allez-vous.
» pleurer pour la cause du peuple?
Thsou-thsaï, voyant ses avis rejetéSjj
fit un soupir : « La misère du peuple
» va dater de ce moment I » s'écrit
t-il. L'an 1241 , l'empereur tomb^
malade. Il avait perdu le pouls et b
voix. La sixième impératrice Touj
rakina , de la tribu de Naïmatchin
ignorant l'état des affaires, fit venii
Yeliu-thsou-thsriï pour le consulter
« Il suffisait aux anciens d'un mol
» pour dissi])er tous les doutes , r
pondit-il j mais maintenant on tienï
les innocents dans les fers : la pre-
mière chose- serait de publier une
amnistie générale dans tout l'em-
pire. » L'impératrice parut très-
empressée d'adopter cet avis , maij
le ministre lui représenta que la cliose
ne pouvait avoir lieu sans un décret
de l'empereur. « Si l'empereur se
» trouve mieux demain, ajouta t-il,
» vous pouvez lui en parler , et sans
» doute il y consentira volontiers. »
Ogod'u se remit effectivement de cetttt
maladie, et à la onzième lune , il
voulut aller à la chasse. Thsou-thsaf
YEL
tâclia de mettre obstacle à ce projet,
mais il ne put y faire renoncer l'em-
pereur. Ce prince chassa durant cinq
jours , et mourut sur la route. L'im-
pératrice consulta de nouveau le
ministre, sur ce qu'il y avait à
faire dans ces circonstances. Thsou-
thsaï répondit avec fermeté que des
e'trangers n'avaient point à s'immis-
cer dans les affaires de l'état j qu'il
existait un testament du défunt em-
pereur, et qu'il fallait s'y conformer.
Alais l'impératrice, que ce testament
éloignait du trône, n'en voulut point
entendre parler , et elle se fit procla-
mer régente à Kara-Koroum. Abder-
rahman, par d'immenses libéralités,
sut se faire livrer le timon de l'em-
pire ; l'impératrice lui remit les
sceaux , son blanc- seing , et une au-
torité absolue sur les olliciers de tout
grade. « L'empire , dit Yeliu-tlisou-
w thsaï j était Ja propriété du défunt
» empereur, V. M. s'en empare, et va
» tout bouleverser. Il m'est impossi-
» ble de continuer à exécuter ses or-
» dres. » On rendit un décret portant
que lorsqu'Abderrahman aurait fait
un rapport sur une alï'aire, le greflier
qui négligerait d'en tenir note sur les
registres aurait la main coupée. « Le
» défunt empereur, disait à cette oc-
» casion Thsou-thsaï, m'avait con-
» fié toutes les affaires de l'empire,
» et il n'était nullement besoin de
» greflier. Dès qu'une cliose a été
» jugée raisonnalile, il est tout sim-
» pie qu'elle soit exécutée. Celui qui y
» manquerait s'exposerait à la mort.
» Que signifie de plus la disposition
» nouvelle ? » L'impératrice goû-
tait peu les représentations sans fin
de Yeliu- tbsou- thsaï ; et comme
celui-ci s'en apercevait: « Voilà
» trente ans , s'écriait-il , que je suis
» chargé de toute l'administration,
» et je n'ai point de faute à me re-
YEL 469
» prêcher à l'égard du pays. L'ini-
» pératrice veut-elle me donner la
» mort pour prix de mon innocen-
» ce? » Cependant la régente, quoi-
qu'elle eût du ressentiment de la con-
duite du ministre à l'époque de la
mort d'Ogodaï, lui marquait beau-
coup de respect et de déférence. Mais
à la cinquième lune de l'an \ il\l\ , la
tristesse que l'état des affaires avait
inspirée à Yeliu-thsou-thsai le con-
duisit au tombeau. Il était alors
âgé de cinquante-cinq ans. L'impé-
ratrice l'honora de ses regrets, et fit
de grands sacrifices pour ses funé-
railles. Son tombeau est situé sur le
mont Young , dans le département
de Chun-thian; au-devant du tombeau
on éleva une chapelle qui est main-
tenant en ruines. Il ne manqua pas
de calomniateurs qui prétendirent
qu'après avoir si long-temps admi-
nistré l'empire, la moitié des reve-
nus de l'état était entrée dans sa mai-
son. La régente ordonna d'y faire
des perquisitions , et tout ce qu'on
trouva dans ses trésors, ce furent
une dixaine de luths dont il aimait à
jouer _, plusieurs livres anciens et mo-
dernes ,des peintures, quelques mor-
ceaux de jaspe , et un millier de vo-
lumes qu'il avait composés sur dif-
férentes matières. Près d'un siècle
après la mort de ce grand ministre
(en i33o), l'empereur, par un usa-
ge très-commun à la Chine , lui dé-
cerna solennellement le titre de roi
de Kouang-ning , avec un surnom qui
rappelait les nobles qualités de son
esprit et la droiture de son caractère.
Lefds de Yeliu-thsou thsaï , nommé
Yeliu-tchu ,lui succéda dans sa char-
ge de vicc-chancclier, et son petit-
lils Yeliu-thouhousse se distingua
sous les règnes de Kh oubliai et
de ses successeurs. Il, mourut du-
rant le règne de Ycsun-timour ( en
470 YEL
1827 ) , laissant des travaux sur
l'histoire des Mongols, et quelques
poésies. — La vie de Yeiiii-thsou-
thsaï occupe ici beaucoup d'espace;
mais on doit reconnaître qu'elle em-
brasse une des époques les plus in-
téressantes de l'histoire orientale,
celle des premières conquêtes des Mon-
gols en Chine^etqu'elJe jette un jour
tout nouveau sur les e'venemcnts qui
s'y rapportent. Les circonstances
dans lesquelles vécut Yeliu-tlisou-
thsaï, les belles qualités dont la na-
ture et l'éducation l'avaient pourvu ,
ont fait de lui l'un des plus grands
ministres dont l'Asie orientale se
glorifie. Tartare d'origine , et deve-
mi Chinois par la culture de son es-
prit, il fut l'intermédiaire naturel
entre la race des opprimés et celle
des oppresseurs; il se trouva placé
près de Tchingkis et de son succes-
seur, comme une providence pro-
tectrice des peuples vaincus, et sa
vie se consuma tout entière à plaider
auprès de la barbarie triomphante,
la cause des lois , du bon ordre , de
la civilisation et de l'humanité.
On ne saurait compter les millions
d'hommes qui lui durent la vie et la
liberté. 11 remplaça le joug- de la
force par celui de la raison ; la puis-
sance du glaive par celle des institu-
tions ; le pillage par un système ré-
gulier d'impôts; la brutale autorité
des conquérants tartares par l'in-
fluence lente, mais irrésistible des
lettrés de la Chine ; il organisa la
partie orientale de cet empire gi-
gantesque qui menaçait alors d'en-
vahir le monde entier , et prépara de
loin la révolution, qui , en renvoyant
les Mongols dans leurs déserts de-
vait affranchir la Chine d'une domi-
nation étrangère, et lui rendre un
gouvernement fondé sur la base des
mœurs naturelles et des traditions
nationales. Un autre motif fera ex-]
cuser l'étendue de la notice qu'on al
consacrée à Yeliu-thsou-thsaï. Sa viej
se trouve ici telle qu'elle a été écrite]
par l'historien chinois , qui a com-
posé les Annales de la dynastie de
Tcliingkis-khan. On ne s'est permis
qu'un très- petit nombi-e de suppres-
sions , et un nonibre moins considé-
rable encore d'additions indispensa-
bles pour rinleliigence de plusieurs
passages. On a cru que ce morceau
fidèlement traduit du chinois pour-
rait, sous un double rapport, inté-
resser les lecteurs , et qu'un échan^
lillon de la Biographie de la Chine
ne serait pas jugé déplacé dans un
ouvrage de la nature de celui ci.
A.R.— T.
YELVERTOIj (Henri), habile
jurisconsulte anglais, né, en i566,
cà Islington , passa de l'université
d'Oxford au collège de Gray's Inn,
pour y étudier le droit. Il fut nom
mé , en i6i3 , solliciteur - général
et obtint la distinction de la cheva^
îerie , par le crédit de Carr , comt
de Somerset, favori de Jacques I<
En 16165 il devint attorncy- général
Mais, ayant eu l'imprudence d'offen
ser le second favori du roi , le duc à
Buckingham , il fut cité devant l
chambre Étoilée, comme s'étant ren
du coupable d'illégalités dansl'exei
cice de ses fonctions , et par une ser
tence de cette cour , fut privé de s
place , condamné à l'emprisonne
ment et à une amende considérable
Cité ensuite devant les lords , il pra
nonça un discours qui blessa non
seulement le favori , mais le souve
rain même. Une nouvelle condamna
tion lui imposa le paiement de quinj
mille marcs. Yelverton , réconcili
depuis avec Buckingham , acqu
ses bonnes grâces, au point qi
ce fut par le crédit de ce seignei
ê YKO
doutrinimilié lui avaitcoûté si clicr ,
qu'il fut nomme un des juges de la
cour du banc du roi , et ensuite de
celle des plaids- communs. Il mourut
en possession de ce dernier emploi ,
le i[\ janvier i63o. On a de lui : 1.
Rapports de cas particuliers à la
cour du hanc du roi , depuis la qua-
rante - quatrième année du règne
d'Elisahelh jusqu'à la dimènie de
Jacques P' ., ])ublies originairement
en français , par sir W. Wylde , 1 66 1
et i6'j4; traduits en anglais et pu-
blies ainsi en l'joô , in - fol. II. Les
Droits du peuple concernant les im-
pôts, Londres, 1679. III. Plusieurs
Discours prononces dans le parle-
ment; un, entre autres, imprime dans
le recueil de Rushvvorth. L.
YEOU-WANG, empereur de la
Chine, descendait de Ye-wang {V,
ci-dessus ) , et monta sur le trône
l'an 781 avant l'ère chre'ticnne. D'un
caractère faible et indolent , livre dès
son enfance aux plaisirs grossiers , il
n'avait aucune des qualités qui dis-
tinguent les souverains. A l'exemple
des grands , le peuple supportait
avec jmpalience un joug avilissant.
Les habitants du pays de Pao , dé-
voues dans tous les temps à la dy-
nastie, se révoltèrent eux-mêmes;
mais, ayant reconnu leur faute, pour
apaiser l'empereur ils lui présentè-
rent une jeune (illc d'une rare beauté.
Yeou- Wang , touché de ses charmes ,
lui donna le nom dcPaosse ; et à sa
consictération il fit grâce aux rebel-
les. L'année suivante, Pao-sse mit
au monde un fds , dont la naissance
combla de joie l'empereur. En vain
les lettrés essayèrent de faire rougir
ce prince d'une conduite si peu pro-
pre à lui ramener l'estime de ses su-
jets. Aveuglé par sa passion, Y'^eou-
wang chassa du palais l'impératrice;
son IHslégilirac fut fûrcr d'aller de
YEO 47 V
mander un as:îc au prince de Chin;
ctil déclara son successeur celui qu'il
avait eu à.c Pao-sse. Cette femme
était si sérieuse , que l'empereur ne
parvenait à la dérider qu'avec beau-
coup de peine. Lorsque des troubles
éclat.îient, c'était la coutume d'allu-
mer des feux, de proche en proche,
sur tontes les montagnes. A ce signai,
les princes tributaires se hâtaient de
rassembler leurs troupes , et les ame-
naient à la cour. Un jour l'empereur
imagina d'allumer les feux. Les prin-
ces mirent leurs troupes sur pied , et
vinrent à la cour. En les voyant ar-
river l'un après l'autre, Pao-sse se
mit à rire de toutes ses forces. En-
chanté d'avoir trouvé ce moyen d'é-
gayer sa concubine , Yeou-wang l'em-
ployait de temps en temps ; mais les
princes se lassèrent d'être les jouets
d'une femme détestée de tout l'empi-
re , et ils finirent j^ar ne plus répon-
dre aux. signaux accoutumés. La fa-
mine vint se joindre à tous les sujets
de mécontentement. Yeou-wang crai-
gnant que son fils légitime ne profitât
de cette circonstance pour réclamer
ses droits, somma le prince de Chin
de le lui renvoyer ; il eut la lunte
d'éprouver un refus. Irrité de cette
résistance inattendue à ses volontés ,
il se mit aussitôt en campagne; mais
le prince de Chin , ayant appelé les
Tartares à son secours, se trouva
bientôt à la tête d'une armée nom-
breuse et aguerrie. Dans ce pressant
danger, Yeou-wangdonnal'ordred'al-
lumer les feux ; mais les princes tribu-
taires, dont il s'était si souvent mo-
qué, ne bougèrent pas de leurs pays.
Cependant les deux armées se rencon-
trèrent : celle de Yeou-wang futdéfaite
complètement : l'empereur et P(W-
sse tombèrent au pouvoir du vain-
queur , qui les fit mourir tous deux
l'an 77 T avant l'ère chrétienncTeou-
472 YEP
Wang eut pour successeur son fils lé-
gitime , qui prit ^ en montant sur le
trône , le nom de Fing-fVang. Voy.
VHist. de la Chine , par Mailla ^ ii ,
45-5o. W— s.
YEPEZ ( Dom Antoine d' ) , sa-
vant bénédictin espagnol , florissait
à la fin du seizième siècle et au com-
mencement du dix -septième. Il ap-
partenait à la congrégation de Yal-
ladolid , fameuse en Espagne , et s'y
était distingué par ses études et son
érudition. Il y gouverna plusieurs
monastères , tantôt comme prieur ,
et plusieurs fois en qualité d'abbé;
car , en général^ en Espagne cette di-
gnité n'est que triennale et point ti-
tulaire ; de sorte que les abbés, après
avoir cessé de l'être, et avoir achevé
le temps prescrit où ils doivent va-
quer , peuvent être réélus encore
l)lusieurs fois : c'est ce qui arriva à
dom d'Yepez , qui enfin fut élu su-
périeur-général de sa congrégation.
Mabillon , dont en celte matière
le jugement est d'un si grand poids,
rend mi témoignage avantageux du
profond savoir de dom d'Yepez et
de sa personne. Ce religieux mou-
rut en i6'2i. On a de lui sept volu-
mes des Chroniques de l'ordre de
saint Benoit , dont les deux pre-
miers parurent, en 1609, le troi-
sième à Pampelune, en 1610 , le
quatrième à Vaîladolid, en 16 13,
le cinquième et le sixième, en 16 [5.
Le septième ne fut imprimé qu'après
la mort de dom d'Yepez , par les
soins de dom JérômeMartlion, abbé
de Saint-Benoît de Vaîladolid. Quoi-
que ces chroniques n'aillent que jus-
qu'au douzième siècle , et qu'elles
soient en langue espagnole , elles
sont fort estimées. Dom Thomas
Weiss , bénédictin de l'abbaye deNe-
resheim , congrégation du baint-Es-
prit au diocèse d'Augsbourg , eu
YEP
traduisit une partie et la fit impri-
mer à Cologne en i652 et i653.
Dom Olivier de la congrégation de
Vaîladolid , et dom Vaigrave , de
celle des missions d'Angleterre , en
entreprirent une traduction française.
Le premier , prévenu par la mort ,
ne put en traduire que deux volumes;
l'autre ne fut guère plus heureux , et
ne put achever. C'était à dom Mar-
tin Rhetelois, supérieur-général de
la congrégation de Saint - Vannes,
qu'il était réservé de donner une tra-
duction entière de ce grand ouvrage.
Non-seulement il l'acheva, mais en-
core il l'augmenta considérablement,
en y faisant entrer ce qui concerne
les monastères de France , de la
Lorraine et du Barrois, et en y ajou-
tant l'histoire de la congrégation de
Saint -Vannes, et celle des autres
qui en sont issues , telles que \ts,
congrégations de Saint - Maur en
France, de Saint-Placide en Flan-
dre , et la réforme de Cluny. Cette
traduction forme sept volumes in-fol.
Dom Gabriel Bucelin , religieux de
l'abbaye de Weingart en Souabe , a
donné un abrégé de ces chroniques.
On a encore de dom Antoine d'Yepez
la relation d'un voyage littéraire en
Catalogne, et un catalogue des au-
teurs qui ont écrit en faveur de l'im-
maculée Conception. L — y.
YEPEZ (Le P. Diego d'), religieux
hiéronimite , né à Yepez près de To-
lède,, en 1 559, fit ses étudesà Siguen-
ça,avec beaucoup de succès. Estimé
dans sa congrégation par son sa-
voir et son zèle pour la discipline
régulière , il y obtint les distinctions
• auxquelles un grand mérite donne
droit. Il fut successivement prieur
des couvents de Jaën, de Zamora ,
de Tolède et de Grenade. 11 se con-
duisit dans ces différents postes avec
une sagesse qui augmenta encore sa ré-
^ YER
putation. Philippe II ,roi d'Espagne,
le fit nommer prieur du fameux mo-
nastère del'Escurial , et lui confia la
direction de sa conscience. Le P.
Diego d'Ycpez jouit de la même fa-
veur et remplit les mêmes fonc-
tions près du fils de Philippe II.
Ce prince , après la mort de son père ,
étant monte sur le trône, promut
d'Yepezàrëvêche de Tarragone. Ce-
lui-ci mourut dans cette ville le 20
mai 161 3. On a de lui en espagnol :
I. Histoire particulière de la persé-
cution d'Angleterre , depuis Van
1670, Madrid, iôqq, in-40.ll. il^/e-
moire sur la mort de Philippe II y
écrit par l'ordre de Philippe III ,
son fils y W\\di\\ , i6on, in-8''. III.
Vie de sainte Thérèse de Jésus ,
Madrid, 1087', i6i5, in-^o. , tra-
duite en français par le P. Cyprien
delà nativité de la Vierge, Paris,
1643, in-4^. L — Y.
YEREGUI (Joseph de), pieux
et savant ecclésiastique espagnol, était
né, en 1734, à Vergara , dans le
Guipuscoa , d'une des premières fa-
milles de cette province. Ayant com-
mencé ses études à Malaga, il vint
les continuer à l'académie de Ma-
drid, et se rendit ensuite à Paris, où
il suivit les cours de physique de
l'abbé Noilet ( V. ce nom ) , et se
perfectionna dans les mathématiques.
De retour en Espagne, il fut ordonné
prêtre, et se voua tout entier à ca-
téchiser les enfants, et à répandre
l'instruction parmi le peuple des
campagnes. Il fonda dans son voisi-
nage plusieurs écoles élémentaires
qu'il dirigeait lui-même , et consacra
ses revenus à fournir aux élèves , soit
des livres , soit les autres objets dont
ils avaient besoin. Ni sa modestie,
ni les vertus dont il offrait le tou-
chant exemple ne purent le mettre à
l'abri de l'envie. Accusé de distribuer
YER 473
des ouvrages contraires aux doc-
trines de l'Église catholique , il fut
obligé de quitter l'asiie qu'il s'était
choisi , et vint , en 1786 y habiter
Madrid, se flattant d'y pouvoir con-
tinuer , sans obstacle, sous les yeux
de ses supérieurs , l'exercice des
actes de bienfaisance dont il avait
contracte la douce habitude. Les ta-
lents de Yereguile firent bientôt con-
naître du roi Charles III ; et ce bon
prince s'empressa de lui donner une
marque bien grande de son estime,
en le nommant précepteur des infants.
Tant que le roi vécut, Yeregui n'eut
rien à redouter de ses ennemis • mais
après sa mort il fut éloigné de la
cour, et en 1792 , traduit à l'inqui-
sition comme janséniste. Cinq mois
après son arrestation, un jugement
solennel le déclara pur dans sa
doctrine et dans sa conduite; et le
roi Charles IV le nomma son con-
seiller au tribunal qui venait de
proclamer son innocence. Yeregui
se servit de tout l'ascendant que
lui donnaient ses lumières, et la fa-
veur du gouvernement, pourcontenir
le zèle trop ardent de ses collègues ,
et diminuer l'influence d'un tribunal
dont il jugeait la suppression néces-
saire au bonheur de l'Espagne. L'af-
faiblissement de sa santé l'ayant con-
duit , en i8o3 , à Bagnères , il y fît
imprimer : Idea del catecismo na-
cionalformado sobre las sagradas
escrituras , concdiors y padres de
la iglesia, in- 8". de xxxii, 23 1
pag. Ce volume est très-rare, l'au-
teur n'en ayant fait tirer qu'un petit
nombred'exemplairespour les adres-
ser aux évêques espagnols , et à quel-
ques théologiens instruits , en les
priant de l'aider à perfectionner son
travail. « Dans les années, dit-il ,
que j'ai consacrées à l'enseignement
des enfants , j'ai eu l'occasion de lire
4:4 Yiiw
etd'examincr les catecliisraes lesplus
récents. J'ai reconnu que si quelques-
uns sont dignes d'estime pour le désir
([ue montrent les auteurs d'étendre le
royaume de Jésus- Christ , il en est
plusieurs, et spécialement ceux qui
sont le plus répandus en Espagne ,
qui renlermeut des principes oppo-
sés à l'ancienne et constante doctrine
de l'Église. » Après avoir recueilli les
observations des hommes les plus
éclairés sur cette matière, Yeregui
se disposait enfin à publier son ou-
vrage, lorsqu'il mourut en i8o5 , à
l'âge de soixante-onze ans. On con-
serve dans un cabinet particulier , à
Paris , plusieurs 3ïémoires de Yere-
gui sur son procès à l'inquisition,
sur l'origine et les usages de ce tri-
bunal , ainsi que sur les modifications
qu'il conviendrait d'apporter à son
pouvoir. Llorente en a pu prendre
connaissance ; mais il ne paraît pas
qu'il en ait fait usage pour son His^
toire de VinquisitioniF. Llorente,
au Supplément ). W — s.
YERMAK. Foy. Iermak.
Y E- W A N G , empereur de la
Chine, était fils deYe-wang , prince
d'un génie fort médiocre, qui mourut
l'an 90g avant l'ère chrétienne , lais-
sant ses enfants trop jeunes pour
faire respecter leurs droits. Hiao-
wang , aidé d'un parti puissant ,
enleva sans peine le sceptre à ses ne-
veux. Après sa mort ( 894 avant
J.-C. ) , les grands , qui avaient souf-
fert impatiemment son usurpation ,
reconnurent Ye-wang légitime héri-
tier de l'empire. L'état de contrainte
dans lequel ce prince avait été retenu
par son oncle l'avait rendu si ti-
mide, qu'il parut à ses officiers moins
leur maître qu'un de leurs serviteurs.
Le jour de îa cérémonie du couron-
nement , les grands étant venus lui
présenter leurs hommages , il des-
YEZ
ccndit de son trône pour leur rendre
le salut. Cette infraction à l'éti-
quette parut aux plus sages un signe
certain qu'il ne saurait pas faire res-
pecter son pouvoir. En effet , la fai-
blesse de Ye-wang dut encourager
l'ambition des grands , et devint
ainsi la première cause des troubles
et des divisions qui ne lardèrent pas
à éclater. Ce fut le prince deïchin,
Hroung-kiu ,qui donna le signal de la
révolte en s'emparant des pays de
Young et dcYang-youan'. A son exem-
ple d'autres princesétendirent les états
que leur avaient assignés les anciens
empereurs , en récompense de grands
services. Pendant ce temps Ye-wang ,
tranquille dans son palais, ne songea
pas même à prendre quelques mesu-
res pour arrêter ces désordres. Il mou-
rut l'an 879 avant l'ère chrétienne ,
à l'âge de soixante ans, dont il
avait passé seize sur le trône , sans
gloire et sans honneur. Son fds Li-
w^ang lui succéda. (Voy. V Histoire
de la Chine , par le P. de Mailla ,
tome II, 1 5-1 8 ), W — s.
YEZDEDJERD. F. Iezdedjerd.
YEZID I^^, second khalife om-
meyade , fut inauguré à Damas ,
l'an 60 de l'hégire (680 de Jésus-
Christ ) , après la mort de son père
Moawyah qui l'avait associé à sa
puissance ( Fof. Moawyah V^',). Il
fut reconnu en Perse , en Syrie, en
Egypte , en Mésopotamie , et dans
les autres parties de l'empire mu-
sulman. Mais laMekke, Médine ,
et quelques autres villes de l'A-
rabie et de l'Irak , refusèrent de sa
soumettre. Un parti puissant y sou
tenait les droits de Houcein, fils
d'Aly- toutefois, parmi ceux qui se
disaient les partisans du petit-lils de
Mahomet, deux ambitieux, Abd-allah
fils deZobéir ,et Abd-allah , fils d'O^
mar, travaillaient secrètement iiout*
' YEZ
leur propre grandeur. L'activité d'O-
be'id-ailali , gouverneur de Koufah ,
et l'iiiconstaiicc des habitants de
cette ville liront triompher Yezid du
vertueux et brave Houccin qui périt
l'an 6i (680). au combat de Ker-
belah ( Voy. Hocein et Oceid-al-
LAH BEN Zeïad ). Lorsquc Yezid re-
çut la tête de Houcein , il ne put re-
tenir ses larmes , et s'écria : « 0 !
» malheureux Houcein, ie ne t'aurais
)) pas fait périr, si je t'avais eu en
» mon pouvoir. Que Dieu maudisse
» le barbare Obëid-allah » (i). Il
traita avec respect les femmes et les
sœurs de ce prince , quoiqu'elles l'ac-
cablassent de reproches , et cpargu^
même les deux plus jeunes li)s de son
rival, qui avaient survécu seuls au
désastre de leur famille. Il eut d'au-
tant plus de mérite à rejeter les con-
seils qu'on lui donnait de les faire pé-
rir, que la haine de ces enfants se
manifestait à toute heure. Sa conduite
généreuse , à leur égard , ne se dé-
mentit pas. Il les lit conduire tous à
Médine avec une escorte, après les
avoir comblés de présents , et leur
avoir prodigué tous les secours ca-
pables d'adoucir leur infortune ( F.
Zefn-alabeddyn ). Cette année , les
lieutenants du khalife subjuguèrent
Bokhara et le Khowarazm ou Kha-
rizme {Voy. Mahleb}. La mort de
Houcein n'éteignit point le feu des
révoltes. Les habitants de la Mekko
et de Médine secouèrent entièrement
lejougdesOmmeyades,en68i ,et ne
pouvant mettre à leur tête aucun des
deux enfants de Houcein, à cause de
leur jeunesse, ils proclamèrent kha-
life Abd-allah fils de Zobéir ( Voy.
ce nom , 1 , 5 1 ).. Yezid envoya l'an-
née suivante une armée qui assiégea
YEZ
4:
(1) (^e n'est point Yezid i\m itisulta la tête de
Houccin , toniiiie on l'a dit a l'^rlicle de ce der-
nier , mais Obcid aliah.
Médine , sans qu 'Abd-allah , qui son-
geait à soumettre le reste de l'Ara-
bie, se mît en devoir de secourir la
ville qui l'avait élu. Après trois mois
d'une vigouieuse résistance , Médine
fut prise et saccagée sans respect
pour le tombeau du prophète : les
habilants furent tous ou massa-
crés ou réduits en esclavage. Il
n'y eut d'épargné que la famille d'A-
ly. Après cette conquête, Moslem
ibn-Okbah , général de l'armée sy-
rienne , marchait sur la Mekke lors-
qu'il mourut en 6B9. Hassin ibn-No-
maïr, qui lui succéda dans le com-
mandement , assiégea celte ville
qu' Abd-allah défendit pendant qua-
rante jours. Une partie du temple de
laCaabah fut renversée , et la Mekke
aurait subi le sort de Médine^, si la
nouvelle de la mort de Yezid n'avait
pas obligé l'armée syrienne de re-
tournera Damas. Ce khalife mourut
dans les environs de Hemcsse. le i5
rabi 1*=^'., 64 (décembre 683),
à l'âge de trente-neuf ans , après en
avoir régné trois et demi. Le nom
de Yezid est en horreur à un grand
nombre de musulmans , surtout aux
Chyites ou sectateurs d'Aîy, parce
qu'il fut le principal auteur de la
mort de Houcein et de plusieurs au-
tres descendants de Mahomet j parce
qu'on le soupçonna d'avoir avancé les
jours de Haçan, fds aîné et succes-
seur d'Aly; parce qu'il fut le premier
khalife qui ait bu publiquement du
vin, et que sous son règne les deux
villes saintes furent profanées et pres-
que détruites. A ces reproches , qu'on
peut soupçonner d'être dictés par l'es-
prit de parti et les préjugés religieux,
les auteurs orientaux en aj outent d'au-
tres qui donnent une idée peu avan-
tageuse de Yezid, et qui prouvent
que ce prince , peu digue de succéder
par droit d'hérédité à son père , ne
476 YEZ
se soutint sur le trône que par Tatta-
cliement des Syriens pour ia maison
des Ommeyades. On l'accuse d'ava-
rice, de mollesse, de débauches;
d'avoir ve'cu au milieu de ses bala-
dins, de ses chanteuses et de ses
chiens ; d'avoir introduit l'usage des
eunuques , et même d'avoir entretenu
un commerce incestueux avec sa
sœur. Au reste, il aimait la poe'sie et la
cultivait avec succès. Son fils Moa-
wyah II hii succéda. A — t.
YEZID II ( Abou Khaled ),
neuvième khalife ommeyade , petit-
iils du précédent j par sa mère, était
le troisième iils d'Abd-.el-Melek. Il
succéda, l'an joi de l'hégire ( 720
de J.-C.)_, à son cousin Omar II;, au-
quel il ne ressemblait guère, et dont
on le soupçonna d'avoir avancé la
mort ( F. Omar II ). Il révoqua la
plupart des gouverneurs de pro-
vinces , nommés par ses prédéces-
seurs, ce qui occasionna dans l'empi-
re musulman des troubles qui furent
aisément apaisés. Il n'en fut pas de
même de la révolte de Yczid Ibn
Mahleb , qui ne put être étouffée que
par la mort de ce fameux rebelle, et
par les talents de Moslemah, frère du
khalife^ et de son neveu Abhas, fils
de Walid I^r. ( F. Moslemah j. Ye-
zid persécuta les chrétiens; publia"
un édit pour la destruction de leurs
images ; défendit qu'ils fussent admis
en témoignage contre les musulmans,
et ordonna que la déposition d'un
musulman aurait autant de poids
que celle de deux chrétiens. Ce fut
d'ailleurs un prince indolent, adonné
auxpîaisirs , esclave de ses passions;
qui dissipa les trésors de l'état pour
ses concubines, et dont le court rè-
gne ne fut remarquable que par les
victoires que Moslemali remporta
sur les Turcs. Yezid était beau et
bien fait. Sa mort prouve qu'il était
YEZ
doué d'une grande sensibilité. Ayant
perdu une de ses esclaves , qui fut
étouflée par un grain de raisin qu'il
lui avait jeté dans la bouche, en
jouant avec elle, il tomba dans un
tel désespoir , qu'il refusa , pendant
plusieurs j ours , de la laisser enterrer.
Lorsqu'on l'eut mise au tombeau , il
l'en lit retirer pour la voir encore,
ne lui survécut qu'e peu de jours, et
voulut être inhumé avec elle. Il mou-
rut le "^^ chaban io5 ( février 724 ),
âgé de trente-sept ans, après en
avoir régné un peu plus de quatre.
Ce prince avait ordonné l'année
précédente , par un édit , de tuer
les chiens , les pigeons , les coqs
blancs , et tous les animaux de cette
couleur, qui était celle que la mai-
son d'Ommeyah avait adoptée. Son
frère Hescham lui succéda. — Ye-
zid Ht , neveu des précédents , et fils
de Walid 1^^. ^ fi,t je 1 1^. khalife de
la race des Ommeyades , et succéda ,
l'an 1 26 de l'hég. (744 ^^ J.-C. ) , à
son cousin Walid II, qu'il avait fait
assassiner. Malgré son crime et son
usurpation que les vices et l'impiété
de son prédécesseur semblaient ren-
dre excusables; malgré son orgueil
d'être issu par sa mère des rois de
Perse Sa ssanides, Yczid est repré-
sente comme un prince doux ,
juste et vertueux. Il aimait le
faste , et prenait le nom de Khosrou ,
à cause de son origine maternelle ;
mais on lui donna le suruom à' Al-
Nakes ( celui qui retranche ), parce
que le mauvais état des finances l'o-
bligea de diminuer la solde des trou-
pes. La mort de Walid causa de
grands troubles dans l'empire. Les
Hemesseuiens prirent les armes pour
la venger , et battirent les troupes
du nouveau klialife. Les peuples de
la Palestine massacrèrent leur gou-
verneur. Mais la révolte la plus dan-
YEZ
gerensc fut celle de Merwan , fils de
Mohammed , prince du sang des
Ommeyades, et gouverneur de l'Ar-
ménie. Yezid l'assoupit pour un
temps , en faisant des concessions
à son parent ; mais elle recommença
plus tard avec plus de force , et le
schisme qu'elle occasionna parmi les
musulmans accéléra la ruine des
Ommeyades (/^. Merwan II). Yezid
avait à peine régné six mois , lors-
qu'il mourut de la peste à Damas ,
k 18 dzoulhadjah 126 ( 3o sept.
744 ) ? âgé de quarante à quarante-
six ans. Il avait fait reconnaître pour
ses successeurs au khalifat, son frè-
re Ibrahim et son neveu Abd-el-
Aziz, fils dcHedjadj.Mais le second
ne régna pas , et le premier, au bout
de deux mois , contraint de ré-
signer le khalifat à Merwan II, a si
peu marqué dans l'histoire , que les
auteurs varient sur l'époque et le gen-
re de sa mort. Le corps de Yezid III
fut exhumé et pendu par ordre de
Merwan. A — t.
YEZID IBN MAHLEB, digne fils
d'un grand homme ( F. Mahleb ) ,
et non moins célèbre par ses mal-
heurs que par ses exploits, succéda à
son père, l'an de l'hégire 83 (de J.-G.
70a ) , dans le gouvernement du Kho-
raçan. Quoiqu'il ne fût réellement
que le lieutenant du fameux Hedjadj,
dans cette province , il hésita à com-
battre le rebelle Abd-el-Rahman Ibn
Al- Aschat et lui envoya de nombreux
et riches présents ; mais à la suite de
ces procédés généreux , redoutant
quelque perfidie, il lui livra bataille ,
le vainquit, et déshonora même son
Iriomj^he en envoyant .1 Hedjadj la
tète d'un des principaux partisans
d'Abd - el - Rahman , et deux au-
tres chefs de cette révolte enchaînés.
Ce service ne put justifier 'dans l'es-
prit du soupçonneux Hedjadj l'hé-
YEZ 477
sitation qu'avait d'abord montrée
Yezid ; il lui donna pour successeur
Kotaïbah _, 1/an 85 , le rappela au-
près de lui, el l'ayant fait, plus tard,
entourer de gardes dans une tente
voisine de la sienne, il le condamna
à payer six millions d'aspres , et lui
extorqua la moitié de cette somme.
Comme Yezid était dans l'impossibi-
lité d'acquitter le reste, Hedjadj le
fît mettre à la torture , et inventant
chaque jour quelque supplice nou-
veau , il poussa le raffinement de la
cruauté jusqu'à ordonner au bour-
reau de gratter , avec un peigne de
fer, une blessure mal cicatrisée que
ce général avait reçue au bas de la
jambe. Aux cris terribles du mal-
heureux Yezid , sa sœur , femme de
Hedjadj , accourut et accabla son
barbare époux de si violents re-
proches , qu'il la répudia. Enfin
Yezid parvint à se dérober aux tour-
ments qu'il endurait depuis si long-
temps ; il enivra ses gardes, sortit
du camp , déguisé par une barbe
blanche et le costume d'un cuisinier^
monta sur un cheval qu'un de ses
frères lui avait procuré , gagna la
Syrie , et trouva un asile auprès de
Soléiman, frère du khalife Walidl*^^'.
Il y fut poursuivi par la haine de son
implacable ennemi. Hedjadj écrivit
au khalife pour lui dénoncer les con-
cussions de Yezid , et lui découvrir
sa retraite. Walid ayant réclamé ce
malheureux , Soléiman répondit à
son frère que la famille d'Yezid ,
alliée dès long-temps à celle d'Om-
meyah par les nœuds du sang et de
l'amitié , avait rendu de grands ser-
vices à l'islamisme, et n'avait jamais
encouru le reproche de malversation ;
que Yezid lui-mcnie était faussement
accusé par Hedjadj , et qu'en atten-
dant qu'il pût faire entendre sa jus-
tification, il espérait que le khalife
4-B
YEZ
lui permettrait de medre ses jours en
sr.rcte. Walid accueillit mal les repré-
sentations de son frère, et lui intima
l'ordre d'envoyer à Damas Yezid en-
chaîné. Celui-ci, craignant de com-
promettre les jours de son ami par
une plus longue résistance , était dé-
terminé à céder à une dure néces-
sité ; mais Soléiman poussa la géné-
rosité jusqu'à l'héroïsme: il chargea
de la même chaîne Yezid et son pro-
pre fils , les emÎ3rassa et leur remit
pour le khalife une lettre ainsi con-
çue : « Je vous envoie Yezid et votre
» neveu Ayoub : tous deux sont vos
)) esclaves. Si vous ne me les ren-
» voyez pas , ne trouvez point mau-
n vais que j'aille îes rejoindre^ et
» que la même chaîne serve pour
» trois. » Le khalife s'émut à la
lecture de celte lettre, et à la vue
de son neveu dans la posture d'un cri-
minel: il agréa les excuses de Yezid,
brisa ses fers, lui pardonna quand
même il aurait eu quelques torts,
le combla de caresses et de présents ,
ainsi que le (ils de Soléiman , et les
renvoya tous deux auprès de ce prin-
ce. La mort de Wa'id avant laissé
le khalifat h son frère Soléiman,
l'an 96 , Yezid , qui s'était flatté
d'être rétabli dans le gouvernement
du Khoraçan , parut peu satisfait de
n'avoir obtenu que celui de l'Irak.
Il eut recours à la ruse , et fît per-
suader indirectement au khalife que
Yezid îbn Mahleb était le seul géné-
ral en état de gouverner et de dé-
fendre les frontières orientales de
l'empire , le seul digne de succéder à
Kotaïbah ( P'oj'. ce nom ) , dans ce
poste non moins important que pé-
rilleux. Yezid justilja le choix du
khalife par ses exploits j mais en
même temps il réalisa en partie les
soupçons de PIcdjadj. En quittant
l'Jrak, il laissa des lieutenants à
YEZ
Bassora et à Koufah , et chargea un
de ses iils d'en percevoir les revenus.
Il se fit précéder dans le Khoraçan
par un autre de ses fils qui , dèsv^on
arrivée à Merou, procura à son pè-
re des sommes considérables, en fai-
sant mettre à la torture tous les dé-
positaires des trésors de Kotaïbah.
L'an 97 j Yezid envoya des troupes
sur divers points pour continuer les
conquêtes de son prédécesseur • mais
il se réserva la plus difficile : le
Kourkian ou Djordjan et le Thaba-
ristan, situés sur le bord méridional
de la mer Caspienne , avaient résisté
à toute la puissance des monarques
sassanides de Perse. Assiégée par les
Arabes, soiis le khalifat d'Osman , la
ville de Kourkian s'était rachetée à
force d'argent. Yezid entra dans cette
contrée, vainquit le roi Saouli , mais
luilaissa ses états, après en avoir en-
levé des richesses immenses , et se
contenta d'y conserver un faible corps
d'observation. 11 pénétra ensuite dans
leThabaristan, et remportasur le roi
Esfched ou Akhschid , une victoire
long-temps disputée. Tandis que les
habitants embarrassaient sa marche
en faisant rouler du haut de leurs
montagnes des arbres et des rochers,
il fut obligé de retourner dans le
Djordjan, où les musulmans avaient
été égorgés. Feignant toutefois d'ac-
corder la paix au roi , il lui extor-
qua d'énormes contributions. Alors
il parut devant la capitale , et jura
d'y répandre autant de sang qu'il en
faudrait pour faire tourner un mou-
lin , et de manger du pain fait avec
la farine que produirait cet horrible
moyeu. La place fut emportée , et
Yezid put tenir son serment, car le
ruisseau qui la traversait et sur le-
quel était un moulin , fut grossi du
sang des habitants. Le vainqueur fit
démohr le château, emmena douze
YEZ
mille esclaves ,, et informa le kha-
life de celte coiiquciîc et du riche Ixi-
tin qu'il y avait trouvéj mais comme
il n'envoya point la note détaillée de
ce butin , ses envieux le rendirent
suspect à Sole'iman lui-même , qui
mauda à son frère Moslemah {P^oy.
ce nom ) de lever le siège rie Cons-
tautiuupie, et d'alier arrêter ce gê-
nerai. La mort de Soléinian empêcha
rexe'cution de cet ordre ^ mais le
nouveau khalife ( Foy. Omar ÏI ) ,
circonvenu comme son prédécesseur,
priva Yezid du gouvernement de
l'Irak , et le rappela du Khoraçan,
Tan 99 ( 7 « 7 )• Yezid , arrêté à Bas
sora , par le gouverneur qui lui avait
succédé, fut envoyé, chargé de fers,
au khalife qui le somma de remettre
au trésor public tout l'argent qu'on
l'accusait d'avoir détourné à son pro-
fit. N'ayant pu fournir toute la som-
me qu'on exigeait de lui, il fut mis
en prison. En vain son fils Wahleb,
qui avait commandé dans le Khora-
çan , jusqu'à l'arrivée du nouveau
gouverneur , accourut à Damas pour
jusiifier son père , et réclamer sa
liberté j il mourut de chagrhi de
n'avoir pu l'obtenir. Omar loua le
courage et la tendresse filiale de
Mahîebj mais les préventions que
lui avaient inspirées les ennemis de
Yezid subsistaient toujours. La for-
tune sembla se lasser un moment de
persécuter ce grand capitaine. 11 vit
ompre ses fers l'an 101(720), peu
de jours avant la mort d'Omar II ,
^oit par adresse ou par hasard , soit
par un bienfait de ce vertueux kha-
life qui voulut le dérober à la haine
de son successeur présomptif, Yezid
II ( f. ce nom ). En ollet , aussitôt
que celui-ci eut pris possession du
khalifat , il donna ordre aux gouver-
neurs de Koufah , de Bassora et du
Khoraçan d'arrêter Yezid Ibn rvlah-
YIZ
4:9
leb et tous ses parents. Moins inquiet
de l'orage qui le menaçait, que du
sort de trois de ses frères incarcérés
à Bassora , Yezid réclama leur liber-
té , promettant de se retirer avec
eux dans un désert, loin des affaires
du monde. N'ayant point reçu de
réponse, il marche sur Bassora ,
défait , avec les gens seuls de sa mai-
son , un corps de troupes réglées ,
entre dans la ville aux acclamations
des habitants, s'empare du château,
délivre ses frères _, et fait prison-
nier le gouverneur. Mais dans le même
temps deux de ses fils furent arrêtés à
Koufah , et moururent dans les fers.
Yezid , n'ayant plus rien à ménager ,
se déclara souverain à Bassora , et
fut reconnu comme tel ])ar les peu-
ples de l'Ahvvaz , du Farsistan , du
Kerman et de tous les pays jusqu'à
r Indus. Il rassembla une nombreuse
armée et marcha contre celle que
commandait Moslemah , frère du
khalife. La rencontre eut lieu sur les
bords de l'Euphrate , près des ruines
de Babylone. La bataille fut terrible.
Les troupes de Yezid , d'abord vic-
torieuses y commencèrent à plier. Pla-
cé aux premiers rangs , il appelait à
grands cris Moslemah et le défiait
au combat singulier pour ménager
le sang des musulmans. Mais les amis
du prince l'empêchèrent de se me-
surer avec ce vaillant champion.
Yezid , voyant que sa cause était per-
due sans ressource , se précipita dans
les bataillons ennemis, et y trouva
une mort glorieuse. Il était âgé d'en-
viron cinquante ans. Presque tous ses
parents , au nombre de trois cents ,
furent faits prisonniers et envoyés
au khalife qui leur fit trancher la
tête. Plusieurs autres avaient péri
dans le combat. Moawyah , que son
père Yezid avait laissé à Waset ,
ayant appris le désastre de sa fa-
48o YEZ
mille , usa de représailles sur le gou-
verueur de Bassora , sur sou fils et
plusieurs autres oiliciers du klialife ,
s'empara des trésors de cette ville ,
et se retira dans le Kermau avec les
parents qui lui restaient. Poursuivi
par les troupes klialifales , il ])erit
dans un dernier combat, sur les
frontières de l'îndoustan , et tout ce
qui existait encore de la famille de
Mahleb, fut mis à mort ou vendu
comme esclave. Ainsi fut anéantie
celte race illustre dont le plus grand
crime, le seul tort peut-être, fut d'a-
voir par sa puissance , ses richesses
et sa gloire militaire . porté om-
brage <à la maison des Ommeyades ,
qui , privée de ces nobles soutiens ,
marcha dès ce moment à une déca-
dence rapide. A — t.
YEZID ( Mule Y -Mohammed -
Mahdy-al-) , empereur de Maroc,
de la race des chérifs, aujourd'hui
régnante , et le second des fils de
Sidi-Moliammed , naquit vers l'an
i-^So, et eut pour mère la fille d'un
renégat anglais. 11 donna de bonne
heure des soupçons à son père qui
l'obligea d'aller à la Mekke , en
1778. De retour de ce pèlerinage
forcé, il éveilla encore la défiance du
roi , et prit le parti de se retirer à
Tunis. Mais le grand âge de Sidi-Mo-
liammed donnant à Muley Yezid
l'espérance de monter bientôt sur le
trône, quoiqu'il sût bien que l'inten-
tion de son père n'était pas de l'y
appeler , il revint secrètement dans
le royaume , en 1789 , et se cacha
pendant un an dans un sanctuaire
près de Tétuan , sans troupes et sans
suite , ne voulant ni faire la guerre au
vieux monarque, ni lui donner de
l'ombrage , mais seulement attendre
en sûreté le moment de lui succéder.
Sidi -Mohammed eut vainement re-
cours aux négociations , aux pro-
YEZ
messes , aux menaces pour tirer Ye-
zid de son asile ; il envoya Muley
Hachem , un autre de ses fils, avec
un corps de six mille liommes pour
l'en arracher. Mais la résistance fa-
natique des gardiens du sanctuaire
intimida le jeune prince qui n'osa
pas exécuter les ordres de son
père. Sidi-Mobammed chargea un
de ses généraux de cerner le sanc-
tuaire , et partit pour terminer lui-
même cette entreprise. Sa mort dis-
sipa les craintes de Yezid , et réalisa
ses espérances. Quoiqu'il eût plu-
sieurs frères , qu'il fût le plus pauvre
de tous , et que son titre d'aîné ne
lui donnât aucun droit au trône , les
ministres qui se trouvaient auprès du
monarque défunt informèrent Yezid
de la mort de ce prince, et le firent
proclamer à Rabatet à Salé , le même
jour 1 1 avril 1790. Un des premiers
actes de son règne fut de convoquer
à Tétuan les consuls des puissances
européennes : il les menaça de les
chasser , et de déclarer la guerre à
leurs souverains , excepté à l'An-
gleterre. Il se radoucit bientôt, et
leur fit annoncer qu'il maintiendrait
la paix à condition qu'on lui enver-
rait des ambassadeurs et des présents,
en sus du tribut ordinaire ; il partit
peu de jours après pour Mekinès, où
il reçut le consul de France auquel il
ne fit grâce que du dernier article
dont le gouvernement français était
exempt sous le règne du monar-
que précédent. Yezid d'ailleurs parut
vouloir .prendre pour modèle son
bisaïeul , Muley Ismaël ( Fof. ce
nom), plutôt que Son père. Orgueil-
leux , entêté , cruel et fanatique , il
débuta par faire massacrer plusieurs
juifs à Tétuan , à Larasch , à Al-
cassar , par les noirs qui mirent leurs
maisons au pillage. Ceux de Rabat
et de Salé furent taxés à de fortes
YEZ
tonlriÎ3iUioiis. Ce prince avait pris
]a couronne sans opposition. Ses
frères , qui commandaient à Ma-
roc, à Fez et dans diverses autres
provinces, s'étaient soumis à son au-
torilc ; Mulcy Abd-e!-raliman , son
frère aine ;, disgracie depuis long-
temps , et exilé dans la province de
Fez, après lui avoir écrit d'aliord
une lettre menaçante , avait fini par
le reconnaître pour son souverain.
Yezid n'avait qu'à se montrer dans
la capitale et dans les parties méri-
dionales de son empire pour àlTermir
sa domination. Son ignorance et son
obstination l'engagèrent dans une
entreprise absurde et dispendieuse
qui le conduisit à sa perte. Voulant
se venger de la cour de Madrid qui ,
disait-il , avait fait signer à son pè-
re des traités honteux et funestes à
l'empire de Maroc , il manifesta le
désir de reprendre Ceuta ; et malgré
l'exactitude de Charles IV, à rem-
plir les devoirs d'étiquette , cà payer
entièrement le bled que le feu roi de
Maroc avait fourni à l'Espagne ;
malgré ses soins et ses eftbrts pour
prévenir une rupture ^ il eut à peine
le temps de la dilférer jusqu'à ce que
ses consuls et ses missionnaires fus-
sent en surete'. Leur évasion subite ,
et la perte de trois bâtiments , l'un
{été à la côte , les autres pris par les
frégates espagnoles , mirent Yezid
în fureur. Déjà il avait livré au
îupplice le premier ministre de son
îère , et avait fait clouer sa main
Iroite à un poteau devant la mai-
son consulaire. Il livra depuis cette
aaison au pillage, et fit attacher à
a porte la tête du gouverneur de
Tanger qu'il avait tué de sa main ,
omme coupable d'intelligence avec
es ennemis , et celles de deux olli-
iers mis à mort par son ordre sous
î même prétexte. Alors il déclara la
YEZ
48i
guerre à l'Espagne , et dès le lende-
main, 24 septembre, il ordonna lo
siège de Ceuta. Le feu commença le
4 octobre : mais malgré les renforts
que l'armée marocaine recevait jour-
nellement, les travaux furent mai
conduits , et les hostilités furent en-
core suspendues par des négociations.
L^n envoyé de Maroc arriva à Ma-
drid en janvier 179 1. Charles IV
restitua les deux bâtiments maures ,
et obtint la délivrance de ses consuls
de Mogador, de Larasch , et de
quelques missionnaires que le roi de
Maroc retenait dans les fers. Les
prétentions du monarque africain
qui s'opiniàtrait à demander la res-
titution de Ceuta , de Melilla , de
Penon-de- Vêlez et d'Alhucemas, ses
tentatives contre ces places, et sa
mauvaise foi , déterminèrent le roi
d'Espagne à lui déclarer la guerre ,
le 19 août. Le siège de Ceuta re-
commença le même jour , mais avec
aussi peu de succès pour les Maures.
Cependant l'empire était près d'é-
chapper à Muley -Yezid: des révoltes
éclataient sur plusieurs points dans
les provinces méridionales. Muley
Abd-cl-rahman avait été proclame
roiàTarudan. Ces mouvements obli-
gèrent le monarque à s'éloigner de
Ceuta avec la plus grande partie
de son armée , le 18 septembre ,
et à demander une trêve : mais in-
formé que l'inconduite et les exac-
tions de son compétiteur avaient
affaibli son parti, et se croyant sûr
de triompher de tous les obstacles ,
il fit égorger quatre prisonniers es-
pagnols , dont il envoya les pieds et
les têtes dans les places maritimes ,
et il reparut devant Ceuta , vers le
milieu d'octobre. Cependant un rival
plus redoutable , Muley Hacheni , se
révolte à Maroc , et fait soulever les
provinces méridionales. Yezid se dé-
3i
48'2
YGL
termine enfin , le 7 novembre^ à re-
noncer entièrement à son entreprise
contre Ccuta j il décampe , et envoie
un Italien pour négocier avec la cour
(le Madrid. La mortdeYezidempêclia
la conclusion du traite; mais la guerre
avec l'Espagne fut terminée. Ceprin-
ce , ayant marché contre sou frère, fut
blesse mortellement dans une bataille,
à la fin de l'anne'e 1791 , et périt des
suites de ses blessures, après un
règne d'environ vingt mois. Celui de
MuîeyHachem ne fit que passer. Plu>
sieurs de ses frères prirent les armes
contre lui , et Sidi Soléiman le plus
îiabile et le plus estimable de tous,
ayant triomphé de ses compéti-
teurs, monta , en 1792 , sur le trône
de Maroc , qu'il a occupé plus de
trente ans. A — t.
YGLÉSIAS ( Don Joseph de ),
poète espagnol , né àSalamanque en
1753, fit ses études à l'université de
celle ville , et se livra dès-lors à son
goût pour la poésie. Ses premiers
essais furent des pièces de vers d'un
genre libre , et dont le ton contras-
tait singulièrement avec la figure ré-
barbative de l'auteur , peut - être
encore davantage avec l'état ecclé-
siastique qu'il embrassa plus tard.
Mais dès qu'il fut entré dans les or-
dres , sans renoncer à faire desvers^
Yg'.ésias ne traita plus que des sujets
graves et sévères , genre auquel il
paraît que la nature ne l'avait pas
destiné , puisque ses premières com-
positions sont de beaucoup supé-
rieures aux dernières. Ami et quel-
quefois rival de Mélendez, il lutta con-
tre ce célèbre poète ( V, Mélendez),
en composant la Fleur du Zurguen
et la Rose d'avril. Yglésias mor.rut
à Salamauque en 1791. M. Maury
lui a consacié une notice dans son
Espagne poétique , 'x vol. in-8". ,
Paris , 1827^ et il a donné dans le
YHT
même ouvrage la traduction en vers
français de quelques-unes de ses poé-
sies. Z.
Y HIANG , célèbre astronome
chinois , vivait dans Ja première
moitié du huitième siècle de notre
ère. Son nom de famille était Tchaîig;
il descendait des princes de Tliang.
S'étant fait bonze, il vécut dans la re-
traite à la montagne Soung chan dans
le Ho nan.En7'2i , une éclipse calcu-
lée, selon la méthode alors reçue par
les astronomes de la cour, n'arriva
pas au temps qu'ils avaient déter-
mine. L'empereur fit venir Y hiang,
qui passait pour très-habile en astro-
nomie , et le chargea de la réforme
du calendrier, et de la confection d'u-
ne sphère mobile. Y liiang exécuta ces
ordres à la satisfaction du prince, et
prit toutes les mesures pour s'as-
surer d'une bonne méthode , qu'
appliqua ensuite aux figures et a(
nombres du livre Y kmg , qui est
premier classique des Chinois, et qi
contient les célèbres Koua , ou trd
grammer et trepagrammerde Fou hl
C'est sur ces figures et ces nombres qi
s'appuie en Chine tout ce qui a ra[
port aux mathématiques et h. la plu
losophie; il ne faut donc pas êti
étonné que Y hiang s'en servît pour
l'explication des théorèmes astrono-
miques. Il choisit le principal koua
de l'Y king, nommé Tajan , pour
le mettre à la lêle de son ouvrage,
qui , pour celle raison , est connu
sous le titre de V Astronomie de Tù
jT^/z. Y hiang, voulant déterminei
d'une manière précise la situatioij
des principaux lieux de l'empire, ûi
faire des gnomons , des sphères , de
astrolabes , des quarts de cercle ^
autres instruments d'observation. I
envoya des mathématiciens dans I^
Nord et dans le Midi , et les chargea
d'observer tous les jours, où cela se«
YHI
rait possible, la hauteur méridienne
du soleil par le gnomon de huit pieds ,
et la hauteur de l'étoile polaire. Il
fil aussi prendre la distance précise
de quelques places du Nord et du
Midi. On choisit pour cela les vastes
plaines de la province de Ho nan , qui
s'étendent au nord et au sud du
Houang ho. Le but de Y hiang était
de savoir précisément le nom des li ,
qui sur la terre répondent à un de-
gré de latitude. L'histoire ne dit pas
quelles mesures cet habile astronome
prit pour déterminer la dilFércnce
des lieux d'est à l'ouest, et en géné-
ral il n'est pas aisé de décider si,
jus(pi'à l'arrivée des Jésuites , les
Chinois ont su la proportion des dis-
tances de l'est à l'ouest, à mesure qu'on
va du nordau sud.Y hiangenvoya aus-
sides gens habiles dans la capitaledu
royaumed' Anara, ou de la Gochinchi-
ne, etd'autres au nord jusque dans le
pays fies Thieli, situé dans la Sibérie
méridionale . avec ordre de marquer
exactement la durée des jours et
des nuits , et d'observer les dilTércn-
les étoiles, qui ne sauraient être vues
sur l'horizon de Tchliang ngan ,
ou Si ngan fou dans le Chen si , alors
capitale de la Chine. Lesastronomies
chinoises n'avaient jusqu'à lui parlé
que des astres , qui sont visibles sur
l'horizon de 34 à 40^^ de latitude :
on commença alors à parler de
Canupe et des autres étoiles qui sont
au sud de celle - là. Y hiang exami-
nant les mesures qu'on avait pri-
ses dans le Ho nan , conclut que 35 1
U ( I ) et 80 pas répondaient sur la
terre à un degré de latitude. Com-
parant les observations faites dans
les diflérentes provinces avec les
siennes , il s'assura que l'étoile po-
(i) C'esl-,\-dire des li., tels qu'ils étaient iisités de
on tenips.
YHI
483
laire était éloignée du pôle de 3 de-
grés ; mais on ne sait pas quelle
étoile de la petite ourse il supposait
être la plus voisine du pôle. Y hiang
eut grand soin d'examiner les ancien-
nes éclipses , mais il calcula mal celle
qui est rapportée dans le Chou king.
Il fit observer dans toutes les pro-
vinces de l'empire les éclipses, et
il ne manqua pas de se servir de ces
observations pour découvrir le chan-
gement que causaient au temps et aux
phases , la difïerence des lieux du
nord au sud , et de l'est à l'ouest ,
et la dillerence des lieux du soleil et
de la lune dans les éclipses. Y hiang
avait beaucoup d'érudition ; il était
parfaitement au fait des différentes
parties de la littérature chinoise. Il
s'occupa d'établir un nouveau sys-
tème de chronologie , selon lequel il
plaça le règne de Yao à 2988 ans so-
laires , avant l'an ']'2^ de notre ère.
Supposant que les fixes avançaient
d'un degré en quatre-vingt-trois ans,
il en concluait que depuis Yao à son
temps les fixes avaient avancé de
près de 36 degrés. Il s'est évidem-
ment trompe sur ce dernier point.
Nous ne possédons plus tous ses
travaux astronomiques. Les cata-
logues qu'il fit de la grandeur des
jours , de la différence des méri-
diens pour le calcul des éclipses ,
des déclinaisons du soleil , de la
grandeur des ombres méridiennes du
gnomon , des latitudes de la lune et
autres, sont perdus. Il rédigea égale-
ment d'amples catalogues de longi-
tudes terrestres , et de la latitude et
de la longitude d'un très-grand nom-
bre d'étoiles dont il avait mis la
position dans des cartes célestes , qui
ne nous sont point parvenues. Ce que
nous avons encore de ses observa-
tions démontre qu'elles étaient passa-
blement exactes. U place, par cxein-
3i..
484 YIII
\)\e]cSirius par 40*** cliinois de lati-
tude australe, c'est-à-dire par 3c)'^
25' 3o" 19.'". Ce n'est pas un petit
éloge pour Y liiang d'avoir pu , en
"jih , mieux observer, à la Cliiiie, la
latitude du Sirius , que les astrono-
mes des autres pays ses contempo-
rains, et même que ceux qui lui fu-
rent postérieurs cîe plusieurs siècles.
Dans le temps où il jouissait du plus
grand crédit à la cour , il eut un
chagrin auquel il ne s'attendait guère.
Il avait donné comme sûr le calcul
de deux éclipses de soleil , en 7 2*5
et en 7^6, recommandant de les
observer dans tout l'empire. Déjà
tout était préparé pour les cérémo-
nies qui ont lieu en Chine à cette oc-
casion • le ciel fut presque partout
serein , mais le soleil ne montra au-
cun vestige d'écIipse. Y hiang dissi-
mula sa mortification ; et , tandis qu'il
travaillait à rectifier les principes et
les éléments qui lui avaient fait faire
un faux calcul , il publia un écrit où
il prétendit prouver que son calcul
était juste ^ mais que le ciel avait
changé les règles ordinaires du mou-
vement qui produit les éclipses. Pour
prouver ce paiirdoxe , il cila plu-
sieurs autorités et plusieurs exemples ^
et c'est à cette occasion qu'il dit que
du temps des Tsin on avait vu le
Sirius éclipsé par la planète Vénus.
Le Sirius , ajoute-t-il , est par 4o
degrés de latitude , et la Vénus ne
peut, selon les règles communes ,
avoir cette latitude; ainsi le ciel doit
avoir changé le cours de cette pla-
nète au temps des Tsin. Depuis cette
circonstance fâcheuse, Y hiang tra-
vailla avec beaucoup d'ardeur à un
cours d'astronomie ; il en avait déjà
rédigé une grande partie, lorsqu'il
mourut , âgé de quarante-cinq ans ,
en H'2n. Après sa mort l'empereur
Hinan ïsoung nomma des mathé-
YKH
maticiens pour mettre en ordre se^
écrits. L'ouvrage étant achevé , on
en lit le rapport à ce prince , qui
l'approuva, et le fit publier en 729,
sous le titre de V astronomie de Ta
jan. Il ne nous reste qu'un extrait
de ce livre. Kl — h.
YKHSCHID ou ARHSCHID
( Abou-bekr Mohammed Al- ) , fon-
dateur de la dynastie des Ykhschidi-
des , qui a régné sur l'Egypte et une
partie de la Syrie, naquit àBaghdad,
l'an 268 de l'hégire ( 882 de J.-C. ).
Il était Turk d'origine ; et com-
me son père Thagadj, d'abord escla-
ve des khalifes , puis gouverneur de
Damas , sous les derniers princes
Thoulounides , prétendait descen-
dre des rois de Ferganah, le titre
à' Fkhschid , que ceux-ci avaient
adopté, devint le nom distinctif d'A-
bou-bekr Mohammed et des prince%
de sa race. Après la chute des Thou
louuides ( F". Khomarouyau ) , l'E-
gypte et la Syrie rentrèrent sous h
domination des khalifes abbassidesi
mais ce fut pour peu d'années. La ty^
ranniedesgouverneurs amovibles, en
voyés dans ces provinces par la coui
de Baghdad , faisait soupirer lei
peuples pour un gouvernement sta-
ÎdIc et indépendant , dont ils avaieni
trop peu goûté les avantages. Ykh-
sch^d, après avoir rempli diverses
fonctions en Egypte , sous ces lieu^
tenants des khalifes, puis comman-
dé a Ramia, l'an 3i(), et ensuite à^'
Damas, oii il ne put rester qu'un
mois , fut enfin nommé par le khalife
Rady - Billah, l'an 3'23 de l'hégire
( g35 de J.-C. ) , gouverneur de l'E-
gypte. Il fit la guerre à son prédé-
cesseur Ahmed qui , forcé de se re-
tirer auprès du khalife fathimide, à
Kairowan en Afrique, suscita con-
tre son ijeureux rival la puissance
formidable qui devaitplustarddétrui-
YKH
re celle des Ykhschidides(/^. Moezz-
Ledin-allah). ykliscliid,pour cette
fois ^ conjura l'orage, en mettant
l'Egypte à l'abri d'une invasion. A
rexeni])le des divers usurpateurs qui
démembraient alors l'empire musul-
man ( F. Samani , Imad-eddaulah ,
MaRDAWIDJ, AbOL-ThAHER etNASER-
eddaulah), le gouverneur de l'E-
gypte s'en arrogea la souveraineté.
11 obligea même le faible Rady, en
3'i4 (9^^)) à lui en envoyer la pa-
tente et les insignes , et à lui aban-
donner de plus la Syrie. Mais quatre
ans après, Ibn-Raïek , à qui le kha-
life avait cède quelques places dans
la Mésopotamie , pour l'indemniser
de la perte de la charge d'e'mir - al-
omrali , envaliit la Syrie, chassa de
Damas le lieutenant d'Ykhschid , et
marcha vers l'Egypte, qu'il cs])ërait
conquérir aussi facilement. Ykhs-
chid , l'ayant rencontre à El-Arisch ,
le vainquit complètement , et envoya
des troupes à sa poursuite j mais
son frère, qui les commandait, fut
battu à son tour , près de Damas, et
périt dans la mêlée. Cet événement ,
qui devait rendre implacable la haine
des deux rivaux, amena au contraire
leur réconciliation. Ibn-Rank ordon-
na à son fils d'aller compliuK'nler
Ykhschid sur la mort de son frère •
de l'assurer qu'il n'y avait eu aucune
part , et de s'offrir comme victime
expiatoire , si ce prince l'exigeait.
Ykhschid , touché de '^e procédé , ne
se montra pas moins généreux. Loin
de recourir à une vengeance inutile,
il combla de présents et d'honneurs
le fils d'Ibn - Raïek , fit la paix avec
ce dernier j et lui laissant la Syrie
presque entière , il s'ol)ligea même de
lui payer un tribut annuel pour les
seuls districts qu'il garda , depuis
Ramla jusqu'à l'Egypte. L'an 33o
(942), Ibn-Raïek ayant été assassi-
YKll
4B5
né par ordre de l'émir de Moussoul,
Naser - eddaulah, qui devint alors
émir al-omrah, YkhsChid entra aus-
sitôt en Syrie , et y fu! reconnu Sou-
verain. L''an 33^ , il se rendit à Rak-
ka sur les bords deTEuphrate, pour
y conférer avec le khalife Mottaky ,
auquel il avait offert un asile et des
secours contre les tyrans qui l'op-
primaient {V. Mottaky); mais le
khalife, n'ayant pas même suivi ses
conseils, fut la victime de sa faibles-
se et de son obstination. L'année sui-
vante , Ykhschid eut sur les bras un
ennemi plus redoutablequ'Ibn Raïek:
ce fut le prince hamadanide AîySeif-
eddaulah , frère de l'émir de Mous-
soul {T. Seif-eddaulahjXLI , l\'65).
Malgré les talents et la bravoure du
souverain de l'Egypte, et de Kafour,
son lieutenant , la guerre lui fut peu
avantageuse. Il avait déjà perdu la
moitié de la Syrie ; et ayant traverse*
l'Euphrate, il se disposait à aller en
personne attaquer les états de son en-
nemi en Mésopotamie, lorsque Seif-
cddaulah, arrivé à Manbedj , ne se
trouva séparé que par le fleuve de
l'armée égyptienne, qui était campée
à Rakka. Des négociations furent en-
tamées entre les deux princes, et se
terminèrent par un traité qui établit
un partage de la Syrie , que l'on divi-
sa par» un fossé. Halep et la partie
nord furent cédées à Seif-eddaulah ;
Damas et la partie sud restèrent à
Ykhschid. Ce dernier, de retour à
Damas, y mourut la même année,
-ri dzoulhadjah 334 (9>4 j^^'^et r;46) ,
après un règne de onze ans , et fut en-
terré à Jérusalem. Ce prince avait de
grandes qualités ; mais il était supers-
titieux et si défiant , qu'il ne passait
jamais une nuit entière dans le même
appartement ou sous la même tente,
et qu'on ignorait toujours le lieu où
il dormait. Avec ce caractère , il n'est
486 YLD
pas difficile de croire que la lecture
d^m billet anoiiyiue qu'il avait trou-
ve daus son palais, avant de quitter
l'Egypte pour la dernière fois, ait
pu troubler son imagination, et hâ-
ter sa mort. Ykliscliid avait pourtant
une garde de Luit mille hommes,
dont mille étaient tous les jours de
service auprès de sa personne j et son
armée montait à quatre cent mille
soldats. Il persécuta les chrétiens ,
et leur extorqua des sommes consi-
dérables. Il ne laissa pour succes-
seurs que des enfants en bas âge, sous
la tutelle de Kafour , qui sans dépouil-
ler ses pupilles , usa glorieusement du
pouvoir suprême,, et le posséda seul
après leur r^^ort ( F. Kafour ). A-t.
Y-KIUN. F. Wan-ly.
YLDEGOUZ ou YLDEKHOUZ
( ScHAMS - EDDYN ) ( I ) , fondateur de
la dynastie des Atabcks de l'Adzer-
baïdjan , était un esclave originaire
du Kaptchak, d'où il fut amené fort
jeune en Perse. Élevé auprès du vezir
du sulthan Mahmoud , de la race des
Seldjoukides , il passa au service de
ce prince , après la mort duquel il
s'attacha , l'an de l'hég. 525 ( 1 1 3 1
de J.-C), à son frère Mas'oud, qui ,
en montant sur le trône, l'an 529
(i i34); combla de faveurs Yldegouz,
l'éleva au rang d'émir, et lui donna
en fief le pays d'Arran (l'Arménie) ,
ainsi qu'une grande partie de l'Ad-
zerbaïdjan. Le mariage d'Yidegouz
avec la veuve du sulthan Thogh-
roul II , frère de Mas'oud, aug-
menta considérablement sa puis-
sance et son crédit. Sous le titre
modeste à'atabek ( père du prince )
(2), il devint maître, dès l'an 54^
(i^ Ce nom s'écrit encore Çldigoiiz, Ildef',hlz ,
Ildikouz , Ilducoux et Ildet as.
(jt) Outre cette dynastie d'Afaheks, il s'en forma
d'autres dans le même temps , tels que les Ata-
beks de Moussoul , du Farsistiin, etc. , vassaux
YLD
(,i 1 53) , d'Hamadan , d'Ispahan , de
Rc'ï , d'une armée de cinquante mille
hommes de cavalerie, et ne laissa
phis aux Seldjoukides, dans les pays
dont il était souverain, que le droit
d'être nommés dans la Khothbah.
Ce fut surtout lorsqu'en 555 ( 1 160)
il eut placé sur le troue Melik Arslan
ou Arslan Chah , fils de sa i'cmme ,
qu'il gouverna les restes de l'empire
des Seldjoukides, avec une autorité
absolue , quoiqu'il ne cessât pas d'ê-
tre en apparence le vassal du sulthan.
La situation de ses états , voisins de
la Géorgie, l'obligeait d'entretenir
des armées nombreuses pour défen-
dre ses frontières. L'an 1 162 , il mar-
cha contre le roi George III , qui
avait pénétré dans l'Arménie jusqu'à
Tovin; et, pour venger les ravages
que ce prince avait commis ^ il prit
et brûla la forteresse de Mrean et la
ville d'Aschnag, en fit massacrer les
habitants, et arriva dans la plaine
de Gaga , province de Koukaiie , où
il fut battu par les Géorgiens. Les
historiens arméniens et musulmans
ne parlent point de cetle défaite, qui
probablement ne fat pas aussi com-
plète que le disent les Géorgiens,
puisque dès le commencement de
l'année suivante, de l'aveu de ceux-
ci , Yldegouz reprit Toircnsive , et dé-i
vasta pendant quatre ans les frontiè
res de la Géorgie; et que , suivant îeî
autres historiens , il triompha du roi
de Géorgie, l'obligea de se retirei
dans les montagnes , et lui accorda
la paix moyennant la cession de la
ville d'Ani. Il eut ensuite une guern
à soutenir contre Ynanedj , émir de
Rcï , le vainquit , et le réduisit à s(
renfermer dans un château , où il U
fît assassiner, l'an 564 (u^^); mail
puissants et redoutables de l'empire des Scldjouki.
des ( Foj'. ZeN,GHV et SALGAR ).
YMB
au lieu de la rccompense qu'il avait
promise aux agents de ce crime , il
les menaça de les punir, et les força
de sortir de ses étals.Yldegouz , ayant
perdu la princesse son épouse, ne lui
surve'cnt qu'un mois, et mourut à
Hamadan , J^an 568 ( 1 1 -ja) , laissant
deux lils, qui tour-à-tour succédèrent
à sa puissance ( F. Pehlevan Mo-
hammed et Kizil-Arslan ). 11 avait
joui pendant treize ans d'une autori-
te si absolue, qu'on l'avait surnom-
me le grand atahek. A — t.
YMBISE ou IMBISE (Jean d'),
bourgeois de Gand, est devenu fa-
meux par le rôle qu'il a joue' dans
les troubles des Pays - Bas. Esprit
inquiet et turbulent, avide de pou-
voir et d'argent , il n'avait que les
qualités d'un intrigant subalterne ,
et pe'rit , comme tant d'autres ,
victime de ses coupables excès.
Élu consul ou bourgmestre de
Gand , il s'était occupe de reparer
les fortifications de cette ville ,
et l'avait mise à l'abn des insul-
tes auxquelles , dans ces temps mal-
heureux , les plus grandes villes
se trouvaient exposées. Ce service
important le rendit l'idole des Gan-
tais. 11 profita de sou influence
sur la populace pour la soulever^
en 1578, contre le cierge dont les
richesses étaient l'objet de l'envie de
tous les artisans de troubles. On in-
terdit l'exercice du culte catholique -,
les prêtres furent chasses , et leurs
biens devinrent la proie d'Ymbise et
de ses partisans. Sous le prétexte de
repousser l'agression des troupes
wallonnes , les Gantais prirent les
armes , et se rendirent coupables de
désordres plus grands que ceux qu'ils
avaient prétendu réprimer. Le prince
d'Orange accourut dans cette ville
pour la pacifier. On convint d'y ré-
tablir le culte catholique et de res-
YMB 487
tituer ses biens au clergé ; mais le
prince n'osa demander ni la punition
des auteurs de la sédition, ni la liberté
des malheureux qu'ils retenaient en
prison. Après son départ, les Wal-
lons ayant rejiaru sur le territoire de
Gand , d'Ymbise fit annuler la dé-
cision prise à l'égard du culte catho-
lique ( 9 mars 1579). Les prêtres fu-
rent éloignés de nouveau de la ville,
et les églises, ainsi que les couvents, li-
vrées au pillage, Les plus sages d'entre
les protestants blâmèrent des mesures
qui pouvaient amener de terribles re-
présailles, D'Ymbise leur enjoignit de
quitter la ville; la populace, ameu-
tée sur leur passage, les accabla d'in-
jures; plusieurs coururent risque de
la vie. Au nombre des bannis , on
comptait le brave La Noue, qui était
venu offrir ses services aux Gantais
contre les Wallons {TAjA. Noue,
XXXI , 4> ^ )• Les supplices et les
assassinats se succédèrent huit jours
durant, sans que personne osât tenter
d'y mettre un terme. D'Ymbise se
décide enfin à faire entrer des trou-
pes à Gand. Il dépose les anciens
magistrats pour les remplacer par
ses créatures , et se déclare lui-mê-
me chef du conseil. Averti que le
prince d'Orange revenait à Gand, il
excite les habitants à lui fermer leurs
portes. Lors de l'entrée du prince _,
il quitta la ville, mais il y rentra,
dès qu'il fut assuré de l'oubli du pas-
sé. Cependant ayant vu ses partisans
éloignés des places, il craignit qu'on
n'ordonnât d'instruire son procès, et
^'enfuit en Allemagne. D'Ymbise dé-
testait également le prince d'Orange
et les Espagnols. Il aspirait à rendre
la ville de Gand indépendante, po^ir
y commander en maître. Tous les
moyens pour arriver à ce but lui pa-
raissaient justifiés, s^ils étaient cou-
ronnés de succès, llgagna la confiance
4»8 TON
des géacraux espagnols, et favorisa
les progrès de leurs anncs dans les
villes de Flandre où il avait conser-
ve quelque crédit. Les Gantais, alar-
mes parla menace d'un siège, rap-
pelèrent'd'Ymbise en i583, et le
rétablirent dans la charge de bourg-
mestre. Afin de cacher ses liaisons
avec les P^spagnols, il fit arrêter
quelques personnes qui passaient
pour leur être dévouées. Une fois
certain de l'alTection du peuple, il
crut pouvoir agir d'une manière plus
ouverte. Des barques chargées de
machines de guerre, et destinées aux
Espagnols, furent arrêtées dans la
miit du 24 mars 1684. Le lende-
main le sénat s'assembla pour infor-
mer contre les auteurs de cette Ira-
hison. D'Ymbise se rendit à î'hotel
de ville , entouré de ses soldats j
mais à son entrée dans la salle, un
sénateur prend luie hache des mains
d'un soldat, et l'élève sur sa tête, en
criant : Aux armes ! A ce cri , les
bourgeois tendent des chaînes dans
les rues, et s'emparent des postes
militaires. D'Ymbise, déclaré sus-
pect est déposé de sa charge , et
conduit en prison. La correspondan-
ce saisie chez lui ne laissant aucun
doute sur sa perfidie , il fut con-
damné à mort, et périt sur l'écha-
faud le 4 août i584. W— s.
YON ( Saint ) , en latin JoniuSy
ou Monius , suivant le bréviaire de
Paris, fut un des disciples les plus célè-
bres de saint Denis, apôtre de la Fran-
ce j mais ses actes sont aussi peu con-
nus que son culte est ancien et vénéré.
II accompagna saint Denis, lorsque ce-
lui-ci vint en France^ et fut élevé, par
Iwi, au sacerdoce. La partie sud du
diocèse de Paris fut principalement
le théâtre de son zèle apostolique.
On croit que le centre de sa mission
était la petite ville d'Arpajon, ap-
YON
pelée autrefois la ville de Chaires^
sur ia rivière d'Orge. Il y fonda une
église qu'il n'édifiait pas moins par
ses exemples de pénitence que par
ses ferventes prédications. Quoiqu'il
ne vécût que de légumes et d'eau , il
ne laissa pas de parvenir à une gran-
de vieillesse. I! avait gagné à la foi
une multitude de personnes tant de
la ville de Châtres que des pays
voisins, quand il fut arrêté , par or-
dre d'un officier nommé Julien, dans
une persécution quis'était renouvelée
depuis la mort de saint Denis j car
après le martyre du saint prélat,
l'Église avait joui d'un moment
de paix. Saint Yon jirêchait lors-
qu'on l'arrêta , et ni menaces ,
ni promesses ne purent lui faire
trahir sa foi. 11 fut donc con-
damné , et il reçut la mort sur
une montagne distante d'une lieue
de Châtres ; mais les fidèles inhu-
mèrent sou corps près des murs de
cette ville , et ses reliques ont été
depuis honorées à Châtres et à Cor-
beil , où une partie avait clé ;trans-
portée. C'est du nom de ce saint
martyr que les frères des Écoles-
Chrétiennes ont été appelés Frères
de Saint- Yon , parce que c'était à
Saint - Yon , près de Rouen , que La
Salle (i) avait établi le noviciat et le
chef-lieu de sa congrégation. Leurs
fonctions et l'habitude leurfirent don-
ner le nom de Frères Igjwrantms ;
et ils ne le dédaignèrent point. Saint
Yon fut décapité l'an 290 , le jour
des nones du mois d'août. C'est aussi
au 5 août que sa fête est célébrée ,
et que les hagiographes ont place'
l'histoire de sa vie , quoique le mar-
tyrologe romain n'en parle qu'au ^
mois de septembre. Les actes de
(^t) C'est par erreur qu'à l'arlicle LaSALLE(XL,
181), on dit que ce foudateur niourut ù Saint- Yoft
près d'Arpftjou .
YON
saint Lucien de Beauvais sont pro-
bablement l'original de la vie de saint
Yon. Les actes de ce dernier furent
compiles à la fin du neuvième siè-
cle, ou au commencement du dixiè-
me. On peut consulter sur sa vie
Tillemont , Adrien de Valois , etc.
On est étonné qu'Usuard n'en ait
point parie' dans son Martyrologe.
B— c— E.
YON (....)? littérateur ^ ne ^ vers
in'io , cà Paris, se fit recevoir avocat
au parlement^ mais il fréquenta peu le
barreau. La culture des lettres l'oc-
cupa toute sa vie. En 1752 , il dé-
buta dans la carrière dramatique par
une comédie en trois actes et en vers
libres , intitulée : la Métempsjcose.
Cette pièce fut assez mal accueillie à
la première représentation. Les co-
médiens obligèrent l'auteur d'en re-
trancher le prologue, et delà réduire
à un seul acte. Elle fut reprise de
cette manière, et se soutint quelque
temps. En 1704 , Yon fit jouer 1'./-
mouretla /^o/Ze^, comédie en un acte
et en vers libres. Ce second essai fut
encore moins heureux que le pre-
mier. L'auteur retira sa pièce et la
fit imprimer avec une dédicace à
Boissy. Son dernier ouvrage drama-
tique est une comédie en trois actes
et en vers libres , intitulée : les Deux
Sœurs ou la Mère jalouse ; elle fut
jouée, en 1755 , au théâtre Italien,
mais elle n'a point été imprimée. On
en trouve l'analysedansle Dictionnai-
re dramatique , i , 281. Yon eut le
malheur de survivre à tous ses ouvra-
ges, et mourut dans l'oubli vers 1774
{Voj.y^necd.dramatiq.j ni, 488).
Outre les comédies dont on a parlé,
on cite de lui : L Ejdtre contre les
Déistes. IL Lettre au sujet de la
place destinée à la statue du roi
(Louis XV), Paris, 174^, broch.
in-4". IIL Relation en forme de
YOR
489
Lettre sur les dépenses suggérées
par un goût outré pour des curiosi-
tés passagères , ou par une passion
désordonnée pourdifierents genres de
collections, ibid. , 1757, m-12, A
juger de l'ouvrage par le titre, il
semble devoir contenir des anecdotes
curieuses. L'auteur s'est contenté de
citer des exemples, pris dans diffé-
rents états , des travers d'esprit ou de
goût qu'il signale. IV. Les femmes
de mérite, histoire française, ibid. ,
1759 , in-80. W— s.
YORK ( Richard , duc d' ) , né en
i4i6, était fils du comte de Cam-
bridge, mort sur un échal'aud sous le
règne précédent ( F. Henri v, XX ,
127 ), et par conséquent neveu du
duc d'York , régent du royaume ,
tué à la bataille d'Azincourt, et au-
quel il succéda dans ses biens et ses
dignités. Il avait pour aïeul le second
fils d'Edouard III, tandis que Henri
VI, de la branche de Lancastre, ne
descendait que du troisième. C'est à
ce point, assurément très-simple et
très-clair , que se réduisent les in-
nombrables manifestes publiés de
part et d'autre dans le cours des san-
glants démêlés de ces. deux maisons
rivales , désignées par les noms de
Rose rouge et de Rose blanche. Le
jeune duc d'York fut persuadé de
bonne heure de la légitimité de ses
droits au trône , mais il dissimula
long-temps ses prétentions. Nommé
régent de France pendant la minorité
de Henri VI , il se vit dépouiller, au
bout de cinq ans, de celte haute di-
gnité par le duc de Sommerset. Cette
injure resta profondément gravée
dans son cœur. Réduit à accepter en
échange le gouvernement d'Irlande,
il mit tous ses soins à se ménager de
nombreux partisans dans cette île ,
sans cesser d'entretenir des relations
avec ceux qu'il laissait en Angletcr-
490 YOR
rc. « Richard, dit l'iiislorien Hume,
» était vaillant et habile , d'une con-
» duite prudente et d'un caractère
» liant. 11 avait eu occasion de de-
I) ployer ces excellentes qualités pcn-
» dant son gouvernement en France ^
» et, quoique rappelëparles intrigues
» et le crédit supérieur du duc de
» Soraraerset , on Tavait envoyé
» apaiser une révolte en Irlande. 11
» avait beaucoup mieux réussi à
» cette entreprise que son rival à la
» défense de la Normandie , et avait
» même attache à sa personne et à
» sa maison toute la nation irlan-
» daise qu'il était allé subjuguer.
)) Du chef de son père il tenait le
» rang de premier prince du sang,
» et par ce rang illustrait la maison
)> de Mortimer, qui, bien que d'une
rt haute noblesse , avait des égales
î) dans ce royaume , et se ^trouvait
» éclipsée par l'origine royale de la
» maison de Lancastre. Il possédait
» une fortune immense parla réunion
» des successions de Cambridge et
» d'York d'un côté , et de celle de
» Mortimer de l'autre... » L'occa-
sion se présenta bientôt d'agir ou-
vertement. Un aventurier irlandais,
appelé Cade, osa prendre le nom de
Mortimer .^ cousin du duc d'York ;
et, à la tête d'une puissante armée ,
il s'avança jusqu'à Londres. Son
projet, à ce que l'on peut croire,
était d'y proclamer roi le duc d'York;
mais il se laissa surprendre et tuer :
son parti se dissipa. Le prince ,
voyant ses titres devenus dangereux
pourHenriVI, sentit qu'ils étaientplus
dangereux encore pour lui-même , et
que le soin de sa propre sûreté lui
faisait une loi de tout hasarder. En
conséquence, il quitte l'Irlande sans
en demander la permission , et dé-
barque en Angleterre ( i4-^o ). Son
nom suiïit pour rallier ses amis :
YOR
il se porte rapidement sur Londres;
mais trouvant quelque obstacle à
s'en rendre maître , il se replie
sur le comté de Kent. Henri VI l'y
suivit avec une armée supérieure en
nombre, et dans laquelle on voyait
avec surprise plusieurs partisans peu
déguisés du duc d'York. Mais la sui-
te lit voir qu'ils n'étaient là que pour
servir de médiateurs, ou pour ap-
puyer, au besoin , les prétentions du
prince. Ils lui ménagèrent une entre-
vue avec Henri. Le duc d'York s'y
comporta avec mépris et dérision
envers le faible monarque ; mais il
eût été lui-même victime de sa con-
liance, si Henri eût suivi les conseils
de ses ministres. Après lui avoir ex-
torqué la promesse de convoquer un
parlement , le duc se retira dans ce
château de Fothcringay, devenu si
déplorableinent célèbre par la mon
de Marie Stuart. Le parlement s'as
sembla : Ja session fut orageuse
quelques députés , partisans secret
du duc d'York , tentèrent vainemeni
de le faire déclarer successeur d
Henri VI , qui n'avait point enco
d'enfants. Irrité de ce refus , le pria
ce prit la résolution d'en appeler
son épée, mais de dissimuler jusque
ce qu'il eût réuni tous les moyen
d'agir avec succès. Menant une vie
presque solitaire dans son château
de Ludlow , sur les confins du pay«
de Galles , en même temps que se;
émissaires s'efforçaient de grossir
son parti dans cette principauté , il
répandit lui-même une proclamation
où il vantait sa fidélité au roi r
gnant. Il fit phis : il offrit à Henr
VI de lui jurer sur l'hostie un d
vouement inviolable , en présence d
l'évèque d'Hereford et du comte d
Shrewsbury. Pour toute réponse
Henri marche contre lui. Le du
évite son approche , et se dirige su;
YOll
Londres, dans l'espoir de s'en em-
parer pendant l'absence du roi. II
échoue dans celte tentative, et se
porte sur Dartford , pour soulever
les habitants du comté de Kent,
mais répondant toujours auxévcques
de Winchester et d'Éiy, qui négo-
ciaient avec lui au nom du roi , qu'il
n'a d'autre désir que de faire écla-
ter son innocence. Pour en donner
une preuve, il se rend au camp
de Henri, et il paraît devant lui sans
armes et tête nue. Cet acte de sou-
mission apparente n'<mpcche pas
qu'il ne soit arrêté en sortant de la
tente du roi. Il eût été exécuté sur
l'heure, sans la bonté naturelle de
Henri VI , qui ne put se résoudre à
verser le sang d'un prince , son pa-
rent. On apprit bientôt que le comte
de March, iils aîné du duc d'York ,
s'avançait pour le délivrer; et ses
plus ardents ennemis eux-mêmes opi-
nèrent à ce qu'il fût rendu à la liber-
té , sous la seule condition de renou-
veler ses serments de fidélité en rece-
vant la communion : ce qu'il fit sans
difficulté. Il se retira ensuite dans
son château de Wigmore. Ce fut vers
cette époque ( i454) que la faiblesse
naturelle de Henri VI dégénéra eu
une imbécillité totale [V. Henri vi ,
XX, iS^ ). La reine, devenue maî-
tresse absolue, regarda comme un
coup de haute politique, d'investir
Je duc d'York d'un pouvoir légal au
lieu de celui qu'il travaillait à obte-
nir de son épéc. Elle le fit déclarer
protecteur du royaume, jusqu'à la
parfaite guérison du roi ou la majo-
rité du prince son fils. Le duc de
Sommerset , ennemi capital du duc
d'York, fut envoyé à la Tour. Mais
quelques semaines s'étaient à peine
écoulées, que le roi parut reprendre
sa raison , et Sommcrset toute sa fa-
veur auprès de lui. Le duc d'York ,
YOR 491
furieux , court rassembler son parti
dans le pays de Galles, et revient sur
Londres. Le roi ma relie à sa rencon-
tre, le combat s'engage à Saint-Al-
bans , et Henri tombe au pouvoir du
prince ( 3i mai i455). Ce fut le
])remier sang versé dans cette terri-
ble lutte des deux roses ; ce fut la
première fois aussi qu'y parut avec
éclat ce fameux comte de Warwick
kin^ maker ( le faiseur de rois ). Il
était neveu de la duchesse d'York ,
fille du comte de Westmoreland. Le
duc traita le roi avec les plus grands
égards apparents : Henri déclara de-
vant le parlement que son cousin n'a-
vait jamais eu que de bonnes inten-
tions, et quela division qui avait paru
régner entre eux ne devait être attri-
buée qu'au duc de Sommerset, son
ministre, dont le ciel l'avait heureuse-
ment délivré dans cette bataille. La
session suivante fut ouverte par le
duc d'York en personne , qui annon-
ça que le roi était frappé de nouveau
d'aliénation mentale. La chambre
des pairs le pria de reprendre son ti-
tre de protecteur. 11 feignit une vive
résistance, et se rendit enfin , après
avoir fait décider que le protecteur
ne serait plus désormais à la nomi-
nation du roi , et qu'il ne rendrait
compte de ses actes qu'au parlement.
C'était une précaution que prenait le
duc contre l'ascendant de la reine
Marguerite d'Anjou. Cette habile et
courageuse princesse sut bientôt ,
néanmoins , se faire un si grand nom-
bre de partisans dans le parlement,
que le roi fut déclaré capable de re-
prendre les rênes du gouvernement ,
et le protecteur remercié de ses ser-
vices. Il affecta de quitter le pouvoir
sans regret, et pendant deux années
entières, il sembla avoir renoncé à
tous ses projets. Mais, la reine ayant
transféré la cour à Coventry, le priu-
492 YOR
ce regarda l'invitation de s'y rendre
comme un piège : il se retira dans le
pays de Galles , et Warwick à Ca-
lais, dont il était gouverneur ( Voy.
Warwick ). Il ne fallait qu*une
étincelle pour produire une nouvelle
explosion. Une querelle entre deux
valets amena un combat général.
Les premières hostilités furent si dé-
favorables au duc d'York, qu'il crut
prudent de passer en Irlande. La
reine obtint aussitôt du parlement de
Coventry un bill à!attainder con-
tre ce prince et ses deux fds. Mais
Warwick gagne la bataille de INor-
thampton , et s'empare de la person-
ne du malheureux Henri VI, qu'il
conduit à Londres, étroitement cap-
tif au milieu des honneurs dus au
rang suprême. Le duc d'York ac-
court , et paraît tout-à-coup dans la
chambre des pairs. Il s'avance vers
le troue, comme attendant l'invita-
tion d'y monter. Aucune voix ne s'é-
lève, si ce n'est celle de l'archevê-
que de Canterbury , qui lui demande
s'il veut rendre ses hommages au
roi , qui est dans une pièce voisine.
« Je ne connais pas un homme en
» Angleterre , répond fièrement le
)) prince, dont je n'aie, au contrai-
» re, des hommages à recevoir. »
Et il sortit sur l'heure pour aller oc-
cuper l'appartement qui, j usqu'alors,
avait été celui du roi. Mais , peu sa-
tisfaits de ces vaines démonstrations,
ses partisans murmuraient haute-
ment. Il se décida pour lors à faire
présenter à la chambre des lords,
par le chancelier, la plus singulière
requête dont l'histoire offre l'exem-
ple • et ce qu'il y a de plus singu-
lier, c'est que les lords la renvoyè-
rent au roi lui même. Le duc d'York
y revendiquait la couronne comme
lui étant légitimement dévolue par
droit de naissance, droit établid'une
YOR
manière incontestable par le tableau
généalogique joint à la requête. Hen-
ri VI , avec sa débonnaireté ordi-
naire , renvoya la question au parle-
ment, qui montra beaucoup de répu-
gnance à se prononcer entre les deux
concurrents. Enfm , après de longues
discussions, on s'arrêfa à un com-
promis , où il fut stipulé que Henri
conserverait la couronne sa vie du-
rant j mais qu'à sa mort , au lieu de
passer sur la tête de son fds, elle ap-
partiendrait de droit au duc d'York
ou à sa descendance. Un serment
prononcé par le roi et le duc, au
pied des autels, consacra leur récon-
ciliation. Mais la reine ne tarda pas
à venir protester, à la tête d'une
puissante armée , contre un traité ar-
raché à la faiblesse de son époux.
Hors d'état de tenir la campagne, le
duc d'York serenferraa d'abord dans
le château de Sandal- mais bientôt,
entraîné par son courage , il descen-
dit dans la plaine de Wakefield, où
ses troupes furent promptement dé-
faites. Soit qu'il ait périsur le champ
de bataille, soit qu'il ait été pris et
décapité sur la place (i) , sa tête fut
présentée à Mal'^uerite victorieuse ,
qui ordonna de la planter sur les mu-
railles d'York , surmontée , par dé-
rision , d'une couronne de papier (24
décembre i4^o ). — Le jeune comte
de Rutland, second fils du duc d'York,
et âgé seulement de douze ans , fut
poignardé dans la déroute par lord
ClifTord. L'aîné, comte de March,
continua la guerre avec succès, ct,^
deux mois après la mort de sou pè-,
re, il fut proclamé roi, sous le nom]
d'Edouard IV. S — v — s.
YORK (Le duc d' ). F. Jacques IL
(i) Tel est le doute exprimé par le docteur L'n.-j
gard , auteur de la nouvelle Histoirs' d'Angleterre ,
qui nous a fourni plusieurs pat ticiilarités coul»-|
nue» dans cet article.
YOR
YORK ( Le cardinal d'). Foyez
StUART,XLIV, 102.
YORK ( Frédéric , duc d' ) et
d'Alb.tny, second fils du roi d'An-
gleterre George III , naquit le i6
août 1763. Nomme', dès son ado-
lescence , cvêque d'Osnabruck , il
manifesta bientôt le désir de suivre
la carrière des armes. Pour acliever
son éducation militaire , il se rendit
en Prusse où le grand Frédéric vivait
encore. Le jeune prince anglais sui-
vait très -assidûment les parades et
les manœuvres ; il adopta minutieu-
sement l'uniforme prussien dans ses
plus petits détails , ce qui n'empêclia
point le vieux monarque de tirer son
horoscope, et de dire que la direc-
tion d'un cvcclie lui conviendrait
mieux que le commandement d'une
armée. Maigre ce pronostic , le roi
George le fit commandant du pre-
mier régiment de ses gardes , et dès
qu'il se vit engage' dans la coalition
contre la republique française , ce
prince crut ne pouvoir mieux faire
que de mettre son enfant de prédi-
lection à la tcte des troupes qu'il fit
passer dans les Pays-Bas , en 1793.
Ces troupes firent leur jonction avec
l'armée autrichienne du prince de
Saxe-Gobourg. La campagne avait
e'té constamment heureuse jusqu'à
la prise de Valenciennes , lorsque le
duc d'York , jaloux de l'honneur de
diriger une opération en chef , se
détacha du prince de Gobourg , pour
aller mettre le siège devant Dunker-
que , dont l'Angleterre convoitait
vivement la possession. Ses disposi-
tions furent si mal faites, qu'd es-
suya une déroute complète à Honds-
choot. Depuis cet écher. , il ne coo-
péra plus que faiblement aux entre-
prises des Autrichiens , dont il se te-
nait toujours à une dislance qui dé-
celait à la-fois sa mauvaise volonté
YOR 493 '
et son incapacité. Son quartier- géné-
ral de ïournay devint pour ses trou-
pes une nouvelle Capoue. Oubliant
sa dignité , le duc d'York y donnait
lui-même l'exemple 'de l'intempé-
rance et du désordre. On le vit, un
jour , à la suite d'un grand dîner
qui eut lieu dans une auberge sur la
place , s'amuser à lancer par les
fenêtres non-seulement les débris du
repas , mais encore les plats , les
assiettes et les bouteilles. Suivi de
ses convives , il traversa ensuite la
ville dans un état d'ivresse complète,
pour se rendre au spectacle. Ce fut
à cette époque que le prince de Go-
bourg ayant dit au comte de Gîair-
fayt , le meilleur général de son ar-
mée, qu'il voulait demander un ren-
fort de trente mille hommes : « De-
» mandez seulement , répondit Glair-
•» fayt , que l'on vous délivre du duc
» d'York; son départ vous fera plus
» debien que ne pourrait vous en faire
» l'arrivée de trente mille hommes. »
La suite ne justifia que trop l'avis
du général Glairfayt. Sans cesse pour-
suivi et culbuté par les Français , le
duc d'York se dirigea sur Anvers , à
marches forcées , avec l'intention vi-
sible de se rapprocher de la mer et
de se rembarquer. Mais , au même
moment, lord Moira débarquait à
Ostende avec un renfort de dix mille
hommes. Ge brave officier s'opposa
énergiquement à la fuite du prince ,
et le contraignit k reprendre la cam-
pagiie. Mais tout ce qu'il put obtenir
de S. A. R. , ce fut d'aller prendre
position derrière la Meuse, sous le
canon de la forteresse de Grave. Les
Français ne l'y laissèrent pas long-
temps : l'armée anglaise refoulée sur
la Hollande, gagna rapidement l'Ems
et le Wéser , en perdant beaucoup de
monde dans cette retraite , où elle fut
victime elle-même de ses propres ex-
494 YOR
ces. Le duc d'York se hâta d'en faire
embarquer les débris à Cuxhaveii, à
rembouchure de l'Elbe. Tant de re-
verset d'humiliations n'empêchèrent
pas George III de donner à ce iils
chéri le titre de feld-maréchal , et de
lui confier l'administration suprême
de toutes ses troupes déterre, sous
le titredecommandantenchef. Le mi-
nistre de la guerre fut réduit à n'être
plus , en quelque sorte , que le com-
mis du prince. Une faveur plus écla-
tante lui fut bientôt accordée. La
grande expe'dition de Hollande , en
1 799 , fut abandonnée à sa direction.
Il ne se joignit au général d'Essen,
qui commandait un corps russe auxi-
liaire , que pour le rendre témoin
d'une suite de fausses manœuvres et
de bévues les plus funestes. Après
s'ctie avancé imprudemment du Hel-
der dans la Nord- Hollande, au mi-
lieu d'un pays entre-coupé de canaux
et de fossés sans nombre, et après
avoir fait des pertes énormes , il ne
parvint à se rembarquer qu'en signant
imc capitulation honteuse. On re-
procha , dans le temps , et avec rai-
son, au général Brune qui comman-
dait l'armée française, de n'avoir
pas fait mettre bas les armes à la
totalité des troupes britanniques.
Des écrivains qui étaient en situation
d'être bien informés, assurent que le
duc d'York ne racheta sa liberté et
celle de son corps d'armée , qu'en
payant secrètement au directoire et
à son général une forte rançon. Le
prince , à son retour en Angleterre ,
fut accueilli par des marques non
équivoques du mécontentement pu-
blic ; mais , grâce à la tendresse aveu-
gle du roi son père , il n'en reprit
pas moins ses fonctions administra-
tives. E'ics devinrent pour lui la
source des plus violents désagréments
que piil éprouver un personnage de
YOR
son rang. Le 27 janvier 1809 , un
membre du parlement , nommé
Wardle , dénonça à la chambre des
communes le système de corruption
qui régnait depuis îong-temps dans
le département de la guerre ; et il
en accusa personnellement le duc
d'York, qui souffrait que mistriss
Glarke, sa maîtresse, fît un honteux
trsific des commissions d'officiers ,
dont il partageait les profits avec
elle. Le procès fut instruit devant le
parlement avec une grande solen-
nité et la culpabilité de mistriss
Glarke établie , mais non celle du
prince , quoique cette femme soutînt
constamment qu'elle n'avait agi que
par ses ordres. L'innocence de S. A.
R. ne fut reconnue , au reste, que par
deux cent soixante-dix-huit voix
contre cent quatre-vingt-seize ; et
l'opinion publique s'étant fortement
prononcée en faveur de cette impo-
sante minorité, le duc se crut oblige
de donner sa démission. Mais deux
ans plus tard le roi lui rendit sa
place , et il l'a conservée jusqu'à son
dernier jour. Naturellement ennemi
de toute occupation sérieuse , et dé-
pourvu de talents oratoires comme
de l'instruction la plus vulgaire^ le
duc d'York ne prenait part aux
discussions parlementaires , que lors-
qu'elles avaient pour objet l'éman-
cipation tant de fois débattue des
catholiques. 11 se montra toujours
opiniâtrement contraire à cette par-
tie si nombreuse de la population
britannique , et cette aveugle obsti-
nation fut peut-être une des causes *
de l'excessive tendresse que ne cessa
de lui témoigner son père. Dans la
session de 18*26, son intolérance et
son fanatisme ne connurent plus de
bornes. L'Euroj)e vit avec indigna-
tion et avec effroi l'héritier de la
animé au
couronne d'Angleterre
YOR
dix - nenvième siècle de l'esprit de
persécution de Henri VÏIl , décla-
rer solennellement que, si jamais la
couronne ])assait sur sa tête, il met-
trait sa gloire à appesantir le joug de
l'oppression sur sept millions d'If-
landais et d'Anglais , dont tout le
crime est d'être restes fidèles à la
religion de leurs pères. Ce fut la
dernière fois que le duc d'York parla
et même qu'il parut en public. Une
hydropisie,qui minait ses forces de-
puis plusieurs années , prit un ac-
croissement rapide : il expira le 5
janvier 18*27. La fortune parti-
culière de ce prince était tellement
délabrée par suite de ses désordres
secrets , et le nombre de ses créan-
ciers était si considérable , qu'il lui
est arrivé plusieurs fois de voir sai-
sir sa voiture et ses chevaux dans les
rues de Londres. Le duc d'York n'a
point laissé d'enfants de sou mariage
avec une sœur du roi de Prusse ,
Frédéric-Guillaume III , qu'il avait
épousée en 1791, et dont il était
veuf depuis 1820. S — v — s.
YORKE (Philippe), d'Erthig,
comte de Denbigh , était de la famille
de Hardwicke ( l^of. ce nom). Né
vers l'an 174^, il fit ses études à
l'université de Cambridge , fut atta-
clié à la société des antiquaires de
Londres , et représenta dans le parle-
ment le bourg d'Helstone en Cor-
nouailles, et la ville de Grantliam
en Lincoinshire. Héritier d'une gran-
de fortune, il la fit servir aux vues
les plus nobles, les plus bienfaisantes.
Son esprit vif et piquant brillait par-
ticulièrement dans la conversation.
On a deluiles Tribus royales dupays
de Galles {Royal tribes of fVales),
1799 , in-4**. ; ouvrage d'histoire gé-
néalogique , où l'aridité du sujet ast
sauvée par des anecdotes curieuses ,
authentiques et peu connues. Le vo-
YOU 495
lume est orné de portraits gravés
par Bond. Ce n'était cependant qu'un
essai* et l'auteur travaillait à un
ouvrage considérable sur un sujet
analogue, lorsqu'il mourut le 19
février 1804. L.
YOUNG (Patrice), savant phi-
lologue , descendant d'une bonne fa-
mille écossaise, naquit, le 29 août
i584, à Seaton dans le Lothian.
Pierre Youiig, son père, avait été
employé, sous Buchanan, à l'édu-
cation du roi Jacques I<^i'. Patrice fut
envoyé, à l'âge de quinze ans , à l'u-
niversité de Saint-André, et y reçut,
en i6o3 , le degré de raaître-ès-arts.
Il accompagna ensuite son père en
Angleterre , où la protection de Té-
vêque Lloyd lui fit encore obtenir le
grade de maître -es -arts h Oxford-
entra dans les ordres immédiatement
après cet événement, reçut le diaco-
nat , et fut nommé chapelain du collè-
ge Neuf. Il resta trois ans dans
cette place, partageant ses loisiVs
entre l'histoire ecclésiastique et l'é-
tude de la langue grecque , qu'il pos-
séda bientôt à fond ; résignant
tout - à - coup son emploi , il vint à
Londres , pour y solliciter de l'avan-
cement, à l'aide de son père ou des
amis de son père; et en effet , peu de
temps se passa sans que par l'inter-
médiaire de Montagne, évêque de
Bath et Wells , il obtînt une pen-
sion de cinquante livres sterling, puis
la place de bibliothécaire du prince
Henri, qui , outre une belle collection
de livres, avait aussi un Musée inté-
ressant. Dans la suite, les démar-
ches actives de Montagne valurent à
Youngletitre de conservateur de la bi-
bliothèque nouvellement fondée par
le roi. Dans ce poste , il dressa le ca-
talogue des livres que possédait la
collection naissante, les classa , indi-
qua les lacunes qu'il cfait le plus ur»
496 YOU
gcnt de remplir^ el fit, pour aclicter
les ouviMgcs indiqués , divers voya-
ges à Fraiicfort-siir-Ie-IMein, à Paris ,
en Hollande , etc. Le roi reconnut ses
services en lui conférant divers bé-
néfices dans les comtes de Mid-
dlesex et de Denbigli et une prébende
à l'église Saint - Paul, dont il devint
trésorier , en 1 62 1 . Les devoirs ecclé-
siastiques ne l'enipôchaient point de
remplir les fondions de sa place ,
qu'il garda jusqu'à la révolution de
1648. Dépouillé alors et mis en pri-
son , il fut pourtant traité avec égards
et ménagements ; et plus tard on
lui rendit la liberté. Il se retira
alors chez l'époux de sa fille aï- •
née , à Blomlield , comté d'Es-
sex; et c'est là qu'il mourut le
7 septembre i65!i,âgé de soixan-
te-dix-huit ans. Quelques biographes
ont soupçonné ce savant d'avoir été
fauteur des principes républicains
qui désorganisèrent le royaume sous
Charles 1^.- mais ses antécédents,
les relations de sa famille , ses liai-
sons surtout, doivent faire rejeter
cettesupposition.PatriceYoung avait
pour les malheureux descendants des
Grecs le même amour que pour leur
langue; et il sut engager plusieurs de
ses amis à contribuer de leurs fonds ,
conjointement avec lui, pour faire
élever à Londres des jeunes gens de
cette nation. Cette générosité lui va-
lut le nom de patriarche des Grecs.
On doit à Young : 1. Une édition de
Clemens Romanus ^ i633 • réimpri-
mé en 1 (33 n. IL Catena grœcoritm
patrum in Jcbum, collectore Nice-
td Heraclcœ metropolitd , avec une
traduction latine et la suite des livres
de la Bible dits poétiques. Wl.Expo-
sitio in Canticum canticorum Fo-
lioti, episcopi Londin., iinà cum Al-
cuini in idem Canticum compendio,
dédié à l'évêque Juxon. De plus , il
YOU
avait aidé dans la rédaction des
Marbres d'Arundel le célèbre Selden,
qui dans l'ellnsion de sa reconnais-
sance, lui dédia son livre; il avait
relevé avec soin les variantes du fa-
meux manuscrit alexandrin de l'An-
cien et du Nouveau Testament ( F.
WoiDE ) , et préparé l'impression de
plusieurs manuscrits inédits , fort
curieux , de la bibliothèqiic dont la
garde lui était confiée. P — ot.
YOUNG ( Edou.ard ) , poète an-
glais,naqniten juin i(38i^à Upham^
près de Winchester. Son père, ecclé-
siastique et prédicateur , après avoir
occupé long-temps un petit bénéfice
à Upham , parvint au titre de cha-
pelain du roi Guillaume, et de doyen
dans l'égliseassezopulentedeSarum.
Il avait, de plus, possédé dans sa
jeunesse un petit canonicat dépendant
du collège de Winchester. Edouard
Young fut j dès l'enfance , élevé'
dans le même collège , et pourvu
d'une bourse qu'il garda jusqu'à
l'âge de dix-huit ans. On ne sait
s'il fit des études brillantes; mais
il essaya vainement d'obtenir l'agré-
gation au célèbre collège d'Oxford.
Alors il se tourna vers le droit, et
obtint même à ce titre une place
d'agrégé au collège d'AU-Souls ; mais
il suivit cette étude avec assez peu
d'ardeur et de constance ; car il ne
prit le degré de bacheHer de droit
qu'en 17 14? et ne fut docteur qu'en
1719, à l'âge de trente-huit ans. Le
goût de la poésie le préoccupait, sans
lui inspirer quelque grand ouvrage.
Il était poète de circonstance , et
poète de cour : début assez singulier
pour le chantre mélancolique des
Nuits. Son premier essai , qui da-
te de 1712 , fut une Épître à lord
Lansdovsai;, pour justifier la pro-
motion de douze pairs faite par
la reine Anne : événement qui dans
YOU
mi autre pays serait à peine remar-
que' , et qui en Angleterre fut le
* sujet d'un grand scandale, et d'un
procès criminel. Deux ans après , à
la mort de cette princesse , le poè-
te fit paraître un panégyrique pom-
peux de George 1*=''. , son succes-
seur. La manie de l'e'loge le tenait
tellement que ^ charge de prononcer
un discours latin pour un collège où
il était agrège' , il le dédia , dans une
e'pître llaltcuse , aux dames de la fa-
mille Codrifigtoji : illitégalementdes
vers à la gloire d'Addison , et de la
prose à la louange du marquis de
Wliarton , homme impudent et dés-
honoré , dont il rechercha la pro-
tection et reçut les bienfaits. De plus
nobles productions s'étaient mêlées ce-
pendant aux premiers essais d'Young,
et pouvaient annoncer déjà le carac-
tère particulier de son talent. Le poè-
me du Jugement dernier, publié en
1713 , offre des traits de pathétique
et de grantjcur , une poésie forte ,
malgré la dilfusion et la monotonie
des images. On est impatienté seule-
ment de voir le poète retomber dans
ses adulations habituelles , et avec ce
ton d'emphase qui les rend plus ridi-
cules , faire l'apothéose de la reine
qui vivait encore. On ne conçoit pas
tque le grand et solennel spectacle,
contemplé par l'imagination de Tau-
leur , ne l'ait pas prémuni contre les
misérables illusions de ce bas monde,
3t qu'il ait eu besoin, pour ainsi dire,
le flatter la puissance jusqu'au mi-
ieudu jugement dernier. Ce qui rend
îette faiblesse p!us choquante , c'est
[u'cUe recommence sans cesse. Le
îoète ne se lassa pas, pendant vingt
us , d'adresser de pompeuses dédi-
ac.es et des panégyriques en vers
uxrois, aux ministres et aux grands
eigneurs. Il travaillait aussi pour le
héâtre, et donna la tragédie de Bu-
YOU
497
suis, en i -] i 9, et une autre pièce, in-
titulée la Vengeance, en 1 72 1 . Mais
ces deux ouvrages , médiocrement
goûtés du public , lui ra])portèrent
moins que les dédicaces qu'il en fit au
duc de Newcastle et au duc de Whar-
ton. Young, dont le talent ne sem-
blait avoir encore de vocation bien
décidée que pour la flatterie , publia,
vers la même époque , un recueil de
satires : mais chacun de ces mor-
ceaux , où le poète médisait de quel-
ques vices obscurs , était adressé
pompeusement à quelque grand sei-
gneur, et placé sous ses auspices.
Le poète se serait promptement en-
richi* mais il engagea et perdit une
somme considérable dans les entre-
prises de la compagnie des Indes ,
qui tournait alors toutes les têtes en
Angleterre. Pour se dédommager, il
célébra, dans un poème en forme,
le ministère de Walpole , qu'il avait
déjà loué plusieurs fois. Il disait à
ce ministre , modèle de ces intrigants
corrupteurs qui dominent un pays en
achetant les faibles consciences, et en
proscrivant les talents qu'ils n'ont pu
acheter : a Ah I combien je souhaite,
» enflammé par un si grand sujet, de
» lancer ton nom dans les profondeurs
)) de l'éternité I» puis il ajoute, comme
une naïve explication de sa servile em-
phase : « Mon cœur, ô Walpole, brûle
» d'un feu reconnaissant! Les flots
» de la bonté royale , dirigés par
» toi , sont venus rafraîchir l'aride
» domaine de la poésie. » Le poète
avait obtenu deux cents livres ster-
ling de pension , bien chèrement
achetées par tant de ridicules flagor-
neries. A l'avènement de George
II , il monta de nouveau sa lyre pour
célébrer la puissance ; il fît une ode
au roi, père de la patrie, et une
autre intitulée r Océan ^ où il célé-
brait l'intention généreuse qu'avait
32
498 YOU
montrce le sonverairi, en voulant
abolir la presse des matelots , et
rendre le service de la marine aussi
libre qu'il était glorieux pour l'An-
gleterre. Vers la même époque , en
1727, Young , âge de quarante-six
ans , entra dans l'état ecclésiastique ,
et peu de temps après fut nomme
chapelain du roi George II. Cette
vocation tardive fut déîermince, dit-
on , par les ouvrages de saint Tho-
mas d'Aquin , dont Pope lui avait
conseille la lecture. Il venait alors
d'achever , et destinait au théâtre ,
inie tragédie de Démétrius et Ver-
sée ; mais il crut devoir en faire le
sacrifice aux bienséances de son nou-
vel état. 11 voulut également renoncer
à la poésie j et il fit paraître un traité
de morale en prose sur le peu de prix
de la vie humaine , qu'il ne manqua
pas cependant de dédier à la reine.
En Ï729, il prêcha devant la cham-
bre des communes , pour l'anniver-
saire de la mort de Charles 1^^'. , un
sermon plein de chaleur sur le res-
pect que les peuples doivent au gou-
vernement. Bientôt après il revint à la
poésie , pour célébrer , dans une ode
pindarique , le voyage du roi d'Angle-
terre, qui venait de signer la paix de
Hanovre. Malgré ce zèle de flatterie ,
vraiment infatigable , il fallait que
le docteur Young manquât de bon-
heur ou d'adresse ^ car il n'obtint
pas dans l'Église anglicane les digni-
tés où son mérite et son talent de pré-
dication auraient dû le conduire.
En 1730 , il fut seulement pourvu
d'un rectorat assez modique dans le
comté de Herlford. Deuxans après , il
épousa ladyÉlizabeth Lée, veuve d'un
colonel, et lilleducomte deLichiield.
Cette alliance illustre semblait satis-
faire l'ambition du poète , et lui
donna quelques années de bonheur.
]i paraît qu'il venait alors souvent à
YOU
Londres, et qu'il y connut Voltaire ,
auquel il a dédié une de ses odes
sur l'Océan, sujet qu'il aimait à
traiter pour flatter la nation elle-
même , après avoir tant flatté les
grands et les ministres. En 1740, le
docteur Young fut frappé d'un coup
alTreux, auquel il est redevable de
son immortalité. Sa femme fut enle-
vée par une mort prématurée; elle
laissait une fille qu'elle avait eue de
son premier époux , et qui , près de
s'unir au fils de lord Palmerston,
fut elle - même atteinte d'une mala-
die de poitrine. Young, qui la chéris-
sait avec la tendresse d'un père, la
conduisit dans le midi de la France j
il la vit périr dans ses bras ; et le
jeune époux qu'il lui destinait suc-
comba bientôt après. Privé tout-à-
coup de ses plus chères affections ,
isolé par la mort à Tentrée de \C
vieillesse , le poète , auquel il ne res^
tait qu'un fils dans la première enj
fance , se livra tout entier à sa doul
leur j et cette douleur fit son génie!
Laissant là les intérêts du monde,
les vaines ambitions qu'il avait troj
suivies , il répandit son cœur , dai
la solitude et le silence des nuits
médita sur des tombeaux , il pleuri
cette épouse chérie , cette jeune fille
ce jeune époux, enlevés par une fin
cruelle; il se montra lui-même,
vieux prêtre du Seigneur , couri
sous tant de coups réitérés, forcé su;
la terre alrangère d'ensevelir furtiv
ment la fille qu'il a perdue, et à la
quelle il ne peut offrir les honneurs
de son culte , proscrit par la loi du
pays où elle vient d'expirer; il ra-
conta son inconsolable douleur, et la
tristesse de sa solitude. Cette situa-
tion, à la-fois si commune dans la
vie , et si pathétique par elle-même ,
rendue avec une poésie forte et aban-
donnée, frappa l'imagination du lec*^
I
YOU
leur. Les vers du poète , si long-
temps consacrés à de vaines louanges
et à des exagérations factices, reçu-
rent l'emprenite originale d'une ame
profondément émue. On sentit l'hom-
me dans le poète ; on retrouva sous
la dilFusion et la pompe des images
ce langage intime de la douleur que
tout le monde entend. Les premières
méditations du poète , tout animées
d'une affliction vive et récente, fu-
rent suivies de plaintes plus longues
et plus faibles, où le génie semble
s'user avec la douleur. Mais il y a
dans l'homme un fonds de tristesse et
de regret , (pie l'on peut aviver sans
cesse comme une blessure toujours
prêle à saigner j et si l'imagination
du ])oèle n'avait pas eu quelque cho-
se de lourd et de monotone , s'il était
moins déclamateur, ses hymnes fu-
nèbres ne lasseraient pas si vite no-
tre ame attristée. Quelquefois dans
les lamentations du poète sur la vie
humaine , on sent trop le regret de
l'ambition trompée. 11 se plaint d'c-
Ire oublié ; il accuse l'insensibi-
lité des grands, qui, lorsqu'il leur
confie sa douleur, lui prennent la
main, et lui disent de revenir. Une
autre fois enfin, il avoue que, pen-
dant une durée de tcnij^s deux fois
aussi longue que la guerre de Troie ^
il assiégea la faveur des cours , sans
Vai^oir encore conquise. On peut re-
marquer également que chacune de
ses méditations sur le néant des cho-
ses humaines est dédiée à quelque
grand, au président de la chambre
des communes , au lord-trésorier , au
chancelier de l'échiquier j et ce n'est
pas un contraste que l'auteur a ch?r-
ché : c'est plutôt , sons sa plume ,
une ancienne habitude de flatter la
puissance. Il n'y renonça pas même
après avoir achevé ses Méditations
delà nuit, qui, 'en élevant son talent,
YOU 499
semblaient l'avoir consacré a. la re-
ligion et à la douleur. Il redescendit
aux intérêts du siècle. En i745, il
lit paraître un poème sur la situation
du royaume , adressé au duc de New-
castle. C'était une vive et patrioti-
que satire contre les entreprises du
Prétendant. C'était en même temps le
panégyrique de la dynastie nouvelle
qui régnait alors sur l'Angleterre par
les lois et la liberté j et dans le fait ,
la victoire du Prétendant eût été si
menaçante, le retour de ce prin-
ce , nourri dans les traditions hai-
neuses de la cour de Saint - Ger-
main , eût frappé d'un tel coup
les plus chers intérêts de l'An-
gleterre, que l'on ne saurait peut-être
reprocher au poète la distraction qu'il
fit alors à sa douleur. Heureux s'il
n'eût jamais flatté qu'avec une telle
excuse ! Du reste , dans la publica-
tion de ses OEuvres, Young parut
désavouer , en les supprimant , la
plupart de ses dédicaces et de ses
adulations poétiques. Il ne voulut
conserver , avec les Nuits, que diver-
ses poésies morales , une paraphrase
de Job, et trois tragédies. Après avoir
retiré de la scène unedecespièces, par
unebienséance ecclésiastique , il la fit
jouer en i']53,ann de doter, avecle
produit , une société qui s'était for-
mée pour la propagation de l'Évan-
gile. Cette intention bizarre réussit
mal. La pièce n'eut aucun succès ;
mais Young , pour dédommagement,
lit à la société un don de mille gui-
nées. Il continua de vivre dans la re-
traite , et prolongea fort avant sa
carrière. Les plus remarquables pro-
ductions de sa vieillesse sont une Let-
tre h Riclîardson sur la Composition
originale, et un po^me sur la Ré-
signation. Dans celte lettre, écrite à
soixante -dix-huit ans , on sent toute
la vigueur et toute la hardiesse d'un
3i..
5oo YOU
jeune talent ; et le pocme de la Piési-
gnation olïVe, avec plus de douceur,
autant de poeVie que les plus belles
méditations d'Young. Retiré dans
son presbytère de Wellv^yn, il termi-
na ses jours en 176.5,3 l'âge de qua-
tre-vingt-quatre ans. Il fut enterré
dans l'égHse de sa paroisse , sous
l'autel , à coté de l'épouse tant pleu-
rée , à laquelle il avait survécu
vingt ans. Son tombeau , suivant le
vœu qu'il avait exprimé, fut orné
d'une broderie , ouvrage de sa fem-
me, et portant ces paroles de l'Ecri-
ture : Je suis le pain de vie. D'au-
tres inscri])ti(ins pieuses figuraient
aux divers côtés des monuments.
Young fonda par son testament une
maison de charité qui subsiste enco-
re. Il prescrivit par une autre dispo-
sition de brûler tous ses ouvrages
inédits. Young avait beaucoup écrit j
mais sa gloire est tout entière dans
ses Méditations de la nuit , ou-
vrage qui tantôt mutilé, tantôt pa-
raphrasé , et tout-à -fait bouleversé
dans la version de Le Tourneur,
obtint un si grand succès en Fran-
ce, à la fin du dix-huitième siè-
cle. La forme, la conception de ces
chants funèbres avaient en effet quel-
que chose d'original et de hardi. Ce
n'est pas la grande poésie de Milton;
ce n'est pas cette sublime simplicité:
le faux goût et la manière de Dry-
den se font sentir dans les vers mé-
lancoliques de Young. On aperçoit,
lors même qu'il est ému , l'homme
dont le talent fut long -temps artifi-
ciel. La rêverie vaporeuse, l'empha-
se doctorale nuisent aux accents de sa
douleur. Il prêche plus qu'il ne par-
le; il fatigue l'imagination plus qu'il
ne l'attendrit : il vous fait éprouver
une sorte de satiété dans la sympa-
thie pour sa douleur. Comme poète
el comme écrivain, on peut souvent
YOU
le blâmer : on en a souvent le loisir;
car il ne saisit pas le cœur, et ne vous
entraîne pas saus distraction et sans
repos. De puissants etïels sont atta-
chés cependant à quelques - unes de
ses paroles. 11 fait retentir avec une
force inexprimable ces mots de mort,
de néant , d'éternité. 11 excelle à
peindre la destruction , à la suivre
jusqu'à la dernière parcelle de notre
être matériel. Il remue les cendres
des générations éteintes; et il s'écrie
d'une voix lamentable : Où est la
poussière qui n'a pas vécu? C'est le
Bridaine de la poésie ; il en a les sail-
lies brusques et la trivialité. Ce der-
nier caractère disparaît dans la pom-
pe mesurée et l'élégance monotone
de la version française ; mais dans
l'original anglais, le poète ne craint
aucune image, n'épargne aucun dé
tail ou révoltant ou bas. Des splen
deurs du ciel, entrevues par l'espé
rance chrétienne, il vous jette, pa
des allégories familières , dans ce qu
les misères de la vie ont de plus tri.^
temcnt grotesque. Il mène la mor
au bal ; il bouffonne sur les tombeaux
comme Shakespeare. Tout cela fai
un bizarre mélange , mais qui sur
prend et attache l'ame. Comme tous
les hommes qui ont encore plus dej
génie que de défauts , Young a fai
école. On l'a beaucoup imité en An
gleterre, en Allemagne, en France.
Il est de quelque chose dans cette
couleur ou cette intention de mélan
coîie qui règne encore sur la poésie
de notre époque. Cependant Young
n'est pas un bon modèle : il a lui-
même trop d'artifice. On n'atteint
pas à celte énergie patliéiique et po-
pulaire; et, en voulant enchérir sur
lui, on tombe dans une monotonie
sépulcrale , qui est le spleen de la lit-
térature, et qui, en desséchant l'ima-
gination et le goût, se termine aussi
YOU
par une espèce de suicide. Un hom-
me de génie, qui porte dans la cri-
tique même la supériorité' partout in-
séparable de ses ouvrages et de son
nom , M. de Chateaubriand, a jugé sé-
vèrement les méditations du poète
anglais. Rien n'est plus ingénieux ni
plus Vrai que ses reproches et les
parallèles où il montre par l'exem-
ple de Virgile, de Bossuet, de Rous-
seau, ce qui manque en vraie dou-
leur à la muse du vieux prêtre an-
glais. Mais nous sommes loin d'ap-
prouver la préférence qu'il semble
donner au traducteur français. Ce-
lui-ci , nous le croyons , cllace quel-
ques fautes de goût , quelques mau-
vaises subtilités de largage; mais aux
accidents de la f.intaisie poétique, au
mélciuge du grand cl du bas, du su-
blime et du ridicule , enlin à ces se-
cousses de l'ame que ressent et que
donne le poète anglais , il substitue
la dolente uniformité de sa vulgaire
élégance. Il ne rend jamais le mot
énergique et simple : il a peur du na-
turel. 11 est moins bizarre, mais bien
])lus aiïécté que son modèle. Les meil-
leures éditioiis des OEuvres du doc-
teur Young sont celles de Londres,
3 vol. in-8^. , fig., 1792 et 1802; et
de Paris, 4 vol. in - 8°. On en a fait
une très -belle des Nuits , Londres,
1797 , in-fol. ( V. , pour les traduc-
tions , Le Tourneur , XLVI ,378)
(1). V-N.
(1) On nvait déjà publie deux traductions alle-
mandes des Nuits , lorsque Thiard de Bissy tra-
duisit en français les deux premières Nuits , et les
fil ini|)rimer dans le Journal élrun^er, en invitant
un écrivain plus habile que lui à traduire tout
l'ouvrage, (.es deux essais ont été réimprimés dans
Jes Vanélés litléraires d'Arnaud et Suard , 1768-
69. La traduction de Le Tourneur répondit au vœu
de Bissy. Colardeau a traduit en vers les deux pre-
mières JVuits , 1770; et Doigiii du Ponceau , la
quatrième, la douzième et la quinzième, 1771.
L'abbé Ba\idraud a publie : Esprit , maximes et
pensées d'Koung, extraites de ses Nuits, Paris,
1786, iu-iA. Les satires d'Young, sous le titre de
V Amour de la renommée , passion universelle ^ ont
YOU
5oi
. YOUNG ( Sir William ) , An-
glais, était fils d'un lieutenant-gou-
verneur de l'île de la Dominique , et
d'une fille du docteur Rrook Taylor,
secrétaire de la société royale de
Londres. 11 fit imprimer , en 1 77*2 ,
la relation d'un Fojage en Italie ,
mais seulement à dix exemplaires ,
en faveur de quelques amis. Un ou-
vrage plus important, rJE'>7?nf^'^-
thènes , Investigation politique et
philosophique sur l'histoire de cette
république, 1777, in-8^. , le fit
connaître avantageusement dans le
monde littéraire. On y reconnut des
vues élevées, une vaste érudition,
une profonde sagacité politique,
l'esprit de recherche philosophi-
que , une manière de voir hardie et
indépendante, un style plein de vi-
gueur^ mais on pouvait en même
temps y relever du penchant à se li-
vrer aux hypothèses , ainsi que de
l'inexactitude et de l'obscurité dans
l'expression de la pensée. Young re-
toucha son livre , et le reproduisit
neuf ans après sous le titre d'His-
toire d'Athènes , considérée politi-
quement et philosophiquement _,
avec un Essai où Von recherche les
causes immédiates d'élévation et de
décadence qui agissent dans un
état libre et commercial, 1786^
in-80. L'auteur de cet ouvrage n'est
pas favorable à ceux qu'on appelle
grands hommes ; il les considère
comme des êtres factices. L'Histoire
d'Athènes , qui a été réimprimée en
i8o4 et en 1806 , a reçu des éloges,
été traduites en prose par T. Bertin, 1786, et en
vers par M. Labiée , 1802. Barère de Vieuzac a
^uh\\é\e:» Beautés poétiques d' Ed. Voung , tradui-
tes en français avec le texte anglais eu regard, et
une notice sur Young par J. Evans , i8o5 , in-S".
M. Hennet , à la suite de sa Poétique anglaise , a
traduit en vers françiiisla satire des Femmes , et des
fragments des Nuits. On trouve une Vie d'Ed.
Young , par sir Herbert Croft , parmi les Fies des
poêles anglais de Sam. Johnson. Z.
5o2
YOU
non-seulement en Angleterre , mais en
France. On en trouve une analyse
dans le Censeur universel anglais ,
février 1787. W. Young représenta
dans le parlement le bourg de Mawes
en 1 784, 1 790 , 1 796 et 1 8o'2 , et la
ville de Bisckingliam en 1806. Il
était capitaine de la yeomanry ar-
mée du comté de Buckingbam. La
société royale l'admit au nombre de
ses membres. Nommé, en 1807,
gouverneur de Tabago, ce tut là qu'il
iixa depuis sa résidence. Il mourut
vers 181 5. Outre les écrits que nous
venons de mentionner y on a de lui
entre autres : un Discours prononcé,
en 1791 , dans le parlement, au su-
jet du commerce des esclaves ,
et dans lequel , comme proprié-
taire de terres en Amérique , il se
montre très-opposé à l'abolition de
la traite; les Droits des Anglais ,
ou la Constitution du gouvernement
britannique , comparée avec celle
d'une république démocratique ,
1793 , deux éditions , in-8<^. ; Pré-
cis sur les Caraïbes noirs de l'île
de Saint-Fincent , etc. , compilé
d'après les papiers de son père, 1 795,
in-8''. ', Contemplatio philosophica ,
ouvrage postbume de Brook Taylor ,
( Voy. Taylor ) _, avec une notice
sur cet auteur, 1798, in-8<*. j en-
fin , The JVest - India common-
place-hook , recueil qui renferme
beaucoup de notions relatives à l'é-
conomie politique et au commerce
des colonies anglaises en Amérique.
— Young ( William ) , recteur de
Pettaugh , dans le comté de Snlfolk,
né en I 7 1 5 , et mort en 1 7 98 , a donné
une traduction anglaise de la comédie
àePlutuSy par Aristophane, avec
d'amples notes dues en partie à Henry
Fielding , et a compilé un Diction-
naire anglais-latin et latin-anglais ^
dont il a été fait plusieurs éditions .
YOU
notamment une stéréotype , 1810 ,
in-8». L.
YOUNG ( Arthur )j agriculteur
anglais, membre de la société royale
de Londres, de la société d'agricul-
ture de Paris , de celles de Berne , de
Zurich , de Manheim, de Florence,
de Milan, etc., était fds d'un ec-
clésiastique anglican , et naquit dans
le comté de Suffoîk , le 7 septembre
1741. Lord Onslow, dont il était
le filleul , pourvut aux frais de son
éducation; mais lorsqu'elle fut ter-
minée ses bienfaits s'arrêtèrent ;
de sorte qu'à la mort de son père ,
dont la fortune consistait unique-
ment dans le revenu de sa prében-
de, le jeune Young se trouva ré-
duit à se placer en qualité de com-
mis chez un homme qui faisait com-
merce de vins. 11 ne tarda pas à sen-
tir qu'il était peu propre à ce genre
d'occupation ; mais son séjour à
Lynn , lieu du domicile de ce com-
merçant, ne lui liit pas inutile, cai
l'aspect d'un pays qu'enrichissai
l'adoption d'un nouveau système d(
culture développa chez lui la pas
sion à laquelle il doit sa célébrité
l'amour de l'agriculture. Le désir d
s'y livrer accrut son dégoût pour leî
calculs mercantiles , et le ramenî
dans ses foyers. Quoique à peine âg(
de vingt-deux ans, il détermina si
famille à lui confier la ferme d
Bradfield-Hall, petit domaine pater
nel , sur lequel était étab'i le douaii
de sa mère. Un cultivateur d'une es
pacité fort inférieure à la sienne ei
avantageusement exploité cet hérita
ge. Mais Young, jeune et plus ardei
que réfléchi, dédaigna des produit
trop faciles et trop sûrs. Il fit dese!
sais ; il spécula sur un avenir qui , n'é
tant pas préparé , n'amena que de
mécomptes : les récoltes manque^
rent , et par conséquent , les moyei
YOU
de s'acquitter. Sa mère, qui craignit
une seconde tentative , tout aussi peu
fructueuse, lui relira sa ferme. Il en
prit une autre -, dans le comte d'Es-
sex , et ne réussit pas mieux ; mais
il en accusa moins ses méthodes ^
que la nature des terrains sur les-
quels il les avait essayées , et résolut
de parcourir l'Angleterre , pour cher-
cher un sol qui les favorisât. Si cette
excursion n'eut pas un résultat posi-
tif, du moins elle agrandit ses con-
naissances. En explorant les meilleurs
terrains du sud de la Grande-Breta-
gne j il apprécia l'industrie des culti-
vateurs éclairés; il interrogea leur
expérience; il reconnut ce qui man-
quait à leurs idées , ainsi qu'aux
siennes , pour fonder un bon systè-
me. Après une troisième épreuve que
fit Arthur Young , sur un fonds telle-
ment ingrat , que tous ses eiforts ne
purent Taméliorer, il revint à Brad-
field-Hall^ pressé du dcsir de revoir
sa mère; mais il n'arriva que pour
la pleurer. Le rapport annuel du do-
maine le mettait en possession d'une
petite fortune qui satisfaisait le plus
puissant de ses besoins, puisqu'elle
assurait son indépendance. Coirigé
des essais , par des leçons un peu
chères , Young pensa qu'il remplirait
mieux le but qu'il se proposait d'être
utile , en répandant l'instruction qu'il
avait acquise. Mais , afin d'ouvrir un
champ plus vaste à ses observations,
il commença par visiter l'Irlande.
I<es années 1776, 1777? ^77^ ^^
1779 , furent employées cà la connaî-
tre. Au nombre des grands proprié-
taires de ce royaume qui recherchè-
rent la conversation d'Arthur Young ,
se trouvait le dernier lord Kingsbo-
rough, un de ces bommes peu rares
en Angleterre, qui regardent une
bonne agriculture comme la source
d'une prospérité permanente. Ce lord
YOG 5o3
n'en laissait j)as moins ses terres
dans un état déplorable ; soit que
d'autres intérêts l'eussent distrait de
celui-là; soit qu'apercevant trop de
choses à faire il se décourageât à
raspectdesdiflicullés. Ce qu'il aurait
peut-être inutilement entrepris , fut
aisé pour Arthur Young. 11 eut beau-
coup à refaire et beaucouj) à créer.
Des terres trop étendues pour être
bien cultivées par un seul homme,
furent distribuées entre plusieurs ; il
rendit à la culture des champs aban-
donnés; il releva des habitations dé-
labrées ; il en construisit de néces-
saires; il indiqua les pratiques les
plus appropriées à la nature du ter-
rain ; enfin, après un an de séjour
dans le comté d'York , il mit le vas-
te domaine de lord Kingsborough
sur le même pied que les meilleurs
modèles de ce genre , cités en Angle-
terre. Au milieu de l'année 1770, il
publia son F armer s Calendar ,
qu'on a traduit en français, sous le
titre de Manuel du fermier. Ce ma-
nuel contient, sans omission, tout ce
qu'un fermier doit savoir et doit
pratiquer. L'auteur , qui , parlant
aux classes instruites , dans ses au-
tres écrits , élève de temps en temps
le style de ses documents, ne parle
ici que la langue des cultivateurs, et
se met à la portée de tous. Aussi ,
l'empressement de le lire et d'en pro-
fiter épuisa-t-il les nombreuses édi-
tions qui se succédèrent depuis 1770
jusqu'en 1812. Ce fut en 1784 que
parurent les premiers cahiers des
Annales d'agriculture^ qui firent à
leur auteur une juste réputation. El-
les le lièrent avec tous les grands pro-
priétaires des trois royaumes , et lui
donnèrent des collaborateurs dans
les plus hauts rangs et parmi les hom-
mes du mérite le plus reconnu. Le
roi ( George III ) fut un de ses cor-
5o4
YOU
respondants. Long-temps Young crut
ne repondre qu'à M. Ralph Rohin-
son de PFindsor , et ne découvrit
qu'aprc's un an îe noble cultivateur
que ce nom de'guisait. Dans les An-
nales ^ Arlluir Yomig traite des la-
bours , des jachères , des assolements ^
des irrigations, des engrais, en un
mot, de toutes les parties qu'il faut
e'tudier, et sans lesquelles la culture
n'est qu'une routine, dépourvue de
procèdes raisonnes. On a dit et repe'-
té que la science trompait les culti-
vateurs^ que deux bons bras diri-
geaient mieux une cliarrue qu'une tê-
te qui calcule et qui pense ^ etc. , etc.
Tout cela peut être vrai jusqu'à cer-
tain point -y mais il est encore plus
vrai qu'une instruction élémentaire,
la seule qui convienne aux cultiva-
teurs de profession , leur apprend à
raisonner juste, et les metsi^r la voie
de leurs intérêts bien entendus. « Si
» j'avais un sujet qui fît produire à
» la terre deux épis pour un, disait
» un roi sensé', je le préférerais à
» tous les génies politiques. » Or , la
bonne agriculture, c'est-à-dire celle
que le raisonnement éclaire , fait ce
miracle-là. Le succès des Annales ^
en Angleterre , est une preuve de
l'utilité sentie des bons livres agrono-
miques. Elles y jouissent d'une gran-
de estime, et l'agriculture anglai-
se, la meilleure de l'Europe après
celle de la Flandre , se glorifie
des perfectionnements qu'elle doit
aux leçons d'Artliur Young. Ce qui
donne encore plus de prix aux An-
nales, c'est qu'elles ont rendu popu-
laires des notions d'agronomie , fa-
milières à quelques théoriciens, et
perdues pour le grand nombre. Quoi-
que Arthur Young fût célèbre en An-
gleterre, les Français ne connais-
saient de lui que son Arithmétique
politique , traduite en 1775, quand
YOU
le ministère sollicité par M. Parmen-
tier, un des meilleurs citoyens qu'ail
eus la France, invita l\LM. Benoist,
La Marre et Biilecocq , à faire pas-
ser dans notre langue un choix des
Annales d'agriculture. Empressés
de répondre à cet appel , ils publiè-
rent, en 1796, un recueil des OEu'
vres choisies d'agriculture et d'é-
conomie rurale et politique ^ d'Ar*
thiir Young , enrichi des notes d
MM. Parmentier , Arnould et La
Lauze. Dans les années subséquen-»
tes , des traductions d'écrits du me*
me genre , entreprises par différente
auteurs , en ont porté la collection à
16 ou 18 volumes. Arthur Young se
proposait de faire un voyage en
France , pour romparer l'agricultu-
re de cette belle partie de l'Europe à
celle de son pays : mais le travail
prolongé des Annales avait retarde
l'exécution de ce projet j il ne relfcc
tua qu'en 1787, sur la pressante in
vitalionduduc de La Rochefoucauld
Accompagné de ce seigneur et d^
M. Lazouski , notre voyageur an-
glais parcourut le raidi delà France
et s'avança jusqu'au pied des Pyré.
nées. Il était de retour à Londres
au mois de février 17^8.: mais, dèj
le printemps de l'année suivante, i
revint dans les mêmes provinces
pour revoir à loisir ce qu'il n'avai
qu'entrevu. Cette fois, il observa d'ui
œil attentif. Partout il adres-'=a des
questions aux cultivateurs réputés
habiles. Partout il s'informa des
qualités du terrain, des circonstan-
ces locales les plus importantes , des
pratiques habituelles, des frais d'a-
vances , des produits, des ressources,
enfin de tout ce qui devait entrer dans
le tableau général et parallèle des
deux agricultures. 11 recueillit les
mêmes détails dans nos autres pro-
vinces, cherchant toujours les lieux et
YOU
les hommes féconds en inslructions
utile>. L'aclive et louable curiosité
d'Arthur Young le conduisit en
Espagne , et bientôt après en ït;die.
Il paraît que la musique et la pein-
ture qu'il aimait ne lui dérobèrent
pas , dans cette patrie des arts , un
seul des moments qu'il devait à l'a-
griculture ; c'était l'agriculture qu'il
visitait. Des écrivains français ont
fait un crime à cet étranger de la
manière un peu britannique dont il
nous traite quelquefois , et d'une
franchise qui leur paraît insultante.
Mais , en plus d'une occasion, mé-
nage-t-il ses compatriotes ? qu'im-
porte qu'il nous olfense , s'il nous
éclaire ? I.aissons-le s'étonner de ce
que le sol de la France , étant pres-
que partout supérieur à celui d'An-
gleterre , le produit du premier de
ces royaumes est pourtant inférieur
à celui du dernier. L'essentiel n'est
pas de contester l'avantage, mais de
nous l'assurer. Au surplus , sur quoi
porte le mécontrntement de ces lec-
teurs d'Arthur Youug , si faciles à
blesser ? Sur deux ou trois passages
qui pourraient, à la rigueur, être
plus polis. Convenons aussi qu'il sait
nous rendre justice. Tout en di-
sant que telle de nos provinces
ferait peut-être mieux de culti-
ver dans le système anglais , il
y reconnaît une agriculture intelli-
gente et judicieuse. En s'emparant
d'une méthode qu'il ignorait, d'un
instrument bien inventé, d'un moyen
plus économique, il en fait honneur
à ceux auxquels il les emprunte. A
l'aspect du canal de Languedoc , il
s'écrie : « Louis XI V, c'est ici que
» tu me parais grand ! » JN 'est-il pas
en droit , après cela , de reprendre
ce qu'il juge réprëhensible.-^ et ne
pourrions-nous pas nous-mêmes en-
chérir sur les reproches qu'il nous
YOU
5o:)
fait? Young a-t-il tort , lorsqu'il nous
dit que la plupart des fermiers fran-
çais n'ont de connaissances que celle
de leur ferme et celle des prix du
marché j que l'intérêt pécuniaire est
le seul qui les touche, et que le mo-
tif d'utilité publique est une idée qui
ne les atteint point? Était -il injuste
forsqu'il disait , en 1 789 , à propos
du duc d'Aiguillon, qu'il fallait exi-
ler un seigneur français , pour qu'il
fît, par ennui, dans ses terres, ce
qu'un riche loi'd fait, par plaisir,
dans les siennes? Et ne recevons-
nous pas un avis salutaire, lorsqu'il
se plaint qu'il n'y a que nos bon-
nes terres qui soient bien gouvernées,
« tandis, a j ouïe- 1- il, que si les ter-
» rains français les plus maigres sui-
» vaient un cours d'agriculture régu-
» licr^ ils produiraient plus de fro-
» ment qu'on n'y récolte de seig'e? »
Il faut avouer que l'état des choses
qu'il condamnait s'est amélioré. La
révolution a fait prendre aux esprits
une direction qu'ils n'avaient pasj
et cette impulsion heureuse , aidée de
plusieurs sociétés rurales, ont avan-
cé notre agriculture. Que de progrès
elle pourrait faire encore , si l'on
cessait d'ajourner de mois en mois le
bien proposé I Que dirait aujourd'hui
l'agronome anglais , en apprenant
qu'après tantde convocations d'hom-»
mes instruits, destinés à nous donner
les lois qui nous manquent , la France
n'apasencoredelégislationagricole?
Mais suivons Arthur Young dans le
reste de sa carrière. A son retour en
Angleterre , il fut nommé secrétaire
du bureau d'agriculture , établi dans
l'intérêt des propriétaires fonciers,
sous la présidence de sir John Sin-
clair j et le ministre Pilt attacha le
traitement annuel de six cents livres
sterling à cette place. l'aile remplissait
tous les vœux de la seule ambition
5o6
ÏOl
qu'Arthur Young eût jamais eue ,
celle de s'approcher du pouvoir,
pour plaider devant lui la cause de
l'agriculture; car il ne nous laisse
pas ignorer que le parti de la char-
rue ( c'est son expression ) n'était
pas aussi fort qu'il eût dû l'être , et
que l'on comptait au nombre des mi-
nistres anglais plus de Colberts que
de Suilys. Le premier e'crit publie
par Young , au nom du bureau , rou-
lait sur les landes qu'on rencontrait
encore dans plusieurs provinces d'An-
gleterre et sur la possibilité de les
rendre accessibles à la culture. Il ex-
cita l'attention du gouvernement.
Très-cbaud partisan des clôtures,
Arthur Young écrivit , au nom du
même bureau , pour en développer
les avantages. Il engagea même
un membre du parlement à de-
mander qu'il fût permis à chacun
de se clore dans sa propriété, sans
payer aucun droit. Mais sa proposi-
tion éprouva tant de résistance, qu'el-
le ne put être reproduite. En 1799 et
dans le cours des années suivantes ,
il alla reconnaître la situation de l'a-
griculture des comtés de Suffolk, de
Lincoln , de Norfolk, d'Hcrlford et
d'Essex ; et le rapport qu'il en fît au
bureau confirma l'opinion qu'on
avait déjà de la justesse de son coup-
d'œil et de son exactitude. II invita
sir John Sinclair à stimuler par des
récompenses les hommes capables
de tenter d'heureux essais , ou d'in-
diquer de nouveaux et bons procédés.
C'est par ce moyen très - simple et
très - libéralement employé , qu'en
France la société royale et centrale
d'agriculture échauffé l'émulation
de nos cultivateurs ; et les prix nom-
breux qu'elle accorde tous les ans ,
soit à des découvertes constatées et
véritables , soit à des méthodes per-
fectiomiées, soit même à de bons
YOU
exemples , plus puissants qwQ les
meilleures leçons, prouvent avec évi-
dence tout ce que de pareils encoura-
gements font gagner à l'agriculture.
Tous les instants d'Arthur Young ap-
partenaient à sa place , et toutes ses
pensées, à l'économie rurale. Son bu-
reau fut consulté sur la question tou-
jours renaissante de l'importation
des grains. Il se déclara pour ia pro-
hibition , et cet avis lui coûta sa po-
pularité. Les ]nanufacturiers de la
capitale et la classe industrieuse se
déchaînèrent contre ses auteurs. Sou-
levée par eux , la populace se porta
tumultueusement au lieu des séances
dubureau , cassa les vitres, arracha
la plaque de bronze sur laquelle son
nom et sa destination étaient gravés,
et ne se retira qu'après mille excès.
On verra , dans le catalogue des ou-
vrages d'Arthur Young , qui termine
cet article, qu'en 1769 il avait écrit
pour la libre exportation des grains,
et que , par conséquent , l'avis du bu-
reau d'agriculture , signé de lui , le
mettait dans une contradiction ap-
parente avec lui-même . Mais Arthur
Young n'ignorait pas que le principe
qu'il soutenait , en 1769, n'est pas
tellement absolu , qu'il ne doive fié
chir au besoin , et qu'une chose vraie
ne cesse pas de l'être , quoiqu'on
soit contraint de s'en écarter. Young
s'était marié de bonne heure- et de
puislong-tcmps il jouissait ,au milieu
des siens , de toutes les félicités d'un
bon père de famille. En 1 797 , il eut
la douleur de perdre la plus jeune de
ses filles , âgée de quatorze ans , et
qu'il chérissait d'une affection par-
ticulière. La menace du mal qu'il re-
doutait le plus vint ajouter à ses cha
grins. Il sentait sa vue s'éteindre, el
s'obstinait néanmoins à remplir les
devoirs de son secrétariat. Le nuage
répandu sur ses yeux s'épaississani
YOU
de jour en jour , il se soumit à l'opé-
ration de la cataracte, qui ne réussit
point. Des calus, formes dans la
vessie^ lui causaient des souf fiances
qu'il avait long-temps bravées. Elles
devinrent tellement aiguës, qu'elles
le forcèrent de renoncer à ses occu-
pationsles plus chères. 11 mourut le 'lo
fev. 1820, à l'âgede soixante-dix-neuf
ans(i). « Le nom d'Arthur Yoi'.ng, dit
» un biographe anglais, vivra dans
» la Grande-Bretagne , aussi long-
» temps que Tart qu'il a professe
» dans l'Europe entière. » Quels
hommes en effet méritent mieux
les hommages de la postérité , que
ceux qui , après de longs jours
consacrés au bien de leurs sembla-
bles, se survivent dans leurs écrits,
et dont les écrits sont encore des
bienfaits? Tels ont été chez nous
Olivier de Serres, Duhamel, Par-
mentier; tels, en Angleterre, Tuli ,
Sinclair , Arthur Young , et plu-
sieurs autres. Arthur Young i rendu
des services éminents ? sa patrie.
Les manufacturiers anglais tiraient
toutes leurs laines de l'Espagne; il
leur apprit à s'en passer , en propa-
geant les bêtes à laine fine, sur les
parties de l'Angleterre oii ers ani-
maux pouvaient prospérer. Il fit
substituer , dans le labourage des
terres, le bœuf au cheval, comme
capable d'un plus long travail. Il
combattit des préjugés nombreux, et
les détruisit; il introduisit des ins-
truments aratoires très-supérieurs à
ceux dont on s'était servi jusqu'alors.
La France , sans être ingrate , ne
pourrait nier qu'elle n'ait aussi de
grandes obligations ta cet étranger,
(1) Le rë-vereiid Yoiint; , son fils, lieut-firiei- de
l'e'glise anglicane, et auteur d'écrits estimés , aprt^s
s'être montré le digne héritier de son ptre , dans
la science ngrouomique , » quitté l'Angleterre
pour diriger une grande e.vploiliilion rurale en
Crimée.
YOU
t)0'
que sa passion pour son pays n em-
pêchait pas de s'intéresser au nôtre,
et qui voyageait en vrai missionnaire
de l'agriculture. Le principal objet
de ses études toudiant de ])rès à
plusieurs grandes questions d'écono-
mie politique, telles que la division
des terres, la population, les fabri-
ques , eîc. , etc. , il les a disculées plu-
sieurs fois dans sesécrits.lls'cst élevé
contre !e commerce des Noirs, avec
une indignation éloquente. Son style
est plus clair qu'il n'est élégant et
correct; sa pensée se présente tou-
jours avec précision: c'étaitlà le seul
mérite qu'il recherchât comme écri-
vain. A l'époque du voyage qu'il fit
en France, de 178-^ à la fin de 1788,
le premier élan des esprits vers la li-
berté l'enflamma lui-même. Son en-
thousiasme se refroidit à mesure des
progrès , qu'il appelle ini'erses , de
l'Assemblée constituante , dans l'œu-
vre de notre régénération. Prophète
trop bien inspiré , dès ce moment il
a prédit un avenir sinistre à la révolu-
tion française. Arthur Young voyait
la Convention s'avancer. Voici la liste
de ses ouvrages. Nous aurions dé-
siré pouvoir la donner complète ;
c'est-à-dire y faire entrer une foule
de rapports, d'instructions, de mé-
moires qu'il a publiés , tant en son
nom, que comme organe du bureau
d'agriculture; mais ces pièces n'ont
pas été rassemblées , et ne pourront
l'être que par un éditeur zélé. L Let-
tres du fermier au peuple an-
glais ,
in - 8*^. ; seconde
édition, Londres, 177 1 ? '^^ vol.
in-8<^. , sous ce titre : Letters to
tke Laudlords of the Great Bri-
tain. IL F'o/age de six semaines
dans les comtés méridionaux de
V .Angleterre et du pays de Galles ,
i';,68 ; seconde édition, 1769; Lon-
dres , 177*2, in-8*^. 111. Foyage de
5o8
YOU
six mois , dans le nord de l'Angle-
terre , seconde édition^ ^7^95 Lon-
dres, 1770, 4 vol. in-8^. IV. Sur
V éducation des cochons ^ ^1^9 >
in-S*^. V. De l'utilité de la libre
exportation des grains , [-^69 , in-
8^. VI. Guide du fermier , pour le
louage et l'aménagement des fer-
mes, Londres , 1770, 'i vol. in 8°.
YIL Cours d'agriculture expéri-
mentale , Londres
770
)1.
in-4*^. VIIL The farmer's calen-
dar, 1770-1804, in8^\; 181 9., etc.
IX. f'ojage d'un fermier dans test
de l'Angleterre , 1771. Les trois
voyages ont èlë traduits en russe, par
l'ordre de l'impératrice Catlieri-
ne. X. Propositions à la législa-
ture y pour le dénombrement du
peuple, 177 1. XI. Économie ru-
rale, ou Essai sur l' agronomie pra-
tique, contenant les mémoires d'un
célèbre fermier suisse , 177*2 , in-
8°.; seconde édition, Londres, 1773,
in-8". XII. Obsen^ations sur l'état
actuel des terres incultes dans la
Grande-Bretagne , 1773, in - 8<'.
XIII. Arithmétique politique , con-
tenant des obsen^ations sur l'état
actuel de la Grande - Bretagne ,
Londres , 1774? iii-80. M. Freville
a traduit cet ouvrage en français, la
Haye, 1776, 2 vol. in-80. XIV.
Voyage en Irlande , dans les an-
nées 1776 e^ ^770; ^^^^ ^^•'* obser-
vations sur l'état âe ce royaume ,
Londres, 1782, 1 vol. 1in-8o. • la se-
conde édition, qui ne contient qu'une
partie de l'ouvrage , est e'ga'eraent
de 2 vol. in-8«. • traduit en français
par M. MiMon^ Paris, 1783;' an
VIII (1800), 2 vol. in-80. XV. Con-
sidérations sur les moyens de haus-
ser les impôts durant le cours de
l'année, 1779, in-S». XVI. Corres-
pondance avec M. Lofft sur la conS"
traction des bergeries de comtés.
YOU
XVII. Essai sur la graine de
choux pour la nourriture des bre-
bis, tic. , 1783, in-8». XVIII. An-
nales d'agriculture ; la collection
forme 45 vol. in-8o.XIX. La ques-
tion de la laine établie , 1 787 , in-
8*^. XX. Discours qui pouvait être
prononcé, 17 88. XXI. Voyage en
France , en Espagne , en Italie ,
durant les années 1787-89; seconde
édition, 1791 , 2 vol. in-4". ; Lon-
dres , 1794 , 2 vol. in-4"- XXII.
Voyages pendant les années 1 787
à 1790, I^ondres , 1792 , in 4". H
y a une édition de Bury Saint-Ed-
mund's , 1792, ainsi qu'une autre
de Dublin , 1793 , 2 vol. in-8". Soû-
les a traduit le Voyage d'Arthur
Young en France , seconde édition ,
Paris , 1794? 3 vol. in-80. Le même
Soûles a traduit le ^q>Y?g^e en Italie,
Paris, «796, in-80. La première de
ces traductions est enrichie de notes
utiles, par Gasaux. XXIII. L'exem-
ple de la France , avertissement
pour r Angleterre , quatrième édi-
tion, 1792, in-8'^. XXIV. Idée de
l'état actuel de la France , 1795 ,
in-8*^. XXV. La constitution sau-
vée, sans reforme, 1795, in -8".
XXVI. Vue générale de l'agricul-
ture du comté de Suffolk , 1 797 _,
in-8^. XX VII. Invasion, danger
national et moyen de salut, 1 798 ,
in-8^ XXVIll. Recherches sur l'é-
tat de l'esprit public dans les clas-
ses inférieures, 1 798, in-8". XXIX.
Vue générale de l' agriculture du
comté de Lincoln, i799? in-8**»
XXX. Lettre à M. Pf^ilber force ,
sur l'esprit public , dans les classes
inférieures , 1799, in-8**. XXXI.
La question de la disette , posée ,
1800, in-8«. XXXII. Bévue des
perfectionnements de V agriculture
dans le comté de Lincoln , 1800 ,
in-80. XXXIII. Recherches sur Vu-
YOU
tilité d'appliquer les terres en fri-
4:he au soutien des pauvres , i<*lo i ,
iii-8^ XXXIV. Essai sur les en-
grais , i8oi , in-8o. XXXV. Fue
générale de l'agriculture du comté
de Hcrlford, 1804. XXXVI. Vue
générale de l'agriculture du comté
de Norfolk, i8o;k in-80. XXXVH.
Description de V agriculture du com-
té d'Essex , 1806, '2 vol. in -8".
XXXVIII. Fue générale de Va-
gricullure du comté d'Oxford,
1808, m-8^ XXXIX. Rapport
général sur les clôtures, 1809,
in-8 '. XL. Avantages de l'établis-
sement du bureau d'agriculture ,
1809 , in-8". ^LI. Sur la méthode
de trois célèbres fermiers anglais
( Bakewell, Arbulhnot et DucTcet ),
1 8 1 1 , in-8" XL! I . Recherches sur la
valeur progressive des monnaies^ dé-
terminée par le prix des produits
agricoles , 1812, in - 8". X LI 1 1 .
Baxteriana , contenant un choix
des OEuvres de Richard Baxter ,
i8i5. in-8«. XLIV. Recherches
sur l'élévation des prix en Europe ,
avec des observations sur l'effet de
la hausse et de la baisse , etc. , etc. ,
181 5, in-80. D— ES.
YOUNG (Mattiiew), savant pré-
lat, né en i-^So dans le comté de
Roscommon , termina ses études
classiques à Dublin , an collège de la
Trinité, auquel il fut ensuite associé,
et 011 il exerça les fonctions d'insti-
tuteur. Peu de branclies des connais-
sances humaines lui restèrent étran-
gères :1a théologie, les sciences phy-
siques et matliémaliques,les langues
anciennes et modernes furent tour-à-
tourlesobjets deson application; ce
qui ne l'empcchaitpas de donner des
moments à la société où son esprit
et son savoir le faisaient recliercher.
Il publia , en 1784 , "n ouvrage in-
titulé : Phénomènes des sons et des
YOU 5o9
cordes musicales, un vol. in-S''.
11 s'occupait à éclaircir les Principes
de Newton, lorsque la chaire de
physique étant venue à vaquer, dans
le collège auquel il était attaché, il
y fut promu d'une voix unanime.
II s'acquitta de ses nouvelles fonc-
tions avec une supériorité remarqua-
ble. Ce fut l'opinion qu'on avait
généralement de son mérite qui
détermina le comte Cornwallis ,
alors vice- roi ( lord- lieutenant )
d'Irlande, à lui conférer l'évêché
de Clonfert et Kilmacduach. Son
travail sur Newton , qu'il avait tra-
duit en latin , était alors prêt à être
livre à l'impression ; mais les soins
de l'épiscopat empêchèrent d'abord
qu'il n'effectuât cette intention , et
lorsqu'il voidait s'en occuper de nou-
veau , un mal cruel , un chancre à la
bouche, le mit au tombeau, après
quinze niois de souffrances , le 28
novembre 1 800. Il avait été , dans
sa jeunesse, un des premiers mem-
bres d'une société formée entre des
étudiants, pour hâter leurs progrès
dans la théologie ; cette associa-
tion, qui étendit ensuite son objet,
futle noyau dont naquit depuis l'aca-
démie royale d'Irlande. Les Tran-
sactions de cette compagnie savante,
ainsi que le Journal philosophique
de Nicholson, renferment plusieurs
mémoires par Matthew Young, en-
tre autres : l' Origine et la théorie
de l'architecture gothique; force
du témoignage pour constater des
faits contraires à V analogie ; nom-
bre des couleurs primitives dans la
lumière solaire ; sur la harpe éo-
lienne , etc. La substance des leçons
qu'il donnait au collège de la Tri-
nité parut dans l'amiée même de sa
mort, sous le titre de Principes de
philosophie naturelle , 1 800 , in-8^.
On publia en i8o3 V Anal/yse des
5 10 YOU
principes de la philosophie natu-
relle , Dublin , in-8o. , recueil très-
imparfait de soixante- trois de ses
leçons sur divers sujets pliilosoplii-
qu^îs. Z.
YOUNG-TCHING , troisième em-
pereur delà dynastie des Mandchonx,
était le quatrième fils de Kbang hi ,
et monta sur le trône après la mort
de ce prince, en 1723. D'une taille
avantageuse , il y joignait un air de
grandeur et de dignité qui inspirait
le respect. Un frère aîné de Youiig-
tcliing , qui commandait en ce mo-
ment une armée en Tartarie , avait
mérite l'affection des Chinois , par ses
qualités personnelles , ainsi que par
ses services. On était persuadé que
Khang-hi songeait à le déclarer son
successeur, et qu'il n'en avait été
empêché que par la crainte qu'il n'é-
clatât des troubles avant son arrivée
à Pé-king. Young - tching se servit,
pour rappeler son frère , du nom de
l'empereur défunt , dont il lui cacha
la mort, et l'enferma dans une prison^
d'où celui-ci ne sortit que sous le rè-
gne suivant. Un autre frère de Young-
tching, Yesaké, prince sans mérite,
mais ambitieux malgré sa nullité, lui
donna bientôt de nouvelles inquiétu-
des. Le P. Moram ou Morao , mis-
sionnaire portugais, était le chef du
parti de Yesaké. Découvert , il fut
envoyé en exil avec le prince dont
il avait tenté de servir les projets ;
et tous deux achevèrent plus tard
leur vie dans les supplices. Sounan,
oncle maternel de Young - tching ,
n'était point étranger , non plus que
ses fils , dont plusieurs avaient em-
brassé le christianisme , à la conspi-
ration ourdie pour mettre Yesaké
sur le trône j mais l'empereur ne le
soupçonna point , H l'on crut devoir
ajourner leur punition. Young-tcbing
avait toujours eu beaucoup d'éloi-
YOU _
gnement pour le christianisme j et la
certitude que ses ennemis les plus
dangereux se trouvaient parmi les
sectateurs de la loi nouvelle, raffer-
mit dans le dessein de bannir les mis-
sionnaires de la Chine. Le 23 sept.
1723 , le tsoung-tou ( surintendant-
général) du Foukian interdit l'exer-
cice du culte chrétien dans cette pro-
vince, sous prétexte qu'il y causait
des désordres. En rendant compte de
cette mesure à l'erapcieur , il l'enga-
geait à réunir à Pé-kingles missionnai-
res dont les connaissances pourraient
être utiles pour le caîencfrier , et à
reléguer les autres à Macao , avec
défense d'en sortir. Cette sentence,
approuvée par le tribunal des rites,
fut confirmée par l'empereur. Ceprin-
ce écrivit donc avec le pinceau rou-
ge : « Les Européens sont des étran
)) gers ; il y a bien des années qu'ils
» demeurent dans les provinces de
» l'empire : maintenant il faut s'en
» tenir à ce que propose le tsowig-
» touàe Fou-kian. Mais, comme il est
» à craindre que le peuple ne leur;
» fasse quelque insulte , j'ordonne
» auxtsoung-touet vice-rois des pro-
» vinces de leur accorder une demi-
» année ou quelques mois ; et , pouj
» les, conduire ou à la cour ou à Ma
» cpo , de les faire accompagner dans
» leur voyage par un mandarin qui
» prenne soin d'eux , et qui les ga-
» rantisse de toute insulte. » Les mis
sionnaires de Pé-king ne purent par-
venir à faire révoquer cet ordj'e
mais ils obtinrent que leurs confrères
de la province de Canton continue-
raient d'y résider , si le gouverneui
n'y voyait aucun inconvénient. Le P
Parennin , à cette occasion , dit de:
choses si flatteuses pour l'empereur
qu'un mandarin alla sur - le - chamf
les répéter à ce prince. Young-tchin^
fut en effet tellement satisfait de c
I
YOU
compliment , qu'il donna l'ordre de
faire paraître en sa présence les mis-
sionnaires , Iionneur qu'ils n'avaient
pas encore reçu depuis son avènement
au trône. Dans un discours très-long,
et qu'il débita rapidement, il voulut
justifier la conduite qu'il tenait à leur
égard : « Si j'envoyais , leur dit -il ,
.) une troupe de bonzes et de lamas
» dans votre pays , pour y prêcher
» leur loi, comment les recevriez-
» vous ? Vous voulez que tous les
» Chinois se fassent chrétiens j et
» votre loi le demande, je le sais
» bien : mais en ce cas - là que de-
» viendrons -nous? les sujets de vos
» rois. Les chrétiens que vous faites
»> ne reconnaissant que vous j dans
» un temps de troubles y ils n'ecou-
» teraient pas d'autre voix que la
» votre Je vous permets de de-
» meurer ici ^t à Canton autant
» de temps que vous ne donne-
» rcz aucun sujet de plainte; car
^> s'il y en a par la suite, je ne vous
)) laisserai ni ici ni à Canton. Je ne
» veux point de vous dans les pro-
» vinces. L'empereur mon père a
i> perdu beaucoup de sa réputation
« dans l'esprit des lettrés par la con-
» descendance avec laquelle il vous
» y a établis. 11 ne peut se faireaucun
» changement aux lois de nos sages;
« et je ne souiFrirai point que pendant
» mon règne on ait rien à me repro-
» cher sur cet article. JVe vous ima-
» gincz pas, au reste, que j'aie de l'ë-
» loignement pour vous : vous savez
» comment j'en usais quand je n'ë-
» tais que rëgulo Ce que je fais
» maintenant , c'est en qualité d'em-
» pereur. Mon unique soin est de
» bien régler l'empire : je m'y ap-
» pliquedumatin au soir. »Lemême
jour, le monarque fut informe que
deux des fils de Sounan avaient em-
brassé le christianisme , et qu'ils
YOU
5i;
voyaient fréquemment en secret le
P. Morao. Le lendemain, Sounan,
dépouille de ses titres et de ses biens,
reçut l'ordre de s'éloigner. Toute sa
famille fut enveloppée dans sa dis-
grâce. La mort de ce prince , dont
les restes furent brûlés et les cendres
jetées au vent , n'éteignit point la hai-
ne que lui portait Young tching. Ses
fils et ses petits-fils , dégradés de leur
lang , furent , les uns incorporés
comme simples cavaliers dans des
régiments, et les autres condamnés à
la prison ou à l'exil. Le P. Parennin
attribue ces rigueurs de Young-tching
à sa haine contre le christianisme ;
mais Deshauterayes en trouve le
motif dans les fautes graves dont
Sounan s'était rendu coupable dans
ses fonctions de général du Liao-
toung.En admettant la conjecturede
Deshauterayes, plus impartial que
Parennin , elle ne peut excuser l'ex-
cessive sévérité de Young - tching.
C'est d'ailleurs la seule fois que ce
prince se soit écarté de la modé-
ration qu'il s'était prescrite. Doué
d'une infatigable activité , laborieux,
ennemi des plaisirs, il tenait les rê-
nes du gouvernement d'une main,
ferme, ne laissant à ses ministres
que le soin d'exécuter ses ordres.
Craignant encore de ne pas remplir
tous SCS devoirs, il écrività sesgrands-
ofliciers de l'avertir des fautes qu'ils
apercevraient dans sa conduite, pro-
mettant de les réparer. Deux villes
de la province de Nan - king ayant
obtenu sur leurs impots une diminu-
tion notable, les habitants décidèrent
d'élever un monument à la gloire de
Young-tching, en reconnaissance de
ce bienfait; mais il ne voulut pas y
consentir: <» Que le peuple, écrivit-
il au gouverneur de Nan - king , ob-
serve les coutumes; qu'il vive dans
l'union , alors je m'estimerai heu-
5 12 YOU
reux. )." Les fléaux qui désolèrent plu-
sieurs provinces de son vaste empire
lui fournirent l'occasion de mon-
trer la boule de son cœur. En 17.25,
des pluies abondantes ayant détruit
presque entièrement les récoltes , il
s'empressa de venir au secours des
indigents, et donna l'ordre aux grands
de seconder ses intentions de tout
leur pouvoir. Dans la seule ville de
Pé-king , il fit distribuer du riz h plus
de quarante mille personnes pendant
quatre mois. Pour prévenir le retour
de la disette, il ordonna d'établir
dans chaque province des magasins
où serait déposé le superflu des récol-
tes dans les années abondantes. In-
formé qu'il restait encore en quel-
ques endroits des terres incultes , il
les fit distribuer aux cultivateurs les
plus laborieux , et les exempta de
toute redevance pendant un certain
nombre d'années. Aucun prince n'ho-
nora plus l'agriculture. Il accorda
le grade de mandarin du huitième
degré au laboureur le plus estimé de
chaque canton. Des que le temps de
son deuil fut expiré, il annonça que
son intention était d'observer , tous
les ans , l'ancien usage de labourer
la terre; et il s'y conforma loligieu-
sement. Il rétablit les festins que
les gouverneurs de chaque provin-
ce devaient offrir , chaque année ,
aux personnes les plus recomman-
dables par leurs vertus. Enfin il ré-
comjiensa toutes le:^ bonnes actions ,
et ne négligea rien pour encourager
le peuple à la pratique des devoirs
qui peuvent assurer son bonheur. Un
tremblement de terre ayant détruit ^
en i^So, une partie des maisons de
Pé-kmg , l'empereur vint au secours
de tous ceux qui avaient souliert
de ce désastre. Ses bienfaits s'é-
tendirent jusqu'aux missionnaires ;
il leur donna une somme pour recons-
YOU
truire leur église. Cependant il reprit,
peu de temps après, son projet de
les expulser entièrement de la Chine.
Ceux de la province de Canton reçu-
rent, en 1732, l'ordre de se rendre
à Macao dans le délai de trois jours.
Lesnégociantsd'Europedemandèrent
à en conserver quelques-uns qui leur
rendaient des services importants
pour leur commerce. Les raisons
dont ils avaient appuyé leur requeJe
frappèrent l'empereur , qui suspendit
l'exécution de son ordre ; mais aucu-
ne décision n'avait encore été prise
à cet égard , lorsqu'il mourut dans une
maison de plaisance , près de Pé-king,
le 7 octobre 1785, à l'âge de cin-
quante-huit ans , dont il en avait ré-
gné treize. Malgré Us grandes quali-
tés de Y oung-tching, auxquelles les
missionnaires eux- mêmes ont rendu
justice, il fut peu regretté de ses su-
jets. Khian-loung ( F. ce nom ) , son
fils , lui succéda. Young-tcliing a pu-
blic , sous son nom , une instruction
aux gens de guerre , intitulée les Dix
Préceptes. Elle a été traduite en fran-
çais par le P. Amiot, dans V^rt mi-
litaire des Chinois ( F. Amiot, II ,
48 ). Le même prince a commenté les
seize Maximes qui composent VEdit
sacré àe Khang-hi. Cet Édit, avec le
commentaire de Youiig -tching et la
paraphrase de Wang-yeou-po , a été
traduit en anglais par le R. Will.
Miine ( Voy. le Journal des savants,
1818, 593 ). On trouvera des détails
intéressants sur Young - tching dans
les Mémoires concernant les Chi-
nois. Deshauterayes s'en est servi
pour composer la Vie de ce prin-
ce , qu'il a publiée dans V His-
toire de la Chine , par le P. de Mail-
la, xi, 369-509. W — s.
YOUSbUÊ Ben Abd-el-Rah-
MAN AL Fehri < dernier émir ou
gouverneur de l'Espagne pour les
YOU
khalifes d'Orient, était de la tribu de
Koraïsch , qui avait produit le légis-
lateur des Arabes ; son père et
son aïeul s'étaient rendus fameux
par leurs exploits en Afrique , en
Sicile et en Espagne. Ces titres et
les qualités personnelles de Yousouf
déterminèrent le choix des princi-
paux capitaines musulmans qui , vou-
lant mettre un terme aux maux d'u-
ne longue anarciiie, l'éhirent unani-
mement pour émir, l'an de l'hégire
129 ( janvier 747 ). H parcourut
l'Espagne, en ordonna le dénombre-
ment, la division en cinq provinces,
dont les capitales étaient Cordoue,
Tolède, Merida, Saragosse et Nar-
bomie; rétablit les routes militaires,
releva les ponts, et destitua les fonc-
tionnaires coupables d'injustice et de
cruauté. Mais il paraît que Yousouf
lui-même ne fut pas exempt de par-
tialité j car on disait de lui que sa
coupe était de miel pour ses parents
et ses amis , et d'absinthe pour les
autres. Le chef des mécontents était
Amer ben Amrou, homme puissant
par sa naissance , ses richesses et son
crédit, qui ne se croyait pas dédom-
magé par le gouvernement de Se ville
^e la charge d'amiral que Yousouf
avait supprimée comme inutile, de-
puis que les communications avec la
oyrie et l'Afrique étaient interrom-
pues. Amrou cabala , et prodigua
l'argent pour se faire des partisans,
y^ousouf se contenta d'abord d'épier
ses démarches j mais , ayant surpris
les lettres par lesquelles ce factieux
e dénonçait au khalife comme usur-
pateur et tyran , il voulut s'assurer
le sa personne. Amrou , échappé au
)iége, s'empara de Saragosse , en 1 36
75v-4)^ et de tout le nord de
'Espagne. La guerre civile con-
inua entre les deux rivaux 5 mais
a victoire que Yousouf rempor-
LI.
YOU
5i3
ta, près de Galat-Âyoub, sur son
ennemi , le rendit maître de Sa-
ragosse , du rebelle et de son fils, à la
lin de l'année suivante (juin 755).
Dans cet intervalle, une grande ré-
volution avait eu lieu en Orient. IjG
khalife Merwan II , qui avait confir-
mé Youéouf dans le gouvernement de
l'Espagne, et son père Abd-el-Rah-
man dans celui de l'Afrique, avait
perdu le trône et la vie CF. Merwan
II); et la dynastie des Âbbassides
avait remplacé celle des Orameyades,
que les vainqueurs avaient extermi-
née. Le prince Abd-el-Rahnian,échap-
pé au massacre de sa famille , avait
trouvé un asile en Afrique, malgré les
recherches du gouverneur , père de
Yousouf. Tandis que ce dernier était
occupé dans le nord de l'Espagne,
quatre - vingts capitaines arabes se
rassemblèrent secrètement à Cor-
doue, pour délibérer sur les moyens
de mettre fin aux troubles , aux guer-
res civiles, qui ne cessaient de déchi-
rer la Péninsule, sous l'administra-
tion précaire et tyrannique des lieu-
tenants amovibles des khalifes, et
d'y établir un gouvernement stable
et héréditaire. Deux d'entre eux se
rendirent à Thaherten Afrique, pour
inviter Abd-el-Rahman à venir ré-
gner en Espagne. Le prince répondit
à leurs vœux, aborda, le 10 rabi
i^i". i38 (a3 août 755j, à Almune-
cab , et fut reconnu souverain par
toutes les villes de l'Espagne méri-
dionale, Yousouf, dans la fureur que
lui causa la nouvelle de cette révolu-
tion, fit trancher la tête à ses deux
prisonniers. Secondé par ses fils , i".
résista au nouveau roi , qu'il affectait
de nommer Al-Daghal (l'inconnu,
l'intrus) ; mais forcé de se soumettre,
après avoir essuyé deux défaites , il
reprit les armes, et fut tué dans une
troisième bataille, près de Lorca,
33
5 i4
YOU
l'ail 14^ (739). Yoiisouf avait gou-
verné TEspagiie neuf ans et demi.
Al)(i-cl-Rahman, l'aîne' de ses fils,
périt aussi dans un combat, l'année
suivante. Le second , Mohammed-
Abou'l Aswad , assiégé et pris dans
Tolède , s'évada au bout de viugt-six
ans , de la citadelle de Gordoue , où
il était détenu , se révolta , fut vaincu,
et mourut dans la misère et dans
l'obscurité. Cacem, le plus jeune,
liéritier de la liaine de son père et de
ses frères contre le roi de Cordoue ,
après de fréquentes vicissitudes, fut
conduit, chargé de fers, aux pieds
d'Abd-el-Raliman , qui lui pardonna
généreusement, et le combla de biens.
A T.
YOUSOUF - BALKIN ( Abou'l
Fethah ) , fondateur de la dynastie
des Zeïrides, Sanbadjides ou Badi-
sidés , dans l'Afrique proprement di-
te, était lils de Zcïri ben-Mounad
( V. ce nom ) , auquel il succéda ,
l'an de l'hégire 36o ( de J.-C. 97 i ).
Ayant reçu des secours du khalife
Moezz-ledin-Allah {Voy. ce nom ),
il vengea la mort de son père ,
vainquit les Zenates en plusieurs
occasions , assujettit cette tribu ,
conquit Thahert , Messisa, Budjie,
Baskara , Bâfra , etc. , et étendit
sa domination jusqu'au désert de
Sahra. Il rendit à tous les captifs
zenates la liberté et leurs biens :
cet acte de condescendance envers
le khalife Moezz lui valut la plus
brillante faveur auprès de ce prince ,
qui , en partant pour FÉgypte où il
allait fixer sa résidence, céda à titre
de fief héréditaire , à Yousouf-Bal-
kin , la souveraineté de toute l'Afri-
que musulmane , à l'exception des
états de Barkah et de Tripoli , et lui
abandonna tous ses palais avec les
meubles qu'ils contenaient. C'est de
cette époque 36 1 (972), que date
YOU
véritablement la dynastie des Zeïri-
des. Mais la prévoyance de Moezz ,
la valeur et les talents de Yousouf ne
purent sauver l'Afrique des fléaux de
l'anarchie et de la guerre. Le départ
de Moezz donna le signal aux factions
et aux révoltes. Les tribus qui n'o-
béissaient que forcément à l'autorité
et à la doctrine des Fathemides pri-
rent les armes. Ces troubles facilitè-
rent au khalife d'Espagne, Hakem
al-Mostanser , les moyens de réta-
blir en Afrique la suprématie des
Ommeyades. Yousouf qui avait con-
quis Telmesen, Fez et Sedjelmesse,
fut obligé momentanément de recon-
naître leur suzeraineté. Lorsqu'il s'en
affranchit , une nouvelle puissance se
forma dans le Maghreb , sous les
auspices des Ommeyades {Voy. '^L^i-
Ri Ben-Atyah), de sorte qu'il ne
resta plus aux Zeïrides ou Sanha^i
jides que les pays qui forment at|l
jourd'hui les états de Tunis et d'Al-
ger. Yousouf-Balkin ne cessa de co
battre pendant tout son règne qi
dura douze ans, et qui finit à sa m
l'an 873 (984). Prince voluptueu
il eut jusqu'à mille femmes, et
lui naquit dix-sept enfants dans
même jour. Son fils Mansour lui si
céda ( Voy. ce nom, XXVI, 5 19
A T
YOUSOUF I«r., roi de Maro
V. JoussouF Ben Taschfyn.
YOUSOUF II ( Abou Yacolb
troisième roi de Maroc et khalife
la dynastie des Mowahides , ou
Mohades, succéda, l'an de l'hégii
558 (de J.-C. 11 63), à son pè:
Abd-el-Moumen qui l'avait decta
son successeur , quoiqu'il ne fût q
le second de ses fils, à cause de 1'
capacité de Mohammed son fils aï:
Y'^ousouf était alorsà Séville; il ser
dit aussitôt à Maroc, où il fut recoi
nu souverain; mais ayant éprou
YOU
quelque opposition de la partdedeux
de ses frères , dont l'un commandait
à Gordoue , et l'autre à Budjie, il se
contenta du titre d'émir, ne prit celui
d'Émir-al-Moumeniii qu'aprrs qu'ils
se furent soumis , et leur pardonna
ge'ncrcusement. Yousouf marcha sur
les traces de son père ; mais il n'i-
mita point sa cruauté. Il débuta au
contraire par des actes de clémence,
et fit ouvrir toutes les prisons de son
empire. Cela n'empêclïa pas im fa-
natique de s'ériger en prophète , de
faire soulever les tribus de Sanhadja,
de Gomara , etc. , et de s'emparer de
ïcza. Sa défaite et sa mort mirent
fm à sa révolte, et sa lête fut envoyée
à Maroc. Quoique Yousouf eût licencié
l'armée qu'Abd-el-Moumen s'était
proposé de conduire en Espagne , son
frère Abou-Saïd Othman gagna, l'an
56o (ii65), dans les plaines de
Murcie, la bataille d'AIdjelab sur
Abou - Abdallah Mohammed ben
Mardenisch , roi de Valence et de
Murcie, qui , constant dans son re-
fus de se soumettre aux Al-Mohades,
leur résistait opiniâtrement avec le
secours des chrétiens. Des troubles
éclatèrent encore en diverses parties
de l'Afrique : ils furent étouffés à
Budjie, par Abou Zakharia Yahia,
frère de Yousouf, et dans la provin-
ce de Gomara , par le monarque en
personne. Le roi de Maroc , ayant
affermi sa domination en Afrique ,
et reçu les soumissions de tous les
gouverneurs et des chefs de tribus,
envoie son frère Abou-Hafs en Es-
pagne , Fan 565 ( 1 1 69 ) , avec un
corps de vingt mille hommes , pour
faire la guerre aux chrétiens, et il y
conduit lui-même , l'année suivante ,
des forces plus considérables. Des
dépiitations de toute l'Andalousie
viennent lui rendre hommage à Sévil-
le cil il établit sa cour. Tandis qu'il
YOU 5i5
attaque les chrétiens, qu'il enlève
plusieurs places au roi de Castille ,
et qu'il étend ses ravages jusqu'aux
portes de Tolède , il profite habile-
ment des divisions qui régnent entre
les musulmans de l'Espagne occiden-
tale , et ses troupes sont introduites
dans Valence par des mécontents ,
Tan 567 (1^7^). Le roi Moham-
med ben Mardenisch , pressé par les
Al-Mohades et par les Aragonnais ,
meurt la même année à Maïorque,
où il s'était retiré. Le monarque afri-
cain fait construire à Séville une
superbe mosquée , un beau pont de
bateaux, un aqueduc, deux quais,
deux palais magnifiques, de vastes ma-
gasins et d'autres monuments aussi
utiles que somptueux» Afin d'occuper
ses cent mille solda Is, il fait bâtir dans
l'enceinte de Gibraltar , dont son
père avait fondé les murailles. Ces
travaux l'occupèrent pendant les cinq
ans qu'il passa en Andalousie. Dans
cet intervalle , il remporta des avan-
tages signalés sur les Castillans, en-
leva même Tarragone au roi d'Ara-
gon , et dévasta la Catalogue, Enfin ,
les fils de Mohammed ben Marde-
nisch , présageant qu'ils ne pour-
raient pas conserver Schatibah , Dé-
nia , Alicante , Murcie , Carthagène
et les autres places que leur père
avait possédées , les cédèrent au roi
de Maroc qui les combla de biens et
d'honneurs , et assura la tranquillité
de l'Espagne musulmane , en épou-
sant leur sœur, l'an 570 ( 1 174-5 ).
Il retourna l'année suivante en Afri-
que , où la paix dont il jouit ne fut
troublée que par une révolte qui eut
lieu à Kafsa , capitale du Belad-el-
Djerid , et qu'il étouffa lui-même par
la défaite et la mort des rebelles , en
576 ( 1180 ). Trois ans après ,.
Yousouf partit de Maroc , et alla
s'embarquer à Ccuta pour Gibraltar,
33..
5ir, YOU
d'où il se rendit , par Sc'ville, devant
Santarein, le 7 rabi i "". 58o ( 1 8 juin
1 184 ). Aprci) diverses attaques con-
tre celte place, durant quinze jours,
il donna ordre à l'un de ses Ji!s de
faire une diversion sur Lisbonne.
L'ordre fut mal compris et encore
plus mal exécute. Toute l'arrace dé-
campa avant le jourj il ne resta
auprès du khalife qu'une faible par-
tie de sa garde , de ses bagages et de
ses valets. Au point du jour, les
assiégés firent une sortie générale ,
fondirent sur le quartier du roi de
Maroc , resté presque sans défense ,
égorgèrent tout ce qui se présenta
devant eux , pénétrèrent dans la tente
du monarque , la mirent en pièces ,
et massacrèrent quelques-unes de ses
femmes. Y ousouf, avec sa seule épée,
se défendit vaillamment et tua six des
plus acharnés contre lui ; mais, acca-
blé par le nombre, il tomba percé de
coups. L'armée, avertie trop tard,
revint sur ses pas , chargea les chré-
tiens , en fit un grand carnage , les
repoussa dans la ville , qu'elle em-
porta d'assaut , sans pouvoir la con-
server, et reprit, dans un morne
silence , la route de Seville. Yacoub
al-Mansour , lils et successeur de
Yousouf , la ramena en Afrique^ et ce
ne fut qu'à son arrivée à Maroc, qu'il
publia la mort de son père. Voilà
pourquoi les auteursportugais varient
sur la date et le lieu de cet événe-
ment , que les Espagnols rapportent
d'une manière différente. Ce qu'il y
a de certain, c'est que Yousouf mou-
rut des suites de ses blessures , au
mois de juillet ou d'août 1 184, après
un règne glojieux et fortuné de vingt-
deux ans , dans la quarante-neuviè-
me année de son âge. Ce prince
juste , bon , humain , généreux , vigi-
fant , ami des lettres et des arts ,
supérieur en mérite réel à son père
YOU
et à son fils , plus célèbres que lui
( Foj. Mansour , XXVI , 5^5 ) ,
sut par ses talents et par son cou-
rage, alFermir sa domination en Afri-
que , réunir sous ses lois tout ce que
les musulmans possédaient encore en
Espagne , et y éteindre pour un temps
les brandons de la guerre. A — t.
YOUSOUF ni , AL-MOUNTA-
SEli ou AL-MOSTANSER-BÏLLAH
( Abou- Yacoub) , roi de Maroc, et
sixième prince de la même dynastie,
était arrière-petit-" lils du précédent.
Il n'avait pas encore atteint l'âge de
l'adolescence, lorsqu'il succéda, en
Tan de l'hégire 610 ( de J. - C.
i-iiiS ) , à son père Mohammed al-
JNasser-ledin- Allah ( Vo;y. Mehe-
MED al-Nasser), qui l'avait fait
reconnaître pour héritier du trône.
Après l'échec qu'avaient essuyé les_
Al-Mohadcs , sous le règne précél
dent, par la perte de la fameuse bc
taille de las Navas de Tolosa ,
aurait fallu un prince ferme, h<
bile et dans la force de l'âge , pouj
rétablir leur puissance et souteni
leur empire en décadence. La mine
rite de Yousouf, et son incapacité
lorsqu'il fut majeur , préparèrent h
chute de cette dynastie. Ce prince
régna sans trouble et sans obstacle
mais ses oncles et les chefs des k\\
Mohades formèrent un gouverne^
ment olygarchique , une espèce
sénat qui s'arrogea toute l'autoritél
et celle du roi cessa d'être respectée.
Les princes de la famille régnante
qui commandaient dans les parties
de l'Espagne soumises encore aux
musulmans , les gouverneurs des
différentes provinces de l'Afrique ,
commencèrent dès-lors à poser les
fondements de leur indépendance.
L'indolent Yousouf , entouré de ses
femmes , de ses eunuques , ne sortit,
pas une fois de sa capitale. Étranger)
i
YOU
aux affaires de l'ëtal , il ne s'occupait
que de ses plaisirs. Un de ses amuse-
ments favoris était de multiplier , de
croiser les races d'un grand nombre
d'espèces de bestiaux. Un jour qu'il
regardait défiler dans ses jardins un
troupeau qui lui arrivait d'Espagne,
la vue de son cheval effiaya une
vache qui courut sur lui et le perça
au cœur d'un coup de corne. D'au-
tres attribuent la mort de ce prin-
ce à l'abus des voluptés. Il mou-
rut le i3 dzoulhadjah 620 ( 7 jan-
vier i2'a4), dans la vingt-unième
année de son âge , et la onzième de
son règne, sans laisser de postérité ;
et cette circonstance ajouta aux mal-
heurs et aux désordres qui signalè-
rent la fin de la dynastie des Al-
Mohades : ils perdirent leurs der-
nières possessions en Espagne l'an
655 (1257), et le trône de Mau-
ritanie , l'an 608 ( laO'g ). Vof.
Yacoub II. A — T.
YOUSOUF IV, Al Naser-Ledin-
Allah ( Abou Yacoub ) , second
roi de Maroc, de la dynastie des
Merinides^ avait environ quarante-
six ans , lorsque la mort de son père
Yacoub le mit en possession du trône.
Il était alors en Mauritanie, où il
fut reconnu souverain ; et s'ëtant
rendu à Algeziras , en Espagne, oii
il avait été déjà proclamé , il y re-
çut les serments des chefs de l'armée,
en safar 685 (avril 1286). Après
avoir fait de grandes largesses aux
troupes et aux oulémas , distribué des
aumônes , mis en liberté tous les
prisonniers, réformé plusieurs abus,
aboli quelques impôts et droits one'-
rcux , et fait des améliorations dans
le gouvernement , il se rendit ta Mar-
bellia : ily lit venir Mohammed II, roi
de Grenade , conclut la paix avec ce
prince, etlui céda toutesses possessions
ea Espagne ;, à Texception d' Algezi-
YOU 5i7
ras , Rouda , Tarifa , Guadix et leurs
dépeiidances , dont il laissa le gou-
vernement à l'un de ses frères. Voyant
la tranquillité assurée en Espagne ,
au moyen de la paix qu'il renouvela
avec Sanche III , roi de Castille , il
retourna en Afrique. Des révoltes
éclatèrent dans les montagnes de
Fez, à Sous , dans les environs de
Sedjelmesse, etc. : elles furent assou-
pies par la défaite et la mort des re-
belles. Yousouf fut plus indulgent
pour un de ses fils , qui, profitant de
son absence , s'empara de Maroc, lui
en ferma les portes , et osa en sortir
pour lui livrer bataille. Le jeune
téméraire vaincu ne rentra dans la
capitale que pour en emporter le tré-
sor et s'enfuir à Telmesen , d'oii il
revint au bout d'un an demander et
obtenir son pardon. Le roi de Telme-
sen ayant refusé de livrer un com-
plice de ce prince , et outragé l'am-
bassadeur de MaiK)c , Yousouf rava-
gea lesétats de son voisin, sans éprou-
ver de résistance* mais après l'avoir
tenu assiégé quinze jours dans sa ca-
pitale , il décampa sans renoncer à
ses projets de vengeance. L'an 690
( i2gi ) , il fit publier la guerre
sainte , donna ordre à ses généraux
d'entrer sur les terres du roi de Cas-
tille, et embarqua des troupes qu'il
devait conduire en Espagne. Une
partie de sa flotte fut battue et dé-
truite par celle de Sanche. Il ne
laissa pas d'arriver à Algeziras avec
le reste de son armée j mais les hos-
tilités se bornèrent à des incursions
et à des dévastations , sans résultat.
L'année suivante , le roi de Grenade ,
voulant s'affranchir delà domination
africaine , fit alliance avec le Castil-
lan , et lui fournit de l'argent et des
armes pour assiéger Tarifa , qui de-
vait lui être rendue. Sanche emporta
la place d'assaut et la garda , sans
i8
YOU
conseulir même à un échange. L'in-
fant don Juan , révolté contre son
frère, fut accueilli par le roi de Ma-
roc , et sur l'assurance qu'il lui donna
de reprendre Tarifa , il reçut des se-
cours de ce prince , et mit le siège
devant cette ville ; mais déçu da;]s
son attente , il fit conduire au pied
des remparts le fils d'Alphonse Percz
de Guzman , avec menaces de faire
périr cet enfant , si Tarifa ne se ren-
dait pas. Le brave gouverneur ne
répondit qu'en jetant son épée du
haut des murailles. Son fils fut égor-
gé , mais la vue de sa tête' redoubla
le courage des assiégés, et les Maures
furent repoussés. L'an 693 (1294) ?
Yousouf passa le détroit, et vint en
personne assiéger Tarifa : la lon-
gueur et l'inutilité de ses attaques le
forcèrent de renoncer à son entrepri-
se. Bientôt la famine et la peste qui
ravagèrent l'Afrique, et. la guerre
qu^il se préparait à porter dans les
états de Telmèsen, le dégoûtèrent de
ses possessions en Andalousie , qui
lui étaient plus onéreuses qu'utiles.
Il vendit Algeziras et les autres places
au roi de Grenade , et cessa de s'oc-
cuper des affaires d'Espagne. En
695 , il tourna toutes ses forces con-
tre le roi de Telmèsen , lui enleva
une partie de ses états , y fit réparer
et rebâtir quelques villes, vainquit
ce prince , en 697 , et l'investit dans
sa capitale. Il chargea un de ses frè-
res de continuer le blocus , et après
avoir soumis , de gré ou de force ,
toutes les places qui restaient à son
ennemi _, il vint presser le siège de
Telmèsen. Il reçut bientôt dans son
camp les soumissions du gouverneur
d'Alger , les présents et les secours
du roi de Tunis ;, et les troupes que
lui amenèrent les chefs de Budjie et
de Gonstantine. L'hiver venu , il
commença à faire bâtir sur l'empla-
YOU
cément de son camp une ville mu-
rée, qui fut achevée dans l'espace
de quatre ans. Rien n'y manquait,
palais , mosquées , bains publics ,
hôpitaux, karavanseraïs , etc. C'est
là que vinrent le trouver des dé-
putés du fond de l'Arabie , les am-
bassadeurs du sulthan d'Egypte, et
les hommages du nouveau roi de
Grenade qui le reconnaissait pour
son suzerain. Cependant la fortune
s'était déclarée contre Yousouf. Quoi-
que Osman , roi de Telmèsen , fût
mort pendant le siège , Abou Zeïan ,
son successeur , continua de défen-
dre sa capitale avec la même opiniâ-
treté. Le roi de Maroc perdit un de
ses fils : il en envoya un autre pour
reprendre Ceuîa dont les Maures de
Grenade venaient de s'emparer; le
jeune prince fut battu et forcé de le-
ver le siège. Ces fâcheuses nouvelles,
et le chagrin de ne pouvoir prendre
Telmèsen qu'il assiégeait depuis neuf
ans , affectèrent si vivement Yousouf,
qu'il se renferma dans son palais, et
se déroba aux yeux de tout le mon-
de. 11 y fut poignardé pendant son
sommeil , par un de ses eunuques , le
7 dzoulkadah 706 ( 10 mai 1807 ) ,
dans la soixante-huitième année de
son âge , et la vingt - deuxième de
son règne. Ce prince dont l'extérieur
était en même temps affable et ma-
jestueux _, méritait un meilleur sort,
à cause de sa bienfaisance , de son
amour pour la justice, et de ses soins
continuels pour le bonheur de ses
sujets. Il eut pour successeur son fils
Abou Sabit Amir. A — t.
YOUSOUF I^^ (Abou'l Hed-
JADJ ) f septième roi de Grenade , de
la dynastie des Naserides, était cam-
pé dans la plaine d' Algeziras, lors-
que l'armée qu'il ramenait à Gre-
nade le proclama roi, le i3 dzoul-
hadjah 788 ( 25 août i333 ) aussi-
I
YOU
tôt qu'elle eut appris la mort tragi-
que de son frère Mehemcd IV , prince
aimable, spirituel, vaillant, gëne'-
reiix et magnifique , assassiné à Gi-
braltar, à l'âge de dix-neuf ans , par
des capitaines africains dont il avait
humilie l'amour - propre. Yousouf
consola ses sujets de la perte de son
frère , auquel il fit élever un tombeau
près de Malaga. Agé de quinze ans,
et doué des mêmes avantages physi-
ques et moraux , il avait des goûts
plus pacifiques , que la culture des
sciences et des lettres lui avait ins-
pirés. Après avoir conclu une trêve
avantageuse de quatre ans avec le
roi de Castillc , il s'appliqua à ré-
former les lois et les ordonnances de
ses prédécesseurs , altérées par les
subtilités des docteurs , et les iniqui-
tés des juges. Il ordonna des formu-
laires plus simples et plus courts
pour la rédaction d^-s actes publics ,
rédigea, à cet eiïèt,des traités et des
commentaires , et en publia même
pour le perfectionnement des arts et
métiers , et de la tactique. Yousouf
eut successivement deux vézirs; mais
accessible aux plaintes qui lui furent
adressées sur le caractère intrigant
et vindicatif du premier , et sur la
sévérité excessive , et quelquefois in-
juste du second, il destitua l'un et
fît emprisonner l'autre. Une ligue
ayant été formée «avec le roi de Ma-
roc, Abou'l Haçan Aly, les deux
princes assiégèrent Tarifa , en 1 34o,
et s'y servirent de canon ; mais la
bataille de Guad-Acelito ( Rio-Sa-
lado ) que les rois de Castille et de
Portugal gagnèrent sur eux, le 2g
octobre, les forcèrent de décamper
à la hâte. Yousouf se retira sans ces-
ser de combattre jusqu'à Algeziras ,
d'où il se rendit par mer à Almuiie-
cab , le chemin ])ar terre étant inter-
cepté par les chrétiens. Le roi de
YOU
Dig
Maroc , qui avait perdu son harem et
ses trésors , gagna Gibraltar en dé-
sordre, et s'y embarqua pour Ccuta.
L'année suivante , la flotte des deux
princes musulmans fut vaincue à
l'embouchure du Guad-al-Menzil ,
par celle de Castille et de Portugal ,
et perdit ses deux amiraux. Le roi
de Grenade, abandonné par son a llié
que la révolte d'un de ses fils occupait
en Afrique , se vit enlever quelques
places , entre autres Algeziras qui ,
malgré tous les cflorts de son souve-
rain , malgré l'artillerie qui la défen-
dait, et les boulets rouges qu'elle
lançait sur le camp des chrétiens,
fut forcée par la disette de capituler
le 26 mars i344 ? après un siège de
vingt mois. Alphonse et Y'ousouf si-
gnèrent une trêve de dix ans ; mais
le premier la rompit l'an -j 5o ( 1 349) ?
et voulant profiter des troubles qui
agitaient la Mauritanie , pour fermer
aux Africains l'entrée de l'Espagne ,
il assiégea Gibraltar. La peste se
mit dans son armée , et il en mourut
le 20 mars i35o. Le roi de Grenade
qui faisait alors des incursions pour
inquiéter les assiégeants, ayant ap-
pris la mort de leur souverain , loin
de se réjouir de cet événement heu-
reux pour l'islamisme, déplora la
perte d'un prince qui savait honorer
le mérite même de ses ennemis. Il
permit à plusieurs capitaines musul-
mans de porter le deuil d'Alfonse ,
et ne troubla point la retraite des
Castillans dans leur marche rebgieuse
jusqu'à Séville , où ils conduisirent
le corps de leur souverain. Yousouf,
malheureux dans ses guerres, mé-
rite , comme législateur , comme ami
des lettres et des arts , un rang
honorable parmi les meilleurs rois
de Grenade. Il établit une méthode
simple et uniforme d'ensoiguemonr.
Il publia des règlements pour ToIj-
5io YOU
servance et le respect de la religion;
sépara les hommes des femmes dans
les mosquées, défendit à celîesci de
faire des acuvaines sans leurs pères ,
leurs e'poux ou leurs frères, les inter-
dit aux lilles, et leurdëfeudil de sui-
vre les enterrements. 11 abolit les as-
semblées nocturnes dans les temples ,
les prières tumultueuses dans les rues
et sur les places publiques; réforma les
désordres, les indécences qui avaient
lieu les jours de fêtes , et prescrivit
de les solenniser avec recueillement
par des actes de bienfais.ince , des
lectures, et des conversations édi-
fiantes. Il prohiba l'or, l'argent et
la soie dans les funérailles, ainsi que
les cris , les lamentations et les céré-
monies superstitieuses. Il permit les
noces et les festins, pour les mariages
et les naissances ; mais il en bannit
la licence et l'ivresse. Il perfection-
na la police de la capitale, pourvut
au bon ordre des marches et à la sû-
reté de chaque quartier qui était fer-
mé le soir , et visité par des rondes
nocturnes. Il publia des ordonnan-
ces sur l'art de la guerre et la dis-
cipline militaire. Il établit la peine
de mort contre les musulmans cou-
pables d'avoir fui devant des enne-
mis, qui n'auraient pas été au moins
deux fois plus nombreux. Il défendit
à ses troupes de tuer les femmes , les
enfants, les vieillards, les malades,
et même les religieux , à moins que
ceux-ci ne fussent pris les armes à la
main. Il interdit le pèlerinage de la
Mekkeetla profession des armes aux
fils de famille , sans la permission de
leurs parents , sinon dans les dan-
gers pressants, pour le second cas.
Il s'occupa aussi de la législation
criminelle : il enjoignit aux juges de
ne prononcer aucune sentence de
mort , si le coupable n'avouait son
crime, ou sans la déposition una-
YOU
nime de quatre témoins. Il établit
des peines pour tous les délits et les
cas de récidive. Knfin, il ordonna
que les corps des suppliciés fussent
laves, ensevelis et inhumés avec la
même décence et les mêmes cérémo-
nies que ceux des autres musulmans.
Ces sages institutions d'un prince
mahomélan, au milieu du quatorziè-
me siècle, honoreraient un monar-
que chrétien dans un siècle plus éclai- -
ré , et chez une nation plus civilisée.
Yousouf fit achever et embellir les
édifices commencés à Grenade. A
son exemple, les grands firent biitir,
et la ville se remplit de maisons , de
tours et de dômes , tant en bois de
cèdre qu'en pienes revêtues de mé-
taux, et dont l'mtérienr était orné
d'or , d'azur et de mosaïques ; et ra-
fraîchi par de belles fontaines. Le
goût de l'architecture fut si général
sous le règne de Yousouf, qu'un au-
teur arabe compare Grenade à une
tasse d'argent pleine d'hyacinthes
et d'émeraudes. C'est à ce prince ,
que Peyron nomme Ahoul Gagegh
(Abou'l Hedjadj ), qu'appartiennent
les inscriptions de la plupart des
monuments qu'il a décrits dans son
Nouveau Foj âge en Espagne, t. i.
Cet excellent prince était dans la tren-
te-huitième année de son âge, et la
vingt-deuxième de son règne, lors-
qu'un assassin obscur le frappa d'un
coup de poignard , dans la grande
mosquée, le i'^^'. chawai ^55 ( 19
octobre i354 ), pendant qu'il célé-
brait la fête du Eeiram ( la Pâque
des musulmans ). On le porta dans
son palais; il expira en y arrivant.
Il eut pour successeur son fils Mo-
hammed ( V. Mehemf.d V ), et non
pas son oncle Abou'l Walid, comme
ledit Cardonne, par erreur. A-t.
YOUSOUF II (AbOU-AbD ALLAH),
onzième roi de Grenade , de la même
YOU
dynastie, succéda , l'an 794 de l'bég.
( 1391-2 de J.-C. ),à sonpère Mo-
Lamraed V , qui l'avait fait recon-
naître héritier du trône. Imitant les
vertus pacifiques de son père, il re-
nouvela la trêve avec Henri 111 , roi
deCastille; mais ses relations avec
les clirétiens , la bienveillance , la
protection qu'il accordait à ceux qui
venaient à sa cour, qui vivaient dans
ses eîals, servirent de prétexte à l'am-
bition de Mohammed, son fils puî-
né', qui, presse' de régner, le fit pas-
ser pour mauvais musulman , pour
infidèle, excita une sédition contre
lui, et fit assaillir son palais. You-
souf était décide à abdiquer et à se
mctlre entre les mains de son fils re-
belle , lorsqu'un ambassadeur du roi
de Fez , son beau -frère, harangua
la multitude, et lui dépeignit avec
tant d'onction les malheurs des
guerres civiles , et les avantages que
les chrétiens avaient toujours retires
des funestes dissensions des musul-
mans , qu'il détermina les mutins à
rentrer dans le devoir, et à faire la
guerre à leurs ennemis naturels. Les
musulmans dévastèrent les plaines de
Murcie et de Lorca , remportèrent
plusieurs avantages sur les Castillans,
et revinrent avec un butin considéra-
ble. Yousouf , qui n'avait pas l'hu-
meur belliqueuse, conclut bientôt une
nouvelle trêve. Elle fut violée par le
grand-maître d'Alcantara , don Mar-
tin de Barbuda , qui périt avec ses
troupes, l'an 798 ( 1895-6 ) , victi-
me de son zèle imprudent et de sa
folle vanité {Foj. Yanez ci-dessus}.
Le roi de Castille ayant desavoue'
cette infraction au traité, Yousouf
satisfait n'en tira aucune vengeance.
Il mourut l'année suivante , après un
règne de cinq ans, et fut enterré dans
le Djenn-al-iirif , auprès de son père
et de son aïeul. A — t.
YOU
5ii
YOUSOUFIIIÇAbou'l Hedjadj),
fils aîné' du précédent, et treizième
roi de Grenade , fut dépouillé de son
pouvoir et renfermé dans la forte-
resse de Schaloubina , par l'am-
bitieux Mohammed VI , son frè-
re puîné , qui s'empara du trône.
Pendant tout le règne de ce piin-
ce , Yousouf habita cette prison ,
où, entouré de sa famille et de son
harem , il jouissait de toutes les
commodités de la vie; mais Moham-
med , au lit de la mort , ayant voulu
assurer le trône à son propre fils,
envoya l'ordre d'ôter la vie à son
frère. A l'arrivée du messager du
roi, Yousouf jouait aux échecs avec
le commandant du château. 11 de-
manda un délai pour dire adieu à ses
femmes, et faire ses dernières dispo-
sitions; mais il ne put obtenir que le
temps de finir sa partie. Avant qu'el-
le fût achevée , on apprit la mort du
roi. Yousouf, échappé à la mort par
cet événement , se rendit aussitôt à
Grenade , et y fut proclamé roi , l'an
810 (i4o8), au milieu des trans-
ports de l'allégresse universelle. Il
conchit une trêve avec la Castille;
mais , ayant voulu la renouveler au
bout de deux ans^ son refus de se re-
connaître vassal et tributaire donna
lieu à une nouvelle guerre, qui coûta
au roi de Grenade Antequcrra et
quelques autres places. L'an 81 4
( 1 4 ï I ) , la ville de Gibraltar s'étant
soumise au roi de Fez, Yousouf la
fit assiéger par un de ses frères , qui
s'en empara et emmena prisonnier le
frère du roi de Fez. Le monarque
africain avait laissé sans secours ,
dans cette place , un frère qui lui
était odieux , et qu'il voulait sa-
crifier. Il envoya des ambassadeurs
au roi de Grenade, pour le prier
de le faire périr. Mais Yousouf,
qui avait été lui-même victime des
522 YPR
persécutions d'un frère ombra-
geux, s'intéressa au sort du prince
africain , et lui prodigua ses trésors
et ses troupes pour Taider à s'empa-
rer du trône de Fez. Le roi de Gre-
nade conserva la paix avec tous ses
voisins jusqu'à la iin de sa vie. Il
maintint son royaume dans un état
florissant; et ses sujets, heureux et
tranquilles, se livrèrent sans crainte
aux douceurs de la vie champêtre. Sa
cour fut l'asile de tous les seigneurs
mécontents de la Castiile et de l' Ara-
gon. Us y vidaient leurs différends en
champ closj et lorsque Yousouf ne
pouvait les accommoder, il assistait
à leurs combats , non comme témoin ,
mais comme médiateur : aussi n'était-
il pas moins aimé des étrangers que
des musulmans. 11 entretenait une
correspondance intime avec la reine-
mère de Castiile , et ils s'envoyaient
réciproquement chaque année des pré-
sents. Cet excellent prince mourut su-
bitement en T 4^3 , après un règne de
quinze ans , laissant pour successeur
son fils Mohammed VII , le Gau-
cher ou le Gauche , que son orgueil
et son insouciance privèrent de l'af-
fection de ses peuples. Avec You-
souf III finirent les beaux jours du
royaume de Grenade ( V. Mehemed
VIII, ou plutôt VII, XXVIIl, 126).
A — T.
YPRES ( Charles d' ) , peintre ,
né dans la ville dont il porte le nom,
florissait au commencement du sei-
zième siècle. Après avoir long-temps
travaillé dans Ypres et les environs ,
il résolut d'aller se perfectionner
en Italie , où il fit une étude parti-
culière de la fresque. 11 recher-
cha la manière du Tintoret qu'il
rappelle quelquefois dans ses ou-
vrages. Celui qui s'en rapproche
le plus est une Résurrection qu'il fit
pour la ville de Tournai , et un Ju-
YPS
gement dernier ^ que l'on voit
dans une église , entre Bruges et
Ypres. Les dessins qu'il a exécutés
sont ordinairement à la plume , et
lavés à l'encre delà Chine; un grand
nombre de ces dessins a été fait pour
les peintres sur verre. Van Mander en
loue fort la composition et la correc-
tion , et il met leur auteur au rang
des meilleurs artistes flamands de
son époque. D'un caractère mélan-
colique et jaloux, Charles d'Ypresi
ne put supporter les plaisanteries!
que ses amis lui faisaient sur sai
femme, et un jour qu'il était réunij
avec eux , il se donna un coup dej
couteau dont il mourut peu de tempsj
après , en 1 564. ^ — s*
YPSÏLANTI ou HYPSILANTIS
(i) ( le prince Constantin ) des-
cendait de Jean Ypsilanti , syndic
des Pelissiers de Constantinople , sou-
che des princes de ce nom , et qui fut
pendu en 1737, par ordre de la
Porte (2). Celui qui est le sujet
de cet article était fils du princ(
Alexandre Ypsilanti , que les Turcî"
appliquèrent à d'horribles tortures
pour le forcer à déclarer les trésors
qu'on le soupçonnait d'avoir cachés,
Il naquit à Constantinople vers 1 760.
Élevé par d'habiles maîtres et pai
son père , le prince Constantin fit des
progrès assez rapides dans les scien-
ces , et apprit à parler et à écrire
facilement le grec , le turc , l'arabe ,
le persan, le français et l'italien.
Étant encore très-ieunc , il traduisit
(t^ M. Pouqueville appelle cette famille Hypsi-
laiitis.
(2) « Janacti Ipsilanti capo dell'artede' Pelliccia
« ri in GosLantinopoli Pro/.io del Piiui ipe Alessan
« dro Ipsilanti, impiccato (1787 ), » dit l'auteu
anonyme des Osseivazioiii sloriche , nalurali e fio
lltiche intonio la Vatachia e Moldai-ia, Napoli_^
1788 , dans une note que M. Pouqueville a *•'»"»"
lé , et qui contient les noms des Grecs et M«>laa
ves qui ont été' mis à mort par ordre de la Porto ,
pour afî'aires relatives aux deux principautés.
r'ortc
m
YPS
sur l'invitation du sulthan Selim , les
œuvres de Vauban en turc , travail
d'autant plus digne d'éloges, qu'il
fut obligé d'inventer les formes tech-
niques qui manquaient à la langue
turque. Ses connaissances profondes
dans les langues arabe et persane , et
dans !a pkipart des langues euro-
péennes , lui firent obtenir le poste
important de drogman, dans lequel
il acquit, sur le divan, plus d'influen-
ce que n'en avait eu aucun de ses pre'-
dëcesseurs. Les reis-effendi n'entre-
prenaient rien dans les alfaires étran-
gères sans le consulter , et ce fut lui
qui contribua surtout à décider la
Porte othoraane à entrer dans l'al-
liance contre le gouvernement révo-
lutionnaire de France. Il fut récom-
pense de ses services par la dignité
d'hospodar de la Moldavie, et , en
1802, par celle d'hospodar de la
Valakie. Il gouverna sagement la
première de ces principautés , et dé-
buta dans le gouvernement de la se-
conde par faire payer aux. janissai-
res l'arriéré de solde que leur devait
son prédécesseur. Ilentreprit ensuite,
à ses frais , la guerre contre les rebel-
les qui s'étaient répandus dans le pays
pour le piller , et accorda des secours
considérables à ceux des habitants
qui avaient le plus soudert de cette
invasion. On assure même qu'à cette
époque (i8o3) , il remit à la provin-
ce une année des impositions qu'elle
était tenue de payer , et qu'il abo-
lit presque entièrement la peine de
mort. Avant lui , les Valakes n'a-
vaient point de lois écrites : ils étaient
régis par des coutumes incohé-
rentes, et que chaque juge inter-
prétait suivant son caprice. Il en ré-
sultait une confusion générale dans
la propriété , parce que d'ailleurs la
sentence d'un hospodar pouvait être
annulée par son successeur, cl que les
YPS
5'i3
procès se renouvelaient et se repro-
duisaient sans cesse. Le prince Cons-
tantin , voulant remédier à de tels
abus, fil rédiger un code irès-succinct,
ou plutôt une instruction pour servir
de règle de conduite aux juges dans
les cas les plus fréquents. La clar-
té, la brièveté et la simplicité qui
régnent dans ce code font beaucoup
d'honneur à son auteur , et ont dé-
terminé les successeurs d'Ypsilanti
à le conserver et à se conformer vo-
lontairement à ses dispositions. En
1806, le divan ayant changé de sys-
tème par suite de l'influence que la
France avait prise sur ses délibéra-
tions , le prince Constantin fut desti-
tué comme trop dévoué aux intérêts
de la Russie , quoique d'après le rè-
glement convenu le 24 septembre
1802 , entre cette puissance et la
Porte othomane , le terme de la con-
tinuation des hospodars dans leurs
gouvernements eût été fixé à sept an-
nées pleines, à dater du jour de leur
nomination. Irrité de sa destitution ,
Ypsilanti parvint, de la Transyl-
vanie où il s'était réfugié , à soulever
contre le sulthan , Czerni-George et
les Serviens, qui venaient de conclu-
re un armistice avec l'empire otbo-
man. De son côté le cabinet de Saint-
Pétersbourg réclama contre l'infrac-
tion des traités subsistants entre lui
et la Turquie , et il réussit à faire ré-
tablir l'hospodar. Mais cette condes-
cendance de la Porte n'ayant pas sa-
tisfait complètement la Russie, qui
avait d'autres sujets de plainte, aux-
quels on n'avait pas eu égard , ses
armées envahirent d'abord la Mol-
davie et ensuite la Valakie. Pendant
celte occupation, Ypsilanti séjour-
na quelque temps à Temeswar , en-
tretenant la mésiutel!ip;ence entre les
Serviens et la Porte. Il se rendit en-
suite à Saint-Pétersbourg , d'où il
5i4 YPS
envoya , en 1808, par un boyard,
une dépêche, et un poignard estimé
trente-cinq mille piastres , au fameux
Czerni-George. Il reprit plus tard
l'admiuistration de la Valakie , et
y joignît celle de la Moldavie ,
de laquelle il fut dépossédé au mois
de mai de la même année , par
le prince Alexandre Prosorowski ,
général en chef de l'armée russe
établie dans les principautés 5 et
cette administration fut confiée au
sénateur- général Kuslinikow, nom-
mé président du divan de la Molda-
vie et de la Valakie. Alors le prin-
ce Constantin quitta pour toujours
l'empire turc , et alla s'établir avec
sa famille à Kiow, où il reçut une
forte pension de la cour de Russie.
Il y vivait dans une sage retraite,
îorsqu'en 1816 il se rendit à Saint-
Pétersbourg , pour y avoir une en-
trevue avec l'empereur Alexandre.
Il fut très -bien accueilli par ce sou-
verain, qui le combla de biens et
d'honneurs. Plein de reconnaissance
et de joie, le prince Constantin re-
tourna à Kiow , au sein de sa famil-
le; mais il n'eut que le temps de l'em-
brasser, et mourut subitement la nuit
du jour qui suivit son arrivée ( 8 ou
2-7 juillet 1816), dans la cinquante-
sixième année de son âge , laissant
huit enfants, dont l'aîné était aide-de-
camp de l'empereur^ et quatre ser-
vaient dans la garde impériale russe.
— Ypsilanti le prince Alexandre),
second fils du précédent, entra de
bonne heure au service de Russie, oii
il parvint au grade d'officier-général.
En 181 4? les Grecs, persuadés par
les instigations des agents de quel-
ques puissances, qii'ils allaient être
bientôt mis en étal de secouer le joug
de fer que les Turcs faisaient peser
sur eux _, quoique les espérances qu'on
leur avait si souvent données à ce
YPS
sujet eussent toujours été trom-
pées , cherchèrent à concerter entre
eux les plans qui pouv.iient amener
un meilleur résultat. Une société, qui
prit le nom de grande synomotie ou
conjuration des hétéristes ou amis ,
fut formée par les jeunes gens les
plus instruits et par quelques-unes des
personnes les plus éclairées de la
Grèce, afin de répandre parmi leurs
concitoyens l'instruction et les dons
de la société biblique , et de com-
mencer la régénération de leur mal-
heureux pays. Les statuts de cette
association avaient été , dit- on , ré-
digés à Vienne , sous les auspices
d'un grand monarque , qui profes-
sait la même religion qu'eux. Le
prince Alexandre Ypsilanti , qui en
fut déclaré chef, chercha à rallier
tous les Grecs à la cause dont il pa-
raissait l'ame ; et il établit le foyer de
l'insurrection en Bessarabie, d'où il
envoyait des émissaires dans les diffé-
rents cantons de la Grèce. Ali , pacha
de Yanina , non moins ennemi des
Turcs que les Hétéristes , et qui de-
puis long-temps aspirait à l'indépen-
dance , ne tarda pas à se lier avec
eux. Il n'avait d'autre but que de
les faire concourir au succès de ses
desseins ambitieux , sauf à briser
ensuite l'instrument qu'il aurait em-
ployé ; et il paraît que les Hétéristes
ne mettaient pas plus de bonne foi
dans leurs relations avec lui, si l'on
en juge par une dépêche d' Ypsilanti,
qui fut interceptée et mise sous les
yeux du tyran de l'Épire, et dont M,
JPouqueville cite des passages remar
quables dans son Histoire de la ré'
génération de la Grèce Elevé , sui
vaut l'usage des soi-disant princes di
Phanal , par des précepteurs qui lu
avaient appris à parler correctemeni
plusieurs langues , Alexandre Yp-
silanti avait combattu dans les rangî
YPS
de Tarmce russe; il avait fait une
partie de la guerre coiilre les Fran-
çais, et il avait perdu le bras droit
à l'afl'aire de Culm. Quoiqu'on ne
puisse lui contester nne certai-
ne bravoure , il paraît qu'il man-
quait de caractère , de talents , et
qu'il se laissait dominer par des per-
sonnes qui méritaient peu deconlian-
ce. Son titre de chef des liëtëristes,
et l'influence qu'on supposait qu'il
exerçait sur les conseils de la Rus-
sie, avaient augmenté le nombre de
ses partisans • mais il était peu capa-
ble de faire réussir le projet diillcile
qu'il avait osé concevoir , celui de
délivrer la Grèce du joug des Otlio-
mans. Le A^oisinage d'une armée
russe le décida à commencer par
le soulèvement de la Moldavie et de
la Valakie, en appelant en même
trmps les Grecs à l'indépendance. Ou
avait formé, assurait-on, une caisse
militaire, composée des dons des prin-
cipaux habitants de Moscou et de
ïangarock, et dont l'elléctif se mon-
tait à plus de cinq millions de francs
déposés à Odessa. Le il\ mars i8'2i,
Alexandre Ypsilanti , qui avait pé-
nétré dans la Moldavieavec quelques
troupes réunies au bataillon des Hé-
téristes , annonça aux Grecs dans
une proclamation datée d'Yassi, et
dans laquelle il prenait le titre de
Récent du gouvernement , que le
temps d'expulser les Turcs de l'Eu-
rope était enfin arrivé. La désappro-
bation formelle du consul de Russie
à Yassi atténua l'effet de celte pro-
clamation. Cependant Ypsilanti fut
rejoint par une multitude de jeunes
gens qui arrivaient en saluant l'au-
rore de l'indépendance de leur pa-
trie ; et il s'avança lentement dans
la Valakie , afin de ne s'y mon-
trer qu'à la tète d'une force im-
posante, pour déterminer en sa fa-
YPS 5'25
veur un mouvement général qu'il
cherchait à faire éclater en exagé-
rant SCS forces et les secours qu'il de-
vait recevoir de la Russie.. La garde
du prince Soulzo , liospodar de Mol-
davie, était passée sous ses drapeaux,
et ses troupes commençaient à pré-
senter l'aspect d'une armée, lorsqu'il
arriva dans les premiers jours d'a-
vril à Kolentina où il établit son quar-
tier-général , dans la maison de cam-
pagne de Bano Ghikas, à une lieue
de Bukharest. Il n'osait cependant
s'avancer, dans la crainte que lui ins-
piraient Théodore Viadimerisko et
Sava, quittent en paraissantpartager
sa haine contre les Turcs , refusaient
de reconnaître son autorité, et avaient
rassemblé des forces auprès de leurs
personnes. Après quelques marches et
contre-marches, Ypsilanti avait por-
té son quartier-général à Tergowist,
poste qu'il semblait avoir choisi plu-
tôt pour se réfugier dans l'occasion
sur le territoire autrichien , que pour
défendre la cause qu'il avait embras-
sée. Cette cause paraissait presque
désespérée , l'infortuné patriarche
œcuménique Grégoire ( V. Grégoi-
re, au Supplément) avait reçu l'or-
dre de la Porte de lancer les foudres
de l'excommunication contre lui et
ses adhérents, et l'ambassadeur de
Russie à Constantinopîe les avait dé-
savoués, lorsqu'une armée turque
pénétra dans les principautés et dé-
truisit à Galatz un corps considérable
d'insurgés. La division commandée
en personne par Ypsilanti n'était ce-
pendant pa s encore entamée ; et , q uoi-
que supérieur en forces à l'ennemi,
ce prince montrait de l'hésitation.
Il se décida enfin à ranger ou à
faire ranger ses troupes en bataille
sur la rive gauche de l'Olta ; après
un combat sanglant, dans lequel la
cavalerie turque , au moyen de son
52G
YRA
cxtrcine stipériorile , extermina pres-
que en entier le corps d'Ypsilanti _,
compose de tout ce que la jeunesse
grecque avait de plus distingue (3).
Le prince se réfugia sur le territoire
autrichien, où il fut arrêté et enfer-
mé dans la forteresse de Montgatz.
Il y resta jusqu'en 1827, époque à la-
quelle il fut rendu à la liberté. Il n'en
jouit pas Ipng-temps, et mourut à
Vienne au mois de février 1828,
dans les Lras de son frère Démétrius,
au moment où il faisait ses prépara-
tifs pour se rendre à Rome. D-z-s.
YRALA ou IRAL4 (i) (Domin-
go Martinez de ) , l'un des conqué-
rants espagnols de l'Amérique, naquit
à Vergara dans le Guipuzcoa , vers
i486. Nous ignorons l'époque pré-
cise de son arrivée en Amérique , où
il se rendit, comme la plupart de ses
compatriotes , pour tenter la fortune
et faire des découvertes. On peut ce-
pendant conjecturer, d'après le récit
d'Azara, que ce fut en i534, et
qu'il fit partie de l'expédition com-
mandée par don Pedro de Mendoza _,
nommé chef de la rivière de la
Plata , et qui partit de Séville le 24
août de cette année. Plein d'auda-
ce et d'ambition , Yrala , dont l'é-
ducation ne paraît pas avoir été
tout-à-fait négligée , ne tarda pas à
obtenir une place distinguée parmi
les aventuriers espagnols. En i536 ,
il accompagna Juan de Ayolas en-
voyé par don Pedro de Mendoza,
pour découvrir lespay s arrosés par le
Rio de la Plata et ])ar ses affluents , et
il partagea toutes les fatigues de cette
YRA
pénible expédition. Les Espagnols
après avoir navigué sur le Parana,
et avoir remonté le Paraguay, péné-
trèrent dans l'intérieur du pays qui
porte ce nom : ils eurent rà y supporter
toutes les misères de la faim , et à
combattre les Indiens. Ce fut alors
qu'Ayolas fit construire la premiè-
re maison de la ville de l'Assomption
( 1 5 août 1 536) ; il remonta ensuite le
Paraguay jusqu'au 21° 5' de latitu-
de, et débarqua le 2 février 1637
dans un endroit qu'il appela Puerto
delà Candelaria (2). Il laissa Yrala
dans ce lieu avec les troisbrigantins et
40 hommes^ en lui donnant Tordre de
l'attendre pendant six mois , à moins
que les vivres ne lui manquassent
entièrement. Neuf mois s'étant écou-
lés sans recevoir de nouvelles d'Ayo-
las, et tous les moyens de pourvoira
sa subsistance étant épuisés , Yrala ,
après avoir , faute d'étoupes, calfate'
ses navires avec les chemises de ses
gens , se détermina à se rendre à l'As-
somption pour s'y ravitadler ,ct il y
arriva vers la fin de 1 537. Il en
repartit bientôt pour se mettre à la
recherche d'Ayolas • il séjourna quel-
que temps dans le pays des Paya-
goas, d'où la faim le fit sortir j et
ce ne fut même qu'en faisant la guerre
aux Indiens qu'i l put se procurer assez
de vivres pour regagner l'Assomp-
tion , où il trouva le capitaine Fran-
çois Ruyz (3) avec quelques navires
en assez bon état. Comme ceux d'Y-
rala étaient tous pourris , et qu'il n'a-
I
(3) Ce corps , qui était vériraWeraent l'élite de
la jeunesse grecque par la naissance , le rang et
l'éducation , avait été nommé le bataillon sacré.
(i)Herrera l'appelle tantôt Domingo Martinez
de Ynila , et tantôt Domingo Martinez de Irala.
Azara lui donne les mêmes noms et prénoms , Ul-
derich Schinidel l'appelle Domingo Martinez de
Ayolas , et Antonio Pinelo , Martin Domingo de
A volas.
(9.) Après avoir fait '■emonter le Paraguay jus-
qu'au 3.1" 5' , à l'expédition commandée par Ayo-
las , Azara ajoute immédiatement qu'alors il dé-
barqua à Puerto de la Candelaria, qui se trouve,
d'après la carte qui accompagne ses voyages, sur
le Parana ; cela ne paraît guère possible , car Ayo-
las aurait eu à descejidre la rivière du Paraguay ,
et à remonter le Parana pour arriver à Putrlo de
la Candelaria , situé sur ce dernier fleuve , et n'au-
rait pu faire un trajet aussi long qu'en beaucoup
de temps.
(3) Azara l'appelle lluiz Galan.
YRA
valt pas renonce au désir declierclier
Ayolas, il s'adressa à Riiyzpoiir obte-
nir la cession de l'un de ses navires ,
à quoi celui-ci consentit, sous la condi-
tion qu'Yrala se reconnaîtrait son
vassal. Craignantd'être massacre par
ce féroce compétiteur s'il n'acceptait
pas cette dure proposition , Yrala se
soumit à tout ce qu'on exigea de lui ,
et se garda Lien de montrer les pou-
voirs qu'il avait reçus d'Ayolas pour
gouverner en son absence , et en cas
de mort, tous les pays qu'il avait le
droit de gouverner lui-même. Avec
le navire mis à sa disposition , Yra-
la se rendit de nouveau dans le pays
des Payagoas , où il eut à soutenir
contre les Indiens plusieurs combats
dans lesquels il perdit une partie de
ses soldats ; il ramena le reste à l'As-
somption dans le plus triste état. Les
nouvelles expéditions d'Yrala pour
de'couvrir le sort d'Ayolas n'avaient
encore produit aucun résultat y lors-
qu'un Indien lui apprit que ce chef es-
pagnol avait été massacré par les
Payagoas. N'ayant pas assez de for-
ces pour entreprendre de venger
sa mort , et ses compagnons l'ayant
élu pour leur chef, Yrala retourna
à l'Assomption. Ce fut à cette épo-
que que l'ordre du roi d'Espa-
gne y pour élire un gouverneur à
la pluralité des voix des conqué-
rants, au cas qu'Ayolas fût mort,
étant arrivé à Buenos- Ayres, les prin-
cipaux capitaines se réunirent à l'As-
somption , et élurent Yrala qui
prit sans contradiction les rênes
du gouvernement. Il les tenait en-
core lorsque_, au mois de mars 154*2 ,
Alvar Nuîiez Cabeza de Vaca se pré-
senta avec des pouvoirs du roi d'Es-
pagne, qui le nommait gouverneur.
Y râla l'accueillit d'abord avec respect
et lui prêta serment d'obéissancejmais
il paraît qu'il netarda pas à chercher
YRA
527
à le supplanter et même à le faire
assassiner. Cabeza de Vaca convain-
cu qu'il ne pourrait jamais gouver-
ner en paix, tant que cet homme
inquiet , ambitieux et peu habitué à
la soumission , resterait à l'Assomp-
tion y chercha à l'occuper ailleurs. Il
mit sous ses ordres trois brigantins
et quatre-vingt-dix hommes , et le
chargea de remonter le fleuve du Pa-
raguay, de s'assurer s'il existait
le long des rives de ce fleuve des peu-
plades avec lesquelles on pût entrer
en relation , et de chercher un che-
min pour communiquer avec le Pé-
rou. Yrala partit de l'Assomption le
20 novembre 154*2 , après avoir
pris avec lui 800 Guaranys j remon-
ta le Paraguay jusqu'à Las Piedras-
Partitas, au 11^ 34% et envoya
de là trois Espagnols et un grand
nombre d'Indiens sous la conduite
du cacique Aracaré, pour voir si
l'on pourrait pénétrer dans le Pérou
de ce côté. Le 6 janvier , il mouilla
dans le lac Yaiba , qu'il appela Pwer-
to de los Befes (Port des Rois) par-
ce qu'il y était arrivé le jour de l'É-
piphanie. En retournant à l'Assomp-
tion , il rencontra un canot qui lui
apportait l'ordre positif de Cabeza de
Vaca, de faire pendre le cacique
Aracaré, que la crainte des Indiens
du Chaco avait déterminé à aban-
donner les Espagnols. Il exécuta cet
ordre en passant, et arriva heureuse-
ment au mois de fév.dansla capitale,
dont un incendie venait de détruire
un assez grand nombre de maisons.
Yrala fit connaître à son retour plu-
sieurs nouvelles peuplades qu'il avait
découvertes dans le Paraguay. Sui-
vant son récit, il s'y trouvait des
terres bien cultivées , et il y avait
des mines d'or et d'argent aux en-
virons de Puerto de los Reyes. Les
Indiens d'Ypané , Garambaré et
528
YRA
Atyra, voulant venger la mort injus-
te d'Aracarc, déclarèrent la même
année (i543) la guerre aux Espa-
gnols, et Yrala, envoyé avec les
brigantinset cent cinquante hommes
pour les soumettre , n'en put venir
à bout qu'après un combat , où
il périt quinze Espagnols et une mul-
titude d'Indiens. Au mois de sep-
tembre i543 , Yrala accompagna
Cabezade Vaca dans une autre expé-
dition ( Foj-. Cabeza de Vaca ) ,
qui ne se termina qu'au commence-
ment de l'aimée suivante. Les offi-
ciers espagnols placés sous les or-
dres de ce dernier nourrissaient
contre lui un vif mécontentement,
parce qu'il s'opposait de tout son
pouvoir à leurs déprédations. En
1545, suivant Herrera , et au mois
d'avril i544 ? suivant Azara ,
ils se révoltèrent ouvertement , et
s'étant saisis de la personne de ce
gouverneur ils le chargèrent de fers ,
et le firent embarquer sur un bâti-
ment qu'ils envoyaient eu Espagne.
Yra!a , qui avait sous main favorisé
leur rébellion , fut élu par eux gou-
verneur , parce qu'on espérait qu'il
fermerait les yeux sur les excès de
tous genres auxquels les Espagnols
se livraient loin de leur patrie. Sur
le même bâtiment qui transportait
en Espagne Cabeza de Vaca , Yrala
lit embarquer Lope de Hugarte, qu'il
envoyait à la cour pour justifier sa
conduite , et pour solliciter la con-
firmation du poste qu'il occupait
iliégalemeiit. 11 s'empara des biens
de Cabeza de Vaca , et les distribua à
ses amis et à ses créatures; mais
comme il connaissait mieux qu'un
autre le caractère des aventuriers
espagnols , il chercha à leur trouver
de l'occupation pour les empêcher
de se révolter; et à faire quelque cho-
se d'utile à sa patrie , afin d'obtenir
YRA
non-seulement le pardon de son usur-
pation, mais encore les faveurs de
son souverain. Il annonça en consé-
quence qu'il se proposait de tenter
de nouvelles découvertes; mais les
oificiersqui avaient renversé Cabeza
de Vaca s'opposèrent formellement à
ce qu'il quittât l'Assomption, et il fut
obligé de renoncer pour le moment
à son projet. Les Espagnols établis
à l'Assomption se trouvaient, à cette
époque, divisés en deux partis, à cha-
que instant })rêts à s'égorger : les uns
s'étaient rangés du côté cL'Yraïa , et
les autres étaient partisans de Juan de
Salazar que Cabeza de Vaca avait
nommé pour gouverner en son nom ,
et que Yrala avait également fait sai-
sir et embarquer pour l'Espagne. 1ns-
truitsde ces divisions, les Indiens tour-
mentés de toute manière par les sol-
dats espagnols qui se livraient à une
licence ellrénée, résolurent de pro-
fiter de la circonstance pour secouer
le joug qui pesait sur eux , et com-
mencèrent ])ar massacrer plusieurs
Espagnols. Pour empêcher que ces
excès ne continuassent , Yrala leva
des troupes , fit alliance avec quel-
ques tribus indiennes , et attaquant
avec vigueur les peuplades qui s'é-
taient révoltées (4) , ^n fit un grand
carnage ( i546) , et leur accorda en-
suite la paix, en leur abandonnant
le territoire qu'elles habitaient pré-
cédemment. Poursuivant ensuite ses
projets de découvertes, il envoya des
officiers qui lui étaient dévoués , pour
visiter le pays des Mayas, avec 4o,
soldats , en promettant de les suivre
bientôt lui-même avec des forces plus
considérables. Les officiers royaux
voulurent s'y opposer encore ; mais
Yrala avait alors si bien établi son
(4) C'étaient les Agaces et les Guaranys
Azara.
livant i_
YKA
autorité , qu'ils furent obliges d'y
consentir. 11 se mit donc en rnarclie
au mois d'août i5^() avec deux cent
cinquante soldats (5), et un nom-
bre considérable d'Indiens auxi-
liaires. Ayant remonte Je fleuve à
une distance de cent lieues , il pene'-
tra dans le pays des Mayas, y lais-
sa pour son lieutenant François de
Mendoza , et s'avança par terre jus-
qu'aux frontières du Pérou. Après
avoir essuyé' des fatigues incroya-
bles , et mis tout à feu et à sang sur
son passage, ses oiliciers, mécontents
de ce qu'il ne les conduisait pas au
Pérou , où ils espéraient s'enrichir
promptement , se révoltèrent contre
lui, et à la suite d'un combat sanglant
le forcèrent àse dèmettredu comman-
dement y et nommèrent à sa place
Gonçalo de Mcndoza avec lequel ils
retournèrent à l'Assomption, par un
auire chemin aussi dilticile que le
premier. Diego de Abrcgo, qu'A-
zara nomme Diego de Abreu, ennemi
Ide Mendozaet son compétiteur , Tat-
tjiqua , et l'ayant fait prisonnier lui
(it trancher la tête. Les oiliciers ré-
voltés se réconcilièrent alors avec
Yrala et l'élurent de nouveau gou-
VjBrneur. Celui-ci attaqua immédiate-
ment Abrego qui lui fut livre , mais
trouva moyen de s'évader. Yrala,
rant plus aucun adversaire à re-
lier, s'occupa d'améliorer le sort
Indiens par des règlements .sa-
li défendit de les maltrai-
E, et lit même pendre le capitaine
lâmargo, procureur des conquérants
spagnoLs , qui avait demandé une
ouvelic répartition des indigènes. La
rainte que lui inspirait toujours le
aractère des aventuriers ralentit ses
onnes dispositions , l'empêcha de ré-
r:mcr leurs excès , et le détermina
iJ] 35o, suivant Azar.i.
YRA 529
même à se retirer à trente lieues de
TAssomptiou , oi^i il laissa pour sou
lieutenant le contador Ph.deCace-
res. La même année (i546) , Diego
de Abrego, qui avait ramassé quel-
ques soldats , ayant tenié de renver-
ser la puissance d' Yrala , celui-ci
marcha contre lui avec un corps de
troupes composé d'un peliî. nombre
d'Es[)agnols et de quatre cents In-
diens de la nation des Yaparmes ,
le mit en déroule , s'empara de lui ,
et le fit mettre à mort. 11 mar-
cha ensuite contre les Mayas , à la
tête de cent cinquante Espagnols et
de trois mille Indiens auxiliaires ;
mais, comme il craignait que ses trou-
pes ne se débandassent pour aller
au Pérou , il rendit une ordon-
nance très-sévère contre ceux qui
tenteraient de s'enfuir. Ayant battu
les Mayas , Yrala se livra tout en-
tier aux soips de son gouvernement,
llerrera lui attribue quelques actes
de tyrannie qui le firent détester par
un grand nombre d'aventuriers. Vou-
lant empêcher que leurs plaintes par-
vinssent ^ la cour, il prit des mesures
pour arrêter toutes les correspondan-
ces , et il envoya en GastUle un régi-
dor chargé de présenter son adminis-
tration sous un aspect 'favorable.
Nous ne parlerons pas ici des divers
combats qu'il eut à livrer aux In-
diens, et dont il sortit constamment
victorieux , parce qu'ils ne produisi-
rent aucun résultat important. En
1548, il envoya Nuflo de Chaves
pour continuer les découvertes dans
les immenses pays qu'il considérait
comme dépendants de son gouverne-
ment, et qui étaient encore inconnus.
Cet officier, arrivé aux Charcas , se
rendit auprès du président de la Gas-
ca , et trahissant ,, dit H errera , celui
qu'il représentait, il lui détailla les
vices de son administration , ainsi
34
53o
YRA
que les moyens lyranniqiies qu'il em-
ployait pour que ses actes arbitrai-
res ne fussent pas connus. Il exas-
péra tellement le président contre
Yrala, que la Gasca nomma pour le
remplacer le capitaine Diego Centeno
(6); mais cciui-ci étant mort eu allant
prendre possession de son gouverne-
ment, et Diego de Sanabria, nou-
veau compétiteur d'Yrala, s'étant
perdu avec deux navires chargés de
troupes et de munitions, à l'entrée
du Kio de la Plata, ce dernier resta
paisible possesseur du poste qu'on
avait voulu bii enlever: il l'occapait
encore, lorsqu'au mois de décem-
bre i55!2 Uldericb Sclimidel(F. ce
nom^XLI, 182) se sépara de lui pour
retourner en Allemagne, sa patrie.
Azara attribue à Yrala la fondation
des villes de San- Juan- Bautista et
d'Ontiveros , et assure que confirmé
parla cour d'Espagne , avec des pou-
voirs extraordinaires , dans le gou-
vernement du Rio de la Plata , il
forma plusieurs peuplades d'Indiens ,
et fonda la ville de Ciudad-Réaî.
Pour faciliter le passage au Pérou ,
il avait au mois d'avril i557 en-
voyé Nuflo de Cbaves avec 220 sol-
dats , des bâtiments et des munitions,
en lui ordonnant de fonder une
ville sur le territoire des Indiens-
Xarayes , lorsqu'il tomba malade à
(()) Schmidel prétend qu'Yrala avait envoyé
Nuflo de Chaves à la Gasca, et que ce fut après
s'être concerté avec lui qu'il donna à ses troupes
ropdi-e de ne pas pénétrer dans le Pérou. Azara dit
la même chose et annonce que Niiflo de Chaves re-
vint à l'Assomption avec plus de quarante volon-
taires espagnols, qui amenaient par terre les pre-
mières brebis et les premières chèvres qui sont
arrivées au Paraguay. Le même écrivain rapporte
dans ses Essais sur Vhhloire naturelie des quadru-
pcdes^ de La province du Paragtiaj, pour prouver la
rareté des chevaux dans ce pays, qu'en i55i Yrnla
acheta au Paraguay , d'Antoine Pa;jado , un che-
val no'r-jayet, marqué en tète , avant une balzane
au pied inontoir , pour quatre mille écus d'or de
4oo maravedis chacun ( environ 43)COo francs ) ,
payables des premiers proHis que procurerait la
conquête, et qu'il donne) pour caution le capitaine
Nuflo de Chaves , et d'autres personnes.
YRA
ia peuplade d'Y'^la; on le ramena
à l'Assomption, 011 il mourut au bout
de sept jours de maladie, àràge de
soixante-dix ans (7). Ce chef, regret-*!
té de toute la colonie, laissa la repu-»
tation de l'un des conquérants espa-
gnols les plushabiîesetlesplus entre-
prenants ;8). Uldericb Schmidel ra-
conte dans la relation de son voyage,
chap. Li ( traduct. espagn. ), que
lorsque Yrala, qu'il appelle Ayolas,
lui accorda la permission de retour-
ner en Europe , il lui donna en mèm«
temps, pour le roi d'Espagne, des
lettres de recommandation , dans les*
quelles il faisait la description d(
toutes les provinces d« Rio de h
Pla ta ^ et le voyageur allemand ajout<
qu'il remit exactement ces lettres (9)
D. Antonio Pinelo en fait mention dani
son Epitome delà Bibliotheca orien
tal j occidental , etc. On peut con-
sulter, sur les actions de Yrala ^ Her-
rera , Décad.v, vi , vu etviii; VHis
toria y descuhrimiento del Rio d
la Plata y Paraguay ^ par Ulde
rich Schmidel; les Voyages dan.
V Amérique méridionale et les Es^
sais sur Vhistoire naturelle des que
drupèdes de la province du Para
guay , de don Félix de Azara. Iles
difficile de concilier ces trois histO'
riens ^ dont les récits sont souvent ui
peu Confus, et présentent quelquefois
des contradictions. D — z — s.
(7] Dans ses Essais sur l'histoire naturelle di
(luadrtipèdes de la province du Pamt^nay , do
Félix d' Azara le fait mourir en i556 ; il ne seraiH
mort qu'en i55r, suivant le même écrivain, V'ora-
ge5 dans l'Amérique méridionale.
(8) 11 déclare dans son testament , qu' Azara
avait vu , qu'il avait eu des enfimts de sept II
diennes qui étaient sœurs.
(()) Voici comment s'exprime Schmidel dans ,
traduction espagnole de son voyage publié
Barcia : « me dio licencia , con mucho honor.
CARTAS PARA EL REI , en que despues de HA
CUENTA DE TODAS LAS PROVINCIAS DEL Rio "
L ^ Plata , pondemba lo que Yo liat'ia servido
e/Zfl.î : HABIENDO LLEGADO A SEVILLA E.VTR|
GUE \0 aUSMO ESTAS CARTAS AL REI, etc.
YRI
YRIARÏE ou IRIARTE (Don
Juan de), savant espagnol, na-
quit le i5 de'cembre 1702 , au
port d'Orotava , dans l'île de Té-
nëriffe. Envoyé à Paris , pour y fai-
re ses e'fudes , il apprit le grec ,
au coilege de Louis-le- Grand , sous
le P. Porce, et fut le condisciple de
Voltaire. 11 se rendit à I.cndres , huit
ans après, y fit une assez longue rési-
dence, et retO'Unartux îles Canaries.
Enfin, il se fixa à Madrid, en 1724.
Sa réputation l'y avait devance' , et
ses connaissances le firent placer suc-
cessivement comme précepteur du
duc de Bejar, du duc d'Albe et de
don Manuel , infant de Portugal. Le
roi Ferdinand VI le nomma, en 1732,
garde de la bibliothèque royale de
Madrid, à laquelle Yriarte ajouta
deux mille manuscrits et plus de dix.
mille volumes. Ce prince lui donna
aussi une place de traducteur-inter-
prète à la première secretairerie
d'état et des dépêches ou ministè-
re des affaires étrangères. Yriarte
fut charge en même temps de la re'-
daction d'un dictionnaire latin -es-
pagnol. Nommé membre de l'aca-
aémie royale espagnole, il futun des
principaux collaborateurs du diction-
naire et de la grammaire de la lan-
gue espagnole , publiés par cette aca-
démie. Il mourut, à Madrid le i3
août 177 1. Ou a de lui : I. Fêlas-
eus et Gonzalides ijigenuarum ar-
tiuîn monumentis consecrati , Ma-
drid , 179.5. II. Regia madritensis
hibliotheca geographica et chro-
nologica , Madrid , 1729. III.
Begia madritensis hibliotheca ma-
thematica , Madrid, i~3o. IV.
Novus artium orhis à Ferdinando
VI rege repertus , Madrid, 1754.
V. Caroli III , régis in regiam
urhem ingressus , ah ingenuis ar-
tibus exornatior, Madrid , 1759.
YBI
53:
VI. Paléographie grecque , Ma-
drid , 17. . . , vol. in - 4<>. VII.
Megice hibliothecœ madritensis co-
dices grœci manuscripti , Ma-
drid, 1769, in-fol. , tome \^^\ ; le
second n'a pas paru. VIII. Gram-
maire latÏTie en vers castillans ,
avec une nouvelle méthode et de
nouvelles observations , et une ex-
plication en prose , Madrid , 177 1 ,
in-4°. , 8«. édition , i8îio, in-S».
IX. Traduction latine abrégée de
la dissertation du P. Martini Sar-
miento, sur l'origine des noms de
l'Escurial , d'Aranjuez et de Bal-
sain. Cette traduction a été insérée
par Casiri , son ami, dans le tome
II de sa Bibliotheca arah. hispan.
Yriarte a donné ses soins, et a con-
tribué à ce dernier ouvrage, dans le-
quel on trouve de lui quelques tra-
ductions en vers latins de poésies ara-
bes ( Foy. Valada). X. OEuvres
choisies en prose et en vers , pu-
bliées par les soins de ses ne-
veux, Madrid, 1774;» 2 vol. in-
4*^. XI. Des Articles littéraires
dans les journaux de Madrid , entre
autres une critique des Lettres la-
tines de Marti , doyen d'Alicante ,
et de la Poétique de Luzan, etc.
XII. Des Epigrammes latines ,
genre dans lequel Yriarte a souvent
réussi. Il a laissé en manuscrit : T.
Histoire des îles Canaries, II.
Bibliothèque des écrivains de ces
îles, III. Bibliothèque générale de
tous les auteurs qui ont écrit sur
VEspagne. On lui doit aussi des
corrections et des additions à la
Bibliothèque espagnole de don Ni-
colas Antonio. 11 a composé les épi-
taphes latines que l'on voit sur les
tombeaux de Ferdinand VI et de
la reine Barbe son épouse. — Ignace
^Yriarte, peintre , né dans la Bis-
caye en i635 , et mort à Séyille en
34..
i32
YP>I
YRI
iG85,fut regarde comme le plus
•^rand paysagiste de son temps. Ses
meilleurs tableaux se trouvent dans
divers cabinets de Sp'ville. A — t.
YRIARTE ( Don Domiisgo de ) ,
neveu de don Juan ( Foj. l'article
précèdent ) , ne' dans l'île de Tenc-
rilïé , en i 'ji\6 , entra de bonne heure
dans la diplomatie. Apres une lon-
gue résidence , comme secrétaire
d'ambassade et charge d'afïaires,
à Vienne et à Paris j après avoir
fait preuve de zè!e et de talents
dans les diverses négociations qui
lui avaient été confiées , il fut nom-
mé ministre plénipotentiaire au-
près du roi et de la république de
Pologne. Il se rendit ensuite à Bâle^
avec le même titre , et y signa , le l'i
juillet 1795, avec M. Barthélémy,
la paix entre le roi son maître et la
république française. Il en revint
malade, et fut obligé de s'arrêter à
Girone, oii il mourut, le l'i novem-
bre de la même année, entre les bras
de l'évêque de cette ville. Il était
chevalier de l'ordre de Charles ITl ,
ministre honoraire du conseil-d'é-
tat, après l'avoir été du conseil
suprême de la guerre, et il venait
d'être nommé à l'ambassade de
France. — Don Bernard de Yriar-
TE , frère aîné du précédent , né vers
1734, se distingua aussi dans les
lettres , les arts , la politique et l'ad-
ministration. Membre du conseil du
roi et du conseil des Indes, et che-
valier de l'ordre de Charles HT , il
était en même temps conseiller de
l'académie royale de Saint -Ferdi-
nand , et il en fut nommé prolecteur
par Charles iV, en mars 179'^. A
l'époque de l'invasion des Français,
il prit j>arti pour Joseph Buonapar-
te , et fut nommé conseiller -d'état
on 1808. Après la rentrée de Ferdi-
nand Vil en Espagne, Y^riartc se re-
tira en France, et mourut à Bor-
deaux le 11 juillet 1814. A — t.
YRIARTE (Don Thomas de ),
célèbre poète espagnol , frère puî-
né des précédents , naquit aussi
dans l'île de Ténérifll'e , vers l'an
1760. Appelé à Madrid par son
oncle don Juan, il y fit de rapi-
des progrès dans les langues ancien-
nes et modernes , fut placé dans les
bureaux du gouvernement, et par-
vint à l'emploi de chef des archives
de la première secrétairerie d'état.
Les loisirs que lui laissait sa place
lui permettant de cultiverles lettres, et
ses premiers essais l'ayant fait promp-
teraent connaître, il fut chargé, en
1771 , de la direction du Mercure
de Madrid ; et ce journal , qui n'avait
guère été jusqu'alors qu'une insipide
traduction delà Gazette A^XdiWà) q ,
devint par ses soins un répertoire d(
documents utiles et agréables. L'étude
approfondie des différentes liltéri]
tures de l'Europe, en lui faisant ap|
précier les défauts du théâtre espai
guol , lui inspira le désir d'offrir
ses compatriotes des compositionJ
plus régulières , et non moins intéi
ressantes que celles qui conservaicnl
le privilège d'attii;er la foule. D«
1769 à 1772^ il avait publié de^
traductions de plusieurs pièces du
théâtre français , le Philosophe mai
jiéàe Destouches ^ V Orphelin de h
Chine de Voltaire, etc. En 17 78,
il lit jouer une comédie en trois acte?
et en vers : El Senorilo mimadc
( l'Enfant gâté ) , qui reçut l'accueil"
le plus flatteur. Détourné de la car-
rière du théâtre par d'autres travaux
littéraires , il n'y reparut qu'en 1 788;
et ce fut pour lui l'occasion d'un
nouveau triomphe. La Sehorita mal-
criada ( la Demoiselle mal élevée )
n'eut pas moins de succès que sa pre-
mière pièce dont elle était comme le
YKl
j)ciidant.Yriarte avait concouru , eu
1781, pour le prix de poésie à l'aca-
deraie espagnole ; mais une Idylle
de Juan JVIelendez Valdez ( V. ce
nom XXVIII, 199) fut couronnée ;
Yriarte , dont la pièce n'avait obtenu
(jue l'accessit, ne souscrivit point au
jugcnient de l'académie, et eut le
tort de laisser percer sa mauvaise
humeur en insérant , dans son jour-
nal , une critique injuste de l'ouvrage
de son rival. Le succès éclatant que
venait d'obtenir son poème de la
Musique aurait dû le rendre moins
sensible à ce léger ëcliec. Ce poème ,
le plusl)eau litre d' Yriarte, avec ses
fables littéraires , est regardé géné-
ralement comme un des chefs-d'œu-
vre du Parnasse espagnol. Il est di-
visé en cinq chants ou livres. Dans
le premier l'auteur traite des élé-
ments de l'art ; dans le second , de
l'expression^ dans le troisième, de la
dignité de la musique et de son em-
j)loi dans les cérémonies religieuses.
Le quatrième renferme des préceptes
sur l'usage qu'on peut faire de cet
oj't dans les fàes et au théâtre ; et en-
lin le cinquième enseigne les ressour-
ces qu'il offre dans la solitude et dans
la vie privée. Au mérite d'un plan
bien conçu, d'une ordonnance simple
et régulière , ce poème joint celui d'ê-
tre écrit dans un style pur et élégant.
L'heureux emploi d'images emprun-
tées à la mythologie , des épisodes
bien choisis viennent délasser delà sé-
cheresse inséparable des détails tech-
niques , et en rendent la lecture très-
intéressante. Yriarte est le premier
Espagnol qui ait publié des fables
originales. 11 s'était préparé à ce
genre de composition par une étude
spéciale des fabulistes anciens et mo-
dernes, et surtout de Phèdre dont il
a traduit quatorze fables. Le titre de
Fabulas literarias que porte son re-
YRÏ 533
cueil , vient de ce que l'auteur ne s'est
attaché dans ses apologues qu'à si-
gnaler les travers et les défauts des
littérateurs, en établissant leurs rap-
ports avec les animaux qu'il a mis
en scène. Avant lui, le P. Cordara
s'était proposé le mt^me but dans
ses satires intitulées : De totd Grœ-
culoram hujus œtaiis litteraturd
( F. Cordara , IX , 5(58). Les Fables
d'Yriarte, suivant Bouterwek ( His-
toire de la littérature espagnole) ^se
recommandent non - seulement par
une diction pure et une versification
élégante , mais encore par une cer-
taine grâce naïve qu'on serait tenté
de croire imitée de La Fontaine, mais
qui est due à une tout autre cause
qu'à l'imitation d'un modèle étran-
ger. Les plus naïves sont celles qu'il
a écrites en Redondilla s ou sur d'au-
tres mètres anciens. Il est cependant
certain qu'elles sont essentiellement
satiriques , et que la naïveté y est pres-
que toujours remplacée par la fines-
se et la causticité- La gloire qu'Y-
riarte s'était acquise par ses travaux
ne pouvait manquer d'exciter contre
lui l'envie. En butte aux attaques
grossières des écrivains les plus mé-
diocres , il s'abaissa jusqu'à leur ré-
pondre. Ce fut un tort d'autant plus
grand , que, malgré l'entière justice
de sa cause , il resta constamment au-
dessous de lui-même dans ces sortes
de combats. Soupçonné de professer
la philosophie anti-chrétienne, il fut
poursuivi par l'inquisition de .Ma-
drid, en 1786, et il eut la ville pour
prison , avec ordre de comparaître
au premier avertissement. La procé-
dure fut instruite en secret; mais,
malgré ses réponses satisfaisantes,
il ne put être entièrement déchargé
des accusations dirigées contre lui ,
et fut déclaré légèrement suspect.
Ayant abjuré alors, il obtint l'abso-
lutioii à huis clos, moyennant une
pénitence qui lui fut imposée , et
qui est resle'e à peu près secrète.
Cet illustre poète , attaque' d'épi-
lepsie , mourut au port de Sainte-
Marie, d'une maladie aiguë, vers
1790 ou 1791 , n'ayant guère que
quarante ans. Outre les deux Co-
médies dont on a parlé, on a de lui :
I. El Don de pentes o la Hava-
Tiera y come'dic en trois actes, non
représentée ou qui du moins n'eut
aucun succès, et plusieurs intermèdes.
II. LaMiisica, poema , Madrid,
1779, grand in-H». , fig. , édition ti-
rée à petit nombre^ ilDid., 1784 ,
grand in-8".- ibid. , 1789, petit in-
4°. ; traduit en italien par l'abbé Ant.
Garzia , Venise, 17H9, in-4^., édi-
tion d'une exécution magnifique ; en
français par Grain ville , Paris , 1 800,
in-i2 ( Voj. Grainville , XVIII ,
275). Cette version fourmille de fau-
tes et de contre-sens. L'auteur d'un
poème en quatre cliants, sur la Mu-
sique, publié en 181 1, cite dans ses
notes des morceaux, de l'ouvrage
d'Yriarte , traduits en vers français,
oij l'on trouve du talent et de la fa-
cilité. Toutefois on attend encore
une bonne traduction française du
poème d'Yriarte : John Bclfour en
a donné une en anglais, 181 1,
in - 8». III. Fabulas literarias ,
Madrid, 178'2 , petit in-4*'. Cette
édition et les deux suivantes ne ren -
ferment que soixante-sept fables* la
cinquième en contient soixante-sei-
ze. Florian a imité plusieurs fables
d'Yriarte. Elles ont été traduites
en vers français par M. Lanos,
Pa
:8oi
et en prose par
M. Lhomandie, ibid., i8o4, in-12.
Elles ont aussi été traduites en alle-
mand par Berterch, Leipzig, 1788,
in- 18 5 en portugais , Valladolid ,
1804? iD-8". j et imitées en vers an-
YRI
glais par John Belfour, i8o4,in-i2
Ces différentes versions ne contien-
nent que soixante-sept fables. M. Joly
( de Salins ) , connu par ses traduc-
tions des fjibles de Phèdre et de Gay
( Voj. ces noms ), vient d'en termi'
ner une du fabuliste espagnol , qui
sera la première complète dans notre
langue. IV. Des Epitres morales. La
huitième est adressée au célèbre Mé-
tasta se, dontYriarte avait reçu une let-
tre flatteuse sur son poème de la Musi-
que. V. Une Traduction aussi cor-
recte qu'élégante de VArt poétique
d'Horace. VI. La traduction en vers
des quatre premiers livres de VÈ~
néide. VII. Des Mélanges critiques
et littéraires en prose. Les OEuvi'es
d'Yriarte ont été réunies sous ce ti-
tre : Colleccion de cbras en verso
r prosa , Madrid , 1787 , 6 vol. in-
8". Outre les ouvrages que nous avons
cités, on y trouve un drame en m
acte, la Libreria ; et un fort lonj
dialogue sérieux - badin , intitidé
JJonde las dan la tomany où il ex-
plique les passages les plus difiicilei
de Y Art poétique d'Horace , e1
juge quelques pièces de poésies du
Parnasse espagnol j le tout précède
de préfaces, et accompagné dénotes
critiques et philologiques. Les ma
tières y sont rangées sans ordre et
comme au hasard. Nous pensons que
l'édition des OEuvres de ce grand
poète , publiée à Madrid , i8o5, 8
vol. in~8o. , doit êfre plus complète
et en meilleur ordie que la précé
dente. Don Carlos Pignatelli a publié
r^/oge historique d'Yriarte. On doit
à M. Joly , que lious venons de citer,
une Notice sur cet écrivain , inséré^
dans le Bépertoire de littérature
dont on s'est servi pour la rédactioi
de cet article. A — t et W — s.
YRIEIX ou YR1ER( Saint)
en latin Aredius , Aridius y uaquitj
YRI
Tan 5 M , à Limoges , d'une famille
très-dislingucc , et fit de grands pro-
grès dans les lettres , par les soins de
Joconde, son père, favori du roi
Thëodebert. Présente lui-même à la
cour de ce prince , il gagna son af-
fection , et devint son chancelier.
Mais après la mort de Joconde il
quitta la cour , renonça aux espé-
rances flatteuses que lui offrait la fa-
veur du monarque, et retourna à Li-
moges , pour consoler sa mère Péla-
gie. Lui ayant confié l'administration
de ses biens, qui étaient très-considé-
rables , il bâtit et fonda le monastère
d'Atane, qui depuis a pris le nom de
son fondateur. II y reçut ceux de ses
serfs qui voulurent le suivre; et il les
affranchit en les admettant à la vie
religieuse. La principale occupation
de ces pieux solitaires consistait à
transcrire des livres , que leur abbé
distribuait aux paroisses voisines
de son monastère. Le 3i octobre
5'j'2, la onzième année du règne de
Sigebert , à qui Limoges apparte-
nait, Yrieix écrivit de sa main son
testament. Dès le commencement , il
déclare que l'acte lui est commun
avec Pélagie, sa mère, saine, com-
me lui , d'esprit et de jugement, et que
tous deux sont maîtres de leurs biens.
Ils instituent saint Martin leur héri-
tier universel , en donnant toutefois
des biens considérables au monastère
d'Atane. Après avoir indiqué en dé-
tail les vases d'or , d'argent et autres
choses précieuses qu'il léguait, en
marquant le prix de chacune, Yrieix
alTranchit un grand nombre d'escla-
ves des deux sexes , mariés et non
mariés. D. Mabillon a inséré dans
ses Analecta , viii , avec la Vie du
saint , cet acte précieux pour l'his-
toire ainsi que pour l'archéologie
de cette époque. Yrieix mourut au
mois de juillet Sgi.On célèbre sa
YSA
535
fête le 25 août. Le monastère qu'il
fonda devint plus tard une collégia-
le de chanoines réguliers. La ville
d'Yrieix , qui s'est formée autour du
couvent, est aujourd'hui chef-lieu
d*un arrondissement du département
de la Haute-Vienne. G — y.
YSABEAU ( Alexandre - Clé-
ment), membre de la Convention
nationale, appartenait à la congré-
gation de l'Oratoire. Il était préfet
du collège de Tours; et, lorsque la ré-
volution éclata,il en adopta les prin-
cipes avec beaucoup de chaleur et de-
vint grand-vicaire de Tévêque cons-
titutionnel de Tours. Plus tard il re-
nonça à la prêtrise, et se maria avec
la fille d'un épicier de cette ville. Il
fut nommé, en 1792 , par le dépar-
tement d'Indre-et-Loire , député à
la Convention nationale. Dans le pro-
cès deLouisXVI , il vota contre l'ap-
pel au peuple , pour la mort , et con-
tre le sursis. Il fit souvent des rap-
ports au nom des comités des péti-
tions et de correspondance,* mais ce
fut surtout dans sa mission de la Gi-
ronde , où il avait été envoyé avec
Tallicn et Baudot, qu'il acquit une
funeste célébrité. Selon le langage du
temps , il y mit la terreur a l'ordre
du jour ( y. Tallien ). On peut ju-
ger des sentiments qu'il professait,
par sa correspondance insérée dans
le Moniteur. Dans une lettre écri-
te de la Réole , le 8 octobre, il
annonçait l'arrestation de l'ex-dé-
puté Duchatel , de Marchienne ,
secrétaire de Brissot, de la femme
de Puisayc , général du roi Buzot ,
etd'un jeunehomme nommé Mahon :
puis il finissait par assurer qu'il tra-
vaillait nuit et jour, ainsi que ses col-
lègues , à purger le pays des scélé-
rats qui y abondaient. Dans une dé-
pêche du 28 octobre, signée aussi
par Tallien , on lisait ces mots :
536
YSA
« La punition des coupables com-
)) menée et ne finira que lorsque les
» chefs delà conspiration auront su-
» Li la peine due au plus grand des
» crimes.* Lavauguyon ( adminis-
» trateur de la marine ) a ete guillo-
» tiuë aux acclamations d'un peuple
» immense, etc. » Tallien ayant été
rappelé' sur l'accusation de mode-
rantisrae , Ysabeau eut recours à de
nouveaux supplices pour se laver du
même reproclie. « Les arrestations
» continuent, ecrivait-il le ii mars
)) I794j et j'ai pris le parti de ne
)) plus relâcher aucun ci- devant no-
w ble,même avec les preuves de pa-
» triotisme mentionnées dans la loi
» du I -y septembre ( style slave ) ,
» parce qu'on peut être aisément
» trompe' sur ces preuves. La guillo-
» tine a fait justice d'un prêtre as-
» sermenle^ coupable de royalisme j
» £.ujourd*hui il y paraîtra une reîi-
» gieuse.... » La fureur d' Ysabeau
s'était d'abord déchaînée contre les
girondins. Prudhomme l'accuse d'a-
voir cherché , par des moyens in-
fâmes, à séduire une petite fille
pour savoir la retraite de Gua-
det. Quoi qu'il en soit , Ysabeau parut
se modérer ensuite. Cetex-oratorien,
assez instruit , mais insouciant et
paresseux, ne s'était comme tant
d'autres jeté que par crainte dans le
parti des jacoloins sanguinaires, après
avoir d'abord embrassé celui de la
révolution par une amb'tion coupa-
ble. Plus occupé de littérature et
des plaisirs de la table que de ses
devoirs de législateur , Ysabeau eut
moins de part aux cruautés qui se
commirent en son nom, qu'un cer-
tain Valette , sou secrétaire. Ce der-
nier s'enrichit tellement ^ en abusant
du crédit de son patron , qu'il acheta
depuis hôtel _, voiture , terres , etc.
Ysabeau, au contraire, ne fit jamais
YSA
fortune. Prudhomme raconte que
Valette lit signer à Ysabeau un
arrêté par lequel une énorme réqui-
sition de sucre, de -café et autres]
denrées coloniales était frappée sur
le commerce de Bordeaux, comme
étant destinée pour la république.
Ce secrétaire, une fois possesseur de
ces objets , les vendit avec un bénéfi-
ce considérable , et tel fut le princi-
pe de sa fortune. Après avoir mérité^
le nom de terroriste, Ysabeau futac-j
cusé de modérantisme. Le comité dej
salut public admit cette denoncia
tion , et il fut rappelé. La journée du
g thermidor (27 juillet 1794), à la-J
quelle il prit part avec Tallien, lui
rendit quelque influence dans la Con-
vention. Une seconde mission lui|
fut confiée dans la Gironde, où,
par une conduite juste et ferme, il
travailla à réparer le mal qu'il avait
fait avec ses collègues. Il fit resti-
tuer aux familles les biens de ses
victimes , et mettre en jugemeni
le }>résideut du tribunal révolu
tionnaire. Ces mesures excitèrent
les mécontentements des révolution^
naires de la Convention ; et Le-
cointre de Versailles provoqua ui
décret portant le rappel d'Ysabeai
( 29 nov. 1794 ). Lié avec les ther-
midoriens, celui-ci parvint à se sou-
tenir dans l'assemblée et même à y
conserver son crédit : il fut élu secre'J
taire le 4 février 1795, et devini
ensuite membre du comité de surete
générale. Lors des mouvements po-
pulaires du 12 germinal an m (i^»'.
avril 1795 ) , il signala les chefs qui
les dirigeaient , et dans divers rap-
ports présentés à la Convention ,
il proposa les mesures à prendrai
contre les terroristes • néanmoins
se rapprocha d'eux vers la fin dt
l'année , signala les émigrés et le^
prêtres comme les deux plus granc" "
YSA.
fléaux de la re'publiqiic , et demanda
leur dcporlation. i\. l'appioclie du
i3 vendémiaire an iv ( 5 octobre
j'jg5), il se déclara contre les
sections de Paris, et quelques jours
après il fit devant la Convention
l'analyse des pièces trouvées chez
Lemaître, agent royaliste. Réélu au
conseil des anciens _, Ysabcau parut
souvent à la tribune comme rappor-
teur de diverses commissions. Il se
prononça fortement en faveur de la
majorité du directoire, à l'époque
du i8 fructidor an v ( 4 septembre
1797 ). Le lendemain de cette jour-
née il insista sur la nécessité de pren-
dre des mesures énergiques qui em-
péchassent les ennemis de la répu-
blique de renouveler leurs complots.
Le ministre de la police Sotin l'ayant
accusé dans ses bureaux d'avoir re-
çu cinquante louis pour solliciter
dans une all'aire, Ysabeau crut devoir
monter à la tribune le 25 novembre
1 797 , afin de se laver de cette im-
putation , et il établit péremptoi-
rement que l'assertion de Sotin
n'était que le résultat d'un malen-
tendu. Le 26 nivôse an vi , il de-
manda des indemnités pour les
accusés qui avaient été acquittés
par la haute - cour nationale , et
s'appitoya sur le sort de ces malheu-
reux que , selon lui, le royalisme
avait tenus pendant dix mois dans
les prisons. Le 4 ventôse (26 février
1798) il proposa au conseil des an-
ciens de tenir séance pour célébrer
Ja fête de la souveraineté du peuple ,
à l'exemple du conseil des cinq-cents.
On le voyait alors présenter ou soute-
nir des motions que rejetait le plus
souvent le parti modéré des conseils.
C'est ainsi que le 8 ventôse ( 26 fév.
1 798 ) il appuya vainement la réso-
lution de tenir les listes civiques élec-
torales ouvertes jusqu'au 3o ventôse.
YSE 537
Dans son discours il parla contre la
liberté de la presse tant redoutée des
despotes révolutionnaires. Il fit en-
suite une longue diatribe sur la cor-
ruption des mœurs de la nation •
puis rappelant les dangers qu'avaient
courus les républicains au 18 fruc-
tidor , il ajouta que si Pichegru n'a-
vait pas compté sur cette profonde
corruption , il n'aurait pas tenté de
s'élever à la dictature sur les cada-
vres des amis de la république.
La résolution fut re jetée comme
anarchique et contraire à la constitu-
tion. Ysabeau fit encore un rajiport
sur la seconde organisation de l'éco-
le des travaux publics instituée en
1795, et qui prit alors le nom d'é-
cole polytechnique. Là se termina
sa carrière législative. A sa sortie du
conseil des anciens ^ il fut nomme
par le directoire cxécutit", substitut
du commissaire du directoire près de
l'administration des postes de Bruxel-
les (10 juin 1798). Lors des événe-
ments de 1814 il occupait à Paris
\m modique emploi dans l'adminis-
tration générale de cette partie du
service public. Ses antécédents po-
litiques lui firent perdre cette place.
Ysabeau mourut pauvre et obscur
à Paris en 1823. D — r — r.
YSBRANDT, voyageur. T. Ides.
YSEMBOUBG (le prince Wolf-
GANG Ernest d'), naquit le 17 no-
vembre 1735, et mourut le 3 fé-
vrier 1 8o3 j après s'être illustré
pendant quarante-trois ans , par une
administration aussi sage que bien-
faisante. Il avait aboli la servitude
dans ses états 5 et , malgré les guerres
cruelles qui y portèrent long - temps
la dévastation, il embellit la ville
d'Olfenbach , sa résidence , et assura
le bonheur de son peuple , en favori-
sant les arts , les sciences , l'agricul-
ture et tous les genres d'industrie. Il
53Î
YU
fat, parmi les princes d'Allemagne ,
un des premiers qui firent la paix
avec Buonaparte; et il la conclut à
des conditions assez avantageuses.
G—Y.
YSENDOORN (Gilbert), pro-
fesseur de philosophie , ne' à Ede ,
dans le Vëlan , le 3 de'ceinLre 1601 ,
fut orphelin de bonne heure, et fit
néanmoins d'excellentes études au
collège d'Harderwick , où il apprit
le latin, le grec et l'hebrcu. Il visita
ensuite, pour acquérir de nouvelles
connaissances, les académies deGro-
ningue , de Franeker , de Leyde ,
puis celles de Sedan et de Saumur
qui étaient al ors très-célèbres. Il passa
deux ans à Paris , s'y occu])ant uni-
quement de l'étude de la philosophie,
et fut reçu docteur dans cette capi-
tale , en i6sio. Il se rendit alors à
Marseille , puis en Espagne et en
Italie. Revenu dans sa patrie , en
1629 , il fut nommé professeur de
philosophie à Deventer , puis à Har-
derwick , où il mourut en j655.
On a de lui : I. Effatorum philoso-
phicorum centuriœ duœ, II. Com-
pendium Icgicœ peripateticœ. III.
Physiologia logica et Elhica pe-
ripatetica. IV. Medulla phjsicœ
generalis et specialis. Z.
YU , premier empereur de la dy-
nastie chinoise des Hia , naquit la
cinquante-sixième année du règne de
Yao (2298 avant notre ère). 11 était
fils de Pé-kouen, l'un des principaux
ofïiciers de la cour de ce prince , et
descendait de l'empereur lioang-li.
T/étendue de ses connaissances que
relevaient encore sa douceur et sa
modestie, lui mérita de bonne heure
l'estime publique. Chun , ayant été
chargé par l'empereur Yao de remé-
dier aux dégâts causés par la grande
inondation , mena Yu dans ia visite
qu'il fit des pays submergés. A son
YU
retour il l'établit intendant des trP
vaux publics à la place de Pé-kouen
son pèrc^ et lui laissa le soin d'or-
donner les mesures nécessaires pour
remplir les intentions de l'emjiereur.
Yu s'acquitta de cette tâche difïicile
avec beaucoup d'habileté. Il élargit
le lit des rivières , leur ouvrit des
passages en
lut des monlaîïues
et les rendit navigables en conduisant
leurs eaux à la mer. Après avoir ré-
tabli les communications entre les
neuf provinces qui formaient alors
l'empire de la Chine , il fut chargé
de les visiter pour en examiner le
sol , et déterminer , d'après leur de-
gré de fertilité , les tributs et les re-
devances de la manière la plus équi-
table. En récompense de ses services,
Yu fut élevé , ainsi que ses deux frè-
res , à la dignité de prince j et l'em-
pereur lui assigna le pays de Hia ,
dont sa famille prit le nom dans la
suite. Chun , à son avènement au trô
ne, nomma Yu son premier ministre,
et le força d'accepter un poste que ce-
lui-ci croyait au-dessus de ses talents.
Quelque temps après , Chun, sentant
ses forces diminuer, jeta les yeux sur
Yu pour le déclarer son successeur ;
mais Yu lui dit : « Je n'ai point les
)) qualités nécessaires pour un rang
» si élevé. Kao-yao (i) estleseul
» parmi les grands , capable de mar-
y> cher sur vos traces. Personne n'a
» mieux servi l'état et n'a su mieux
» gagner le cœur et l'estime du peu-
» pie. Votre choix doit tomber sur
» lui. )) Malgré toutes ses instances ,
Yu fut obligé de céder à la volonté
de l'empereur j et Chun se l'associa
solennellement l'an 22 'iS avant no-,
tre ère. Ce choix eut l'approbatio
générale. Les Yeou-miao , peupl
(i) C'était l'un des principaux officiers de Chuil
et l'un des meilleurs mini&tres que la Chine \
eus à cette époque.
I
YU
turbulent , refusèrent seuls de le re-
connaître , et se révoltèrent comme
ils l'avaient fait à l'élévation de
Ghun. Yu max'clia contre les rebelles,
et parvint à les soumettre sans ré-
pandre une seule goutte de sang.
Après la mort de Ghun ( l'an 22o5
avant notre ère ) , Yu oITrait de
céder le trône au lils de son bien-
faiteur j mais les grands s'oppo-
sèrent à son dessein , et le forcèrent
de prendre les rênes du gouverne-
ment. 11 était alors âgé de quatre-
vingt-treize ans ; et , quoique d'une
constitution robuste , les fatigues
avaient tellement épuisé ses forces ,
qu'il pensa bientôt à se donner un col-
lègue pour l'aider à supporter le poids
des affaires. Il s'associa Pe-y , mi-
lîistre vertueux , dont il avait ap-
précié depuis long-temps la capa-
cité. Les peuples des frontières , à
l'imitation de leurs voisins , ren-
daient un culte superstitieux aux es-
prits malfaisants dont ils se croyaient
environnés. Yu y pour les désabuser^
fit fondre neuf grands vases de métal ,
sur lesquels il fit graver la carte de
chaque province , entourée de ligures
hideuses. Les Chinois s'habituèrent
à regarder ces figures comme celles
des monstres que les barbares avaient
'en vénération, et cessèrent de les
adorer. Sans cesse occupé d'améliorer
le sort de ses sujets, ce prince voulut
encore une fois visiter les différentes
provinces pour recueillir les obser-
vations des sages et remédier aux
abus. Ce voyage, dont il iie devait pas
voir le terme, dura trois ans. A son
entrée dans le pays de Tsang-ou , il
aperçut , sur le chemin , le corps
d'un homme récemment assassiné.
Il descendit aussitôt de son che-
val, et, s'approchant du corps, il se
mit à pleurer , disant : « Que je suis
» peu digne de la place que j'occupe !
YU 539
» je devrais avoir mi cœur de père
» pour mon peuple* et ma vigilance
» l'empêcherait de commettre des
» crimes qui retombent sur moi. »
Quelque temps après ayant rencon-
tré une bande de criminels qu'on
menait en prison : « Hélas I s'écria-
» t-il, sous les règnes de Yao et de
» Chun , les peuples se modelaient
» sur les vertus de ces grands prin-
» ces; sous mon règne, chacun se
» laisse aller à ses propres inclina-
» lions, et ne fait que ce qu'il veut. »
Lorsqu'il eut traversé le fleuve Ki-
ang , on lui présenta une boisson de
riz qu'il trouva bonne ; mais , re-
marquant qu'elle pouvait troubler la
raison , il ordonna que celui qui l'a-
vait inventée fût banni de la Chine à
perpétuité. Ce prince mourut à Hoei-
ki , l'an 2198 avant notre ère, à
l'âge de cent ans. il fut inhumé sur
une montagne à deux lieues de Chao-
hing. Des soldats sont encore au-
jourd'hui préposés à la garde de
son tombeau. D'après les dispositions
de Yu , Pé-y devait lui succéder ;
mais ce prince s'empressa de céder
ses droits au trône à Ti-ki , fils de
Yu. C'est le premier exemple qu'on
trouve dans l'histoire chinoise d'un
fils succédant à son père. Jusqu'alors
l'empire avait été , en quelque ma-
nière, électif ; depuis il fut héréditai-
re. IjCS divers ouvrages que l'on at-
tribue à Yu sur V agriculture et sur
les mathématiques sont supposés.
Le chapitre du Chou-king intitulé :
Yu koung , c'est-à-dire les travaux
de Yu , est , suivant le P. Cibot {Mé-
moires des missionnaires , VIII, i48)
le phis beau monument de l'antiquité
dans ce genre. \JIns.cription qui
porte le nom de Yu , soit que ce prince
l'ait fait graver lui-même, soit qu'elle
aitété placée en son honneur par quel-
qu'un de ses successeurs , est la plus
54o YVA
ancienne de la Chine. Elle existait en-
core sur un rocher du Hou -kouang ,
dans le neuvième siècle de notre ère.
Mais ie rocher s'etant brise, on en
a fait une seconde copie qui diffère
peu de la première, et qui se voit à
présent sur ce second rocher. La Bi-
bliothèque du roi, à Paris, possède
des copies figurées de l'ancienne et
de la nouvelle inscription. La for-
me des caractères de Tiuscription de
Yu est singulière et même unique.
Ils n'ont que peu de rapport avec
les plus anciens caractères chinois
que l'on connaisse , et moins enco-
re avec les modernes. Ce précieux
monument a e'të publie par M. Jos.
Hager ( Foy. ce nom dans la Bio-
graphie des hommes vivants , III,
356), sur une copie envoye'e par
le P. Amiot à la bibliothèque roya-
le, Paris, 1802^ gr. in-fol. Le sa-
vant éditeur l'a fait précéder d'u-
ne dissertation sur les changements
que les caractères chinois ont éprou-
vés , et y a joint, outre les anciens
caractères attribués à Yu et gravés
sur des pierres antiques que l'on con-
serve au collège impérial de Pé-king ,
trente-deux formes des mêmes ca-
ractères tirées d'un ouvrage extrê-
mement rare à la Chme même , et
dont le seul exemplaire que l'on con-
naisse en Europe appartient à' la
Bibliothèque du roi; mais on trouve
sur ce sujet des recherches bien plus
approfondies dans la dissertation al-
lemande de M. Klaproth , intitulée
Inschrift des Yû , Berlin , 1 8 1 1 ,
in-4". W— s.
YYAN ( Antoine)^ fondateur de
l'ordre des religieuses de la Miséri-
corde, naquit à Rians, bourg de
Provence , du diocèse d' Aix , le i o
navembre iS-^ô, de parents pauvres,
mais pieux. 11 n'avait que trois ans
quand son père mourut de la peste ;
YVA
et il ne fut pas atteint de la conta-
gion , quoiqu'il n'eût pas cessé de
partager le lit j)aternel, jiendanttoute
la maladie. A peine âgé de sept ans ,
il prouva son inclination pour l'étu-
de, lorsque, privé, à cause de son
indigence , de l'avantage de fréquen-
ter les écoles, il allait chez les jeunes
écoliers , les conjurer de lui appren-
dre à lire. Si la ])auvreîé de son ha-
bit lui faisait refuser l'entrée de leurs
maisons , il demandait leurs leçons
dans la rue, les payant de quelques
fruits que sa mère lui avait donnés
pour sou dîner. Devenu enfant de
chœur de sa paroisse, il sut s'atta-
cher quelques prêtres qui lui fourni-
rent enfin les moyens d'apprendre à
lire. Après quelques années , il entra
au service des PP. Minimes de Pour-
rières ; et là , porté par sa seule in-
clination, il s'appliqua à peindre et
graver, et apprit seul les éléments d
ces deux arts. De telles dispositions n
pouvaient qu'intéresser ses maîtres^
Ils lui donnèrent les premiers princ*
pes de la langue latine. Forcé par un
disette de quitter le couvent, a prèi
avoir passé dix jours dans un bois
vivre de racines, il se rendit à la pe
tite ville de Pertuis, où, commen-
çant l'éducation de quelques gentils-
hommes , il eut l'occasion d'avancer
la sienne. Il se perfectionna surtout
dans la peinture. Le soin de ses af-
faires lui imposait quelquefois la
nécessité de passer les nuits à l'é
tude; mais il persévéra dans les sen-'
timents et les pieuses pratiques qu'il
avait pris aux Minimes de Pourriè-
res. Son indigence l'ayant contraint
de quitter Arles , 011 il s'était rendu
pour faire sa philosophie , il alla ï
Avignon , où César de Bus le recul
avec joie dans la congrégation de \i
Doctrine chrétienne, récemment fon
dée. Mais comme on ne voulait Too
YVA
cuper qu'au service domestique ,
il la quitta , et devint précepteur à
Carpciitras , où il fréquenta le collè-
ge. De Carpentras il YiiH à Lyon où
il resta peu, parce que l'emploi de
maître d'écriture ne lui laissait pas
assez de loisir pour l'étude ; et il re-
tourna en Provence, où il fut enfin
ordonne prêtre, à l'àgc de trente ans^
en 1606. Il se rendit alors à Rians ,
pour consoler et soulager la vieil-
lesse indigente de sa mère. Là il ne
rougit pas de la modeste fonction de
maître d'ëcole. Ses supérieurs , édi-
fies de ses vertus , lui donnèrent des
emplois plus dignes de sou zèle et de
ses talents. Ils le nommèrent à la cu-
re de Verdire , d'où il passa bientôt
à celle de Gotignac. Ses sermons
e'taient suivis, quoique simples et
composes sans prétention. Quelqu'un
lui persuada d'y mettre plus d'étude,
et d'y observer un peu plus les règles
et h politesse du langage. 11 écouta
ce conseil; puis, se reprochant com-
me une faute cette concession faite
à la vanité , il consulta un saint prê-
tre qui l'animait à la vertu , se dé-
mit de sa cure, et se fit ermite. Après
avoir passé neuf ans dans la soli-
tude , ii alla s'établir à Aix , et
s'y livra au ministère et à la pré-
dication. Ses sermons attirèrent un
si grand nombre d'auditeurs, que
l'église se trouvant trop petite, il fut
obligé de prêcher au deliors. Le cé-
lèbre Gassendi se faisait un devoir
d'y assister ; et il devint l'apologiste
le phis zélé du prédicateur. Les ver-
tus et la charité d'Yvan éclatèrent
surtout dans cette ville , quand elle fut
aiîîigée par une peste violante. Enfin
il entra chez les PP. de l'Oratoire. Le
précis rapide d'une vie qui offre tant
de vicissitudes montrerait un homme
inconstant et léger, et non un prêtre
vertueux et simple, si nous ne de-
YVE
54
vions pas dire que, dans toutes ses
démarches, il céda aux inspirations
de !a Providence et de la plus arden-
te charité. L'année i633 offre l'épo-
que la plus remarquable de sa vie
apostolique. Il forma alors, avec le
secours de Marie - Madeleine de la
Trinité, l'ordre nouveau des reli-
gieuses de N.-V. de Miséricoj^de ,
dont la pierre fondamentale fut Mû-
deleine Martin , dite de la Trinité.
Le but principal de l'institut était de
recevoir toutes celles qui se présen-
teraient avec une véritable vocation j
et c'était l'objet d'un quatrième vœu.
La congrégation fut approuvée sous
la règle de saint Augustin , et s'éten-
dit principalement dans le midi de
la France. Les religieuses furent aus-
si établies à Paris par le célèbre ab-
bé Olier. Celle fondation appela le
P. Yvan dans la capitale ; et ce fut à
Paris qu'il mourut, le 8 octobre
i653. La fin de sa vie fut éprouvée
par des infirmités graves. On peut
consulter son Éloge , par le P.
Léon, carme, in- i'2j sa Vie, par
Gilles Gondon , in - 4^*. ; ses Let-
tres et surtout sa Vie, par l'abbé
de Montés, Paris, 1787, in-12.
Le P. Yvan avait composé diffé-
rents livres de piété, écrits avec une
extrême simplicité , entre autres :
Conduite à la perfection dire tien-
ne,al d'autres ouvrages, dont le re-
cueil a été publié par le P. Léon et
par Gilles Gondon. B — c — e.
YVAN - BEHUDA. Foy. Yanez
DE LA BaRBUDA.
YVER (Jacques) , sieur de Plai-
sance, gentilhomme poitevin, naquit
à Niort en i52o. Piqué du reproche
que les Italiens faisaient aux Fran-
çais de n'être que de serviles imita-
teurs dans leurs ouvrages, il publia,
en 15714 , un roman intitulé le Prin-
temps d' Fuer, qui coniient cinq his
l^^'i
YVE
toires discourues par cinq journées^
en une noble compagnie au châ-
teau du Printemps. Le livre est
dédie aux belles et vertueuses de-
moiselles de France , en faveur des-
quelles ayant la main trop faible
pour tenir la plume de cjgne , il
prit la plume dun passereau. On
y trouve une imagination assez vi-
ve , des situations intéressantes _, de
l'aisance et de la facilite dans le
style, et un ton de conversation bien
soutenu. Les vers qui suivent ce ro-
man n'ont pas le même mérite. Yver
se proposait de publier d'autres ou-
vrages, lorsque la mort le surprit à
la fleur de son âge. T — d.
YVES ( Saint ) , évêque de Char-
tres , naquit dans le Beauvoisis , de
parents nobles, et reçut ses premières
leçons à l'abbaye du Bec , sous le fa-
meux Lanfranc. 11 avait déjà acquis
une grande considération en 1078,
puisque, à cette époque, ce fut par ses
avis que Guy , évoque de Beauvais ,
fit bâtir , dans un faubourg de cette
ville , un monastère destiné à former
une communauté de chanoines qui ,
par la régularité de leur conduite ,
rappelassent toute la discipline de la
primitive église. Le jeune Yves avait
observé que la plupart des chanoi-
nes s'étaient beaucoup relâchés dans
leurs mœurs ; et, lorsqu'il eut réussi à
communiquer ses projets à son évê-
que , il se décida à embrasser la vie
religieuse, et fut lui-mcme un des
fondateurs et des premiers modèles
de cette abbaye de Saint-Quentin de
Beauvais, si célèbre par la sévérité
de la discipline et la régularité des
mœurs. Il lui donna la plus grande
partie de son patrimoine, pour aug-
menter sa dotation j et il y enseigna
les sciences humaines et sacrées ;
enfin pendant quatorze ans il gou-
verna cette maison avec tant de suc-
YVE
ces , que l'on venait de tous c6té5
lui demander des conseils et des
disciples pour fonder de nouveaux
chapitres , ou pour réformer les an-
ciens (i). C'est de là qu'il fut tiré,
en 1091 ,pour être élevé sur le siège
cpiscopal de Chartres. Le clergé et
les fidèles l'avaient unanimement élu ]
le pape avait consenti à son élévation,
et le roi Philippe lui avait donné le
bâton pastoral eu signe d'investiture.
Cependant l'archevêque de Sens ayant
refusé de le sacrer , Yves se rendit à
Rome, avec les députés de Chartres j
et le pape Urbain II le sacra évêque.
L'archevêque , irrité y assembla un
concile à Etaropes ; Yves, accusé
d'avoir offensé le roi en s'adressant
au pape, et d'avoir violé les droits
de l'Église gallicane, fut déposé, et
son prédécesseur rétabli. Urbain II
annula la procédure, confirma Yves
dans la possession de son siège, et
interdit l'usage du pallium à l'ar-
chevêque. L'évêque de Chartres
jouit ainsi paisiblement de la di-
gnité épiscopale, et ses vertus au-
tant que ses lumières l'eurent bien-
(i) Cette maison de Saint-Quentin envoya di-
verses colonies , sur la demande des évêques, fon-
der de semblables ëtablissoments de la vie com-
mune , et voilà pourquoi Yves est regarde' coinmc
un des plus illustres réformateurs de l'ordre cano-
nique ; mais mérite-l-il le titre de restaurateur des
chanoines réguliers de Saint-Augustin ? Vincent de
Beauvais, Onui>hre , saint Antonin et autres, le
lui donnent ; TLomassin le lui refuse. Au lecteur
curieux d'étudier ce point remarquable de la vie
d'Yves , nous indiquons spécialement le chapitre
quatorze du second tome de V Histoire des or-
dres moncistiqties d'Hélyot. Tous prétendent qu'Y-
ves fut le premier abbé de Saint-Quentin ; il fant
donc , ou qu'il ait pris l'habit ailleurs, ou que ce
couvent ail été formé d'une association tionvelle ,
et alors on pourrait conclure que l'abbaye de
Saint- Quentin était chef-lieu de congrégation.
Néanmoins Godescard dit qu'Yves y prit d'abord
l'habit, et n'en devint supérieur que quelque temps
après. Pendant qu'il y demeurait il enseigna pu-
bliquement la théologie et expliqua l'Lcritnre
sainte; de là lui est venu le titre de maître et de
docteur. De cette école sortirent de savants sujets
qui remplirent même des sièges épiscopaux. Il p""
raît que ce fut dès ce temps qu'Yves commença à
publier divers écrits remarquables jiar l'érudition ,
et qui étendirent au loin sa réputation. B — C E.
YVE
tôt réconcilié avec ceux qui s'é-
taient laisse entraîner à des pré-
ventions contre lui. Mais de nou-
velles tribulations Tatlendaient : le
roi Philippe , voulant répudier la
leine Berllie, de laquelle il avait
deux enfants, et épouser Bertrade,
troisième Icnime du comte d'An-
jou , demanda l'avis des évê-
ques. Yves , invité à la conférence
dans laquelle on devait délibérer sur
une question si délicate , détour-
na couraejeusement le roi , et refusa
d'aller à Paris, où les noces illégiti-
mes devaient cire célébrées. Piidip-
pe , entraîné par sa passion , épousa
Bertrade, Ut mettre Yves en prison,
et piller les terres de son église. Le
pape, instruit de ce qui se passait,
écrivit aux évêques de France. Yves,
qui craignait que ces lettres n'oc-
casionnassent des mouvements sé-
ditieux contre Philippe, empêcha
qu'elles ne fussent publiées; et la
ville de Chartres se disposant à pren-
dre ' les armes , pour délivrer son
évèqiie , il s'y opposa , ne vou-
lant point devoir sa délivrance à
de pareils moyens. Le roi , afin de
faire approuver son mariage , avait
convoqué un concile à Reims , pour
le 1 8 septembre 1 094; Yves , sachant
bien qu'il ne pourrait parler libre-
ment , refusa de s'y rendre. Cepen-
dant il assista , en i oqS , au concile
de Clermont, que le pape Urbain II
présida , et se trouva encore , en
I io4 , à celui de Beaugcnci , qui fut
présidé par un légat apostolique,
chargé d'absoudre le roi Philippe.
II voulut ainsi mettre en usage tous
les moyens de rappeler le monarque
à ses devoirs. Voyant to"tes ses pei-
nes inutiles , il regretta les jours de
paix et de bonheur qu'il avait passés
dans le cloître, et il pria le pape
d'accepter sa démission. Le pontife
YVE 543
s'y refusa en disant qu'à la vérité
l'épiscopat n'était point nécessaire à
Yves, mais qu'Yves était nécessaire
à l'épiscopat et à toute l'Église, qui ne
pouvait plus se passer de ses servi-
ces. Cependant, après tant de peines
et de tribulations, le saint prélat eut
la consolation de voir son souverain
réconcilié avec l'ilglisepar l'absolu-
tion de son excommunication que lui
donna Lambert, évêque d'Arras,
délégué par le pape. Yves avait eu
une grande part à cette réconcilia-
tion , et elle ajouta beaucoup à sou
crédit dans tout le royaume (2). Phi-
lippe élant mort le 11 juillet 1108,
Yves conseilla de sacrer au plus
tôt son fils Louis, parce que l'on
craignait quelques seigueurs, dont ce
jeune prince avait réprimé les vio-
lences. L'autorité;, l'expérience de
(•>.■) Après la mort d'UiLaîn II , saint Yves adop.
ta des principes de douceur et d'indulgence , qui
semblent fort opposc's ù ceux qui J'avaieut dirigé
jusqu'alors ; mais ils ne furent sans doute que le
résultat de grandes reflexions et de hautes considé-
rations que lui inspira le désir de ramener la paix
dans le royaume. Les lettres qu'il écrivit au pape,
à cette époque , en sont la preuve , notamment
celles qu'il adressa à Pascal If. Ce fut probable-
ment par ces lettres que le pontife se décida à ac-
corder aux évêques les aut' risalions nécessaires
pour donner l'absolution à Philippe et à Bertrade.
Alors Berthe , première femme de Philippe,
n'existait plus. On découvrit que Foulques, comte
d'Anjou, avait épousé Bertrade du vivant d'une
première femme qu'il avait répudiée ; de là on
voulut bien conclure que son mariage avec Ber-
trade étiiit nul, et, pour terminer cette désastreuse
afiaire, ou admit le divorce entre lui et Bertrade.
Par ce moyen tout fut concilié, et l'excommuni-
cation fut levée dans l'assemblée des évèques te-
nue à Paris le 3o novembre i io4. C'est ce qui doit
paraître surprenant, après tous les scandales et tous
les débats qui eurent lieu pendant les douze an-
nées qui virent les papes, le roi et les évèques de
France se combattre nmluellemeut , les uns pour
rompre me union illégitime , les autres ponr la
conserver malgré les peines ecclésiastiques qu'on
leur infligeait. Mais ce qui est plus étonnant enco-
re , c'est que Philippe et Bertrade se rendirent
ensuite auprès du comte Foulques d'Anjou , et en
furent reçus avec les plus grands Iionneurs. Phi-
lippe vécut peu d'années après la fin des troubles
dont il avait été l'instrument; et Bertrade, fatiguée
de toutes les agitations et de toutes les tribulations
qui avaient tourmenté son existence , se retira
dans le couvent de Hautes-Bruyères , au diocèse
de Cliartres , où elle se lit religieuse , et où elle
lermuia ses jours.
H-îS.
r>44 YVE
l'evêque de Chartres firent impres-
sion j ou suivit son avis, et le sa-
cre se fit à Orléans , par le minis-
tère de l'archevêque de Sens , as-
sisté de plusieurs cvêques , parmi
lesquels se trouvait saint Yves.
La cérémonie n'était pas encore
achevée , quand les députés de
l'église de Reims arrivèrent avec
une protestation. Yves écrivit à
ce sujet une lettre circulaire adressée
à l'Église romaine et à celhî de Fran-
ce; il y faisait voir que le sacre du
roi Louis ne pouvait être attaqué
par aucun motif pris dans la raison,
dans la coutume et dans îa loi. A
cette époque la question de l'investi-
ture était vivement agitée j Yves, ta-
ciiaut de tenir un sage milieu, s'af-
fligeait de voir Fautorilé séculière
e.'npiéter sur les libertés de l'Eglise ;
d'un autre coté, il blâmait les ecclé-
siastiques qui méprisaient l'autorité
temporelle, et qui donnaient l'exem-
ple de la désobéissance. Ce prélat
mourut le 23 décembre 1 1 15 , après
avoir occupé avec gloire le même
siège pendant vingt-trois ans. Il fut
enterré dans son monastère de Saint-
Jean en Vallée , près de Chartres ,
qui était une espèce de colonie de ce-
lui de Saint-Quentin. Son corps y
resta jusqu'au seizième siècle _, épo-
que à laquelle les Calvinistes le dé-
terrèrent pour le brûler, et jetèrent
ses cendres au vent. Cependant Go-
descardditquc l'on conserve à Char-
tres , dans une châsse, les reliques de
saint Yves (3). Quoique sincèrement
attaché au siège apostolique, Yves
n'oublia jamais ce qu'il devait à son
roi ; et les tribulations n'ébranlèrent
[V' Gtidescard est dans l'fm-iir. Tous les iiiamis-
crits>i»llesleut qu'il fut iuipossihlt; de reconnaître les
rclji|i!es ou ossements de saint Yves, lurs des re-
cberc'ics qn<' l'oii en fit dans les dûconibres de ce
a[)ri » le d'
par
di's huftaenots. II- N.
YVE
point sa fidélité. Le zèle qu'il dé-
ploya en faveur des mœurs et de la
religion, coutre le mariage illégitime
de Philippe l''^. , l'a fait accuser in-
justement d'un trop servile dévoue-
ment à la cour de l\ome. Son coura-
ge , dans cette circonstance impor-
tante, toutes les persécutions qu'il
subit, et auxquelles il s'était volon-
tairement exposé, ne pouvaient avoir
d'autre but, et n'eurent pas d'au-
tres résultats que le triomphe de
la religion et des bonnes mœurs (4)-
On peut comparer le rôle que saint
Yves remplit alors dans l'Egiise de
France, par son zèle, sa fermeté et
son savoir, au rôle que saint Ber-
nard y joua un peu plus tard, et
à celui que notre grand Bossuet
a rempli naguère avec tant d'hon-
neur. Au milieu de ces persécutions
et de ces utiles travaux , saint Yves
ne négligea rien de ce qui pouvait
illustrer son épiscopat. Déjà, sous
Fulbert, un de ses prédécesseurs ,
les écoles de Chartres avaient acquis
une grande célébrité ; saint Yves mit
tous ses soins à y ajouter encore. Il
choisit pour les diriger les plus ha-
biles professeurs , tels que les deux
Bernard, Vulgrin , Hugues de Char-
(4) Philippe et Bertrade , non contents d'avoir
prive saint \ves des revenus de soi) évèché, le ré-
duisirertt à un tel état de dénùment et de misère,
qu'il ne lui resta pas même de ])ain. Peu satisfaits
de cet abus de leur pouvoir, ils le firent empri-
sonner par le funeux Hugues du Pniset, vicomte
de Chartres , qui, trop fidèle ministre de leur ven-
geance , osa emmener le saint evèque de Chartres
dans son château de Puiset, on il le retint étroite
inent jusqu'en io()4 , sans humanité et sans aucun
égard pour sa haute dignité et ses éminimtes ver-
tus f P'oyez PuiSET , au Supplément ). Tous
les faits et tous les détails qu,i concernent le
divorce de Philippe Jc^. aven lîerlhe, et le ma-
riage avec Bertrade de Monlfort, qui en fut la
suite, sont du plus haut intérêt, et se tx-ouvent
développés avec le soin et l'éteudue les plus désira-
bles d.ms l'excellente dissertation deO.Brial, sons
le titre d'Exanien critique d-'s liisLoriens t/iii ont
parlé du divorce de Philippe I". , lu à l'Institut le
5 inillet i8o5, et inséré dans le tome XVI du Re-
,iit:il l'es hisl. (.'e< Gaules , iRi'i , in-fol. , p. .g.
aS et suiv. H— N.
\
YVE
très , Samson de Mauvoison, qui fut
depuis archevêque de Reims , et
autres non moins célèbres. Son église
cathédrale n'était pas encore termi-
née j il ne se contenta pas de l'ache-
ver sur le plan tracé par ses prédé-
cesseurs , il eu augmenta beaucoup
les embellissements. Il reçut de la
munificence de Mathilde, reine d'An-
gleterre, des cloches, qui se firent en-
tendre les premières , depuis l'incen-
die du 7 sept. 1020. C'est à cette occa-
sion qu'il adressa à celte princesse sa
belle épître 142. 11 fit construire à
ses frais le superbe jubé qui séparait
la nef d'avec le chœur : ce jubé,
dans lequel fut depuis élevé le trône
où Henri IV , rayonnant de gloi-
re , apparut au peuple chartrain
lorsqu'il reçut l'onction sainte en
lÔQ?!- , fut détruit en 1763 ,
pour faire place à de nouvelles dé-
corations. C'est sous le même
^piscopat , vers l'an 1 080 , que
l'église de Chartres fut ornée du
magnifique portique méridional qui
■fait encore aujourd'hui l'admira-
tion des artistes et des antiquai-
res , et que l'on doit à la généro-
sité de Jean Cormier , dit le Sourd,
médecin du roi Henri I^'^., et l'un,
des plus savants hommes qui aient
pris naissance dans la ville de Char-
tres {F. Cormier, au Supplément).
Le pape Pie V permit aux cha-
noines réguliers de l'église de La-
tran de célébrer, le 20 mai, la
fête de saint Yves, Sa Fie , écrite
par le P. Fronteau, génovéfain, pa-
rut à la tête de ses OEuvres , Paris,
1647. Elle a été réimprimée à Ham-
bourg, 1720, et à Vérone, 1733.
On remarque , dans la collection des
OEuvres de saint Yves : I. Le Décret
ou Recueil de règles ecclésiastiques
qui y tient la première place. Avant
lui ^ Isidore de Séville et Bur-
LI.
YVE 545
chard de Worms avaient fait une
collection de canons et d'épîtres
décrétales ( Vojez Burchard , VI ,
285 ) ; mais ils avaient oublié d'ex-
traire les passages qui ont rapport à
l'Eucharistie. Ce mystère ayant été
vivement attaqué par Bérenger, dans
le siècle ou vivait Yves , ce prélat
ajouta à son Décret l'indication des
lieux qui servent à établir la préseû'
ce réelle. Son Décret est divisé en
dix-sept parties. Dans la seconde ,
il traite fort au long du sacre-
ment de l'autel , de la sainte com-
munion, de la célébration de la
messe ; d'où il passe aux autres sa-
crements. Dans la cinquième partie,
il étabht la primauté de l'Église ro-
maine et les droits des métropoli-
tains et des évêques. Ce Décret pa-
rut d'abord à Louvain, i56i,in-ibl.
On allait en donner une autre édition ;
le P. Fronteau, qui l'arrêta , revit le
texte sur d'excellents manuscrits des
abbayes de Saint Victor et de Saint-
Germain, d'après lesquels futpubliée,
avec des notes savantes , l'édition
indiquée ci-dessus ( Voy. sur cette
édition l'article Souchet , XLIIl ,
167 ). II. La Pannormie (5) _, qui
est une collection de canons et de.
décrets divisée en huit parties ,
et qu'Yves semble avoir composée
avant son grand Recueil, parut d'a-
bord à Baie , en 1 499 , in-4^. ; et à
Louvain, en i557, in-80. III. Les
Lettres d'YVes , au nombre de deux
cent quatre-vingt-huit , imprimées
d'abord à Paris , 1 ^^^ , in-4^. , et
(5) Baillet dit que Pannormia est un mot hjbri-
de. Il pense que l'auteur aurait miepx fait de iijpt-
tre Pannom'ut, du nioips le P. Possevin périme
qu'il faut lire ainsi. Alors il viendrait évidemment
de IlaV et de Noj^OÇ , et ce qu'il coqtient jus-
tifie cette e'tymologie. Mais ne peut-on pas diVe
que Je mot Patinorinie est formé du mot grec tlàv
et du mot latin Norma ? Les exemples de ces sor-
tes de compositions ne sont pas rares , et le sens
est le même. B — c — E.
35
546 YVE
itiio, in-8o. , formentle second tome
des OEuvres publiées par le P. Fron-
teau. Duchesne a inse'ré , dans ses
Historiens de France , celles qui ,
au nombre de cinquante - cinq ,
ont rapport à Thistoire de France (6).
Les autres sont également précieu-
ses , parce qu'elles servent à ëclair-
cir notre histoire ecclésiastique. Quel-
ques - unes concernent le mariage
de Philippe avec Bertrade. Elles
sont adressées au roi lui-même et à
tous les évêques que le prince avait
invités à ses noces. Yves ayant été
jeté en prison, ses diocésains vou-
laient se soulever et attaquer Hu-
gues , vicomte de Chartres , qui avait
fait l'arrestation par ordre du roi :
le prélat les conjura de rester en
paix, étant bien résolu de mourir en
prison^ plutôt que d'être la cause de
quelque trouble. Le pape 'Urbain II
ayant fait aux évêques de France
de vifs reproches , sur ce qu'ils
abandonnaient ce généreux pontife ,
Yves, à qui le paquet fut adressé, le
retint, craignant que son contenu
n'occasionnât quelque soulèvement
dans le royaume. Parla Lettre 28^.,
il répond au roi Philippe, qui lui
avait enjoint de venir le trouver ou
à Chaumont ou à Pontoise , avec les
troupes qui formaient le contingent
de l'évêché de Chartres. Le saint évê-
que prie le prince de lui permettre
de ne pas obéir : « Je ne pourrais ,
(6) La cinquième qui est adressée à Adèle, com-
tesse de Chartres , femme puissante et impérieuse,
avait long-temps présenté des incertitutîes : saint
Yves y reproche avec beaucoup de prudence et de
modération à cette princesse la protection qu'elle
accordait à ylilrilais sa cousine germaine, qui vivait
en adultère avec Guillaume. Quel était ce comte
Guillaume? saint Yves ne le désigne pas, et les
commentateurs de ses oeuvres n'avaient pu le dé-
couvrir ; mais D. Brial l'a entrepris dans ses Be-
cherches historiques pourparvenir à l'intelligence de
la cinquicme lettre d'Yves de Chartres , insérées
au tom. 3, pag. 56-71 de l'Hist. et Mém. de l'ins-
titut royal , classe d'hist. et littér. anc. , et il ne
doute pas que ce ne soit Guillaume de Breteuil.
H-N.
YVE
» lui dit-il, me dispenser de vous
» parler de ce mariage que vous
» avez contracté avec Bertrade,
» que vous gardez, malgré la dé-]
i> fense du pape; je ne serais point"
» en sûreté dans votre cour, où
» j'aurais pour ennemi un sexe
» qui ne sait point pardonner ,
» même à ses amis. » La Lettre 189^
est une circulaire relative au sa-1
cre de Louis-le-Gros. Yves y avance
que l'on avait eu raison de sacrer roi
celui à qui le royaume appartenait
par droit d'hérédité , et qui depuis
long -temps avait été unanimement
élu par les évêques et par les grands
du royaume; qu'aucune loi ne fixait
à Reims le sacre de nos rois; que,
sous la première race, les enfants de
Clotaire I^^. n'avaient reçu ni béné-
diction ni couronne de l'archevêque
de Reims ; que , sous la seconde dy-
nastie, Louis^ fils de Louis-le-BègueJ
avait été couronné à l'abbaye d<
Ferrières ; qu'Eudes avait été saci
par Gauthier, archevêque de Sens
Raoul à Soissons, et Louis d'Outre
mer à Laon ; que, sous la troisièn*
race, Robert avait été sacré à Ov
léans, et Hugues (7), son fils, i
Compiègne ; que , quand même l'égli
se de Reims aurait eu , d'après ui
privilège particulier , le droit de sa
crer nos princes , cela n'aurait pc
avoir lieu dans les circonstancej
présentes , l'archevêque n'étant poini
intronisé, et un interdit ayant été
jeté sur la ville; qu'enfin le sacre ai
Louis ne pouvait se différer sans
compromettre le bonheur du royau-
me et la paix de l'Église. La Lettre
202 contient un refus très dur à une
demande assez bizarre de deuxpeaui
d'hermines que lui avait adresséij
(7) Ce prince, couronné en 1017, à Compiègnej
mourut avant le roi Robert, son père; son frèr
Henri fut sacré à Keims. G-
YVE
le roi Louis-le-Gros. « Il ne sied pas
» à la majesté royale, repondit le
» prélat , de demander aux evêques
» des ornements qui ne servent qu'à
» la vanité; et il sied encore moins
» à un e'vêque de les donner à un
» roi. Je n'ai pu lire sans rougir la
» lettre par laquelle vous me les
» demandez ; et j 'ai eu peine à croire
» que vous l'ayiez e'crite. ...» Les
usages du temps , et la situation du
clergé de France à cette époque,
peuvent seuls faire comprendre un
tel langage de la part d'un évcque à
son souverain. Les Lettres ^33 à 238
contiennent, sur la grande question de
l'investiture, des principes sages, éloi-
gnés de toute exagération. Yves ne
cherchait pointa excuser le pape Pas-
cal II qui avait conféré le droi t d'inves-
titure à l'empereur Henri V; mais ,
ajoutait-il. ce pontife ayant été forcé
par la nécessité, il n'appartient qu'à
Dieu de le juger. Du reste , il croyait
que l'investiture , à laquelle préten-
daient les autorités temporelles, était
une usurpation sacrilège, mais qu'il
fallait la tolérer quand il y avait
à craindre de plus grands maux.
Dans plusieurs autres lettres , Yves
répond à des cas de conscience qui
lui ont été proposés. Il jouissait
d'une telle considération dans l'Église
de France et au dehors , que les evê-
ques et les ecclésiastiques le consul-
taient de toutes parts. Les réponses
qu'il donnait prouvent sa sagesse et
l'étendue de ses connaissances. IV.
Vingt-quatre Sermons sur les princi-
paux mystères de la foi, sur les gran-
des fêtes de l'Église , sur l'Oraison
dominicale, sur le Symbole des apô-
tres et sur les autres objets de la
religion. Ils avaient d'abord paru à
Cologne, i568; à Rome , iSgi ,
in- fol. ^ et dans la Bihl.yatr. , Paris,
1647. ^* ^^ Micrologue ou observa-
YVE 547
tionssur les rites et offices ecclésias-
tiques, parut à Paris, en 1 5 1 0, in-4^.,
et 1527, in-24; à Rome, iSgo^à
Anvers, i565 , in-S*^. , à Cologne ,
l558 ; dans la Bibl. patr. y enfin
dans l'édition générale du P. Fron-
teau. On peut diviser le Micro-
logue en deux parties : la premiè-
re concerne la célébration de la
messe , et la seconde les différentes
pratiques de l'Église romaine à l'é-
poque où vivait saint Yves. Il ne se
contente point d'y rapporter la litur-
gie et la lettre des cérémonies , pra-
tiquées dans la célébration des offices
divins j il en donne encore des rai-
sons mystiqties , qui en général sont
très-solides. Il avait puisé dans les
livres liturgiques, écrits par saint
Grégoire , par Amalaire et par d'au-
tres anciens. Il cite à la vérité les
fausses Décrétales , soit dans le Mi-
crologue , soit dans ses Lettres, soit
dans son Décret , soit dans sa Pan-
normie ; mais il fonde surtout ses
décisions sur l'Écriture sainte , sur
les canons des conciles , sur les té-
moignages des Pères , et sur les lois
civiles. Les questions de morale, de
droit et de discipline , y sont tou-
jours sagement résolues. Yves s'y
montre aussi savant canoniste que
profond théologien, mêlant dans ses
décisions la douceur à la sévérité , et
laissant à ceux qui le consultaient li-
berté entière de préférer leur senti-
ment au sien. Ayant écrit à Alde-
bert, évîque du Mans, luie lettre
qui pouvait offenser ce prélat, il lui
en adressa depuis plusieurs autres qui
sont pleines d'affection , d'estime et
de respect, cherchant ainsi à effacer
les premières impressions qu'il pou-
vait avoir produites. Quelques-unes de
ses lettres sont adressées aux évêques
d'Angleterre , et l'on voit qu'outre-
mer on ayait pour lui ia même con-
548
YVE
sidëration qu'en France. Dans ses
écrits , Variilas cite souvent Yves de
Cliarlres- c'est ce qui a donne lieu
au volume publié sous ce litre : Es-
prit d'Yves de Chartres, Paris,
Auisson, 1701 , in-i2 , devenu ra-
re, et qui a été attribué à Lenobie,
mais que Barbier a restitué à Varii-
las. liCS citations de ce livre éclair-
cissenl beaucoup de faits importants.
On peut encore consulter sur saint
Yves : i'*. l'article qui lui a été con-
sacré par D. Cellier dans son His-
toire des auteurs sacrés ^ 2°. V His-
toire Littéraire de France par les
bénédictins, tome x, page 102, et
tome XI , page 257 -, 3°. Les BoUan-
distes, tome xv , page i\^.
G — Y et H — N.
YVES-HÉLORl ( Saint ), pa-
tron des gens de loi , né le 1 7 octo-
bre 1^53 , au manoir de Ker -Mar-
tin , sur la paroisse de Menelii , lors-
que Jeanl*^*'., dit le Boux, était duc
de Bretagne, sortait d'une famille no-
ble et distinguée du diocèse de Tré-
guier. Le clievalier Tanoic ou Tan-
crède , son aïeul , s'était acquis beau-
coup de réputation dans les armes.
Son père se nommait Fleelor ou He-
lori, d'où il est appelé lui-même
Yves-Hélori , et sa mère Azo du
Kenquis ( en français Duplessis ).
Il étudia la grammaire dans son
pays , et son premier maître fut un
prêtre vénérable qui lui inspira le
goût de la piété, en même temps qu'il
le forma aux sciences. Le jeune
Yves répondit à ces soins , et s'il s'a-
vança dans les lettres , il fit des pro-
grès encore plus rapides dans la sa-
gesse et la piété. Envoyé à Paris dès
l'âge de i4ans^ il y passa dix ans
pour faire un cours de pbilosophie
et de tliéologie , et un autre de droit
civil et canonique. Voulant se perfec-
tionner dans le droit , il alla à Or-
YVE
léans , et il y étudia les D^crétales
sous Guillaume de Blaye , depuis
e'vêque d'Angoulême , et les ïnstitu-
tes sous Pierre de laChapelle, depuis
évêque de Toulouse et cardinal. A
Orléans, comme à Paris , la vie d'Y-
ves-Héloii fut celle d'un anachorète
austère, plutôt que d'un étudiant dis-
tingué par son rang , ses richesses
et ses succès. Ses jours étaient parta-
gés entre l'étude et les exercices de
piété; et comme ils ne sujïisaient pas à
l'une et à l'autre, Yves y consacrait
aussi une partie des nuits ; le som-
meilqu'd s'accordait, il le prenait sur
la terre couverte d'un peu de paille.
Il s'interdisait l'usage du vin et de
la viande , et les pauvres , déjà l'ob-
jet de sa prédilection , recevaient le
fruit de ses épargnes. Il était diffi-
cile que la conduite d'un jeune
homme qui vivait aussi saintement ,
qui visitait les hôpitaux , qui ne par-
tageait en rien la dissolution de ses
condisciples, ne produisît pas une im-
pression profonde ; aussi l'exemple
de saint Yves gagna-t-il k la vertu
plusieurs libertins , qu'il retira du
désordre. On lui offrit des par-
tis honorables , pour l'engager à
se marier; mais il les refusa tous ,
prétextant qu'il regardait comme
incompatible avec ie mariage une vie
consacrée à l'étude , telle qu'était la
sienne, ce qui, .^u fond, se trouvait
vrai; mais la véritable raison qui le re-
tint fut le vœu de chasteté qu'il avait
fait secrètement, et qu'il garda avec
tant de fidélité. D'Orléans , il se ren-
dit à Rennes, où , suivant l'usage du
temps, il étudia le quatrième des
sentences ( Fojez Lombard ), et
l'interprétation de la Sainte-Écritu-
re, sous un pieux et savant religieux
franciscain. La fréquentation et l'a-
mitié de ce cordelier, qui passait
pour un saint , ajoutèrent encore à
YVE
h ferveur d'Yves-He'Iori^ et ce fut
à cette époque qu'il embrassa l'état
ecclésiastique, ce qu'il projetait de-
puis long-temps. La réputation de
piété et de vertu qu'il s'était faite,
détermina Maurice , archidiacre de
Rennes, à lui procurer l'emploi d'of-
ficial dans cette ville. Il se distingua
dans ces fonctions par son zèle et sa
droiture , mais il ne changea rien à
son genre de vie pénitente , quoique
son oiïicialité lui valût cinquante li-
vres de revenu , somme alors de quel-
que importance. Dégoûté des Ren-
iiois qu'il trouvait trop litigieux ,
suivant Albert-le-Grand, ou trahi
par sa réputation qui le lit envier et
décrier par son propre évcque , sui-
vant les autres historiens , Yves quit-
ta la Haute-Bretagne et s'en retourna
au diocèse de Tréguier. L'éveque ,
Alain de Bruc , charmé de posséder
un trésor qui lui appartenait plus qu'à
personne, nomma aussitôt Yves à la
place d'oiïicial ; ainsi le saint changea
simplement de tribunal et non d'of-
fice. Il ne changea pas non plus de
conduite; et non-seulement on eut
toujours à louer en lui le même esprit
de justice et de pénitence; mais encore
le diocèse vit les mœurs du clergé
réformées par ses soins. Sous Geof-
froi de Tournemine , successeur d'A-
lain , il continua de gérer Tofficialité
avec le même zèle. Son affection était
surtout pour les pauvres et les veuves
dont il plaidait les causes avec tant de
soin et de charité qu'il fut appelé l'«-
i^ocat des pauvres, qualité plus chère
pour lui que les titres d'honneurs usi-
tés dans le monde. Il n'éta it pas encore
prêtrequand il vint à Ticguier. Alain
de Bruc l'éleva au sacerdoce, et le
nomma recteur de Tredrez. Dès qu'il
eut reçu l'ordination , Yves quitta
les fourrures de son ancienne dignité,
qu*il n'avait gardées que pour se
YVE
54o
conformera l'usage; et voulant dire
un adieu solennel à tout ce qui pou-
vait sentir la vanité , il alla dans
l'hôpital de la ville, où il donna son
chaperon , sa robe , sa fourrure et ses
bottes à quatre pauvres, et se retira
nu-tête et nu-pieds (i). La charité
fut toujours sa vertu de prédilection ;
et s'il menait un genre de vie extra-
ordinairement austère , les pauvres
gagnaient tout ce qu'il se retranchait
à lui-même ; leur compagnie faisait
ses délices; sa maison de Ker-Martin
était un véritable hôpital où il rece-
vait les indigents et les malades aux-
quels il rendait quelquefois les ser-
vices les plus pénibles. 11 leur lavait
lui-même les pieds, pansait leurs ul-
cères, les servait à table , et souvent
mangeait leurs restes. Il leur distri-
buait ce qu'il avait avec une tellepro-
fusion, que la charité peut seule excu-
ser l'excès de sa bienfaisance. Dans le
même temps ilmontaitenchaireavec
le zèle d'un apôtre, et l'on a remarqué
qu'un jour il prêcha la passion eu
sept églises diOérentes. Son ardeur à
réprimer les abus , suivant les de-
voirs de sa place , lui mérita les plus
grossières injures des chicaneurs ,
qui l'accablaient de malédictions.
Le pieux avocat repoussa tou-
jours les propos des méchants, et
n'écouta jamais que sa conscience.
En qualité d'oiïicial de Tréguier , il
s'opposait à ce que le roi de France
levât sur cette église le centième et
cinquantième des biens meubles de
l'évêqueet du chapitre,nejugeantpas
(i) Nous entrons à dessein dans ces de'tails;
et peut-êlre serait-il intéressant d'ajouter, pour
montrer et l'esprit et les usages du temps, que
les habits dont Yves se revêtit dans la suite,
furent une éf/Uoge de bure, une robe à grandes
manches , sans boutons , et un chaperon pour se
couvrir la tète , qu'il tenait toujours baissée ; le
tout simple, grossier et de couleur blanche. Il
prit de gros souliers hauts et altachés avec des
courroies, comme en portaient les Cisterciens e! les
IJouiiuicaiiis. Baillet appelle celte chaussure des
sandales.
>5o
YVE
qu'il eût ce droit, quoique le roi pre'-
tendît peut-être avoir obtenu le con-
sentement du pape et dese'vêques (2).
Mais cet homme si zélë pour la con-
servation des biens de l'Eglise mon-
trait une sorte d'indifférence pour les
siens , maigre le saint usage qu'il en
faisait. En un mot , toute la vie de
saint Yves fut une vie d'apôtre j elle
fut partagée entre l'ëtudc , la prière
et le service du prochain. Il avait
sans cesse à la main le livre de la Sain-
te-Écriture, et il en savait tirer à
point nomme tous les avis et exem-
ples nécessaires à ceux qui le consul-
taient. Il portait aussi toujours sur
lui une hostie consacrée dans une
boîte d'argent , que lui avait donnée
une dame de Rostrenen. Ce trésor
e'tait pendu sur sa poitrine. Dès
le temps de ses études à Paris , il
avait commencé à s'abstenir de
viande , et à Orléans , il renonça à
boire du vin y mais quinze ans avant
sa mort , ses austérités redoivblèrent,
et sa vie changea totalement. Ce fut
par ses soins que Ton reconstruisit
presque en entier l'église cathédrale
de Tréguier (3). Geofî'roi de Tour-
nemine, pour récompenser le zèle
d'un homme qui avait gouverné si
saintement Tredrez pendant huit ans ,
le nomma recteur de Lohanec , l'une
des principales cures du diocèse.
Yves la régit pendant dix années, au
bout desquelles il mourut le diman-
(«) Il ne peut s'agir ici du droit de regale ; d'ail-
leurs la Bretagne n'était point alors unie directe-
ment à la couronne. Suivant Denisart, les e'vèques
de cette province n'ont été soumis par arrêta la ré-
gale qu'en i5p8; et, suivant d'Hériconrt, par ar-
rêt du 18 avril ■6v,4 , la régale devait avoir lieu jus-
fju'à ce que le nouvel évèque eût fait enregistrer
le serment de iidélité en la chambre des comptes,
à Paris.
(3) Comment néanmoins concilier cette construc-
tion avec celle qui eut lieu, l'an i3;ip, à moins
qu'on ne dise que saint Yves , comme un autre
David, prépara seulement les matériaux. Il n'est
pas probable cependant que ce soit cela que l'his-
torien ait voulu dire.
YVE
che après l'Ascension, l'an i3o3,
ayant reçu les sacrements de l'Égli-
se. Sa mort arriva le 19 mai, qui est
aussi le j our oii son nom est inscrit au
martyrologe romain, et où Ton chôme
sa fête dans les diocèses de Breta-
gne, et autres églises. On célèbre de
pkis sa translation, le 29 octobre (4).
Les Bretons sollicitèrent vivement sa
canonisation. Le duc Jean de Mont-
fort , guéri miraculeusement par l'in-
tercession de saint Yves , fit lui-
même le voyage d'Avignon , afin
de solliciter cet honneur pour son
compatriote. Enfin , Clément VI le
canonisa le 19 mai 1347. On a en-
core le sujet des discours prononcés
en cette occasion solennelle. Entre
autres le franciscain Jourdain de La
Court, évêque de Trivento , dans l'A-
bruzze , crut avoir fait merveille en
prenant pour texte ces paroles de
la première épître de saint Pierre :
Qu'Héloï ( Dieu ) soit honoré par-
tout. C'est par erreur de fait qu'il
croyait qu Héloï était le nom du
saint prêtre , au lieu d'Hélori j et
encore notons ici que le surnom de
saint Yves n'était pas ffélori , mais
de Ker- Martin; et, si nous l'avons
(4) C'est aussi le 27 octobre qu'on fait la fête
de saint Yves, dans 1 ordre de saint François, par
décision d'un chapitre général. C'est une ques-
tion à décider entre les hagiographes, si saint Yves
a été du tiers-ordre de saint François. Baillet en
rit et semble le nier, s'appuyant sur le P. Pape-
broch , qui regarde comme incertain qu'Yves ait
pris l'habit à Qnimper, comme le veulent les Fran-
ciscains. Appuyé sur la même autorité du jésuite ,
Godescard regarde celte agrégation comme dou-
teuse. Oserons-nous dire que nous sommes d'un
avis contraire? Il est vrai que dom Lobineau n'en
dit rien : mais est-ce peu que l'avilorité des chro-
niques des frères-mineurs , et la tradition de l'or-
dre ? D'ailleurs Albert-le- Grand le dit positive-
ment, et fait prendre à saint Yves l'habit, non à
Quimper, mais à Guingamp, ville du diocésede Tré-
guier, ce qui est (-.lus probable. Les couvents des
Cordeliers de Guingamp et de Quimper ont été
fondés , le premier l'an i?.83 , celui de Quimper
l'an I9.32 ; saint Yves a pu prendre l'habit de tier-
çaire dans l'un et l'autre. Ou trouve qu'il a prê-
ché à Quimprr , et l'on sait que le tiers-ordre fut
établi par saint François lui-même.
YVE
nomme Hëlori dans cet article , ce
n'est que pour nous conformer à l'u-
sage des biographes. II signait
à la vérité Yvo Helorii de Ker-
Martin ; mais Helorii n'était ici
qu'un hellénisme fréquent, surtout
dans la basse latinité, et tenait lieu
de filius Helorii. L'université fon-
dée à Nantes , par le pape Pie II ,
en i46o , l'avait pris pour pa-
tron. La confrérie des juriscon-
sultes de Gand était aussi dévouée
à saint Yves , que les légistes de
plusieurs provinces ont pris pour
patron , plutôt que pour modèle ,
dit malicieusement , après Fournel ,
un avocat breton , IM. de Ker-
danet. Le même observe que l'on ne
connaît guère que saint Yves , dans
l'ordre des avocats, qui ait obtenu les
honneurs de la canonisation ( Voj.
EoBERTi, XXXVIII, 218 ). En-
fin, il rapporte , d'après Moréri , que
le roi faisait une pension à saint Yves
qui avait paru avec éclat au barreau
de Paris ^ sous le règne de Philippe-
le-Hardi : magister Yvo sex dena-
riis per diem. La vie de saint Yves
a été donnée par Pierre de La Haye
Kerhiiigant , Morlaix, 1628 , fran-
çais et breton , séparément ; elle se
trouve aussi dans le recueil des Bol-
kudistes, dans Surius, etc. B-c-e.
YVES DE PARIS naquit dans
cette ville en i5g3 , et y fut d'abord
avocat. Bientôt dégoûté du monde ,
il se fit capucin , et ne s'occupa plus
pendant tout le reste de sa vie que
de jeûnes , d'austérités , de prédica-
tions , et de la composition de divers
écrits , savoir : I. La Ccnduite des
religieux. II. La Théologie natu-
relle. III. Les Pratiques de piété ,
et \es Amours divins. \N. lue?, Maxi-
mes et morales chrétiennes . V. Le
Gentilhomme chrétien.YJ. U Agent
de Dieu dans le monde. VIL Les
YVE
55i
Fausses opinions et vaines excuses
du pécheur. VÏII. Le Magistrat in-
tègre. IX. Heureux succès de la
piété et triomphe de la vie reli-
gieuse. L'auteur, ayant prodigué
dans ce dernier ouvrage des louan-
ges excessives aux religieux de tous
les ordres , et ayant traité le clergé
séculier avec beaucoup de mépris ,
fut condamné par le clergé de Fran-
ce ; mais cette censure ne fut point
publiée. Cependant Yves la reconnut
et donna des éclaircissements qui pa-
rurent satisfaire les réclamants. On
lui attribue un autre écrit publié
sous le voile de l'anonyme , avec ce
titre : Astrologiœ nova methodus
Francisci Allaei , Arahis christia-
ni , Bhedonis ( Rennes) , 1 654-55 ,
trois parties in-fol. Cette édition, im-
primée aux frais du marquis d'As-
serac , fut brûlée à Nantes par la
main du bourreau ( Voy. Peignot,
Dictionnaire des livres condamnés
au Jeu , II , 2o5 ). Elle est très-re-
cherchée des curieux; mais on ne
fait aucun cas de la réimpression pu-
bliée sous la même date , ni des édi-
tions postérieures, parce qu'on en a
retranché les prédictions relatives
aux divers états de l'Europe, les-
quelles avaient été cause de la con-
damnation de l'ouvrage. Ce volume
est divisé en trois parties : la pre-
mière, précédée d'une dissertation
intitulée Sors auctoris , contient As-
trologiœ nova methodus ^ 1 2 pag. ;
la seconde, Fatum universi ohserva-
tum , 4o pag.; enfin la troisième ,
datée de i655 : In librum defato
universi disceptatio P. Ivonis , 26
pages. De ce que le P. Yves a
pris la défense du Fatum condamné
au feUjLeibnitz a conclu que tout l'ou-
vrage lui appartient , et qu'il s'est
caché sous le nom à'Allaeus , parce
qu'il avait devant les yeux l'exemple
'>5'î
YVO
de deux astrologues condamnes ré-
cemment aux galères. Ce livre est
e'crit d'une manière bizarre et diffu-
se , comme tous ceux du même au-
teur. Yves mourut en lô-jS , à l'âge
de quatre-vingt-cinq ans , dont il
avait passe soixante chez les capu-
cins. W — s.
YVON (Pierre), Tun des disci-
ples de Labadie ( F. ce nom , XXIII,
3), était né , vers i64o, k Montau-
ban. Il connut ce visionnaire dans le
temps qu'il exerçait en cette ville le
ministère évangélique. Ayant embras-
sé ses erreurs , il le rejoignit en Hol-
lande , et partagea tous les dangers
auxquels l'exposa sa manie de pro-
sélytisme. Après la mort de Labadie
( 1674) j Y von lui succéda sans obs-
tacle dans la direction d'une secte
peu nombreuse^ et qui ne pouvait
pas recevoir un grand accroissement.
En i6y8 , il s'établit, avec ses par-
tisans , à Wiewcrt dans la Frise , sur
l'invitation des demoiselles de Som-
melsdyck, à qui cette terre apparte-
nait. Elles étaient quatre sœurs. Y von,
dans la suite, en épousa une, et par
ce mariage devint seigneur de Wie-
wert. On ignore la date de sa mort.
Parmi ses ouvrages , assez nombreux
et dont quelques-uns ont été traduits
en hollandais et en allemand, les
deux plus connus sont : I. Impietas
convicta tractatibus duohiis, in quo-
rum priori , existentia Dei, ut om-
nium veritatum prima et certissima
clarè stahilitur; in secundo , Scrip-
tura defenditurah impio libro Spino-
sœ , oui tilulus : Tractatus theolo-
gico-politicus , Amsterdam^ 1681,
in-80. ( F. Spinosa, XLIII, 325 ).
11. Le Mariage chrétien, sa sain-
teté et ses devoirs selon les senti-
ments de l'Église réformée, retirée
du monde, Amsterdam, i685, in-
12. Suivant Bayle, ks conditions
YVO
qu'Yvon impose aux gens mariés
sont plus difficiles à remplir que
celles du célibat ( Yoy. Nouvelles de
la république des lettres , novembre
i685). W-s.
YVON ( l'abbé ) , littérateur mé-
diocre , était né , vers 1720, dans la
Normandie. Ayant embrassé l'état
ecclésiastique, il vint à Paris, où
Diderot et d'Alembert l'associèrent
à la rédaction de \ Encyclopédie, Il
fournit à la première édition de ce
dictionnaire les articles ame y athée,
Dieu, etc. , dans lesquels on crut re-
trouver des traces du penchant de
l'auteur pour le matérialisme. On le
soupçonna d'avoir eu part à la fa-
meuse Thèse de l'abbé de Prades
{F, ce nom , XXXVI, i ). Naigeon ,
dans ses Mémoires sur Diderot, ap-
puie les bruits qui, lors de la publica-
tion de cette thèse, en signalèrent
Yvon comme l'un des rédacteurs ( i );
mais Palissot les dément d'une ma-
nière formelle (Voy. Mémoires de
littérature ). Suivant l'auteur de la
comédie des Philosophes, qui l'avait
connu particulièrement , l'abbé Yvon
était un théologien philosophe , en-
nemi de la superstition , mais plein
de respect pour cette morale bien-
faisante qui tend à rapprocher tous
les hommes, et qui est l'essence mê-
me de la religioo. Obligé , pour se
dérober aux persécutions et à la mi-
sère, de faire à ses supérieurs quel-
ques sacrifices de complaisance, il
écrivit quinze Lettres {1) à Rous-
seau , en réponse à celle que l'auteur
d'Emile avait adressée à Tarchcvê-
que de Paris. Cette preuve de zèle ,
(i) Cette fameuse T/ièie, dit Naigeon, dont l'ab-
te' de Prades et un certain abbe' Yvon , qui ne va-
lait pas mieux que lui , rédigèrent toutes les propo-
sitions , fut géue'ralement attribuée à Diderot. M^-
rnoiie.i sur Diderot I, 60,
I
(•/) U n'y
i -après.
eut ([ue deu3 d'itnprtnjoes.
YVO
dont il était trop facile de deviner le
motif, ne put lui mériter la confian-
ce du prc'lat. Toujours suspect à ses
confrères , il venait de mettre au jour
le troisième volume de ses Discours
SUT' l'histoire ecclésiastique , lors-
qu'on lui ota son censeur ; et l'arche-
vcque, en s'opposant à la publica-
tion du reste de l'ouvrage, refusa de
lui faire connaître les causes de sa
détermination {Mémoires secrets de
Bachaumont, iv, i6). L'abbe Yvon
avait obtenu cependant un canonicat
de la cathédrale de Coulances et le
titre d'historiographe de M. le comte
d'Artois. Il passa les dernières an-
nées de sa vie dans la retraite et l'obs-
curité, et mourut vers 1790. Aucun
de ses ouvrages ne lui a survécu. Les
principaux sont : I. Liberté de cons-
cience resserrée dans ses homes lé-
gitimes ^ Londres ( Paris) , 1 754-55,
3 part, in - 8». IL Lettres à M.
Rousseau pour servir de réponse à
sa lettre contre le mandement de
l'archevêque de Paris, Amsterdam
(Paris), 1763, in-S-^. L'abbé Yvon
promettait quinze Lettres ; mais ce
volume, le seul qui ait paru, n'en
contient que deux. III. Discours gé-
néraux et raisonnes sur Vhistoire
de l'Eglise, Amsterdam (Paris),
1768, 3 vol. in- 12. L'ouvrage de-
vait ei\SiVO\vào\ne.YS[. Accord de la
philosophie avec la religion , prouvé
par une suite de discours relatifs à
treize époques , Paris , 1776, in- 1 'i .
Ce volume ne contient que le dis-
cours préliminaire. L'abbé Sabatier
en avait conchi que l'ouvrage serait
plus propre à augmenter qu'à dimi-
nuer le nombre des incrédules ( V ,
les Trois siècles de la littérature ).
V. Histoire philosophique de la re-
ligion , Liège, 1779, 'i- vol. in-8^\ •
Paris, i"}^!, 17^5, même format.
C'est une réimpression , avec quelques
YVO
553
cbangements ;, de ses Discours sur
Vhistoire de V Eglise. W — s.
YVON ( Pierre - Christophe ) ,
médecin, né à Ballon près du Mans ,
le 25 déc. ï 7 19, fit d'excellentes étu-
des à l'Oratoire de cette ville. Quand
il fut arrivé à l'âge de 18 ans ^ sa
mère lui fit part du désir qu'elle avait
de le voir embrasser l'état ecclésias-
tique. Ce désir était un ordre pour
lui. Il entra à l'Oratoire, mais avec
la résolution tacite de n'y point faire
de vœux. Peu de temps après ^ il fut
envoyé à la maison de Juilly , où pen-
dant plusieurs années il fut régent de
différentes classes. Ses élèves et ses
supérieurs le cliérissaient et l'esti-
maient. Néanmoins sa position n'é-
tait pas celle qu'il eût choisie. A l'âge
de vingt-cinq ans , il perdit sa mère ,
quitta l'Oratoire, et vint à Paris,
pour y étudier la médecine. Il s'était
muni de recommandations pour Bou-
vart et Poissonnier, qui prirent à lui
un intérêt paternel. Après trois ans
d'études et de travaux, il fut reçu
docteur à Reims. Il se maria , et
eut en peu d'années une nombreuse
famille. Le besoin d'augmenter sa
fortime et un désir bien naturel cliez
tout homme instruit lui firent sou-
haiter de se rapprocher du centre
des lumières^ et de se fixer à Paris ^
ou du moins le plus près possible
de la capitale. Il écrivit donc sur
ce sujet à Lemonier, qui, après
avoir été son maître à l'école de
médecine, était resté son ami. Le-
monier occupait alors , à Saint-
Germain-en-Laye , la place de mé-
decin du roi. Obligé, en 1757, de
faire un voyage qui devait durer
deux ans , il proposa à Yvon de
le remplacer pendant son absen-
ce. Cette offre fut acceptée avec em-
pressement. A cette époque (1757),
la place de médecin de l'abbaye roya-
554 YVO
le de Poissi devint vacante j Yvon
l'obtint. Il pouvait facilement venir
à Saint-Germain , visiter les malades
dont il avait la confiance. En 1 778 ,
il s'y fixa tout - à - fait j et jusqu'en
l8ii , c'est-à-dire, jusqu'à l'âge de
quatre-vingt-onze ans , il y a rempli
sa profession avec honneur et désin-
téressement. Loin de tenir aux vieil-
les routines de la médecine, il cher-
chait et accueillait avec empresse-
ment tout ce que les découvertes nou-
velles pouvaient y apporter de chan-
gements heureux. Ainsi nul plus que
lui ne fut propagateur de l'inocula-
tion d'abord j et ensuite de la vacci-
ne. Il avait horreur du charlatanis-
me, et le poursuivait de tous ses
moyens. Le magnétisme surtout lui
semblait une ridicule jonglerie; et il
manifesta , à cet égard , son opinion
dans toutes les circonstances. Une de
ses qualités dominantes était la bien-
faisance. Ce qu'il recevait des riches
appartenait toujours aux pauvres 5 et
il avait pour ceux-ci un compte ou-
vert chez le pharmacien , le boulan-
ger, le boucher et le marchand de
bois. Il donnait des cartes pour
eux aux pauvres familles qu'il
visitait ; et chaque mois il sol-
dait ces cartes. Enfin il s'était fait
une loi de ne jamais recevoir d'ar-
gent d'un ouvrier malade. Cette bien-
faisance ne fut pas perdue pour lui.
Un des coryphées du club de Saint-
Germain l'ayant dénoncé, en 1793,
comme un aristocrate, la dénon-
ciation fut repoussée par toute l'as-
semblée; et le docteur Yvon n'eut
plus aucun risque à courir pendant
tout le cours de la révolution. Il
mourut à Saint-Germain^ le i5 mars
i8i4. On a de lui un grand nom-
bre d'articles remarquables , insérés
dans le Journal de médecine.
D— G— T.
Y-YN
Y-YN , Tun des plus grands hom-
mes d'état qu'ait eus la Chine , na-
quit vers l'an 1770 avant J.-C. , et
fut d'abord premier ministre de l'em-
pereur Tching-thang. Il eut une
grande part aux sages mesures que
sut adopter ce prince dans les cala-
mités quialfligèrentune partie de son
règne , et ce fut par les conseils et les
soins de ce ministre que son em-
pire fut mis pour long - temps à
l'abri des horreurs de la famine.
Lorsqu'il mourut en l'année 1758
avant J.-C. (la quarante -cinquième
année Wou-chin du 11^. cycle), le
ministre Y-yn sut, par de sages me-
sures et l'ascendant de son éloquence
sur les grands, faire nommer empe-
reur son petit-fils Taï-lda , avant
même que les funérailles fussent ache-
vées. 11 continua sous ce nouveau rè-
gne les mêmes fonctions , et donna
d'excellents avis au jeune souverain^
mais de jeunes débauchés s'étant em-
parés de l'esprit de ce prince, il s'a-
bandonna sans réserve à toutes ses
passions, et le ministre Y-yn fit pen-
dant deux ans d'inutiles eflbits pour
le rappeler à la vertu. Enfin ses ex-
hortations eurent un plein succès.
Craignant alors de voir retomber
l'empereur dans ses premiers écarts,
et voulant l'affermir dans ses nou-
velles dispositions en l'éloignant de
toutes les causes de séduction , il
l'engagea à se rendre avec lui dans
un palais qu'il avait fait bâtir près
du tombeau de Tching-thang j et il
lui fit prendre la résolution d'y rester
pendant trois ans pour remplir le
temps du deuil prescrit après la mort
de chaque empereur. L'ayant ensuite
ramené dans sa capitale , il voulut se
démettre de ses hautes fonctions ^ et
demanda sa retraite avec beaucoup
d'instances ; mais Taï-kia la refusa
constamment • et forcé de rester au
I
Y-YN
ministère , Y-yn redoubla de zèle et
rendit le règne de cet empereur, qui du-
ra trente-trois ans, l'un des plus heu-
reux et des plus brillants de la dy-
nastie des Chang. En même temps
qu'il tenait avec tant d'habileté les
rênes du gouvernement , Y -yn donnait
ses soins à l'éducation de Wouting ,
fils de l'empereur , et il réussit à en
faire un prince digne en tout point de
son père. Lorsqu'il lui eut succède ,
le ministre , parvenu à un Age très-
avancé, ne put obtenir la permission
YZZ 555
de se retirer qu'en donnant au nou-
veau souverain un homme de son
choix • et il alla finir dans la retraite
son honorable carrière qu'il poussa
jusqu'à l'âge de cent ans. — Son fils
Y-tchi , qui lui succéda dans le mi-
nistère , se distingua aussi par ses
vertus et par son habileté dans les
affaires. Z.
YZARN. Foj. IsARN , au Sup-
plément.
YZZ-EDDIN (Ebn el Athir ).
F, Ibn al Atsyr.
FIN DU CINQUANTE-UNIEME VOLUME.
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et Blogniphlt unlrwaellt,
2*3 ancienn» et moderne
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t. 51
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